1Envisagée comme une machine électorale, toute formation politique suscite invariablement des réflexions sur les modalités de désignation de ses candidats lors des différentes échéances électorales, sur la mobilisation des soutiens dont elle peut se prévaloir et sur les logiques d’alliances qu’elle est susceptible de mettre en place1. La présente contribution, en s’inscrivant dans l’analyse de la candidature, a pour objet de s’arrêter avant tout sur le candidat lui-même, sur les éléments auxquels il doit faire face lors de cette étape particulière que représente la préparation et la gestion du passage devant l’électeur.

2Basées sur une expérience personnelle, celle d’une candidature lors des élections législatives de mai-juin 1997 dans la 20^e circonscription du Nord2 sous l’étiquette de la majorité sortante, les réflexions qui vont suivre sont celles qu’un politologue cherche à porter sur sa propre histoire. En tentant d’échapper à une auto-psychanalyse dont l’objectif serait un jugement normatif a posteriori des différentes étapes de cette candidature, l’enjeu de ces lignes est de mettre en avant certains phénomènes rencontrés qui peuvent permettre de mieux comprendre le déroulement d’une campagne.

3Enfin, et il s’agira de la dernière limite apportée à ce travail, il apparaît clairement que les éléments qui vont suivre concernent avant tout une candidature bien spécifique dont les caractéristiques ont donc un caractère éminemment particulier. Néanmoins, à partir de ces lignes, des pistes de recherche intéressantes pourront apparaître sur les conditions d’exercice de la fonction de candidat et les inévitables inégalités existantes entre les compétiteurs.

I – Gérer l’acceptation de la candidature

4Les procédures de sélection des candidats ne répondent, en France, à aucune réglementation spécifique si ce n’est celle relative aux conditions d’éligibilité. Dès lors, les formations politiques sont totalement libres de gérer comme elles l’entendent cet aspect important de leur activité. Les modalités d’investiture, dans l’ensemble RPR-UDF, apparaissent relativement complexes et soumises à de nombreuses interférences qu’il est nécessaire de prendre en compte3. Lorsque le candidat est issu de l’UDF, comme ce fut mon cas, la procédure démarre au sein de sa composante d’origine.

5La sélection des candidats issus des composantes au sein de la confédération UDF répond à un certain nombre de critères4 alliant le poids de chacune des composantes au sein des fédérations départementales à une relative proportionnalité au niveau national prenant en compte l’importance relative de chaque formation membre de la confédération. La première étape se déroule donc au sein même de l’UDF où des arbitrages sont effectués afin de déterminer une liste de candidats pour la quasi totalité des circonscriptions. Notons, de plus, qu’une concurrence accrue s’est développée lors des dernières échéances législatives. Les candidatures dans des circonscriptions réputées imprenables ont revêtu une importance inhabituelle du fait des nouvelles réglementations qui régissent le financement public des formations politiques. En effet, les voix recueillies lors du premier tour sont intégrées dans le calcul de la dotation accordée par l’Etat aux différents partis politiques. Le nombre total de candidats est donc désormais fondamental pour les différents partis politiques puisqu’il influencera pour le temps de la législature les moyens financiers dont ils disposeront.

6Après l’étape interne à l’UDF, et dans une logique de candidature unique entre RPR et UDF telle qu’elle existe depuis le début des années 80, c’est donc une négociation entre ces deux formations qui est entamée afin d’arriver à l’établissement d’une seule liste de candidatures pour ces deux partis. Inévitablement, une telle procédure, influencée par des critères communs à tous les partis tels la présence de sortants ou de notables locaux particulièrement bien implantés, laisse apparaître un certain nombre de déçus chez les candidats potentiels.

7Lorsque ne se dégage aucune candidature incontournable au sein d’une circonscription, comme ce fut le cas dans la 20^e circonscription du Nord, le choix imposé à la base par les instances politiques centrales peut rencontrer une certaine animosité locale.

Annonce de la candidature et implications partisanes

8Dans la 20^e circonscription du Nord, détenue par un communiste depuis près de 20 ans, le candidat RPR/UDF de 1993, conseiller régional UDF et vice-président du Conseil Général, avait décidé de ne pas se représenter. Dès lors, aucune candidature ne semblait se dégager spontanément. Une concurrence locale s’est donc mise en place entre une représentante du RPR, maire d’une petite commune de la circonscription, et ma propre candidature basée sur une logique tant locale que partisane puisque je suis à la fois maire-adjoint de l’une des communes de la circonscription et membre des instances centrales du Parti Radical, composante de l’UDF.

9L’annonce de mon investiture au détriment de la candidate RPR a de facto entraîné une crispation locale forte entre les deux formations et débouché sur l’annonce d’une candidature dissidente de la part du RPR local bien que les instances fédérales du mouvement gaulliste avaient officialisé ma candidature. Dès lors, la presse locale s’étant bien entendu emparée de la situation de conflit, les premiers jours de la campagne ont été consacrés à des tentatives de règlement du problème. En conséquence, l’objet initial d’une campagne électorale que représente le dialogue avec les électeurs a été compromis dans son efficacité puisque momentanément relégué au second plan.

10Deux éléments principaux, au delà des antagonismes traditionnels qui existent entre le RPR et l’UDF, permettent d’expliquer l’apparition de cette dissidence. Il s’agit tout d’abord d’une réaction émotionnelle de la part d’une candidate potentielle qui voyait dans cette investiture une consécration partisane qu’elle estimait méritée au vu d’un travail politique local important qui l’avait amenée à conquérir la mairie de sa commune en 1989.

11Le second élément qui peut expliquer l’annonce de la dissidence ressort de la juxtaposition des territoires électoraux. En effet, la commune de la candidate dissidente est intégrée dans le canton de Saint-Amand rive gauche dont l’actuel conseiller général, Georges Donnez (ancien maire UDF de Saint-Amand), ne devrait pas se représenter lors du renouvellement de ce canton. Dès lors, l’investiture législative du maire RPR de Thun Saint-Amand aurait naturellement constitué une première étape dans l’optique des prochaines élections cantonales. C’est donc une lecture mêlant les différentes échéances électorales qui permet de mieux comprendre les comportements propres de chacun des acteurs politiques de la circonscription.

12Cet élément permet notamment de saisir les raisons du soutien apporté par Jean-Louis Borloo, député-maire UDF de Valenciennes, à la dissidente RPR. En effet, ce dernier visant prioritairement à constituer un réseau d’élus sur l’ensemble de l’arrondissement de Valenciennes, il avait davantage intérêt à appuyer une candidate en mesure de devenir ultérieurement conseillère générale qui lui serait dès lors redevable d’un soutien qu’un candidat n’ayant pas d’ambition cantonale, et ce en dehors de leur appartenance commune à l’UDF. Cette constatation permet de mieux comprendre les différentes pressions effectuées directement ou indirectement par Jean-Louis Borloo à mon égard pour que je retire ma candidature au profit de la dissidente.

13Ayant finalement décidé de maintenir ma candidature, c’est en fin de compte la dissidente RPR qui ne déposa pas la sienne – entre autre pour des raisons de financement de sa propre campagne – et se retira donc de la compétition électorale. Néanmoins, cet épisode laissa des séquelles importantes localement et aboutit à une décision prise officiellement par l’exécutif gaulliste de circonscription de ne pas faire campagne pour le candidat investi non moins officiellement par le RPR et l’UDF.

14Ce rappel des circonstances fait apparaître un certain nombre de questions relatives à l’indépendance des instances décentralisées par rapport aux instances nationales, voire même par rapport aux instances fédérales, des formations politiques ainsi qu’à l’importance des logiques locales lors de scrutins qui relèvent de manière incontestable d’une démarche nationale. Il apparaît également à travers ces quelques éléments que les relations entre le RPR et l’UDF, ainsi d’ailleurs que celles qui existent au sein d’une seule et même formation, relèvent parfois pour beaucoup de stratégies et d’enjeux locaux dont seule la maîtrise permet d’affiner la compréhension. De même, la complexité des enjeux et des réseaux locaux rejaillit inévitablement sur la détermination et l’efficacité de la campagne des différents candidats.

Impact de la mauvaise réception de la candidature

15L’accueil défavorable réservé localement à ma candidature a, en effet, eu des impacts importants sur ma campagne électorale.

16L’affrontement interne au RPR et à l’UDF en début de campagne, a d’abord eu des conséquences sur le choix du suppléant. En effet, lorsque les instances centrales des deux formations avaient acté l’investiture d’un candidat issu de l’UDF, le mouvement gaulliste avait exigé qu’en contrepartie le suppléant soit issu du RPR. Or, les cadres gaullistes locaux ayant officiellement décidé de ne pas faire ma campagne, je me retrouvais dans une situation difficile puisque je devais désigner un suppléant RPR qui se retrouverait immédiatement en opposition avec ses propres dirigeants locaux. Décision fut donc prise d’en appeler aux responsables fédéraux du mouvement gaulliste afin de minimiser les antagonismes locaux. Malgré cela, le suppléant choisi s’est retrouvé au centre d’une polémique quant à son appartenance effective au mouvement gaulliste orchestrée par les responsables de circonscription du RPR.

17La succession de ces différents conflits locaux au sein du RPR et de l’UDF, relayés par la presse locale, a eu des conséquences directes sur la mobilisation des militants et sympathisants de l’ancienne majorité. Ces derniers, face à un candidat UDF également investi par le RPR et une dissidente temporaire RPR, refusant tout comme son exécutif local de participer à la campagne électorale, ont naturellement été confrontés à une situation qui devenait de jour en jour plus complexe à saisir. Dès lors, l’implication dans la campagne a été plus que limitée pour grand nombre de militants ou sympathisants qui, en temps normal, font un travail important en période électorale.

18Ce faible engagement militant a eu deux effets sur le déroulement de la campagne. Le premier concerne la distribution de tracts. Les supports de campagne que sont les tracts, même si leur impact réel sur l’électorat n’est pas clairement établi et alors que leur existence même est en théorie interdite en période de campagne, manifestent la présence du candidat sur le terrain. Le recours à une société de tractage étant également interdite à partir de l’ouverture de la campagne officielle, seule une distribution de ces tracts de la main à la main par les militants ou sympathisants est autorisée. Or, l’implication mitigée des militants, qui ne sont d’ailleurs pas légion dans les formations politiques de l’ancienne majorité et encore moins au sein de l’UDF, s’étant fait sentir lors de cette campagne, du fait des ambiguïtés initiales, c’est l’impact du candidat sur le terrain qui a partiellement fait défaut. Le relais important que représentent les militants a largement fait défaut lors de cette campagne.

19Seconde conséquence du manque d’engagement militant, la difficulté de couvrir la totalité des bureaux de vote le jour de l’élection. Selon l’article R-44 du code électoral, le candidat doit désigner des assesseurs et des délégués le représentant dans les bureaux de vote. Ceux-ci lui permettent d’être présent, par personne interposée, dans l’ensemble des bureaux de vote de la circonscription. Cet aspect de la candidature, qui peut n’apparaître qu’accessoire, permet notamment de juger de la capacité de mobilisation d’un candidat tout autant qu’il facilite la surveillance des opérations de vote. Dans le cas de la 20^e circonscription, la désignation des délégués, délégués suppléants, assesseurs et assesseurs suppléants nécessitait la mobilisation de 160 personnes. La réalité de l’engagement militant n’a finalement permis de compter que sur le cinquième des personnes nécessaires pour une couverture parfaite de l’ensemble des bureaux de vote.

20La place occupée par le militantisme varie selon les formations politiques et il est évident que les formations de la droite traditionnelle ne sont pas celles qui accordent le plus d’attention à ce phénomène. Néanmoins, il faut remarquer que dans le cadre d’une échéance électorale, celui-ci reprend un peu plus d’importance. Le déficit flagrant constaté dans le cas qui nous occupe a réellement eu un impact sur le manque de dynamique d’une campagne qui n’a jamais vraiment su décoller. Aucune responsabilité n’est naturellement à écarter.

21Les éléments politiques que nous venons d’aborder sont incontestablement ceux qui ont le plus marqué la campagne dans la 20^e circonscription. Ils ont nécessité un investissement important pour tenter de résoudre les différents conflits et d’améliorer l’image qu’ils ont pu véhiculer dans l’opinion publique. Il convient à ce stade de poursuivre l’analyse par un examen des aspects plus techniques de la campagne mais néanmoins tout aussi importants.

II – Gérer la campagne électorale

22Entrer en campagne électorale implique aussi, de la part du candidat, de gérer au quotidien des problèmes d’ordre technique, matériel ou financier allant du financement à la recherche d’un local par exemple.

Aspects techniques, matériels et financiers

23Chronologiquement, le premier élément pratique qui intervient dès le début de la campagne, et qui marque également un déséquilibre entre les candidats, est celui du financement. La nouvelle réglementation en la matière, qui se veut plus stricte, impose un plafond des dépenses et des modalités particulières quant à la récolte de fonds. En l’occurrence, le financement de ma campagne a été basé, conformément à une décision prise par le Parti Radical pour l’ensemble de ses candidats, sur une répartition entre un apport personnel couvrant 50 % du budget global et une dotation identique du parti représentant l’autre moitié des ressources financières5. Il apparaît dès lors que l’appartenance à un parti politique relevant du financement public est incontestablement un avantage pour le candidat car sa formation d’origine est en mesure de participer de manière conséquente à son financement. De même, l’appartenance à une telle formation facilite l’accord d’un prêt personnel par un organisme financier. Etre candidat UDF-RPR lors d’une élection législative implique dans l’esprit des banquiers une certitude quant au fait que le bénéficiaire du prêt dépassera la barre fatidique des 5 % des suffrages exprimés et sera donc remboursé de ses frais de campagne par l’Etat. Cet élément marque, lui aussi, un réel déséquilibre entre les candidats. Les dissidences ou les « petites » candidatures apparaissent moins « sures » aux yeux des organismes financiers et leurs représentants connaissent plus de difficultés à se voir accorder un prêt. Le fait est que dans mon cas personnel absolument aucune garantie ne m’a été demandée pour bénéficier d’un prêt représentant pourtant 120 000 francs.

24Le second point à mettre en place lorsque l’investiture est accordée est l’équipe de campagne. Celle-ci, généralement encadrée par un directeur de campagne, se doit d’assister le candidat pour toute la période de campagne et de le suppléer dans certaines tâches afin qu’il se consacre à l’essentiel. Dans le cas de l’expérience ici relatée, les conditions de départ et l’animosité développée par une frange des responsables politiques locaux ont interféré directement sur la composition de l’équipe de campagne qui n’a pu réellement compter sur toutes les compétences qu’elle aurait idéalement souhaité fédérer. C’est donc une équipe réduite basée sur un noyau dur de six personnes qui a été mise en place.

25De manière plus pratique, engager la campagne implique également de trouver un local qui, selon le guide du candidat fourni par l’UDF, doit permettre un accueil courtois et efficace, comporter des plantes vertes et des cendriers ainsi que des chaises avec sur une table les différents documents de campagne… 6. Lieu stratégique de la campagne, il permet d’accueillir les personnes désirant entrer en contact avec le candidat, recevoir le courrier d’associations, de syndicats ou de différents groupes de pression traditionnellement envoyé à chaque candidat et de réunir quotidiennement le staff de campagne. L’objet n’étant pas ici de faire la liste des différentes activités s’étant déroulées dans ce local, nous nous arrêterons avant tout sur la difficulté de trouver un lieu pouvant servir de permanence électorale. La logique, dans le cadre d’une élection législative est, dans la mesure du possible, de situer le local du candidat dans la ville la plus importante de la circonscription, celle qui draine le plus grand nombre de personnes, et donc d’électeurs. Dans mon cas, c’est donc à Saint-Amand, principale ville de la 20^e circonscription, que devait être située la permanence. Or, il s’agit de la ville dirigée par le député sortant. Pour des raisons de visibilité, l’objectif était de trouver un local de type commercial, avec vitrine, situé en centre-ville. Si des locaux de ce type étaient bien disponibles, la difficulté a été de convaincre les propriétaires de les louer. C’est en effet une série de refus, généralement motivés par la crainte des commerçants de s’afficher en opposition au député-maire sortant en acceptant de louer un local à l’un de ses concurrents, qui a marqué le début de la recherche. La seule hypothèse qui s’est finalement avérée envisageable, et qui a d’ailleurs été retenue, fut de louer un local relativement excentré appartenant à un propriétaire n’habitant pas la circonscription. Cet exemple, l’ouverture d’une permanence de campagne, illustre parfaitement le déséquilibre existant entre les différents candidats sur des aspects qui apparaissent pourtant secondaires.

26Enfin l’appartenance à une formation politique importante facilite le déroulement d’une campagne du point de vue de l’aide, notamment juridique, qui est apportée par le parti. Qu’il s’agisse des éléments de choix entre un mandataire financier ou une association de financement ou encore de toute question sur la légalité de ses propres actes ou de ceux des autres candidats, l’existence d’une forte structure centrale au service des candidats du parti pour répondre immédiatement à chacune des sollicitations se révèle un avantage réel dont tous les candidats ne peuvent bénéficier.

Calendrier et support de campagne

27Mener une campagne passe naturellement par la mise en place d’un certain nombre de supports de communication. Qu’il s’agisse des tracts, de la profession de foi, des bulletins électoraux ou encore des affiches, ces différents éléments sont bien évidemment incontournables et monopolisent une part importante du temps du candidat et de son équipe. Sans revenir sur les modes de rédaction, qui sont développés dans des ouvrages de communication, il faut tout de même noter que les circonstances de la candidature, que nous avons déjà évoquées, ainsi que la situation politique locale ont une part qu’il ne faut pas négliger dans la stratégie rédactionnelle.

28Une remarque similaire pourrait être formulée au sujet de la détermination de l’agenda de campagne dont une partie est directement imprégnée des effets ressentis lors de la présentation de la candidature et de la réceptivité de certaines zones. Enfin, l’élément important que représentent les relations avec la presse est encore plus empreint de l’ambiance qui entoure la candidature. Dans le cas précis de la 20^e circonscription, les principaux centres d’intérêt de la presse furent, comme c’est généralement le cas, les querelles locales internes à l’ancienne majorité au détriment des aspects programmatiques.

III – Leçons d’une candidature

29L’expérience particulièrement enrichissante que représente une candidature lors d’élections législatives laisse naturellement des traces. La première d’entre elles est incontestablement le résultat. Même si dans mon cas la réélection du député sortant ne faisait aucun doute, il est clair que le jour de l’élection est marqué par une réelle nervosité quant au chiffre qui tombera en fin de journée et qui influera tant la poursuite éventuelle d’une carrière politique que le bilan qu’il faudra bien tirer de son propre travail de campagne. En l’occurrence, ce chiffre fatidique fut celui de 13,57 % des suffrages exprimés, ce qui, tout en s’inscrivant dans la baisse moyenne départementale des candidats RPR/UDF, sonnait le glas d’une éventuelle participation au second tour de scrutin. Néanmoins le second chiffre, celui des 7013 électeurs qui ont mis votre bulletin de vote dans l’urne résonne quant à lui différemment. Même s’il ne s’agit que d’une part minoritaire de l’électorat de la circonscription, ce serait faire preuve de fausse pudeur que de nier une relative satisfaction, certainement narcissique mais il s’agit après tout d’un sentiment particulièrement développé dans le milieu politique, de savoir qu’un nombre important d’électrices et d’électeurs vous ont choisi et vous ont même classé premier dans certaines communes.

30Les différents enseignements qu’il faut tirer de la campagne tournent essentiellement autour du sentiment d’inégalité qui existe entre les candidats. La vie démocratique se nourrit de la certitude que l’élection représente un dialogue égalitaire entre des représentants de différentes orientations politiques et les électeurs, ces derniers finissant par trancher la compétition en un ou deux dimanche. La réalité apparaît toute autre. Les règles du jeu politique sont en réalité déséquilibrées et les différents candidats ne disposent pas des mêmes ressources.

31Le premier déséquilibre, et certainement le plus flagrant, est celui qui existe entre le candidat sortant et l’ensemble des autres candidats. En effet, celui qui se présente pour sa réélection dispose d’une implantation plus ancienne qui lui a permis d’user, le plus souvent à bon escient, de la maîtrise des dossiers et des avantages que procure un contact direct avec les représentants de l’Etat. Plus concrètement, les interventions d’un député dans les affaires de sa circonscription, le suivi des dossiers et l’aide qu’il peut apporter, grâce notamment au travail de ses attachés parlementaires, aux habitants de sa circonscription, sont un élément favorable dont ne disposent pas les autres candidats lors de l’élection. Cet aspect, paradoxal si l’on veut bien se souvenir que le député est l’élu de la nation et que, dans l’absolu, il ne devrait pas avoir de lien direct avec une base territoriale, est une des conséquences du caractère uninominal du scrutin majoritaire.

32Le second déséquilibre qui m’est apparu résulte de l’opposition notable/non notable. Même si des liens évidents apparaissent avec le point précédent, il faut cependant le prendre en compte au delà du simple député sortant. Le caractère notabiliaire d’un candidat, c’est-à-dire une implantation politique de longue date et des liens privilégiés avec les milieux socioprofessionnels locaux, lui permet de bénéficier d’un réseau de sociabilité qu’il est en mesure de mobiliser au moment de l’élection. L’absence d’un réseau de ce type est un inconvénient majeur. La reconnaissance médiatique de la qualité de notable d’un candidat, ce qui fut le cas autour d’Alain Bocquet, ne fait naturellement qu’amplifier ce mouvement. Dans la situation d’un candidat relativement jeune, comme ce fut mon cas, le déficit de notabilité, certes relativisé au regard du poste de maire-adjoint que j’occupe, joue sur la mobilisation des soutiens. Les circonstances initiales de la campagne ne m’ont de surcroît pas permis de bénéficier des réseaux de mes partenaires politiques qui s’étaient dégagés de ma campagne.

33Le troisième déséquilibre que j’ai pu constater est directement lié à un décalage résultant de l’écart entre les soutiens militants. Comme cela a été évoqué précédemment, certaines activités de la campagne sont basées sur la capacité de démontrer une mobilisation forte aux cotés du candidat. En l’occurrence, face à une présence communiste bien organisée dans la circonscription et constituée d’un réseau militant important, la faiblesse militante du Parti Radical, qui n’est d’ailleurs pas compensée en la matière par le militantisme RPR ou UDF, apparaît comme un handicap réel, d’autant plus que j’avais été privé de l’appui du RPR dans cette campagne. Appartenir à une formation politique qui ne fait pas partie des grandes formations, bien qu’elle appartienne à la majorité présidentielle, est une situation qui peut limiter votre impact dans une campagne. La notion de parti dominant, au niveau national ou au niveau local, reprend ici tout son poids.

34Le dernier élément qui a incontestablement joué lors de cette échéance est le caractère spécifique de cette élection liée à une dissolution de l’ Assemblée nationale. Sans revenir sur la difficulté qu’ont eu les électeurs à comprendre le pourquoi de cette dissolution et l’inévitable sentiment d’à peu près qui a entouré la décision présidentielle, la dissolution, dans la 20^e circonscription, a eu pour effet de handicaper un peu plus les candidats s’opposant au député communiste sortant. Ayant été réélu en 1993 alors même que le RPR et l’UDF gagnaient ces élections, le président du groupe parlementaire communiste apparaissait comme un candidat particulièrement bien implanté. Les différents déséquilibres que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ne sont pas totalement incontournables lors d’une élection traditionnelle. Il apparaît en effet possible, lorsque le temps vous est donné, de palier certains aspects a priori négatifs par une bonne campagne électorale. Sans surestimer l’effet des campagnes sur les résultats électoraux, celles-ci permettent tout de même de repositionner le candidat en lui donnant le temps de gérer au mieux les différentes étapes de la période préélectorale. L’exemple le plus précis est naturellement celui de la mise en place de réseaux de soutien. Dans le cadre de l’élection de 1997, l’aspect précipité lié à une configuration de dissolution n’a pas permis de réagir au mieux face aux différents déséquilibres constatés. La marge relative dont peut disposer un candidat, à partir de son travail de terrain, dans le cadre d’une élection nationale a été considérablement réduite par l’effet dissolution. La nationalisation quasi absolue du scrutin, en défaveur de la majorité sortante, a donc paradoxalement joué en faveur de la gauche, alors même que la décision émanait de la majorité RPR/UDF. Ce sont donc les candidats RPR/UDF se présentant contre des députés sortants de gauche qui ont le plus pâti de cette situation de précipitation. Rétrospectivement, pour un candidat RPR/UDF, affronter un candidat sortant PC ou PS en 1997 apparaît comme étant une mission impossible.

35Finalement cette échéance aura surtout été une expérience permettant d’avoir une connaissance plus précise de l’organisation d’une campagne, du fonctionnement des logiques locales et bien entendu une préparation grandeur nature pour d’autres échéances électorales.