Faire l’écran
p. 41-54
Extrait
1Dans le film des films (qui se nomme, on le sait, Vertigo1), tout se passe en fin de compte de dos. Logique, sans doute, pour une histoire de filature : suivre quelqu’un, c’est toujours le découvrir de dos ; avoir la politesse de passer par son dos pour l’envisager sans le dévisager ; emprunter cet art de l’indirect qu’est la pensée (qui est point de vue) au lieu de buter sur un grossier face-à-face, stérile. Croire au cinéma (Vertigo n’est jamais que le portrait de son spectateur), c’est estimer, comme La Fontaine, que tourner le dos à son but est le plus sûr moyen de l’atteindre : « Les Sages quelquefois, ainsi que l’Écrevisse/Marchent à reculons, tournent le dos au port2. »
2Et comme l’a écrit un pénétrant essayiste qui se considérait comme le dernier des cinéphiles (du moins de l’âge démocratique), « pour celui qui avance ainsi, les seules lignes de fuite sont celles qui se ruent de l’avenir ignoré ou du présent entrevu vers la rétro-vision du passé3 ». De l’objectif de ci
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