Les Chemins du Mont-Saint-Michel, un patrimoine en construction
p. 93-103
Texte intégral
1À l’instar des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle, les Chemins du Mont-Saint-Michel sont le fruit d’une patiente restitution contemporaine, mais celle-ci entre seulement dans l’âge adulte car elle a été initiée il n’y a qu’un quart de siècle (janvier 1998) lors de la fondation de l’association, soutenue dans un premier temps par la Région Basse-Normandie et le Département de la Manche, dans le cadre du Rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, pour permettre une découverte progressive de la baie et des territoires traversés. L’idée était de sélectionner quelques-uns des principaux itinéraires suivis au Moyen Âge et à l’époque moderne par les pèlerins venus de toute l’Europe qui allaient prier l’archange au Mont au Péril de la Mer, sans toutefois prétendre reconstituer le chemin primitif, bien mal connu par ailleurs. Jusqu’alors, cette question relevait des seuls historiens en parallèle ou en annexe à l’histoire générale des pèlerinages au Mont sur la longue durée, mais surtout à l’époque médiévale1. Au-delà des mentions des antiquaires du XIXe siècle, il fallut attendre la relance des études michaéliques et montoises dans les années 1960-1970 avec la monumentale publication du Millénaire monastique du Mont-Saint-Michel (5 volumes publiés de 1967 à 1993) pour renouveler la question. Cette série érudite s’inscrivit dans la commémoration du millénaire de la transformation en abbaye, en 966, de la collégiale fondée par saint Aubert au début du VIIIe siècle. Les festivités organisées à cette occasion permirent par ailleurs le retour, d’abord temporaire, d’une communauté bénédictine pour assurer une présence spirituelle au Mont-Saint-Michel, propriété de l’État depuis la Révolution avec le phénomène des Biens nationaux.
2Claude Bouhier, alors directeur du Centre régional de documentation pédagogique de Rouen, publia en effet en 1967 dans le tome III du Millénaire monastique, un article fondateur et documenté sur « Les chemins montais dans les anciens diocèses d’Avranches et de Coutances » en croisant des sources dispersées, en détaillant les itinéraires proposés, complétés de quelques cartes générales, sans toutefois expliquer clairement la méthode qu’il avait suivie. Les tracés qu’il avait définis furent repris quelques années plus tard dans un ouvrage grand public, œuvre d’un jeune bibliothécaire en poste à l’Université de Caen2, qui ajouta des informations historiques et pratiques (campings) au précédent travail, et qui baptisa aussi les différentes voies définies par son prédécesseur. Il dénomma en effet les chemins proposés une génération plus tôt par le premier chercheur, mais les autonymes qu’il proposait ne se retrouvent pas dans les sources (le chemin du Bessin, le chemin aux ducs, le grand chemin germanique, le chemin aux Français, le chemin de Bourgogne, le chemin du Maine, le grand chemin de Rome, le chemin d’Aquitaine, le chemin aux Nantais, le chemin aux Bretons, le chemin d’Armor…).
3Chacun sait par ailleurs que la notion même de « chemin de pèlerinage » est illusoire car les pèlerins, comme les autres voyageurs, empruntaient les grandes voies de communication de l’époque, devenues les « Grands Chemins » de l’époque moderne, puis les routes royales ou nationales (sans parler des autoroutes) de l’époque contemporaine. L’association propose donc des itinéraires de substitution, évocateurs des axes les plus empruntés et assez bien documentés dans les sources, tout en indiquant à chaque fois dans la communication les limites de l’exercice pour ne pas créer d’illusions factices.
4À la création de l’association, les premières recherches scientifiques ont débuté par un point des connaissances et la définition d’une méthode de travail3, consultant un maximum de travaux d’érudition et de publications sur les différents itinéraires menant à Compostelle, l’histoire des pèlerinages, des voies de communication, des croix de chemin, et des symboles considérés jusqu’alors comme « pèlerins », comme la coquille dite « Saint-Jacques », et la fameuse question de la notion de « Chemins de Saint-Jacques ». Du fait de l’absence de l’équivalent du célèbre Guide du pèlerin et de toutes les questions qu’il a suscitées dans la connaissance des chemins de Compostelle, les recherches sur les chemins du Mont et sur tous les sujets connexes se sont définies plus sereinement. Dès l’origine, les recherches ont été confiées à un historien et historien de l’art pour permettre une plus large prise en compte du phénomène au cours de plus d’un millénaire, au-delà des disciplines et de la périodisation de l’enseignement universitaire. Cette largeur de vues a permis de réaliser une histoire sur la longue durée, support de la médiation culturelle. Dès sa fondation, l’association s’est dotée d’un Comité scientifique composé d’universitaires et de chercheurs d’horizons divers, qui comprend aujourd’hui une cinquantaine de membres dont la moitié seulement est française.
5L’association affiche à la fois une dimension scientifique et une action de valorisation touristique ouverte à tous, sans distinction de motivation ou de mode d’itinérance. Elle souhaite associer les communes et les habitants à la prise de conscience du passage du chemin – aujourd’hui balisé – dans leur territoire, que ce soit par la signature de conventions de « Communes des Chemins du Mont-Saint-Michel », par la pose de clous en bronze poli, associés au patrimoine, ou par l’organisation de manifestations (marches culturelles, conférences, expositions). On compte aujourd’hui 102 communes adhérentes réparties sur 11 départements et 350 clous en bronze poli dans 13 départements. L’appropriation de l’itinéraire et de son identité par les habitants est essentielle au développement du projet sur la longue durée.
6L’association valorise le patrimoine monumental et l’histoire des communes traversées, comme base de médiation culturelle, le chemin étant le fil rouge de la découverte du patrimoine avec la présentation de l’histoire des voies de communication, de l’hospitalité, des pèlerinages locaux, du culte à saint Michel ou à saint Jacques, comme patron de tous les pèlerins… C’est en quelque sorte une évocation de l’aménagement du territoire, de l’Antiquité à nos jours.
7Dans cette entreprise de restitution, toutes les informations relevant du culte ou de l’iconographie du saint, de la présence de toponymes spécifiques, de l’existence réelle ou supposée de croix dites de chemins ou de coquilles dites Saint-Jacques, ne font que relever du domaine de l’illustration plus que de celui de la preuve du passage d’un chemin dit de pèlerinage. Tous les chemins sont en effet « historiques » à leur niveau, sans que cela ne prouve quoi que ce soit.
8La patrimonialisation des chemins en cours de restitution est un phénomène global pour une offre destinée à tous les utilisateurs contemporains, dénommés « miquelots », nom des marcheurs du Mont-Saint-Michel en ancien français. La mention la plus ancienne jusque-là documentée était utilisée par Rabelais4 mais il y avait déjà à la fin du XVe siècle une tenture de « micheletz » dans la chambre du roi Charles VIII au château d’Amboise5. Ce nom sans orthographe arrêtée était tombé en désuétude et l’association l’a adopté pour recouvrer l’ensemble de ceux qui vont aujourd’hui sur les Chemins du Mont, à pied, à cheval ou en vélo, quelles que soient leurs motivations. Les miquelots s’inscrivent dans une trace millénaire mais ils sont maîtres de leurs choix. L’« Itinérance et la pérégrination au Mont-Saint-Michel » sont d’ailleurs inscrits depuis 2020 au patrimoine culturel immatériel (PCI) du Ministère de la culture français depuis le rapport de Yann Leborgne décrivant la pérennité de ces pratiques. Ce phénomène dépasse en effet le simple cadre cultuel du pèlerinage tel que l’on aurait pu l’envisager. Si, au Moyen Âge et à l’époque moderne, le pèlerinage était une occasion de partir à la découverte de nouvelles contrées et de nouvelles cultures, en un mot, de voyager, cette aventure se faisait dans une société chrétienne par nature où tout renvoyait à la foi. Certains pèlerins étaient aussi des voyageurs curieux d’observer et il est évident que la proportion s’est complètement inversée de nos jours entre pèlerinage et voyage de curiosité, le tourisme ayant surclassé les motivations religieuses classiques.
Figure 28-Pèlerinage au Mont vers 1900, carte postale (coll. Association)

9Depuis la création de l’association éponyme, les Chemins du Mont-Saint-Michel constituent un itinéraire culturel européen, avec l’ambition originelle de devenir « Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe » (effectif de 2007 à 2012). Les liens européens se sont établis dès la fondation de l’association (Hampshire, Italie) et se développent aujourd’hui avec le « Réseau européen des sites et des chemins de Saint-Michel », fondé en 2013 à Caen à l’instigation de l’Association pour formaliser les contacts déjà entrepris et leur donner un cadre structuré, notamment vers le Monte Gargano, en Pouille, sanctuaire primitif du culte michaélique en Occident à la fin du Ve siècle et en étroite relation avec le Mont-Saint-Michel dès sa fondation. Les échanges avec les autres itinéraires culturels européens se sont fortifiés à l’échelle régionale (associations jacquaires, Via Sancti Martini, etc.) et à l’échelle nationale (Compostelle France, Agence des Chemins de Compostelle, Amis de Saint-Jacques de Compostelle en France, Fédération française des itinéraires culturels européens, ou FFICE, dont l’association a été membre fondateur). Le travail s’organise aussi dans le cadre de la double inscription du Mont-Saint-Michel à l’UNESCO, avec notamment l’inscription de 1998 au titre des Chemins de Saint-Jacques de Compostelle en France. Depuis 2016, l’association participe activement à la commission locale du plan de gestion du Bien sériel 868, notamment pour promouvoir le Mont en tant que composante des Chemins de Compostelle. Ont été notamment organisées à Avranches en 2018 les 8e Rencontres historiques consacrées aux Pèlerins sur les Chemins de Compostelle et du Mont (publiées en 2020), avec de riches aperçus sur les relations et les valeurs communes à ces deux centres européens de pèlerinage, à certains de leurs attributs communs (montjoies) et à ce qui correspond in fine à la Valeur universelle du Bien (VUE).
Figure 29- Pèlerins sur les chemins de Compostelle et du Mont, Actes des 8e Rencontres historiques des Chemins du Mont-Saint-Michel, Avranches, 8 mai 2018

10Les relations entre ces deux sanctuaires s’articulent grâce au réseau des chemins en cours de développement ces dernières années, en concentrant tout spécialement l’attention sur les « chemins partagés » de Saint-Jacques et de Saint-Michel, correspondant à des itinéraires Nord-Sud balisés dans un sens et dans l’autre vers Compostelle ou vers le Mont et suivis en bonne intelligence par l’association et par ses homologues jacquaires des territoires traversés. Il faut citer ici des actions riches de symboles comme la création des Chemins aux Anglais dans le Cotentin, au départ de Cherbourg et de Barfleur, conçus dès 1999 comme des « Chemins de Saint-Jacques et de Saint-Michel » et correspondant au parcours des pèlerins anglais qui débarquaient dans le nord Cotentin pour rejoindre le Mont puis Compostelle (fig. 30), et l’extension du réseau vers Notre-Dame d’Amiens (dans le cadre du 20e anniversaire de l’inscription de 1998 à l’UNESCO), avec un chemin commun d’Amiens à Rouen, balisé avec les deux logos pèlerins à partir d’Amiens.
Figure 30- Les chemins de pèlerinage dans la Manche, pèlerins de Saint-Jacques et de Saint-Michel, éditions Ouest-France, 1999

11Ces « chemins partagés » sont en plein développement aujourd’hui avec l’extension du réseau sur toute la côte Atlantique, de la basilique Saint-Michel de Bordeaux – elle aussi inscrite à l’UNESCO au titre des sites jacquets du Bien sériel 868 – à travers la Gironde, la Charente-Maritime et la Vendée avant de rejoindre la Haute-Bretagne et la « Voie des Capitales », créée dès 2004 (i.e. par Nantes et Rennes). Il faut aussi citer la « Voie des Plantagenêt » vers Angers, inaugurée en 2006 depuis le sud de l’Anjou (Le Puy-Notre-Dame) dont le balisage vers le Mont se prolongera en 2024 à travers le département des Deux-Sèvres, pour rejoindre la Voie de Tours à Aulnay-de-Saintonge… Le dernier de ces parcours communs correspond au « Grand Chemin montois » qui relire Tours au Mont par Château-du-Loir, Le Mans, Mayenne et Montjoie-Saint-Martin.
12À court terme, un nouvel itinéraire reliera la chapelle de Saint-Michel d’Aiguilhe (Haute-Loire), site ô combien évocateur du « culte aérien » de l’archange, au Mont-Saint-Michel via Saint-Martin de Tours, concrétisant ainsi le « Chemin de Saint-Michel » inauguré en 2019 entre Le Puy et Ébreuil grâce à un prolongement du GR® 300.
Figure 31- Carte européenne des Chemins du Mont-Saint-Michel (2024)

13Aujourd’hui les Chemins du Mont constituent un réseau de 3 900 km de chemins balisés correspondant à onze voies qui se développent tous les ans. La phase actuelle est plus celle de la construction d’un phénomène patrimonial de dimension européenne que celle d’un réseau définitif et présent dans tous les esprits, c’est un patrimoine en devenir.
14La patrimonialisation des Chemins du Mont passe d’abord par la connaissance et la valorisation, il faut redécouvrir et sensibiliser avant de penser à transmettre au public le plus varié. L’association poursuit en effet un travail de valorisation historique et patrimoniale tant sur le réseau viaire, le patrimoine bâti, civil ou religieux, mais aussi ce que l’on appelle le petit patrimoine (croix de chemin, ponts, etc.). Les fruits de cette recherche se retrouvent dans les guides de chacun des chemins publiés depuis 1999, dans les Actes des journées d’étude – ou « Rencontres historiques » – qu’elle organise tous les deux ans à la Saint-Michel de printemps depuis 2002, et plus modestement dans les conférences locales, visites guidées ou pauses historiques proposées lors des marches culturelles, expositions ou contributions à d’autres publications françaises ou étrangères, sans oublier les tampons patrimoniaux identitaires pour les carnets du miquelot ou crédenciales et, à l’arrivée au Mont, le Diplôme du miquelot.
Figure 32- Diplôme du miquelot

15Tout ce travail de restitution a d’ailleurs été reconnu en 2018 par la « Fondation Stéphane Bern pour l’histoire et le patrimoine – Institut de France », qui lui a remis son prix national.
16L’appropriation par les habitants de l’existence du Chemin est un des enjeux majeurs de médiation et de pérennisation mais aussi de succès (par exemple les hébergements). Outre les conventions de « Communes des Chemins du Mont », la pose de clous patrimoniaux et la création de tampons identitaires pour le Carnet du miquelot, il faut citer quelques actions spécifiques comme la pose d’un Miquelot, ou silhouette en métal découpé d’un pèlerin en chemin vers le Mont, inaugurée en juin 2022 devant l’abbatiale de Saint-Sever-Calvados (commune de Noues-de-Sienne) et son négatif installé en avril 2023 devant l’église d’Évrecy (Calvados) (fig. 32). Le choix de ces deux sites n’est pas le fait du hasard, il fait référence à l’antique chemin montais qui passait par ces deux abbayes pré-normandes et reliait primitivement les cités gallo-romaines de Vieux (cité des Viducasses) et d’Avranches (cité des Abrincates). Le texte de la Translation des reliques de saint Sever, rapporte comment, à la veille de l’an Mil, des clercs rouennais allant en pèlerinage au Mont avaient découvert le site monastique séverin, ruiné par les Vikings, mais qui avait eu la chance de conserver le tombeau de son fondateur, et donc ses précieuses reliques. Une fois revenus à la cour du duc de Normandie, ils avaient rapporté leur découverte au prince qui envoya une troupe récupérer ces précieuses reliques au grand désespoir des habitants. Le texte indique que les Rouennais étaient repartis par la voie romaine (per viam publicam) et avaient couché le soir dans une auberge près d’Évrecy. Cet axe antique, utilisé jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, comme un des deux « Grands chemins de Bretagne » au départ de Caen est aussi mentionné comme « Chemin montais » entre Étouvy et Saint-Sever dans le cadastre dit « napoléonien »6. Son axe se distingue encore aujourd’hui très bien dans le paysage viaire, c’est la D 36 puis la D 295 qui sert de limite aux communes qui ont succédé aux paroisses médiévales. Son fuseau sert aujourd’hui au chemin balisé de Caen au Mont, inauguré en 2001, car l’autre itinéraire, plus court et sans doute plus fréquenté a été aménagé en route royale à la fin de l’Ancien Régime, devenue N 175 et, depuis une vingtaine d’années, en Autoroute (A 84). Dans ce cas, comme pour les autres exemples de choix d’une voie au détriment d’une autre, l’association a toujours précisé ces données dans ses différents supports de communication (site internet, ouvrages, guides pratiques)7, toujours dans un souci de transparence et afin d’éviter la construction de mythes.
Figure 33- Statue d’un Miquelot, inaugurée en avril 2023 devant l’église d’Évrecy (Calvados).

17Les Chemins du Mont-Saint-Michel offrent de multiples possibilités de valorisations du tourisme culturel, du tourisme vert, évidemment décarbonné, de découvertes authentiques au cœur des territoires qui auront un impact économique significatif. Patrimoine, culture, tourisme et développement durable marcheront ainsi ensemble sur les anciens chemins montois.
Figure 34- Arrivée de miquelots au Mont-Saint-Michel.

Bibliographie
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Thomas E. (2024). Charles VIII et les « micheletz » d’Amboise. Dans V. Juhel (dir.) Pèlerinages princiers au Mont-Saint-Saint-Michel, actes des 9e Rencontres historiques des Chemins du Mont-Saint-Michel, 8 mai 2022, Verneuil-sur-Avre, (117-131). Les Chemins du Mont-Saint-Michel.
Notes de bas de page
1Cf. par exemple « Renseignements sur le chemin montois de Saint-Gilles », lettre de Dubosc à Charles de Gerville, 18 février 1840, Bibl. mun. Cherbourg, ms 251, f° 16 ; et Le Héricher, E., 1845-1867.
2Robert, B., 1984.
3Juhel, V., Etienne, C., 2003.
4Rabelais, 1535 : « Il descendra grand abundance de micquelotz des montaignes de Savoye, & de Auvergne ».
5Thomas, E., 2024.
6Voir à ce propos, Juhel, V., 2020.
7Voir par exemple Juhel, V., 1999.
Auteur
-
Vincent Juhel
Directeur des Chemins du Mont-Saint-Michel
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