Encadrés
p. 105-116
Texte intégral
Encadré 1. La course camarguaise Le cheval, l’humain et le taureau sont les protagonistes des jeux camarguais, qui sont des manifestations de perturbation de l’ordre établi, comme dans l’abrivado19 lorsque ceux qu’on appelle les attrapaïres tentent de perturber l’organisation des gardians dans un simulacre de vol de taureaux. Le moment le plus important d’une fête camarguaise est celui de la course camarguaise. La course se déroule comme suit. Avant la course, les raseteurs défilent et se présentent lors de la capelado, puis 6 taureaux, munis d’attributs entre les cornes – qui sont la cocarde, les glands et les ficelles –, sont présentés successivement, chacun restant 15 minutes en piste. La présidence annonce la valeur monétaire des attributs. Pendant les 15 minutes, la présidence fait monter la valeur des attributs en annonçant la contribution de notables. En piste figurent des raseteurs et des tourneurs, tous habillés de pantalons et t-shirts blancs. Le tourneur attire l’attention du taureau par le geste et la voix, pour bien le placer et préparer une course favorable au raseteur. Celui-ci se lance, entre dans l’espace du taureau qui le charge. Les deux se rencontrent en un point donné, où le raseteur, dans sa course, essaie d’enlever un attribut avec son crochet (le raset). Enfin, le raseteur fuit, saute par-dessus les barrières. Le bon taureau le poursuit et se jette derrière le raseteur, ce qu’on appelle le coup de barrière, salué par un extrait de Carmen. La course camarguaise ne réserve pas au raseteur le meilleur rôle : il est perçu comme un voleur rituel. « Assumant le rôle maudit du chasseur de primes, ces officiants sont vêtus d’une tenue blanche qui contraste avec la noirceur immaculée du “véritable” taureau camarguais. Antagonistes de la bête du terroir, ils sont logiquement associés à l’altérité. Ainsi, si les raseteurs “travaillent mal”, cherchant à feinter le cocardier de façon déloyale, les spectateurs passionnés les traitent-ils de “voleurs de poules” ou de “caraques”, injures traditionnellement adressées aux étrangers de mauvaise vie et d’origine douteuse. » (Saumade, 1994) |
Encadré 2. « Le foncier, c’est de l’affect » L’histoire de la transmission d’un terrain par un propriétaire de terre en Camargue au Conservatoire du littoral20 a été obtenue par entretien le 27 août 2021 auprès de François F., délégué Provence-Alpes-Côte d’Azur du Conservatoire du littoral. Pour anonymiser le protagoniste nous l’appellerons « le propriétaire ». Francois F., pouvez-vous nous raconter cette transmission ? La grande propriété, le domaine, est possédée par la famille depuis des générations. Le propriétaire, qui a près de 80 ans, vit à Marseille, mais, toutes les semaines, il revient sur son domaine du jeudi soir au lundi. Ce domaine est sa vie, son inspiration, c’est un lieu chargé d’affects. Ce lieu fourmille d’anecdotes. Lors de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands l’avaient réquisitionné. Il raconte comment, enfant, son père l’avait grondé car il avait voulu jouer avec les Allemands. On retrouve la Camargue à l’ancienne, faite d’amis et de réseaux sociaux, un art de vivre. Il s’était ligué avec tous les autres grands propriétaires contre l’État, contre ce qui est imposé par l’État. Ils se sont vraiment opposés au Conservatoire du littoral, ont d’ailleurs fait sauter son ancien directeur. En tant qu’opérateur foncier, le Conservatoire était vu comme « le retour de la Russie ». Pour eux, c’était une dépossession du privé. Le ministre de l’époque, Jean-Louis Borloo, avait d’ailleurs dû se déplacer pour régler le conflit. Le propriétaire arrive au point de basculement de la vieillesse, des questions sur la vie, la mort, le passage se posent. À la fin des fins, il n’a aucun enfant qui va vivre là, poursuivre sa passion. C’est viscéral, c’est son biotope. Ses affaires iront à son fils, mais que faire de cette partie de l’héritage qu’il n’a pas envie de trahir ? Le fils a dit à son père qu’il n’avait pas d’attachement. Le propriétaire a demandé à me voir. J’y vais et quelle n’est pas ma surprise de l’entendre dire : « Toute ma vie, je vous ai combattu, mais vous pourriez être mon meilleur allié dans le partage de mon héritage ». Ce mas et ce lieu, c’était la famille. Le Conservatoire va le magnifier, il le sait, il l’a vu ailleurs. C’est l’éternité de la famille, on va le mettre en exergue. On conservera son héritage en passant du privé au public. Il a reçu une très forte pression des autres grands propriétaires, au sein desquels il n’était pas un leader. Mais il est resté droit : « Je n’ai qu’une parole », m’a-t-il dit. François F., de votre côté qu’avez-vous ressenti ? C’est un moment très fort. On touche à la vérité, la mort et son questionnement. Je ne rentre pas le soir en me disant : je suis revenu du boulot. Pour mon travail, j’ai le détachement, mais c’est hyper gratifiant, ça touche. On est dans la relation vraie. D’un coup, on arrive dans la vérité de l’être. En tant que délégué, une part de mon travail est sur ce plan-là, pour donner de l’humanité. Le foncier c’est de l’affect. |
Encadré 3. La pièce de théâtre-forum montée au Sénégal La pièce construite au Sénégal21 se compose de deux principaux tableaux : un premier tableau présente les différentes valeurs associées à divers lieux d’un village. La scène se déroule dans un village. L’un des habitants reçoit la visite d’un ami français et lui fait découvrir le village en lui montrant différents sites importants pour sa famille et l’ensemble du village. Le second tableau représente l’arrivée d’une jeune technicienne, originaire du village, qui vient exposer à plusieurs de ses habitants un projet de route qui traversera le village et dont elle a la coordination. Tous les villageois ne sont pas d’accord avec la trajectoire prévue pour cette route et la transformation des lieux qu’elle implique. Ces lieux sont de diverses natures : une mosquée, la place du village avec son arbre sacré, un champ, une maison familiale, les bords du lac. Chacun des personnages est ainsi amené à justifier l’importance du lieu auquel il accorde de la valeur. |
Encadré 4. Les affects Les affects sont tout d’abord des variations, du changement. Spinoza les définit comme les changements ou les transitions dans une chose, causés par une autre chose, ou encore comme ce par quoi la puissance d’agir est augmentée ou diminuée (Curley, 1985). Pour Spinoza, les affects ne sont pas des états, mais des variations ; plus précisément, des variations conjointes des sujets et de leurs activités. Les affects humains chez Spinoza sont inséparables d’une dynamique corporelle et mentale. Il récuse la distinction entre le corps et l’esprit. Le corps et l’esprit, selon Spinoza, sont en réalité, non pas deux choses, mais une seule et même chose : « L’ordre des actions et des passions de notre corps ne fait qu’un, par nature, avec l’ordre des actions et des passions de l’esprit. » (Spinoza, cité par Curley, 1985) Les affects concernent donc les corps physiques aussi bien que les idées les plus simples au plus complexes, les humains, les non-humains, les transhumains, voire les plus qu’humains (Whatmore, 2006) ; un flocon de neige est capable d’affecter et d’être affecté. Dans l’œuvre principale de Spinoza, l’Ethica (Curley, 1985), lue et interprétée par Deleuze, qui a revisité les théories de l’affect (Deleuze, 2014), l’affect peut être caractérisé de trois manières (Slaby et Mühlhoff, 2019) : 1) l’affect est toujours relationnel ; 2) il existe une interaction constitutive entre le fait d’affecter et d’être affecté ; 3) l’affect incite à une compréhension dynamique et polycentrique du pouvoir :
« Par affect j’entends les affections du corps qui augmentent ou diminuent, aident ou répriment la puissance d’agir de ce corps et en même temps les idées de ces affections. » (Spinoza, cité dans Slaby et Mühlhoff, 2019) La potentia pourrait être traduite comme la capacité de l’individu à entrer dans des relations d’affecter et d’être affecté – ou la capacité affective. |
Encadré 5. Émotions, sentiments Les émotions sont des ruptures/suspensions de l’activité en cours et des transformations conjointes des constructions de sens que des sujets opèrent autour de leur propre activité. Elles surviennent lorsque les sujets se trouvent contraints à renoncer à (ou à suspendre) leurs habitudes d’activité. L’émotion est un événement. Une émotion est une réalisation épisodique d’un affect. Elles sont vécues par les sujets comme des tensions, génératrices au sens étymologique du terme (ex movere), de nouvelles activités (Barbier, 2018). Les sentiments sont des transformations des rapports entre reconnaissances personnelles et reconnaissances sociales. La mise en relation, effectuée par le sujet et enchâssée dans l’activité, de nouvelles représentations/images de soi par soi-même/par autrui peut faire apparaître des situations de concordance, de discordance, d’homogénéité, d’hétérogénéité, de congruence. Elle produit des sentiments différenciés, éventuellement successifs : joie/tristesse, menace/sécurité, attirance/répulsion, affiliation/individuation, amitié/hostilité, amour/haine, etc. (Barbier, 2018). |
Encadré 6. Les arrangements institutionnels Le travail de chercheurs phares, telle Elinor Ostrom (1990), première prix Nobel d’économie en 2009, permet de réfléchir à l’engagement dans l’action collective pour la préservation, l’évolution ou la création de communs et de mettre en perspective les chances de succès de cet engagement. La recherche de cette chercheuse a porté essentiellement sur les concepts de polycentricité (comment de multiples centres de décision interagissent), de communs et d’action collective. Son travail passe par l’analyse des arrangements entre acteurs pour trouver collectivement des règles, ce qu’elle appelle des « arrangements institutionnels ». Douglas North, un autre prix Nobel d’économie, les a définis comme : « La combinaison de contraintes formelles, de règles informelles et de leur mise en vigueur. » (North, 1990) Scott définit les institutions comme : « […] des éléments régulateurs, normatifs et culturels-cognitifs qui, avec les activités et ressources associées, apportent stabilité et sens à la vie sociale. » (Scott, 2013) Un des cadres de travail les plus connus est celui de l’Institutional Analysis Design (IAD) (figure E6). Ces arrangements institutionnels conditionneront les interactions entre les participants, qui évalueront si ces interactions et les produits de celle-ci sont satisfaisants. Ce processus d’arrangement institutionnel se fait en continu au sein des arènes d’action, de façon formelle ou informelle. Ostrom et Nagendra (2006) montrent dans une étude qu’il faut abandonner l’illusion que l’on pourrait trouver un arrangement unique qui pourrait contrôler la surexploitation des forêts. Figure E6. Le cadre d’analyse institutionnelle d’E. Ostrom, IAD ![]() |
Encadré 7. Aménajeu Entre 2014 et 2018, un projet de recherche s’est intéressé à la question de l’adaptation au changement global dans la région Languedoc, et en particulier la zone de petite Camargue. Des connaissances ont été acquises par les chercheurs, dont des connaissances sur les attachements (voir les travaux sur Sommières et Lattes ainsi que sur la Camargue dans le chapitre 2) en utilisant de multiples méthodes. Dans le cadre de la révision du schéma d’aménagement territorial, les chercheurs, les élus, les services techniques et les services de l’État se réunissent pour discuter de l’avenir du territoire et préciser des objectifs. Le choix fut de créer un jeu de rôle pour animer un de ces ateliers de rencontre (Bonté et al., 2019). L’un des constats qui présidaient à cette animation était que les différents secteurs géographiques du Sud Gard se trouvent dans des contextes socio-économiques variés, évoluent différemment et que les acteurs en charge de leur aménagement se connaissent peu. Ils font pourtant face aux mêmes changements globaux et les actions des uns peuvent avoir une influence notable sur les actions des autres. Les participants ont été mis en situation pour simuler les dynamiques d’aménagement multisectorielles et multi-échelles d’une zone côtière afin d’identifier les effets des décisions de chacun des secteurs d’activité sur les autres, localement ou sur d’autres territoires. Ce jeu permet de travailler les aménagements du territoire, les choix et arbitrages d’occupation de l’espace, entre agriculture, conservation de la biodiversité sous la contrainte d’événements climatiques et sous celle du développement de l’urbanisation. La densification répond en partie au problème, mais pose la question de la séparation spatiale des habitants selon leurs attachements au lieu et en fonction de leurs rapports de pouvoir, l’ensemble pouvant mener à des assemblages mixtes, à des ségrégations ou à l’expulsion de certaines populations du lieu. Le jeu de rôle est issu de la synthèse de connaissances acquises par l’équipe de recherche dans les domaines agricoles, démographiques, urbains, et biodiversité. Le jeu comprend quatre territoires différents, qui représentent une zone littorale, une plaine agricole, une zone urbanisée en garrigue et une vallée fluviale (figure E7). Figure E7. Représentation des quatre territoires de jeu ![]() Sur chacune des 4 tables, les participants sont placés en tant qu’aménageurs dans différents secteurs d’activité (urbain, agricole, biodiversité, tourisme vert, tourisme de masse) et un participant joue le rôle de décideur, élu chargé de décisions collectives et de négociations entre les tables. Après concertation possible avec les autres aménageurs, un joueur doit placer des infrastructures sur des espaces sous sa responsabilité afin d’orienter l’évolution de cet espace. Après les décisions des aménageurs, les espaces sont actualisés (composition des habitants, des cultures agricoles, des espèces, des touristes). Les aménageurs d’un territoire se réunissent ensuite avec l’élu décideur afin de se coordonner et de décider de l’usage d’infrastructures publiques (une digue, une barrière anti érosion, une barrière anti-sel, une station d’épuration). Les quatre élus de territoire se rencontrent enfin pour parler de l’évolution générale et pour se partager les infrastructures. Pour simuler une croissance démographique (basée sur les projections du SCoT Sud-Gard), de nouveaux habitants (fictifs) étaient positionnés à chaque tour sur les différentes tables. L’installation de ces nouveaux arrivants est simulée en fonction des connaissances acquises sur les attachements. Quatre catégories de population vivent sur ce territoire fictif. Elles sont caractérisées par leurs attachements :
De plus, des événements se produisaient sur les différents territoires : érosion littorale, inondation fluviale, remontées salines, sécheresse. Les participants se retrouvaient donc dans une situation où ils devaient réaliser leurs objectifs individuels et faire face collectivement aux différentes pressions de changement exercées sur le territoire. Le jeu a conduit les participants à anticiper ou à réagir aux fortes pressions que sont la démographie, l’érosion littorale et les submersions marines en réorganisant leurs territoires. Dans la plupart des territoires, les participants réussissent à concilier les questions d’agriculture et de biodiversité, favorisant ainsi le tourisme vert. Le facteur déstabilisant ces compromis locaux est celui de l’étalement urbain difficilement contrôlé. Le cœur des fragilités réside dans la gestion de la pression de l’urbanisation dans des territoires à risque. La densification répond en partie au problème, mais pose la question de la séparation spatiale des catégories sociales des habitants, pouvant mener à des ségrégations. Plus généralement, une séance de jeu montre que les adaptations locales à l’échelle des sous-territoires (les 4 tables) permettent de faire face temporairement aux pressions du changement global en transférant ces pressions vers d’autres territoires. |
Encadré 8. Scène « elle n’est pas propre, mon eau ? » Personnages :
Scène 1 : Dans le bureau d’Albert pour une programmation de réunion sur le terrain afin d’annoncer aux locaux les résultats obtenus lors de la deuxième année de thèse de Paule. Albert — Super, ces résultats, enfin des preuves rigoureuses que notre protocole et nos indicateurs sont très fiables. Il va falloir penser à publier sans tarder. Dominique, très enthousiasmée, mais pressée — On prépare vite fait la réunion sur le terrain, mais j’ai seulement 5 minutes, j’ai un autre rendez-vous qui suit. Sinon, oui, brillants résultats ! Paule frappe à la porte, fait son entrée dans le bureau. Salutations. Albert à Paule — Franchement, bravo pour vos résultats. Enfin la reconnaissance pour mon capteur de nano particules de pollutions émergentes, 10 ans de travail sont ainsi salués. Dominique à Paule — Excellent, vos résultats. Avec mon indicateur global de qualité, le résultat est incontestable. Avec cela, je vais pouvoir vous négocier un poste ici. C’est super. Paule, un peu gênée — Oui, merci, je commence à voir le fruit de tout mon travail. Mais tout de même, je suis embêtée à propos de la réunion de restitution sur le terrain dans deux semaines, le 14 juillet. L’eau du village est complètement polluée en fait. Un problème de santé publique va émerger, il faut vite en parler aux habitants avant que tout le monde ne soit malade. On peut enfin faire changer les choses avec notre indicateur de qualité global, on a enfin des preuves tangibles. Dominique vérifiant son agenda — Le 14 juillet ? Oui, bien évidemment, je serai présente à cette réunion pour vous soutenir. Dominique passe la majorité de l’entretien avec son téléphone. Albert s’adressant à la thésarde — Oui, peut-être. Mais, surtout n’oubliez pas pour cette restitution, vous êtes une scientifique, vous allez exposer votre méthode et vos résultats aux habitants, pas plus, pas de social, ceci ne vous concerne pas. C’est génial, on a enfin réussi à prouver que l’eau est polluée grâce à notre capteur HQS sensibilité maximum à l’Einstenium et l’intégration de ses mesures dans son indicateur global de qualité ! Il faut désormais penser à me faire un résumé d’une centaine de mots de votre travail, me lister l’ordre des auteurs pour la publication. J’ai ciblé la revue, American Water Quality Journal, c’est la meilleure. La science a fait un grand pas ! Pour la réunion du 14, un PowerPoint et c’est bouclé. Paule dubitative, qui a en tête les gens du village et moins sa carrière professionnelle — Certes, je fais le power-point, je l’envoie à la fin de la semaine. Je compte sur vous deux pour m’aider à préparer la réunion du 14 par mail et puis à votre soutien le jour J de la restitution à Tataouine-Les-Bains. Fin de la réunion, chacun repart. Scène 2 : Raoul et Paule Raoul et Paule se retrouvent après 2 mois d’éloignement. Raoul — Paule ! Quelle bonne surprise ! Alors, de retour ? Qu’est-ce que je suis content de te voir ! Comment vas-tu ? Paule — Oh, Raoul, ça me fait tellement plaisir de revenir ici et de te retrouver. Ça faisait longtemps qu’on n’a pas eu l’occasion de se retrouver ici ! Si tu me racontais toutes les nouvelles pour toi, ta famille, le quartier ? Raoul — Ici, tout va pour le mieux. Je suis vraiment content, car de nouvelles familles sont venues s’installer au village. À l’école, il y a 20 élèves de plus ! C’est l’avenir du quartier. C’est beaucoup lié à l’usine, qui s’est agrandie. Il fait bon vivre d’habiter ici, tu sais ? Bon, sinon, toi, comment vas-tu ? La thèse, elle avance ? Tes expériences, tes mesures, là, ça a marché j’espère ? Paule — Oui, oui, ça avance ! Mais on a découvert que l’eau était plus que polluée ici, pleine de nanoparticules. Raoul — Hein ? Mais qu’est-ce que tu me racontes là ? Ça veut dire quoi ça, nanoparticules ? Paule — Bah… C’est des toutes petites molécules que tu ne peux pas voir à l’œil nu, mais c’est un signe très embêtant. Tu te rends compte, l’indicateur montre des résultats de d’Einstenium 15 fois et demi supérieurs à la moyenne recommandée par l’OMS ! Raoul s’énervant — L’OM de quoi ! Allez, allez, si t’es venue pour annoncer des mauvaises nouvelles, c’était pas la peine. L’eau polluée et puis quoi encore ? Regarde, il n’est pas bon ton café ? Il est fait avec quoi à ton avis le café ? L’eau de la rivière, pardi ! Regarde, il n’est pas beau mon village, et cette rivière, magnifique ! Et puis attends, qu’est-ce que tu me dis là, Einstenium ? Mais, c’est l’usine du village qui l’utilise ! Paule — Oui, oui, il est bon le café… au niveau du goût. Mais sa composition chimique qui n’a pas de goût, elle est, d’après mes résultats, dangereuse. Mais tu comprends, c’est en termes de risque qu’il faut raisonner. Il faut prendre en considération l’avenir et tous les problèmes de santé à venir. À mon avis, c’est l’usine. Il faut faire une pétition, une manifestation, une contestation, de l’agitation… C’est toi qui peux faire ça ! Faisons partir l’usine polluante ! Raoul — Non mais, tu dis n’importe quoi. Tu te crois où ? Après tu repars tranquille chez toi. C’est tranquille pour toi. Tu m’agaces avec tes « -tions ». Cette usine, n’y pense même pas ! C’est là où travaillent la moitié des parents des élèves de ma classe. D’ailleurs c’est la moitié du quartier qui y travaille ! Bon et puis arrête, allez viens, on va pêcher ! Raoul s’en va laissant Paule déchirée. |
Notes de bas de page
19 Les gardians à cheval amènent les taureaux de la campagne jusqu’à l’arène. Ils forment un cercle très serré lancé au galop.
20 Consciente de la valeur écologique, sociale, économique et culturelle de son littoral, la France a fait le choix de préserver une part significative d’espaces naturels littoraux et de les rendre accessibles à tous. L’État a ainsi décidé de créer en 1975, le Conservatoire du littoral, un établissement public sans équivalent en Europe, dont la mission est d’acquérir des parcelles du littoral menacées par l’urbanisation ou dégradées pour en faire des sites restaurés, aménagés, accueillants, dans le respect des équilibres naturels (https://www.conservatoire-du-littoral.fr/3-le-conservatoire.htm , consulté le 30/08/2021).
21 Les pièces de théâtre-forum que nous construisons sont toujours issues de la question originale et du contexte traité. Il n’y a pas de modèle de pièce qui serait décliné en fonction du contexte.

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