1 Cf. par exemple, H. KELSEN, Théorie pure du droit, trad. de la 2e éd. par Ch. Eisermann, Paris, 1962, p. 158 : "L'obligation juridique à une certaine conduite, loin d'être une donnée différente de la norme juridique qui ordonne cette conduite, est cette norme juridique elle-même". On peut opposer à cette thèse, P. PESCATORE, Introduction à la science du droit, Luxembourg, 1960, p. 423 : "L'analyse du phénomène du droit ne nous révèle donc pas plus qu'une prétention de validité catégorique ; le droit ne justifie pas, par lui-même, du fondement de cette prétention. A ce point de la discussion, nous pouvons donc conclure que le droit, par lui-même, n'est pas obligatoire". De façon plus nuancée, on pourrait soutenir que le droit ne réclame (sous la menace de sanctions) que la conformité extérieure de la réalité à l'objet de la norme, mais n'exige - et a fortiori ne fonde - en aucune façon l'adhésion intérieure, l'intériorisation, de son prescrit, démarche qui relève d'un jugement proprement éthique.
2 Sur la validité, cf. la cinquième étude publiée dans ce volume.
3 Sur ce point, cf., par exemple, H. HOFMANN, Legitimität und Rechtsgeltung, Berlin, 1977, p. 32.
4 Nous n'abordons pas ici la distinction qu'il y aurait lieu de ménager entre conformité et compatibilité de la norme ou de l'acte juridiques au prescrit de la (ou des) norme(s) supérieure(s) ; sur ce point, cf. Ch. EISENMANN, Le droit administratif et le principe de légalité, in Etudes et documents du Conseil d'Etat, Paris, 1957, pp. 30 et sv.
5 Cf. entre autres, A. ROSS, On law and justice, London, 1958, p. 70 ; J. STONE, Mystery and mystique in the basic norm, in The modem law review, vol. 26, 1963, London, pp. 45 et sv. ; J. LENOBLE et F. OST, Droit, mythe et raison. Essai sur la dérive mytho-logique de la rationalité juridique, Bruxelles, 1980, pp. 526 et sv.
6 H. KELSEN, Justice et droit naturel, in Le droit naturel, Annales de philosophie politique, III, Paris, 1959, pp. 112 et sv.
7 Sur la différence entre jugement de validité évaluatif et performatif ou "ascriptif", cf. S. CASTIGNONE, R. GUASTINI, G. TARELLO, Introduzione teorica allo studio del diritto, Genua, 1979, chap. 7 no 5 ; cf. aussi : S. CASTIGNONE, Legalita, legittimita, legittimazione, in Sociologia del diritto, IV, 1977-1, pp. 29-30.
8 Sur ces deux fonctions de la notion de légitimité, cf. N. BOBBIO, Sur le principe de légitimité, in L'idée de légitimité, Annales de philosophie politique, VII, Paris, 1967, p. 60 : la légitimité est tantôt la fin de l'histoire déjà faite, elle sert à justifier le fait accompli et tantôt le début de l'histoire à faire, elle inspire le fait à accomplir.
9 M. WEBER, Economie et Société, trad. J. Freund et al, t. I, Paris, 1971, p. 36.
10 Préface de la Revue internationale de la théorie du droit, 1re année, 1926-1927, Brno, p. 3.
11 Sur ce point, cf. C. CASTORIADIS, L'institution imaginaire de la société, Paris, 1976 ; Cl. LEFORT, Esquisse d'une genèse de l'idéologie dans les sociétés modernes, in Les formes de l'histoire, Paris, 1978, pp. 278-279.
12 Cf. notamment, L. SFEZ, L'enfer et le paradis. Critique de la théologie politique, Paris, 1978 ; G. BURDEAU, La politique au pays des merveilles, Paris, 1979.
13 Sur les représentations symboliques inhérentes à l'activité de codification, cf. C. VARGA, Utopias of rationality in the development of the idea of codification, in Rivista internazionale di filosofia del diritto, 1978, 1, pp. 23 et sv. ; J. VANDERLINDEN, Le concept de code en Europe occidentale du XIIIe au XIXe siècle. Essai de définition, Bruxelles, 1967.
14 Sur la fonction attendue de la réglementation juridique à l'époque libérale, cf. F. OST, Juge-pacificateur, juge-arbitre, juge-entraîneur. Trois modèles de justice, in Fonction de juger et pouvoir judiciaire. Transformations et déplacements, sous la dir. de Ph. GERARD, F. OST et M. van de KERCHOVE, Bruxelles, 1983, pp. 19-21.
15 Sur l'argument du législateur rationnel, cf. les deuxième et septième études de ce recueil.
16 En ce sens, A. PASSERIN D'ENTREVES, Légalité et légitimité, in L'idée de légitimité, op.cit., pp. 29-41 ; Ph. SELZNICK, Legality, in Law and Society, ed. by C. CAMPBELL et P. WILES, Oxford, 1979, pp. 136-141.
17 L. FULLER, The morality of law, New Haven and London, rev. ed., 1978, pp. 157 et sv.
18 J. LOCKE, Traité du gouvernement civil, trad. fr. B. GILSON, Paris, 1977, pp. 150 et sv.
19 A. AARNIO, On the truth and validity of interprétative statements in legal dogmatics (cet article est la troisième partie d'une étude publiée par A. AARNIO, R. ALEXY et A. PECZENIK, The foundation of legal reasoning, in Rechts-theorie, 12, 1981, pp. 423-448 ; la référence visée au texte porte sur les pages 436-439).
20 Cf. notamment N. BOBBIO, Dalla struttura alla funzione, Milan, 1977, notamment le chapitre 1, La funzione pranozionale del diritto, pp. 13-32.
21 On a relevé, à juste titre, que l'Etat de droit, par excès de normativisme, aboutissait ainsi à une forme d'autodestruction ; cf. en ce sens, W. LEISNER, L'Etat de droit, une contradiction ?, in Recueil d'études en hommage à Ch. Eisenmann, Paris, 1975, p. 65 et sv. ; J.P. HENRY, Vers la fin de l'Etat de droit ?, in Revue de droit public et de la science politique en France et à l'étranger, t. XCIII, 1977, no 6, p. 1210 et sv. ; J. CARBONNIER, L'inflation des lois, in Essais sur les lois, 1979, pp. 272 et sv. ; N. NITSCH, L'inflation juridique et ses conséquences, in Archives de philosophie du droit, 1982, pp. 161-179.
22 Message concernant la révision du code civil suisse, 11 juillet 1979, R. 0. 70.043, Chancellerie fédérale, Berne, 1979, p. 21, cité par J.-F. PERRIN, Les sciences sociales et le droit... division traditionnelle des rôles ou mariage fusionnel ?, à paraître in Sociologia del diritto ; J. COMMAILLE remarque quant à lui que "cette logique, celle qui régit "l'énoncé des règles et des principes qui doivent régir la vie familiale" s'exprime de façon de moins en moins dogmatique et de plus en plus empirique". (Familles sans justice ? Le droit et la justice face aux transformations de la famille, Paris, 1982, p. 209).
23 Cf., par exemple, cette intervention de M.J. FOYER à l'Assemblée nationale lors du débat sur le divorce, J.O., 28 mai 1975, pp. 3309-3312 (Cité par J. COMMAILLE, Esquisse d'analyse des rapports entre droit et sociologie, Les sociologies juridiques, in Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 1982-8, p. 17) : "L'ambition du législateur d'adapter la loi aux moeurs témoigne d'une évolution curieuse de la philosophie législative (...). La mission du législateur serait-elle non plus de proclamer légal ce qui doit être, mais simplement de déclarer juste ce qui est ? De la loi, traduction plus ou moins imparfaite, maladroite, inexacte, d'une conception du droit naturel, on nous demande en quelque sorte de passer à la notion d'une loi-constat, légitimant les pratiques que révèle la sociologie juridique".
24 N. LUHMANN, Légitimation durch Verfahren, Darmstadt, Neuwied, 1975 ; du même : Selbstlegitimation des Staates, in A.R.S.P., Beiheft 15, pp. 65 et sv. ; J. HABERMAS et N. LUHMANN, Théorie der Gesellschaft oder Sozialtechnologie, Frankfurt, 1971.
25 N. LUHMANN, Legitimation durch Verfahren, op.cit., p. 35 : "La légitimation des décisions implique fondamentalement un processus effectif d'apprentissage qui soit libre de toute perturbation. C'est un aspect de la question générale : comment les aspirations changent-elles, comment le sous-système politique et administratif peut-il restructurer les aspirations de la société grâce à des décisions alors qu'il n'est lui-même qu'un sous-système ? Ce segment n'aura une action efficace que s'il est capable de construire de nouvelles aspirations dans les autres systèmes existants".
26 Eh ce sens, J.F. LYOTARD, La condition post-moderne, Paris, 1979, p. 76 ; pour une critique radicale des thèses de Luhmann, cf. J. HABERMAS, Raison et légitimité. Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé, trad. fr. J. Lacoste, Paris, 1978.
27 En ce sens, R. DE GIORGI, Wahrheit und Legitimation im Recht, Berlin, 1980, p. 213. On trouvera aux pages 195 à 232 de cet ouvrage un résumé assez complet des thèses de Luhmann.
28 J. HABERMAS, Raison et légitimité. Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé, op.cit., p. 140 ; S. COTTA, Eléments d'une phénoménologie de la légitimité, in L'idée de légitimité, op.cit., p. 71 ; S. CASTIGNONE, R. GUASTINI, G. TARELLO, op.cit., chap. 7, 2.
29 En ce sens, V. MATHIEU, Sistemi logici e sistemi giuridici Impossibilita di autofondazione formale, in Rivista internazionale di filosofia del diritto, IVe série, XLVII, 1970, Milan, pp. 225-231.
30 Selbstlegitimation des Staates, in Legitimation des modernen Staates, loc.cit., p. 68.
31 R. NOZICK, Anarchy, State and Utopia, New York, 1974.
32 F.A. HAYEK, Law, Legislation and Liberty, London, 1976.
33 P. ROSANVALLON, La crise de l'Etat-providence, Paris, 1981.
34 En ce sens, cf. P. LEGENDRE, L'amour du censeur, Paris, 1974 ; P. BOURDIEU, Ce que parler veut dire, Paris, 1981, p. 36.
35 J. HABERMAS, Raison et légitimité, op.cit., pp. 149-153.
36 Ibidem.
37 R. ALEXY, Théorie der juristischen Argumentation, Frankfurt, 1978 ; cf. aussi A. AARNIO, R. ALEXY et A. PECZENIK, The foundation of legal reasoning, loc.cit., la 2e partie de l'article : The justification of legal transformations by rational legal discourse, pp. 257 et sv.
38 Ch. PERELMAN, Logique juridique : nouvelle rhétorique, Paris, 1976 ; cf. aussi N. Mc CORMICK, Legal reasoning and legal theory, Oxford, 1978.
39 L'expression est empruntée à H. Ph. VISSER'T HOOOFT, On legal reasoning and the concept of practical reason, in Rechtstheorie, 13 (1982), p. 272.
40 Pour une discussion critique de ce thème, cf. J. LENOBLE et F. OST, Les implicites de la théorie du juge raisonnable, in Annales de droit, 1976, 3-4, pp. 321-365.
41 Pour une application au problème particulier de la détermination, par le juge, de ce qu'est un "outrage public aux bonnes moeurs" (art. 383 du Code pénal), et le recours fait à l'opinion publique en cette matière, cf. F. OST et M. van de KERCHOVE, Bonnes moeurs, discours pénal et rationalité juridique, Bruxelles, 1981, pp. 107-125.
42 Cf. notamment P. BOURDIEU, L'opinion publique n'existe pas, in Les Temps modernes, no 318, 1973, pp. 1295 et sv. ; Ph. CHAMPAGNE, Sondage d'opinion et consensus politique, in Le consensus, Pouvoirs, 1978, no 5, pp. 93-103.
43 En ce sens, J.F. LYOTARD, La condition postmoderne, op.cit., p. 63, pp. 105 et sv.
44 En ce sens, cf. R.M. HARE, Freedom and Reason, Oxford, 1967, p. 3 ; la thèse fondamentale de cet ouvrage majeur est que la vie éthique est indissociablement liberté et raison ; d'où l'auteur dégage l'idée que les jugements éthiques 9ont à la fois prescriptifs (en cela, ils supposent la liberté) et universalisables (en cela, il supposent la rationalité des choix moraux, l'universabilité étant précisément la capacité de fournir des raisons) (p. 5). A partir de là, l'auteur critique à la fois les positions "subjectivistes" ou "émotivistes" qui privilégient le pôle liberté, et les positions "descriptivistes" ou "naturalistes" qui privilégient le pôle raison. Un intéressant parallèle peut être fait avec la pensée de P. RICOEUR (Le volontaire et l'involontaire, Philosophie de la volonté, I, Paris, 1963, p. 156) : pour cet auteur, le choix éthique est caractérisé par "le paradoxe d'une initiative et d'une obéissance, d'une activité et d'une réceptivité, d'une possibilité inaugurée et d'une légitimité accueillie". Position nuancée qui lui permet égalèrent de stigmatiser tant la lecture "intellectualiste", que la lecture "existentialiste" de la problématique morale.
45 Pour une telle interprétation de la pensée de Habermas, cf. A. BERTEN, Légalité et légitimité. A propos de J. Habermas, in Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 1980-4, p. 1-31.
46 Op.cit., pp. 66 et sv., p. 107.
47 J. LADRIERE, L'abîme, in Savoir, faire espérer ; les limites de la raison, t. I, Bruxelles, 1976, pp. 176-177.
48 Th. KUHN, La structure des révolutions scientifiques, Paris, 1970 ; G. BACHELARD, Le matérialisme rationnel, Paris, 1953, p. 103 : "La pensée scientifique repose sur un passé réformé. Elle est essentiellement un état de révolution continuée".
49 En ce sens, cf. Cl. LEFORT Droits de l'homme et politique, in L'invention démocratique, Paris, 1981, p. 69 ; cf. aussi, pour une présentation des droits de l'homme canne "schèmes" qui permettent à différents contenus de se confronter, L. FERRY et A. RENAUT, Penser les droits de l'homme, in Esprit, mars 1983, pp. 67-84.
50 Cl. LEFORT, ibidem.
51 En ce sens, on peut dire que l'Etat de droit doit se prolonger en Etat démocratique : si, dans le premier, la régulation des forces en présence s'opère sur base du droit écrit, des droits acquis, dans le second, la société fait l'épreuve de droits qui ne sont pas déjà entièrement incorporés dans le texte juridique (Cl. LEFORT, op.cit., p. 67).
* Cette étude constitue le texte de la communication présentée par François OST au XIe Congrès mondial de philosophie du droit et de philosophie sociale qui s'est tenu à Helsinki du 14 au 20 août 1983 et publiée, sous le même titre, in A.R.S.P., 1985, beiheft no 25, pp. 191-204.