Chapitre X. Le regard et le temps

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Chapitre X. Le regard et le temps

p. 225-243

Extrait

1Qu’il y ait dans la pensée et dans la personne de Saint-Simon un rapport très particulier au regard et au temps, c’est ce que nous allons essayer de montrer.

2Il est essentiel, pour le comprendre, de scruter la nature et le pouvoir, à la vérité fort étranges, que Saint-Simon confère au regard. Même si, des Mémoires, on n’a retenu que nos seules citations, on se rendra compte (nous avons souligné le fait à maintes reprises et non sans intention) que des expressions telles que « je le regardai fixement », « je le regardai jusqu’au fond de l’âme », « je le transperçai du regard », et mille autres semblables, foisonnent. Nous n’allons pas ici accumuler les textes : ceux qu’on connaît déjà sont assez éloquents. Mais le regard ne se borne pas à fixer, à sonder ; encore il dévore : « attentif à dévorer l’air de tous », écrit-il de lui-même, en relatant l’avant-séance au cours de laquelle le Parlement eut à enregistrer la rétrogradation des bâtards, scène et texte sur lesquels nous au

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1 Un mémorialiste et te temps, dans Archivio di Filosofia, Roma, 1975.

2 V, p. 123-124.

3 Mr. VAN DER CRUYSSE, dans son ouvrage. Le portrait dans les Mémoires du duc de Saint-Simon. Paris, A.G. Nizet, 1971, quoiqu’il se situe dans une perspective très différente de la nôtre, insiste vivement sur l’importance du regard chez Saint-Simon : « L’outil que le duc trouve à sa disposition dans cette entreprise de pénétration est son regard, ce terrible “regard de fou”. Il y a dans les Mémoires toute une gamme d’intensité dans l’exercice de la vue. Depuis les “yeux baissés respectueusement” ou “avec embarras” ou bien “fichés sur le parquet” en passant par le regard “clandestin” ou lancé “à la dérobée”, le regard “gouverné avec lenteur” et “horizontalement pour le plus haut”, le “léger coup d’œil” pour en venir au regard “avec fermeté”, au regard dirigé “fixement”, “un peu hagardement”, “de tous mes yeux” ou “entre deux yeux” et pour culminer enfin dans “les yeux toujours fixés sur mon homme”, dans les “regards de feu”, “les regards à pénétrer” et dans “le coup d’œil que j’assénai vivement sur lui” » (op. cit., p. 69-70).

4 Saint-Simon a emmené en Espagne ses propres cuisiniers. Mais un ambassadeur ne peut se dispenser d’accepter des invitations, dont il était d’ailleurs fort friand, s’il n’y avait eu l’affreuse obligation des repas !

5 A cet épisode se rattache une très fâcheuse imprudence de Saint-Simon. Au moment où nous sommes, Lille est assiégée par les armée du Prince Eugène. A Paris, toute la cour est convaincue que l’affaire tournera très mal pour les Impériaux, puisque l’armée de Vendôme, plus nombreuse, prendra les assaillants de Lille à revers et les taillera en pièces, délivrant la place. C’est le moment que choisit Saint-Simon pour parier, en pleine cour, une somme considérable que Vendôme ne bougera pas et que Lille devra capituler. Le scandale fut considérable, en dépit de ce que la notion de « défaitisme » n’avait pas toutes les connotations péjoratives qu’elle recevra au temps des guerres où la nation tout entière est engagée. Paradoxalement — mais est-ce vraiment un paradoxe ? —, le scandale s’aggrava encore lorsqu’il apparut que les choses tournaient entièrement dans le sens prévu par le pari de Saint-Simon. Inutile d’ajouter que Louis XIV ne pardonna jamais au duc sa suspecte « clairvoyance ». Sur cet épisode, cf. Mémoires, II, p. 1154 sq.

6 « Je leur [à Beauvillier, Chevreuse et Béthune] dis donc naïvement que je sentais bien que ce n’était pas à moi, à mon âge, à exiger qu’ils se tussent, mais qu’à tout âge on pouvait sortir d’un carrosse », I, p. 506.

7 Il s’agit du projet prêté par Saint-Simon à Vendôme et au clan des bâtards, de ruiner la réputation et le crédit du duc de Bourgogne en le rendant responsable de revers militaires.

8 Le duc de Bourgogne est, selon Saint-Simon, connu pour sa vertu, sa dévotion, son moralisme, frôlant parfois la bigoterie. Il est donc peu aimé à la cour.

9 Le Grand-Dauphin n’aimait pas son fils aîné et futur successeur. Jouisseur, stupide, étranger par paresse et par crainte de Louis XIV à tout souci des affaires de l’Etat, il était, selon Saint-Simon, l’exact opposé du duc de Bourgogne.

10 Quoique totalement dévouée au clan des bâtards, Mme de Maintenon avait un faible pour la duchesse de Bourgogne. C’est que celle-ci était la seule, par la grâce de sa spontanéité, à égayer un peu la triste vieillesse de Louis XIV, ce qu’elle-même ne pouvait plus. Loin d’en être jalouse, et pour que Louis XIV ne sombre pas dans une indifférence et un ennui dont elle aurait été la première victime, elle s’en faisait plutôt la « dispensatrice ».

11 II, p. 1019-21.

12 II, p. 1021.

13 II, p. 1021-22.

14 Nous reviendrons sur les relations de Saint-Simon et de Pontchartrain.

15 IV, p. 138-139.

16 IV, p. 139-140.

17 On peut faire à ce sujet une remarque éclairante. Lorsque meurt un personnage capital des Mémoires et que nous connaissons depuis des années (Beauvillier, Louis XIV, le duc d’Orléans, pour ne citer que les principaux), Saint-Simon nous en trace un ultime portrait. Or ce portrait, si admirable qu’il soit, peint de lui la figure que nous avons toujours connue. Elle est littéralement hors du temps et nous le montre tel qu’il a toujours été, tel que depuis toujours, « en lui-même l’éternité le change ».

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Ce livre est cité par

Corveleyn, Jozef. (2009) Changing the Scientific Study of Religion: Beyond Freud?. DOI: 10.1007/978-90-481-2540-1_4

Le duc de Saint-Simon

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De Waelhens, A. (1981). Chapitre X. Le regard et le temps. In Le duc de Saint-Simon (1‑). Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles. https://doi.org/10.4000/books.pusl.8361

De Waelhens, Alphonse. « Chapitre X. Le regard et le temps ». In Le duc de Saint-Simon. Bruxelles: Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 1981. https://doi.org/10.4000/books.pusl.8361.

De Waelhens, Alphonse. « Chapitre X. Le regard et le temps ». Le duc de Saint-Simon, Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 1981, https://doi.org/10.4000/books.pusl.8361.

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De Waelhens, A. (1981). Le duc de Saint-Simon (1‑). Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles. https://doi.org/10.4000/books.pusl.8304

De Waelhens, Alphonse. Le duc de Saint-Simon. Bruxelles: Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 1981. https://doi.org/10.4000/books.pusl.8304.

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