1. Introduction

1Si, au cours des cinquante dernières années, la désinstitutionnalisation a pris des visages différents, elle se définit actuellement par le mouvement international de l’inclusion, considéré comme un droit par et pour les personnes en situation de handicap reconnu par la Convention ONU des droits des personnes handicapées1.

2Toutefois, dans la pratique, l’exercice de ce droit se heurte à de nombreuses contraintes en raison des bouleversements qu’il opère dans les services ainsi que dans les politiques à mettre en place. Cet article sera principalement consacré aux stratégies qui favorisent l’inclusion des adultes souhaitant vivre chez eux dans un habitat inclusif solidaire. Ce mouvement se traduit aussi actuellement par des initiatives internationales, notamment européennes (Groupe européen d’experts sur la transition des soins en institution vers les soins de proximité, 2012), et en particulier en France par le rapport de Piveteau et Wolfrom (2020)2 et un cahier pédagogique du CNSA (2022)3.

3Afin de donner corps à cette évolution, l’article s’articulera principalement autour de trois axes, à savoir le cadre juridique existant, la définition et les enjeux d’un habitat inclusif solidaire et enfin les trois défis majeurs de l’inclusion que sont l’accompagnement, le financement et le réseau des habitats inclusifs solidaires (HIS).

2. Le cadre juridique existant

4Bien que les personnes en situation de handicap bénéficient d’une protection juridique à un triple niveau, international, européen et national, celles-ci éprouvent, encore aujourd’hui, dans leur vie quotidienne, de grandes difficultés à faire respecter leurs droits à l’autonomie de vie et à l’inclusion sociale dans des domaines fondamentaux tels que l’accès au logement et le droit à l’assistance personnelle. Aussi, les balises internationales fixent les exigences minimales contraignantes à respecter et tracent les perspectives d’évolution de la législation belge.

2.1. La Convention des Nations Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées (CDPH)

5Au niveau international, le premier instrument dédié spécifiquement aux droits des personnes en situation de handicap et qui plus est, fondamental pour la défense effective de leurs droits, est la Convention des Nations Unies relative aux Droits des Personnes Handicapées (CDPH)4.

6La CDPH (UNCRPD : Convention on the Rights of Persons with Disabilities) a été votée et signée à l’unanimité par l’Assemblée Générale des Nations Unies à New York le 13 décembre 2006. Cette Convention a été ratifiée par l’Etat belge et ses entités fédérées en 2009 mais également par l’Union Européenne en 2011. La CDPH fait donc partie intégrante de l’ordre juridique européen, tandis que l’Etat belge est, quant à lui, doublement lié par elle, en tant qu’Etat partie et Etat membre de l’UE. En ratifiant la Convention, les Parties s’engagent à respecter la Convention et à adapter leur législation en conformité avec ses dispositions.

7Sur le fond, la CDPH instaure un réel changement de paradigme en consacrant une approche inclusive du handicap à tous les niveaux de la société. Les personnes en situation de handicap sont désormais reconnues comme sujets de droits fondamentaux avec leur propre capacité juridique et leur droit à participer à la société : « Nothing about us without us ». C’est l’environnement structurel, légal, social et économique qui doit s’adapter, passant ainsi du modèle médical au modèle social du handicap. Les droits consacrés par la CDPH ne sont donc pas des droits théoriques et illusoires mais bien concrets et effectifs qui imposent l’adoption de mesures positives par l’Etat belge et ses entités fédérées.

8Selon l’article 19 de la CDPH (et son observation générale n°5) qui consacre le droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société, les États Parties reconnaissent à toutes les personnes handicapées le droit, d’avoir la même liberté de choix que les autres personnes, c’est-à-dire le droit de choisir leur lieu de résidence et où et avec qui elles vont vivre, sans être obligées de vivre dans un milieu de vie particulier. Elles ont également le droit d’avoir accès à une gamme de services à domicile ou en établissement, y compris l’aide personnelle nécessaire afin de leur permettre de vivre dans la société et de s’y insérer tout en empêchant qu’elles soient isolées ou victimes de ségrégation. Elles ont enfin le droit de bénéficier des services et équipements sociaux adaptés à leurs besoins. Cet article consacre, par conséquent, deux droits essentiels : le droit pour toute personne en situation de handicap de vivre indépendamment et de manière autonome quels que soient la déficience, les besoins ou l’âge ainsi que le droit à l’inclusion dans la société ou dans la communauté.

9Cette disposition n’implique pas pour autant que la personne en situation de handicap doit vivre seule. En revanche, elle doit avoir la liberté de pouvoir choisir comment, où et avec qui vivre dans des logements adéquats, répartis dans toute la communauté (et non dans des zones spécialisées), en nombre suffisant et au coût abordable afin de lui permettre d’être incluse dans la communauté.

10La personne en situation de handicap doit pouvoir non seulement décider des arrangements et mode de vie (agenda journalier, style de vie, repas, activités, espaces privatifs, etc…) mais également disposer d’un outil de vie indépendante qui est l’assistance personnelle. Le financement personnel constitue un outil qui permet d’assurer une vie indépendante car il est attaché et contrôlé personnellement par la personne en situation de handicap.

11En somme, le principe consacré par l’article 19 est celui de la « désinstitutionnalisation sous toutes ses formes » consacrant pour la personne en situation de handicap cette liberté de choix et de contrôle.

2.2. La condamnation de l’Etat belge : source jurisprudentielle européenne

12Il est important de rappeler que l’Etat belge et ses entités fédérées5 ont été condamnés, le 18 mars 2013, par le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS, réclamation collective n° 75/2011, décision notifiée le 26 mars 2013), en raison du manque de places d’hébergement et de solutions d’accueil adaptées aux besoins spécifiques et concrets pour les personnes handicapées de grande dépendance en violation de certaines dispositions de la Charte sociale européenne (article E, 14§1, 16 et 30) 6.

13Dans sa décision, le CEDS souligne entre autres « qu’il appartient à l’Etat d’offrir des méthodes diversifiées de prise en charge de ces personnes par la collectivité de sorte que la liberté de choix des personnes concernées et de leur famille puisse s’organiser et qu’elles ne soient pas obligées de vivre dans un milieu de vie particulier et imposé »7. Le comité ajoute, en outre, que « les justifications budgétaires ou de prolongation de la durée moyenne de vie des personnes handicapées évoquées par le gouvernement belge pour expliquer ses carences conduisent à une négation des besoins des personnes handicapées et ne peuvent être prises en considération ».

14Plus qu’une condamnation morale, il s’agit d’une condamnation juridique et effective ouvrant la voie à la possibilité d’actions en justice devant les tribunaux nationaux.

15La preuve en est que, dans la foulée de cette condamnation, plusieurs actions en justice individuelles ont été intentées contre les différentes instances régionales, à savoir l’AVIQ, PHARE et la VAPH pour le manque de solutions d’accueil avec l’obligation, pour ces instances, de trouver un centre d’hébergement aussi adapté que possible en sus d’une éventuelle astreinte en cas de non-exécution dans les délais impartis. Citons, notamment, le jugement du 10 octobre 2014 rendu par le Tribunal de Première Instance du Luxembourg, division Arlon8, ainsi que l’arrêt de la Cour d’appel de Liège du 23 décembre 20149 à l’encontre de l’A.W.I.P.H. ou encore le jugement du Tribunal de Première Instance néerlandophone de Bruxelles du 29 juillet 201410 à l’encontre de la VAPH.

16A notre estime, cette condamnation européenne satisfait pleinement aux principes et dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.

2.3. L’article 22ter de la Constitution belge

17Depuis le 30 mars 2021, la Constitution belge s’est dotée d’un nouvel article 22ter qui consacre le droit à l’inclusion des personnes en situation de handicap. Son alinéa 1er dispose plus précisément que « Chaque personne en situation de handicap a le droit à une pleine inclusion dans la société, y compris le droit à des aménagements raisonnables ». L’alinéa 2 de l’article 22ter confie, quant à lui, aux différents législateurs compétents le soin de « garanti(r) la protection de ce droit ».

18En offrant ainsi un ancrage dans la norme juridique nationale suprême, le constituant visibilise et reconnaît une catégorie de personnes trop longtemps demeurée dans l’ombre de la société et vient rappeler avec force les obligations émises par la Convention des Nations Unies relatives aux droits des personnes handicapées et de la législation antidiscrimination11.

19Politiquement, l’article 22ter de la Constitution remet à l’agenda l’urgence de l’attention à porter aux personnes en situation de handicap et reconnaît la nécessaire intervention des différents législateurs pour la mise en œuvre concrète et effective de ces droits.

3. L’habitat inclusif solidaire

20L’habitat inclusif solidaire constitue un outil intéressant d’inclusion pour les personnes en situation de handicap intellectuel et/ou de fragilité psychique. Il s’agit d’une forme particulière d’habitat groupé qui permet à ces personnes de vivre dans un habitat ordinaire tout en bénéficiant d’un accompagnement qui les soutient dans leurs tâches et activités d’habitant.

21Depuis 2010, s’est constitué à l’initiative de l’asbl « Habitat et Participation »12, un groupe de réflexion – « Habitat, handicap, santé mentale » – qui rassemble des professionnels du secteur du logement et du handicap et des porteurs de projets d’habitats inclusifs solidaires. Ce groupe réfléchit à la conceptualisation de l’habitat inclusif solidaire afin de soutenir les porteurs de projets mais aussi de sensibiliser les pouvoirs publics à cette forme d’habitat respectueuse des droits des personnes en situation de handicap intellectuel et/ou de fragilité psychique.

22Celles-ci ont en effet le droit d’habiter « chez elles » (3.1) mais elles ont besoin d’être entourées et soutenues dans cette démarche (3.2).

3.1. Habiter ou être « chez soi »

23Dans ce lieu de vie, chaque habitant s’y sent « chez soi ». Le simple fait d’être hébergé ne suffit pas. Habiter suppose de pouvoir se construire comme sujet, de pouvoir prendre racine. Le « chez soi » est donc ce qui permet d’exister, c’est cet « espace à travers lequel on peut devenir soi et à partir duquel on peut revenir à soi »13. C’est aussi la base à partir de laquelle l’habitant peut se déployer au monde.

24De manière concrète, certains éléments clés permettent de distinguer le fait d’habiter de celui d’être hébergé14. Parmi ceux-ci, le sentiment d’intimé, la gestion de son temps, le gouvernement de son lieu de vie et de ses activités, et la possibilité d’y développer des rôles sociaux.

25En effet, le « chez soi » est le lieu de l’intimité, celui des secrets, de sa vie familiale et domestique. La personne doit pouvoir y être actrice de son organisation, de sa décoration, se l’approprier, bref, avoir la maîtrise de son espace. A cet effet, la porte joue un rôle central15. C’est l’habitant qui décidera qui entre et qui n’entre pas et sera dès lors reçu sur le seuil de la porte. De même, il doit pouvoir décider de son rythme de vie en fonction de ses besoins et aspirations. La vie en famille ou en institution dicte bien souvent un rythme lié à la nécessité d’une organisation collective, ce pourquoi nombre de personnes en situation de handicap aspirent à vivre chez elles, hors des contraintes liées aux dynamiques collectives.

26Être « chez soi » suppose également d’avoir pu choisir son lieu de vie. Un des enjeux centraux de l’habitat inclusif solidaire est le développement du pouvoir d’action et de décision des personnes en situation de handicap. Leur accompagnement dans ce processus est capital afin de leur permettre de contrôler leur vie comme des personnes à part entière, comme des citoyens égaux à tous les citoyens. Il s’agit de les accompagner dans la réalisation de choix libres et éclairés. Pour cela, la transmission d’informations et l’accompagnement dans les choix permettront d’élargir le champ des possibles. La posture des personnes qui réalisent cet accompagnement joue un rôle central. La « mise en capacité » nécessite de faire avec les personnes et non pour elles, de les laisser décider par elles-mêmes de manière libre afin de leur permettre d’être citoyennes de ce monde.

3.2. De l’habitat groupé à l’habitat inclusif solidaire

27L’habitat inclusif solidaire est une forme particulière d’habitat groupé. Afin d’en comprendre la démarche, il est important de distinguer les concepts d’habitat groupé (3.2.1), d’habitat solidaire (3.2.2) et enfin d’habitat inclusif solidaire (3.3.3).

3.2.1. L’habitat groupé

28Un habitat groupé est un habitat participatif où vivent de manière volontariste plusieurs ménages qui disposent chacun d’espaces et de biens privatifs mais qui gèrent aussi de façon concertée et collective des espaces et/ou des biens collectifs. L’habitat groupé affirme la fonction sociale de l’habitat via ses habitants qui y développent au moins un projet commun et des valeurs communes (de manière formalisée ou non).

29Il existe de nombreux habitats groupés en Belgique dont les motivations des habitants sont diverses : sauvegarde de patrimoine, solidarité et entraide entre habitants, réduction de son empreinte écologique, réalisation d’économies financières, rupture de l’isolement, développement d’activités culturelles et artistiques, développement d’activités d’économie sociale et solidaire, solidarité envers des personnes en situation de précarité, … La tendance actuelle est le développement d’habitats groupés construits autour d’une vision holistique, c’est-à-dire mélangeant ces diverses aspirations dans un projet global commun aux habitants. La notion d’Habiter y prend tout son sens.

30Des personnes aux profils très variés s’intéressent à l’habitat groupé, notamment les ainés, les familles monoparentales et les personnes en situation de handicap et/ou de fragilité psychique.

31Dans un habitat groupé, les habitants sont réunis autour d’une vision sous-tendue par des valeurs communes. Au fil du temps, ils vont développer une culture commune, un sentiment d’appartenance qui leur permettra de concrétiser leurs projets.

32Le degré d’intensité du collectif varie d’un habitat groupé à l’autre. Certains projets sont très collectifs – importante mutualisation d’espaces et de biens, beaucoup de moments et d’activités ensemble–, d’autres le sont beaucoup moins. Chaque collectif d’habitants devra s’accorder sur le projet de vie qui les rassemble et sur l’intensité de vie commune souhaitée, tout en veillant à ce que la gouvernance soit réellement partagée.

3.2.2. L’habitat solidaire

33Depuis 2003 à Bruxelles et 2017 en Wallonie, l’habitat groupé est entré dans les codes du logement sous sa forme « solidaire ». L’habitat solidaire est une forme d’habitat groupé où vit au moins une personne en situation de précarité sociale. Chaque Région a défini différemment cette notion.

34A Bruxelles, l’habitat solidaire est un habitat groupé où vit au moins une personne en situation de précarité financière. La philosophie de cette formule d’habitat tient en ceci : indépendamment des éventuels avantages d’ordre pécuniaire, le seul fait d’habiter ensemble peut constituer pour les personnes en situation de précarité un puissant levier de réintégration sociale. La précarité y est donc limitée aux conditions économiques de la personne.

35Le Code bruxellois du logement définit de la manière suivante l’habitat solidaire en son article 2, § 1^er :

25° Habitat solidaire : logement sous-tendu par un projet de vie solidaire, initié ou non par une institution mais organisé dans un engagement écrit, une convention, un règlement d’ordre intérieur ou un autre instrument de ce type, dans lequel résident plusieurs ménages (dont au moins un satisfait aux conditions de revenus telles que fixées en vertu du § 2, 1°, du présent article16) qui y disposent chacun d’un ou de plusieurs espaces privatifs de jouissance exclusive et d’au moins un espace de vie commun. Sont exclus les maisons d’accueil, les maisons de vie communautaire, les abris de nuit, les maisons d’hébergement de type familial et tout autre logement collectif réglé par une législation particulière.

36Dans le Code wallon du logement, à l’article 1^er, 39°, un habitat est défini comme solidaire dès qu’il intègre une personne en situation de précarité sociale, sans que cette notion soit autrement précisée. Elle n’est par conséquent pas limitée à la précarité de revenus comme c’est le cas dans le Code bruxellois du logement :

39° habitat solidaire : logement disposant d’au minimum un espace collectif et occupé par plusieurs ménages dont au moins un en situation de précarité sociale, disposant chacun d’au minimum un espace privatif, qui sont engagés entre eux, par écrit, dans un projet de vie solidaire à l’exclusion de tout autre logement collectif réglé par une législation particulière.17

3.2.3. L’habitat inclusif solidaire

37L’habitat inclusif solidaire est une forme d’habitat solidaire où vit notamment au moins une personne en situation de handicap et/ou de fragilité psychique et qui répond aux caractéristiques suivantes :

• environnement ordinaire approprié et cogéré par les habitants ;

• nombre limité d’habitants ;

• accompagnement adapté aux habitants tenant compte de leurs capacités et projets ;

• développement d’un réseau de soutien volontaire pour chaque habitant ;

• appel à des ressources professionnelles extérieures en cas de difficultés ;

• un maximum d’activités inclusives, notamment en relation avec les acteurs locaux.

38Chaque dimension de cette définition est essentielle, en ce sens que, réunies, elles contribuent à la qualité de vie et à la participation sociale, culturelle et politique des habitants.

39L’habitat inclusif solidaire se distingue du concept d’« institution totale »18 dans la mesure où il n’y a pas de pouvoir central ni de plan d’ensemble. La personne vit chez elle, travaille ou s’occupe ailleurs, a des activités encore ailleurs sans que tout cela soit coordonné par une seule instance qui en aurait la maîtrise.

40Nous identifions actuellement plus d’une dizaine d’habitats inclusifs solidaires sur les territoires des Régions wallonne et bruxelloise19. Il en existe bien davantage en Région flamande où le financement de l’accompagnement par un système de budget d’assistance à la personne (BAP) permet aux porteurs de projets de développer ce type d’habitat20. Les projets existants en Régions wallonne et bruxelloise ont vu le jour, souvent après un cheminement d’une dizaine d’années, grâce à la persévérance de parents ou de proches qui ont réussi à convaincre et devenir partenaires d’acteurs privés ou publics. Les freins sont encore nombreux, tant financiers, que légaux, culturels ou procéduraux.

4. Les défis

4.1. L’accompagnement des personnes adultes

41Les personnes adultes en situation de handicap intellectuel ou de fragilité psychique qui souhaitent habiter chez elles, dans un environnement ordinaire, ont besoin d’y être accompagnées. Le but de cet accompagnement doit être de « préserver le chez soi » et « de le conforter »21. Il doit par conséquent être respectueux des demandes et des besoins spécifiques de la personne en évitant toute standardisation de ses services mais surtout en « coréalisant » le service avec la personne22.

42De manière générale, l’accompagnement des adultes en situation de handicap et/ou de fragilité psychique devrait œuvrer à la valorisation des rôles sociaux que remplit tout adulte dans notre société occidentale. Ces rôles sociaux de l’adulte sont multiples : il est membre d’une famille (enfant de ses parents et par conséquent membre d’une famille élargie, mais aussi parent et grand-parent de ses propres enfants et descendants), il est époux/compagnon, mais aussi voisin/ami, habitant (co-locataire/propriétaire), travailleur ou exerçant des activités citoyennes au titre de volontaire, membre de groupes (sociaux, politiques, de loisirs, amicaux, ... ), citoyen d’un pays et enfin, retraité. L’exécution de ces différents rôles sociaux permet à la personne adulte de présenter un style de vie inclusif.

43Les personnes en situation de handicap mental ou de souffrance psychique ou encore présentant un double diagnostic requièrent un accompagnement qui doit se faire dans le respect de leur spécificité. Pour ce qui concerne le handicap mental, nous nous appuierons sur la méthodologie développée dans Willaye et al.23, qui permet d’identifier les activités à proposer à la personne afin de la soutenir dans ses rôles sociaux, et pour ce qui concerne notre propos, plus spécifiquement dans son rôle social d’habitant.

44Selon cette méthodologie, les activités proposées par les accompagnants doivent être sélectionnées à partir des occupations que la personne préfère réaliser avec ses proches. Il s’agit par conséquent d’activités de la vie quotidienne, envisagées de manière globale, telles que faire des courses, choisir ses vêtements et s’habiller, faire sa toilette, préparer ou participer aux repas, décorer son logement, le nettoyer, participer à la vie collective de l’habitat, etc…24.

45Le système de gestion des activités proposé par ces auteurs répertorie celles-ci en trois catégories : les activités de loisirs, celles qui sont liées à l’autonomie personnelle (se lever, se laver, s’habiller, ranger ses affaires, etc…), et enfin les activités qualifiées de « service », qui sont orientées vers autrui25.

46Le présent texte ne peut envisager tous les rôles sociaux et les traduire en termes d’activités significatives. Nous ne retiendrons que les activités en lien direct avec le statut d’habitant (voir tableau 1).

47La mise en place du programme d’activités pour la personne en situation de handicap mental passe par plusieurs étapes. La première consiste à évaluer le style de vie de l’adulte, c’est-à-dire à décrire ses occupations habituelles, celles qu’elle préfère et le soutien dont elle a besoin pour les réaliser28. Cette évaluation est réalisée principalement grâce à un répertoire d’activités listées dans le tableau 1. Il est primordial d’y impliquer la personne et si nécessaire, ses parents ou un représentant. Le style vie de l’adulte est évalué selon deux dimensions importantes : la préférence et la fréquence. L’évaluation inclut aussi l’identification des conditions optimales de réalisation des activités (lieux, moments, personnes, ...).

48Sur cette base, l’équipe propose ses recommandations, allant de la simple participation à l’activité (P) à l’apprentissage de l’activité (A) ou encore l’essai de cette activité (E). Elle peut aussi conclure à l’absence d’une recommandation (PR).

49L’évaluation porte aussi sur d’autres dimensions importantes, comme les aspects médicaux, la communication de la personne, la présence de troubles du comportement.

50Cette évaluation est le fruit d’un travail de tous les partenaires, et avant tout de la personne en situation de handicap31. Elle peut être facilitée grâce à un outil informatique permettant la visualisation des activités du Répertoire à l’aide de dessins, de photos, d’images et une analyse croisée des résultats (site : www.option.susa.be).

51Cette étape d’évaluation du style de vie de la personne permet d’élaborer ensuite un Plan de Soutien Personnalisé, qui constitue la seconde étape de la méthodologie32. Ce Plan contient les activités à proposer à la personne en vue de soutenir ses compétences dans un style de vie qu’elle apprécie et qui la valorise.

52La méthodologie de mise en pratique des objectifs finalement retenus dans le Projet de Soutien Personnalisé n’est pas discutée en détail dans l’ouvrage de référence. Celui-ci renvoie notamment à celui de Magerotte et al.33 consacré à l’intervention tout au long de la vie, spécialement écrit pour les intervenants de première ligne que sont notamment les éducateurs et les parents.

53Cette mise en pratique nécessite l’emploi d’un document de synthèse ou « Marqueur d’activités » qui permet de planifier des activités valorisées et de vérifier leur réalisation sur une semaine34. Outre le numéro et le nom de l’activité, il est précisé si l’activité fait l’objet d’un Apprentissage (A), ou de Participation (P) ou est à Essayer (E), accompagné d’une remarque éventuelle sur un élément de l’activité. Suivent le nom du responsable de l’activité, le code d’Intégration (dans le service S ou dans la communauté C ; réalisée avec quelle personne soit un Accompagnant spécialisé AS, une autre personne AP, une personne significative PS ou de façon autonome I), le code de Préférence (de ++ à --) et enfin les 7 jours de la semaine. Cette collecte des informations débouche sur une synthèse sous forme de tableaux ou de graphiques, présentant les quatre dimensions essentielles (intégration physique ou sociale, respect des préférences de l’adulte ainsi que les diverses activités réalisées durant la semaine).

Tableau 3. Exemple : Marqueur d’activités pour Deborah35

54Une attention particulière est apportée à l’intégration36 de la personne dans la communauté (intégration physique) mais également à la réalisation d’activités avec des non professionnels, des amis et connaissances (intégration sociale).

55Disposer d’une telle évaluation du style de vie de la personne adulte en situation de handicap et/ou de fragilité psychique nécessite de reconsidérer les activités de tous les rôles sociaux que la personne souhaite remplir, ainsi que les modalités de financement des activités considérées comme essentielles pour remplir les rôles sociaux valorisés. L’inclusion que l’on cherche à mettre en place au moyen d’un habitat inclusif solidaire doit par conséquent aussi être mise en œuvre au niveau de l’accompagnement des personnes.

4.2. Le financement

56Le droit à l’assistance personnelle et à son financement direct, tel qu’il est exprimé dans l’article 19 de la CDPH relatif au droit à une vie autonome et à la participation sociale, est un élément clé des droits humains. Sans un soutien adéquat, il est très difficile, voire impossible pour une personne en situation de handicap de vivre de manière indépendante, de travailler, de recevoir une éducation dans des conditions d’égalité ou encore de se loger.

57L’assistance personnelle se présente comme un soutien qui s’opère sous le contrôle de la personne en situation de handicap dans le contexte d’une vie indépendante dans la société. Cette assistance n’est personnelle qu’à partir du moment où la personne en situation de handicap décide elle-même qui fait office d’assistant, quel soutien l’assistant lui apporte, où, quand et comment l’assistant apporte son soutien37.

58Il convient également de faire la distinction entre d’une part le régime d’assistance signifiant « faire avec », ce qui implique que la personne en situation de handicap peut accomplir elle-même un acte ou opérer un choix avec l’aide d’une tierce personne qu’elle a choisie, et d’autre part, le régime de représentation qui signifie « faire à la place de » impliquant qu’une tierce personne agisse au nom et pour le compte de la personne en situation de handicap.

59Les services de soutien individuel doivent non seulement être considérés comme un droit plutôt que comme une forme d’assistance médicale, sociale ou de charité mais aussi être effectivement adaptés afin de soutenir la vie en société et lutter contre l’isolement et la réclusion38.

60En matière de financement de cette assistance personnelle, force est de constater qu’il existe des différences notables entre les Régions bruxelloise, flamande et wallonne et que les mesures de soutien actuellement existantes ne répondent pas suffisamment aux prescrits de l’article 19 de la Convention des Nations Unies.

61Contrairement à la Flandre, les Régions bruxelloise et wallonne continuent encore aujourd’hui d’adopter une logique de subvention-nement des services collectifs plutôt que d’investir dans les financements attribués directement à la personne en situation de handicap. En effet, les moyens sont prioritairement affectés aux services d’accueil de jour et d’hébergement, au détriment des services de support à l’inclusion.

62Les budgets d’assistance personnelle (BAP) constituent un dispositif de prestations individuelles dérogatoire à cette logique collective mais qui reste tout à fait marginal.

63Tant en Wallonie qu’à Bruxelles, les BAP ne concernent qu’un nombre limité de personnes.

64En effet, en Région wallonne, le nombre de bénéficiaires du BAP est de 471 en 2021 (comme mentionné dans le dernier rapport d’activités de l’AVIQ39 2021), en Région Bruxelles-Capitale, 43 bénéficiaires se voient octroyer un BAP qui va de 5000 à 15.000 € par bénéficiaire40. A ce jour, 120 personnes figurent sur la liste d’attente et de nouvelles candidatures parviennent régulièrement à Access And Go.

65Les limites budgétaires en amont font en sorte que les montants BAP octroyés ne permettent pas de répondre aux besoins réels et les services proposés dans le cadre du BAP sont bien souvent insuffisants ou mal adaptés : montants forfaitaires, horaires contraignants, nombre important d’intervenant·e·s avec difficultés de les coordonner, manque de formation adéquate et pas de liberté de choix.

66En Région wallonne, le budget global de l’AVIQ pour ce dispositif est de 4.000.000 € à ce jour. Le BAP est actuellement octroyé sur la base de deux forfaits :

• Un forfait pour des prestations de jour qui est actuellement de : 9.648,83 € (depuis le 01.01.2023)

• Un forfait pour des prestations de jour et de nuit qui est actuellement de : 18.653,21 € (depuis le 01.01.2023)

67Au vu de l’insuffisance du budget global lié au dispositif BAP pour répondre à l’ensemble des demandes des personnes en situation de handicap, l’AVIQ a établi, lors de la création du dispositif, une liste d’attente. Celle-ci prend la forme d’une liste des priorités d’octroi des BAP (ces catégories de priorité sont définies annuellement par arrêté ministériel).

68Actuellement, ces priorités s’établissent comme suit :

 § 1er. La première priorité sera accordée aux personnes handicapées présentant une maladie évolutive figurant dans la liste ci-dessous :  
a. sclérose latérale amyotrophique (SLA) ;
b. sclérose latérale primitive (SLP) ;
c. atrophie spino musculaire progressive ;
d. dégénérescence cortico-basale ;
e. atrophie multisystème (MSA) ;
f. paralysie supranucléaire progressive (PSP).
 
§ 2. La deuxième priorité sera accordée aux personnes handicapées :
–  ne bénéficiant pas d’une prise en charge institutionnelle quelle qu’elle soit ;
–  comptabilisant au minimum 45 points sur les échelles de mesure de l’autonomie telle que visée à l’article 802 du Code wallon de l’action sociale et de la santé – partie réglementaire et dont le support familial n’est pas ou plus en mesure d’assurer la prise en charge de manière durable.
 
§ 3. La troisième priorité sera accordée aux personnes handicapées :
–  ne bénéficiant pas d’une prise en charge institutionnelle quelle qu’elle soit ;
–  comptabilisant au minimum 60 points sur les échelles de mesure de l’autonomie telle que visée à l’article 7 de l’arrêté du 14 mai 2009 et dont le support familial est en mesure d’assurer la prise en charge de manière durable.
 
§ 4. La quatrième priorité sera accordée aux personnes handicapées :
–  bénéficiant d’une prise en charge institutionnelle de journée uniquement (de type école, SAS’J, SAJA, etc.) ;
–  comptabilisant au minimum 60 points sur les échelles de mesure de l’autonomie telle que visée à l’article 7 de l’arrêté du 14 mai 2009 et dont le support familial n’est pas ou plus en mesure d’assurer la prise en charge de manière durable en dehors du temps institutionnel journalier.

§ 5. La date d’introduction de la demande sera utilisée comme critère d’arbitrage pour les priorités 2, 3 et 4, en fonction des crédits disponibles.41

69L’AVIQ tient à préciser que, compte-tenu de l’évolution rapide des maladies citées pour la première priorité, il n’y a actuellement pas de liste d’attente pour les personnes atteintes de l’une de ces maladies.

70Sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, le BAP reste à ce jour un projet relativement marginal dans la politique de la COCOM puisque l’enveloppe qui lui est consacrée n’était que de 220.000 € en 2020.

71Vu les nombreuses difficultés rencontrées par les francophones, en Wallonie et à Bruxelles, eu égard aux outils de financement liés à l’autonomie de vie des personnes en situation de handicap, une réflexion en profondeur sur les modes de financement doit être menée, en collaboration avec les associations représentatives des personnes en situation de handicap.

72Pour y remédier, « Inclusion » asbl propose de créer en Wallonie et à Bruxelles un Fonds pour l’assurance handicap fonctionnant sur le modèle de l’INAMI. 

73Les principes de base sont les suivants :

• Évaluation par une commission multidisciplinaire indépendante des besoins d’assistance de chaque personne en situation de handicap avec sa participation active et / ou celle de ses parents ou de son représentant légal.

• En fonction de cette évaluation, chaque personne se voit attribuer un droit de tirage auprès du Fonds.

• Cette évaluation peut être revue en fonction de l’évolution des besoins de la personne tout au long de sa vie. Avec ce droit de tirage, la personne en situation de handicap ou son représentant légal s’adresse à des services professionnels agréés pour recevoir l’assistance nécessaire. Ces derniers pourront émettre des factures mensuelles sur base d’une nomenclature à définir. Ces factures seront honorées par le Fonds en tiers-payant, la personne payant un ticket modérateur. Les montants versés par le Fonds sont limités au plafond du droit de tirage accordé. Ce Fonds pourra être financé, en partie, par les budgets actuellement déployés au sein de l’AViQ et de Phare. 42

74« Inclusion » asbl justifie cette demande en invoquant les motifs suivants :

• La création du Fonds permettra la mise en place de nouveaux services afin de couvrir l’ensemble des besoins d’assistance. Il n’y a donc pas de risque de réduction de l’emploi, bien au contraire, seulement des adaptations à gérer.

• La commission d’agréation des institutions et des professionnels doit faire une évaluation régulière de la qualité des services fournis et avoir les moyens d’appliquer des sanctions.

• Le plafonnement du droit de tirage individuel empêche de facto le risque de surconsommation existant dans certains aspects du système de santé.

• Une saine concurrence doit exister pour tirer la qualité des services vers le haut et permettre de vrais choix au niveau des personnes avec un handicap ou de leur représentant légal.43

75Cette proposition vise à ouvrir la réflexion pour que les besoins d’assistance des personnes en situation de handicap puissent être rencontrés, comme la Belgique s’y est engagée en ratifiant la convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.

76En Communauté flamande44, en revanche, a été mis concrètement en place depuis janvier 2017, le PVB (PersoonsVolgend Budget) = le financement qui suit la personne. Il s’agit d’un financement personnel adapté « sur mesure » aux besoins spécifiques de la personne en situation de handicap adulte et contrôlé par elle.

77Ce financement de l’assistance est directement versé à la personne en situation de handicap elle-même et non plus aux institutions qui ne sont donc plus directement subventionnées comme c’était le cas précédemment – et comme c’est encore toujours le cas actuellement côté francophone.

78Il ne s’agit pas d’un revenu fixe, mais bien d’un budget que la personne en situation de handicap reçoit de l’Agence flamande pour les personnes handicapées (VAPH) afin de payer une aide personnelle dans le cadre de soins et d’un soutien en centre de jour et/ou résidentiel mais aussi un soutien personnel à la maison, au travail, dans ses temps libres, etc... Avec son PVB, la personne en situation de handicap peut ainsi faire appel aux personnes de son choix et conclure une convention pour soutien et assistance. Cela peut être des personnes issues de son propre réseau et de son entourage familial mais aussi d’organisations bénévoles, d’étudiants, d’aidants individuels indépendants ou de professionnels et prestataires de soins agréés par la VAPH45.

79Les budgets varient, selon la catégorie et le degré de handicap. Ils se situent entre un minimum de 7.660,57€ et un maximum 102.793,26€ par an46.

80À la lecture du dernier rapport de la VAPH couvrant la première moitié de l’année 2022, 27.384 personnes sont titulaires du PVB en Flandre47.

81Aussi, grâce à la mutualisation des PVB, on assiste en Flandre à un développement important d’Habitats Inclusifs Solidaires de nature pérenne (par exemple, Thomashuizen48 ou VillaVip49).

82En Flandre, l’assistance personnelle s’est avérée être l’un des principaux facteurs de réussite pour l’inclusion. De nombreuses personnes en situation de handicap ont construit leur vie grâce à la mise en place de l’assistance personnelle et l’ont construite au sein-même de la société. Cela leur a donné des opportunités de vivre en société, de fréquenter une école ordinaire, d’occuper un emploi ordinaire, d’établir des relations avec d’autres personnes sans dépendre d’elles pour les soins.

83Des choses tout à fait normales qui étaient irréalisables sans aide personnelle. L’assistance personnelle donne aux personnes le droit de prendre des décisions et leur permet donc de maintenir leur dignité humaine.

84Toutefois, malgré la volonté politique et la mise en œuvre du PVB, les budgets restent encore insuffisants et les listes d’attente pour bénéficier du financement personnel demeurent : 15.957 personnes en liste d’attente, principalement dans les groupes de priorité 2 et 3, dites « les moins urgentes »50.

85Le nombre de personnes en attente dans le groupe prioritaire 1 a cependant fortement diminué en 2022 et le gouvernement flamand s’est engagé à éliminer la liste d’attente dans ce groupe de priorité.

86Face à cette réalité du terrain, à laquelle sont confrontées les personnes en situation de handicap en Belgique et surtout en Wallonie et à Bruxelles, réalité souvent éloignée des prescrits légaux, une série de recommandations a été émise par le Comité ONU des droits des personnes handicapées. Dans son rapport de 2014, le Comité s’inquiétait déjà du fait que la Belgique faisait partie des pays européens qui présentaient les pourcentages les plus élevés d’enfants et d’adultes placés en institutions. Les personnes handicapées ont peu de choix pour une autonomie de vie vu le manque d’investissement et l’insuffisance des services d’assistance personnelle. Le Comité ONU recommande d’ailleurs à l’Etat belge et ses entités fédérées d’allouer les ressources nécessaires et d’œuvrer pour une politique de désinstitutionnalisation en réduisant les investissements dans les structures collectives et en favorisant les choix des personnes, tout en mettant un plan d’action du handicap transversal et global qui garantisse l’accès aux services de vie autonome51.

87Ce même Comité ONU a, par ailleurs, en date du 30 avril 2019, adressé à l’attention de l’Etat belge une liste de questions à savoir:

1. « Quelles sont les mesures prises pour mettre en œuvre des plans d’action en faveur des personnes handicapées aux niveaux fédéral, régional et communautaire afin de garantir que les personnes handicapées jouissent du droit à une vie autonome et à l’intégration dans la société, et pour mettre en œuvre des plans afin d’éliminer les listes d’attente pour l’accès aux budgets d’aide personnelle et aux autres services et aides ?

2. Quelles sont les mesures prises pour mettre en œuvre une stratégie efficace de désinstitutionnalisation, assortie d’un calendrier précis, pour toutes les personnes vivant en institution tout en indiquant le nombre de personnes handicapées qui ont été désinstitutionnalisées à ce jour et en donnant des précisions sur leur situation actuelle ?

3. Quelles sont les mesures prises pour permettre à toutes les personnes handicapées de jouir de leur droit de choisir librement leur résidence, sur la base de l’égalité avec les autres, et d’accéder à une gamme complète de services à domicile et autres services communautaires pour la vie quotidienne, y compris l’assistance personnelle ?

4. Quelle utilisation est-elle faite des fonds structurels et d’investissement européens et des fonds nationaux pour l’assistance personnelle et l’autonomie de vie tout en faisant la transparence sur les données précises, en chiffres absolus et relatifs, quant aux fonds fournis ? »52.

88En outre, dans son dernier rapport parallèle du 3/12/2021, UNIA a élaboré toute une série de recommandations, à savoir :

1. Développer une offre de services diversifiée, personnalisée et flexible en augmentant notamment l‘offre de logements accessibles et adaptés et en assouplissant les normes (notamment urbanistiques) qui entourent la mise en place de logements inclusifs.

2. Développer des outils et davantage de soutien aux particuliers dans la mise en place de logements inclusifs.

3. Établir un cadastre précis des besoins des personnes handicapées quant à leur lieu de vie et support nécessaire. Élaborer un plan d’actions clair en vue de la désinstitutionnalisation, comportant un aperçu du nombre de personnes handicapées résidant en institution et des objectifs chiffrés pour réduire le nombre de personnes institutionnalisées.

4. Établir dans chaque région un plan de désinstitutionnalisation avec un calendrier précis et des moyens réorientés tenant compte des besoins des personnes. »

5. Anticiper la formation du personnel existant et futur et la réorientation des services et centres actuels.

6. Répondre aux demandes d’assistance personnelle et y affecter les budgets nécessaires.53

89La Convention des Nations Unies souligne, à juste titre, que tous les acteurs de la société (l’Etat et ses entités fédérées, les familles, les associations, les entreprises, etc.) sont responsables de l’inclusion de toute personne, quelle que soit la gravité ou la nature de son handicap. Il est du devoir des différents gouvernements de donner à tous ces acteurs de l’inclusion le cadre juridique nécessaire et les ressources budgétaires adéquates pour faire de cette inclusion une réalité54.

4.3. La mise en réseau

90Afin de soutenir le développement et le fonctionnement des habitats inclusifs solidaires, le groupe de travail « Habitat, handicap, santé mentale » de l’asbl Habitat et Participation a sollicité un financement européen par l’intermédiaire de l’Aviq afin de créer des cellules mobiles de deuxième ligne. Leurs missions seraient d’apporter un soutien à la fois aux habitats inclusifs solidaires – d’ores et déjà opérationnels ou en instance de création – par l’intermédiaire d’actions d’information, de formation, de coordination, et aux membres de leurs réseaux respectifs (partenaires, habitants, etc.), via des actions de coaching, d’élaboration d’outils de soutien, de recensement des offres existantes, etc.

91En effet, cette cellule pourrait répondre aux défis suivants :

1. Le montage de projets ;

2. L’acquisition de terrains et/ou de bâtis ;

3. Le financement de l’accompagnement ;

4. Le maillage entre les projets (manque de synergies, etc.).

5. L’accompagnement des habitants dans le soutien à leur auto-détermination

92Il apparait essentiel de renforcer le maillage des HIS : entre eux, mais également entre les HIS et les services extérieurs afin de pouvoir multiplier et diversifier les partenariats au niveau de l’accompagnement (tant individuel que collectif) des habitants des HIS : perspectives de renforts, de relais, d’interventions en tant que partenaire principal et privilégié, d’ancrage local, etc.

93Il semble également opportun de mettre à la disposition des HIS (existants et à venir) une équipe mobile de professionnels susceptibles de leur prêter assistance dans divers cas de figure : appui au montage de projet, soutien au développement d’un réseau autour de l’HIS, nécessité d’un renfort de courte durée (période d’accueil de nouveaux habitants, etc.), formation du personnel d’un HIS (préalablement ou suite à l’accueil d’un nouveau profil d’habitant, par exemple en situation de handicap), mise en réflexion du personnel d’accompagnement et soutien à une posture d’accompagnement soutenant l’auto-détermination de l’habitant·e quels que soient son âge, son handicap et/ou sa fragilité psychique, etc.

94Cette cellule créerait donc un réseau local par bassin territorial afin de renforcer le maillage utile au bon fonctionnement des HIS et au développement d’un habitat qualitatif.

5. Conclusion

95Les personnes en situation de handicap intellectuel ou de fragilité psychique ont besoin de soutien et d’accompagnement pour demeurer incluses dans la société, conformément aux droits fondamentaux qui leur sont reconnus tant sur la scène internationale qu’en droit interne belge.

96La Belgique a cependant été condamnée à plusieurs reprises, par les organisations internationales et les juridictions internes, en raison du manque d’offres et du manque de diversité de cette offre au niveau des solutions d’accompagnement.

97L’habitat inclusif solidaire peut constituer, parmi d’autres, une réponse adéquate aux besoins et demandes d’inclusion des personnes en situation de handicap mental ou de fragilité psychique.

98Cette forme d’habitat permet en effet à celles-ci de trouver, au sein d’un environnement qu’elles auront choisi et qu’elles pourront investir pleinement, un entourage solidaire qui, à la fois, leur offrira une certaine forme de soutien social et un ancrage dans un réseau relationnel.

99La création et le fonctionnement d’habitats inclusifs solidaires supposent cependant de surmonter des défis de taille : garantir un accompagnement de qualité, centré sur les rôles sociaux de la personne accompagnée, assurer le financement de cet accompagnement personnalisé sur le long terme et enfin veiller à la qualité de cet accompagnement grâce à une mise en réseau des différents habitats inclusifs solidaires.

100Le cheminement inclusif est moins coûteux que d’autres solutions de prises en charge « totales » mais il nécessite un changement de paradigme en matière de politique d’accompagnement des personnes en situation de dépendance. Nous l’appelons de tous nos vœux…