Vers une épopée réaliste : le réalisme socialiste, ou la mise en récit de la construction du socialisme

1La notion de « réalisme socialiste », officialisée au début des années 1930 et qui sert depuis lors à résumer le dogme artistique du régime soviétique, est une réalité hybride puisqu’elle est le produit de plusieurs histoires, chacune avec ses tensions propres. Si elle est en effet, d’un point de vue purement factuel, le résultat d’une lutte de factions au sein du champ littéraire soviétique1, elle n’en cristallise pas moins un certain nombre d’enjeux proprement théoriques issus de l’histoire longue du marxisme et renouvelés par la révolution d’Octobre. Mais à ces enjeux s’en ajoutent d’autres, liés d’une part à l’histoire spécifique de la littérature russe et du sens qu’y a pris le terme « réalisme », et d’autre part à la question des avant-gardes et à leur volonté de rupture avec la figuration comme paradigme de l’art.

2Le premier enjeu théorique touche au rôle assigné par le marxisme à la littérature et plus généralement au récit2. En effet, la notion d’histoire joue un rôle