La clandestinité et son double (à propos des relations d’Amir Sjarifuddin avec le communisme indonésien)
p. 223-246
Texte intégral
Notre héritage n’est précédé d’aucun testament.
René Char : Feuillets d’Hypnos, 62
(Paris, 1946).
1Amir Sjarifuddin est resté d’abord dix-huit mois dans les prisons du gouverneur général Bonifacius Cornelis de Jonge, bulldozer de l’ultracolonialisme hollandais, mais il avait encore pu, la veille-même de son arrestation, passer l’examen final de sa licence en droit.
2Les Japonais plus tard l’arrêteront aussi, et le condamnent à mort, et si après intervention de Sukarno, qui gouvernait alors ce qu’il pouvait d’autonomie indonésienne dans le réseau serré de l’occupation, ils renoncent à l’exécuter, ils ne seront pas privés de le torturer jusqu’à l’extrême limite de la mort tout au long des trente trois mois qu’ils le tiennent. Le seigneur de la guerre Gatot Subroto, baron javanais, et commandant militaire de la région Java centre, pratiquement tout ce qui subsiste d’Indonésie indépendante après l’offensive générale hollandaise de juillet 1947, lui n’hésitera pas : le 19 décembre 1948, à minuit, alors que depuis le matin les parachutistes hollandais, dans le cadre d’une nouvelle offensive générale, déferlent sur la région sans rencontrer guère plus de résistance que dix-huit mois auparavant, Amir, détenu comme rebelle depuis le 30 novembre, est liquidé, abattu le premier de onze dirigeants et militants communistes hâtivement extraits de la prison de Solo pour qu’ils n’aient aucune chance de s’en tirer en profitant de la panique, et dont on retrouvera les cadavres quelque deux ans plus tard, dans une fosse commune, à une dizaine de kilomètres de là1.
3Gabot Subroto, d’un aussi haut fait d’armes (et de deux ou trois autres, en 1950 l’interdiction, comme au temps de la colonisation et de l’occupation, d’un droit de grève arraché de haute lutte en 1945 par les ouvriers indonésiens, en 1952, la participation, en tant que commandant de la 7e région militaire, à Makassar, à la conjuration de type « boulangiste » qui culmine dans la manifestation du 17 octobre) sera promu chef d’état major adjoint de l’armée et, à sa mort, en 1962, pahlawan national, héros, proclamé par décret, de la nation ; il n’y a guère de ville indonésienne qui ne possède une avenue à son nom.
4Celui d’Amir a disparu dans une pénombre hostile. Depuis quelques années, pourtant, certains cercles protestants, qui osent admettre en lui le seul véritable homme d’Etat que le protestantisme ait fourni à l’Indonésie, et tiennent, comme protestants, à ce que ce protestant soit reconnu comme l’un des fondateurs de l’Indonésie indépendante, voire le fondateur d’une autre Indonésie, comme lui assassinée, essaient de le récupérer, en lui arrachant son identification au communisme maudit2, égratignant le silence de mort que de leur côté les universitaires d’ici et de là-bas, si friands pourtant d’enquêtes biographiques, ont jusqu’ici remarquablement respecté.
I
5Le nom d’Amir Sjarifuddin avait été de ceux le plus souvent prononcés dans les assemblées de jeunes militants dont la pression finira par arracher à Sukarno et Hatta, figures de proue de la génération précédente et chefs nominaux de l’appareil politico-administratif indigène mis en place à Java sous le contrôle des Japonais, la déclaration à Jakarta, le 17 août 1945, en une discrète cérémonie, de l’indépendance indonésienne. A ces deux hommes usés parce que compromis avec les vaincus, la nouvelle génération entendait aussi imposer, voire opposer, ceux qui, si peu nombreux, avaient choisi la résistance.
6Amir, ainsi, de sa condamnation à mort hérite le ministère de l’information du premier gouvernement de la République Indonésienne3, mais plus d’un mois encore dans la prison de Malang, les Japonais qui le gardent ne doivent se rendre qu’aux troupes alliées, elles débarqueront le 29 septembre, et les autorités indonésiennes en place semblent avoir d’autres priorités que la libération des prisonniers politiques, viennent-ils d’être nommés ministres, le 3 octobre enfin en gare de Jakarta, où la foule se presse4...
Mes parents sont originaires de Tapanuli [au nord-ouest de Sumatra], mais je suis né à Medan, en 1907, aîné de 7 enfants, quatre garçons et trois filles. Je suis allé à l’école primaire pour Européens, à Medan, pendant deux ans, puis, mes parents retournant en Tapanuli, j’ai fini l’école primaire à Sibolga.
A 14 ans, en 1921, je suis parti aux Pays-Bas étudier au gymnase, à Leyde d’abord, à Haarlem ensuite ; c’est là que j’ai commencé à apprendre et à aimer les lettres et la philosophie. Je réussis l’examen final en 1927 et je rentre alors à Jakarta où je m’inscris à l’Ecole Supérieure de Droit. C’est en deuxième année de droit que j’ai découvert la politique en adhérant en 1928 à l’Amicale des Etudiants Indonésiens (Perhimpunan Pelajar Pelajar
Indonesia) et en collaborant à la rédaction de son bulletin, Indonesia Raya. A la même époque je donnais aussi des cours à l’Université Populaire (Perguruan Rakyat) créée par le Parti National Indonésien et j’ai fait connaissance avec les dirigeants du parti.
Je suis amené à participer de plus en plus activement à la politique au sein de l’Amicale des Etudiants, mais surtout lorsqu’après la dissolution du PNI, ses dirigeants à Jakarta me demandent de lancer avec eux un nouveau parti politique, le Parti de l’Indonésie (Panai Indonesia, ou PARTINDO). Je me retrouve dans ce parti chargé de la propagande pour l’ensemble de Java. Du coup je ne lis plus seulement des ouvrages de littérature, mais pour l’essentiel des livres politiques.
Lorsqu’à sa sortie de prison, Sukarno entre au Partindo, nous travaillons ensemble et en 1933 je fais partie avec lui et Sartono du bureau exécutif du parti. A la fin de 1933, je suis inculpé pour un article paru dans Banteng, la revue du Partindo, article considéré comme « incitant à la haine » (haatzaaiend). En décembre 1933, je passe mes derniers examens, et deux jours après, je suis emprisonné, à Jakarta d’abord, puis à Sukamiskin [Bandung]. J’en sors en 1935. Je deviens alors avocat.
Les restrictions du droit de réunion entraînent la fin du Partindo en 1936. Mais quelques amis et moi-même allons poursuivre nos activités et fonder en mai 1937 le Mouvement Populaire Indonésien (Gerakan Rakyat Indonesia, ou GERINDO). Je ne peux pas ensuite participer à sa direction, parce que je dois partir à Sukabumi [à environ 100 km au sud de Jakarta] où je reste un an. Mais au congrès de Palembang, en 1939, je suis nommé président du parti.
En 1940, après le déclenchement de la guerre avec l’Allemagne, je suis de nouveau arrêté, accusé d’actions clandestines (actie rahasia) anti-hollan-daises en liaison avec le Parti Communiste Indonésien. Je suis relâché au bout de huit jours et en octobre de la même année, j’obtiens un emploi au Département des Affaires Economiques, au bureau Exportations de la division Recherche, emploi que je garde jusqu’à l’arrivée des Japonais, en 1942.
Avant l’arrivée des Japonais, j’avais pris en secret des mesures (saja mendjalankan actie rahasia) pour assurer la continuité du mouvement national indonésien en cas d’occupation, continuité qui a été effectivement réalisée pendant tout le temps de la présence japonaise à Java, en collaborant avec ceux qui avaient déjà pris l’habitude de la clandestinité (actie rahasia) sous les Hollandais. Les Japonais m’arrêtent en janvier 1943, me transfèrent à Surabaya où je reste jusqu’à ma condamnation en février 1944. Je suis condamné à mort, mais sur la pression de mes amis, cette peine est commuée en détention perpétuelle.
En octobre 1945, je sors de prison et je peux revoir, après quelque trois ans de séparation, ma femme et mes deux enfants, le troisième, né pendant ma détention, étant mort. Et je prends immédiatement mes fonctions de ministre de l’information [...]5.
7Du tissu chronologique de cette notice autobiographique, ressort une sémiologie des partis politiques selon leur statut de droit.
8D’une part, la succession PNI, Partindo, Gerindo, qui voit un passage progressif d’Amir de la périphérie au centre, des écoles du PNI et du journal de l’amicale des étudiants, sous l’influence de ce parti, au secrétariat à la propagande et à la formation des cadres du Partindo, jusqu’à la présidence du Gerindo : chaîne des avatars d’un parti au fur et à mesure des initiatives de la répression, permanence des équipes à travers des partis relais, structures d’accueil qui se dissolvent d’elles-mêmes pour ne pas être interdites, et disparaissent pour réapparaître autrement, maintenant d’un regroupement à l’autre l’acquis d’organisation et d’expression.
9D’autre part, hors du camp du légal, dont il a été exclu en 1927, le Parti Communiste Indonésien qui incarne, lui, une autre permanence, celle qu’assure à sa manière le fait de n’être plus dépendant des métamorphoses de la loi – permanence du nom dans la succession anonyme des équipes. Parti communiste et clandestinité sont, dans le texte d’Amir, substantiellement associés. Lorsqu’il est accusé d’activités clandestines par les Hollandais, c’est en liaison avec le PC ; lorsqu’il mène des activités clandestines sous les Japonais, c’est avec « ceux qui avaient déjà l’habitude de la clandestinité sous les Hollandais » et qui ne peuvent guère être que ceux qu’il vient de désigner, les communistes, mais cet énoncé prend alors un double sens : explication de l’alliance (action clandestine avec ceux qui en ont déjà l’expérience) et métaphore de l’allié (ceux de la clandestinité), allié qu’on hésite à nommer car la clandestinité de l’organisation a pour corollaire la clandestinité du nom.
10Ni la PNI, ni le Partindo, ni le Gerindo n’apparaissent comme choisissant de survivre dans l’illégalité : ils s’engendrent comme la forme autorisée par le pouvoir d’Etat, et par conséquent aléatoire et transitoire, d’un même courant dont le PC serait la présence illégale, moins l’essence que pourrait signifier le fait qu’il est caché et tabou et qu’en ce secret il perdure, que l’une des modalités, des existences, dans l’ordre de l’invisible.
II
11Le PNI avait été formé en 1927, peu après l’interdiction du PC, pour prendre sa place6 mais avec un autre projet, celui qui consistait à mettre en référence le mot nation, source de l’Etat revendiqué, plutôt que le type d’Etat. Au demeurant l’action du PC s’était elle-même inscrite dans la foulée de l’Association Musulmane, Sarekat Islam, dont les sections passant au communisme se laïcisaient en prenant nom Association Populaire, Sarekat Rakyat. De l’Islam et du peuple, le critère de rassemblement évoluait vers la nation, tout en y absorbant Islam et peuple comme valeurs. Le syncrétisme du mouvement était nécessité par son objectif même : le prolongement et la relève, en donnant au concept identifiant le parti une extension maximun. Sa vocation est de parti pivot, sinon de parti unique.
12Le problème de la continuité de l’institution, et en même temps de sa fonction et de son sens, se pose dès que le 29 décembre 1929, les locaux du PNI sont perquisitionnés, et plusieurs dirigeants, dont le président du Parti, Sukarno, arrêtés. Le 9 janvier suivant, alors que s’amorce un mouvement de débandale des adhérents7, le bureau du parti déclare tout à la fois que le Parti continue, que son journal continue, mais que les sections doivent provisoirement suspendre leurs activités : préserver l’idée en gelant l’organisation. Il ne manquera pas de militants pour dénoncer en cette forme de non-résistance une simple capitulation devant les premières épreuves de la répression.
13Le 22 décembre 1930, Sukarno est condamné à 4 ans de prison, verdict confirmé en appel le 17 avril 1931. Le 25 avril, le PNI se déclare dissous à la suite d’une conférence extraordinaire, menée par Sartono, qui assure l’intérim de Sukarno ; le 29 avril, Sartono annonce la création du Partindo, qui tient sa première réunion publique le 12 juillet suivant8. Le 4 septembre, le Gouverneur Général – dernier geste avant d’achever son mandat –, réduit à 2 ans la peine de Sukarno, qui est en conséquence libéré à la fin de l’année 1931. Le premier congrès du Partindo se déroule en mai 1932 ; c’est au deuxième, en avril 1933, qu’est ratifiée la direction Sukarno Sartono – Amir Sjarifuddin.
14Quant aux groupes qui s’étaient opposés depuis janvier 1930 à la mise en veilleuse du PNI, ils se rassemblent en décembre 1931, à la veille-même de la libération de Sukarno, dans un nouvel organisme, qui récupère, en se donnant le nom Pendidikan Nasional Indonesia, les initiales du PNI, tout en se gardant, avec le mot pendidikan (éducation) de s’affirmer comme parti ; premier congrès en juin 1932. Mais la plupart des sections de l’ancien PNI se transforment en sections du Partindo (72 sections et 14.000 membres au moment du 2e Congrès)9.
15A nouveau arrêté le 1er août 1933, Sukarno laisse les Hollandais diffuser en novembre la nouvelle de sa démission du Partindo ; cette dissolution du lien qui l’unit au Parti vise-t-elle à éviter à l’organisation d’avoir à se dissoudre comme en 1931 ? Elle sera dénoncée de la même manière par ceux-là qui avaient dénoncé en 1931 l’attitude de la direction du PNI10.
16L’affrontement Partindo-Pendidikan s’aggrave du heurt de deux ambitions, Sukarno, Hatta, et de la concurrence entre deux centres, les Pays-Bas et l’Indonésie. L’idée de lancer à la colonie un parti dont le programme s’articulerait autour des concepts d’indépendance, de souveraineté nationale, de démocratie, et d’inscrire dans l’intitulé-même du parti les mots « nation » et « peuple », avait mûri au long des années 20 dans le milieu des étudiants émigrés aux Pays-Bas, dont l’association, Perhimpunan Indonesia, tendait elle-même au parti et se donnait ainsi comme modèle possible du parti recherché. Le rapide démantèlement du PC, dès novembre 1926, précipite les événements, la tentative du président de P. I., Mohammad Hatta, d’obtenir en décembre de Semaun, le représentant indonésien, alors aux Pays-Bas, de l’internationale communiste, l’effacement officiel, le désistement organique du PC indonésien en faveur du parti « national » projeté, et, au pays-même, avec la participation de plusieurs animateurs de P. I. récemment rentrés, comme Sartono, la création du PNI, qui prend Hatta de vitesse et que P. I. ne peut faire qu’appuyer.
17Mais Sukarno arrêté, et le PNI en panne, Hatta redevient fébrile et s’offre à ceux qui, opposés à Sartono, et au Partindo (dont le nom, Partai Indonesia, pouvait passer pour une référence à Perhimpunan Indonesia), création de Sartono, ont besoin d’une personnalité capable de lui faire pièce. Alors que Sukarno doit être libéré plus tôt que prévu, et que Pendidikan en accélère la tenue de son congrès constitutif, il dépêche en catastrophe en Indonésie son disciple Sjahrir11, pour prendre les choses en main avant que Sukarno ne s’y mette et ait des chances de réunifier le mouvement sous sa direction.
18Cependant, aux Pays-Bas, Hatta est désormais isolé : P. I. refuse de le cautionner dans ce qu’elle ne considère plus que la consolidation de la division12. Il rentre en Indonésie en août 1932, peu après que Sukarno, n’ayant pu regrouper les organisations rivales, ait choisi le Partindo.
19C’était aussi le prestige et l’exemple de P. I. qui avaient inspiré en septembre 1926 la formation de Perhimpunan Pelajar-Pelajar Indonesia (PPPI), l’Association des Etudiants Indonésiens, étudiants de l’Ecole Supérieure de Droit, ouverte à Jakarta en octobre 1924, à qui s’ajouteront à la rentrée de 1927 ceux de la nouvelle Ecole Supérieure de Médecine, embryons de facultés dont le recrutement va bientôt s’élargir avec les élèves sortis de collèges de second cycle créés à la même époque. Ce petit groupe13 constitue un vivier d’activistes dans lequel le PNI naissant va pouvoir puiser ses propagandistes et en particulier les cadres de l’Université Populaire14 qu’il inaugure fin 1928.
20C’était encore sous l’emprise des formules imaginées par P. I. et transitant par le PNI que s’était tenu en octobre 1928, à l’initiative de PPPI, un « Congrès de la Jeunesse », qui fixera sur une image de l’Indonésie une et indivisible, co-production d’un territoire unifié, d’un peuple unifié, d’une langue d’unification, l’aspiration à l’unité d’action et d’organisation des forces qui se déterminent sur le mot d’ordre d’indépendance, incluant le refus aujourd’hui de coopérer avec l’administration coloniale. Les congressistes s’étaient réunis dans les grandes salles d’une maison de style colonial qui servait de dortoir à quelques étudiants, presque tous originaires d’autres îles que Java, qui n’avaient pas trouvé à Jakarta de parents pour les loger15 ; ces étudiants avaient formé le noyau opérationnel de la préparation du congrès, en particulier Amir Sjarifuddin, trésorier du comité préparatoire16, et Mohammad Yamin, secrétaire de ce comité, lui aussi étudiant en droit et de quatre ans l’aîné d’Amir dont il sera l’initiateur en politique et pour dix ans l’ami ; et leur dortoir, baptisé Indonesisch Clubgebouw (maison du Club Indonésien) était devenu le quartier général des étudiants les plus politisés, ceux qui animaient PPPI.
21Mais, par ce type d’activités, dans l’organisation d’un mouvement centripète qui trouvait sa justification en étant à Jakarta mené par des jeunes gens de l’extérieur, PPPI prenait la relève de PI, nouvelle génération travaillant sur le terrain, et se constituant en nouveau centre. C‘est avec PPPI que Sartono, attaqué par une opposition qui fait directement appel à PI, construira le Partindo. Le développement de PPPI, à partir de celui de l’enseignement supérieur à Java, met fin au quasi-monopole de PI sur les jeunes lettrés qui encadrent le mouvement national.
22Qu’Amir Sjarifuddin ne mentionne pas, dans la notice biographique qu’on a citée, son rôle dans le déroulement du « Congrès de la Jeunesse », tend peut-être à prouver que la gloire dont ce Congrès est auréolé dans l’historiographie indonésienne est une création tardive, mais aussi que ce Congrès n’est qu’un événement quand ce qui est pertinent c’est l’itinéraire d’organisations, et que c’est la double filière de PPI et de l’Université Populaire qui compte, PPPI comme rassemblement anti-colonial parmi les apprentis de l’Université coloniale, et l’Université Populaire comme contre-Université où les apprentis sont les maîtres.
23Si Amir, en avril 1933, pratiquement le jour de ses 26 ans, devient le 3e homme du Partindo, c’est comme orateur et organisateur reconnu à et par PPPI, détenteur alors d’une autorité qui lui vient de PPPI, et à PPPI d’avoir connu le centre hollandais et d’y être, ancien élève de l’enseignement secondaire en Europe, dans la même position que les anciens de PI au PNI, et parce que de PPPI devenu le directeur de l’Université Populaire depuis 1931, il est nommé au 1er congrès du Partindo responsable de la commission d’éducation17 dont l’importance, au niveau de la formation des cadres, le fera élire au 2e congrès vice-président du parti, en quelque sorte le cadet et l’héritier direct de Sukarno, comme Sjahrir l’est de Hatta.
III
24L’activité du Partindo, et ce qu’elle signifie de spécifique tant par rapport à l’ancien PNI, dont il est issu, que par rapport à Pendidikan, s’inscrit aussi dans une situation particulière du mouvement anti-impérialiste et de ses composantes à l’échelle mondiale. Le 6e congrès de l’internationale Communiste (17 juillet – 1er septembre 1928), prenant acte de l’échec en Chine de la tentative de collaboration entre le Guomindang et le Parti Communiste, allait associer les partis jusqu’alors considérés comme « nationaux-révolutionnaires » (révolutionnaires parce qu’anti-impérialistes pour réaliser leurs objectifs nationaux) d’Orient aux partis socialistes (sociaux-démocrates) d’Occident comme organisations contre-révolutionnaires fondamentalement liées à l’impérialisme dans sa phase défensive. Cette analyse, et ses applications, vont entraîner ou consacrer l’éclatement des formules d’alliance anti-impérialiste encore récemment mises en oeuvre à l’initiative de l’internationale, à commencer par la Ligue anti-impérialiste qui avait tenu son premier congrès à Bruxelles en février 1927 et suffisamment alerté les puissances coloniales pour que les Hollandais aient pu considérer la formation du PNI comme en résultant.
25Aux Pays-Bas les socialistes avaient, en avril 1928, pris l’initiative de la rupture en décidant de quitter les organisations inspirées par l’internationale communiste, et par conséquent la section hollandaise de la Ligue18 ; PI suit d’abord les socialistes, mais cependant revient à la Ligue un an plus tard19.
26« Ce qu’il faut, avait déclaré PI dans sa lettre ouverte du 8 novembre 1931, c’est un front révolutionnaire uni pour se battre efficacement dans la lutte des classes en voie d’exarcerbation entre les groupes impérialistes, soutenus par les sociaux-démocrates, les nationalistes petits-bourgeois, la bureaucratie et les intellectuels, d’une part, et les paysans, ouvriers, intellectuels prolétariens d’autre part [...]. Nous devons construire une organisation révolutionnaire de masse, sur le principe : avec les masses et pour les masses Sa propagande de masse devra s’adresser à tous les Indonésiens sans exception qui ont, même s’ils n’en sont pas conscients, intérêt à la libération nationale de l’Indonésie... »20.
27L’influence des conclusions du 6e congrès de l’internationale, et l’accord avec la nouvelle orientation de la Ligue anti-impérialiste, dont les textes prennent de plus en plus d’importance dans le bulletin de PI, sont manifestes. C’est comme un écho atténué de ces positions, au plan de l’organisation de la lutte, mais aussi de celui du programme (et de la conception des renvendications) qu’on retrouverait dans les décisions du Partindo, singulièrement celles de son congrès d’avril 1933.
28Il s’agit de préserver l’aile gauche du mouvement national, avait expliqué Sartono au premier meeting du Partindo, aile gauche que représentait le PNI dissous21. Et Perhimpunan Indonesia, rejetant la ligne Hatta, estimait ne pas avoir à prendre parti dans ce qu’elle nommait la division de la gauche en Indonésie22. Gauche, notion nouvelle : le PNI, dans sa conception syncrétique du mouvement, ne l’utilisait pas.
29Elle couvre en 1931, repris pour l’essentiel du programme du PNI, un ensemble de revendications : libertés publiques fondamentales inscrites dans la démocratie bourgeoise, développement économique, promotion de l’enseignement dans le sens d’une éducation véritablement nationale, dans un projet global de rupture avec l’impérialisme et la métropole, qui implique le refus de tout éventuel commonwealth et de toute collaboration au sein d’institutions octroyées et non représentatives. En ce projet de rupture, repris de PI, du PNI, de PPPI, réside la différence première entre le Partindo à ses débuts et d’autres formations tentées, après le gel du PNI, d’en occuper le terrain, et contre qui le Partindo s’identifie à gauche.
30Au pire de la crise économique qui, dans les Indes néerlandaises, ruine en particulier la production sucrière, depuis un siècle base imposée, dans l’économie coloniale, du développement de Java, qui ne s’en remettra pas23, les résolutions du congrès de 1933 renforcent la condamnation de l’impérialisme par celle du capitalisme, quelle qu’en soit la forme et quelle qu’en soit la nationalité, étranger aussi bien qu’indigène24, elles se démarquent des thèses de Gandhi, jusqu’alors modèle de la non-coopération politique, économique et culturelle, désormais taxées de « economisch-reactionnair », pour associer progrès de l’économie et modernisation de la technique, dans un système de coopératives de production considéré lui-même comme facteur de modernisation d’une part, de démocratisation d’autre part25, elles insistent sur l’importance de l’activité de masse pour le parti, sur l’importance de l’organisation des masses, en premier lieu des ouvriers et des paysans, donc des syndicats, sur des bases de classe, et dans une perspective qui rejette le réformisme, en tant que le réformisme fait des réformes les objectifs et non des étapes de l’activité des masses26.
31Le Partindo ne pourra guère aller plus loin. Dirigeants arrêtés, voire déportés, journaux saisis, réunions interdites, militants licenciés par le biais des interdits professionnels, et maintenus au chômage par la crise, la répression fait le vide.
32Frappés par les licenciements massifs et les réductions draconiennes de salaires avec quoi l’administration coloniale tentait de faire payer la crise par ses employés, les travailleurs de la base maritime de Surabaya avaient manifesté en vain. Le 5 février 1933, le capitaine étant à terre, les hommes d’équipage, Hollandais et Indonésiens mêlés, du cuirassé « Sept Provinces », venant de Surabaya, au mouillage à l’extrême nord de Sumatra, séquestrent les officiers et prennent la direction du navire qui appareille vers le Sud, longeant la côte ouest de Sumatra. Bombardé et incendié le 10 février au large de l’île de Sipura (22 morts dont le nouveau capitaine, Basir), les officiers destitués, libérés, en reprennent le contrôle. Pendant huit jours, l’ombre du « Potemkine » avait hanté le Gouvernement Général.
33Aux Pays Bas, les manifestations de solidarité avec les marins emprisonnés, et aussi avec Tan Malaka, l’ancien dirigeant communiste expulsé d’Indonésie en 1922, dont on n’avait plus guère de nouvelles depuis des années et dont on vient d’apprendre l’arrestation à Hong-Kong, donnent un regain d’activité aux sections locales de la Ligue anti-impérialiste. Le Parti Communiste Hollandais qui publie le 20 février la liste de ses candidats aux élections législatives du 26 avril, y fait alterner Hollandais et Indonésiens27. Le mot d’ordre Indonesië Los van Holland nu, l’Indonésie libérée de la Hollande maintenant, sera l’un des thèmes de la campagne à laquelle participe, alors qu’il est sous mandat d’arrêt, le candidat indonésien Musso, membre de la présidence du comité exécutif de l’internationale communiste de septembre 1928 à mars 1931, dont les apparitions à la barbe de la police dynamisent les meetings28.
34Cependant, à la suite de l’agression japonaise en Mandchourie, qui laissait entrevoir que la guerre, pour certaines grandes puissances, pouvait finalement être la meilleure solution à la crise, la Ligue contre l’impérialisme était pratiquement en train de se reconvertir en Ligue contre la guerre impérialiste ; le rôle joué par Munzenberg et Gibarti, principaux animateurs de la Ligue, dans la préparation du rassemblement contre la guerre qui se tient à Amsterdam en août 1932, et d’où va sortir le mouvement Amsterdam-Pleyel, l’indiquait29. Cette nouvelle problématique oblige à revoir la question jamais résolue sur le plan tactique, de la sociologie politique des alliances, alors que la tension ente les deux Internationales ne se dément pas (les socialistes ont refusé toute participation au rassemblement d’Amsterdam qu’ils dénoncent comme une machine communiste). L’arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne, et la chasse aux communistes qui s’ensuit immédiatement, l’association de la lutte contre la guerre impérialiste et contre le fascisme, entraînant une réévalution de la hiérarchie des périls, impose à l’internationale communiste, contrainte à déblayer la voie d’un dialogue avec son homologue socialiste comme l’un des moyens de la mobilisation nécessaire de l’opinion, en premier lieu (et cela aura des conséquences fondamentales dans les colonies) celle des métropoles, la mise en cause des matrices conceptuelles du congrès de 1928, ou de leur utilisation militante. Ce processus de recherche empirico-théorique, amorcé fin 1933 en session du comité exécutif de l’internationale communiste, aboutira à la reconnaissance en septembre 1935, au congrès suivant, du projet de Front populaire.
35Dans cette conjoncture très mouvante du début des années 30, dominée par la crise économique et les réponses politiques divergentes qui lui sont apportées, et dans le déplacement stratégique des enjeux que l’analyse de ces données constate, enjeux dont le moindre n’est pas la rupture révolutionnaire avec l’Etat impérialiste comme objectif communiste, ou le système des modalités de rupture, y compris la rupture entre colonie et métropole, le Partindo, dans le temps extrêmement court (à peine un an) de sa pleine activité, est, comme parti de la libération nationale, travaillé par les modèles, Guomindang ou Congrès indien, d’avant la critique communiste de 1928, par cette critique même et ses effets sur un mouvement indonésien dont la dynamique de différenciation a entraîné en même temps une identification nouvelle : la gauche, et son inachèvement. Dans le dispositif représentatif de la gauche, le conflit au sein de P. I., qui conduit à l’éviction de Sjahrir et Hatta, eux-mêmes accaparés par la social-démocratie néerlandaise30, et le conflit Pendidikan-Partindo, entraînent un apparentement fonctionnel Partindo-P. I., au moment où P. I., en particulier à travers la Ligue anti-impérialiste, dont la coalition communiste-socialiste-nationaliste qui l’avait fondée s’est désormais disloquée, se rapproche des positions générales de l’internationale communiste.
36Surprise et production du sens par l’histoire que tente autant de brider que d’identifier la discussion autout du « marhaenisme » comme substance de la révolution indonésienne de libération nationale.
37Menée au sein d’une commission de 7 membres (Sukarno, Amir Sjarifuddin, M. Yamin, Ali Sastroamidjojo, Budhyarto, Suwandi, Suwirjo) désignée par le congrès d’avril 1933, elle vise à actualiser des propositions que Sukarno avait fait adopter comme ligne du PNI : socionationalisme et sociodémocratie, récupération des trois principes de Sun Yat-sen dont le congrès de l’internationale communiste avait dit en 1928 :
[...] le sunyatsénisme fut en Chine l’idéologie d’un « socialisme » petit-bourgeois et populiste. La notion de peuple voilait et dissolvait dans la doctrine des « trois principes » (nationalisme, démocratie, socialisme) la notion de classe sociale ; le socialisme n’était plus un mode spécifique de production, réalisé par une classe déterminée, le prolétariat, il devenait un état indéterminé d’aisance générale ; la lutte contre l’impérialisme ne se rattachait plus au développement de la lutte des classes dans le pays [...]31.
38Mais c’est autour du mot « marhaen » utilisé par Sukarno pour nommer tout travailleur non exploiteur, et du mot « marhaenisme » comme doctrine de la libération des « marhaen », base sociale de la révolution indonésienne et donc base sociale du Partindo, que s’esquisse une réponse implicite aux critiques de 1928 : les prolétaires sont des « marhaen », et dans la lutte des « marhaen », « ils ont un rôle très important à jouer », mais ils représentent une frange trop étroite de la société indonésienne ; l’Indonésie indépendante, république sociale, est pour le Partindo, l’Etat des « marhaen »32.
39Des Pays-Bas, Musso avait exprimé sa méfiance du congrès syndical qui à Surabaya, où venait de s’achever le congrès du Partindo, allait se tenir sous le parrainage des trois partis du nationalisme laïque, Partindo, Pendidikan, la « gauche », Partai Bangsa Indonesia (Parti de la Nation Indonésienne), la « droite », et en présence de leurs présidents respectifs, Sukarno, Sjahrir et Sutomo, grande figure politique de Surabaya33. Alors qu’aux Pays-Bas, l’opposition de gauche au sein de la centrale syndicale dominante, social-démocrate, avait, en octobre 1931, organisé un congrès séparé34, la recherche en Indonésie d’une centrale syndicale unique ne lui disait rien de bon35. Pourtant quand il parvient à rentrer en Indonésie, c’est le maître d’oeuvre de ce congrès d’unité, secrétaire du syndicat des cheminots, responsable d’un périodique ouvrier qui s’intitule « Proletar »36, l’un des activistes du Partindo à Surabaya, Djokosudjono, qu’il va voir en premier37.
40Et c’est au sein du Partindo, à Surabaya où il militait avant l’exil, dix ans plus tôt, que Musso va puiser les premiers cadres d’un parti communiste à reprendre à zéro. Quand il avait décidé de revenir, c’était à la suite du 6e congrès de l’Internationale38 ; quand il peut le faire (il serait resté pendant environ un an à Surabaya, arrivé à la mi-193539), c’est déjà le 7e. Et le Partindo de 1935 n’est plus que l’ombre de celui de 1933, sa direction transférée à Surabaya après avoir été complètement remaniée en mars 193540, pratiquement paralysée, les syndicats disparus, Djokosudjono réduit à survivre en donnant quelques cours ici ou là, tout ce qui reste de la section locale de l’Université Populaire, et la question désormais pressante de la clandestinité, d’une renaissance du parti dans la clandestinité, et qui pense clandestinité pense au Parti Communiste : le journal du Partindo à Surabaya, Indonesia Berdjoang 41, dirigé par Pamudji et Achmad Sumadi, donne de plus en plus d’articles sur le marxisme, le socialisme, l’URSS et publie des feuilletons sur la révolution d’Octobre, « traduits et adpatés par PatjarMerah », Patjar Merah, le Mouron Rouge, retourné en Robin des Bois de la Révolution, figure de manque et d’espoir de la littérature à quatre sous42...
41En juillet 1935, Amir Sjarifuddin était sorti de la prison de Bandung et était devenu l’associé de Yamin au bureau d’avocat que celui-ci avait ouvert à Sawah Besar, à Jakarta, en 1933. Il y acquiert vite la renommée, en particulier comme défenseur des victimes de la répression43.
IV
42Le 11 mai 1936, Musso avait quitté Surabaya pour Shanghai, accompagné jusqu’au quai d’embarquement par Achmad Sumadi, qui, avant d’être appelé par le Partindo à Surabaya pour travailler au journal, avait été, avec Amir, l’un des secrétaires du parti à Jakarta, de ceux grâce à qui Sartono voulait rajeunir l’appareil, et l’un des piliers de l’Université Populaire44.
43Mais Musso reviendra, une deuxième fois, c’est en août 1948, quelques jours avant le 3e anniversaire de la proclamation de l’indépendance indonésienne, pour sortir enfin de la clandestinité ce parti dont il croyait bien avoir jeté les bases de la renaissance, douze ans plus tôt.
Le bureau politique du comité central du Parti communiste indonésien, réuni les 13 et 14 août 1948 à Yogyakarta, après avoir entendu et discuté de manière approfondie l’analyse du camarade Musso concernant le travail et les erreurs du Parti tant au plan de l’organisation que de la politique, adopte la résolution suivante :
1. dans le domaine de l’organisation Pour comprendre les fautes du Parti dans le domaine de l’organisation, il faut revenir sur son histoire.
Le parti a été reconstruit comme parti illégal en 1935 sur l’initiative du camarade Musso. C’est ce parti illégal qui a mené la lutte anti-fasciste sous l’occupation japonaise. L’erreur de base qu’il a faite ensuite fut de ne pas avoir compris les changements dans la situation politique intérieure après la proclamation de l’indépendance. A ce moment-là, le Parti aurait dû abandonner la clandestinité et se manifester au grand jour.
Bien au contraire il s’y est maintenu et a continuié à s’y maintenir, obligeant les gens qui souhaitaient l’existence d’un parti communiste à installer eux-mêmes un parti légal, et donnant l’occasion à des éléments aventuriers d’obédience trotskiste de lancer le Parti Ouvrier Indonésien (Partai Buruh Indonesia). Du coup le parti illégal s’est trouvé dans la nécessité de mettre d’urgence sur la main sur la direction de ces deux partis pour ne pas voir dérailler la lutte de la classe ouvrière (klas buruh), nécessité qui a entraîné un éparpillement de ses cadres, l’affaiblissement d’autant.
Un groupe de camarades du parti illégal a fondé le Parti Socialiste Indonésien (Partai Sosialis Indonesia) et fait ensuite l’erreur majeure de le fusionner avec le Parti Populaire Socialiste (Parlai Rakyat Sosialis) de Sutan Sjahrir pour former le Parti Socialiste. Tout ce que cette fusion a permis, c’est de donner la caution du Parti Socialiste à Sjahrir et ses partisans
La seule et unique solution pour en finir radicalement avec ces erreurs fondamentales, c’est qu’il n’y ait plus qu’un seul parti de la classe ouvrière, et un parti légal. Cela veut dire que la direction clandestine du Parti Communiste doit se dissoudre [...].
Le bureau politique du Parti Communiste Indonésien propose que les trois partis marxistes-léninistes, aujourd’hui rassemblés dans le Front Démocratique Populaire (Front Demodrasi Rakyat, fondé en février 1948), partis qui, sur la base d’un programme commun, ont entamé des actions communes, envisagent le plus tôt possible leur unification et donnent au parti unifié de la classe ouvrière le nom historique de Parti Communiste Indonésien, Partai Komunis Indonesia, en abrégé PKI [...]45.
44Amir avait été, en novembre 1945, l’un des fondateurs du Parti Socialiste Indonésien, et, un mois plus tard, l’un des responsables de la fusion avec le groupe de Sjahrir ; mais Sjahrir, depuis le 14 novembre, était premier ministre, ministre des Affaires Etrangères, et Amir, ministre de la Défense. La formation du Parti Socialiste, c’était tout à la fois la correction de la division de 1932 entre Partindo et Pendidikan, plus marquée que la seule collaboration qu’indiquait au sommet de l’Etat la présence de Sukarno comme président de la République et de Hatta comme vice-président, et la formation d’un parti unifié de la gauche de gouvernement, permanence de cette aile gauche du mouvement national qu’avaient assuré être le Partindo puis le Gerindo 46.
45Le 29 août 1948, tandis que les directions des diverses organisations intéressées se rencontrent pour mettre au point le bureau politique provisoire du nouveau parti communiste, en attendant le congrès de fusion prévu pour octobre (il doit se terminer le jour anniversaire de la révolution russe), Amir raconte qu’en fait, il est communiste depuis 193547.
46Musso est l’initiateur. Il est celui qui restitue le nom.
47Les Hollandais, après les émeutes insurrectionnels de novembre 1926 et janvier 1927, avaient décimé ce qui restait du premier Parti Communiste Indonésien, la répression n’ayant alors que changé d’ampleur, et l’avaient interdit comme institution. Des cadres centraux, ceux qui n’étaient pas en prison étaient en exil. C’est en exil, à Bangkok, « sous la protection de Bouddha [...] et prenant à témoin statues et stupas étincelant d’or et de diamant » qu’en juin 1927, Tan Malaka et quelques amis fondent le Parti de la République d’Indonésie (Partai RepMik Indonesia, ou PARI) en tant que « réincarnation (penjelmaan) du PKI mort et enterré depuis le 1er janvier 1927 »48. Tan Malaka se considère encore à l’époque délégué de l’internationale communiste pour l’Asie, autorisé par ce mandat à trancher souverainement en lieu et place des partis placés sous sa juridiction. L’existence du PARI ne sera connue de l’internationale qu’après l’arrestation de Tan Malaka à Hong-Kong, qui amène une demande d’informations nouvelles. En tous cas la présence de Musso à Surabaya coïncide avec la diffusion des premiers pamphlets dénonçant Tan Malaka comme un trotskiste, ce qui veut dire alors usurpateur49. Musso est revenu, fort du pouvoir que lui assure l’investiture du centre en 1928, pour arracher au PARI l’héritage du PKI, et le seul moyen, c’est d’annoncer que le PKI existe à nouveau, tant dans l’exil (c’est alors qu’apparaissent des communiqués signés « comité extérieur du PKI ») que dans le pays. Mais c’est autre chose que la renaissance du PKI : c’est celle du PKI illégal ; son statut, c’est la clandestinité. C’est sur le fait que la clandestinité de circonstance est devenue une clandestinité de nature, que porte en 1948 la critique de Musso. Fondé comme illégal, le PKI s’est isolé dans son secret : il ne travaille plus que par procuration.
48Pour en finir, c’est encore à Musso de prendre l’initiative.
49Actie rahasia, activités secrètes, écrit Amir dans son autobiographie, pour parler de l’organisation de la résistance et de ce que fait le Parti Communiste. Lien des activités « clandestines » et du parti « illégal » : le juridisme hollandais rejoint le mysticisme javanais pour assimiler statut et pratique.
50Dans le langage de ses adversaires, le PKI illégal devient le PKI malam, le parti de la nuit. Nuit de la transgression, nuit de rire et de ripaille dans le mois du jeûne et du recueillement, mais aussi l’irruption des forces maléfiques de la confusion et de l’insaisissable, les terreurs de l’inéluctable subversion, qui viennent composer l’image même du parti. Après la formation du Front Démocratique Populaire, se multiplient les « directives secrètes » heureusement dévoilées à temps par les gens de bien.
[...] au nom de la direction du PKI, section Java occidental, veuillez trouver ici les décisions de la réunion du 20 avril 1948.
1. tous les membres du PKI et du parti socialiste doivent être prêts à recevoir les ordres.
2. il faudra prévoir dans toutes les régions
a) l’enlèvement (penculikan) des dirigeants musulmans
b) l’enlèvement des membres de l’administration pamong praja), des villages jusqu’aux préfectures
c) incendiez les postes hollandais
d) le banditisme (perampogan) doit s’intensifier
3. les armes cachées devront être remises en état de service
4. les délégués qui travaillent en Hollande devront être prêts à faire ce qu’ils ont appris
5. des tâches ne seront entreprises qu’après que la direction centrale en aura donné l’ordre...50.
51Image fantastique de la révolution comme banditisme généralisé, avec les enlèvements qui sont à l’illégalité ce que les arrestations sont à la légalité, révolte bris de clôture comme vol et viol51, et les mots d’ordre qui sont des mots couverts (chacun fera ce quil sait qu’il aura à faire) et des mots de passe, dans la permanente attente des signes d’en haut...
52Pour les amis de Tan Malaka, en 1948, le PKI n’est ni illégal ni malam : il est PKI-palsu, le faux PKI. Musso n’est pas Musso ; le Musso de 1935 n’est pas le Musso pionnier des années 20, disciple donc de Tan Malaka ; c’est un sosie, c’est un faux, un appeau du procureur général hollandais52. Faux prophète, fausse parole, faux disciples : il n’y a d’authenticité communiste qu’avec Tan Malaka. Il n’y a d’usurpateur que celui qui se prétend Musso.
53Dans cette situation où le message s’identifie au messager, alors que Musso vient faire reconnaître son parti comme producteur d’histoire et s’en faire reconnaître, il faut que les dirigeants du parti, sous la forme qu’il est en train de se donner et de se faire reconnaître, affirment qu’ils ne sont pas les produits d’une conjoncture, des alliés de rencontre, mais des témoins et des fidèles solidaires, témoins de l’origine et fidèles dans la durée et l’épreuve.
54Reprise ou création d’identité, le PKI doit être découvert comme le parti d’Amir autant que de Musso, d’Amir qui était là, et de Musso qui revient. Donnant son affiliation comme une adhésion d’origine au parti construit par Musso, Amir en fait l’assurance d’une solidarité rétroactive, qui est aussi participation au prestige du fondateur53.
55Solidarité à double sens : elle donne à la politique d’Amir depuis 1935 la caution d’un projet international54.
[...]
2. dans le domaine politique
Dans le domaine de la politique étrangère, le Bureau politique pense que les fautes importantes commises par les communistes indonésiens ces trois dernières années trouvent leurs racines dans [...] l’influence des idées erronées des partis frères d’Europe occidentale, France, Angleterre, Pays Bas.
Les erreurs politiques des partis d’Europe occidentale sont dues à leur incompréhension des importants changements intervenus tant dans les relations internationales que dans la situation intérieure des pays concernés avec la fin de la 2e guerre mondiale et l’écrasement des Etats fascistes, Allemagne, Italie et Japon. Après le déclenchement de la guerre, le mouvement ouvrier révolutionnaire des états capitalistes a réalisé pour un temps une politique d’alliance avec toutes les forces anti-fascistes, gouvernement inclus, aux Etats-Unis, en Angleterre, en France, en Hollande, etc... De même le mouvement révolutionnaire du peuple dans les pays colonisés a, pour un temps, pratiqué cette politique [...].
Après la fin de la guerre et la défaite des trois pays fascistes, il n’y avait plus de raison, pour les partis communistes des pays capitalistes et impérialistes et pour la lutte révolutionnaire dans les pays colonisés, de continuer leur collaboration avec le gouvernement, d’autant plus qu’il devenait patent que la bourgeoisie commençait à se servir de ces circonstances pour réprimer le mouvement de libération dans les colonies.
Le Parti Communiste Français, celui de Grande-Bretagne, et aussi celui des Pays Bas sous l’influence du PCF55, n’ont pas compris les grands changements intervenus en politique internationale après la guerre, à commencer par la lutte de libération des peuples coloniaux. Dès lors que la guerre était finie, la lutte de libération dans les colonies aurait dû connaître un impétueux développement, soutenue sans réserve par les partis communistes des
métropoles : la collaboration entre le mouvement de libération des peuples coloniaux et les pays impérialistes avait déjà fait long feu. Mais bien au contraire, parce qu’il n’y avait rien compris, le Parti Communiste Néerlandais a estimé que la lutte du peuple indonésien ne devait pas aller au delà de l’obtention d’un statut de dominion [...] ce qui veut dire que le peuple indonésien devait continuer à « coopérer » avec l’impérialisme hollandais. C’était aussi l’opinion du PCF concernant la lutte d’indépendance au Vietnam [...].
[C’est cette politique réformiste qui a été importée en Indonésie et] cette politique réformiste d’origine étrangère a précisément servi le développement du courant réformiste qui domine la politique extérieure de l’Indonésie et que dirigent les socialistes de droite de Sutan Sjahrir [...]56.
56Il s’agit d’une reprise, un peu forcée, de l’analyse de la situation dans le monde faite à la conférence constitutive du Bureau d’information des partis communistes, à Szklarska Poreba, en septembre 1947, y compris dans les critiques adressées au PCF, seul des trois partis incriminés à avoir participé à la réunion57, analyse déjà connue dans ses grandes lignes avant le rapport de Musso grâce aux délégués de la jeunesse indonésienne à la conférence de solidarité avec l’Asie du Sud-Est organisée en février 1948 à Calcutta par la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique, où elle avait déjà été discutée (les délégués indonésiens étaient rentrés en avril58). Elle révèle une dimension d’enjeu national et international trop tard mesurée à la démission, le 23 janvier précédent, du gouvernement dont Amir, y conservant le portefeuille de la défense, était, succédant à Sjahrir, depuis juillet 1947, le Premier ministre. Elle justifie, dans son constat de bipolarisation du monde59, et de la nécessité de l’assumer, la formation du Front Démocratique Populaire sous la direction d’Amir comme opposition structurée et centralisée au gouvernement qu’après Amir, et contre lui, avait formé M. Hatta, elle théorise l’échec du modèle de coalition de tous les partis qu’avait tenté Amir comme chef du gouvernement.
57« Nos erreurs, dit-il lors d’une réunion commémorative de l’indépendance, en ce mois d’aôut 1948, résultent de la faiblesse de notre mouvement à l’époque des Hollandais et à celle des Japonais [...]. Nous n’avons pas pu, sous l’occupation japonaise, susciter un véritable front national anti-fasciste, la majeure partie du mouvement hésitait et a préféré la voie de la collaboration (kerjasama), comme il a préféré ensuite la voie de la collaboration avec les Alliés et, sur cette lancée, la collaboration avec les Hollandais au sein d’un Commonwealth [...] »60.
V
58Dès lors que l’internationale communiste appelle à la formation d’alliances nouvelles axées sur la défense, contre sa négation fasciste, de la culture démocratique développée pour soi par la bourgeoisie, mais que justement ceux que la bourgeoisie opprime veulent s’approprier, dès lors qu’elle incite à remplacer par d’autres formules, qui mettront en avant l’exigence de la démocratie, celles qui donnaient la priorité à l’indépendance pour ordonner la lutte des peuples coloniaux et la solidariser avec le compromis à l’épreuve dans les métropoles, il y a réduction de distance entre le parti illégal, le parti interdit qui survit dans la clandestinité, et la légalité, parce que la légalité redevient un enjeu, et que le parti joue ce jeu.
59Pour le Partindo que la répression a rendu exsangue, la virtualité révolutionnaire d’une renonciation à la politique de non-coopération pose problème mais offre une issue. Dès lors est engagé le processus qui finira par faire d’Amir un salarié du Gouvernement Général. Un militant protestant aussi, dans le rapprochement d’une occidentalisation assumée comme revendication. Qu’il découvre ensuite dans cette démarche le sens d’une adhésion immédiate aux propositions du 7e Congrès de l’internationale, et qu’il y donne suite, c’est possible.
60La décision du Partindo de se dissoudre, qui intervient en novembre 1936, ne fait que prendre acte d’une réalité, l’épuisement de son rôle en l’état, mais libère les chances de nouvelles initiatives s’appuyant sur un nouveau projet de parti pour une nouvelle ligne politique, qui met un terme à la stratégie de non-coopération à quoi la « gauche » s’identifiait. Formé six mois plut tard, le Gerindo, mouvement donc et non plus parti, se revendique pourtant à nouveau comme l’aile gauche (sayap kiri) ou la linksecorrectie (correction de gauche) du mouvement national ; c’est l’accent mis sur la souveraineté populaire comme liberté publique généralisée, et la négation de cette souveraineté qu’est le type d’Etat dont le Japon s’évertue à populariser l’image en Indonésie et dont il trouve les amateurs dans le parti de Sutomo, justement, et l’affirmation que la revendication nationale est une question politique qui n’a pas à se formuler en termes d’exclusive ethnique (le Gerindo est le premier parti indonésien ouvert à la minorité chinoise, avec ce que cela signifie en plus dans le conflit Chine-Japon), qui font la différence.
61Ce qui rassemble, c’est la demande de parlement, qui prend le pas sur la demande d’indépendance, et permet éventuellement d’y associer ceux des Hollandais qui, hostiles à l’indépendance, ne le sont pas à une autonomie interne du type de celle que vient de recevoir l’Etat philippin. Politique de réforme en ce qu’elle exige le respect et la libération dans la colonie de toutes les fonctions démocratiques des institutions de la métropole, rien que cela, mais tout cela, et qui peut et devrait parler à tous les réformistes, sans s’aliéner les révolutionnaires. Mais entre les réformistes d’un côté, qui craignent le report sine die de l’indépendance, et ceux de l’autre côté, qui soupçonnent dans la lutte pour un parlement indonésien et l’autonomie interne la matrice d’une indépendance imminente, le projet de large alliance a des possibilités mesurées.
62Dès que connue l’invasion allemande des Pays Bas, le 10 mai 1940, le gouverneur général décrète l’état de siège, qui suspend entre autres l’activité des organisations politiques.
63Amir, alors président du Gerindo et secrétaire du GAPI, le cartel des formations politiques militant pour un parlement indonésien, est le 10 juin convoqué à la police61, deux jours avant une élection partielle au conseil municipal de Jakarta, où il aurait dû être le candidat du cartel62. Il va en fait se trouver devant un candidat du Parindra (Partai Indonesia Raya), parti formé par Sutomo en 1945 et animé depuis sa mort, en 1938, par un homme de Jakarta, Thamrin, membre du conseil municipal dont il est la personnalité la plus marquante : le candidat du Parindra, parti membre du GAPI, obtient les deux tiers des voix63. Peu après, Amir est à nouveau convoqué à la police et, cette fois-ci arrêté. Il est relâché le 27 juin, en même temps que d’autres militants détenus eux depuis le 10 juin dans le cadre d’une information pour distribution d’un bulletin communiste, Menara Mer ah64.
64Le 21 juillet, il est retiré du secrétariat du GAPI65, et ce n’est que début août qu’un communiqué du Gerindo explique qu’à la mi-mai, Amir avait proposé que le GAPI se réunisse pour prendre des initiatives en sorte d’assumer son rôle de dirigeant des luttes populaires et qu’il s’était heurté, de la part du Parindra, à un refus tellement catégorique, que le bureau du Gerindo avait préféré le retirer66. On ne saura rien de plus, ni sur les propositions d’Amir en mai, ni sur les raisons du Parindra. Mais A.K. Gani, qui remplace Amir au secrétariat du GAPI, le remplace aussi, en même temps, à la présidence du Gerindo.
65En octobre, Amir quitte le barreau pour être nommé, à titre provisoire, au Département des Affaires Economiques du gouvernement général, que dirige H. van Mook. A ses anciens colègues, il déclare que c’est sa façon d’être antifasciste dans la conjoncture présente67. Après 1945, une autre histoire circulera : il aurait été, durant sa détention en juin, sommé de choisir entre les Affaires Economiques et la déportation en Nouvelle Guinée, et il aurait finalement accepté d’entrer dans l’administration pour rester à Jakarta, et conserver la possibilité de militer le cas échéant68.
66Depuis plus d’un an, alors, l’internationale communiste avait renoncé aux alliances de type front populaire, à la politique de son 7e congrès, et retrouvait, pour expliquer le pacte germano-soviétique, la ligne de 1928.
67Julius Schepper, d’abord fonctionnaire au ministère des Finances à La Haye, était arrivé à Jakarta en 1918 en tant que zendingsconsul, c’est-à-dire représentant officiel des missions protestantes d’Indonésie auprès du gouvernement général. Ayant quitté ce poste en 1922, il va enseigner le droit pénal, la criminologie et la philosophie du droit à partir de février 1925 à l’Ecole Supérieure de Droit69. Il anime un petit groupe d’études bibliques, où l’on commente l’Epitre aux Romains, Kierkegaard, et Karl Barth dès ses premiers livres ; Yamin y assiste parfois et Amir avait pris l’habitude d’y venir régulièrement, tant qu’il était étudiant, attiré par la lecture subversive que donnait Schepper des textes choisis – relevant au passage que la révolte est légitime si le pouvoir est arbitraire70. Accueillant aux membres de PPPI, ouvertement partisan de l’indépendance indonésienne, il publie, quand Sukarno et ses compagnons sont condamnés en 1931, une critique du verdict qui jouera probablement un rôle dans la décision de remise de peine71, et qui lui vaudra l’inimitié marquée du gouverneur général B.C. de Jonge. Il se situe à l’aile gauche du petit groupe de hauts fonctionnaires et de professeurs de droit qui, avec Van Mook et Jonkman, contre les groupes de pression ultra-colonialistes, s’organise en janvier 1930, au lendemain même de l’arrestation de Sukarno, autour de la revue De Stuw 72– qui devra cesser sa publication en décembre 1933, au moment même où Amir est emprisonné. Héritier du calvinisme réformateur inspirateur au début du siècle de la « politique éthique », qui alliait au zèle missionnaire un projet de développement des forces productives et du niveau de vie dans la colonie, donc d’un marché, projet qui ne résistera pas à la peur des planteurs devant la montée, dans les années 20, du mouvement révolutionnaire. De Stuw le mariait au modernisme technocratique des économistes de la crise dans l’hypothèse d’un Commonwealth qui maintiendrait les liens des Pays-Bas avec une Indonésie « émancipée ».
68En 1940, Amir a 33 ans. Conflit avec le Parindra, rencontre avec les organisations protestantes pour les engager sur le plan politique dans le mouvement national73, ce qui accroît ses difficultés avec la direction du Gerindo 74au moment où ce parti se croit menacé par les tentatives venues du milieu syndical de créer un « parti ouvrier »75, sans contre-partie tangible car le milieu protestant se révèle plus fortement conservateur que ce que les discussions avec Schepper quelques années plus tôt permettaient d’imaginer76.
VI
69« En fait, Amir Sjarifuddin n’était pas un communiste, mais un socialiste », me dit en 1979 Manassé Silitonga, venu de Sumatra à l’âge de 22 ans, en 1924, pour chercher du travail à Jakarta, doyen de la communauté protestante batak à laquelle avait appartenu Amir. « il est devenu Premier ministre, mais il continuait à prêcher au temple en langue indonésienne [...] et après avoir été destitué, il est parti à Madiun pour enseigner le protestantisme, là où était diffusée la propagande communiste. Et quand le gouvernement a décidé de le faire fusiller, il a dit : donnez-moi d’abord une Bible, et c’est la Bible en mains qu’il a été fusillé ».
70La composition du bureau politique provisoire du PKI est connue le 1er septembre 1948 ; Amir y est reponsable des questions militaires.
71Depuis plusieurs semaines, singulièrement depuis la grève des travailleurs des plantations et usines de coton de Delanggu, près de Solo, soutenue par le Front Démocratique Populaire, en juillet, les accrochages entre les milices – menacées de désarmement – de la Jeunesse Socialiste, l’élément le plus actif du Front, et certaines unités de la police et de l’armée que le gouvernement, en particulier Hatta, Premier ministre, ministre de la Défense, et Sukiman, chef du bloc musulman, ministre de l’intérieur, utilise comme garde prétorienne, ne cessent de s’intensifier. Situation de tension et mise en oeuvre d’une stratégie de la tension. Entre le 9 et le 17 septembre, des affrontements armés éclatent à Solo, l’une des bases de la gauche, où des éléments « incontrôlés » font le coup de feu contre la Jeunesse Socialiste. Le 18 septembre, à Madiun, centre d’ateliers de chemin de fer et d’usines sucrières, bastion communiste d’où étaient parties en janvier de puissantes manifestations pour le retour d’Amir comme chef du gouvernement, et où se trouve aussi le siège du « bureau de lutte », l’instance principale du Front des Organisations de Jeunesse, Sumarsono, de la Jeunesse Socialiste, qui commande ce bureau, craignant une descente d’autres éléments aussi incontrôlés, prend des mesures de sécurité, dont le renforcement d’une administration locale, qu’il trouve défaillante, par des cadres du Front Démocratique Populaire. Le lendemain, sur la foi d’informations dont il ne donnera jamais l’origine, Sukarno dénonce le « coup d’Etat du PKI » à Madiun : « C’est Musso ou moi, choisissez », s’écrie-t-il à la radio. Appelés d’urgence à Madiun par les militants inquiets, plusieurs membres du nouveau bureau politique du parti communiste, dont Amir, décident d’organiser l’auto-défense ; Amir prend la tête d’un comité de cinq commissaires politiques, coiffant un appareil civil et militaire qui prend nom « administration de Front National » – en quelque sorte linksecorrectie au plan local du gouvernement Hatta77.
72« Commune » de Madiun, guerre des paysans, et semaines sanglantes...
73« La reprise de Madiun a consolidé la position de Hatta en prouvant d’abord que le gouvernement indonésien n’était pas communiste et ensuite qu’il était assez fort sur le plan militaire pour faire face à toute nouvelle aventure de ce genre »78.
74Le 19 décembre 1948, le gouvernement indonésien, avec Sukarno et Hatta, était fait prisonnier par les parachutistes hollandais.
75Amir, fusillé, s’enfonce dans l’exil de l’histoire.
Notes de bas de page
1 D.N. Aidit, « We accuse Madiun Affair », dans Problems of the Indonesian Révolution ; s.l., 1963. pp. 126-128. Les tombes, installées en 1950-51 par les familles, seront détruites lors des événements de 1965.
2 F.K.N. Harahap, « Amir Sjarifuddin », dans Komunikasi, bulletin du Parti Protestant Indonésien, Jakarta, 25 janvier 1971, pp. 27-31, et 10 février 1971, pp. 22-27. « Gerakan Oikoumene di Indonesia dari masa ke masa » (le mouvement Oikoumene en Indonésie d’hier à aujourd’hui), interview de A.L. Fransz, dans Benta oikoumene, Jakarta, fév. 1978, p. 22.
Abu Hanifah, « Pemberontakan Madiun 1948 merupakan arena konfrontasi nasionalisme dan komunisme » (le soulèvement de Madiun en 1948, une confrontation entre nationalisme et communisme), dans le quotidien protestant Sinar Harapan, Jakarta, 29 sept. 1978, P. 7.
Abu Hanifah, ancien ministre du parti musulman Masyumi, a publié récemment plusieurs autres évocations très prudentes d’Amir Sjarifuddin, qui fut son ami de jeunesse, dans : – Taies of a Révolution, Sydney, 1972
– « Revolusi memakan anak sendiri : tragedi Amir Sjarifuddin » (la Révolution dévore ses propres enfants : la tragédie d’A. Sj.), dans Prisma, Jakarta, août 1977, pp. 86-100.
3 Adam Malik, Mengabdi Republik (au service de la République), tome H, Angkatan 45 (la génération de 1945), Jakarta, 1978, p. 65. L’un des plus importants dirigeants d’Angkatan 45, Wikana, est proche d’Amir Sjarifuddin depuis les années 30.
4 Ali Sastroamidjojo, Tonggak-tonggak di perjalananku (les jalons de ma route),
Jakarta, 1974, p. 180.
Berita Indonesia, quotidien, Jakarta, 4 oct. 1945.
Osman, Raliby, Documenta Historica, Jakarta, 1953, p. 47.
Fiche du « service des renseignements et de la documentation secrète » du « secrétariat à la sécurité intérieure », Algemeen Rijks Archief (ARA), La Haye, dossiers du Procureur Général à Batavia, n° 341.
Informations orales, provenant de proches parents d’Amir, du pasteur Johannes Verkuyl, alors à Jakarta, et d’autres sources.
5 Il existe une copie du texte, qui n’est pas daté, dans ARA, Algemeene Secretarie, Tweede Zending, n° 398.
6 On verra dans :
John Ingleson, Road to exile. The Indonesian nationalist movement, 1927-1934, Singapour, 1979 comment Sukarno, cité par un rapport de police, relie, au cours d’une réunion le 7 décembre 1928, le PNI au PC interdit : « Le PNI est né du fait de l’élimination du PC. Nous devons continuer l’oeuvre du PC » (p. 60), et comment le parquet interprète cette succession pour accuser Sukarno de reconstitution d’organisation dissoute (p. 111). Sukarno, arrêté, dénoncera cet amalgame devant le tribunal : « Oui le PNI a été fondé en 1927, oui il est anti-impérialiste, oui c’est le parti des masses.. Mais le PNI n’est pas communiste, il n’est pas le successeur secret du PC, c’est un parti révolutionnaire nationaliste.. », le parti du « marhaenisme » (Indonesia Accuses – Soekamo’s defence oration in tbepolitical trial of 1930, trad. et présentation de Roger Paget, Kuala-Lumpur, 1975, p. 96 ; voir p. lxxiii, dans l’acte d’accusation, la mention du PNI comme « successeur secret » du PC).
Se souvenant sans doute de 1930, Hadisubeno, gérant de ce qui reste autorisé du PNI après les massacres et l’épuration de 1965-66, et la destitution de Sukarno, déclare qu’il faut absolument que le PNI ne puisse pas être pris pour un prête-nom du PC interdit (Djakarta Times, quotidien de Jakarta, 11 juin 1968).
7 Ingleson, op. cit., p. 119.
8 Avec 1 500 participants, selon l’estimation du service des renseignements politiques du Procureur Général (Archives du Ministère des Colonies, La Haye, MR 794 x 31, traduit en anglais dans C. Penders, ed., Indonesia, selected documents on colonialism and nationalism 1830-1942, St. Lucia, Queensland, Australie, 1977, p. 317).
Dossier de la crise dans Indonesia Raja, le mensuel de l’Association des Etudiants, Jakarta, fév. 1930, et juil-août 1931.
Egalement Ingleson, op. cit., chap. 5 et 6.
9 Arch. Min. Col. Dossier Vb 22.8.33 P20.
10 M. Hatta, Participating in the struggle for Indonesia’s national indépendance, polycopié, 6e conférence de l’Association Internationale des Historiens de l’Asie, Yogyakarta, Indonésie, 1974, pp. 47 et sv.
Ingleson, op. cit., pp. 217-221.
Le « reniement » de Sukarno reste un épisode douteux.
11 Sol Tas, « Souvenirs of Sjahrir », Indonesia, Ithaca, oct. 1969, p. 145. Hatta, op. cit., p. 41.
12 Id., p. 42.
« Lettre ouverte de Perhimpunan Indonesia, 8 nov. 1931 », trad. dans Penders, op. cit., p. 325.
13 Evolution des effectifs de l’Association : année 1926-1927 : 17 membres, 1927- 28 : 30, 1928-29 : 113, 1929-30 : 182, 1930-31 : 228, d’après Boekoe peringatan PPPI 1926- 1931 (livre commémoratif), Batavia, (Jakarta), 1932, pp. 11 sv.
14 Bunga rampai setengah abad Perguruan Rakyat 1928-1978 (Mélanges pour un demi-siècle de P.R.), Jakarta, 1978.
15 Entretiens avec Abu Hanifah (oct. 1979) ; Abu Hanifah, Taies..., p. 52.
16 45 tahun Sumpah Pemuda (les 45 ans du « serment de la jeunesse »), Jakarta, 1974, p. 61. Le « serment de la jeunesse » est le nom sous lequel sera commémorée la résolution du congrès ; Abu Hanifah : op. cit., pp. 51 sv.
17 Arch. Min. Col., MR 721 x 32.
18 J. Th. Petrus Blumberger : Le communisme aux Indes Néerlandaises, Paris, 1929, pp. 158-159. Recht en Vrijheid, bulletin de la section, Amsterdam, avr. et mai 1928. A l’origine, une décision du Bureau de l’internationale Socialiste invitant les socialistes à ne pas s’associer à des initiatives de l’internationale Communiste (septembre 1927).
19 Ingleson, op. cit., pp. 35-36.
20 Penders, op. cit., p. 320.
21 Id., 317.
22 Id., 325
23 Valeur des exportations agricoles :
(Sie Kwat Soen : Prospects for agricultural development in Indonesia, Wageningen, 1968,p. 8).
24 Résolutions du congrès dans Vb 22.8.33 P20, points III/C et IV/C.
25 Id., points IV/C et paragraphe IX.
26 Id., par. III et IV, passim.
27 Les candidats communistes indonésiens sont soit des exilés, soit des déportés à cause de l’interdiction du communisme à la colonie ; c’est donc faire de la campagne électorale une campagne pour la libération des prisonniers politiques et contre la terreur en Indonésie.
Mais l’offre faite par le Parti Socialiste Indépendant à Hatta, rentré en Indonésie, d’être l’un de ses candidats, se heurte, même après le refus de Hatta, à une vigoureuse critique du Partindo, qui reproche à Hatta son manque de principes sur la question de la « non-coopération ». Voir en particulier Amir Sjarifuddin, « Non-kooperasi dan Tweede Kamer » (non-coopération et Chambre des Députés), dans Indonesia Raja, janv.-fév. 1933, pp. 10-13. L’article est précédé d’un résumé de la polémique Sukarno-Hatta à ce sujet.
28 De Tribune, quotidien au PC hollandais, Amsterdam ; fév., mars et avril 1933. Entretiens avec Sunito, ancien dirigeant de PI, arrivé aux Pays-Bas en 1931.
29 Babette Gross, Willi Münzenberg, Stuttgart, 1967, pp. 236 sv.
30 Sol Tas, op. cit., passim.
31 « Programme de l’internationale Communiste », VI/1 ; Correspondance Internationale, Paris, 23 nov. 1938.
32 Communiqué de presse du Partindo, 16 juillet 1933. Arch. Min. Col., MR 862 x 33, et sous le titre « Marhaen dan proletar », dans Sukarno : Dibawah Bendera Revolusi (sous le drapeau de la Révolution), Jakarta, 1965, Tome I, p. 253.
Position de principe de Sukarno, écrite en mars 1933 : « Mencapai Indonesia Merdeka » (arriver à une Indonésie indépendante), dans Sukarno, Dibawah, op. cit. t. I, pp. 257 sv. Trad. anglaise par B.B. Hering : South East Asian Monograph Sériés, nr 1, 1978 (James Cook Univ. of North Queensland, Austr.).
33 Dossier du Congrès Ouvrier (4-7 mai 1933), Arch. Min. Col., MR 689 x 33.
34 Paul de Groot, De dertiger jaren 1930-1935 (les années 30 : 1930-1935), Amsterdam, 1965, p. 93.
35 De Tribune, 13 mai 1933, p. 3.
36 Ce titre avait été en 1925 celui d’un bulletin de la section communiste de Surabaya à laquelle participait alors Musso (Ruth McVey, The rise of Indonesian communism, Ithaca, 1966, p. 277).
37 Arch. Min. Col., MR 146 x 38. part, dossier 526/PID/Surabaya.
38 P. de Groot, op. cit., pp. 86 et 177.
39 Id., p. 177. Selon la politique (dossier MR 146 x 38 cité), son séjour s’étend de novembre 1935 à mai 1936.
40 Berdjoang, organe du Partindo à Surabaya, 23 mars 1935, p. 3.
41 Titre qui remplace Berdjoang à partir du 13 avril 1935.
42 Voir en particulier : Harry A. Poeze, Tan Malaka, levensloop van 1897 tot 1945 (T.M. sa vie de 1897 à 1945), La Haye, 1976, pp. 481 sv.
43 Informations orales.
44 Arch. Min. Col. MR 146 x 38, part. 138 et 526/PID/Surabaya ;
Boekoe Penngatan Pergoeroean Kebangsaan Indonesia « Pergoeroean Rakjat » (Livre commémoratif de l’Université nationale indonésienne « Université populaire »), Jakaita, 1933, pp. 22. sv. Information de Winoto Danuasmoro, président de la section Partindo de Jakarta en 1931, sur l’organigramme de cette section.
45 Jalan baru untuk Repubhk Indonesia (voie nouvelle pour l’Indonésie), Jakarta, 7e ed. : 1953, pp. 7, 8, 12, 13.
46 Jacques Leclerc, « La condition du parti – Révolutionnaires indonésiens à la recherche d’une identité, 1928-1948 », dans Cultures et Développement, X/1, 1978, pp. 39 sv.
47 George McT. Kahm, Nationalism and Revolution in Indonesia, Ithaca N.Y., 1952, p. 272 sv.
Dépêche de l’agence de presse Antara (Yogyakarta, 29août 1948), diffusée dans les journaux de Yogyakarta à partir du 30 août, dans ceux de Jakarta, à partir du 1er septembre.
48 Djamaluddin Tamim, Sedjarah PKI (Histoire du PKI) Jakarta, 1957, dact., p. 55. Djamaluddin Tamim est l’un des fondateurs du PARI. Je remercie Jusfiq Hadjar et Harry Poeze qui ont bien voulu mettre à ma disposition les manuscrits de Dj. T. en leur possession.
49 Tan Malaka n’acceptera pas cette identité, mais certains groupes trotskistes l’avaliseront, par ex. : Pierre Frank : La 4’ Internationale, Paris 1969.
50 ARA, arch. Procureur Général Batavia, n. 456.
51 En 1968, nouvelle période de grande peur du communisme à Java, après les massacres de 1965-1966, le quotidien Djakarta Times du 7 juin rapporte l’arrestation à Semarang de membres d’une Armée de Défense du Peuple (Tentara Pembela Rakyat) décrite comme fondée sur les 3P (perampokan, penculikan, penbunuhan – meurtre – ).
Rien de bien neuf. La sécurité hollandaise, travaillant il est vrai avec des agents recrutés sur place et porteurs de la culture autochtone, avait multiplié ce type d’informations, et créé ainsi une tradition officielle. « Le 22 mars 1925, une réunion eut lieu dans les bureaux du PKI... Le PKI avait l’intention de chercher des criminels capables de diriger leurs confrères. Un tiers des biens obtenus par le crime serait réservé aux auteurs, les deux autres tiers iraient au PKI... On annonçait de partout des assassinats de fonctionnaires, des incendies, des grèves accompagnées de bagarres et de sabotages... » (Blumberger, op. cit., p. 68).
« The Russian desire for destruction, which fits in so nicely with the typical rampok aptitude of the different population groups in the territory of the Republic, is transmitted by the Commu nist propaganda to the lowest classes of the population... » ; Communism in the Indonesian Republie, dactyl., p. 31. Rapport apparemment rédigé fin 1946. Archives P.J.A. Idenburg – aimablement mises à ma disposition par son fils Peter).
La survie de ces fantasmes se manifeste entre autres à travers le thème des bacchanales (les femmes communistes qui dansent nues autour des cadavres castrés des généraux) dans l’iconographie expiatoire liée aux événements du 1er octobre 1965 (bas-reliefs du monument de Lobang Baya, par ex.).
52 Djamaluddin Tamim, op. cit., dès la première page. Nombreuses allusions dans la presse liée à Tan Malaka (Murba, Pacific, Massa) en août-oct. 1948.
53 Le sens fondateur du PKI de 1935, que certains textes désignent sous le nom de PKI-muda (le nouveau PKI) est attesté par la décision du groupe Aidit constituant en 1951-1952 une nouvelle direction, après la saignée de 1948, de ne garder des générations précédentes que les deux survivants du groupe de Surabaya, Achmad Sumadi et Djokosudjono.
54 Sur le plan actuel (la déclaration d’Amir le 29 août 1948), compte tenu du caractère lacunaire de la documentation actuellement accessible, je fais ici totalement confiance à George Kahin. Mais des camarades d’Amir, récemment interrogés, ne se souviennent pas de la déclaration rapportée par Kahin et considèrent que l’adhésion d’Amir au PKI clandestin se fait au début des années 40, c’est-à-dire au moment où Amir, choisissant la clandestinité, rencontre le parti de la clandestinité.
55 Le secrétaire du PC néerlandais, Paul de Groot, aurait déclaré à plusieurs reprises en 1945-46, en privé, qu’il s’alignait sur Jacques Duclos.
56 Jalan baru…, pp. 15-17.
57 Lilly Marcou, Le Kominform, Paris, 1977, pp. 43 sv.
58 ARA, Arch. Procureur Général Batavia, n. 596 (rapport de Singapour n° 89-48 du 8 avril 1948).
59 Le constat n’était pas neuf, et dès 1947, les textes du PKI (légal) le faisaient. Voir en particulier la brochure d’Alimin, compagnon d’exil du Musso, rentré, lui, en 1946 : Analysis, antérieure à la création du Kominform.
60 Merdeka, quotidien, 21 août 1948, p. 2, col. 5.
61 Kebangoenan (quotidien fondé en 1936 par Yamin, Amir Sjarifuddin, Sanusi Pane et Lient Koen Hian), Jakarta, 21 juin 1940, p. 2.
62 Id., 20 mai 1940, p. 3.
63 Id., 13 juin 1940, p. 2.
64 Id., 6 juillet 1940, p. 2.
65 Id., 22 juillet 1940, p. 3.
66 Id., 3 août 1940, p. 5.
67 Information de Sutan Muhammad Sjah, trésorier du Gerindo en 1941, ancien de l’Ecole de Droit et de l’Université Populaire.
68 J. de Kadt, « Amir Sjarifoedin », De Baanbreker, Amsterdam, 16 février 1946, p. 2, col. 3.
69 B.C. de Jonge, Herinneringen (souvenirs), Utrecht, 1968, p. 137. Maria Cornelia Jongeling, Het Zendingsconsulaat in Nederlands – Indië 1906-1942, Arnhem, 1966, p. 140.
70 Informations des anciens étudiants en droit Mme A.L. Fransz, condisciple d’Amir, G.J. Resink (qui assiste aux réunions du groupe en 1933-34) et Sumarno (1936-1942).
71 Het vonnis in de PNI -zaak (le verdict dans l’affaire du PNI), Batavia, s.d. (1931).
72 J.A. Jonkman, Het onde Nederlands Indië (les vieilles Indes Néerlandaises), Assen, 1971, pp. 71 sv., 117 sv.
E.B. Locher-Scholten, « De Stuw, Tijdsrekening en teken des tijds » (De S., le temps et le signe), Tijdschrift voor Geschiedenis, Groningen, 1971, p. 36-65.
G.J. Resink, « Rechtshoogeschool, Jongereneed, Stuw en Gestuwden » (l’Ecole Supérieure de Droit, le Serment de la Jeunesse, De Stuw et son cercle), Bijdragen tôt de Taal-, Land- en Volkenkunde, La Haye, 1976, pp. 428-449. Encore étudiants aux Pays-Bas, en 1917, van Mook et Jonkman avaient essayé de créer une « Union Indonésienne des Etudiants » fondée sur le concept de « Indonesisch Gemeenebest », communauté indonésienne, qui sera repris par De Stuw. Van Mook et Jonkman, le premier comme ministre des Colonies en 1941-1945 et Lieutenant Gouverneur Général des Indes Néerlandaises jusqu’en novembre 1948, le second comme ministre des Colonies en 1946-1948, alors qu’il est membre du Parti du Travail, assumeront pour une large part la responsabilité de la guerre hollandaise de reconquête de l’Indonésie, en face d’eux alors, ministre indonésien de la Défense, Amir Sjarifuddin.
73 Voir le compte-rendu de la conférence des missions protestantes en Indonésie à Karangpandan (21-24 octobre 1941), à laquelle participe Amir, dans : De Opwekker, organe des missions, Bandung, juin 1941, pp. 255-257 (ordre du jour), et décembre 1941, pp. 639-642 (discussion sur protestantisme et politique). Les propos qu’y tient Amir, vague promesse d’aider au développement d’un éventuel parti protestant « si on arrive à lui prouver que c’est vraiment indispensable », ne sauraient expliquer ses difficultés de juillet 1940, et en seraient plutôt la conséquence.
74 Djamaluddin Tamin, op. cit., p. 84.
75 Résolutions du 3e Congrès du Gerindo (10-12 oct. 1941), dans Kebangoenan, 14oct. 1941, p. 3.
76 Entretiens au Conseil Indonésien des Eglises, oct. 1979, pour lesquels je remercie Mme A.L. Fransz.
77 Entretiens avec des personnalités ayant participé aux événements. Déposition de Sumarsono dans : ARA, Arch. Procureur Général Batavia, n. 595.
78 Dépêche United Press du 2 oct. 1948, diffusée le 4 dans la presse indonésienne.
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