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Souvenirs des Îles Marquises, 1887-1888

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Alfred Testard de Marans

Conclusions

Texte intégral

1Cette étude sur le groupe Sud-Est des Marquises suffira, il faut l’espérer, pour donner une idée de l’histoire de ce pays, de sa richesse et du caractère de ses habitants. Grâce à la présence d’autorités françaises, ces îles forment une colonie tranquille où tout est fait pour attirer des colons, climat sain, pays fertile, végétation vigoureuse et variée.

2Il ne faut pas juger les Marquisiens d’après nos idées européennes et il ne serait pas de bonne politique de les mettre sur le même pied que les citoyens français. Ils sont en ce moment dans une période de transformation complète ; ils abandonnent peu à peu leurs mœurs primitives et sauvages pour entrer dans la voie de la civilisation. Pendant cette évolution complète de leurs mœurs et coutumes les indigènes doivent être surveillés de très près, comme des enfants. Il convient d’employer, à leur égard, un mélange de douceur et de force, de les visiter souvent, d’écouter leurs réclamations et leurs plaintes, de les punir sans abus mais sans faiblesse, et enfin de les protéger. Le chacun-pour-soi est en effet la loi unique de certains colons qui vivent au milieu de ces tribus si faciles à entraîner. Quelques-uns, sans aucune garantie de moralité, les dominent, deviennent les instigateurs de leurs fautes et de leurs désobéissances et ne leur apportent que des vices, applaudissant à leurs excès et leur fournissant en cachette tout ce qui peut les entraîner au mal en rapportant un bénéfice immédiat à leur commerce interlope.

3Comme moyen de civilisation, il faut inspirer à ces insulaires le goût du travail en profitant de l’ascendant que l’on possède encore sur eux ; exercer une surveillance éclairée des mœurs ; percer des routes, là où il n’en existe pas, pour relier entre elles les peuplades autrefois ennemies et encore trop isolées les unes des autres.

4La nature des Marquisiens est bonne ; ils sont méchants plutôt par ignorance que par instinct, et la preuve c’est la facilité avec laquelle les représentants de l’autorité sont respectés et les règlements observés. Le meurtre et le vol tendent à disparaître et le mariage, en détruisant la polyandrie des femmes et la polygamie des hommes créera enfin la famille véritable.

5La délimitation de la propriété s’impose dès maintenant, elle permettra de constituer le domaine colonial et de donner des concessions aux colons désireux de s’établir dans ces îles.

6L’archipel des îles Marquises devrait être l’objet d’une réorganisation administrative et posséder son autonomie financière qui est l’élément indispensable de sa prospérité commerciale. Il devrait être placé sous l’autorité complète du Résident chargé de l’administration et ne dépendant du Gouverneur de Tahiti que pour la direction politique et la situation générale de notre colonie des Établissements français de l’Océanie.

7Les ressources telles qu’elles figurent au budget des recettes de Tahiti, permettraient de couvrir ses propres dépenses étant donné la perception des taxes qui frappent indistinctement toutes les marchandises et tous les produits d’un droit d’entrée de 13 % ad valorem. Avec le système actuel les colons et les habitants des Marquises sont une source de rapport pour le budget de Tahiti qui encaisse à Papeete les droits sur les objets venus d’Europe ou d’Amérique et réexpédiés dans l’archipel.

  • 1 Note de l’Auteur : Ce n’est pas aujourd’hui pour la première fois que cette question se pose. Nous (...)

8Il est probable que le rétablissement de l’impôt personnel permettrait de réduire les taxes et de faciliter ainsi le développement économique de ces îles1. Le Résident serait assisté pour l’administration et la préparation du budget d’un certain nombre de chefs des services militaire, administratif, etc. sorte de conseil privé, comprenant en outre de ces fonctionnaires, deux ou quatre négociants.

9Notre plus grand désir est de voir cette idée de l’autonomie des îles Marquises prise en sérieuse considération par l’administration centrale des Colonies. C’est le vœu du commerce local et ce nous semble être la meilleure mesure pour faciliter dans ces contrées la colonisation et le développement de notre commerce national.

Notes

1 Note de l’Auteur : Ce n’est pas aujourd’hui pour la première fois que cette question se pose. Nous eûmes l’honneur de faire part de ces desiderata, de la population européenne de l’archipel, à M. l’Inspecteur des Services administratifs et financiers, en tournée d’inspection en Océanie, lors de son passage à Atuona en février 1888.

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