Propos introductifs

1Mesure(s) en droit. Que ce soit dans l’histoire ou dans l’actualité la plus proche, il a toujours été question de mesure en droit. Pour être l’art du juste et parvenir à l’équilibre, le droit nécessite constamment une évaluation. La balance, d’ailleurs, n’est-elle pas le symbole par excellence de la mesure autant que celui de la justice ? Pour ne prendre que quelques exemples traités dans cet ouvrage, lorsqu’il s’agit d’évaluer – un préjudice, un patrimoine, le caractère abusif d’une clause contractuelle, la valeur monétaire, un état de surendettement, la performance d’une entreprise ou d’une politique budgétaire – le juriste mesure. Pour réaliser ces évaluations, le droit s’est doté de différents outils. Il y a les outils extrinsèques au droit mais dont ce dernier se sert, tels que les chiffre et les nombres, l’unité monétaire, les données comptables ou encore les expertises. Il y a également les outils intrinsèques au droit créés par lui-même, tels que le barème dit Macron en matière d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la nomenclature Dintilhac en matière de préjudice corporel, les référentiels médico-légaux, les barèmes de contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et de la prestation compensatoire, le déséquilibre significatif en matière contractuelle, ou encore le principe de proportionnalité. L’ensemble des contributeurs s’accordent sur le fait que ces outils de mesure présentent certaines limites. Il y a d’abord le risque de la partialité de l’outil de mesure. Ce dernier peut être utilisé à des fins politiques comme en matière de mesure de la délinquance, ou pour donner une image trompeuse de la réalité comme en matière de responsabilité sociale des entreprises et de greenwashing. Il existe ensuite des notions qui restent particulièrement difficiles à mesurer. Par exemple, comment apprécier des nano-préjudices moraux ou inversement des préjudices de masse ? C’est un peu comme le microscope et le télescope qui, passés un certain seuil dans l’infiniment petit ou l’infiniment grand, deviennent obsolètes. Les mêmes difficultés se retrouvent lors de l’évaluation d’une perte de chance ou d’un préjudice futur. Il y a enfin des notions immesurables. Peut-on réduire à des chiffres une atteinte à un droit ou à une liberté fondamentale, une atteinte à l’être humain ou à sa dignité ? En allant au-delà, la question se pose de savoir si tout doit être nécessairement mesuré.

2Mesurer le droit. Si le droit permet de mesurer, il fait également lui-même l’objet de mesures. Il suffit de penser aux rapports Doing Business de la Banque mondiale qui mesurent la réglementation des affaires entre les États, les plaçant ainsi dans une concurrence exacerbée en matière de législation, ou bien à l’analyse des plusieurs milliers de décisions de justice par un algorithme pour connaître ses chances de succès dans le cadre d’un contentieux à venir.

3L’art de la mesure. L’ensemble des contributeurs plaident pour une utilisation raisonnée et raisonnable des outils de mesures. La mesure ne saurait se substituer au droit. Elle reste un outil utile aux mains des juristes permettant de les éclairer dans l’application du droit et également de rétroéclairer le droit afin de mieux le comprendre.