Avant-propos
p. 5-7
Texte intégral
1À bien des égards, le privatiste est familier de la confiance, qu’il côtoie de façon habituelle. Peut-il donc, fusse a minima, prétendre saisir la notion1 qui semble par ailleurs consubstantielle au droit dans certains domaines ? Ce serait sans aucun doute présomptueux car le concept n’est pas juridique. Ce juriste-là pêcherait par un excès de confiance en lui.
2Étymologiquement, cum fidere signifie « se fier avec » et la confiance est au premier chef la foi en quelque chose, en quelqu’un. Or la foi, la fides des Romains, est au cœur de l’action et de la pensée juridique. Elle participe du droit. Mais, la confiance présente aussi des liens avec la « fidélité, la confidence, le crédit et la croyance »2 auxquels on pourrait rajouter le dévouement ou l’espérance, ce qui complexifie indéniablement son étude.
3Pour le juriste de droit privé, la confiance paraît relever tout à la fois de l’infiniment petit et de l’infiniment grand. Elle apparaît en matière de contrat par exemple, avec la confiance légitime, mais aussi en droit du crédit qui repose tout entier sur la confiance ou plus largement en droit des affaires. Particulièrement diffuse, la confiance se dérobe aisément au premier regard bien que plusieurs textes y aient recours. Le Code civil fait ainsi référence au « tiers digne de confiance » ou à la « personne de confiance » en matière d’assistance éducative, en droit médical ou dans le mandat de protection future notamment. Chacun sait en outre que « l’abus de confiance » et « les atteintes à la confiance publique » sont incriminés de longue date par le Code pénal. La valeur ainsi protégée est digne du plus haut intérêt.
4D’un côté, la confiance se présente dans certains cas comme un rouage de la technique juridique. D’un autre côté, la confiance est liée aux mouvements profonds qui agitent le droit, à la façon de la sécurité juridique ou encore de la prévisibilité du droit.
5Depuis plusieurs années, le législateur use – et abuse sans nul doute – du concept, dans des domaines très divers et ce, pour tenter de caractériser les lois qu’il rédige, comme en 2004 avec la loi pour la confiance dans l’économie numérique, en 2005 avec celle ayant pour objectif de conforter la confiance et la protection du consommateur, ou en 2021 enfin avec la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. Le juge, quant à lui, s’interroge au gré des litiges sur l’impact de la perte de confiance sur la relation de travail notamment, ou encore sur la révocation du dirigeant de société. Plus largement enfin, la justice elle-même souffre d’un déficit de confiance dans la société, déficit qu’elle tente de combler de multiples manières alors qu’elle est censée apaiser les maux de la société.
6Ce trop rapide tour d’horizon prouve, s’il en était besoin, que les applications de la confiance en droit privé sont très variées et qu’elle s’insinue dans bon nombre de champs disciplinaires. Aussi, l’objectif de la journée consacrée à cette thématique n’était-il pas tant de réaliser un panorama complet des hypothèses dans lesquelles la confiance s’illustre, mais de souligner son utilisation en droit privé dans divers domaines où elle intervient et, au-delà, de vérifier si des convergences peuvent être observées, en dehors des spécificités liées à un contexte précis.
7Pour ce faire, le parti a été pris de privilégier une étude en deux temps, avec une première partie dédiée à « confiance et relations interpersonnelles » et une seconde à « confiance et justice ».
8La première partie a permis d’explorer en droit de la famille, l’autorité parentale et l’accompagnement de la personne âgée mais aussi, au-delà, la relation médicale. Le droit des contrats et celui des libéralités ont permis ensuite de voir à l’œuvre d’autres aspects du sujet. Au gré des champs abordés, sont alors rapidement apparus des degrés dans la confiance accordée avec une intensité variable selon les situations, mais aussi des évolutions dans la prise en considération de la notion. La confiance peut n’être que de façade parfois et se trouver très vite reléguée par la défiance ou la méfiance dans certaines hypothèses.
9En seconde partie, la thématique « confiance et justice » a été traitée sous trois angles particuliers. Tout d’abord, au travers de la confiance des citoyens dans la justice dont on peine à mesurer le déficit, pourtant réel. L’étude s’est poursuivie par l’exigence de motivation renforçant la confiance dans le processus d’élaboration des décisions de justice en soulignant singulièrement le rôle joué par la Cour de cassation dans ce processus. Enfin, par un détour en matière pénale, au travers de la restauration de la confiance par la justice réparatrice. Ce tour d’horizon invite à s’interroger non seulement sur les raisons de la crise de la justice mais aussi sur les moyens de rétablir le lien mis à mal entre la justice et les citoyens. L’une des questions essentielles est de savoir comment agir sur ce qui peut être présenté comme un sentiment, la confiance, pour approcher une vertu, la justice ?
10Si l’étude ayant fait l’objet du colloque et les contributions proposées, donnent des éclairages précis sur les questions abordées, elles aspirent également à mettre en lumière les caractères de cette notion et à susciter des réflexions sur des champs disciplinaires non exploités dans les pages qui suivent.
11Ce recueil de travaux aura atteint son but s’il inspire des questionnements sur un concept difficile à évincer, précisément parce que le droit privé est ambivalent à son égard.
Notes de bas de page
Auteur
Professeur, Université Toulouse Capitole, Directrice de l’Institut de Droit Privé (EA1920)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Le nouveau règlement Bruxelles II ter
Droit international privé de la désunion, de la responsabilité parentale et des déplacements illicites d'enfants
Estelle Gallant (dir.)
2023