1. Introduction

1Cette contribution s’intéresse au droit à l’habitat inclusif à l’aune du défi numérique en Wallonie. La notion d’habitat doit être comprise comme l’ensemble de l’environnement autour du logement, telle la présence d’un voisinage, de transports, de services publics ou privés, d’opportunités d’emploi, ou encore de commerces (Argoud, 2011). L’habitat inclusif prend place dans le cadre de la désinstitutionnalisation qui consiste en un processus de sortie des institutions spécialisées dans la prise en charge des personnes handicapées. Ce processus a pour finalité la participation autonome de chaque individu à la vie de la société à égalité avec les autres et concerne chaque aspect de cette vie en société, dont le logement, et plus largement l’habitat.

2En parallèle de ce mouvement, se développe une politique de numérisation importante dans tous les domaines de la société, dont l’habitat. L’internet des objets et les évolutions rapides des nouvelles technologies de l’information et de la communication tendent à s’accroître dans notre quotidien, tandis que la fracture numérique s’accentue, notamment au détriment des publics fragilisés, comme les personnes handicapées (Langlois & Van Drooghenbroeck, 2023 ; UNIA, 2023 ; Balin & Gossart, 2015). Ces évolutions de plus en plus complexes, décidées par les autorités publiques et développées en laboratoires, ne prennent pas nécessairement en compte l’expérience vécue des usagers finaux (Zélem, 2018). En Région wallonne (Décret du 19 juillet 2018) le déploiement généralisé des compteurs communicants1 constitue une bonne illustration du risque de fracture souligné car l’utilisation optimale de ces nouvelles technologies exige un équipement numérique. En outre, leur utilisation nécessite des compétences numériques qui dépendent de nombreux facteurs sociodémographiques tels que l’âge, le niveau de diplôme, etc. (Brotcorne & Mariën, 2020). Ainsi, posséder ces appareils ne garantit pas leur utilisation pleine et entière (Ottaviani, 2016) ; dans le contexte du handicap, se pose aussi la question de l’accessibilité des nouvelles technologies de l’information et de la communication (ci-après NTIC ; Pinède, 2018).

3Nous interrogeons ici les tensions qui existent entre le droit des personnes handicapées à l’habitat en autonomie et la numérisation toujours plus exigeante du quotidien. D’une part, nous cherchons à savoir dans quelle mesure les personnes handicapées, qui décident de vivre en dehors des institutions, sont confrontées à la fracture numérique ; d’autre part, il s’agit de mettre en exergue des pistes de solutions d’accompagnement en vue d’une utilisation autonome des NTIC dans leur foyer. Notre discussion débutera par la présentation du régime juridique du droit à l’habitat (1), avant d’exposer le cœur du sujet, à savoir la sortie des institutions à la lumière de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (ci-après la CDPH) et la transition numérique de l’habitat (2). Enfin, nous donnerons un premier aperçu des solutions juridiques et pédagogiques susceptibles de favoriser l’inclusion de l’habitat numérique (3).

2. Les sources, le contenu et la portée du droit à l’habitat inclusif

4Le régime juridique du droit à l’habitat concerne à la fois ses sources (2.1), son contenu (2.2) et sa portée (2.3), objets de la suite de cette discussion.

2.1. Sources

5Aux niveaux onusien et belge, le droit à l’habitat de la personne handicapée se déduit de la combinaison du droit au logement (art. 28, §§ 1 et 2, lettre d, de la CDPH ; art. 23, al. 3, 3°, de la Constitution), et du droit à l’autonomie et à l’inclusion dans la société (art. 19 de la CDPH et 22ter de la Constitution). Il est également possible de le déduire des articles 26 et 34, § 3, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lus à la lumière de la CDPH que l’Union européenne a ratifiée. Enfin, au niveau du Conseil de l’Europe, l’article 15, § 3, de la Charte sociale européenne révisée vise spécifiquement, quoiqu’implicitement, le droit à l’habitat des personnes handicapées en toute autonomie. Des quatre sources citées, la CDPH est l’instrument qui propose le régime juridique le plus abouti au regard de la diversité des situations de handicap. Les autres sources du droit à l’habitat inclusif doivent – pour l’Union européenne et la Belgique – ou peuvent – pour le Conseil de l’Europe – être interprétées à sa lumière.

2.2. Contenu

6Le droit à l’habitat consacre la libre décision de la personne handicapée à la fois au sujet de son lieu de vie habituel, des personnes avec lesquelles elle vit et de sa manière d’y vivre (CDPH, art. 19, lettre a). Le droit à l’habitat en autonomie fait alors écho au droit à la vie privée et familiale (CDPH, art. 22 et 23). Cela implique aussi en amont la reconnaissance de la capacité juridique de la personne handicapée, capacité éventuellement exercée avec le soutien de tiers aidants (CDPH, art. 12). À suivre la lettre de la Convention – et en prenant, par contre, quelque distance avec l’interprétation que lui réserve son organe de contrôle, le Comité des droits des personnes handicapées2 – le lieu de résidence peut être tout aussi bien un logement domestique qu’un « établissement » : tous deux doivent être adaptés et financièrement accessibles (CDPH, art. 19, lettre b ; CDPH, art. 28, §1 et §2, lettre d). L’un comme l’autre sont appelés à s’inscrire dans un quartier et une localité inclusives, en vue de permettre la participation de la personne handicapée à la vie de la collectivité (CDPH, art. 19, lettre c). Le droit à l’habitat fait ainsi écho aux droits de participation à la vie économique, politique et culturelle (CDPH, art. 27, 29 et 30). L’esprit du droit à l’habitat inclusif commande, en tout état de cause, que l’État ne puisse contraindre une personne handicapée à intégrer un établissement de soins en raison de son handicap (Comité des droits des personnes handicapées, H.M. c. Suède, 2013).

2.3. La portée du droit à l’habitat inclusif

7À l’instar de ses homologues, le droit à l’habitat est relatif : cela signifie que l’individu en situation de handicap ne peut pas réclamer son droit si cela heurte l’intérêt général ou les droits d’autrui de manière disproportionnée. Ce droit est également doté d’un effet direct graduel depuis un sens strict vers un sens large (Hachez, 2015). L’effet direct au sens strict implique une action immédiate de l’État contre les attitudes discriminatoires envers les personnes handicapées, en raison de leur handicap ou de leurs choix personnels. En vertu des obligations de respect et de protection des droits fondamentaux, les pouvoirs publics doivent combattre les discriminations résultant, respectivement, de leur propre chef ou émanant du fait des tiers (CDPH, art. 4, §1, lettres a, b et e). L’effet direct au sens large s’applique, quant à lui, à l’obligation de réalisation : l’État doit mettre en œuvre les droits consacrés en adoptant des politiques publiques qui répondent aux besoins des personnes handicapées qu’elles ne sauraient satisfaire par elles-mêmes. À ce titre, la Belgique a été sévèrement tancée par le Comité des droits des personnes handicapées (2014b) pour ne pas avoir adopté de stratégie pertinente au regard du droit de cette catégorie d’individus à vivre de manière autonome dans un habitat inclusif. L’obligation de réaliser le droit à l’habitat des personnes handicapées implique la mise en œuvre de véritables opportunités en termes de logements accessibles, financièrement abordables et d’environnements inclusifs. Chaque avancée dans la réalisation du droit à l’habitat se voit assuré par l’obligation de standstill qui empêche les pouvoirs publics de revenir en arrière, sauf raison légitime dument justifiée. L’obligation de réalisation se dessine donc sur le temps long, à partir d’une stratégie pertinente, soutenue par des budgets adéquats et ponctuée d’évaluations régulières, en partenariat avec les personnes intéressées, afin de corriger éventuellement la politique menée (CDPH, art. 4, §2-3).

3. La sortie des institutions dédiées aux personnes handicapées et la transition numérique

8Après avoir identifié les enjeux juridiques de la désinstitutionnalisation en droit international (3.1), nous soulignerons les tensions que la révolution numérique génère dans ce cadre (3.2), en prenant appui sur le déploiement des compteurs communicants en Région wallonne (3.3).

3.1. La désinstitutionnalisation au regard de la CDPH

9Dans le cadre de la CDPH, le droit à l’habitat s’interprète à la lumière de certains principes généraux, à savoir l’autonomie, l’inclusion, l’accessibilité, la participation et l’égalité (CDPH, art. 3, lettres a-c et f). À partir de ces principes, le Comité ad hoc déduit la désinstitutionnalisation de l’article 19, lettre a de la CDPH. Ainsi, cet organe se montre très critique envers les États qui financent la rénovation des institutions, au-delà du strict nécessaire pour assurer « la sécurité physique des résidents » (Comité des droits des personnes handicapées, 2017, § 49). Dans un sens comparable, il presse la Belgique à mettre en place une plus grande désinstitutionnalisation, en favorisant le financement du maintien à domicile en toute autonomie (Comité des droits des personnes handicapées, 2014b). En effet, comme le souligne Nicolas Bernard (2020, p. 437-438), la désinstitutionnalisation équivaut, en premier ressort, à une politique publique « d’adaptation du logement » de la personne handicapée en vue de satisfaire ses besoins spécifiques. D’aucuns soutiennent cette interprétation du Comité car la désinstitutionnalisation serait, à leur avis, la raison d’être de l’article 19 de la CDPH : une société inclusive au regard du handicap est, selon ce courant, une société désinstitutionnalisée (Fiala-Burtora et al., 2018 ; Cuypers et al., 2017) ; a contrario, l’institutionnalisation consiste nécessairement en une politique publique aliénante et ségrégative (Fiala-Burtora et al., 2018).

10Nous ne pouvons, pour notre part, entièrement souscrire à cette interprétation car l’article 19, lettre b de la CDPH précise bien que les personnes handicapées ont le choix entre une vie dans un logement privé et une existence dans un établissement, pour peu que l’autonomie de la personne handicapée soit constamment garantie dans son habitat, individuel ou collectif. En d’autres termes, la CDPH autorise la vie en institution, mais condamne l’institutionnalisation forcée : celle qui est décidée pour et non par la personne handicapée. D’une certaine manière, la CDPH désinstitutionnalise les institutions, plutôt qu’elle ne les ferme. Ces institutions désinstitutionnalisées ressembleraient aux résidences-services pour personnes âgées : les individus y demeurent chacun entièrement libres dans leur mode de vie, moyennant une vie en communauté et une aide éventuelle pour les tâches quotidiennes.

3.2. Illustration : le cas des compteurs communicants en Wallonie

11Le déploiement des compteurs communicants, dits « intelligents », fait partie de la liste des moyens mis en œuvre afin de garantir sur le long terme une gestion plus efficace de l’énergie. Ce changement prend ses origines de la directive de l’UE du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique qui prévoit le déploiement de ces appareils dans l’ensemble des États-membres. En Région wallonne, cette orientation est traduite dans le décret du 19 juillet 2018 en vue du déploiement des compteurs communicants et de la flexibilité. Néanmoins, ce changement soulève plusieurs questions par rapport à la réalité de terrain telles que l’inclusion numérique, la justice sociale, le rôle des professionnels, les craintes du public, l’accessibilité, etc. Par conséquent, comment accompagner les populations le plus adéquatement possible, en tenant compte de leurs spécificités (Zélem, 2018 ; Ottaviani, 2016 ; Paul, 2016 ; Cihuelo & Jobert, 2015) ?

12Tout d’abord, le compteur communicant présente plusieurs caractéristiques (https://www.ores.be) : il s’agit d’un appareil connecté, qui permet une communication bidirectionnelle des données énergétiques entre le client et le Gestionnaire de réseau de distribution (GRD), tel que, par exemple, ORES. Aussi, cet appareil permet de mesurer simultanément l’énergie prélevée sur le réseau et l’énergie injectée sur ce dernier (notamment en présence de panneaux photovoltaïques). Enfin, le nouveau dispositif permet également une intervention à distance du GRD. De manière générale, le compteur devrait apporter plusieurs avantages aux consommateurs : la réalisation d’économies en adaptant leur consommation personnelle ou en identifiant une consommation anormale, une vue plus claire et dynamique sur la consommation d’énergie, le développement de meilleurs réflexes énergétiques et une meilleure (voire moindre) consommation ainsi que la participation active du consommateur dans la transition énergétique et sur le marché de l’énergie.

13Au surplus, une fonction de prépaiement de l’énergie peut être activée sur ce compteur dans certaines conditions : dans le cadre du remplacement de l’ancien compteur à carte, également appelé compteur à budget, ou encore à la demande du fournisseur d’énergie, en cas, par exemple, de défauts de paiements récurrents. La possession de ce type de compteur fait au demeurant partie des indicateurs de précarité énergétique (Meyer & Coene, 2022). Les clients disposant de cette fonction de prépaiement ont alors accès à une plateforme en ligne appelée « espace de gestion des prépaiements » qui leur permet de prépayer leur énergie en ligne, de consulter leur solde disponible, d’accéder à leurs consommations et historiques de consommations, de consulter et modifier leurs données personnelles ou encore de configurer leurs notifications personnalisées (par exemple en cas de solde critique ou d’activation de crédit de secours). L’utilisation de cette plateforme nécessite, bien entendu, l’accès à une connexion internet et à un terminal numérique (ordinateur, smartphone, tablette).

14En pratique, la pose du nouveau compteur chez l’habitant se déroule dans le cadre d’une relation de service entre le professionnel de terrain, représentant d’une organisation en amont, et le consommateur final, qui reçoit le service (Gadrey, 1994). Ainsi, le professionnel de contact (ici, le technicien qui pose le compteur) tient un rôle crucial de lien entre les enjeux, besoins, et attentes de l’organisation qu’il représente et des bénéficiaires du service (Cihuelo & Jobert, 2015). Dans le cadre de notre présente réflexion, c’est le lien entre le consommateur final et le dispositif technique (donc le compteur communicant) qui va plus précisément nous intéresser. Ainsi, compte tenu du handicap, comment favoriser l’appropriabilité sociale3 de ces nouveaux appareils et une utilisation pleine et entière de ceux-ci au profit des personnes dans leur globalité4 (Zélem, 2018, 2012) ?

3.3. Appropriabilité sociale des compteurs communicants : inégalités numériques et handicap

15L’utilisation des fonctionnalités en ligne associées aux compteurs communicants est fortement influencée par le degré d’inclusion numérique des usagers. Il existe trois degrés d’inégalités numériques : premièrement, les inégalités en termes d’accès à internet et/ou à un terminal numérique ; deuxièmement, les inégalités en termes d’usages et de compétences numériques ; troisièmement, les inégalités en termes de participations sociales liées à l’utilisation du numérique (e-commerce, e-administration, e-banking, etc.). Ces inégalités se chiffrent respectivement à 6% pour les inégalités de premier degré, 18% pour les inégalités de deuxième degré et 32% pour les inégalités de 3^ème degré, selon le baromètre de la maturité numérique des citoyens wallons (Delacharlerie, 2021).

16Par ailleurs, d’après le baromètre de l’inclusion numérique (Brotcorne & Marïen, 2020), divers profils de publics sont plus touchés et/ou plus vulnérables vis-à-vis de l’exclusion numérique. Parmi ceux-ci se retrouvent les personnes en situation de handicap, public pour lequel il n’existe pas encore, à notre connaissance, de chiffres précis relatifs à ce type d’exclusion. En effet, selon ce même baromètre, le handicap est « une dimension sur laquelle les définitions consacrées de l’exclusion numérique font souvent l’impasse » (Brotcorne & Marïen, 2020, p. 47). Aussi, il est important de mettre en exergue qu’il existe une corrélation majeure entre le handicap et la pauvreté (Hermans et al., 2019 ; Lord, 2018 ; Degener, 2017). Pour rappel, les compteurs communicants avec fonction de prépaiement concernent majoritairement des personnes précarisées au point qu’elles éprouvent des problèmes à financer leur énergie. Au regard de cette corrélation, il peut être supposé que les personnes en situation de handicap sont conduites à utiliser cette fonction de prépaiement en ligne, pour autant qu’elles disposent d’un moyen pour y accéder et des compétences numériques suffisantes. A supposer que cela soit le cas, on peut se demander dans quelle mesure ce genre de dispositif est adapté à la diversité de ce type de public.

4. L’autonomie numérique domestique

17La question de l’adaptation des compteurs communicants, dits « intelligents », à la diversité des personnes en situation de handicap invite à croiser les solutions proposées par le droit et les sciences de l’éducation. Après avoir commenté les outils juridiques pertinents (4.1), nous discuterons des pistes pédagogiques envisageables (4.2).

4.1. Les outils juridiques en vue de l’effectivité du droit à l’habitat à l’ère de la révolution numérique

18Dans le cadre d’une transition digitale inclusive, les compteurs communicants doivent véritablement être accessibles, c’est-à-dire adaptés et disponibles auprès de chaque type de handicap (CDPH, art. 9, §1). L’Union européenne et ses États membres ont, entre autres, l’obligation d’adopter « des normes nationales minimales (...) relatives à l’accessibilité » desdits compteurs et de « promouvoir l’accès des personnes handicapées » aux NTIC ainsi que la recherche et le développement au sujet de l’adaptation de ce type de technologie à la diversité des personnes handicapées (CDPH, art. 9, §2, lettres a, g et h). Toute lacune en ce domaine placerait l’Union européenne et ses États membres, dont la Belgique, en porte-à-faux avec leurs engagements internationaux.

19Afin de garantir les exigences d’accessibilité et d’utilisation autonome desdits compteurs, la CDPH prévoit deux obligations juridiques à charge des pouvoirs publics et de l’industrie : la conception universelle (art. 4, §1, lettre f) et l’aménagement raisonnable (art. 5, §3). Si ces deux obligations visent la levée des entraves, la conception universelle est une obligation générale anticipative, tandis que l’aménagement raisonnable est un droit fondamental de la personne handicapée qui répond à ses besoins individuels (CDPH, art. 2, al. 4-5 et 5, §3 ; Comité des droits des personnes handicapées, 2014a). L’aménagement raisonnable est immédiatement applicable (CDPH, art. 5, §3) et vient en complément de la conception universelle (CDPH, art. 2, al. 5), qui est, quant à elle, dotée d’un effet direct au sens large et s’inscrit donc dans le temps long (CDPH, art. 4, §1, lettre f). Du point de vue de l’offre, le principal avantage de la conception universelle est la réduction des coûts en amont de la production, à l’inverse d’un aménagement raisonnable, calibré aux besoins strictement particuliers d’un demandeur individuel (Nilsson, 2018 ; Cera, 2017).

4.2. Inclusion numérique : pistes pédagogiques

20Une fois les adaptations nécessaires effectuées, la littérature scientifique (Pinède, 2018 ; Balin & Gossart, 2015) met en évidence plusieurs avantages de la participation des publics dans le cadre de la relation de service. Cependant, malgré ceux-ci, il est important de souligner que peu d’auteurs ont cherché à comprendre l’intérêt de cette participation du point de vue des clients. Plusieurs facteurs vont déterminer la participation des clients (Benoit-Moreau et al., 2013) : ses ressources, sa perception d’efficacité personnelle et sa motivation. Cette participation peut être totale ou partielle. Aussi, on constate l’importance de l’enrôlement du client dans ce contexte. Enfin, la participation peut également revêtir un caractère collectif (groupes de paroles, par exemple). D’un point de vue individuel, plusieurs approches pédagogiques actives favorisent cette participation, telles que les approches de learning-by-doing et do-it-yourself. L’avantage de ces méthodes est qu’elles permettent l’utilisation concrète de l’objet d’apprentissage – ce qui constitue une dimension essentielle dans la pédagogie de l’adulte et le développement de comportements durables (Brotcorne & Valenduc, 2008 ; Villemagne, 2008). D’un point de vue collectif, l’effet de groupe apporte de nombreux avantages, tels qu’un soutien social, le contact social avec des personnes aux situations similaires, l’apprentissage par les pairs et l’entraide mutuelle (ce qui a des effets positifs sur le sentiment d’efficacité personnelle) et un cadre permettant l’apprentissage et la mise en pratique des nouvelles connaissances, habilités et attitudes (Bernaud et al., 2015 ; Turcotte & Lindsay, 2008).

5. Conclusion

21Afin de rencontrer les exigences de l’habitat inclusif, les gestionnaires de réseaux de distribution seraient bien inspirés de prévoir – en partenariat avec les personnes handicapées ou leurs éventuelles associations représentatives – des compteurs universellement accessibles avant leur pose chez les particuliers. Négliger cette étape amènera fatalement à la mise en œuvre d’une série d’aménagements raisonnables individualisés qui, pour leur part, seront nettement plus coûteux. En parallèle, l’appropriabilité sociale des technologies numériques, sous le prisme de la pédagogie active, à travers la participation, permet la prise en compte des personnes dans leur globalité et leur quotidien, et donc de leurs besoins spécifiques (Pinède, 2018 ; Zélem, 2018). Cela permet de redonner sa place à l’individu dans le système et un certain pouvoir d’agir : l’inclusion de l’individu de manière active devient une « opportunité au sein de laquelle l’autonomisation comme logique d’émancipation s’inscrit dans un processus d’humanisation » (Paul, 2016, p.216). À ce titre, l’inclusion des personnes handicapées constitue un enjeu essentiel dans le développement de protocoles d’accompagnement efficaces et aux effets durables.