1 Cfr. E.P. THOMPSON, The moral economy of the english crowd in the 18th century, in Past and Present, No.50, Oxford, 1971, p. 79.

2 Manifeste des Enragés, in P. KESSEL, Les gauchistes de 89, Paris, Union générale d’éditions, 1969, p. 258 ss.

3 Sur l’histoire commémorative : F. FURET, Penser la Révolution française, Paris, Gallimard, 1978.

4 Nous paraphrasons FURET, Ibid., p. 23, 28.

5 In J. GARNIER, éd., Le droit au travail à l'Assemblée Nationale, Recueil complet de tous les discours prononcés dans cette mémorable discussion, Paris, Guillaumin, 1848, p. 344 (ce recueil a été réédité par les Editions d’Histoire Sociale dans la collection "Les révolutions du XIXe siècle", 1848 : la révolution démocratique et sociale, Tome III).

6 C. BLOCH, L'assistance et l’Etat en France à la veille de la Révolution, Genève, Slatkine, 1984, pp. 26-27.

7 Nous citons le texte de Turgot d'après la reproduction qu’en donne A. FRANKLIN, Dictionnaire des arts, métiers et professions, Paris, Welter, 1906, p. 293 ss.

8 Turgot ne laisse planer aucun doute sur le fait qu’à ses yeux le système existant porte une longue série d'atteintes à ce droit inaliénable (il va même jusqu'à défendre ce qu’on appelerait aujourd'hui le travail au noir) : "Nous voulons en conséquence abroger ces institutions arbitraires qui ne permettent pas à l’indigent de vivre de son travail ; qui repoussent un sexe à qui sa faiblesse a donné plus de besoins et moins de ressources, et qui semblent, en le condamnant à une misère inévitable, seconder la séduction et la débauche ; qui éteignent l’émulation et l’industrie et rendent inutiles les talents de ceux que les circonstances excluent de l'entrée d’une communauté, qui privent l'Etat et les arts de toutes ces lumières que les étrangers y apporteraient ; qui retardent le progrès de ces arts, par les difficultés multipliées que rencontrent les inventeurs auxquels différentes communautés disputent le droit d’exécuter des découvertes qu’elles n’ont point faites ; qui, par les frais immenses que les artisans sont obligés de payer pour acquérir la faculté de travailler, par les exactions de toute espèce qu’ils essuient, par les saisies multipliées pour de prétendues contraventions, par les dépenses et les dissipations de tout genre, par les procès interminables qu’occasionnent entre toutes ces communautés leurs prétentions respectives sur l’étendue de leurs privilèges exclusifs, surchargent l’industrie d’un impôt énorme, onéreux aux sujets, sans aucun fruit pour l’Etat ; qui, par les facilités qu’elles donnent aux membres des communautés de se liguer entre eux, de forcer les membres les plus pauvres à subir la loi des riches, deviennent un instrument de monopole et favorisent es manoeuvres dont l’effet est de hausser, au-dessus de leur proportion naturelle, les denrées les plus nécessaires à la subsistance du peuple". D’autre part, si Turgot ne perçoit pas la possibilité d'un conflit entre liberté du travail et droit au travail, dans la perspective utilitariste qu’il défend il n’y a pas non plus incompatibilité entre le droit de travailler et la liberté d'entreprendre : au nom d’un idéal dépassé et chimérique, le travail en tant qu’oeuvre, les métiers font obstacle à des innovations techniques qui, en augmentant la productivité, amélioreraient les conditions de la concurrence avec l’étranger, c’est-à-dire auraient précisément pour effet de favoriser remploi. À noter qu’Adam SMITH développe des arguments analogues contre la réglementation traditionnelle du travail dans son Wealth of nations, Livre I, chap. X.

9 Vision identique chez Smith : si le travail est la propriété la plus inviolable, c’est qu'il est le fondement commun de toutes les autres propriété et, s'agissant du pauvre, qu’il est sa seule propriété ; cela signifie qu’il s'identifie avec le corps et qu’empêcher le pauvre de faire usage de ce corps revient à violer la propriété de toutes la plus sacrée. Mais on sait bien aussi que cette conception patrimoniale du corps vient de plus loin : sur ce point, Smith et Turgot ne font que répéter Locke.

10 Fondé sur cette conception patrimoniale du corps, le droit à la vie se trouve lesté de tout un lot de fantasmes, augmentant à mesure que le temps passe. Ceci est évidemment lié à d'autres phénomènes qui acquièrent un poids croissant dans la société moderne : l’inversion du rapport hiérarchique âme-corps ; l’avènement des techniques du bio-pouvoir qui favorisent les chances de vie et la santé des populations ; le remplacement du couple vie-mort par le couple santé-maladie... une maladie qui veut guérir coûte que coûte, et dont la transformation de l’hôpital en machine thérapeutique est un des premiers signes ; la réduction patrimoniale du corps en tant que médiateur de l’assujettissement à la technologie médicale : par le détour d’une double dépossession, celle de l’intimité de la souffrance, celle effectuée par un langage aliéné et désinfecté, le pouvoir médical restitue aux individus la possession et la libre disposition du corps ; la désacralisation de la mort qui masque son refoulement et qui déclenche par ricochet la tendance à capitaliser la vie (l’idéologie de la prévoyance et de l'épargne, qui prétend substituer une maîtrise calculatrice de l’avenir à la providence, est une des premières manifestations de cette accumulation contre la mort, et d’un prosaïsme des plus contraignants).

11 H. ARENDT, La condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1961, pp. 81-84.

12 Rapport sur l'organisation générale des secours publics, présenté à l'Assemblée Nationale le 13 juin 1792, Paris, Bibliothèque Nationale, p. 9 (souligne par nous).

13 In H. HATZFELD, Du paupérisme à la sécurité sociale, Paris, Colin, 1971, p. 193.

14 In P. ROSANVALLON, La crise de l’Etat-providence, Paris, Seuil, 1981, p. 46.

15 "l’ancien pouvoir (...), en même temps qu’il était pensé, au titre de clé de voûte de l’ordre des choses, en union intime et nécessaire avec la société, laissait aux hiérarchies, aux corps et aux communautés de celle-ci une large autonomie de principe, puisque fondée sur la reconnaissance de leur consistance sociétale propre" ; en revanche, au moment où est proclamée l’autonomie de la société civile, les anciens îlots de socialité sont dessaisis de leur indépendance et de leur dimension publique, le tissu civil se compose exclusivement à partir de relations contractuelles et l’institution du lien de société devient le monopole de l’État (M. GAUCHET, Op. cit., p. 285).

16 P. MANENT, Les libéraux, Paris, Hachette, 1986, Tome I, pp. 24-26.

17 M. SONENSCHER, The language of labour in revolutionary France, in M. VOVELLE e.a., Mouvements populaires et conscience sociale, Paris, Maloine, 1985, p. 564, 570.

18 In BLOCH, Op. cit., p. 368.

19 Organisation du travail, Paris, Bureau de la Société de l’Industrie Fraternelle, 1847, p. 30.

20 L. FAUCHER in GARNIER, op. cit., pp. 344-345.

21 L. FAUCHER, Du système de M. Louis Blanc, in Revue des deux mondes, avril 1848, p. 57. "La qualité d’ouvrier est devenue un titre de noblesse, dont bien des gens se sont affublés pour surprendre le suffrage du pouvoir ou celui des électeurs" (FAUCHER in GARNIER, Op. cit., p. 334).

22 "Si vous faites à un gouvernement l’obligation de nourrir les travailleurs il arrivera qu’on exigera le salaire, sans vouloir donner en échange du travail"(M GOUDCHAUX,

23 M. DUFAURE, Ibid., p. 274.

24 Ibid., p. 275.

25 FAUCHER, Ibid., p. 345, 346.

26 M. DE LUPPE, Ibid., p. 168. À quoi on peut répliquer, bien sûr, que la liberté illimitée du travail se trouve sous la coupe des lois du marché qui requièrent de l’ouvrier une disposition à accomplir n’importe quel travail en fonction de l’offre, à se déplacer d’un bout du pays à l’autre, au besoin même à émigrer, la liberté se muant dès lors en dictature de la circulation.

27 M. CHEVALIER, Question du sort des travailleurs : l’amélioration du sort des ouvriers, in Revue des deux mondes, mars 1848, p. 18 ; FAUCHER, Art. cit., p. 49.

28 Comme le dit Victor CONSIDERANT : "Ce régime industriel, qui ne se soutient contre le vice et le crime qu’il engendre qu’à grand renfort de baïonettes, de lois répressives et compressives accumulées par tous vos gouvernements, et d’un système perfectionné de prisons, de sbires et de bourreaux" (Le socialisme, c’est le vrai christianisme, Paris, Bibliothèque Nationale, 1849).

29 Sur Tocqueville, voir M. PERROT in J. PETIT e.a., La prison, le bagne et l'histoire, Genève, Editions Médecine et Hygiène, 1984, p. 103 ss.

30 Organisation du travail, p. 54, 57.

31 FAUCHER, Art. cit., p. 41. Ajoutons que l’abolition du travail dans les prisons était une revendication des organisations ouvrières. Elles voyaient dans ce travail sous-payé une cause de la baisse des salaires et du chômage dont les femmes étaient les premières victimes : condamnées au chômage, elles se vouent à la prostitution et de là elles échouent en prison où elles font la concurrence à leurs camarades qui sont à leur tour victimes du chômage, et ainsi de suite. On reproche aux philanthropes de s'apitoyer sur les délinquants sans se soucier du sort des ouvriers honnêtes contraints à des travaux insalubres. Blanc reprend ces critiques : le travail dans les prisons est une arme meurtrière contre les ouvriers qui ne répond d’ailleurs pas à une nécessité matérielle, la satisfaction des besoins des détenus étant de toute façon assurée, à l’opposé de celle du travailleur libre qui est obligé de pourvoir aux besoins de sa famille dans des conditions précaires. Ces critiques répétées auront comme résultat la suppression du travail pénitentiaire en 1848, pour peu de temps, il est vrai. Cette victoire provisoire des socialistes présente du reste quelques implications délicates en ce qui concerne le droit au travail : serait-il valable pour les ouvriers honnêtes et obéissants seulement et non pour les mauvais sujets ? (M. PERROT, L'impossible prison, Paris, Editions du Seuil, 1980, p. 299 ss.)

32 A quoi on peut ajouter que la gauche n’opposera pas de nouveaux principes à ceux du libéralisme, "(...) il retournera contre lui ses propres principes, en montrant que le libéralisme, sous la forme du "capitalisme", "se contredit" et donc appelle nécessairement un nouvel état de société non contradictoire, nouvel état dont on ne peut rien dire sinon que l’homme y sera réconcilié avec lui-même et avec la nature" (P. MANENT, Histoire intellectuelle du libéralisme, Paris, Calmann-Lévy, 1987, p. 201).

33 "Mais, me dira-t-on, l’ouvrier est libre de refuser son travail. C’est dire tout simplement qu’il est libre de mourir de faim" (M. MATHIEU DE LA DROME in GARNIER, Op. cit., p. 61). S’il en est ainsi, c’est que même la liberté du mendiant est supprimée : "Nous ne laissons même pas à sa liberté la borne de nos rues et la pierre de nos chemins, car nous punissons comme mendiant celui qui tend la main, faute d'emploi, et comme vagabond celui qui s’endort sur les marches de nos palais, faute d’asile"(BLANC, Le socialisme. Droit au travail. Réponse à M. Thiers, Parts, Bureau du Nouveau Monde, 1849, p. 11 - partiellement repris in GARNIER, pp. 380-388). Ajoutons que, si Blanc évoque le mendiant, c’est pour ainsi dire en passant, à la différence de ce qui se passait en 1789 : l'évocation ne remplit qu’une fonction rhétorique et marginale dans son argumentation. Blanc parle au nom des prolétaires, le vrai problème pour lui n’est plus celui de la mendicité mais celui de l’organisation du travail : mendiant et vagabond sont devenus des figures allégoriques, ils représentent des survivants d’une époque révolue dans son tableau car, comme nous le verrons plus loin, pour lui le pauvre est devenu un soldat du travail.

34 P. LEROUX, Sur la fixation des heures de travail. Discours du 3-8-184S, in Le Moniteur Universel, 31-8-1848.

35 BLANC in J.M. HUMILIERE, Louis Blanc, Paris, Les éditions ouvrières, 1982 p. 96, 117.

36 M. BILLAULT, MATHIEU, F. PYAT in GARNIER, Op. cit., p. 254, 71,408.

37 F. ARNAUD, Ibid., pp. 176-177.

38 In HUMILIERE, Op. cit., p. 31, 34.

39 Souligné par BLANC in Histoire de la révolution de 1848, Paris, Marpin & Flammarion, 1880, Tome II, p. 262.

40 In GARNIER, Op. cit., pp. 50-51.

41 BLANC, Op. cit., Tome II, p. 127.

42 In GARNIER, Op. cit., pp. 286-287.

43 BLANC, Organisation du travail, p. 4.

44 Le socialisme. Droit au travail, p. 54.

45 Dans la critique des ateliers publics de ce temps, on trouve des remarques du genre suivant : "L'ouvrier qui reconnaît l’inutilité du travail auquel on l’emploie (...) contracte bientôt l'habitude de la paresse, penchant si naturel à l'humanité (...) les mauvais ouvriers gâtent les bons (...) souvent même, pour cacher leur paresse dans l'inaction générale, ils es empêchent, avec menace, de travailler"(C. BLOCH & A. TUETEY, Proces-verbaux et rapports du Comité de Mendicité de la Constituante, Paris, Imprimerie Nationale, 1911, p. 728 - c’est nous qui soulignons)

46 "(...) la répression de la mendicité se trouve liée si étroitement à l’organisation des secours publics qu’il est sans doute impossible de l’en séparer. Comment en effet pouvoir prononcer que la mendicité est un délit, si la puissance publique (...) n’a pas assuré du travail à tout individu qui en manque ?"(CABANIS, Oeuvres philosophiques, Paris, Presses Universitaires de France, 1955, Tome II, p. 402) ; "C’est en assistant la véritable indigence, en s’occupant de la prévenir, que, rendant la mendicité un délit social, l’Etat a seulement alors le droit de la réprimer" ; "Il est utile de répéter que, pour que cette vérité soit tout entière applicable, il faut que le mendiant ait pu se procurer du travail. Sans cette condition, la répression serait à son tour une injustice, par conséquent un crime commis par la société" ; "La mendicité n’est un délit que pour celui qui la préfère au travail" (BLOCH & TUETEY, Op. cit., p. 766, 511, 317).
Si la société a le droit d’exiger du travail en échange des secours, c’est que le devoir de travailler du pauvre est fondé dans le pacte social : "L’homme sans avances, ne pouvant subsister sans travail qu’au préjudice de quelqu’un, peut donc être contraint au travail par la nature du pacte social, fonde sur l’utilité réciproque de tous les membres de la société" (Ibid., p. 512). Mais, en même temps, on suspecte le pauvre de vouloir spéculer sur les richesses de la nation et d’un penchant irrésistible au parasitisme ; en fait, en raison de sa tendance naturelle à la paresse, il se soucie du pacte social comme d'une guigne. C’est pourquoi la nécessité de la répression de la mendicité subsiste, et celle-ci n’enfreint pas les droits de l’homme mais les protège, car le comportement du mendiant, en raison de la configuration belliqueuse de ses besoins, glisse imperceptiblement mais fatalement vers le crime : "La répression de cet homme qui, sans rien posséder, voudrait vivre sans travailler, n’est donc qu’une suite de la convention qu’il a faite lui-même en se mettant en société, et à laquelle il ne peut manquer, sans mettre les autres en souffrance. Elle ne blesse donc pas les droits de l’homme, elle les maintient (...) Cette punition ne contrarie pas plus l’exercice des droits de l’homme que la punition d’un fripon ou d’un assassin" (Ibid., p. 511-512).

47 BLANC, Le socialisme. Droit au travail, p. 55.

48 In GARNIER, Op. cit., p. 407.

49 "Le premier droit de l’homme est le droit de vivre. Ce droit en implique un autre, celui de l’entier développement et du complet exercice des facultés physiques, morales et intellectuelles de l’homme ; c’est ce droit qui constitue la liberté" (Manifeste des sociétés secrètes, in 1848 : la révolution démocratique et sociale, Paris, Editions d’histoire sociale, 1984, Tome I) ; "Nous reconnaissons à tous les êtres humains un droit antérieur préexistant même à toute société : celui de vivre. Nous entendons par vivre le développement complet de toutes nos facultés et la satisfaction entière de nos besoins" (Programme électoral des communistes révolutionnaires, in Op. cit., Tome VII) ; “Toutes les facultés physiques et intellectuelles qui sont innées dans l'homme ont droit à leur développement complet par le fait seul de leur être. Le complet développement de ses facultés et l'entière satisfaction de ses besoins constituent le bonheur auquel tout homme a légitimement droit" (Le but social, in Op. cit., Tome X). Pareils témoignages de la dynamique irrépressible du droit à la vie confirment parfaitement la caractérisation qu’en avance FOUCAULT : "Ce qui est revendiqué et sert d’objectif, c’est la vie, entendue comme besoins fondamentaux, essence concrète de l’homme, accomplissement de ses virtualités, plénitude du possible. Peu importe s’il s’agit oui ou non d'utopie ; on a là un processus très réel de lutte ; la vie comme objet politique a été en quelque sorte prise au mot et retournée contre le système qui entreprenait de la contrôler. C’est la vie beaucoup plus que le droit qui est devenue alors l’enjeu des luttes politiques, même si celles-ci se formulent à travers des affirmations de droit. Le "droit" à la vie, au corps, à la santé, au bonheur, à la satisfaction des besoins, le "droit", par-delà toutes les oppressions ou "aliénations", à retrouver ce qu’on est et tout ce qu’on peut être, ce "droit" si incompréhensible pour le système juridique classique, a été la réplique politique à toutes ces procédures nouvelles de pouvoir qui, elles non plus, ne relèvent pas du droit traditionnel de la souveraineté" (La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 191).

50 Le patronat de ce temps le concevait d'ailleurs de cette façon-là. Le rapport avec l'ouvrier n’équivaut nullement à un échange contractuel : le patron ne lui donne pas seulement du travail mais la possibilité de vivre ; l’ouvrier, en effet, est esclave des besoins puisqu’il est incapable d’assurer par lui-même son existence : il n’apporte que des besoins à satisfaire, il doit donc sa subsistance au patron et vit dans sa dépendance. La conception paternaliste, en mettant l’accent sur cette inégalité de fait, conteste résolument l’égalité contractuelle. Du point de vue patronal, le salariat est une forme de secours à quelqu’un qui, avant d’être une force de travail, est un être de besoins : "Le patron est celui qui donne alors que rien n’y oblige ; l’ouvrier est celui qui reçoit sans qu’il puisse rien exiger. Donner du travail est de la part du patron un acte de bienfaisance, dont l’ouvrier doit lui être reconnaissant" (F. Ewald, L'État-providence, Paris, Grasset, 1986, p. 123). D’ailleurs, selon cette vision inégalitaire le patron doit plus à l'ouvrier que le salaire : la sécurité de l’existence ; d’où un mode de rémunération qui privilégie les subventions, au détriment du salaire, et qui répond - déjà - au principe (communiste) "à chacun selon ses besoins" (Ibid., p. 122 ss.)

51 J. BAUDRILLARD, L’échange symbolique et la mort, Paris, Gallimard, 1976, p. 67 ss.

52 P. LAFARGUE, Le droit à la paresse, Paris, Maspéro, 1979, p. 27, 125 ss., 140.

53 J. BAUDRILLARD, Le miroir de la production, Tournai, Casterman, 1973, pp. 87-89.

54 F. ARNAUD in GARNIER, Op. cit., p. 178.

55 Comparant les implications de la solidarité objective et le quasi-contrat du droit civil, Célestin BOUGLE remarque : "Qu’est-ce que cette division du travail, qui vous fait dépendre de plus en plus intimement les uns des autres, sinon une incessante gestion sans mandat des affaires de chacun par tous ? Vous acceptez le bienfait de cette gestion : n’est-il pas naturel qu'on vous prête la volonté d’accepter les obligations qu’elle implique ?" (Le solidarisme, Paris, Giard & Brière, 1907, p. 77)

56 "Chaque homme (...) jouit de l’ensemble des résultats produits par le travail (...) mais cette jouissance est deux fois inégale. Elle l’est du fait de la nature et du sort qui dispensent inégalement entre les hommes la santé, l’aptitude physique ou intellectuelle, la durée de la vie - et contre cette cause d’inégalité l’accord des volontés ne peut rien, il n’y a pas là matière à consentement et à contrat ; mais elle l’est aussi du fait des hommes, de leur ignorance, de leur barbarie, de leur violence, de leur âpreté au gain, en somme d’une longue série d’arrangements sociaux que l’idée de justice n’a point déterminés et pour lesquels le consentement de tous n'eût pas été obtenu. Pour qu’il y ait validité du quasi-contrat social il faut que cette seconde cause d’inégalité - qui vient des hommes - disparaisse."(L. BOURGEOIS, Solidarité, Paris, Librairie Armand Colin, 1902, p. 174)

57 Sur les doctrines de la solidarité : F. EWALD, L’Etat-providence, pp. 358-380 et J. DONZELOT, L'invention du social, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1984, pp. 73-120.

58 Ce n’est pas sans étonnement que nous avons lu un point de vue analogue chez BOUGLE, Op. cit., pp. 107-108

59 BLOCH & TUETEY, Op. cit., p. 420.

60 Ibid., p. 451.

61 d’AIRY, rapport cité, p. 7.

62 Il y a d'ailleurs un autre thème que les doctrinejs de la solidarité empruntent au discours de la Révolution française : celui de l’égalité des chances. Si l'Etat a comme devoir de neutraliser, à travers des interventions redistributrices, l’inégalité des chances, c’est en vue d’établir une vraie méritocratie qui, bien sûr, ne peut que profiter à tous. Nous y reviendrons dans le chapitre IV.