Chapitre 2 - Pratiques paysagistes : dépasser les parcs et jardins
p. 43-56
Texte intégral
1De la même façon que l’action publique paysagère est marquée par des héritages passés et des évolutions en cours, les pratiques professionnelles des paysagistes témoignent tout à la fois d’un conservatisme et d’un renouvellement. Comme dans le chapitre précédent, nous pouvons identifier et questionner un seuil que l’action paysagère permet de franchir : c’était le patrimoine, ce sont à présent les parcs et jardins. De même que l’action publique paysagère nécessite d’être pensée par-delà le patrimoine pour s’ouvrir à la planification, l’action paysagiste doit être conduite par-delà la pensée horticole et écologique des parcs et jardins pour répondre aux enjeux de maîtrise des formes paysagères que nous vivons au quotidien. Cet objectif est traité au regard de deux facteurs majeurs de l’évolution des pratiques professionnelles : l’écologisation des pratiques et la participation du public. Alors que l’action publique paysagère a fait l’objet de recherches à mesure qu’elle s’est déployée, les pratiques professionnelles paysagistes ont mis plus de temps pour être abordées comme des objets de recherche : les pratiques des scientifiques et celles des paysagistes sont restées longtemps étrangères les unes aux autres. Ce n’est qu’avec la lente émergence d’une recherche par les paysagistes eux-mêmes que ces mondes professionnels se sont progressivement rapprochés, mais cette articulation demeure encore aujourd’hui délicate45.
2L’idée de constituer les pratiques paysagistes en objets de recherche bute sur la nature même de l’action paysagère telle qu’elle est conduite et enseignée : comment théoriser une action qui – parce qu’elle mise sur sa nature située/contextualisée – se veut sans modèle ? Car la modéliser, c’est courir le risque de lui faire perdre sa spécificité et sa richesse. C’est pourquoi l’enseignement de la démarche du projet de paysage qui privilégie aujourd’hui le faire et la mise en action repose sur une pédagogie de l’atelier de projet, avec un suivi individualisé des étudiants « à la table » (voir la figure 5) par des praticiens qui se succèdent (l’objectif est de les confronter à diverses approches) et interagissent avec eux à partir de leurs propres expériences et vécu de professionnels, mais sans nécessairement chercher à développer un discours général sur ce qu’est ou ce que doit être la démarche de projet. Cette pédagogie contextualisée et individualisée est donc peu théorisée, et elle s’assume comme telle. Les quelques praticiens non chercheurs qui s’autorisent à le faire s’en tiennent le plus souvent à transmettre des principes pour guider l’action, mais sans la théoriser véritablement (Corajoud, 2010). Lorsqu’ils s’y essaient, leur argumentation cherche principalement à valoriser et promouvoir les démarches paysagistes, et la distance critique fait souvent défaut. Il faut donc aider les étudiants paysagistes à concilier la proximité qu’ils entretiennent avec l’action et la distance critique de la posture scientifique.
Figure 5. Un atelier de projet à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles (H. Davodeau, 2006)

3Les thèses en essor ces dernières années dans les écoles traduisent cette attitude et sont une contribution essentielle à la recherche sur les pratiques professionnelles. Bien entendu, celle-ci est aussi alimentée par des chercheurs non praticiens, les uns directement au contact des paysagistes, les autres plus éloignés mais dont les propositions de théorisation du projet en urbanisme font directement écho à leurs pratiques, en soulignant la spécificité du projet de paysage dans son attention au contexte de l’action (Fromonot, Marot). Des recherches plus fondamentales explorent le processus de conception en investissant par exemple la relation entre l’action de la pensée et l’acte du dessin et de la carte pour démontrer comment l’espace de figuration permet de saisir le paysage et de le projeter (Pousin, Tiberghien). À distance plus grande encore du monde professionnel des paysagistes, les sciences sociales questionnent les significations d’une action définie en termes de projet (Boltanski et Chiapello, Boutinet, Dewey, Ingold). Ces recherches éclairent ce qui peut être considéré comme une boîte noire pour celui qui s’intéresse non pas au projet de paysage en tant que produit résultant des pratiques paysagistes (l’objet espace public aménagé), mais à l’action elle-même, en particulier au processus de conception tel qu’il se déroule dans le secret de l’atelier à l’école ou dans l’agence. L’objectif est donc de dévoiler ce qui se joue dans les coulisses, de ne pas se satisfaire du discours professionnel d’accompagnement en amont (discours d’intention) ou en aval des projets (discours d’après-vente). Un autre objectif est de saisir ces pratiques professionnelles non pas dans l’instantanéité du processus de conception mais dans leurs trajectoires historiques (l’histoire des pratiques paysagistes étant aussi un enjeu pédagogique majeur), en relation avec l’évolution de l’action publique paysagère et en lien avec les nouveaux enjeux qu’elle prend plus ou moins bien en charge.
4En France plus qu’ailleurs, les marchés auxquels accèdent les paysagistes concepteurs relèvent principalement de la commande publique (Leger-Smith, 2014). L’action publique paysagère et les pratiques professionnelles paysagistes sont donc étroitement reliées, la première étant le cadre dans lequel se déploient les secondes. Cette commande prend sa source dans une matrice patrimoniale que l’action paysagère et paysagiste parvient plus ou moins à dépasser (voir le chapitre précédent). L’action paysagiste est marquée également par son héritage horticole vis-à-vis duquel elle a cherché à s’extraire, ou du moins à gagner en autonomie. Pour bien prendre la mesure de l’évolution des pratiques sous l’effet de l’écologisation de l’action publique paysagère et des démarches participatives, il est nécessaire de repartir de ce double héritage (horticulture et patrimoine) qui marque la culture professionnelle des paysagistes, en particulier dans le domaine des parcs et jardins.
5Les diverses figures contemporaines du paysagiste ont une racine commune : le jardinier (Donadieu, 2009). Les parcs et jardins sont les premières enceintes de l’expression des savoir-faire techniques des « jardinistes ». La ressource que représente le paysagisme pour l’urbanisme (Romeyer, 2018) repose sur l’idée de jardin et ses adaptations aux échelles spatiales de l’action paysagère : le mail, la promenade, le système de parcs publics, les espaces verts des grands ensembles, les « ceintures vertes », etc. sont autant de déclinaisons du jardin. Si elles en perdent souvent le caractère clos, elles conservent sa dimension végétale et sa vocation d’agrément, enrichie de plus en plus d’une fonction productive et alimentaire (le parc agricole). Le processus de territorialisation de l’action publique paysagère exprime donc à l’égard du jardin (comme du patrimoine) moins une rupture qu’une transition. Les connaissances horticoles des paysagistes concepteurs contemporains sont sans doute moins maîtrisées qu’elles ne le furent, mais elles leur permettent toujours de baliser un champ de compétences spécifiques qu’ils ont d’ailleurs tout intérêt à valoriser en réponse à la demande de végétalisation des espaces urbains46. L’actualité de la ville-jardin conduit donc les paysagistes à questionner leur histoire professionnelle : « Nous, les paysagistes, nous avons entrepris de gagner notre respectabilité en nous éloignant de notre héritage horticole, décidément trop difficile à valoriser dans un monde dominé par les architectes. Nos projets, dans les années quatre-vingt, se sont emparés d’un vocabulaire de plus en plus urbain, architecturé, composé, à tel point que finalement, nous nous sommes vu reprocher par de nombreux écologues de ne plus rien savoir du monde végétal ! Et c’est ainsi que d’une situation de relative complicité, nous sommes passés depuis à une situation d’opposition pratique. Les lignes de partage sont telles que, parfois, certains de nos collègues eux-mêmes nous reprochent le caractère trop environnemental de nos approches » (Mousquet, 2011).
6Les critiques des chercheurs ou des praticiens à l’encontre d’un paysagisme réduit à une fonction de verdissement sont moins pertinentes aujourd’hui : le discours d’autonomisation du domaine du paysage relativement à celui de l’horticulture est-il daté, dépassé ? La vogue des jardins partagés donne aux paysagistes le goût de leurs racines et leur ouvre de nouvelles commandes (la végétalisation des cours d’école, par exemple). Dans les écoles justement – de paysage, mais pas seulement –, les jardins expérimentaux retrouvent de la vigueur et une nouvelle justification pédagogique. Alors que la loi de 1993 prévoyait le recours à la notion de paysage pour « quitter l’espace du jardin pour englober l’aménagement du territoire47 », le paradigme du changement climatique affirme le modèle du jardin, non pas pour faire de la planète un jardin mais pour étendre l’éthique du jardin à la planète (Clément, 1999), et par là, penser une gestion jardinière des paysages (Chambelland, 2019). Cette réhabilitation du jardin pose en retour la question du paysage, c’est-à-dire des formes à donner à ces jardins contemporains, en accord avec les usages qu’ils portent et avec les représentations dont ils sont l’objet. Le « jardin en mouvement », par exemple, théorisé par le jardinier paysagiste G. Clément, questionne la définition des « mauvaises herbes » au regard des modalités de gestion48. Au-delà de ces questions techniques, le jardin partagé par des habitants peut-il assurer les mêmes fonctions alimentaires et de lien social que le jardin ouvrier ? Là encore, la réponse n’est pas à trouver dans un retour vers les formes du passé par un réflexe patrimonial, mais dans l’invention de nouvelles, adaptées aux temps présents et aux différents contextes urbains. Cette culture des parcs et jardins qui est au fondement des pratiques professionnelles des paysagistes se renouvelle sous l’effet de deux facteurs principaux : l’écologisation de l’action publique paysagère ainsi que l’enjeu de la participation des populations dans les démarches d’aménagement.
La végétalisation au prisme du paysage
7Alors que l’histoire de l’action publique paysagère et des pratiques paysagistes démontre l’autonomisation progressive du champ du paysage de celui de l’horticulture, à l’heure où la « ville écolo » semble être devenue la ville végétale (Carpentier, 2019), la trajectoire en cours dessine au contraire un rapprochement : est-ce un retour en arrière ? Qu’implique de privilégier dans le discours de l’action le terme de végétal à celui de paysage, voire de les confondre parfois comme c’est le cas à Angers (voir l’encadré 2) ? La végétalisation peut-elle être considérée comme une action paysagère ? Si non, pourquoi, si oui, à quelles conditions ? Qu’est-ce qu’une stratégie de végétalisation qui serait véritablement pensée en termes d’action paysagère ? Quelle spatialisation des projets, quels usages adopter, quelles essences choisir ? Ces questions se posent dans de nombreuses villes, comme à Angers où une polémique est née au sujet de la stratégie de végétalisation. Lors du premier conseil municipal de 2019, la Ville a en effet engagé l’élaboration d’un schéma directeur du végétal-paysage avec la promesse de planter cent mille arbres en cinq ans (constitution d’une ceinture verte, « arbres signaux » dans les quartiers). Justifiée à la fois par la transition écologique et la volonté d’affirmer l’image de la première ville verte de France (en tête de tous les classements en la matière depuis plusieurs années), cette opération questionne la relation végétal/paysage dans la planification urbaine.
Encadré 2. Polémique au sujet de la stratégie de végétalisation de la ville d’Angers « Le moment est venu, au-delà des replantations prévues cette année, de prendre dans ce domaine de nouvelles initiatives pour renforcer notre titre de ville la plus verte de France. Aussi, le 28 janvier prochain, lors du premier conseil municipal de l’année, nous deviendrons la première ville de France à nous doter d’un schéma directeur du végétal. Parce que cette stratégie végétale s’inscrit dans notre histoire, du Roi René à Végépolys, parce qu’elle participe à la préservation de la biodiversité, au stockage du CO2 et à la réduction des îlots de chaleur, parce qu’elle était inscrite dans notre programme en 2014, nous adopterons un plan d’actions global dont certaines s’appuieront sur un partenariat renforcé que nous proposerons aux associations locales. Sans dévoiler l’exhaustivité des mesures, je vous en annonce trois dès ce soir. D’abord, début février, une opération “arbres signaux” : 45 arbres signaux, soigneusement sélectionnés ces derniers mois chez des pépiniéristes locaux, seront plantés dans toute la ville. Ces arbres, tous âgés de plus de 20 ans, avec des hauteurs comprises entre 4 et 10 mètres, ont été choisis pour apporter une présence végétale singulière ou emblématique par leur couleur, leur forme ou leur gabarit. Ensuite, nous planterons également en 2019 une nouvelle série d’arbres comestibles, après les premiers de l’avenue Jeanne-d’Arc, avec 100 arbres fruitiers à répartir dans les jardins familiaux ou partagés et les parcs et jardins de la ville. Enfin, nous allons également investir de nouveaux espaces pour les boiser en développant pour Angers une ceinture verte, à l’instar de plusieurs communes de notre Communauté Urbaine. Je pense, et la liste n’est pas exhaustive, à Beaucouzé, à Avrillé, à Montreuil-Juigné, et à d’autres. L’objectif est autant de limiter l’étalement urbain que de développer de nouvelles forêts pour demain. L’ambition est de planter 100 000 arbres sur les cinq prochaines années, en commençant dès cette année. » (extrait du discours des vœux du maire aux Angevins, 7 janvier 2019) « Vous proposez donc de planter 30 000 arbres sur 3 hectares soit une densité de 10 000 arbres à l’ha. C’est dense ! Très dense ! Une densité inutile qui aboutira à de l’élagage, à du gâchis d’argent public ! En effet, quand on regarde les techniques forestières recommandées très officiellement par le ministère de l’Agriculture (“Réussir sa plantation forestière”), la densité maximale proposée est de 4 444 arbres/ha. Et ce qui est recommandé par les spécialistes, c’est moins, et plutôt de l’ordre de 1 000 à 2 000 arbres/ha ! Et on est bien d’accord que je parle de forêt et non pas de parcs paysagers qui sont infiniment moins denses ! Pour réaliser votre promesse de plantation de manière raisonnable, il faudrait donc réaliser une reforestation pour une superficie minimum de 22,5 ha et plus vraisemblablement de 50 à 100 ha. Je suis curieux de savoir où vous allez trouver ces surfaces ! Par ailleurs, concernant vos “arbres signaux”, si vous aviez consulté mon collègue d’Agrocampus spécialiste des boisements urbains, je doute qu’il validerait les plantations proposées avec autant d’espèces exotiques. Pour, je vous cite, “offrir un écosystème pour la biodiversité ordinaire”, il faut des espèces natives, c’est plus sûr ! C’est l’enseignant en écologie qui parle plus que le conseiller municipal. Bref, on le voit vos coups de comm’ pour vous verdir l’image vont à l’encontre de la démocratie participative, semblent peu adaptés aux réalités des pratiques reconnues par les professionnels, et l’objectif est loin d’être atteint à tous points de vue. » (propos d’un conseiller municipal de l’opposition, Angers Info du 28 janvier 2019) |
8Envisager le végétal sous l’angle du paysage interroge l’attention plus ou moins accordée aux paysages horticoles. Ainsi, en 2018, l’arrêté préfectoral pris pour créer une Zone agricole protégée sur le triangle horticole de Saint-Gemmes-sur-Loire (commune limitrophe d’Angers) témoigne d’une volonté de conserver la vocation agricole de ces terres soumises à la pression urbaine mais où se concentrent une trentaine d’entreprises du végétal spécialisé (maraîchage, floriculture). Pourtant, cette stratégie foncière n’est pas présentée en termes d’action paysagère et n’est pas reliée à la stratégie de végétalisation. Le marketing urbain angevin centré sur l’identité végétale est donc sélectif : il met en avant les parcs urbains et les espaces verts (un programme de rénovation des places urbaines, une trame verte intra-urbaine) mais il ne valorise pas – ou peu – le triangle horticole en termes de paysage. L’aspect technologique des serres et des parcelles sous films plastiques est-il en cause49 ? La ceinture verte « fait-elle paysage » pour les gestionnaires ? Entre l’espace vert urbain et la vallée de la Loire, les serres trouvent-elles leur place dans le paysage de la « capitale du végétal » ? Tenter d’y répondre, c’est interroger la nature du végétal mis en valeur dans les stratégies de végétalisation et questionner l’éthique jardinière de l’action paysagère.
9Comme l’action paysagère, la végétalisation ne véhicule pas intrinsèquement une éthique environnementale. En balisant le champ de l’action paysagère, en explicitant ce que veut dire « agir avec le paysage », il est possible de renverser les termes de l’équation : ce n’est plus le végétal qui est au service du paysage (végétaliser le paysage), mais le paysage qui est au service du végétal. Paysager entendu non pas comme un paysagement de surface mais comme penser et agir sur le végétal par le paysage. La perspective historique est encore précieuse pour resituer la ville végétale dans l’histoire de la nature en milieu urbain (Mathis, Pépy, 2017), en convoquant les grandes figures professionnelles paysagistes qui peuvent encore faire sens pour l’action paysagère contemporaine (l’ingénieur Adolphe Alphand, par exemple ; Santini, 2019). Penser le verdissement par le paysage conduit à questionner qualitativement des stratégies souvent abordées quantitativement50, c’est-à-dire à penser leurs formes, et par là, nécessairement leurs usages, et inclure dans ce travail critique un questionnement sur la programmation. Présenter le boisement comme une limite d’urbanisation, un rempart à l’étalement urbain ne doit pas dissimuler le fait que les arbres, avant de prendre la place d’un éventuel futur quartier, sont plantés sur une parcelle… agricole. L’argument climatique qui s’impose dans le cahier des charges pour justifier le boisement de la parcelle témoigne d’un hiatus entre la « grande échelle » spatiale et la réponse locale : puisque ce sont nos modes de consommation qui sont la cause du problème global, n’est-il pas nécessaire de préserver les surfaces agricoles qui, en périphérie urbaine, peuvent être le support d’une agriculture de proximité au service d’une alimentation de qualité ? Le maître d’ouvrage de la forêt urbaine angevine objectera que la transition ne se fera pas sans sensibilisation, et que ces espaces récréatifs et de ressourcement participent de cette prise de conscience… Mais les espaces agricoles ne peuvent-ils pas assurer cette fonction pédagogique ?
Écologisation et participation : deux facteurs d’évolution des pratiques ?
Les pratiques paysagistes face à l’écologisation de l’action paysagère
10Comme pour la question patrimoniale que nous avons précédemment cherché à appréhender par le paysage, il s’agit ici de penser non pas une écologie du paysage (ou des paysages) pour laquelle il ne serait que l’extension spatiale de l’écosystème, mais en paysage, c’est-à-dire envisagée sous l’angle de l’action paysagère telle que nous l’abordons au fil de ces pages. Déployée à travers ce prisme, cette discipline doit nécessairement saisir ses objets sous l’effet des changements paysagers, à leurs divers pas de temps. Mais si cette lecture dynamique des processus écologiques n’est pas spécifique au prisme du paysage, en revanche, la prise en charge des pratiques sociales des lieux et de leurs perceptions l’est. Les recherches sur la conception dans les quartiers durables démontrent bien par exemple comment la préoccupation du paysage vécu permet de compléter la gamme des indicateurs écologiques à l’aide d’autres critères mieux capables de rendre compte de la qualité sensorielle des espaces habités (Geisler, 2011). En effet, une écologie envisagée sous l’angle du paysage prend nécessairement en considération les différents usages et représentations des espaces vécus et, en s’interrogeant sur la qualité perçue des milieux naturels, en agissant sur les conditions de leurs perceptions par ceux qui les fréquentent (conduire les regards), en acceptant donc de les rendre accessibles (tracer les cheminements), elle utilise le paysage pour rendre visibles les processus écologiques, voire même pour les faire comprendre, par exemple en trouvant des alternatives aux signalétiques convenues et peu didactiques.
11Cette articulation du paysage et de l’écologie peut courir le risque de rendre indistincts les régimes d’action, mais elle l’évite si l’on s’accorde sur l’idée que « l’écologie est une science de la mise en relation des maillons du vivant et le paysage la mise en relation des espaces » (Mousquet, 2011). Effectivement, l’action paysagère est d’abord un travail sur l’espace auquel elle donne ses formes51 à travers une vision globale du projet, ce qui confère alors aux paysagistes un rôle d’assembliers… qu’ils aimeraient pouvoir mieux revendiquer mais que les marchés publics à fort contenu écologique, dans la demande comme dans l’attribution, peinent à leur reconnaître en privilégiant les architectes et urbanistes, voire les bureaux pluridisciplinaires (Leger-Smith, 2014). Si « les projets verts n’offrent pas plus d’opportunités aux paysagistes » pour être mandataires des opérations (id.), ils facilitent malgré tout les coopérations entre les deux champs de compétences. L’écologue peut rechercher chez le paysagiste sa capacité à travailler l’imaginaire des lieux, et chercher à élaborer avec lui une « poétique commune » (Mousquet, 2011), notamment en s’appuyant sur l’existant52. Les valeurs de l’écologie peuvent alors légitimer des valeurs paysagères (Roussel, 2019), et l’écologue et le paysagiste, se retrouver autour d’une éthique de l’aménagement minimal (Romain, 2010, p. 235), privilégiant une action qui porte moins sur la transformation des formes matérielles du paysage que sur le renouvellement des regards portés sur elles. Cette inclinaison de l’action permet de limiter les désaccords sur la mise en forme du paysage, car « parfois le modèle de l’écologue va à l’encontre de ce qui fait la qualité du site » (F.-X. Mousquet à propos de la station de lagunage de la ville de Harnes). La coopération est plus difficile lorsque l’écologue réduit le paysagiste à un rôle de décorateur ou lorsque le paysagiste ne voit dans l’écologue qu’un scientifique dénué de sensibilité qui se contente d’appliquer des modèles d’aménagement sans suffisamment les adapter aux contextes locaux. Ces postures – caricaturales, certes – expriment un rapport différent à l’action et aux sciences, et elles expliquent que l’écologisation de l’action paysagère ne provoque pas une réelle hybridation des deux champs professionnels, mais des collaborations plus ou moins fructueuses où l’une et l’autre cherchent à se coordonner de façon la plus complémentaire possible, en préservant la spécificité de leurs compétences respectives et la légitimité de leur expertise.
12Mais au-delà de l’écologisation des discours professionnels, les enjeux écologiques font-ils évoluer les manières de « faire du projet de paysage » ? La thèse récente de F. Leger-Smith (2014) démontre qu’ils alimentent davantage un nouveau discours promotionnel – sous couvert de Landscape urbanism, de l’urbanisme tactique, réversible, etc. – plus qu’ils ne renouvellent les fondamentaux de la démarche de projet. C’est pourquoi il n’est pas incongru de se demander si l’écologisation de l’action paysagère n’est pas davantage porteuse de conservatismes que d’innovations, ce dont témoignerait la relative stabilité de la pédagogie du projet dans les écoles. Cette question de l’enseignement de l’écologie auprès des paysagistes mériterait une recherche plus approfondie et permettrait peut-être d’apaiser les tensions fréquentes entre les domaines d’enseignement du projet et de l’écologie. Une telle recherche devrait avoir pour objectif de ne pas se satisfaire de l’idée que le paysage est un média (outil) efficace pour véhiculer le discours écologique, mais qu’il est lui-même le message (avec sa substance propre) à transmettre pour faire valoir une approche alternative des enjeux écologiques. Car la stratégie qui consiste à positionner le paysage au service de la biodiversité (Bourcier, 2012) ou des transitions (Kempf, Lagadec, 2021), en le subordonnant à ces enjeux, ne parvient pas toujours à expliquer comment la spécificité de l’action paysagère permet de les saisir autrement pour offrir des réponses différentes. L’action paysagère est à l’égard de ces questions de société dans une situation d’asservissement qu’elle a toujours connue tout au long de son histoire, et d’une certaine manière, cette menace lui est consubstantielle : depuis les espaces verts des grands ensembles jusqu’au paysagement des formes urbaines durables, l’action paysagère se déploie dans l’ambition de porter une alternative, mais aussi avec la crainte de ne jouer qu’un rôle d’accompagnement.
Les pratiques paysagistes face aux démarches participatives
13Dès 1979, G. Sautter affirmait ce qui est aujourd’hui une évidence : « il est de moins en moins possible de prétendre aménager les lieux, ou simplement rendre compte de ce qu’ils sont, sans prendre en charge cet élément essentiel : le regard des habitants » (p. 62). En y pressentant « le plus sûr antidote aux solutions toutes faites, conçues, puis imposées de l’extérieur ou d’en haut » (p. 64), il formulait l’enjeu de passer de la saisie de l’espace vécu à sa conception. Le processus de conception a un potentiel participatif intrinsèquement faible s’il reste une « boîte noire », une pratique professionnelle repliée sur elle-même, peu soucieuse de clarifier sa démarche, de révéler ses choix et ses parti pris. Or, c’est justement l’une des vertus de la participation que de pousser les professionnels qui s’y engagent à devoir, face aux attentes et questions des participants, expliciter leur démarche, justifier leurs méthodes – en somme, être plus transparents sur ce qu’ils font et comment ils le font. Exposés au débat public et à la contradiction, ils doivent être à l’écoute, faire preuve de modestie et de pédagogie.
14Les paysagistes possèdent une boîte à outils très riche si l’on évalue bien les potentialités spécifiques des différents instruments pour conduire ces démarches participatives (dessin, bloc diagramme, cartographie, photographie, enquête, visite de terrain, maquette, blog, journal ; Davodeau, Toublanc, 2010). Ces outils peuvent être agencés dans des configurations très variées. Il est nécessaire de penser leur articulation dans une démarche qui permet d’exploiter leur complémentarité, dans une progression depuis par exemple les enquêtes individuelles vers les ateliers collectifs, comme nous avons procédé au cours de l’expérimentation de Villandry dans le cadre du programme de recherche PDD253. Sans revenir sur cette expérience décrite par ailleurs (Montembault et al., 2015 ; Montembault et al., 2016), demandons-nous dans quelle mesure nous y avions conçu et animé une participation par le paysage. Après avoir envisagé le patrimoine puis l’écologie sous l’angle du paysage, faisons-le donc maintenant pour la participation : quel est le statut du paysage dans cette action participative ?
15Notre objectif était de nous appuyer sur le paysage aux différentes phases de la démarche afin de mettre chacune d’elles à l’épreuve de la participation, depuis l’amont (état des lieux) jusqu’à l’aval (la réalisation). Ce choix méthodologique était dicté par l’état de l’art des recherches participatives en aménagement, qui démontre que la participation est le plus souvent mise en œuvre soit en phase diagnostic, soit en phase chantier, mais rarement tout du long. Ainsi, après avoir expliqué aux participants ce que nous entendions par paysage et projet de paysage, nous avons conduit des enquêtes individuelles qui questionnaient les évolutions du territoire par la physionomie et les changements observés dans les paysages. Puis nous avons conçu et animé des ateliers collectifs où il s’agissait de se projeter, par les images et le dessin, dans le devenir du territoire afin de parvenir à dessiner une esquisse d’aménagement du centre-bourg. À ces différents stades, le paysage a occupé des statuts divers et rempli plusieurs fonctions : pour décrire le territoire (état des lieux), concevoir collectivement (conception), faire émerger une vision partagée du territoire (médiation). Il est d’abord un outil du projet à chacune des phases avant d’être la finalité de l’aménagement, préfiguré par l’esquisse coproduite. Ces phases correspondent à des temporalités successives qui ont leur logique distincte mais qui ne sont pas cloisonnées car la démarche de projet est itérative : l’état des lieux est orienté et participe de la conception, la conception produit du diagnostic, les ateliers de conception peuvent utiliser des techniques de médiation par l’image, etc. À la fois vecteur de la mobilisation, de connaissance, de dessin et de médiation, le paysage – à travers les différents statuts qu’il occupe à toutes les phases de la démarche – est l’outil du projet participatif d'aménagement et de gestion du territoire communal.
16Cette participation peut-elle pour autant être considérée comme une action paysagère ? L’argument le moins convaincant serait de souligner qu’elle a été animée par des paysagistes et a contribué, dans une proportion qu’il faudrait discuter, à réaménager les espaces publics du centre-bourg de Villandry à la suite de la réalisation d’une esquisse qui spatialise les choix d’aménagement. Au regard des acteurs mobilisés et du résultat produit, il n’y a donc pas d’ambiguïté : si l’on s’intéresse à la démarche mise en œuvre, structurée tout du long en phases distinctes, elle consistait bien à mettre à l’épreuve de la participation chaque étape du projet de paysage. Nous avons mobilisé nos étudiants pour franchir la plus cruciale, celle du schéma d’intention conduisant à l’esquisse (ils ont participé à l’animation de l’atelier). Par conséquent, la démarche ayant été animée et conçue par des paysagistes à travers un projet produisant un aménagement, la nature paysagère de l’action participative ne semble pas faire de doute. Et pourtant… Il faudrait questionner le résultat lui-même de cette opération de réaménagement du centre-bourg : les aménagements réalisés pour sécuriser la route départementale et la semi-piétonisation de la rue principale témoignent-ils de ce « tact spatial » caractéristique de l’action paysagère (Besse, 2018) ou d’un simple aménagement de sécurisation de traversée du bourg ? Cette lecture critique nécessiterait d’évaluer les effets de la participation sur les qualités de l’aménagement. A-t-elle apporté une plus-value ? La question mérite-t-elle d’être posée en ces termes, au risque d’évaluer la qualité de la participation au regard de l’aménagement effectué, alors que la participation produit bien d’autres effets sociaux (par exemple la création d’une association à Villandry, L’Embellie, qui vise « à fédérer les habitants de Villandry pour la valorisation de leur village54 ») ? Dans ces démarches participatives où le processus est souvent présenté comme l’enjeu principal (plus que le résultat formel produit), la question de l’évaluation de l’aménagement n’est pas souvent posée : au détriment de la qualité des formes ? Quant à la démarche, la question est de savoir si le phasage excessivement marqué que nous avons adopté pour tester la participation aux différentes étapes du projet n’a pas dénaturé le processus de conception paysagère – beaucoup plus souple et itératif en vérité – que cette démarche type excessivement linéaire. Par ailleurs, si la déambulation collective que nous avons organisée pour soumettre à la discussion les résultats des enquêtes individuelles a effectivement permis de hiérarchiser différemment les enjeux, doit-on y voir les effets d’un travail spécifiquement par/sur le paysage ou, plus simplement, les effets du terrain (Davasse et al., 2017) ?
17À l’image d’autres projets d’aménagement participatifs qui nous ont aidé à mettre en perspective notre propre expérimentation (une vingtaine de projets analysés), ce travail à Villandry démontre que la participation ne remet pas fondamentalement en cause la démarche de projet de paysage, ni la plus-value d’une expertise paysagiste. Ainsi, au cours de la démarche, nous avons vu des habitants particulièrement demandeurs de nos compétences de concepteur. Ils ont parfois regretté (surtout lorsque la démarche semblait ralentir) de nous voir adopter volontairement une position distanciée d’animateur-médiateur alors que nous possédions à leurs yeux des compétences permettant d’avancer plus vite. Nous avons dû assumer le choix de mettre notre expertise au service de l’organisation de la démarche, la conception des outils et méthodes, des modalités d’animation des ateliers collectifs, la mise en cohérence des informations recueillies dans les ateliers, leur mise en forme graphique et/ou audiovisuelle. En cela, il est clair que la participation n’a pas effacé notre expertise mais l’a fait évoluer dans sa finalité et son contenu. Cette expérience est certainement proche de celles que les divers professionnels vivent aujourd’hui au sein de collectifs souvent pluridisciplinaires engagés dans la co-conception des espaces publics urbains. La participation y est à la fois un facteur de rapprochement et d’hybridation des pratiques professionnelles (par exemple entre architectes et paysagistes) mais elle pousse aussi ces professionnels à faire valoir leurs compétences propres pour exister dans ce nouveau marché concurrentiel (Davodeau et al., 2014). C’est la raison pour laquelle les paysagistes ont grandement intérêt à se questionner sur leurs propres postures et méthodes dans ces démarches participatives, et nous, les chercheurs, à interroger les spécificités d’une action paysagère participative et à l’expérimenter en situation pédagogique avec nos étudiants (voir la figure 6).
Figure 6. Atelier pédagogique de médiation paysagère sur le marché de Giromagny (crédit photo : E. Geisler, 2017)

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18Dans les écoles de paysage, des signaux faibles expriment une certaine remise en cause d’une pratique du projet jusqu’alors assumée comme une action de transformation des paysages. Plus qu’une prise de conscience accrue des enjeux écologiques du moment, une attitude critique plus précautionneuse traduit les deux éléments de contexte abordés dans les pages précédentes : l’écologisation de l’action paysagère, qui actualise le paradigme patrimonial sur un plan environnemental et promeut des modalités d’intervention a minima (la non-action55, la réversibilité), et l’essor des démarches participatives, qui peuvent être perçues comme une remise en cause de la légitimité d’une expertise paysagiste déjà fragile (bases scientifiques et accroche disciplinaire instables…). En quoi moi, le paysagiste, avec mes modestes connaissances et mon regard extérieur aux lieux sur lesquels j’interviens, suis-je légitime pour concevoir l’aménagement d’un espace dans lequel je ne vis pas ? Cette crise de légitimité du concepteur porte sur la nature démiurgique de l’acte, et elle s’aiguise avec la sensibilité environnementale. Alors que les paysagistes cherchent une plus grande reconnaissance de leur profession, qu’ils souffrent de la concurrence avec les architectes et urbanistes, qu’ils sont contraints de redoubler d’efforts de communication et de pédagogie pour exister pleinement dans le champ de l’aménagement, l’attitude prudente et modeste leur permettra-t-elle de s’affirmer ? Les inviter à ne pas faire le deuil de la maîtrise des formes n’est évidemment pas un propos qui doit être interprété comme réhabilitant la figure du démiurge, ni pour sous-estimer les enjeux environnementaux actuels, et encore moins pour défendre coûte que coûte une corporation professionnelle. Inciter les paysagistes à ne pas abandonner cette ambition est une façon de ne pas laisser les formes paysagères dans les mains moins scrupuleuses de grands groupes de BTP, et de prendre au sérieux – mais sans naïveté – les modalités spécifiques d’une action paysagère dont la nature relève bien de la modalité du projet, c’est-à-dire d’une action transformatrice. La plus grande difficulté aujourd’hui pour le concepteur de se reconnaître comme un agent du changement questionne fondamentalement la pédagogie dans les cursus en paysage, architecture, urbanisme et aménagement. Les travaux qui retracent la généalogie des projets d’aménagement en les inscrivant dans une histoire qui les enchâsse les uns aux autres selon une lecture rétrospective du « projet à rebours » (Delbaere, Blanchon, 2012) visent précisément à contester l’idée du projet comme générateur exclusif de formes. Cette perspective ne consiste pas seulement à affirmer la doxa paysagiste selon laquelle le projet compose avec les formes existantes, mais à souligner qu’un projet, plutôt que de rompre une trajectoire paysagère « pure » (sans projet), prolonge toujours l’histoire des projets successifs. L’idée selon laquelle l’histoire des paysages n’est pas autre chose qu’une histoire des projets d’aménagement relativise l’impact du projet actuel sur les paysages – puisqu’ils résultent eux-mêmes de projets – et décomplexe l’étudiant, car son projet est un maillon parmi d’autres : le paysage contemporain n’est qu’un état transitoire d’un processus de transformation passé, en cours et à venir. Cette lecture du paysage dans sa trajectoire permet de répondre à l’inquiétude du projeteur modeste : son projet dessine une situation précaire et transitoire, nécessairement « altérée » par la chaîne des projets dans laquelle il s’insère (Delbaere, 2021). Tout cela donne au concepteur le droit à l’erreur… qu’il fera inévitablement, sans bien sûr que cela l’autorise à faire n’importe quoi n’importe où.
Notes de bas de page
45 Ces dernières années, le ministère de la Transition écologique et solidaire a mis en place un groupe de réflexion dans les écoles de paysage pour inciter les étudiants paysagistes à s’engager dans la voie de la recherche. Fin 2020, un guide à destination des étudiants a été produit : Paysagistes, osez la recherche. Voir par ailleurs Davodeau, 2016.
46 Depuis 1986, le festival des jardins de Chaumont-sur-Loire est un espace d’expression et de marquage pour la profession de paysagiste.
47 « Le paysage tel que nos concitoyens l’appréhendent a en quelque sorte, quitté l’espace du jardin pour englober l’aménagement du territoire. Le paysage semble être vécu aujourd’hui à des échelles dont il semblait exclu il y a peu de temps encore. Pour ce ministère, qui associe environnement et aménagement du territoire, c’est une bonne nouvelle » (D. Voynet, ministre de l’Environnement, Conseil national du paysage, séance inaugurale du 28 mai 2001).
48 En application de la loi de transition énergétique du 18 août 2015, les produits phytosanitaires sont désormais interdits dans l’espace public (c’est l’« Objectif Zéro Phyto »).
49 Cette hypothèse fait écho au travail photographique assez fascinant de Charlene Flores : voir « Les nocives aurores boréales de l’agriculture », Libération, 2 juin 2019 (en ligne : https://www.liberation.fr/france/2019/06/02/les-nocives-aurores-boreales-de-l-agriculture_1730627/). Sans aucun filtre, il rend compte des lumières nocturnes fantastiques (qui ne sont évidemment pas sans impact sur l’environnement) générées par l’éclairage artificiel des serres chauffées de Bretagne, première région productrice de tomates en France. De la même façon, mais sur un plan plus scientifique et dans un cadre géographique très différent (le Vietnam), Steve Déry et Pham Xuan Nguyen ont également appréhendé les enjeux paysagers « des fleurs qui mangent la nuit » (intitulé de leur intervention au colloque « À qui appartient le paysage dans les espaces ruraux marginaux des pays du Sud ? », UMR CITERES, 18 janvier 2019 à Tours).
50 Vingt mille à Bordeaux, cent mille à Angers et Toulouse, trois cent mille à Lyon (d’ici 2030), les grandes villes se lancent dans des programmes de plantation d’arbres dans un contexte à long terme de changement climatique… et à court terme, d’élections municipales.
51 « L’écologue et nous étions en parfaite harmonie sur cette stratégie, le débat n’ayant porté que sur la forme à donner aux îlots. Lui voulait des espaces très informels, alors que nous avons tenu à ce qu’une géométrie forte des limites affirme leur statut de jardins, afin qu’il soit plus facile de lire dans l’espace le mouvement des plantes, le moment où elles commenceraient à s’étendre hors des murs » (Mousquet, 2011).
52 « […] le projet gagne en intelligibilité et en capacité à être partagé quand il s’appuie sur un héritage du lieu. Cela s’explique par le fait que les racines d’un lieu contribuent énormément à la construction du sens d’un projet. Nous savons bien que les plus beaux projets d’avenir sont ceux qui s’appuient sur le passé. Par ailleurs, parce qu’elle renvoie à quelque chose qui ne se voit plus nécessairement, sinon à l’état de traces, la dimension de l’héritage convoque immédiatement celle de l’imaginaire et de la poésie, condition nécessaire à l’émergence d’un projet » (id.).
53 Paysage et développement durable : https://www.valdeloire.org/Actualites/Articles/Tous/Restitution-du-programme-Paysage-et-developpement-durable-PDD2
54 Site Internet de l’association.
55 La non-action n’est pas une inaction : « la difficulté d’un projet sur l’espace […] n’est pas celle d’y mettre des choses, mais, le plus souvent, celle de ne pas le faire » (M. Corajoud, 2003, « Le paysage : une expérience pour construire la ville », juillet 2003. En ligne : corajoudmichel.nerim.net/10-textes/texte-grand-prix/texte-grand-prix.pdf).
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