1 G. LOCRE, La législation civile, commerciale et criminelle de la France ou commentaire et complément des codes français, t. XXX, Paris, 1827, p. 519. Cf. aussi MONTESQUIEU : « On peut regarder, dans un Etat populaire, l’incontinence publique comme le dernier des malheurs et la certitude d’un changement dans la Constitution ». (De l’esprit des lois, in Œuvres complètes, t. I., éd. de Ch. Lahure, Paris, 1859, p. 88.)

2 Alors que les peines prévues pour outrages aux mœurs ont été aggravées à deux reprises, en 1912 et en 1962, on constatera, en revanche, que le nombre de condamnations, après s’être élevé à environ 1 200 en 1964, est, depuis lors, en régression quasi constante (438 condamnations en 1975).

3 Sur cette question, cf. l’excellent article de A. MARCHAL, Outrages aux mœurs par écrits, images ou objets, in R. D. P. C., 1970-1971, p. 953 et sv.

4 Rappelons que les décisions publiées ne représentent qu’une infime partie des décisions prononcées ; par ailleurs, la sélection qui préside à leur publication peut induire le chercheur en erreur quant à l’objet principal de la répression. Ainsi, la majorité des décisions analysées porte sur les articles 383, al. 1, 3 et 4 et 384 du Code pénal, alors que les statistiques judiciaires révèlent que la majorité des condamnations est relative aux articles 385, al. 1 et 386 (ainsi, en 1975, on enregistre 26 condamnations sur pied des articles 383, al. 1, 3 et 4 et de l’article 384, pour 283 condamnations sur pied des articles 385, al. 1 et 386).

5 Pour M. Foucault, une pratique discursive « s’inscrit d’entrée de jeu dans le champ des différentes pratiques où elle trouve à la fois sa spécification, ses fonctions et le réseau de ses dépendances » (L’archéologie du savoir, Paris, 1969, p. 254). A plusieurs reprises nous suggérerons des relations de ce type, sans pour autant procéder au relevé systématique et à l’étude de ces diverses pratiques non discursives.

6 F. OST, Questions méthodologiques à propos de la recherche interdisciplinaire en droit, in R.I.E.J., n^o 6, 1981, p. 1-31 ; cf. aussi M. van de KERCHOVE et F. OST, Possibilité et limites d’une science du droit, in R. I. E. J., n^o 1, 1978, p. 1 et sv.

7 Pour J. Habermas, le savoir critique, qui procède par auto-réflexion, « affranchit le sujet de la dépendance à l’égard de puissances hypostasiées » et est déterminé par « un intérêt de connaissance émancipatoire » (La technique et la science comme idéologie, trad. par J. R. Ladmiral, Paris, 1973, p. 150).

8 Sur ce problème, cf. le débat A. AUERBACH - J. SKOLNICK dans Law and the behavioral sciences, ed. by L. FRIEDMAN et S. MACAULAY, New York, 1969, p. 17-35 ; cf. aussi J. CARBONNIER, Droit privé et sociologie, in Le droit, les sciences humaines et la philosophie, Paris, 1973, p. 35-45.

9 L’expression est de H. L. A. HART, Le concept de droit, trad. par M. van de Kerchove, Bruxelles, 1976, p. 113 et sv.

10 H. KELSEN, Théorie pure du droit, trad. 2^e éd. par C. Eisenmann, Paris, 1962, p. 4.

11 Dans le même sens, avec des nuances, H. L. A. HART, op. cit., p. 113 et sv. ; N. POULANTZAS, Nature des choses et droit. Essai sur la dialectique du fait et de la valeur, Paris, 1965, p. 256 et sv. ; C. VARGA, Quelques questions méthodologiques de la formation des concepts en sciences juridiques, in Archives de philosophie du droit, 1973, p. 238.

12 En revanche, l’intériorisation de ces critères dans la conscience des sujets de droit sous forme de croyance en l’obligatoriété de la règle et du discours de validation, si elle doit être enregistrée comme fait et expliquée, ne saurait être suivie lorsqu’on se place du côté de l’explication critique.

13 Cf. J. P. HAESAERT, Etiologie de la répression des outrages publics aux bonnes mœurs, Bruxelles, 1931, p. 18 : « l’ensemble est illogique et mêle des infractions différentes sous le vocable outrage à la pudeur’ ».

14 Cf. Commission pour la révision du Code pénal, Rapport sur les principales orientations de la réforme, Bruxelles, juin 1979, p. 109 : « Du point de vue criminologique, un lien de causalité entre la diffusion de l’obscénité et l’augmentation de la violence sexuelle n’est nullement démontré ». Sur ce problème, cf. aussi ROBERTSON, Obscenity, Londres, 1979, p. 150 et les études citées dans les pages précédentes ; Les frontières de la répression, t. II, Bruxelles, 1974, p. 127 et 137. Cf. aussi l’opinion de A. MARCHAL (Outrage aux mœurs par écrits, images ou objets, R. D. P. C., 1971-1972, p. 144) : « Les travaux parlementaires mettent en évidence la volonté générale de prohiber le péril pornographique. Personne ne s’élève pour le mettre en doute ou simplement pour s’interroger ou questionner les autres ».

15 L’expression est de J. P. HAESAERT (op. cit., p. 32 ; cf. aussi ROBERTSON, op. cit., p. 206, pour lequel le vocable « indécent » ne présente pas un sens objectif ; la construction de ce sens est, dit-il, fonction « d’absolus mythiques »). C’est le même auteur qui ajoute : « le chapitre VII ne repose sur aucun élément rationnel. Il est d’origine émotive. Les efforts faits pour l’enfermer dans un cadre logique expliquent l’obscurité, l’ambiguïté, le désordre des textes » (op. cit., p. 225-226).

16 En ce sens, on peut dire que la rationalité juridique est bien souvent de l’ordre de la rationalisation, au sens psychanalytique du terme.

17 A preuve, le fait que nous utilisons tant la jurisprudence « répressive », que la jurisprudence « libérale ». Il est précisément significatif de constater que, quel que soit le dispositif adopté (condamnation ou acquittement), la motivation des décisions reflète souvent la même anthropologie, la même idéologie, etc...

18 Cf. par exemple, D. WOLTON (Le nouvel ordre sexuel, Paris, 1974, p. 46) : « rien ne peut garantir a priori que les conflits de libération ne débouchent pas à terme sur une substitution de domination et la mise en place de nouveaux pouvoirs sur la sexualité ». L’auteur fait allusion, d’une part, au pouvoir médical qui définit la « norme » de la performance sexuelle et, d’autre part, au pouvoir économique qui rentabilise la sexualité comme nouvel objet commercial ; cf. aussi Th. SZASZ, Sexe sur ordonnance, trad. par F. M. Watkins, Paris, 1981, p. 8 et 13 : « Docteurs en théologie et docteurs en médecine, clercs et cliniciens, ont beaucoup de points communs, surtout quand il s’agit de sexualité. Par-dessus tout, ils partagent l’arrogante certitude qu’eux, et eux seuls, savent comment Dieu ou la nature entend que nous trouvions du plaisir, sexuellement ou autrement » (...) « La sexologie "scientifique” est un véritable cheval de Troie : sous l’apparence d’un don du progrès moderne à l’humanité dans sa lutte pour la liberté et la dignité, elle n’est en fait qu’une nouvelle stratégie pour sa pacification et son esclavage. »

19 Sur ceci, cf. M. GAUCHET, Tocqueville, l'Amérique et nous. Sur la genèse des sociétés démocratiques, in Libre, 1980-7, p. 43 et sv.