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Préface

p. 11-12


Texte intégral

1Quel plaisir pour un agronome que de lire un livre aussi riche en récits passionnants que La Fabrique de l’agronomie ! Il s’agit d’une véritable autobiographie intellectuelle par des acteurs de l’évolution de la discipline. Une autobiographie de leur discipline portée par une diversité de témoignages d’agronomes aux métiers différents. C’est un récit historique, qui nous emmène dans un voyage de la seconde moitié du xxe siècle jusqu’à nos jours. L’évolution de l’agronomie a été profondément influencée par les grands changements scientifiques et sociaux de cette période, vécus par la majorité des auteurs. La création et l’évolution de l’Union européenne, la chute du mur de Berlin et la libéralisation des marchés, les transformations de la génétique, le développement de l’écologie en tant que science et en tant qu’éthique, l’industrialisation de la chaîne alimentaire et la prise en compte du paysage comme patrimoine culturel : l’agronomie reflète ces changements tout en y contribuant.

2L’agronomie est au cœur de notre compréhension de la relation entre l’homme et son environnement, dans l’utilisation qu’il fait des terres pour fournir à l’humanité les denrées nécessaires, alimentaires certes, mais aussi fibres, fleurs et produits pharmaceutiques. Lors de la très longue période de chasse et cueillette qui a marqué notre préhistoire, l’homme a su vivre avec les régulations écologiques, dans un équilibre dynamique. Mais, dès les débuts de l’agriculture sédentaire et la nécessité de produire des surplus pour nourrir les populations urbaines, la relation homme-nature a changé. La croissance démographique a bousculé ce rapport écologique, menaçant le futur même de l’agriculture par la déforestation, l’épuisement de la fertilité des sols et leur érosion, la salinisation des terres irriguées. Ce n’est qu’à partir du xxe siècle que l’homme a commencé à jeter les fondements scientifiques d’une meilleure gestion des terres pour augmenter les rendements. Mais les solutions techniques retenues, à base d’intrants de synthèse comme les engrais ou les produits chimiques utilisés pour lutter contre les maladies et les adventices, représentent en eux-mêmes des dangers dont on a mis longtemps à prendre la mesure. À ce jour, « l’écologie », « le naturel » et « le bio » dominent les débats, non en tant que principes scientifiques, mais comme composants d’une éthique de vie. Ce qui semble venir de la nature ou qui paraît naturel est devenu la clé de voûte de l’agriculture à venir. Dans le futur, les agronomes auront pour tâche principale de formuler des solutions plurielles, en tâtonnant dans un dialogue construit avec les acteurs sociaux. C’est ainsi que par leurs engagements responsables ils continueront à faire reconnaître l’agronomie comme une discipline établie, utile pour la société.

3Le lecteur restera impressionné non seulement par cette autobiographie d’une discipline, mais aussi par la passion qui anime ses praticiens dévoués. C’est dans cet engagement que chaque agronome, français ou étranger, de n’importe quelle génération, pourra se reconnaître : un engagement né du véritable souci de rendre cette discipline pertinente dans un contexte socio-économique et politique changeant, voire même volatil. Il fut un temps où l’agronomie attirait les jeunes étudiants les plus doués. On peut avoir l’impression que c’est vers l’informatique qu’ils se tournent désormais. Ce livre démontre que les défis intellectuels n’ont pas diminué, ni au sein de la recherche, ni dans l’enseignement, ni dans le développement agricole. J’espère que La Fabrique de l’agronomie sera lue avec la même passion lucide que celle qui a animé ses auteurs.

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