Mise en œuvre de la désinstitutionnalisation et manque de soutien aux aidant·e·s proches : de l’élimination d’une discrimination à l’aggravation d’une autre ?

Arnaud Picqué; Clémence Merveille

doi:10.4000/books.pusl.29057

URL originale : https://books.openedition.org/pusl/29629

Mise en œuvre de la désinstitutionnalisation et manque de soutien aux aidant·e·s proches : de l’élimination d’une discrimination à l’aggravation d’une autre ?

Arnaud Picqué et Clémence Merveille

p. 371-391

Résumé

Au nom de la désinstitutionnalisation, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies – interprète privilégié de la Convention éponyme – appelle de ses vœux à la fermeture de toute « institution ». Les lieux collectifs d’accueil de personnes en situation de handicap seraient, dans cette perspective, amenés à disparaître. En l’absence d’un accompagnement substantiel de ce processus, passant, notamment, par un renforcement conséquent des aides personnelles à domicile (actuellement en pénurie en Belgique), la mise en œuvre de cette interprétation radicale de la désinstitutionnalisation risque d’augmenter la charge de travail des aidant·e·s proches. Au vu de la sur-représentation des femmes dans l’aidance, on peut craindre que l’élimination de la discrimination dont souffrent les personnes en situation de handicap vis-à-vis des personnes valides, se déporte sur l’aggravation d’une autre discrimination ancienne : ce sont les femmes qui abandonnent le plus souvent leurs perspectives d’évolution professionnelle pour se consacrer au proche aidé dans un foyer. Le droit de l’aidance étant encore trop pauvre en Belgique et face au risque de retour au modèle du “male breadwinner”, le présent papier suggère des pistes de réflexion pour préparer au mieux le lit de la désinstitutionnalisation.

Entrées d’index

Mots-clés : désinstitutionnalisation, handicap, aidant·e·s proches, Belgique, discrimination Intersectionnelle, droit de la securité sociale

Texte intégral

1. Introduction

1L’article 19 de la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées (ci-après “CDPH”) consacre, dit-on, un droit à la “désinstitutionnalisation”.

2Si l’on s’en réfère à ses termes, cette disposition prévoit notamment que toute personne en situation de handicap doit avoir “la possibilité de choisir, sur la base de l’égalité avec les autres, leur lieu de résidence et où et avec qui elles vont vivre et qu’elles ne soient pas obligées de vivre dans un milieu de vie particulier”. Elle ajoute encore que “les personnes handicapées doivent avoir accès à une gamme de services à domicile ou en établissement et autres services sociaux d’accompagnement, y compris l’aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et pour empêcher qu’elles ne soient isolées”. La CDPH est juridiquement contraignante et impose des obligations aux Etats Parties, comme la Belgique.

3L’article 19 de la Convention n’est cependant pas interprété de manière unanime. Parmi les interprétations qui en sont faites, une attention particulière doit être accordée à celle du Comité des droits des personnes handicapées1.

4Ce Comité est un organe des Nations Unies composé de 18 expert·e·s indépendant·e·s chargé·e·s de surveiller la mise en œuvre de la Convention en promouvant l’inclusion et la défense des droits des personnes en situation de handicap. Il publie notamment son interprétation du contenu des dispositions sous la forme “d’observations générales”. Même si ces observations restent du “soft law” (des règles qui sont contenues dans un instrument juridique dépourvu de force contraignante), elles ont une influence importante au vu du statut de l’organe qui les adopte et de son rôle de gardien de la Convention.

5L’interprétation qu’il confère à la « désinstitutionnalisation » est radicale. Du point de vue de l’ordre juridique belge, et en particulier au sein de l’espace francophone, elle implique de véritables révolutions dans nos pratiques et politiques publiques et risque, si on n’y prend garde, d’augmenter la charge de travail des aidant·e·s, en ce compris lorsqu’ils et elles font partie de la famille (2). En l’état actuel du droit, la mise en œuvre de la Convention, suivant cette interprétation, se heurte, en effet, à la pauvreté du droit de « l’aidance » qui, en Belgique, n’en est qu’à ses balbutiements (3). Sans une adaptation de la protection des aidant·e·s, sans mesures concrètes en leur faveur, la désinstitutionnalisation mouture « comité onusien » atténuera sans doute une discrimination (entre personnes handicapées et personnes « valides »), mais en aggravera une autre (au détriment des femmes aidantes, cumulant plusieurs critères prohibés de discrimination, par rapport aux aidant·e·s ne répondant pas à ces caractéristiques). Une désinstitutionnalisation radicale, non attentive aux effets collatéraux qu’elle génère et sans moyens socio-économiques à mêmes de les contenir, accentuera en effet inévitablement la discrimination intersectionnelle des femmes aidantes, majoritaires dans le care managing du handicap. Pour le dire autrement, l’absence de révision du cadre juridique belge de l’aidance entraînera, de facto, un retour à des formes de solidarité privée, qui sont fondées sur des schémas patriarcaux (4). Cette réalité devrait nous pousser à renforcer le « care du care » , en parallèle de la désinstitutionnalisation, et, plus fondamentalement, à repenser notre conception de “l’emploi” en droit, dans le sillage d’Alain Supiot (5).

6En définitive, la question de recherche que nous nous proposons d’instruire ici succinctement2 peut être formulée de la manière suivante : qu’implique, du point de vue des aidant·e·s et au sein de l’ordre juridique belge, l’approfondissement du processus de désinstitutionnalisation que le Comité des droits des personnes handicapées appelle de ses vœux ? Quelles sont les balises à mettre en place pour éviter que cet approfondissement se fasse au détriment des aidant·e·s ?

2. La désinstitutionnalisation “mouture” onusienne : fermeture totale des institutions, approfondissement de l’auto-détermination et conséquences pour les aidant·e·s

7Selon l’interprétation que fait le Comité onusien de l’article 19, les Etats membres sont invités “à abroger toutes les lois qui empêchent les personnes handicapées de choisir où, avec qui, et comment elles veulent vivre”. Il préconise l’abandon progressif du placement en institution, la construction ou même la rénovation des institutions3. Où que la personne atteinte de handicap se situe, elle devrait également pouvoir bénéficier d’un « habitat ». On entend par là une individualisation du lieu de vie : pouvoir vivre dans un lieu de « refuge », où l’on se sent en sécurité, qui reste le point de départ sur le monde, mais qui permet de maintenir également une certaine intimité (recevoir des amis, disposer de son propre téléphone, d’une boîte aux lettres, de bonnes conditions pour développer sa vie affective, …). Cela impliquerait aussi des adaptations dans le cadre de vie familiale, dans des contextes socio-économiques où elles sont difficiles à mettre en œuvre4.

8Suivant le Comité, les formes d’institutionnalisation sont très nombreuses et recouvrent notamment :

l’établissement d’horaires fixes pour les personnes qui feraient le choix de vivre en lieu collectif d’accueil ;
le fait que le placement de la personne en situation de handicap dans un lieu collectif d’accueil soit fondé exclusivement sur son handicap en tant que tel ;
le fait d’être accueilli dans un lieu collectif qui ne comprend que ou essentiellement des personnes en situation de handicap.

9Nous nous focalisons particulièrement dans les lignes qui suivent sur la disparition des “institutions” et la liberté de choisir son lieu de vie et d’en changer. La mise en œuvre de la désinstitutionnalisation risque d’entraîner une multiplication des tâches pour les aidant·e·s proches et les familles de la personne en situation de handicap qui assurent, tant bien que mal, le rôle de “care manager” de leur fils, fille, père, mère, frère, soeur, amie, ami, connaissance, si elle n’est pas correctement articulée avec les dispositifs exigés par l’article 19 CDPH (services à domicile, aide personnelle, ...).

10L’aidant·e peut être défini·e comme une “personne qui fait partie de l’entourage d’une personne en situation de dépendance. D’une manière non professionnelle, et souvent avec l’aide d’intervenants professionnels, elle va apporter soutien et aide à une personne en état de besoin, dans le respect de l’environnement et du projet de vie de la personne qui nécessite du soutien”5.

11L’aidant·e assume une variété importante de tâches, allant des soins personnels à la préparation de médicaments, la garde, la gestion et la coordination de soins formels6. Le rôle qu’il·elle assume signifie donc bien plus qu’apporter des soins médicaux et gérer un portefeuille. Comme l’expriment O. Giraud et M. Le Bihan au sujet des personnes âgées en situation de handicap, les aidant·e·s gèrent des activités concrètes requérant le plus souvent un investissement affectif important face à la vulnérabilité de la personne aidée :

“En plus de ces activités de care, les aidantes et aidants ont dans la majorité des cas la responsabilité d’organiser les interventions des professionnels, les consultations médicales, les affaires administratives et financières des personnes. Les aidants remplissent alors le rôle de care manager, consistant à coordonner et à gérer administrativement l’ensemble des intervenants auprès d’une personne »7.

12Si la fermeture des institutions appelée par le Comité onusien devait être mise en application, sans que l’offre de services à domicile qu’il appelle dans le même temps ne l’accompagne à suffisance, les aidant·e·s seront en première ligne à en subir les conséquences en leur qualité de care manager informel. Même dans l’hypothèse d’une intervention suffisante de services à domicile (ce qui nécessiterait d’abord de solutionner le problème de la pénurie de personnel soignant à domicile8), on peut supposer que l’aidant·e continuerait d’assumer un rôle de “care manager”, ne fut-ce que pour organiser les interventions de ces personnes et gérer les aspects financiers et administratifs de la vie de l’aidé.

13Or, déjà à contexte constant (c’est-à-dire même sans désinstitutionnalisation en perspective), le cadre juridique belge ne les protège et soutient pas suffisamment9.

3. Focus sur la Belgique : un cadre juridique mal préparé pour la désinstitutionnalisation du point de vue des aidant·e·s

14Il faut d’abord souligner que l’Union Européenne a récemment investi la question du soutien aux aidant·e·s en adoptant une directive 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants10. La transposition de cette directive dans l’ordre juridique belge a été réalisée par une loi du 7 octobre 202211 et un arrêté royal12 du même jour. Cette loi et cet arrêté royal apportent des modifications au congé parental et au congé de naissance, introduisent un nouveau congé d’aidant·e dans le cadre existant du congé pour raisons impérieuses (qui est de 5 jours consécutifs par année civile, en principe non payés par l’employeur)13 et prévoient un nouveau droit de demander des formules souples de travail14 pour s’occuper d’un proche.

15Dans les lignes qui suivent, nous analysons d’autres dispositifs juridiques qui configurent le droit matériel du soutien aux aidant·e·s, lequel est réparti entre plusieurs niveaux de pouvoirs. La Belgique est en effet un Etat fédéral (composé d’un Etat fédéral, de Régions et de Communautés) où les compétences concernant le handicap et le soutien aux aidant·e·s sont partagées entre diverses entités composant l’État fédéral belge.

16Schématiquement, les dispositifs de soutien aux aidant·e·s relèvent de deux volets de compétences : l’Etat fédéral (pour la compétence de la sécurité sociale et du droit du travail, donc pour définir le statut social des aidant·e·s) et le niveau fédéré (pour la compétence de l’aide aux personnes et l’assistance à des personnes en situation de dépendance).

17Au niveau fédéral, après avoir bénéficié d’une reconnaissance purement formelle et symbolique15, la catégorie des aidant·e·s est aujourd’hui reconnue par la loi du 17 mai 2019 établissant une reconnaissance des aidants proches qui a modifié la loi du 12 mai 2014 relative à la reconnaissance de l’aidant proche. « L’aidant proche » y est défini, à l’article 3, paragraphe 1er, comme la “personne qui apporte une aide et un soutien continus ou régulières à la personne aidée”. Pour être reconnu·e, l’aidant·e proche doit remplir plusieurs conditions cumulatives :

être majeur ou mineur émancipé (art. 3, §2, 1°) ;
avoir développé une relation de confiance ou de proximité, affective ou géographique avec la personne aidée (art. 3, §2, 2°) ;
donner les soins à des fins non professionnelles et de manière gratuite avec le concours d’au moins un intervenant professionnel (défini par la loi comme “toute personne habilitée, sur la base d’un diplôme ou d’une reconnaissance légale, à prodiguer des soins ou des conseils en matière de soins ou d’aide à domicile contre rémunération”, art. 2, 2°) (art. 3, §3, 1°) ;
“tenir compte du projet de vie de la personne aidée” (art. 3, §3, 2°)16.

18La loi laisse par contre au pouvoir exécutif le soin de fixer les droits sociaux qui s’attachent à la reconnaissance du statut « d’aidant proche ». Le seul droit qui a été consacré consiste en un “congé thématique” qui permet aux travailleurs ou bien de suspendre complètement leur contrat de travail pour une durée de six mois maximum sur l’ensemble de la carrière17 ou bien de réduire leurs prestations de travail à temps plein d’un cinquième ou de moitié durant douze mois maximum18. Pendant cette interruption, les aidant·e·s touchent une allocation forfaitaire versée par l’ONEM19, identique à celle versée pour un congé d’assistance médicale, sur la base d’une demande à leur mutualité20. Ce congé pour proche aidant est une période assimilée pour le calcul des pensions. Cette période d’interruption est en effet intégralement prise en compte pour le calcul de la durée de la carrière21. Concrètement, un travailleur à temps plein qui a recours à une interruption complète a droit à une allocation d’interruption de 879,15 euros nets s’il perçoit le montant de base, et de 1.479,99 euros nets22 s’il perçoit l’allocation majorée23.

19Si l’avancée peut être saluée car elle consacre un premier droit social concret attaché au statut d’aidant·e, elle ne permet toutefois pas de résoudre pleinement le problème de discrimination de genre identifié ci-avant.

20Dans un article récemment paru, N. Ramlot propose une grille d’évaluation de ce congé thématique au regard de deux objectifs : celui de maintenir l’aidant·e sur le marché du travail (ce qui contribue à son épanouissement professionnel et personnel) et celui de la “dégenrisation”24 de la prise en charge des soins (par le fait que les congés reconnus pourraient défavoriser la prise en charge du soin par les hommes)25.

21Du point de vue du premier objectif, la mesure permet de maintenir une activité professionnelle et n’incite pas à s’investir exclusivement dans la sphère domestique. Par ailleurs, la protection contre un licenciement abusif pendant la période est un élément positif26.

22Du point de vue de la dégenrisation, N. Ramlot se pose notamment la question de savoir si les femmes sont plus susceptibles d’être amenées à prendre prioritairement ce congé par rapport aux hommes dans un ménage. Les conclusions de N. Ramlot vont dans ce sens : “les femmes ayant généralement un revenu plus faible que les hommes au sein du ménage27, celles-ci auront davantage tendance à diminuer leur temps de travail ou à interrompre leur carrière, afin d’éviter un trop grand manque à gagner au sein du ménage”28. Plus globalement, “l’allocation ne semble pas être à même de prévenir la précarité des personnes ayant recours au congé thématique ni constituer un incitant à l’égard des hommes pour que ceux-ci aient davantage recours au congé. À cet égard, le caractère forfaitaire de l’allocation d’interruption semble, en soi, un premier obstacle à l’effet incitatif d’un plus grand recours des hommes à ce congé. Pour autant, le montant forfaitaire pourrait encore présenter un effet relatif s’il était suffisant pour permettre au ménage d’assumer ses charges malgré le recours au congé thématique”29.

23Même si, sous l’angle du maintien de l’aidant·e sur le marché du travail, le congé thématique constitue une avancée, il ne résout pas le problème de genre que nous identifions ci-avant. Plus généralement, le droit matériel fédéral du soutien aux aidant·e·s semble encore trop faible pour garantir les aidant·e·s des problèmes de discrimination structurelle des femmes aidant·e·s qui seront décrits ci-après. En l’état, la fermeture des institutions sans accompagnement par des services d’aide à domicile risquerait donc d’empirer la discrimination dont les femmes sont actuellement victimes.

24Il semble que le législateur fédéral souhaite approfondir la réforme du congé thématique en tenant compte de certaines des remarques émises par le secteur.

25Plusieurs propositions de loi sont en cours d’examen30.

26Les auteur·e·s d’une étude parue le 6 février 2023 et réalisée pour le Commission Communautaire Commune et la Commission Communautaire française souligne par ailleurs que ce statut est encore “largement méconnu” par les aidant·e·s bruxellois·e·s31. “Même parmi les personnes qui en bénéficient, on constate un réel manque d’information sur ce que ce statut implique en pratique. Pour certain·e·s, il s’agit uniquement d’un « badge honorifique », qui n’implique aucun soutien particulier”. Il y a donc aussi sans doute un problème d’information et de sensibilisation, imputable en partie, selon les auteur·e·s, aux mutuelles32.

27Au niveau fédéré, nous nous sommes concentrés sur l’espace francophone et bruxellois. Les textes législatifs et réglementaires consacrent notamment des droits à une aide à la vie quotidienne (guidance, information, soutien aux aidant·e·s en matière d’hygiène sanitaire, de maniement, de rôle éducatif, des tâches administratives)33, l’agrément et le subventionnement de centres de “répit” en faveur des aidant·e·s (dont les services sont payants)34, des services ambulatoires35, mais rien de suffisamment substantiel pour préparer l’aidant·e à ce qu’impliquerait la fermeture des institutions et la prise en charge dans le cadre familial36.

4. La pérennisation de schémas de solidarité de la sphère privée : prendre garde à ne pas empirer la situation des femmes

28Que l’on se situe dans une perspective radicale (Comité onusien) ou modérée (Conseil Supérieur National belge des Personnes Handicapées) de la mise en œuvre de la désinstitutionnalisation, le cadre juridique belge semble encore trop modeste.

29Or, le manque de calibrage actuel (dont on espère qu’il évoluera progressivement vers plus de soutien) va nécessairement compliquer une réalité déjà problématique : ce sont les femmes qui sont au front de l’aidance, en Belgique et ailleurs, et qui risquent – de facto – d’être les premières à devoir sacrifier leur épanouissement personnel et professionnel afin de gérer administrativement, médicalement et affectivement, la mise en œuvre de la désinstitutionnalisation.

30En Belgique, au quotidien, 81 % des femmes effectuent des tâches domestiques contre 33% des hommes37. Elles consacrent en moyenne 3h17 au travail ménager et les hommes 1h5738. Elles disposent de 6 heures de loisir et de repos en moins que les hommes par semaine39. Les hommes passent davantage de temps à travailler de façon rémunérée, tandis que les femmes se consacrent aux enfants et au ménage, en complément, souvent, d’un travail rémunéré à temps partiel40. La dynamique est encore accentuée lorsque ce noyau comprend un proche en état de dépendance41. Du côté des foyers wallons, les femmes passent en moyenne 9 heures de plus par semaine que leur conjoint au travail invisible dans leurs familles. Le FOREM a ainsi relevé que plus de 75% des aidant·e·s qui introduisent une demande d’aide sont des femmes42. Du côté flamand, le Steunpunt Mantelzorg et d’autres associations d’aidant·e·s proches ont réalisé une étude sur la prise en charge du handicap pendant la pandémie. Sur les 651 aidant·e·s ayant répondu au questionnaire, 16,3 % étaient des hommes et 83,7 % étaient des femmes43.

31Ces femmes abandonnent souvent des perspectives d’évolutions professionnelles ou de formation44. Les discriminations subies ont plusieurs facettes : les aidantes sont souvent à la fois des femmes, économiquement affaiblies, socialement plus isolées et proches d’une personne en situation de handicap.

32C’est en cela qu’il convient d’aborder la thématique avec une approche aussi intersectionnelle que possible45.

33Le risque est en effet que le manque de soutien socio-économique aux aidant·e·s provoque un retour au schéma du “male breadwinner model” qui, dans sa forme “extrême”, est défini comme un modèle “où on trouve des femmes mariées exclues du marché du travail, fermement subordonnées à leur mari en matière de sécurité sociale et de fiscalité, et censées prendre en charge le travail de soin (pour les enfants et autres personnes en situation de dépendance) à la maison et sans aide publique”46.

34Il est donc impossible d’aborder le sujet de la désinstitutionnalisation, sans tenir compte d’une perspective de genre. En effet, si la réalité actuelle est déjà marquée par une discrimination intersectionnelle, elle n’en sera que plus approfondie si le législateur ne revoit pas – en même temps que la désinstitutionnalisation – le soutien aux aidant·e·s, en tenant compte de ces schémas patriarcaux.

5. Comment faire le lit de la désinstitutionnalisation ? De l’emploi au travail

35Le Comité onusien indique dans ses Lignes directrices que “Lorsqu’une personne choisit de recevoir l’appui de membres de sa famille [pour sortir d’une institution], les États parties devraient veiller à ce que ceux-ci aient accès à une aide financière, sociale et autre suffisante pour remplir leur rôle d’aidant” (p. 6). Par ailleurs, “Les États parties devraient accorder un soutien au revenu général aux adultes handicapés afin qu’ils puissent jouir d’un niveau de vie adéquat, ainsi qu’aux personnes à leur charge et à leurs proches aidants” (p. 14)47.

36Selon le Comité, la fermeture des institutions doit donc s’accompagner, en parallèle, de mesures concrètes de soutien – notamment financières – en faveur des aidant·e·s.

37Néanmoins, si la fermeture des institutions devait être mise en œuvre avant que le statut de l’aidant·e ne soit revu en tenant en compte notamment la dimension de genre, elle risque de s’accompagner d’une prise en charge accrue des personnes en situation de handicap dans le foyer familial (que la personne en situation de handicap soit mineure ou majeure).

38La photographie actuelle de l’offre en matière de placement dans les lieux collectifs d’accueil n’est pas bonne48.

39Dans l’hypothèse où ces lieux devaient être fermés, un phénomène naturel de retour dans le foyer des personnes en situation de handicap risque de se présenter (qu’il s’agisse d’enfants, de parents, de frères ou de sœurs de la personne aidée).

40Afin de préparer le monde de l’aidance à la désinstitutionnalisation, nous suggérons trois balises. Premièrement, la désinstitutionnalisation devrait s’accompagner de mesures socio-économiques concrètes, qui permettent aux femmes aidantes de maintenir un épanouissement professionnel et de garantir leur autonomie, dans le même temps. Avancer sur la désinstitutionnalisation, sans en tenir compte, conduirait à revenir (ou à maintenir) des modes de solidarité où la femme est nécessairement (c’est-à-dire sans choix possible de sa part) ramenée à son rôle de mère et de gestionnaire de la sphère privée. Parmi les mesures concrètes qui devraient encore être adoptées ou renforcées, l’on pourrait songer à : augmenter les compensations financières des congés spécifiques49 et en aménager les modalités (en tenant notamment mieux compte de la spécificité des emplois à temps partiels)50, approfondir les mesures d’aménagements d’horaires pour les salarié·e·s51, faire entrer l’aidance dans le calcul de la cotisation de la pension52, développer l’offre des services de répit qui, à Bruxelles en tout cas, est “encore trop limitée, trop lente à mettre en place et excluante pour certains profils”53. Plus globalement, il semblerait que les aidant·e·s manque encore d’informations sur les services qui sont à leur disposition (reconnaissance, congé thématique, services de répit). Par ailleurs, à notre sens, et contrairement à la ligne tenue par le Comité54, il faudrait veiller au maintien d’une offre de lieux collectifs d’accueil dans des situations où la prise en charge de la personne porteuse d’un lourd handicap nécessite un accompagnement quotidien important (des lieux qui doivent toutefois évoluer vers plus d’autonomie pour leurs habitants). Il faut en effet éviter que disparaisse la possibilité de pouvoir alterner entre prise en charge en lieu collectif et à la maison, ce qui est une demande des aidant·e·s55. Il en va de même pour les services de répit qui, sous l’angle interprétatif du comité onusien décrit ci-avant, doivent pourtant aussi être considérés comme “institutionnalisants”.

41Au titre de deuxième balise, les réflexions à mener devraient également tenir compte des risques pour la santé mentale des aidant·e·s. En effet, “le manque de guidance, la complexité administrative du système, le manque de soutien quotidien, les prises en charge médicales et paramédicales importantes, les déplacements, etc. sont tant de facteurs qui peuvent à terme causer un grand épuisement chez l’aidant·e et compromettre sa santé mentale”56. La reconnaissance du statut d’aidant·e devrait automatiquement donner droit à un soutien financier spécifique pour une aide psychologique et un accompagnement dans ce rôle57. Le “care du care” ne consiste pas simplement à donner des congés et des rétributions financières mais à assurer aussi le soutien psychologique des pourvoyeurs de care.

42Troisièmement, ces chantiers gagneraient enfin à tenir compte de la notion inspirante de « droits de tirage sociaux », telle que proposée par le professeur français Alain Supiot dans son ouvrage Au-delà de l’emploi. Il insiste sur la nécessité de repenser le statut juridique du travail “à rebours du renoncement à toute ambition de justice sociale qui, depuis, a réduit le droit du travail à n’être qu’une mesure d’ajustement face aux contraintes de la globalisation”. Selon sa conception de l’évolution du monde du travail, le statut professionnel doit être déterminé non plus à partir de la notion d’emploi (qui se cantonne au statut de salarié, employé par contrat de travail), assez restrictive, mais de la notion élargie de “travail”. Du point de vue du travailleur salarié, la libération du travail implique notamment, à son estime, « la liberté du travail désintéressé, c’est-à-dire la possibilité d’employer une plus grande part de ses capacités en dehors de son emploi salarié ». Et l’auteur de citer en particulier « les activités familiales, mais aussi les activités publiques ou associatives, les activités culturelles ou de formation »58.

43A cette fin, l’auteur théorise la notion de droits de tirage sociaux59, qui sont déliés de “l’emploi” au sens strict, comme des crédits d’heure de délégués syndicaux, des crédits formation, des congés parentaux ou des droits pour les aidant·e·s. Ces droits doivent permettre aux travailleurs salariés « d’arbitrer sur le cours de leur existence, entre périodes d’engagement professionnel et celles plus spécialement dévolues à leurs autres engagements publics ou privés »60.

44Ainsi, l’état professionnel « élargi » des personnes recouvrirait trois des quatre cercles du droit social : les droits propres au travail salarié (“l’emploi” au sens strict), les droits communs de l’activité professionnelle dépendante ou indépendante (hygiène, sécurité, etc.) et les droits fondés sur le travail non professionnel (charge de la personne d’autrui, travail bénévole, formation, …). Le quatrième cercle serait pour sa part celui des “droits sociaux universaux”, garantis indépendamment de tout travail (soins de santé, aide sociale minimale, …) et échappant à la notion de “statut professionnel élargi”.

6. Conclusions

45La désinstitutionnalisation est en route et il est louable de souhaiter que les personnes en situation de handicap puissent s’auto-déterminer comme toute personne “valide”. D’ailleurs, cet objectif séduit dans un large spectre de l’échiquier politique61. Mais il rend doublement urgentes les questions posées par ce chapitre. D’une part, parce que l’allongement (heureux) de l’espérance de vie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap va prolonger d’autant plus le temps de la “collaboration” entre l’aidé·e et l’aidant·e62. D’autre part, parce que si la pénurie croissante du personnel soignant63 n’est pas solutionnée, la désinstitutionnalisation telle que décrite dans ce papier devrait entraîner une augmentation de la charge de travail des aidant·e·s, du stress et de la pression sur ces derniers. Il est donc important que la revalorisation du statut du personnel soignant soit également garantie en parallèle de l’amélioration du statut d’aidant·e. Afin de préparer au mieux le milieu de l’aidance à faire face à la désinstitutionnalisation, le droit matériel belge devrait être revu et approfondi dans le sens des propositions formulées plus haut, afin de garantir l’équilibre entre l’approfondissement de l’auto-détermination des personnes en situation de handicap et le soutien aux aidant·e·s. dans leur rôle de care manager.

Notes de bas de page

1 L’influence du Comité commence à se dessiner concrètement dans les politiques européennes, comme on a pu le voir dans le cadre de l’adoption d’un Règlement en 2021 portant sur les missions de différents Fonds européens qui annonce que « les États membres devraient également respecter les obligations énoncées (...) dans la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées ». Les Fonds « devraient être mis en œuvre de manière à promouvoir la transition des soins en institution vers les soins de proximité et la prise en charge par la famille » (Règlement (UE) 2021/1060 du Parlement européen et du Conseil du 24 juin 2021 portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion, au Fonds pour une transition juste et au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds « Asile, migration et intégration », au Fonds pour la sécurité intérieure et à l’instrument de soutien financier à la gestion des frontières et à la politique des visas, J.O.U.E., p. 160).

2 Pour une analyse plus approfondie, cfr. N. Ramlot, “Le travail domestique gratuit et l’Etat social. Une analyse critique féministe du statut d’aidant proche en Belgique”, Revue interdisciplinaire d’études juridiques, n° 90/2023, disponible en accès libre via le site cairn.info.

3 Observation générale n° 5 sur l’autonomie de vie et l’inclusion dans la société de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, 2017.

4 A noter qu’en Belgique, le Conseil Supérieur National des Personnes Handicapées adopte une position plus modérée et s’oppose très explicitement à l’interprétation trop radicale, selon lui, du Comité onusien (cf. “La désinstitutionnalisation des personnes en situation de handicap”, Note de position du CSNPH, novembre 2018). http s://www .inclusion-asbl.be/wp-content/uploads/2018/11/Note-de-position-sur-la-desinstitutionnalisation_Inclusion-asbl.pdf. Il définit la désinstitutionnalisation comme : “non pas (...) la fermeture stricto sensu de toute structure collective, quel que soit sa philosophie de fonctionnement, son degré d’ouverture ou sa taille mais plutôt comme un processus global de planification de la transformation profonde des lieux de vie collectifs. Cette transformation est fondée sur la qualité de vie et le respect des droits des personnes en situation de handicap, tels qu’énoncés dans la Convention” (note de position, ibid.). Sur la position du CSNPH, voy. cet ouvrage contribution n°21.

5 A Charlier, “Le travailleur aidant proche… enfin aidé?”, Forum de l’Assurance, 2021, vol. 202, n° 212, p. 45.

6 S. Anthierens, E. Willemse, R. Remmen, O. Schmitz, J. Macq, & A. Declercq, “Mesures de soutien aux aidants proches. Une analyse exploratoire”, Synthèse d’un rapport publié en 2014 par Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé, Disponible en ligne : http s://kce.fgov.be/sites/default/files/2021-11/KCE_223_BS_aidants_proches_Synthese.pdf (consulté le 18 juillet 2023).

7 O. Giraud et B. Le Bihan-Youinou, « Les politiques de l’autonomie : vieillissement de la population, handicap et investissement des proches aidants », Olivier Giraud (dir)., Politiques sociales : l’état des savoirs, Paris, La Découverte, 2022, p. 126.

8 Sur ce point, l’on songe à la mobilisation du secteur des soins à domicile du 24 mai 2023 et aux plaintes du secteur de l’aide à domicile (http s://www .rtbf.be/article/christine-infirmiere-a-domicile-reduire-la-qualite-des-soins-par-manque-de-temps-cest-inadmissible-11201901) (consulté le 18 juillet 2023). Voy. aussi “Les soins infirmiers à domicile en manque de personnel”, Le Soir, 3 juin 2022, http s://www .lesoir.be/446319/article/2022-06-03/les-soins-infirmiers-domicile-en-manque-de-personnel#:~:text=Pour%20la%20premi%C3%A8re%20fois%20en,prodiguer%20des%20soins%20%C3%A0%20domicile (consulté le 19 juillet 2023). Voy. égal. l’interview de la directrice d’une ASBL de soins à domicile, “Pénurie de mains d’œuvre dans l’aide à domicile, un secteur méconnu”, RTBF.be, 15 juin 2022, http s://www .rtbf.be/article/penurie-de-main-d-oeuvre-dans-l-aide-a-domicile-un-secteur-meconnu-11012817 (consulté le 19 juillet 2023).

9 Il est utile de noter que les communes peuvent intervenir en faveur des aidant·e·s au nom de l’intérêt communal. De nombreuses communes flamandes ont adopté des règlements en leur faveur (voy. not. “Fiche pratique concernant le soutien aux aidant·e·s”, INTEGREO, Collectif d’accompagnement scientifique des projets de soins intégrés pour les maladies chroniques, Disponible en ligne : http s://www .integreo.be/sites/default/files/public/content/2._fiche_practique_aidants_proches_fr_update_november.pdf). Les communes ne sont pas tenues d’adopter de telles mesures, toutefois.

10 Nous renvoyons à la lecture des considérants de la directive qui mettent l’accent sur l’inégalité entre hommes et femmes dans la prise en charge du “care”, et notamment les considérants 6 et 10 à 12.

11 Cette loi transpose partiellement la Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil, et réglementant certains autres aspects relatifs aux congés, M.B., 31 octobre 2022.

12 Cet arrêté royal transpose partiellement la Directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la Directive 2010/18/UE du Conseil, M.B., 31 octobre 2022.

13 « Afin de fournir des soins personnels ou une aide personnelle à un membre du ménage ou de la famille qui, pour une raison médicale grave, nécessite des soins ou une aide considérables » (cfr. art. 7 de la loi du 7 octobre 2022 précitée).

14 Définies par l’article 19 de la loi du 7 octobre 2022 comme “un aménagement des modalités de travail existantes du travailleur qui, entre autres, peut être réalisée au moyen d’une adaptation du régime de travail ou de l’horaire de travail, ou d’un télétravail structurel”. Les conditions pour obtenir ce droit sont strictes : il faut être engagé sous contrat de travail depuis 6 mois au moins, et le congé n’est accessible que pour octroyer des soins personnels ou une aide personnelle à un membre déterminé du ménage (toute personne qui cohabite avec le travailleur) ou de la famille (parents jusqu’au 2eme degré, alliés jusqu’au 1er degré, parents jusqu’au 1er degré du partenaire cohabitant de fait depuis au moins 12 mois avec le travailleur) qui nécessite des soins ou une aide considérables pour une raison médicale grave (art. 22 et s. de la loi).

15 Cfr. la loi du 12 mai 2014 relative à la reconnaissance de l’aidant proche.

16 En pratique, on ne voit pas très bien comment la rencontre de cette dernière condition est vérifiée.

17 Loi du 22 janvier 1985 contenant des dispositions sociales, art. 100ter, §1er, M.B., 24 janvier 1985.

18 Loi du 22 janvier 1985 précitée, art. 102ter, §1er.

19 L’ONEM est l’abréviation de l’Office National de l’Emploi en Belgique. Il s’agit d’une institution publique de sécurité sociale qui gère le système d’assurance chômage ainsi que certaines mesures pour l’emploi. Il est aussi compétent pour le système d’interruption de carrière et de crédit-temps.

20 Voy. pour une description plus complète du mécanisme F. Verbrugge, “Le congé pour aidants proches - Nouveau congé thématique”, Orientations, 2020, n° 11, p. 21.

21 Arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés, art. 34, §1er, Nter, M.B., 16 janvier 1968 ; arrêté royal du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés, art. 8, M.B., 27 octobre 1968 ; loi du 28 décembre 2011 portant des dispositions diverses, art. 122, al. 1er, 5°, M.B., 30 décembre 2011. A noter également que pendant la période courant du jour de la demande jusqu’à trois mois après la fin du congé, sauf motif grave ou motif suffisant, le travailleur est protégé d’un licenciement.

22 ONEM, « Montants (barèmes). Interruptions de carrière - crédits temps », s.d., en ligne, http s://www .onem.be/documentation/montants/interruption-de-carriere-credit-temps/congesthematiques (consulté le 18 juillet 2023). Montant qui n’est accordé qu’aux aidant·e·s à la tête d’une famille monoparentale et exclusivement lorsque la personne aidée est son enfant de moins de 18 ans (ou 21 ans s’il présente un handicap) qui cohabite avec l’aidant.

23 Les indépendants peuvent aussi bénéficier de ce congé dans le cadre d’une réglementation distincte mise en place par un arrêté royal du 27 septembre 2015 accordant une allocation en faveur du travailleur indépendant (M.B., 5 octobre 2015) qui interrompt temporairement son activité professionnelle pour donner des soins à une personne. On notera également que l’aidant·e proche en situation de chômage peut demander une “dispense pour raisons sociales ou familiales” (art. 90 de l’Arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et art. 58 de l’Arrêté ministériel du 26 novembre 1991 portant les modalités d’application de la réglementation du chômage – mettre les liens). Pour information, le congé est également accessible pour les fonctionnaires statutaires de l’État fédéral, des entreprises publiques autonomes, des Régions et des Communautés.

24 N. Ramlot référence sur ce point S. Saxonberg, “From defamiliazation to degenderization : Toward a New Welfare Typology”, Social Policy & Administration, vol. 47, 2013, n° 1, p. 28

25 “Le travail domestique gratuit et l’Etat social. Une analyse critique féministe du statut d’aidant proche en Belgique”, Revue interdisciplinaire d’études juridiques, n° 90/2023, disponible en accès libre via le site cairn.info, p. 29 et s.

26 N. Ramlot souligne l’existence d’une critique qui repose sur la crainte que “le mécanisme présente des effets indésirables au vu du bénéfice économique pour l’Etat” et que le secteur de l’aidance concurrence le secteur des professionnels de la santé, les aidant·e·s étant amenés à l’avenir à assurer des soins de plus en plus complexes et vu l’augmentation du nombre de personnes aidées.

27 Sur ce point, nous renvoyons à la consultation des données statistiques dressées par Statbel : « En Belgique, l’écart salarial entre les sexes, c’est-à-dire la différence de salaire horaire entre les femmes et les hommes, s’élevait à 5,0 % en 2021. Cela signifie qu’en 2021, les femmes gagnaient en moyenne 5,0 % de moins par heure que leurs homologues masculins. Parmi les travailleurs de moins de 25 ans, l’écart de rémunération entre les sexes est pourtant négatif, à -0,1% mais augmente nettement selon l’âge pour atteindre 4,5% chez les 35-44 ans et même 8,5% pour les 55-64 ans » (http s://statbel.fgov.be/fr/themes/emploi-formation/salaires-et-cout-de-la-main-dœuvre/ecart-salarial#:~:text=En%20Belgique%2C%20l’%C3%A9cart%20salarial,heure%20que%20leurs%20homologues%20masculins consulté le 18 juillet 2023). Or, les aidant·e·s sont généralement de cette dernière tranche d’âge (cfr. par ex. les chiffres d’une étude flamande au sujet de l’aidance pendant la pandémie du COVID qui établissait que l’âge moyen de l’aidant·e était de 57 ans :
D. Lambotte, B. De Koker, N. De Bruyne, N. De Witte, De beleving van mantelzorgers in tijden van COVID-19 Rapport de recherche, Gand, HoGent et Steunpunt Mantelzorg, 2020.Disponible en ligne: http s://www .hogent.be/sites/hogent/assets/File/Onderzoeksrapport%20Mantelzorg%20in%20tijden%20van%20COVID-19.pdf. (consulté le 18 juillet 2023).

28 N. Ramlot, op. cit., p. 33.

29 N. Ramlot, op. cit., p. 34.

30 La députée Catherine Fonck (Les Engagés) a déposé une proposition de loi du 23 juin 2021 “modifiant la loi de redressement contenant des dispositions sociales du 22 janvier 1985, qui vise à allonger la durée du congé thématique “aidants proche”. L’auteure y propose de fixer la durée maximale du congé thématique à 6 mois d’office et d’inscrire cette réforme directement dans un texte de nature législative : « en effet, des arrêtés royaux en ce sens ont été promis mais ne sont jamais venus », précise-t-elle. Une deuxième proposition de loi « modifiant le statut de l’aidant proche et concernant l’allongement et la flexibilisation du congé pour aidants proches » a été déposée le 31 mai 2022 par la députée Nahima Lanjri (CD&V). L’auteure souhaite offrir une plus grande flexibilité dans les modalités de prise du congé pour aidants proches en permettant également de fractionner ce congé en semaines. Elle indique : « l’augmentation prévue par la présente proposition de loi offre également une plus grande liberté de choix au travailleur qui recourt à ce congé. Par exemple, il pourra dorénavant choisir de prendre une période plus longue pour une seule personne nécessitant une aide. Comme indiqué, nous maintenons à six mois la durée maximale du congé pour aidants proches. Nous offrons simplement une plus grande liberté de choix au travailleur quant aux modalités de prise de ces mois de congé, ce qui permettra de mieux adapter le congé pour aidants proches aux besoins individuels des personnes nécessitant une aide et aux besoins des travailleurs qui optent pour ce congé pour aidants proches. Nous souhaitons ensuite offrir une plus grande flexibilité dans les modalités de prise du congé pour aidants proches en permettant également de fractionner ce congé en semaines » (p. 7). L’auteure propose aussi de faire passer la période de validité de la reconnaissance d’un à deux ans. Une troisième proposition de loi du 13 janvier 2020, « modifiant diverses dispositions relatives aux aidants proches » (qui semble interrompue dans son processus d’adoption), a été déposée par Jean-Marc Delizée et csrts. La proposition vise à permettre de réduire les prestations de travail d’un dixième temps afin de permettre de flexibiliser ses horaires de travail comme aidant·e. Elle autoriserait également le Roi à fixer une procédure de recours sui generis pour contester les décisions de non-reconnaissance et d’obtention des droits sociaux dont peuvent bénéficier les aidant·e·s. Ces propositions témoignent touts du fait que leur·e·s auteur·e·s ont compris l’importance de flexibiliser les modalités de prise du congé thématique.

31 G. Deliens, F. Merken, S. Jaspard et M. Kissine, “Offre et besoins de services pour les personnes en situation de handicap à Bruxelles Lot 2 − Etude des besoins des personnes en situation de handicap à Bruxelles”, Rapport final, 6 février 2023, disponible en accès libre via http s://acte.ulb.be/images/PDF/ACTE_Cadastre_PSH_Volet2.pdf (consulté le 17 juillet 2023). Cette étude sera référencée dans les lignes qui suivent comme “l’étude du 6 février 2023 de G. Deliens et al.”.

32 « En effet, certain·e·s collaborateur·rice·s téléphoniques ne le connaissent pas du tout : selon le moment où les aidant·e·s appellent et la personne sur qui iels tombent, les informations peuvent s'avérer contradictoires. Certaines mutuelles sont aussi plus sensibilisés que d’autres : pour certains parents, la reconnaissance s’est faite assez naturellement et le suivi a été très bon, et pour d’autres cela relève encore du parcours du combattant : en bénéficier représente une tâche d’énergivore et complexe, que l’aidant·e finit en général par abandonner. C’est donc cette méconnaissance du statut qui complexifie les démarches pour l’atteindre, ce qui constitue les raisons principales d’inaccessibilité mises en évidence par le questionnaire en ligne » (étude du 6 février 2023 de G. Deliens et al., p. 296).

33 Art. 223 du Code wallon de l’action sociale et de la santé.

34 Art. 286 du Code wallon de l’action sociale et de la santé.

35 Décret du 5 mars 2009 de la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale relatif à l'offre de services ambulatoires dans les domaines de l'action sociale, de la famille et de la santé.

36 Relevons que l’Assemblée réunie de la COCOM est en train d’examiner une proposition de résolution visant à définir un plan d’actions de mobilisation et de soutien aux aidants proches (Proposition du 15 octobre 2020, Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, Disponible en ligne : http ://weblex.irisnet.be/data/crb/doc/2020-21/140156/images.pdf).

37 “La conciliation entre vie professionnelle et vie familiale encore fortement marquée par le genre”, Communiqué de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 29 octobre 2020, disponible en accès libre via http s://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/downloads/pb-combinatie-cijfers2020_fr.pdf (consulté le 17 juillet 2023).

38 N. Franka et J. Tetart, “Les mains invisibles du marché”, Analyse Financité, mars 2022, p. 7. Disponible en ligne : http s://www .financite.be/sites/default/files/references/files/les_mains_invisibles_du_marche_-nfjt_-_avril_2022.pdf (consulté le 17 juillet 2023) ; Voy. également: Iweps, “Égalité entre les femmes et les hommes en Wallonie, Photographie statistique”, Cahier 2, Le genre et l’emploi du temps en Wallonie, 2017. Disponible en ligne : http s://www .iweps.be/wp-content/uploads/2017/10/HF2017-Cahier2_DEF.pdf (consulté le 17 juillet 2023).

39 I. Glorieux et al., “Comment les Belges emploient-ils leur temps? Résultats de l’enquête de 2013 sur l’emploi du temps en Belgique”, TOR Vub, septembre 2015, p. 7. Disponible en ligne: http s://torvub.be/wp-content/uploads/2015/10/FR_Belgie%E2%95%A0%C3%AA-geklokt_ld.pdf ; Iweps, “Égalité entre les femmes et les hommes en Wallonie, Photographie statistique”, op. cit., p. 26. Disponible via http s://www .iweps.be/wp-content/uploads/2017/10/HF2017-Cahier2_DEF.pdf.

40 B. Capéau, L. Cherchye, K. Decanq et al., “Comment les partenaires en couple répartissent-ils leur temps?”, En faut-il peu pour être heureux? Conditions de vie, bonheur et bien-être en Belgique, Limal, Anthemis, 2019, p. 115-117.

41 Concernant la prise en charge des personnes âgées, ce sont majoritairement des femmes (71%) en Belgique qui sont à la manœuvre, selon un rapport de la Fondation Roi Baudoin de 2016, “quel que soit le niveau de dépendance”. S. Cès, D. Flusin, O. Schmitz, A.-S. Lambert, N. Pauwen, et. al., “Les aidants proches des personnes âgées qui vivent à domicile en Belgique : un rôle essentiel et complexe”, Rapport publié par la Fondation Roi Baudoin, 2017, p. 21-22. Dans l’étude du 6 février 2023 précitée réalisée par G. Deliens et al., les auteur·e·s précisent que dans le panel des personnes aidées et des aidant·e·s interviewé·e·s, “la proportion d’hommes et de femmes est assez équilibrée parmi les personnes en situation de handicap, alors que les femmes sont sur-representées dans la catégorie aidant·e·s-proches” (p. 18).

42 A. D’Ortenzio, L. Lahaye, E. Stultjens, F. Vierendeel, Aidant·e·s proches; tour d’horizon dans une perspective de genre, Étude FPS 2021, p. 25. Disponible en ligne: http s://www .femmesprevoyantes.be/wp-content/uploads/2021/10/Etude2021_Aidants_Proche.pdf

43 D. Lambotte, B. De Koeker, N. De Bruyne, N. De Witte, De beleving van mantelzorgers in tijden van COVID-19, Rapport de recherche, Gand, HoGent et Steunpunt Mantelzorg, 2020. Disponible en ligne: http s://www .hogent.be/sites/hogent/assets/File/Onderzoeksrapport%20Mantelzorg%20in%20tijden%20van%20COVID-19.pdf (consulté le 18 juillet 2023).

44 L’étude du 6 février 2023 de G. Deliens et al. précitée indique pour le panel d’aidantes interviewées : “De manière générale, on constate dans les réponses au questionnaire que la réduction du temps de travail ou la cessation complète de l’activité professionnelle est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes” (p. 303). Par ailleurs, « plusieurs personnes rencontrées en entretien, principalement des parents, indiquent que ce rôle d’aidant impliqué dans la gestion du quotidien de la PSH (cuisine, toilette, prise en charge médicale et paramédicale, trajets vers l’école ou le CJ, mise en place d’apprentissages, etc.) est très souvent endossé par des femmes. Au sein d’un couple hétérosexuel, il parait donc plus fréquent que ce soit la femme qui diminue ou cesse son travail, pendant que l’homme continue voire augmente son activité professionnelle pour supporter les pertes financières » (p. 303). Pour les aidant·e·s célibataires, la situation est encore plus complexe à gérer. Les auteur·e·s décrivent plus globalement le phénomène comme suit : « Le temps d’aide au proche peut être plus ou moins important en fonction des limitations fonctionnelles de celui-ci, mais les aidant·e·s, rapportent de manière générale consacrer plusieurs heures par jours à leur proche aidé (ce qui s’explique également par l’importante proportion de parents à avoir rempli le questionnaire pour leur enfant/adolescent/jeune adulte en situation de handicap 68%). Trente-cinq pourcent des aidant·e·s de notre échantillon ont indiqué travailler à temps plein, 23% à temps partiel et 42% ne travaillent pas. Parmi les personnes qui ne travaillent pas, 34% ont indiqué avoir interrompu leur carrière professionnelle pour assister leur proche en situation de handicap, 18% rapportent que leur interruption de carrière est partiellement liée à cette situation. Les aidant·e·s qui occupent une profession à temps partiel sont 43% à avoir réduit leur temps de travail pour aider leur proche en situation de handicap et 27% rapportent que leur réduction de temps de travail est en partie liée à cette situation » (p. 299).

45 Selon Collins, « Le terme «intersectionnalité» fait référence à l’idée critique selon laquelle la race, la classe, le sexe, la sexualité, l’origine ethnique, la nation, les capacités et l’âge ne fonctionnent pas comme des entités unitaires et mutuellement exclusives, mais plutôt comme des phénomènes qui se construisent réciproquement ». Sur cette notion, voy. S. Vincent, J. Vrielink, « 4.1.3 - Les discriminations multiples et intersectionnelles », in Les grands arrêts en matière de handicap (I. Hachez, dir.), Bruxelles, Larcier, 2020, p. 250 et s.

46 J. Lewis, “Gender and the development of welfare regimes”, Journal of European Policy, vol. 2, 1992, n°3, p. 162.

47 Comité des droits des personnes handicapées, Lignes directrices pour la désinstitutionnalisation, y compris dans les situations d’urgence (2022), CRPD/C/5 (http s://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRPD/C/5) (consulté le 21 juillet 2023).

48 Pour Bruxelles, voy. le cadastre réalisé dans l’étude du 6 février 2023 de G. Deliens et al.

49 Au sujet du congé spécifique pour soutien à un proche handicapé, les auteur·e·s de l’étude du 6 février 2023 de G. Deliens et alii relèvent que « De manière générale, les pauses-carrière associées à l’assistance d’un proche en situation de handicap s’accompagnent trop souvent d’un risque de tomber dans la précarité. En effet, de nombreuses personnes rencontrées en entretien indiquent souhaiter bénéficier d’une réduction de leur temps de travail afin d’être plus présent·e auprès de leur proche : malheureusement, la baisse de revenus que cela impliquerait rend cette démarche impossible en raison de leur réalité économique déjà serrée. A noter que certains emplois sont en plus difficilement compatibles avec une réduction de temps de travail, la quantité de travail restant la même mais répartie sur moins d’heures, générant plus de stress encore pour l’aidant·e. » (p. 299). Par ailleurs, les auteur·e·s indiquent que “Les aidant·e·s demandent donc un peu plus de pérennité dans les aides disponibles afin que ce soutien devienne plus systématique que ponctuel”.

50 Dans l’étude du 6 février 2023 de G. Deliens et al. évoquée ci-avant, les auteur·e·s mettent en exergue que « La méconnaissance de l’existence de ces aides financières constitue, cette fois encore, la principale raison d’inaccessibilité » (p. 299). Il faut donc davantage informer les aidant·e·s et sensibiliser les mutuelles à l’importance de l’information sur le sujet.

51 Toujours dans l’étude bruxelloise du 6 février 2023 précitée, les auteur·e·s écrivent : « Certain·e·s aidant·e·s sont également déjà très limit.é·e·s dans les emplois qu’iels peuvent occuper de manière générale, puisqu’iels sont tenu·e·s par les horaires serrés de l’école ou du centre de jour de la PSH (9h-15h dans certains cas : seul un horaire à temps partiel est possible), par les vacances scolaires (difficile en effet, on le verra, de trouver des stages ou vacances pendant la période estivale pour certains profils) et par les exigences de la prise en charge médicale et paramédicale de leur proche. En raison de ces nombreuses contraintes, beaucoup rapportent ne pouvoir occuper qu’une activité professionnelle à mi-temps, avec les restrictions économiques que cela entraîne. Dans certains cas plus graves, tenir une activité professionnelle même à mi-temps est tout simplement impossible pour l’aidant·e en raison de l’importance de la prise en charge de la PSH. A titre d’exemple, une maman explique que ses deux enfants en situation de handicap nécessitent 4h de logopédie par semaine, toutes à des moments différents de la semaine, en plus de rendez-vous médicaux plus ‘classiques’, des séances de psychomotricité, de l’ORL et des rendez-vous de recherche génétique. Cela demande beaucoup de souplesse dans l’horaire des parents : quand une place se libère chez un spécialiste à l’hôpital, il faut pouvoir se libérer, lorsqu’un·e professionnel.le paramedical·e n’est disponible qu’en journée il faut aller chercher l’enfant à l’école et l’accompagner au rendez-vous, etc. » (p. 302).

52 Pour obvier un risque pointé par les auteur·e·s de l’étude bruxelloise du 6 février 2023 précitée décrit comme suit : « Ces aidant·e·s devraient en effet garder leur droit à la pension en tant que travailleu·r·se à temps plein ayant effectué une carrière complète, afin d’éviter à l’avenir des situations comme la suivante : une maman d’un enfant autiste aux troubles du comportement importants raconte qu’en raison des expulsions à répétition de plusieurs école, elle a dû quitter son travail, mais que cet arrêt impacte maintenant son calcul de pension » (p. 303). Le congé thématique est bien pris en compte dans le calcul de la pension, ce qui est un point positif.

53 Étude du 6 février 2023 de G. Deliens et al. précitée, p. 305 et s.

54 Le Comité onusien considère en effet que les membres de la famille doivent être accompagnés financièrement, socialement, mais que ce soutien ne devrait jamais inclure aucune forme de prise en charge dans une institution, à court ou long terme qui mettrait à mal le droit des personnes à vivre de manière indépendante et d’être incluse dans la communauté (point 38 des Lignes directrices précitées d’octobre 2022) : « L’aide aux familles ne saurait inclure une quelconque forme de placement en institution, même pour une courte durée. Elle devrait permettre aux personnes handicapées d’exercer leur droit à l’autonomie de vie et à l’inclusion dans la société ».

55 Sur ce point, l’étude du 6 février 2023 de G. Deliens et al. présente des témoignages à la fois touchants et inquiétants. Certain·e·s aidant·e·s vu·e·s en entretiens sont confronté·e·s depuis des années à des refus systématiques de prise en charge de leur enfant, leur parent, leur frère ou leur sœur, leur conjoint en situation de handicap dans les structures de répit, d’accueil de jour ou d’hébergement : « Je cherche du répit, un logement, pour souffler un peu pendant le mois. C’est un stress tous les matins et tous les soirs. [...] je suis épuisée, tout le temps stressée. On me dit tout le temps ‘tu dois penser à toi un peu aussi’, ok, mais je trouve quand le temps de m’occuper de moi ? ». Encore plus bouleversant : « je suis au bord du suicide » (p. 317).

56 Étude du 6 février 2023 de G. Deliens et al. précitée, p. 314 et s.

57 Or, “Trop souvent, le prix de ces services est encore le dernier échelon d’une importante chaîne de priorité : les parents rapportent souvent que le suivi psychologique de leur enfant est interrompu lors des périodes où les soins médicaux coûtent plus cher, et que le suivi psychologique des aidant·e·s lui reste impossible faute de fonds” (étude du 6 février 2023 de G. Deliens et al., p. 315).

58 « Le travail, liberté partagée », Droit social, 1993, n°9/10, p. 719.

59 Au-delà de l’emploi, Paris, Flammarion, 2016, p. 83 à 85.

60 « Le travail, liberté partagée », op. cit., p. 719 et 720.

61 Même si ce n’est absolument pas l’intention du Comité onusien qui appelle de ses vœux une prise en charge publique désinstitutionnalisée, certains acteurs politiques pourraient voir dans le retour au foyer familial une opportunité de « débudgétariser » la prise en charge du handicap par la sphère publique.

Le transfert d’une personne âgée d’une institution vers la maison “coûte” ainsi moins cher. Il pérennise également des formes de solidarité défendues par les conservateurs politiques et réactionnaires où la femme est obligatoirement ramenée à la sphère privée. Sur les chiffres de l’avantage budgétaire de la prise en charge à la maison, voy. Hellings, Petrovic, Vandijck, Bergs, Desmedt et Vertriest, “De economische waarde van mantelzorg en de financiële impact ervan op de ziekteverzekering”, Tijdschrift voor Geneeskunde 73(23), 2017, p. 1473 et s.

62 Comme le notait l’association INTEGREO dans une fiche pratique consacrée à l’aidance, “les soins fournis par la famille, les amis et les voisins occuperont une place toujours plus importante, de nombreuses personnes préférant être soignées à la maison” (réf). Le “care du care” dans le cadre de la désinstitutionnalisation est donc un enjeu démocratique majeur qu’on aurait tort de considérer comme un caprice des aidant·e·s à l’heure de cette transformation. Les crises sanitaires qui sont amenées à se répéter vont par ailleurs reproduire les conditions compliquées dans lesquelles les aidant·e·s et aidé·e·s ont été plongé·e·s pendant plusieurs mois durant la crise du COVID avec une détérioration conséquente du bien-être mental de chacun·e (“Fiche pratique concernant le soutien aux aidant·e·s”, INTEGREO, Collectif d’accompagnement scientifique des projets de soins intégrés pour les maladies chroniques, Disponible en ligne : http s://www .integreo.be/sites/default/files/public/content/2._fiche_practique_aidants_proches_fr_update_november.pdf,(consulté le 1er décembre 2022). Voy. aussi sur la question des conséquences du vieillissement dans le secteur de l’aidance : J. Bronselaer, V. Vandezande, L. Vanden Boer. et B. Demeyer, Sporen naar Duurzame Mantelzorg. Hoe perspectief bieden aan mantelzorgers?, Autorité flamande: Département Welzijn, Volksgezondheid en Gezin, 2016. Disponible en ligne: http s://docplayer.nl/125186724-Inleiding-vlaamse-regering-2015-4-2-bronselaer-j-vandezande-v-vanden-boer-l-demeyer-b-sporen-naar-duurzame-mantelzorg.html (consulté le 18 juillet 2023).

63 K. Van den Heede et al., “Dotation infirmière pour des soins (plus) sûrs dans les hôpitaux aigus, Centre fédéral d’expertise des soins de santé”, étude 325Bs, disponible via http s://kce.fgov.be/sites/default/files/2022-05/KCE_353B_Dotation_Infirmiere_Synthese.pdf. (consulté le 18 juillet 2023). Voy. aussi : X, « Quel avenir pour le secteur d’aide et soins à domicile ? », 14 décembre 2022, en ligne, http s://pro.guidesocial.be/articles/actualites/article/quel-avenir-pour-le-secteur-d-aideet-soins-a-domicile (consulté le 18 juillet 2023).

Repenser l’institution et la désinstitutionnalisation à partir du handicap

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Repenser l’institution et la désinstitutionnalisation à partir du handicap

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Référence numérique du chapitre

Picqué, A., & Merveille, C. (2024). Mise en œuvre de la désinstitutionnalisation et manque de soutien aux aidant·e·s proches : de l’élimination d’une discrimination à l’aggravation d’une autre ?. In I. Hachez & N. Marquis (éds.), Repenser l’institution et la désinstitutionnalisation à partir du handicap (1‑). Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles. https://doi.org/10.4000/books.pusl.29629

Picqué, Arnaud, et Clémence Merveille. « Mise en œuvre de la désinstitutionnalisation et manque de soutien aux aidant·e·s proches : de l’élimination d’une discrimination à l’aggravation d’une autre ? ». In Repenser l’institution et la désinstitutionnalisation à partir du handicap, édité par Isabelle Hachez et Nicolas Marquis. Bruxelles: Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 2024. https://doi.org/10.4000/books.pusl.29629.

Picqué, Arnaud, et Clémence Merveille. « Mise en œuvre de la désinstitutionnalisation et manque de soutien aux aidant·e·s proches : de l’élimination d’une discrimination à l’aggravation d’une autre ? ». Repenser l’institution et la désinstitutionnalisation à partir du handicap, édité par Isabelle Hachez et Nicolas Marquis, Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 2024, https://doi.org/10.4000/books.pusl.29629.

Référence numérique du livre

Hachez, I., & Marquis, N. (éds.). (2024). Repenser l’institution et la désinstitutionnalisation à partir du handicap (1‑). Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles. https://doi.org/10.4000/books.pusl.29057

Hachez, Isabelle, et Nicolas Marquis, éd. Repenser l’institution et la désinstitutionnalisation à partir du handicap. Bruxelles: Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 2024. https://doi.org/10.4000/books.pusl.29057.

Hachez, Isabelle, et Nicolas Marquis, éditeurs. Repenser l’institution et la désinstitutionnalisation à partir du handicap. Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 2024, https://doi.org/10.4000/books.pusl.29057.

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