1Paul Tillich, « Religionsphilosophie » (1925), in Gesammelte Werke, Stuttgart, Evangelisches Verlagswerk, 1959, t. 1, p. 297.
2Descartes, Meditationes de prima Philosophia, Meditatio I, Œuvres, éd. Adam & Tannery, Paris, 19963, VII, p. 21.
3Descartes, Lettre à Mersenne, 15 avril 1630, loc. cit., AT I, p. 145. Il faut bien voir qu’ici la formule « vérités éternelles » vient de Mersenne et Descartes ne la prend pas plus à son compte que Heidegger plus tard.
4Heidegger, Etre et temps, § 44, p. 229 sq.
5Aristote, De l’interprétation 9, 19a33.
6Kant, Kritik der reinen Vernunft, A 58 / B 82.
7Descartes : « Mais il faut revenir à la règle ci-dessus posée, à savoir que nous ne pouvons avoir aucune connaissance des choses, que par les idées que nous en concevons ; et par conséquent que nous n’en devons juger que suivant ces idées et même que nous devons penser que tout ce qui répugne à ces idées est absolument impossible et implique contradiction » (A Gibieuf, 19 janvier 1642, AT III, 476, 8‑14, renvoyant à : « …je ne puis avoir aucune connaissance de ce qui est hors de moi que par l’entremise des idées que j’en ai eu en moi » [ibid., 474, 13‑15]).
8Kant, Kritik der reinen Vernunft, B XVI. Autrement dit, en termes cartésiens : « …vulgo res omnes eodem modo se habere judicamus in ordine ad ipsam veritatem, quo se habent in ordine ad nostram perceptionem – …se comportent en rapport à la vérité même de la manière dont elles elles se comportent par rapport à notre perception » (et non l’inverse, en accord avec la Regula XII, AT X, 418, 1‑3) (IVae Responsiones, AT VII, 226, 15‑18).
9Descartes, Meditationes de prima philosophia, IV, AT VII, p. 59, 1‑2.
10Respectivement Descartes, Regula IV, AT X, p. 371, 2‑3 & Nietzsche, Fragments Posthumes, 15 [51], Nietzsche Werke, éd. Colli-Montinari, VIII / 3, Berlin, 1972, p. 236.
11Heidegger, Vom Wesen der Wahrheit, in Wegmarken, G.A. 9, Francfort, 1976, p. 186. Voir « Die Freiheit ist das Wesen der Wahrheit selbst » (ibid., p. 188). « …die Wahrheit im Wesen Freiheit ist » (ibid., p. 191). « Das Wesen der Wahrheit enthüllt sich as Freiheit » (ibid., p. 192).
12Husserl, respectivement La crise des sciences européennes, § 5, Hua. VI, 19762, p. 12, tr. fr. Paris, 1976, p. 19 et Ideen III, § 12, Hua.V, 1952, p. 75, tr. fr. 1993, p. 89.
13Heidegger, Vom Wesen der Wahrheit, op. cit., p. 184 (tr. fr. Questions I, Paris, 1968, p. 170 [modifiée]).
14Heidegger, Vom Wesen der Wahrheit, op. cit., p. 185‑6 (tr. fr. op. cit., p. 172 [modifiée]).
15Aristote, Métaphysique G 4, 1006a 6‑25. Résumé par saint Thomas : « Suprema [sc. scientia] inter eas, Metaphysica, disputat contra negantem sua principia, si adversarius aliquid concedit ; si autem nihil concedit, non potest cum eo disputare ; potest tamen solvere rationes ipsius » (Summa theologiae, Ia, q.1, a.8, resp.).
16Voir le commentaire d’Aristote par saint Thomas d’Aquin : « Sed solum si ille, qui ex aliqua dubitatione negat illud principium, dicit aliquid, idest aliquid nomine significat. Si vero nihil dicit, derisibile est quaerere aliquam rationem ad illum qui nulla utitur ratione loquendo. Talis enim in hac disputatione, qui nihil significat, similis erit plantae. Animalia enim bruta etiam significant aliquid per talia signa » (In duodecim libros Metaphysicorum Aristotelis expositio, n° 608, éd. Cathalla / Spiazzi, Turin-Rome, 1964, p. 168). Même les bêtes signifient quelque chose ; celui qui n’y parvient pas ou s’y refuse en reste donc au niveau inférieur de l’âme, celle des plantes. Il agit bel et bien comme ce que nous nommons, aujourd’hui, un légume.
17Notons enfin que la décision de reconnaître ou non l’évidence ne perd rien de son importance face à la prétention du formalisme de s’en dispenser : car toute formalisation d’un argument n’a précisément pour but, en rectifiant d’éventuelles fautes logiques (ou de grammaire philosophique, comme on dit si maladroitement pour masquer des présupposés métaphysiques qu’on n’examine pas) que de produire une évidence encore plus transparente, d’autant plus sûre qu’elle se purifierait de toutes approximations subjectives ; mais une évidence formalisée et objectivée reste d’autant plus une évidence. Et donc elle pose toujours les mêmes exigences à la liberté. Toute définition de la vérité par une forme ou une autre de l’intersubjectivité (Husserl, Popper ou Habermas) ne fait que renforcer le recours à l’autorité de l’évidence, en l’exposant à une liberté plurielle et, en principe, d’autant plus loyale.
18Fragments Posthumes, 7 [24], Nietzsche Werke, éd. Colli-Montinari VIII / 1, Berlin, 1974, p. 311.
19Fragments Posthumes, 9 [91], Nietzsche Werke, éd. Colli-Montinari VIII / 2, Berlin, 1970, p. 49.
20Fragments Posthumes, 16 [32], Nietzsche Werke, éd. Colli-Montinari VIII / 3, Berlin, 1972, p. 288.
21Nietzsche, Généalogie de la morale, II § 8. Voir : « L’homme a posé d’abord des valeurs dans les choses pour se maintenir, – il créa d’abord un sens aux choses, un sens-d’homme ! C’est pourquoi il s’est nommé lui-même “homme”, c’est-à-dire : celui qui apprécie [fixe le prix] » (Ainsi parlait Zarathoustra, I § 14, « Des mille et un buts »).
22La figure de la « recherche scientifique » déborde d’ailleurs largement le domaine des sciences dites dures pour réglementer toutes formes de travail universitaire. Dans cette optique, un savoir ne reste vrai que s’il progresse (autant dire qu’on assume déjà que sa vérité restera toujours provisoire, partielle, incomplète, finie) ; il progresse donc pour progresser et rester en développement, pour ne pas cesser et, en même temps, ne jamais s’accomplir ; sa progression dépend du nombre et de la qualification des chercheurs et des programmes de recherche (c’est-à-dire de la recension projetée de nos ignorances supposées), donc en dernière instance des moyens ; par « moyens », on entend les capitaux, l’organisation industrielle, voire militaire de leur mise en œuvre ; et si, comme l’on dit, tout dépend de la volonté politique, alors la vérité dépend de la liberté, massivement. La vérité ainsi produite se nombre en résultats, ces résultats s’évaluent en applications, et ces applications aboutissent à la croissance économique, cette figure banalisée de la volonté de puissance, qui n’a pas d’autre but que de s’accroître elle-même en montant à la puissance. La « recherche » ainsi entendue soumet l’essence de la vérité à la liberté, elle-même entendue à partir de l’essence (métaphysique) de la technique. – En conséquence, on peut repérer l’inévitable ombre propre de cette « recherche », l’idéologie. Autrement dit, le discours d’apparence théorique et neutre, mais qui obéit si strictement à la liberté sous la figure de la volonté de vérité qu’il ne s’évalue lui-même plus d’après les objets à connaître, mais d’après la puissance de la volonté qui les produit ; l’idéologie ment, mais pas sans une forme de vérité : en ne se réglant plus sur les objets, qu’elle abandonne au révisionnisme supposé du pragmatisme, elle garde pourtant intacte sa résolution de créer de la puissance pour et à la puissance, en produisant aux lieu et place des choses un autre monde, le « vrai monde » de l’idéal métaphysique, qui se dispense des étants.
23Heidegger, Vom Wesen der Wahrheit, op. cit., p. 198.
24Voir notre récent essai de synthèse dans « Givenness and Hermeneutics », The Père Marquette Lecture in Theology, Marquette University Press, 2012, traduction par J.-P. Lafouge, avec l’original français « Herméneutique et donation » en regard.
25Réduction et donation. Recherches sur Husserl, Heidegger et la phénoménologie, Paris, PUF, 19891, 20042, p. 296, et tout le paragraphe V, § 6. Pour éventuellement dissiper les malentendus, voir, entre autres mises au point, Étant donné. Essai d’une phénoménologie de la donation, Paris, 19971, 20134, § 29.
26Voir Certitudes négatives, Paris, Grasset, 2010, c.V, surtout § 27.
27Pascal, De l’art de persuader, in Œuvres complètes, éd. L. Lafuma, Paris, 1963, p. 355.
28Contra Faustum 32,18, PL 42, 507. Il faut lire le texte entier : « Probamus etiam ipsum [sc. Spiritum Sanctum] inducere in omnem veritatem, quia non intratur in veritatem, nisi per charitatem : “Charitas autem Dei diffusa est, ait apostolus, in cordibus nostris per Spiritum Sanctum qui datus est nobis” (Ro 5,5) »). Heidegger cite ensemble ces deux textes, mais en les tronquant (Sein und Zeit, § 29 [op. cit., respectivement « …daß das Dasein je schon immer bestimmt ist » p. 134, 19‑20 et 138, note 1]). Voir aussi Metaphysische Anfangsgründe der Logik, § 9, GA 26, Francfort, 1978, p. 169.
29Saint Augustin, Confessiones X, 22,34, et aussi Commentaire de l’évangile de Jean XII,13, PL35,1491. Une analyse plus développée dans notre Au lieu de soi. L’approche de saint Augustin, ch. III, § 20‑21, Paris, 2008, p. 173 sq.
30Aristote, Métaphysique, A, 1, 980 a1.
31Pensées, § 739, op. cit., p. 596.
32Pensées, § 377, op. cit., p. 546.
33Fragment d’une XIXe Provinciale, op. cit., p. 469.
34Pensées, § 978, op. cit., p. 636 sq.
35Pensées, § 926, op. cit., p. 622.