1 Le socialisme. Droit au travail, p. 38.

2 Du droit au travail, p. 17.

3 THIERS in GARNIER, Op. cit., p. 192, 204.

4 Le socialisme. Droit au travail, p. 17.

5 Séance du 20-3-1848 de la Commission de Gouvernement pour les travailleurs, in Le Moniteur Universel, 24-3-1848 (Les discours tenus par Blanc devant la Commission du Luxembourg sont repris dans (différents tomes de) 1848 : la révolution démocratique et sociale).

6 BLANC, Op. cit., p. 15 ; EWALD, Op. cit., pp. 91-92 ; HATZFELD, Du paupérisme à la sécurité sociale, pp. 7-8.

7 BLANC, Organisation du travail, p. 58.

8 Créer des petits épargnants c’est créer des petits conservateurs, tel est en effet le mot d’ordre des libéraux de ce temps : "La caisse d’épargne ne se borne pas à recueillir, pendant les temps prospères, des ressources pour les mauvais jours ou pour l’époque à laquelle les portes de l’atelier se fermeront au travailleur épuisé par les années, ni même à faire concourir l’ouvrier à grossir le capital national en capitalisant lui-même. La caisse d’épargne a un effet admirable sur le moral de l’homme. Dès qu’il a fait un dépôt à la caisse d’épargne, l'ouvrier acquiert une conduite régulière. Dès ce moment, il sait ce que c’est que prévoir ; l’avenir prend à ses yeux une signification, la vie un but." (M. CHEVALIER, Question du sort des travailleurs, p. 24). Liancourt déjà, au moment de la création de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Paris (1818), formulait un résumé parfait des vertus de l’épargne : "L’ouvrier, l’artisan, le domestique qui contracte l’habitude d'apporter à la Caisse ce qu'il sait ménager de ses salaires s’attache à la conservation de ce superflu. Il se préserve d’avance des besoins de l’aumône, il s’est fait lui-même un avenir, il s'est créé un avoir. Le mot de propriété a retenti dans son coeur ; il est maintenant entouré de ce lien magique et puissant qui attache si fortement l’homme au pays qui l'a vu naître, qui garantit sa soumission aux lois, son attachement aux institutions de sa patrie, aux droits, aux libertés dont elles lui permettent la jouissance, au trône qui les lui assure" (in F. DREYFUS, La Rochefoucauld-Liancourt, un philanthrope d'autrefois, Paris, Plon, 1903, p. 448).

9 In M. DOMMANGET, Blanqui, Paris, Etudes et documentation internationales, 1970, p. 10.

10 Organisation du travail, p. 59.

11 Le socialisme. Droit au travail, p. 16.

12 Ibid., pp. 18-19.

13 "Est-il vrai que les socialistes veulent détruire la propriété ? Ils veulent la rendre, au contraire, accessible à tous. L’homme ne pouvant vivre qu’à la condition d’approprier les objets extérieurs à son usage, les socialistes définissent la propriété : droit de vivre, et ils ne pensent pas que du droit de vivre il faille faire un privilège" (BLANC, Le catéchisme des socialistes, p. 26, in 1848 : la révolution démocratique et sociale, Tome II).

14 F. PYAT in GARNIER, Op. cit., p. 409.

15 MATHIEU DE LA DROME, Ibid., pp. 67-68.

16 "Le droit au travail est parallèle au droit de propriété (...) l’un est la conditio sine qua non de l'autre" (MATHIEU DE LA DROME, Ibid., p. 61) ; "Le droit au travail c’est le droit à la vie. Il est parallèle et même antérieur au droit de propriété, qui n’en est que le résultat. Entre la propriété et le travail, il n’y a pas antagonisme, il y a identité. La propriété, c’est le travail réalisé" (Déclaration au peuple par les représentants de la Montagne, p. 12, in 1848 : la révolution démocratique et sociale, Tome II) ; "Le droit de vivre implique le droit au travail, et le droit au travail implique le droit à la propriété" (Compte rendu du banquet des travailleurs socialistes, p. 11, Ibid.).

17 ROLLINAT in GARNIER, Op. cit., p. 230.

18 "La propriété est la première, si ce n’est la seule garantie de la liberté ; c’est la liberté dans l’ordre des relations matérielles, le premier instrument de la liberté (...) de sorte que ces objets deviennent comme le prolongement de notre corps" (ARNAUD, Ibid., p. 173).

19 LAMARTINE, Ibid., pp. 49, 285, 293, 294, 297-298, 299.

20 Chez Babeuf même, l’ambiguïté demeure sur ce point. Il est vrai qu’en tant que défenseur conséquent du nivellement il se distinguait de nombre d’autres en ce qu’il taxait l’argument de la supériorité du talent et du mérite de truc vulgaire, invente par des intellectuels narcissiques, en vue de s’approprier injustement des biens. Mais son "communisme de la consommation" (qui supposait la socialisation des produits de la terre) n’en continuait pas moins de reposer, vu du côté de la production, sur la propriété individuelle - une propriété strictement égalitaire, il est vrai (cfr. BABEUF, Textes choisis, Paris, Editions Sociales, 1976, pp. 38-44,161-168, 232).

21 De la propriété ou la cause du pauvre, Paris, Editions d’histoire sociale, 1967, pp. V, 7-11,16-18, 42, 46-47,55-57, 68.

22 Essai sur la justice primitive, Paris, Editions d’histoire sociale, 1967, pp. 12-14, 17-20, 30-32, 35-36, 41.
Les théories que nous venons de résumer sont des exemples de ce que Dworkin appelle la starting-gate theory of faimess : l’égalité des ressources au départ - ici sous forme d’un partage égal des terres - y est combiné avec le laissez-faire et la primauté du talent dans des situations ultérieures. Dworkin rejette cette conception parce qu’elle serait incohérente : si l’égalité des ressources vaut pour la situation de départ, il n’y a pas de raison pour qu'elle ne vaille pas après ; ou inversement : si la différence des talents mérite la priorité après, il n’y pas de raison pour qu’elle ne régisse pas une situation d’appropriation initiale ; il s’agirait donc d’une combinaison indéfendable de théories différentes de la justice (What is equality ? in Philosophy & Public Affairs, 1981, No. 4, Princeton University Press, pp. 309-310). Cette critique ne nous semble pas dirimante : on peut en effet être partisan de la concurrence et défendre en même temps le point de vue qu’elle suppose, pour être loyale, que tous ceux qui y participent jouissent de chances égales, donc qu'il faut des conditions égales au départ pour tous les individus. Ce serait plutôt cette perspective individualiste qui pose problème, et cela d’un point de vue pratique : il faudrait, en effet, restaurer à chaque naissance les conditions d'égalité initiale ; ce qui, dans les exemples résumés, exigerait la présence d’une réserve importante et permanente de terres ou bien une politique démographique très stricte qui prendrait vite des allures totalitaires, ou une combinaison des deux ; pour ne pas parler du problème que susciterait pour un partage égal des terres l’exigence de leur équivalence en fertilité. Il faut ajouter cependant qu’il subsiste une différence importante entre les écrits que nous avons commentes et les théories critiquées par Dworkin : la terre y a un statut exceptionnel, en ce qu’elle est considérée comme inaliénable ; c’est qu’en fait les premiers ne formulent pas à vrai dire des théories de l'égalité, ou seulement en deuxième instance ; en dépit du poids qu'ils accordent aux arguments égalitaristes, ce qu’ils visent avant tout est d’un autre ordre : la garantie de la subsistance des individus, du droit à la vie.

23 II. RESENDE, Socialisme utopique et question agraire, in M. DOBB & P. SWEEZY, Du féodalisme au capitalisme, Paris, Maspéro, 1977, Tome II, pp. 128, 154,158-159.

24 "L'Assemblée peut attaquer puissamment la pauvreté en augmentant le nombre des propriétaires ; les circonstances actuelles lui en donnent l'heureuse faculté qu’elle ne laissera pas échapper, car elle ne pourrait se reproduire. 15 à 20 milions d’arpents, dépendants des biens domaniaux, languissent sans utilité sous l’aridité des landes, sous la fange des marais ou sous la tyrannie des usages. Ces terres rendues à la culture par des bras indigents, qui seraient payés d’une partie de leur travail par la cession d’une part du terrain qu’ils auraient rendu fertile, les préserveraient à jamais de la misère, répandraient et assureraient l'aisance dans les familles malheureuses et les lieraient ainsi à leur patrie par leur propre intérêt et par vos bienfaits” (BLOCH & TUETEY, Op. cit., p. 318).

25 "Je défie qu’il n’y ait plus de malheureux si l’on ne fait pas en sorte que chacun ait des terres ; il faut détruire la mendicité par la distribution des biens nationaux aux pauvres" (SAINT-JUST, Discours et rapports, Paris, Editions Sociales, 1977, p. 25).

26 "Dans une République bien ordonnée, chaque citoyen a quelque propriété ; l’aumône n’y flétrit pas le courage ; l’aristocratie déguisée en charité publique n'y commande pas la servitude, le nom de mendiant est ignoré (...)le citoyen d’une République ne peut faire un pas sans marcher sur son territoire, sur sa propriété" (BARERE DE VIEUZAC, Rapport sur les moyens d'extirper la mendicité, 22 Floréal An II, in Réimpression de l’ancien Moniteur, Paris, Plon, 1847, Tome XX, p. 447).

27 "Celui qui s’est montré l'ennemi de son pays n’y peut être propriétaire (...) c’est le moyen d'affermir la Révolution que de la faire tourner au profit de ceux qui la soutiennent et à la ruine de ceux qui la combattent" ; "Abolissez la mendicité qui déshonore un Etat libre. Les propriétés des patriotes sont sacrées, mais les biens des conspirateurs sont là pour tous les malheureux" SAINT-JUST, Op. cit., p. 20, 25).
En fait, la chute de Robespierre était imminente et les décrets de Ventôse ne furent pas appliqués. Il faut ajouter aussi qu’en dépit de nombreuses propositions de partager les biens nationaux en petits lots, la distribution se faisait, dans la majorité écrasante des cas, sous forme de vente aux enchères, de sorte que les pauvres ne pouvaient guère participer au festin. C’est du reste un fait bien connu qu’en certains endroits l’attitude envahissante d’une bourgeoisie citadine a fortement contribué à l'éclatement de troubles contrerévolutionnaires. Les petits paysans nourrissaient de grandes espérances au sujet des biens nationaux, mais comme ils se voyaient contraints de céder devant ces bourgeois qu’ils ne connaissaient pas et qu'ils considéraient comme des intrus, ils traduisaient leur frustration en haine contre le régime. Les chouans, par exemple, tiraient un profit considérable des sentiments d'envie et d’hostilité des paysans à l’égard des acheteurs de biens nationaux (P. BOIS, Paysans de l'Ouest, Paris, Flammarion, 1971, p. 294 ss., 331 ss. ; J. GODECHOT, La contre-révolution, Paris, Presses Universitaires de France, 1961, p. 220, 223, 318, 349).
Ajoutons, pour finir, qu’il ne faut pas non plus surestimer la distance qu’il y avait entre les projets de partage émanant des Assemblées et ceux qui étaient d’origine "extraparlementaire". Les partisans d'un partage radical des terres se contentaient souvent d'une application progressive de leurs projets. Dolivier et l’auteur anonyme du De la propriété, par exemple, préconisaient une réalisation graduelle : on attendrait la mort des propriétaires, pour appliquer la loi de partage aux successions seulement. Parfois, on se limitait à revendiquer le partage d’une partie des terres. L’ANGE, par exemple, avocat des greniers d’abondance qui devaient assurer la subsistance des populations locales, ne demandait qu’une distribution des landes et terrains incultes aux indigents, les moyens pour les rendre féconds devant leur être prêtés, sans intérêt, par le trésor des pauvres (Remède à tout, ou constitution invulnérable de la félicité publique, Paris, Editions d’histoire sociale, 1970, pp. 22-23).

28 Sur cette lecture contrastée de la ville et de la campagne : D. ROCHE, Le peuple de Paris, Paris, Aubier-Montaigne, 1981, p. 44 ss. En plus, un retour à la campagne entraînerait des économies considérables pour l’Etat : "On est effrayé quand on réfléchit que la dépense énorme que la nation est obligée de faire pour entretenir les indigents va s'engouffrer dans ces villes regardées comme célèbres, dans ces villes si orgueilleusement manufacturières, qui ne renferment qu’une population misérable et tous les germes de corruption"(J.-B. DELECLOY, Rapport sur/'organisation générale des secours publics à la Convention Nationale, 12 Vendémiaire An IV, Paris, Bibliothèque Nationale).

29 J.-B. BO, Rapport et projet de décret sur l'extinction de la mendicité, Convention Nationale, Vendémiaire An II, Paris, Bibliothèque Nationale, p. 4. "Vous n’avez peut-être pas de plus sûr moyen de fixer votre liberté sur la plus solide de toutes les bases, sur le retour de l’ordre, et de déjouer les projets contre-révolutionnaires de tous les partisans de l'état de choses que la constitution a anéanti. Celui qui tient à sa patrie par le lien de propriété a un motif de plus pour être un bon citoyen : son intérêt personnel"(d'AIRY, Rapport cité, p. 83). Ce n’est qu'après Thermidor que se lèveront des voix opposées à l'idée de généralisation de la propriété foncière : "Il est impossible que la majorité de la nation soit propriétaire, puisque dans cette hypothèse, chacun étant obligé de cultiver son champ et sa vigne pour vivre, le commerce, les arts et l’industrie seraient bientôt anéantis" (LOZEAU in A. SOBOUL, Comprendre la Révolution, Paris, Maspéro, 1981, p. 125)

30 D. BERTAUX, Destins personnels et structures de classe, Paris, Presses Universitaires de France, 1977, p. 152.

31 ROLLINAT in GARNIER, Op. cit., p. 230.

32 In C. SCHMID T, Des ateliers nationaux aux barricades de juin, Paris, Presses Universitaires de France, 1948, p. 8.

33 "Pour la bourgeoisie, la république est le dernier terme du progrès possible ; pour le peuple, la réforme politique n’est qu’un moyen d’atteindre le but, c'est-à-dire la réforme sociale" (BLANC, Le socialisme. Droit au travail, p. 11).

34 "La république serait un mensonge si elle ne devait être que la substitution d'une forme de gouvernement à une autre. Il ne suffit pas de changer les mots : il faut changer les choses. La république c’est l’émancipation des ouvriers ; c’est la fin du régime de l'exploitation ; c’est l’avènement d’un ordre nouveau qui affranchira le travail de la tyrannie du capital" (BLANQUI in DOMMANGET, Op. cit., p. 10).

35 "In dem ersten Konstitutionsentwurf, verfasst vor den Junitagen, befand sich noch das "droit au travail", erste unbeholfene Formel, worin sich die revolutionären Ansprüche des Proletariats zusammenfassen. Es wurde verwandelt in das "droit à l'assistance", in das Recht auf öffentliche Unterstützung, und welcher moderne Staat ernährt nicht in der einen oder anderen Form seine Paupers ? Das Recht auf Arbeit ist im bürgerlichen Sinn ein Widersinn, ein elender frommer Wunsch, aber hinter dem Recht auf Arbeit steht die Gewalt iiber das Kapital, hinter der Gewalt über das Kapital die Aneignung der Produktionsmittel, ihre Unterwerfung unter die assoziierte Arbeiterklasse, also die Aufhebung der Lohnarbeit, des Kapitals und ihres Wechselverhältnisses" (Die Klassenkämpfe in Frankreich, Berlin, Dietz Verlag, 1971, Marx-Engels Werke, Tome VII, pp. 41-42).

36 Commission de gouvernement pour les travailleurs, séance du 5-5-1848.

37 Commission de gouvernement pour les travailleurs, séance du 20-3-1848.

38 Organisation du travail, p. 8.

39 Commission de gouvernement pour les travailleurs, séance du 20-3-1848.

40 Organisation du travail, p. 15.

41 Ibid., pp. 19-20.

42 "Louis Blanc représente le socialisme gouvernemental, la révolution par le pouvoir, comme je représente le socialisme démocratique, la révolution par le peuple. Un abîme existe entre nous (...) l’Etat, par la nature de son principe, est contre-révolutionnaire" (PROUDHON, Confessions d'un révolutionnaire).

43 Histoire de la révolution de 1848, Tome II, pp. 238-239. HUMILIERE, Op. cit., pp. 84-85.

44 Commission de gouvernement pour les travailleurs, séance du 27-3-1848.

45 "Un jour viendra où il ne sera plus besoin d’un gouvernement fort et actif parce qu’il n’y aura plus dans la société de classe inférieure et mineure. Jusque là, l’établissement d’une autorité tutélaire est indispensable." (Organisation du travail, p. 20).

46 Il faut ajouter du reste que l'évacuation du problème de l'Etat est un point commun aux diverses tendances de la gauche en 1848 (cfr. DONZELOT, L'invention du social, p. 52 ss.)

47 BLANC, Le socialisme. Droit au travail, p. 26.

48 Commission de gouvernement pour les travailleurs, séances du 10-3 et du 3-4-1848 ; Organisation du travail, p. 82. THIERS, Rapport général au nom de la Commission de l'Assistance et de la Prévoyance publiques, p. 68.

49 M. PERROT, Ouvriers et machines au XIXe siècle, in L. MURARD & P. ZYLBERMAN (éd.), Le soldat du travail, Paris, Recherches No. 32-33, 1978, p. 347 ss. ; Femmes et machines au XIXe siècle, in Romantisme, revue du XIXe siècle, No. 41 ; P.-P. DRUET e.a. Technologies et sociétés, Paris, Editions Galilée, 1980, p. 35 ss. À partir de la deuxième moitié du 19ième siècle, les travailleurs ne s’en prendront plus guère aux machines, la classe ouvrière, du moins sa couche supérieure, aura effectué sa conversion au machinisme, sous l’influence notamment de l'alliance nouée entre mouvement ouvrier et croissance économique (M. PERROT, Jeunesse de la grève, Paris, Editions du Seuil, 1984, p. 186 ss.)

50 C’est pourquoi il condamne également l’agriculture parcellaire : "La petite culture est inconciliable avec l’emploi des grands capitaux et l’application des méthodes nouvelles". Si on ne veut pas marcher tout droit vers la faim, il faut appliquer le principe d’association dans l’agriculture aussi ; le règlement des successions qu’impose le Code Civil est néfaste, il empêche tout progrès de la productivité : "(...) ce que l’usure récompose aujourd’hui, le Code civil le divisera de nouveau demain : et pendant cet étrange combat du Code civil et de l'usure, l’agriculture dépérit ; la quantité des subsistances s'accroît moins que ne le fait la population" (Le socialisme. Droit au travail, p. 49).

51 D’après Marx, Louis Bonaparte aurait recrutée sa milice privée dans les rangs de la même pègre : l’énumération des sous-catégories de la bohème est un passage célèbre du 18 Brumaire de Louis Bonaparte. D’ailleurs, il n’y a pas que la populace qui nourrit les rangs des lumpen : à ses sommets, on trouve une aristocratie financière. Ici, le diagnostic de Marx rappelle étrangement celui de SIEYES, qui considérait l'ancienne aristocratie comme la couche raffinée de la racaille des mendiants ("L’intrigue et la mendicité. Ces deux occupations deviendront l’industrie particulière de cette classe de citoyens, ils y excellent". Qu'est-ce que le tiers état ?, Paris, Presses Universitaires de France, 1982, p. 19).

52 "Ce sont ces hommes qui méritent le titre, l’un des plus flétris de l'histoire, entendez-vous, le titre de multitude. La vile multitude qui a perdu toutes les Républiques. C’est la multitude, ce n'est pas le peuple que nous voulons exclure"(in L. CHEVALIER, Classes laborieuses, classes dangereuses, Paris, Librairie Générale Française, 1978, p. 602).

53 J. RANCIERE, Le philosophe et ses pauvres, Paris, Fayard, 1983, p. 139 ss.

54 DOMMANGET, Op. cit., p. 58 ss.

55 Le socialisme. Droit au travail, p. 35.

56 "On ne saurait concevoir le travail sans le travailleur, mais on conçoit très bien le capital sans le capitaliste" (Le catéchisme des socialistes, p. 21).

57 "La formule du progrès est double dans son unité : amélioration morale et matérielle du sort de tous" (Organisation du travail, p. 8).

58 A. GORZ, Adieux au prolétariat, Paris, Editions Galilée, 1980, p. 47 ss. ; A. BARUZZI, Recht auf Arbeit una Beruf ?, Freiburg/München, Verlag Karl Alber, 1983.

59 J. VALETTE, 1848 : les utopismes sociaux, p. 41.

60 V. CONSIDERANT, Théorie du droit de propriété et du droit au travail, pp. 9-10, 15-16, 17, 24, 25-26, 32.

61 FAUCHER in GARNIER, Op. cit., p. 341.

62 Ibid., p. XIII, 347. C’est avec une verve prodigieuse que Bastiat ironise sur cette image fantasmagorique : "(...) cette source intarissable de richesses et de lumières, ce médecin universel, ce trésor sans fond, ce conseiller infaillible que vous nommez l’Etat" ; "(...) un être bienfaisant et inépuisable, s’appelant l’Etat, qui ait du pain pour toutes les bouches, du travail pour tous les bras, des capitaux pour toutes les entreposes, du crédit pour tous les projets, de l’huile pour toutes les plaies, du baume pour toutes les souffrances, des conseils pour toutes les perplexités, des solutions pour tous les doutes, des vérités pour toutes les intelligences, des distractions pour tous les ennuis, du lait pour l’enfance, du vin pour la vieillesse, qui pourvoie à tous nos besoins, prévienne tous nos désirs, satisfasse toutes nos curiosités, redresse toutes nos erreurs, toutes nos fautes, et nous dispense tous désormais de prévoyance, de prudence, de jugement, de sagacité, d’expérience, d’ordre, de tempérance et d'activité" (in MANENT, Les libéraux, Tome U, pp. 250-251).

63 F. BASTIAT in GARNIER, Op. cit., p. 375.

64 BASTIAT in A. LAURENT, L’individu et ses ennemis, Paris, Hachette, 1987, pp. 67-68, et MANENT, Op. cit., p. 251 ss. On voit que cette critique de l’Etat continue à être fondée sur le travail comme source de légitimation de la propriété : c’est parce que celle-ci s'enracine dans le travail de l’individu qu’elle est un droit antérieur et supérieur à la loi même et que la loi a pour mission de faire respecter seulement, sinon elle ne ferait que violer "le droit du travail" ("la propriété n’est que l’appropriation devenue un droit par le travail. Quand le travail a rendu assimilables, appropriables des substances qui ne l'étaient pas, je ne vois vraiment pas comment on pourrait prétendre que, de droit, le phénomène de l’appropriation doit s'accomplir au profit d’un autre individu que celui qui a exécuté le travail"). Mais il faut ajouter que Bastiat est conséquent avec son point de départ : il ne condamne pas seulement le socialisme, mais toutes les atteintes au droit de propriété ainsi défini. Les capitalistes et les propriétaires fonciers qui ont tellement peur du socialisme, ont fait son lit en obtenant des tarifs protectionnistes qui violent tout aussi bien le droit naturel de propriété ; le protectionnisme est une spoliation par la loi au profit de quelques producteurs et au détriment de la grande majorité des citoyens, avant tout des ouvriers et des pauvres. En mettant la loi avant et au-dessus du droit, ce sont les propriétaires eux-mêmes qui ont ébranlé le principe de la propriété : ils ne devraient donc pas s'étonner des exigences socialistes ; ils en ont été les avant-coureurs, ce sont eux qui ont suggéré aux ouvriers l’idée du nivellement des fortunes par la loi et ce que demandent ces derniers aujourd’hui n’est pas autre chose que ce que les capitalistes ont obtenu hier le privilège moyennant un vol légalisé (Ibid., pp. 228-230, 242-245, 261 ss.).

65 F. DE PARIEU in GARNIER, Op. cit., p. 372.

66 Ce "possibilisme" est d’ailleurs progressiste dans la plupart des cas : "La révolution de 1791 avait proclamé que le travail serait donné aux citoyens. La révolution de 1793 avait proclamé que c’était une dette sacrée de l’Etat. Je demande que la révolution de 1848 déclare que c’est un droit des citoyens envers l’Etat, dans la mesure, dans la limite de toutes les facultés de l’Etat ; car personne ne peut vouloir l’impossible ; chacun de nous ne songe à réclamer ce que l’Etat ne saurait accorder." (CREMIEUX, Ibid., p. 144). Si donc il y a continuité entre la Révolution française et 1848, il y a aussi progrès nécessaire : le travail est maintenant un droit de l’ouvrier à l’égard de l’Etat. Mais c'est précisément cette apparition d’un droit subjectif et exigible dans le discours socialiste également qui fera dire aux libéraux que devant pareille notion les arguments possibilistes et la soi-disant limitation des ressources de l’Etat ne peuvent tenir le coup.

67 LEVET, GASLONDE, Ibid., p. XX, 30, 162. L’"art du possible" suscite aussi des critiques au sein de la gauche : le gouvernement ne pourra-t-il pas se libérer de ses obligations en prétextant que le trésor est vide ou que ses ressources sont insuffisantes ? (ROLLINAT, Ibid., p. 231). Finalement, il y a ceux qui croient que le refus du droit au travail n’est pas non plus un moyen sûr pour limiter les dépenses de l’Etat : "Il faut, si l’on persiste à demeurer dans l’ancien état de choses, ou compter avec la classe ouvrière, c’est-à-dire lui voter son budget, à prélever exclusivement sur le revenu, sur le plus pur de la propriété ; il faut lui créer toute une administration, lui faire sa part dans l’Etat, la reconnaître comme pouvoir nouveau dans la Constitution ; ou bien organiser, suivant la loi de Malthus, la suppression des bouches inutiles. Pas de milieu à cela (...) la taxe du prolétariat, ou le meurtre du pauvre ; le partage du revenu, ou la jacquerie" (PROUDHON, Confessions d'un révolutionnaire, p. 55).

68 En attendant, le gouvernement provisoire avait, en vue de combler le déficit du trésor, emprunté une voie toute différente. Au lieu de transformer l’impôt dans un sens progressif, il avait décrété une augmentation considérable des contributions directes dont les frais devaient être supportés surtout par les paysans. La mesure avait des conséquences politiques désastreuses : elle consacrait la rupture entre ville et campagne, et semblait confirmer aux yeux des paysans la version selon laquelle les ouvriers parisiens étaient des rentiers qui vivaient à leurs crochets.

69 In GARNIER, Op. cit., p. 102, 104, 111.

70 Ibid., p. 101.

71 Ibid., pp. 105-107.

72 Quelques exemples, parmi d’autres, de cette lecture dans L'Ancien régime et ta Révolution, Paris, Gallimard (Coll. Folio), 1967, p. 43, 81, 131.

73 Et après avoir qualifié le développement graduel de l’égalité de fait providentiel, Tocqueville semble suggérer que le socialisme est une conséquence inévitable de ses progrès : "Pense-t-on qu'après avoir détruit la féodalité et vaincu les rois, la démocratie reculera devant les bourgeois et les riches ? " (De la démocratie en Amérique, Tome I, p. 53).

74 L'Ancien régime et la Révolution, p. 51. "En France, les rois se sont montrés les plus actifs et les plus constants des niveleurs" (De la démocratie en Amérique, Tome I, p. 59) ; "Ce sont les rois absolus qui ont le plus travaillé à niveler les rangs parmi leurs sujets" (Tome II, p. 122) ; "(...) les vices que le despotisme fait naître sont précisément ceux que l’égalité favorise. Ces deux choses se complètent et s’entraident d’une manière funeste. L’égalité place les hommes à côté les uns des autres, sans lien commun qui les retienne. Le despotisme élève des barrières entre eux et les sépare. Elle les dispose à ne point songer à leurs semblables et il leur fait une sorte de vertu publique de l’indifférence." (Tome II, p. 131).

75 "(...) les institutions démocratiques développent à un très haut degré le sentiment de l’envie dans le coeur humain. Ce n’est point tant parce qu'elles offrent à chacun des moyens de s’égaler aux autres, mais parce que ces moyens défaillent sans cesse à ceux qui les emploient. Les institutions démocratiques réveillent et flattent la passion de l’égalité sans pouvoir jamais la satisfaire entièrement. Cette égalité complète s’échappe tous les jours des mains du peuple au moment où il croit la saisir et fuit d’une fuite éternelle ; le peuple s’échauffe à la recherche de ce bien d’autant plus précieux qu’il est assez près pour être connu, assez loin pour n’être point goûté, la chance de réussir l’émeut, l'incertitude du succès l'irrite ; il s'agite, il se lasse, il s'aigrit. Tout ce qui le dépasse par quelque endroit lui paraît alors un obstacle à ses désirs, et il n’y a pas de supériorité si légitime dont la vue ne fatigue ses yeux." (De la démocratie en Amérique, Tome I, pp. 285-286 ; voir également Tome II, p. 174).

76 Ibid., pp. 119-123.

77 "Il y a en effet une passion mâle et légitime pour l’égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés. Cette passion tend à élever les petits au rang des grands ; mais il se rencontre aussi dans le coeur humain un goût déprave pour l’égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l'égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté. Ce n’est pas que les peuples dont l'état social est démocratique méprisent naturellement la liberté ; ils ont au contraire un goût instinctif pour elle. Mais la liberté n’est pas l’objet principal et continu de leur désir, ce qu’ils aiment d’un amour éternel, c’est l’égalité ; ils s’élancent vers la liberté par impulsion rapide et par efforts soudains, et, s’ils manquent le but, ils se résignent ; mais rien ne saurait les satisfaire sans l’égalité, et ils consentiraient plutôt à périr qu’à la perdre" (Op. cit., Tome I, pp. 115-116).

78 "Cette haine immortelle, et de plus en plus allumée, qui anime les peuples démocratiques contre les moindres privilèges, favorise singulièrement la concentration graduelle de tous les droits politiques dans les mains du seul représentant de l’Etat. Le souverain, étant nécessairement et sans contestation au-dessus de tous les citoyens, n’excite l’envie d’aucun d’eux, et chacun croit enlever à ses égaux toutes les prérogatives qu’il lui concède" (Op. cit., Tome II, p. 361). Voir aussi MANENT, Histoire intellectuelle du libéralisme, pp. 233-235, et Tocqueville et la nature de la démocratie, pp. 91-96, 115.

79 Rien de plus significatif, de ce point de vue, que la façon dont Tocqueville interprète l’oeuvre des physiocrates : il y voit non seulement des complices de la centralisation administrative en cours sous l'ancien régime, mais aussi les précurseurs du socialisme de son temps, et ceci parce que cela (L’Ancien régime et la Révolution, pp. 260-262). La théorie de Louis XIV selon laquelle l’Etat est le seul propriétaire véritable du royaume, les terres n’étant concédées que sous condition par l’Etat, est qualifiée, elle aussi, d’"idée mère du socialisme moderne" (Ibid., p. 293).
Il est vrai que, dans le même ouvrage, Tocqueville affirme que la Révolution échappe, pendant une courte période - en fait, les premiers mois seulement - à cette continuité : alors, la liberté est chérie et représente pour ainsi dire le triomphe d’une idée neuve ; après, c’est l'égalité qui s'impose. Dans son discours devant l'Assemblée, par contre, il porte un jugement positif sur la Révolution prise en bloc.

80 La description du "nouveau despotisme" pourrait s’appliquer tout aussi bien aux effets du corporatisme au temps des rois absolus : "(...) le souverain couvre la surface (de la société) d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes, à travers lesquelles les esprits les plus originaux et les âmes les plus vigoureuses ne sauraient se faire jour pour dépasser la foule ; il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige ; il force rarement d’agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, Π énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation à n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger" (De la démocratie en Amérique, Tome II, p. 386). De même, le fameux passage où il énumère les qualités de ce despotisme "nouveau" et pour lequel il faudrait donc trouver un mot différent - ce pouvoir "tutélaire", qui veille sur le sort des individus et se charge seul d’assurer leur jouissance et bien-être, qui infantilise les citoyens et travaille à leur bonheur à condition d’en être l’unique agent et arbitre, qui assure leurs besoins et leur sécurité, se substitue partout à leur propre initiative et va jusqu'à leur ôter la peine de penser et de vivre, etc. (Ibid., p. 385) - répond presque trait pour trait à un certain nombre d’autres passages dans l’oeuvre de Tocqueville (et dans son discours à l’Assemblée même) servant à décrire les caractères de la monarchie absolue.

81 Cette attitude perce mieux encore dans les Souvenirs de Tocqueville où sa haine des ouvriers insurgés de 1848 se manifeste à plein : les prolétaires y sont considérés comme des étrangers dans la société, qu’on ne peut que contenir ou réprimer, tandis que, selon la logique même de sa propre pensée, les progrès de l’égalité ne laissent pas d’autre issue à la société que leur intégration (M. GAUCHET, Tocqueville, l'Amérique et nous, in Libre No.7, Paris, Editions Payot, 1980, p. 60)

82 "Vous avez fourni les meilleurs armes et les prétextes les plus sûrs aux adversaires du socialisme (...) les réactionnaires ont eu l’air de croire avec vous que vous étiez tout le socialisme, pour s’en facilement défaire, comme ils ont eu l’air aussi de croire avec vous que le droit au travail était la destruction du droit de propriété, pour se facilement défaire du droit au travail." (V. CONSIDERANT, Messieurs Considérant et Proudhon jugés par eux-mêmes, Paris, Bibliothèque Nationale, p. 7, 9).

83 "L’organisation du travail, dont on sollicitait, après février, le gouvernement provisoire de prendre l’initiative, touchait à la propriété ; elle impliquait même, dans les termes où elle était posée, une abolition, si l’on aime mieux un rachat de la propriété. Les socialistes qui, après tant de travaux sur la matière, s’opiniâtrent à le nier n’ont même pas la triste excuse de l’ignorance, ils sont tout simplement de mauvaise foi." (Confessions d'un révolutionnaire, p. 20). Dans le but de nier les atteintes à la propriété qu’implique le droit au travail, des représentants de la gauche disent par exemple que l’Etat aura seulement pour tâche d’encourager les initiatives de la classe ouvrière : "Ce que nous demandons, c’est que l’Etat soit le grand régulateur du crédit, et qu’il favorise de toute la puissance dont il dispose l’établissement des associations" ; "Le droit au travail n’est donc que le droit au crédit" (M. MARTIN-BERNARD, F. PYAT in GARNIER, Op. cit., p. 247, 411). Proudhon ne voit qu’hypocrisie dans de telles affirmations, car l’organisation du crédit en faveur des ouvriers est incompatible avec la propriété : sur ce point, sa critique rejoint celle de Tocqueville.

84 Discours prononcé à l'Assemblée Nationale, 31-7-1848.

85 En mars, les ateliers occupaient 14.000 chômeurs, en juin plus de 110.000 déjà. Le simulacre de travail qu’on leur offrait tuait toute motivation, d’autant plus que ceux qui ne trouvaient pas de place dans les ateliers recevaient une allocation de chômage : "L’ouvrier, bien vite, raisonnait ainsi : "L’Etat donne 30 sous pour ne rien faire et 40 sous par jour de travail", et la plupart travaillaient au ralenti"(SCHMIDT, Op. cit., p. 17).

86 Ibid., p. 15.

87 Plus tard, l’ingénieur Thomas, directeur des ateliers, avoua que Marie lui avait adressé la question suivante : "Croyez-vous parvenir à commander entièrement à vos hommes ? Le jour n’est peut-être pas loin où il faudra les faire descendre dans la rue (...) il me demanda s’ils étaient armés et me dit qu’il fallait veiller à ce qu’ils le fussent, qu'au besoin il m’en faciliterait les moyens" (Ibid., pp. 23-24).

88 Trélat, (nouveau) ministre des travaux publics, Ibid., p. 27.

89 Si nous disons que le scénario des ateliers nationaux est une reprise de celui de 1789, c’est qu'en ce temps déjà on avait dû se rendre compte qu’occuper les chômeurs au prix d’une promiscuité politiquement dangereuse c’était en quelque sorte assumer le rôle de l’apprenti sorcier. Les ateliers de secours avaient constitué le terrain de toutes sortes de manipulations politiques au sujet desquelles couraient les bruits les plus contradictoires. Selon certains radicaux, les agents de la monarchie et de la noblesse y casemaient une populace qu’ils voulaient embaucher en vue de leurs projets contre-révolutionnaires : Marat, par exemple, prétendait que ces agents royalistes en chassaient les indigents méritants sur lesquels ils ne pouvaient compter et les remplaçaient par le rebut de l’armée et l’écume de toutes les villes du royaume (J. JAURES, Histoire socialiste de la Révolution française, Paris, Editions Sociales, 1968, p. 875). Mais, si pour certains ces chômeurs étaient de tous les complots royalistes, d’autres radicaux, comme Robespierre, soutenaient leurs revendications économiques et les clubs politiques les plus à gauche, qui ouvraient leurs portes aux citoyens passifs, faisaient de la propagande au sein des ateliers de secours ; et la participation des ouvriers de ces ateliers aux journées révolutionnaires n’était-elle pas quelque peu contradictoire avec la rumeur qui les accusait d’intentions contre-révolutionnaires ? Toute cette confusion avait pour effet que la terreur des "brigands" s’emparait bientôt des dirigeants : le fantasme d'un raz-de-marée de subversifs misérables qui submerge les digues de la capitale contribuait largement à la décision de dissoudre les ateliers en 1791. Et comme en 1848, l’Assemblée révolutionnaire voulait avant tout assurer la sécurité de la rue et maintenir l’ordre à tout prix... il est vrai qu’au temps de la grande révolution on s’était montré assez ingénieux pour éviter une répression sanglante (DREYFUS, La Rochefoucauld-Liancourt, un philanthrope d’autrefois, p. 167).

90 In J.-P. SARTRE, Critique de la raison dialectique, Paris, Gallimard, 1960, p. 713.

91 In GARNIER, Op. cit., p. 434. Plus de 3.000 insurgés avaient été fusillés sur place, 15.000 autres allaient être déportés en Algérie.

92 Ibid., p. 393.

93 Ibid., p. 389, 393. Le rôle légitimant du travail vis-à-vis de la propriété en fait, du même coup, le principe qui sert à critiquer toute propriété parasitaire : "Comment des richesses dont le travail n’est pas le module seraient-elles valables ? Et si c’est le travail qui crée la richesse et légitime la propriété, comment expliquer la consommation de l’oisif ?" (Philosophie de la misère, Paris, Union générale d'éditions, 1964, p. 85).

94 "Les garanties essentielles du droit au travail sont : la liberté même du travail, l'association volontaire, l’égalité des rapports entre le patron et l’ouvrier, l’enseignement gratuit, l’éducation professionnelle, les institutions de prévoyance et de crédit, et rétablissement par l’Etat de grands travaux d’utilité publique, destinés à employer, en cas de chômage, les bras inoccupés". Dans la rédaction finale de la Constitution, on avait même ajouté "les institutions agricoles" à cette liste de garanties.

95 In GARNIER, Op. cit., p. 391, 397.

96 Ibid., p. 401.

97 Ibid., p. 399.

98 Ibid., p. 403.

99 PROUDHON, Oeuvres complètes, Paris, 1868, Tome VII, pp. 198, 212-215, 231-232, 237.

100 On peut d’ailleurs se demander ce qu'il vient faire sur la tribune parlementaire, lui qui a professé à tort et à travers une aversion viscérale pour l'Etat. Il est vrai qu'il s’en est repenti après : "Je l’avoue avec douleur jusqu’au 25 juin je n’ai rien prévu, rien connu, rien deviné (...) Depuis que j’avais mis le pied sur le Sinaï parlementaire, j’avais cessé d’être en rapport avec les masses (...) Il faut avoir vécu dans cet isoloir qu’on appelle une Assemblée nationale pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l'état d'un pays sont presque toujours ceux qui le représentent." (Confessions d'un révolutionnaire, p. 41).

101 In GARNIER, Op. cit., p. 395.

102 L. FERRY & A. RENAUT, Des droits de l'homme à l'idée républicaine, p. 109 ss.