1 G. BURDEAU, L’Etat entre le consensus et le conflit, in Pouvoirs, 1978, n^o 5, p. 71 ; J. HABERMAS, L’espace public..., op. cit., p. 242 et sv. ; cf. aussi J. SHKAR, Legalism, Cambridge, Mass., 1964, p. 88 et C. B. MACPHERSON, La théorie politique de l’individualisme possessif, trad. par M. Fuchs, Paris, 1971, p. 300 : « Le développement du” marché” a annulé cette cohésion des électeurs, qui constitue l’une des conditions préalables à l’élaboration d’une théorie valable de l’obligation politique ».

2 J. HABERMAS, ibidem, p. 247-248.

3 P. BRAUD, Essai de définition, in Pouvoirs, 1978, n^o 5, p. 24 et sv.

4 G. BURDEAU, La politique au pays des merveilles, Paris, 1979, p. 126 et sv.

5 Cf. J. P HAESAERT, Etiologie..., op. cit., p. 122 : « les mœurs constituent un ensemble d’usages qui régit une société donnée ; les bonnes mœurs sont celles qui ont reçu l’approbation du groupe, souvent moins encore : de la coterie dominante ».

6 Ch. PERELMAN, La réforme de l’enseignement du droit et la nouvelle rhétorique, in Archives de philosophie du droit, 1975, p. 173 ; J. ESSER, Vorverständnis und Methodenwahl in der Rechtsfindung, Francfort s/Main, 1970, p. 25.

7 C’est ce processus qu’Habermas qualifie de « publicité critique » renvoyant à une sphère publique de communication à laquelle prennent part les citoyens faisant usage de leur raison, par opposition à la « publicité de démonstration et manipulation » qui est l’œuvre des medias et des organisations publiques et privées, sans qu’y collabore le public, désormais vassalisé (L’espace public..., op. cit., p. 241-242).

8 Dans le même sens, A. TOURAINE (Production de la société, Paris, 1971, p. 343) qui, tenant la notion de « consensus » pour idéologique, note finement que « L’Etat demande au sociologue qui interprète le consensus d’être le nouvel historiographe du Roi ».

9 Anvers, 4 juin 1975, loc. cit., col. 1441.

10 Corr. Bruxelles, 22 janvier 1969, loc. cit., p. 142 et corr. Bruxelles, 28 mai 1966, loc. cit., p. 447 : « attendu que (...) le juge décide souverainement ». Cette affirmation n’est pas parfaitement exacte : en application d’une règle générale, en vertu de laquelle elle se réserve le contrôle de toute qualification, la Cour de cassation vérifie si, aux faits qu’il a constaté souverainement, le juge du fond a pu légalement attribuer le caractère contraire aux bonnes mœurs (M. RIGAUX et P. E. TROUSSE, op. cit., p. 419).

11 M. RIGAUX et P. E. TROUSSE, op. cit., p. 417.

12 Bruxelles, 22 mars 1973, loc. cit., p. 122.

13 Bruxelles, 27 mars 1970, J. T., 1970, p. 327.

14 J. J. ROUSSEAU, Du contrat social ou Principes du droit politique, Paris, 1972, p. 107 ; Rousseau ajoute : « il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes ».

15 C’est encore Rousseau qui écrivait : « loin donc que le tribunal censorial soit l’arbitre de l’opinion du peuple, il n’en est que le déclarateur » (Ibidem, p. 205).

16 J. P., La littérature pornographique et le jury, in Bulletin de la société de moralité publique de Belgique, 1890, p. 24.

17 Bruxelles, 8 juin 1977, loc. cit., p. 679 ; Cass., 28 septembre 1977 et conclusions Krings, R. D. P. C., 1978, p. 89 et sv.

18 Bruxelles, 8 juin 1977, loc. cit.

19 Ibidem.

20 Cass., 28 septembre 1977, loc. cit., p. 94.

21 Concl. avant Cass., 28 septembre 1977, loc. cit., p. 90-91.

22 « Ce que le législateur entend réprimer c’est le scandale », Doc. parl., Chambre, 1858-1859, n^o 56, p. 27.

23 Corr. Bruxelles, 16 février 1977, J. T., 1977, p. 331.

24 Corr. Bruxelles, ch. cons., 7 mai 1969, loc. cit., p. 271 ; cf. aussi corr. Charleroi, 25 novembre 1967, loc. cit., p. 742 (28.000 spectateurs).

25 Corr. Bruxelles, 29 juin 1970, loc. cit., p. 264 ; cf. encore Liège, 21 novembre 1950, loc. cit., p. 195 (« qu’il ne suscita aucune protestation de la part des spectateurs »).

26 Corr. Bruxelles, 7 mai 1968, loc. cit., p. 599.

27 Bruxelles, 27 novembre 1969, loc. cit., p. 50 ; Bruxelles, 7 mai 1968, loc. cit., p. 596 ; Bruxelles, 7 juin 1969, loc. cit., p. 84 ; Bruxelles, 21 juin 1977, loc. cit., p. 677.

28 Liège, 30 juillet 1921, R. D. P. C., 1921, p. 854.

29 Corr. Liège, 25 mai 1921, loc. cit., p. 852.

30 F. DUMON, La mission des cours et tribunaux. Quelques réflexions, in J. T., 1975, p. 542.

31 R. LEGROS, Considérations sur les motifs, in R. D. P. C., 1970-1971, p. 19.

32 Cf. Bruxelles, 21 juin 1977, loc. cit., p. 678 : « Attendu qu’une tolérance antérieure et regrettable de certaines autorités de police ne peut influencer le pouvoir d’appréciation de la cour (...) Qu’au surplus lorsque le caractère pornographique des images montrées au public est flagrant, l’inaction éventuelle de certains parquets ne pourrait faire obstacle au pouvoir d’appréciation de la Cour » ; cf. aussi Bruxelles, 7 juin 1969, loc. cit., p. 84 ; corr. Bruxelles, 22 janvier 1969, loc. cit., p. 140 (concerne la S. A. « Agences et Messageries de la Presse ») ; corr. Bruxelles, 7 mai 1968, loc. cit., p. 597 ; corr. Bruxelles, 3 juin 1954, loc. cit., p. 556. Contra : corr. Bruxelles, 16 février 1977, loc. cit., p. 331 : « toute attitude d’abstention voulue de la partie poursuivante constitue pour le prévenu une référence dont il faut tenir compte, surtout lorsque comme en l’espèce, il procède à une auto-censure dans la masse d’illustrés qui lui sont soumis ». Sur le « modus vivendi », cf. A. BERENBOOM, La « censure » des films en Belgique. Eléments pour une réforme des dispositions empêchant la libre projection, in J. T., 1970, p. 506.

33 Corr. Bruxelles, 26 juin 1968, loc. cit.

34 Corr. Bruxelles, 29 juin 1970, loc. cit., p. 265-266.

35 Trib. Seine, 27 juillet 1908, loc. cit.

36 Bruxelles, 22 mars 1973, loc. cit., p. 123 et 124.

37 Bruxelles, 12 novembre 1973, Pas., 1974, II, p. 51 et Cass., 9 avril 1974, Pas., 1974, I, p. 824 (Sextant) ; Cass., 17 mai 1978, loc. cit., p. 791 (Empire des sens). Une autre décision (corr. Bruxelles, 29 juin 1970, loc. cit., p. 263) reproduit l’argumentation du représentant du ministère public selon lequel : « les critiques d’art ne représentent pas l’opinion publique ; au contraire, par définition, ils la forment, ils la font. Ils représentent avant tout leurs propres conceptions artistiques et leur propre morale ».

38 Corr. Bruxelles, 16 février 1977, loc. cit., p. 331.

39 Corr. Bruxelles, 12 mars 1969, loc. cit., p. 355.

40 Corr. Bruxelles, 22 janvier 1969, loc. cit., p. 142.

41 Corr. Bruxelles, 29 juin 1970, loc. cit., p. 270-271. Cette décision a été souvent citée dans cette partie de notre étude ; elle peut être considérée comme la tentative la plus complète de cerner l’état réel et spécifique de l’opinion publique. Elle tend à rejoindre, dans son souci d’échange et de communication, la « publicité critique » dont parle J. Habermas.

42 J.-J. ROUSSEAU, op. cit., p. 109-110.

43 Premier avocat général B. JOTTRAND, Concl., avant Cass., 12 mai 1930, Pas., 1930, I, p. 217. Cet arrêt étend la compétence du jury à la simple annonce, par voie de presse, d’un livre qui présente des indices d’immoralité.

44 J. P., La littérature pornographique et le jury, loc. cit., p. 23.

45 A. MEYERS, A propos d’une interpellation. La répression de la pornographie, discours prononcé à l’audience de rentrée de la Cour d’appel de Liège, le 1^er octobre 1924 et dont la Cour a ordonné l’impression, p. 17.

46 L’idée n’est pas neuve. En 1893, Du Chastain (La littérature immorale et le danger des publications obscènes, loc. cit., p. 54), après avoir condamné « l’indulgence des jurys », conclut que « sans renoncer à demander protection aux lois contre les attentats des pornographes, nous devons attendre davantage de l’initiative privée » ; cf. aussi E. SIGOGNE, L’initiative privée peut-elle disposer de moyens suffisants pour conjurer les dangers de la littérature licencieuse loc. cit., p. 73 et sv.

47 A. MEYERS, op. cit., p. 25.

48 Sur ce point, cf. Doc. parl., Sénat, 1946-1947, n^o 236, p. 2.

49 Doc. parl., Sénat, 1935-1936, rapport n^o 149.

50 Sur ce point, cf. J.-L. STRYCKMANS, Considérations sur la loi du 11 avril 1936 permettant au gouvernement d’interdire l’entrée en Belgique de publications étrangères obscènes, in R. D. P. C., 1958-1959, p. 434-435.

51 S. C. VERSELE, op. cit., p. 37.

52 N. LAHAYE, Une définition juridique de l’outrage public aux bonnes mœurs est-elle possible ? in Les frontières de la répression, t. II, op. cit., p. 49.

53 J. M. PIRET, op. cit., p. 435 ; R. LALLEMAND, op. cit., p. 418 qui note, non sans humour, que les magistrats seraient contraints, dans cette hypothèse, de soumettre au public des images que le parquet considère comme obscènes et de nature à susciter « des passions malsaines ».

54 N. LAHAYE, L’outrage aux mœurs, op. cit.

55 Ibidem, p. 189 et sv.

56 Ibidem, p. 188.

57 Ibidem, p. 13.

58 Cf. Ch. ROBERT et Cl. FAUGERON (La justice et son public. Les représentations sociales du système pénal, Genève, 1978, p. 33) qui parlent du « mythe de l’opinion publique » et soutiennent que les sondages d’opinions sont « obérés par un postulat implicite de consensus selon lequel il existe une opinion publique qu’il suffit de mesurer ». Ils rappellent par ailleurs que « tout l’édifice juridique repose sur une assomption consensualiste : la loi est l’expression de la volonté générale. »

59 P. BOURDIEU, L’opinion publique n’existe pas, in Les temps modernes, n^o 318, 1973, p. 1295. Comparez la prudente appréciation que propose Cl. Javeau des résultats d’un sondage réalisé par l’INUSOP à propos des attitudes des Belges à l’égard des spectacles obscènes (loc. cit., p. 5 et 6) : « de tels résultats ne doivent pas être pris pour davantage que le reflet de jugements collectifs, plus ou moins conditionnés par les moyens de communication de masse, les discours politiques, les prêches des directeurs de conscience, etc. (...) Ces chiffres sont indignes à fonder d’emblée une politique en la matière. (...) Ils ne décrivent que des opinions, c’est-à-dire des réponses plus ou moins sollicitées par la technique même utilisée lors du sondage. »

60 P. CHAMPAGNE, Sondage d’opinion et consensus politique, in Le consensus, toc. cit., p. 102.

61 Cf. P. CHAMPAGNE, loc. cit., p. 93 : « Nombre de commentateurs et d’analystes ont remarqué cette sorte d’inaptitude rédhibitoire des sondages à saisir tout ce qui est de l’ordre du changement et, a fortiori, de prévoir les crises sociales ». Cet effet conservateur de l’opinion publique s’explique en partie du fait que cette opinion est largement formée, notamment en matière de criminalité, par les représentations véhiculées par les media. Il est bien connu que les média renforcent généralement les stéréotypes négatifs relatifs aux délinquants, créant ainsi un besoin de répression accrue (sur ce point cf. H. J. SCHNEIDER, L’influence des moyens de communication de masse sur l’opinion publique en matière de criminalité et de justice criminelle, in L’opinion publique relative à la criminalité et à la justice pénale. Etudes relatives à la recherche criminologique, vol. XVII, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 1979, p. 161 et sv.

62 P. BOURDIEU, op. cit., p. 1295.

63 Liège, 13 février 1907, loc. cit., p. 106.

64 Bruxelles, 3 février 1902, loc. cit., col. 336.

65 Paris, 13 juillet 1908, loc. cit., p. 8.

66 Cass., 17 mai 1978, loc. cit., p. 791.

67 Bruxelles, 27 novembre 1969, loc. cit., p. 49-50 ; cf. aussi Bruxelles, 22 mars 1973, loc. cit., p. 126 : « sentiment de la pudeur, à notre époque, de la moyenne de la population » ; corr. Charleroi, 25 novembre 1967, loc. cit., p. 742 : « spectateur moyen, échantillon de notre époque et de nos régions ».

68 Cf. A. VAN HAECHT, op. cit., p. 75-76 : « le spectateur moyen n’est qu’une fiction vidée de tout contenu sociologique. C’est une mythification faite d’abstraction facile, au même titre que l’homme moyen en mauvaise sociologie ou encore l’homo economicus en mauvaise science économique » ; J. P. HAESAERT, Evolution..., op. cit., p. 1163, oppose la « multiplicité des types moraux autonomes » à l’image du « mystique, de l’emblématique bourgeois, représentant de la morale de Zutphen, et qui, selon les sentiments que les censeurs lui attribuent volontiers, aurait dû être choqué » ; S. C. VERSELE, op. cit., p. 16-17 : « il n’est pas une seule conscience sociale, vraiment commune à toute une population, mais plusieurs consciences propres à des sous-groupes culturels, professionnels ou sociaux, des consciences dont l’une ou l’autre l’emporte selon l’époque ou le domaine envisagé. » ; R. LALLEMAND, op. cit., p. 419 : « le spectateur moyen n’est plus, dès lors, qu’un alibi inutile, une référence polie aux mœurs de l’époque ».

69 Corr. Liège, 22 avril 1902, loc. cit., col. 1355 ; cf. aussi, même motivation dans corr. Bruxelles, 24 février 1923, loc. cit., p. 371 et corr. Bruxelles, 12 mars 1969, loc. cit., p. 355 : « que le tribunal doit juger dès lors en tenant compte de l’esprit de celui qui reçoit l’image (...), qu’il faut donc prendre uniquement en considération le fait que certains détails particuliers de scènes du film, de par l’impact qu’ils créent sur des jeunes de 16 à 18 ans, n’ayant pas encore des réactions suffisamment critiques... » ; cf. aussi Pandectes belges, V° Outrage aux mœurs, n^o 109-5. A noter qu’un auteur isolé, le Conseiller Laplatte, défend la thèse selon laquelle « l’outrage public à la pudeur n’est pas l’atteinte à la pudeur du public, c’est un acte par lequel l’individu offense sa propre pudeur en public » (Aperçus..., op. cit., p. 39).

70 Liège, 26 juin 1968, loc. cit., p. 278 ; cf. aussi Ch. GHEUDE (op. cit., col. 1351) qui se réfère quant à lui, aux fins d’éviter une rigueur excessive, au sentiment de la « généralité des citoyens de tous âges pris dans leur ensemble » ; argument : « va-t-on ravaler l’art au niveau d’une intelligence d’enfant, de femme ou d’impuissant ? ».

71 Cass., 9 janvier 1973, loc. cit., p. 456 ; Cass., 18 septembre 1973, loc. cit., p. 47 ; Cass., 9 avril 1974, loc. cit., p. 82.

72 Corr. Bruxelles, 22 janvier 1969, loc. cit., p. 142 ; corr. Bruxelles, 28 mai 1966, loc. cit., p. 447.

73 Corr. Bruxelles, 7 mai 1968, loc. cit., p. 599.

74 Cass., 17 mai 1978, loc. cit., p. 791 : « la législation n’ayant pas défini la notion de bonnes mœurs a laissé au pouvoir judiciaire en tant qu’incarnant un des pouvoirs constitutionnels représentant l’opinion publique, la mission de dégager le sentiment collectif de la pudeur » ; corr. Bruxelles, 16 février 1977, loc. cit., p. 331 ; Bruxelles, 27 mars 1970, J. T., 1970, p. 327.

75 Bruxelles, 22 mars 1973, loc. cit., p. 122 : « attendu que la Cour doit apprécier les actes qui sont incriminés comme si elle représentait une moyenne de la population ».

76 G. BURDEAU, La politique au pays des merveilles, op. cit., p. 132 et sv.

77 E. KANT, Théorie et pratique, III, 3, cité par S. GOYARD-FABRE, Kant et le problème du droit, Paris, 1975, p. 188.

78 Plus largement encore, la psychanalyse enseigne que le « comme si » est l’espace même de la représentation — tant celle qui soutient le discours que celle qui fonde le pouvoir ; elle instaure un espace de jeu et de fiction — point d’irruption de l’inconscient là où se creuse l’écart irréductible des mots et des choses, de la société et de l’Etat (sur le statut du « comme si » en psychanalyse, cf. J. FLORENCE, L’identification dans la théorie freudienne, Bruxelles, 1978, p. 88).