Chapitre I. La question du sens

doi:10.4000/books.pusl.17574

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Chapitre I. La question du sens

p. 3-16

Extrait

1.1 L’indifférence sémantique de la pensée

1Notre intention est d'interroger l’œuvre du peintre René Magritte sous l'éclairage de la question du sens. Non pas que nous cherchions à dire le sens de ses images. Ce serait enfreindre l’interdit que Magritte a constamment prononcé sur son œuvre.

“On tente la plupart du temps de détruire les images que je peins en prétendant les “interpréter”. On “interprète” par exemple un nuage que je peins comme étant un cheval, une explosion atomique ou autre chose. Ou bien on y trouve “l’expression" d’un sentiment, signifiant ainsi que l’image ne présente aucun intérêt par elle-même et qu'il lui faut le secours d’une interprétation, d'une indigence qui fait le bonheur de “l'interprète”...” (1960) (EC 597-598)1

2L’enjeu de l’œuvre magrittienne échappe au sens. Il se situe ailleurs, dans ce que le peintre lui-même appelle « un contact direct avec les choses » (EC 343), « une perception visuelle pure » (EC 276) ou encore « la description par la peint

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1 Nous faisons suivre les citations de Magritte d'une référence paginale à l’ouvrage : “René Magritte. Ecrits complets. Edition établie et annotée par André Blavier” (Paris 1979) (EC). Le nombre entre parenthèses qui dans la majorité des cas précède cette référence signale l’année de parution ou d’écriture du document dont la citation est extraite. Certaines citations sont tirées de “La Destination. Lettres à Marcel Mariën. 1937-1962” (Bruxelles 1977) et des “Lettres à Bosmans. 1958-1967” (Bruxelles 1990). Nous signalerons les premières à l’aide du sigle DST, les secondes à l’aide du sigle LAB (suivis tous deux de la référence paginale).

2 Nous pensons notamment aux œuvres de la période dite “vache” (surtout les années 1947 et 1948)

3 Il s’agit d’un texte figurant dans le catalogue de l’exposition Magritte organisée par “Temps Mêlés” au Musée des Beaux-Arts à Liège en octobre 1960 (EC 518-519). Il en existe une version londonienne, légèrement différente (septembre 1961) (EC 529-530).

4 Magritte dit lui-même de ses tableaux qu'ils “ressemblent à des tableaux sans répondre (...) à ce que les traités d’esthétique désignent comme tels” (1956) (EC 435)

5 L’œuvre de Beckett nous renvoie au même paradoxe, mais dans l’ordre propre et exclusif du dire. Le personnage beckettien vit la déchirure qui est au fondement de la parole, dont la logique est telle que l'intelligibilité des choses dont il s’agit occulte les choses dont il s’agit. Le personnage beckettien ne désespère pas d’une parole qui fût silence. Devant parler - devant, par du mot, s’expliquer les choses-, il rêve d’une parole qui ne dirait rien. Parler en effet, c’est supprimer ce qu'il y a. Si le silence était possible, se taire serait laisser émerger ce qu'il y a. Mais de ce qu'il y a, nous n'en savons que ce que nous en concevons (voir infra, début du chapitre X).

6 Le lecteur trouvera en annexe (“Liste des tableaux commentés”) des références aux ouvrages qui fournissent une reproduction des images que nous commentons ou citons.

7 Et qui est simultanément le portrait véritable d'un personnage véritable (Alexandre Iolas) - cas relativement rare chez Magritte, qui préfère recourir au profil anonyme, sans nom et sans visage individualisé, du monsieur au chapeau melon.

8 Ces énoncés sont extraits d’un texte intitulé “La pensée et les images”, paru dans le Cata logue de l'exposition Magritte, Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, mai 1954 (EC 374-376). Des formulations similaires apparaissent dans un autre texte intitulé “Le sens du monde”, paru en mars de la même année dans le Catalogue de l’exposition Magritte à La Louvière (EC 363-364). De l’un et l'autre de ces deux textes il existe un brouillon manuscrit, publié par Scutenaire dans son “Avec Magritte”, 1977, pp. 71-72 (EC 364-365).

9 Sur la question de la "traductibilité” de l'image en parole, voir par exemple ce passage d'une lettre à Bosmans : “Les images peintes sont l’égal de la parole, sans se confondre avec elle. Ce que l'image peut montrer, la parole peut le dire, ce que dit le langage, l'image ne peut le montrer. Ce que les images peintes “montrent" et ce que la parole “dit” sont cependant (peuvent être cependant) une même chose. Mais transposer en dire ce qui est montré (ou transposer en montré ce qui est dit) ne consiste pas en une “traduction” dont on aurait les termes équivalents, une sorte de dictionnaire images-paroles, paroles-images. La “transposition” est une rencontre qui ne résulte que d'une création égale à celle de la chose à transposer. Devant ces images qui montrent tout ce qu’elles sont, où rien n’est caché, la pensée est responsable de ce qu'elle pense si elle ne se dérobe en ayant recours à une "interprétation allégorique”, c’est-à-dire à l’habitude de ne rien voir au sens propre. Une telle habitude de tout interpréter au "sens figuré” n'engage la pensée à aucune responsabilité essentielle” (1963) (LAB 330-331) et (EC 380)

10 Citons “L’Inspiration” ((1962) (EC 557)), “L'Art de la Ressemblance” ((1966) (EC 655-657)), “La Poésie...” ((1967) (EC 686-687)), et plusieurs états antérieurs de ce dernier texte, retrouvés et rassemblés par A. Blavier (EC 687-690).

11 C’est nous qui soulignons ici. Comparer avec les passages correspondants dans la citation ci-dessus (1.1. et note 3), extraite de la version liégeoise de “La Ressemblance”.

12 Les fondements de cette anthropologie nouvelle ont été conçus et exposés par J. Gagnepain, 1982 et 1991.

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Ce livre est cité par

Jongen, René. (2002) Variations sur la question langagière. DOI: 10.4000/books.pusl.20440
Jongen, René-Marie. (1999) Magritte au risque de la sémiotique. DOI: 10.4000/books.pusl.19687
Roelens, Nathalie. (1999) Magritte au risque de la sémiotique. DOI: 10.4000/books.pusl.19678
Pisano, Jean-Baptiste. (2022) Pratiques artistiques et culturelles : jeux du réel et du virtuel entre plausible et incroyable. DOI: 10.4000/books.cths.16281
Jongen, René-Marie. (2002) Variations sur la question langagière. DOI: 10.4000/books.pusl.20434
Everaert-Desmedt, Nicole. (1999) Magritte au risque de la sémiotique. DOI: 10.4000/books.pusl.19636

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Référence numérique du chapitre

Jongen, R.-M. (1994). Chapitre I. La question du sens. In René Magritte ou la pensée imagée de l’invisible (1‑). Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles. https://doi.org/10.4000/books.pusl.17604

Jongen, René-Marie. « Chapitre I. La question du sens ». In René Magritte ou la pensée imagée de l’invisible. Bruxelles: Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 1994. https://doi.org/10.4000/books.pusl.17604.

Jongen, René-Marie. « Chapitre I. La question du sens ». René Magritte ou la pensée imagée de l’invisible, Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 1994, https://doi.org/10.4000/books.pusl.17604.

Référence numérique du livre

Jongen, R.-M. (1994). René Magritte ou la pensée imagée de l’invisible (1‑). Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles. https://doi.org/10.4000/books.pusl.17574

Jongen, René-Marie. René Magritte ou la pensée imagée de l’invisible. Bruxelles: Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 1994. https://doi.org/10.4000/books.pusl.17574.

Jongen, René-Marie. René Magritte ou la pensée imagée de l’invisible. Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 1994, https://doi.org/10.4000/books.pusl.17574.

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