Succéder à Émile Mâle, fonder une nouvelle méthode
p. 83-100
Texte intégral
1L’arrivée d’Émile Mâle1 à la Sorbonne en 1906 scella l’entrée à plein titre de l’histoire de l’art médiéval dans les universités françaises. Son enseignement a révolutionné l’état des travaux ; il a légitimé la méthode iconographique qu’il a élevée au même niveau que la méthode archéologique, qui était jusqu’alors considérée comme la principale, sinon la seule, approche valable2. Dans la France du premier quart du xxe siècle, l’histoire de l’art médiéval était indissociable de la figure d’Émile Mâle. Ses ouvrages les plus connus font partie d’un ambitieux programme consacré à l’« Étude sur l’iconographie du Moyen Âge et sur les sources d’inspiration3 » et ont fait une très forte impression aux plans national et international. Mêlant les enthousiasmes des premiers romantiques avec le regain de catholicisme de la fin du xixe siècle et du début du xxe, ces études fondamentales ont été reçues dans un climat très favorable de consensus national4. On peut donc supposer que lorsque Mâle fut invité, en 1923, à diriger l’École française de Rome, la place qu’il laissait pouvait attirer, mais aussi effrayer les successeurs potentiels.
Contester l’iconographie par la philosophie
2Les travaux de Mâle ont affermi l’image allégorique de la cathédrale imaginée comme une grande Bible de pierre. Pour lui, l’art est un langage où les œuvres sont, du moins en partie, assimilables aux mots et aux lettres ; les arts figuratifs et le verbe appartiennent à la même sphère, suivent la même évolution et obéissent aux mêmes règles. Du reste, les rapports entre le monde littéraire et l’historien de l’art ont été intenses et déterminants : il suffit de penser à la fonction pédagogique exercée par Mâle sur Joris-Karl Huysmans ou encore Marcel Proust, qui avait une profonde admiration pour L’art religieux du xiiie siècle5.
3Il est intéressant de rappeler la manière dont le jeune Émile Mâle s’initia à l’histoire de l’art. Pendant son premier séjour à Florence, en 1886, la visite au Cappellone degli Spagnoli fut pour lui une illumination. Face à la grande machine allégorique d’Andrea Bonaiuti illustrant le savoir thomiste, le jeune homme s’est senti investi de la mission de « retrouver la clé perdue des symboles6 ».
4La chapelle florentine représente en effet le Moyen Âge cultivé, élitiste, fondé sur un savoir encyclopédique et sur la théologie, emblème, pour Mâle, d’une culture médiévale reposant sur la religion et l’allégorie7. Identifié à la cathédrale, l’art médiéval est conçu – sur le modèle des Specula médiévaux – comme une encyclopédie dont le sens doit rester intact, selon un principe d’unité. Le travail de l’historien de l’art n’est donc pas de nature simplement descriptive et cognitive, il est essentiellement explicatif :
L’historien de l’art qui s’enfermerait dans la France du xiie siècle se condamnerait à ne rien comprendre aux œuvres qu’il voudrait expliquer […]. La miniature a joué alors un grand rôle : elle explique, à la fois, l’aspect tourmenté de notre sculpture naissante et le caractère profondément traditionnel de notre iconographie […]. Dès qu’il apparaît, l’art du moyen âge [sic] se montre façonné par la pensée. C’est ce travail de la pensée sur l’art que j’étudie dans ce volume, comme dans les précédents8.
5Mâle introduit ainsi une certaine forme d’ésotérisme académique qui impose la décodification iconographique des œuvres et, en même temps, réduit le nombre de ses interprètes. Les œuvres se perdent dans une lecture d’ensemble tributaire à la fois de la philosophie de l’art positiviste et des grandes synthèses de Burckhardt et Müntz sur la Renaissance9. La leçon inaugurale de Mâle à la Sorbonne (L’art chrétien au Moyen Âge, 1907) a eu un grand retentissement lors de sa publication dans la Revue bleue ; elle est fondamentale pour comprendre son œuvre10. Dans ce texte, l’iconographie est définie comme une science exacte, dotée de véritables lois à travers lesquelles on peut saisir le « programme » de l’art médiéval. Cela présuppose, entre autres, une vision de l’artiste subordonné au commanditaire, de l’artisan comme modeste mais honnête exécutant du pouvoir religieux. Cette position n’a pas manqué d’éveiller des critiques, telle celle d’Élie Faure qui, renouant avec la vision épique de Victor Hugo, insiste, dans le volume de son Histoire de l’art consacré au Moyen Âge (1912), sur l’autonomie de l’architecte gothique. Toutefois – et Jérôme Baschet l’a bien montré –, une critique des théories déterministes de l’art est en germe dans les travaux de Mâle car c’est justement à travers l’œuvre des artistes que les doctrines médiévales peuvent être rendues manifestes et que l’image acquiert, en conséquence, une importance fondamentale par rapport à la parole11.
6Si la clé de lecture de l’art gothique est pour Émile Mâle le concept d’« unité », l’idée d’« homogénéité » est la base de sa vision de l’art roman12, art dont la géographie, pour autant qu’elle s’étende vers l’Orient, tourne autour de l’Hexagone. « Grande initiatrice » de la sculpture, la France est traversée par les grands vecteurs que sont les routes de pèlerinage, imaginées par Mâle comme le principal réseau de diffusion des thèmes et des styles13. Pour lui, les signes avant-coureurs de l’art roman doivent en effet être observés dans cet essor de statues-reliquaires poitevines, ainsi que dans les Vierges en bois produites de manière ininterrompue depuis l’époque carolingienne tardive. De plus, la naissance d’un nouveau style peut être parfaitement expliquée par la présence importante dans le Sud de la France de modèles de sculptures antiques : « les vieilles populations méridionales avaient un instinct de la forme qui manquait aux Français du Nord14 ». Ce faisant, Mâle fixe deux présupposés historiographiques qui sont accueillis quasiment sans réserve par les études archéologiques. Il centre la géographie de l’art roman dans le Midi (Provence, Languedoc) et date l’apogée du roman du xiie siècle. Cette époque, si prospère en thèmes figuratifs, annonce selon lui l’art français par excellence : le gothique des cathédrales.
7On peut mesurer la distance qui sépare les destinées de Mâle et de Focillon. Pourtant, L’art des sculpteurs romans de Focillon ouvre sur un éloge d’Émile Mâle et de sa méthode : « Une iconographie – on sait avec quelle hauteur de vues et quelle richesse d’information M. Mâle a renouvelé cette méthode. Ou plutôt il lui a donné la vie, la plénitude de son sens. Avant lui, elle était un instrument de l’archéologie, la science des images, de leur signification, de leur contenu15. »
8D’ailleurs, alors qu’il vient à peine d’être nommé à la Sorbonne, Focillon déclare à son prédécesseur, à propos de l’organisation de sa nouvelle charge de cours universitaire, avec la diplomatie d’usage : « je serai soutenu par vos belles études, parues dans l’Histoire de l’art d’André Michel, et je resterai ainsi fidèle à l’esprit de vos disciplines et à l’admirable matière historique que vous avez mise en lumière avec tant d’autorité16 ». Plusieurs années plus tard, Focillon offre à Émile Mâle, désormais âgé, L’art des sculpteurs romans. Celui-ci accueille en ces termes l’ouverture conciliatrice que lui avait offerte son brillant successeur :
Comme vous le dites très justement, nos œuvres se complètent. Vous et moi nous ne cherchons pas autre chose que l’esprit. On le trouve dans la ligne d’un bas-relief aussi bien que dans son sujet. Dans La légende des siècles, Victor Hugo dit que pour décorer le temple de Jérusalem il fallut deux sculpteurs ; l’un sculptant l’idéal et l’autre le réel. Il faut aussi, je crois, deux historiens pour interpréter l’art du passé. Puissions-nous être ceux-là17.
9Difficile de savoir si Focillon partage ce vœu. La dichotomie entre réel et idéal de l’aphorisme hugolien cité par Mâle peut lui paraître dépassée, alors qu’il développe, dans ces mêmes années, son concept de forme. En réalité, c’est dans la parfaite antithèse de l’esprit de son prédécesseur que se construit le socle théorique de Focillon. Du reste, la discussion critique de la méthode iconographique réapparaîtra dans Vie des formes comme l’un des premiers présupposés théoriques. Le premier chapitre de L’art des sculpteurs romans, intitulé « Trois aspects de la sculpture au Moyen Âge », est celui qui, le mieux, exprime la nouveauté de sa pensée et l’audace de sa méthode. Il conviendra pour cette raison de lui consacrer une attention particulière.
10Focillon est bien conscient du fait que l’interprétation iconographique entraîne des conséquences lourdes pour la compréhension des styles :
[…] il était naturel d’autre part qu’en cherchant les sources et les origines, on fût amené à montrer le primat de telle ou telle technique, non seulement dans l’ordre de la pure iconographie, mais même dans des questions de style, et à souligner, comme l’a fait M. Mâle, l’influence de la peinture des manuscrits sur la sculpture romane par exemple.
11Il suggère donc d’explorer l’art à travers les formes que la pensée elle-même assume dans différents contextes historiques : « On peut, d’autre part, interpréter l’art du Moyen Âge comme un certain art de penser, chercher à expliquer les caractères de ses différentes périodes comme autant d’attitudes de l’esprit qui trouvent leur expression dans la pierre des églises, de même que dans la philosophie religieuse18. »
12Pour cette nouvelle approche, Focillon fait référence à son collègue Étienne Gilson. Dans son imposante Philosophie au Moyen Âge (1922), Gilson façonne une idée noble du Moyen Âge, qui devient le berceau de la civilisation occidentale, dans une perspective historiographique tendant à relativiser la centralité de la Renaissance19. Parce qu’elle introduit le concept de critique de l’autorité et propose une révision de la dialectique entre science et religion, la philosophie médiévale, loin d’être une simple réappropriation des auteurs antiques ou arabes, aurait posé les fondements de la naissance de la pensée moderne20. Dans une conférence importante de 1929, Gilson précise l’emploi de la notion d’« humanisme médiéval21 », que Focillon adopte sur le champ. C’est davantage qu’un simple élément critique qu’il emprunte au philosophe. Au postulat de fécondité intellectuelle du Moyen Âge s’ajoute l’idée que la pensée médiévale est caractérisée par une extraordinaire force « plastique », faite de spires, de méandres et de circonvolutions qui s’explicitent dans le syllogisme et la dialectique22.
13Le nom d’Étienne Gilson revient à la fin de L’art des sculpteurs romans, dans le chapitre sur l’art de géométrie et la figure emblématique de Villard de Honnecourt. Alors que Viollet-le-Duc avait donné de son carnet une interprétation assez restreinte, le considérant comme un simple manuel d’atelier23, pour Focillon, il s’agit d’un document graphique qui exprime une nouvelle attitude mentale et même une nouvelle « méthode ». Pour étayer son propos, il fait appel à la philosophie scolastique, mettant Villard en parallèle avec l’école de Chartres et, plus encore, avec la pensée de Robert Grosseteste, auteur du De luce seu de inchoatione formarum. Ainsi Focillon vérifie-t-il sur des bases philosophiques son idée selon laquelle l’art de géométrie de Villard trouverait son origine non seulement dans la science arabe mais aussi dans la sculpture romane. L’historien de l’art explique ainsi que chez Grosseteste :
[…] La lumière définit donc la matière et les corps. Mais les corps ont une forme particulière. Cette forme n’est pas molle et errante, elle est définie et mesurable, non seulement dans la statique de l’espace, mais dans la dynamique du mouvement. Elle est toute géométrie et se ramène à des lignes, à des angles, à des figures régulières […]. On ne prétend pas que l’histoire de la sculpture aux xie et xiie siècles soit aussi étroitement associée au progrès des mathématiques que l’art abstrait des polygonistes du Caire, mais les confirmations a posteriori que nous donnent Villard de Honnecourt et Robert Grosseteste nous invitent à nous demander si, dans les ateliers du Nord de l’Espagne et dans ceux du Midi de la France, dont la connexion n’est plus à démontrer, on n’utilisait pas, pour la pratique de la coupe, de la construction et du décor, des procédés empruntés à la science favorite des Arabes […]. Il serait en tout cas difficile d’admettre que la méthode géométrique de Villard soit sans passé, qu’elle ne se rattache à rien, alors que la pensée de son contemporain Grosseteste a des origines bien définies. Ces origines mêmes, replacées dans leur milieu, sont d’accord avec le développement historique et géographique de la sculpture romane24.
14L’art des sculpteurs romans fait référence à certains passages de l’ouvrage de Gilson qui mettent en valeur l’« absolutisme géométrique » de Grosseteste et son explication de l’univers en termes mathématico-géométriques. Ces caractéristiques du philosophe médiéval étaient pour Gilson une anticipation du rationalisme de la France moderne : « Par cette réduction de la physique, de la physiologie et même de la sensation aux règles de la figure et du mouvement, dit M. Gilson, c’est la réforme cartésienne elle-même que la philosophie du xiiie siècle vient d’annoncer25. » Le syllogisme, si tant est qu’on puisse le nommer ainsi, est donc en place : en conséquence de la dette que la philosophie scolastique et l’art des cathédrales gothiques auraient eu envers l’époque romane, il s’en serait suivi l’apparition, entre le xie et le xiie siècle, de cet humanisme roman en Occident, comme forme anticipée de la pensée moderne. Focillon parvient ainsi à affirmer sa propre conviction historiographique d’exaltation de l’époque romane, et en arrive à retourner la vision traditionnelle notamment incarnée par Émile Mâle.
15La démarche philosophique de L’art des sculpteurs romans ne doit pas étonner. Dans la France de l’entre-deux-guerres, Étienne Gilson représente ce mouvement de révision historiographique, étiqueté par Wallace Klippert Ferguson de « révolte des médiévistes », qui critique l’opposition classique entre Moyen Âge et Renaissance ; cette attaque menée par les philosophes néo-thomistes trouve d’illustres défenseurs à la Sorbonne, tels Gustave Cohen et Edmond Faral, pour n’en citer que deux26. Certes, la révision de Gilson a pour fondement une conviction religieuse explicite. Mais Focillon, on l’a vu, n’hésite pas à adopter dans son livre de 1931 certains points forts de la pensée philosophique de son collègue, à la fois pour fonder théoriquement le problème principal de son enquête, à savoir celui de la forme, et pour critiquer les positions théoriques de Mâle.
16Dans L’art des sculpteurs romans, la critique adressée à Émile Mâle concerne donc, plus que la méthode d’étude à proprement parler, sa vision de l’art médiéval. Focillon conteste l’idée de l’art médiéval envisagé comme un simple « art dirigé » et introduit le rôle majeur de l’artiste dans sa réflexion critique : « Chaque époque requiert les familles d’esprits qui lui sont nécessaires et qui lui donnent dans l’histoire sa couleur propre. C’est à ce trait que se marque la véritable unité d’un siècle27. » Focillon précise ainsi sa notion de famille spirituelle, en l’adaptant à la période étudiée. Le Moyen Âge, nous dit-il, montre deux faces distinctes, opposées et complémentaires : celle des « visionnaires » et celle des « dialecticiens28 ». L’art roman, d’une part, est « apocalyptique » : c’est une vision, bien observable dans les tympans languedociens qui semblent de véritables « apparitions divines » à la force visionnaire. D’autre part, c’est justement en vertu des lois constructives de la rationalité que cette force visionnaire peut prendre forme.
Se placer sur le terrain des formes
17Focillon peut alors se lancer dans la description de sa propre méthode, qui suppose une nouvelle conception de l’art roman :
Et maintenant il faut nous placer sur un autre terrain, que nous ne quitterons guère désormais, celui des formes. Elles requièrent une analyse particulière. Nous nous occupons de sculpture, c’est-à-dire d’une certaine interprétation de l’espace, et c’est en interprétant l’espace avec les sculpteurs, derrière eux, en suivant du doigt et de l’esprit les divers parcours, les ondulations, les reliefs et les creux de leurs œuvres, en tachant de reconstituer leurs traditions, leurs habitudes et les règles de leur travail que nous avons chance de surprendre leur secret de créateurs29.
18Il commence par présenter son objet d’étude, la sculpture. Parce qu’il conçoit la sculpture comme une « interprétation de l’espace », on décrit généralement la conception de l’art médiéval de Focillon comme purement architecturale. Or, dans la relation sculpture/architecture, une notion paraît centrale et est très souvent employée : celle de « structure30 ». Certains critiques veulent placer ce concept au cœur de sa pensée formaliste ; ils y voient un reflet des recherches linguistiques de l’époque, qui mènent, dans les années quarante, au Structuralisme31. Comme nous le verrons, il est en effet possible d’établir des connexions avec les études de linguistique des années dix et vingt, en particulier avec le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure (1916), tournant décisif dans l’étude des langues, qui marque le passage de l’analyse historique à l’analyse logique, avec l’idée que la langue constitue un système. Cependant, dans le milieu de l’architecture, la notion de structure est déjà présente depuis longtemps, il suffit de songer à Viollet-le-Duc. Il faudra également prendre en compte la notion de Strukturanalyse, inaugurée au sein de la seconde école de Vienne32 justement à la fin des années vingt, ou encore celle de Raumgestaltung (« structuration de l’espace »), cette théorie marquée de psychologie de la perception élaborée dès 1893 par August Schmarsow33.
19L’Introduction à la méthode de Léonard de Vinci (1894) est une référence incontournable pour Focillon. Dans son court traité, Valéry part de l’architecture pour affronter le problème plus général de l’espace et de sa définition :
L’être de pierre existe dans l’espace : ce qu’on appelle espace est relatif à la conception de tels édifices qu’on voudra ; l’édifice architectural interprète l’espace et conduit à des hypothèses sur sa nature, d’une manière toute particulière, car il est à la fois un équilibre de matériaux par rapport à la gravitation, un ensemble statique visible et, dans chacun de ces matériaux, un autre équilibre, moléculaire et mal connu34.
20Ce qui sera essentiel dans la conception de Focillon est le fait que le poète introduit explicitement dès 1894 sa propre notion de structure en l’adaptant au domaine des arts plastiques :
L’espace, dès que nous voulons nous le figurer, cesse aussitôt d’être vide, se remplit d’une foule de constructions arbitraires et peut, dans tous les cas, se remplacer par la juxtaposition de figures qu’on sait rendre aussi petites qu’il est nécessaire. […] Nous nous trouvons ainsi pris et nous déplaçant dans une quantité de structures35.
21Les préceptes de Valéry semblent convenir parfaitement à l’interprétation de la relation architecture/sculpture proposée dans L’art des sculpteurs romans36. Si l’iconographie de Mâle était synthétique et conceptuelle, l’attention formelle de Focillon est analytique et se développe sur le plan concret de la res extensa – pour reprendre le langage philosophique. Si Mâle avait affirmé que l’art médiéval est « façonné par la pensée », Focillon met en évidence l’autonomie de l’activité artistique et la force poïétique inhérente aux formes elles-mêmes. L’exégèse des formes romanes n’est pas un déchiffrage du symbole mais un processus d’apprentissage que l’historien de l’art ne peut entreprendre qu’en suivant l’artiste médiéval, en l’observant concrètement, en faisant corps avec lui. C’est seulement en nous plaçant dans l’univers des artisans médiévaux que nous comprendrons pleinement la valeur de la technique, catégorie à laquelle Focillon donne le rôle de guide pour son enquête : « la technique est au centre de l’analyse […]. La technique n’est pas seulement matière, outil et main, ce qui déjà est immense (car une forme qui se passerait de la main, de l’outil et de la matière n’existe pas), mais elle est esprit en tant que spéculation sur l’espace37 ».
22Le concept de technique ici mobilisé a un sens très large : il vaut tout d’abord comme élaboration de principes, comme activité intellectuelle de l’artiste, en tant que véritable techné. La technique est l’essence de l’art, car sa déclinaison définit le style. Dans un écrit de 1932 centré sur la peinture clunisienne, Focillon explique synthétiquement mais clairement la relation entre technique et style : « Le mot “technique” a deux sens, qui se complètent, qui se superposent : technique de l’exécution, ou technologie proprement dite, technique du style, ou morphologie38. »
23C’est au cœur de ce nœud critique que naît la notion de « stylistique », chère à Focillon et à ses élèves proches39. Comme c’est souvent le cas dans son œuvre, ce concept a deux faces. À travers la compréhension de la stylistique, nous pouvons parcourir à rebours la genèse de l’œuvre, pour trouver sa logique ultime. Mais la stylistique est aussi le point commun de plusieurs époques et de plusieurs styles ; elle est en somme un principe objectif, interne à la logique des formes, qui se manifeste à des moments spécifiques de l’histoire40.
24Se référant à la sculpture médiévale, Eugène Viollet-le-Duc avait montré ce lien profond entre technique et forme. Dans son Dictionnaire raisonné de l’architecture française (1854-1868), il avait affirmé non sans audace que : « Ce qu’il faut y chercher, ce sont les principes sur lesquels ces arts se sont appuyés, les vérités qu’ils ont su aborder, la manière de rendre les idées et les sentiments de leur temps41. » Il revendiquait ainsi la nécessité de comprendre les principes, lois générales de la structure. En architecte, il s’opposait donc à l’archéologie médiévale, discipline dont il avait pourtant reconnu le rôle dans la naissance d’une approche historique de l’architecture42. Ce n’est qu’à travers la compréhension logique du Moyen Âge que celui-ci peut se débarrasser de l’épithète « barbare » et être réhabilité historiquement43. Par rapport à ce qu’avaient énoncé les sociétés savantes des érudits et la tradition de l’archéologie médiévale (principalement vouées aux classifications en écoles régionales), Viollet-le-Duc offre donc à Focillon, par la mise en valeur des lois régissant l’art roman puis gothique, le modèle d’une approche systématique du problème du style au Moyen Âge44.
25Pour Viollet-le-Duc, le gothique était le style national par excellence car il parlait une langue compréhensible par tous45. Assimilé au langage dans une dialectique continue entre langue et patois, le style architectural et figuratif du Moyen Âge acquérait une inflexion populaire46. Ce faisant, l’architecte introduisait dans l’analyse formelle les catégories de grammaire, syntaxe et style ; en outre, il se concentrait sur le moment de la formation de ces éléments structurels, sur leur genèse. Or c’est justement sur la notion de « stylistique », opposée à celle de « style », que Focillon insiste dans l’ouvrage de 1931. En partant de l’idée qu’il existe une vie des formes comme il existe une vie interne au monde des mots, la stylistique a pour objet la définition interne d’un style et de ses lois47. Le schéma évolutif de la linguistique historique, qui avait mis en évidence l’origine des différentes langues, revenait par reflet dans les enquêtes sur les styles menées à la fin du xixe et au début du xxe siècle, et ce pas seulement dans la France des archéologues-architectes. Les écrits de Gottfried Semper et Aloïs Riegl, historiens de l’ornement, sont emblématiques de cette approche de l’évolution des formes, dont les multiples références aux études contemporaines de linguistique ont été bien mises en évidence48. Ces mêmes assises théoriques sont utiles à Focillon car il emprunte à la linguistique l’aspect le plus dynamique. À la linéarité du schéma évolutif, qui implique l’enfermement des styles dans les chronologies et les géographies, Focillon oppose la notion de stylistique, qui permet d’introduire le facteur « temps » dans la problématique des styles. La stylistique se définit comme « un procédé logique qui vit, avec une force et une rigueur surabondamment démontrées, à l’intérieur des styles, étant bien entendu que, dans l’ordre des temps et des lieux, le parcours est plus inégal et moins pur49 ».
26Cela dit, Focillon est contraint de se confronter à la définition classique de style. En 1931, il en donne une interprétation dont la portée est à la fois théorique et historiographique :
Prenons garde qu’un style n’est pas seulement une collection d’éléments – souvenirs, emprunts, inventions : c’est une série de mesures et de rapports. Ces mesures ne sont pas spontanément atteintes et définies par l’esprit. Il les éprouve, il les essaie comme il peut à travers un grand nombre d’expériences qui ne sont pas centralisées en un point unique, mais distribuées entre plusieurs foyers qui ne sont pas nécessairement en étroite relation les uns avec les autres50.
27Le style naît donc dans la recherche de solutions à des problèmes d’ordre spatial : « si l’art roman n’avait pas eu l’audace de s’emparer de certains points apparemment peu propres à accepter des figures, mais définis par les fonctions, il n’existerait pas en tant que style51 ».
28Ceci peut être illustré par un exemple particulièrement significatif. À l’occasion du XIIe congrès international d’histoire de l’art, organisé à Bruxelles en 1930, Focillon s’intéresse à l’enluminure et à la sculpture monumentale irlandaise (les high crosses)52. Son intervention a pour finalité de dévoiler les lois de composition d’un art insulaire qui, selon les interprétations communes, est conçu comme « une rêverie », un « mystérieux caprice de l’esprit » qui s’oppose à l’espace euclidien et crée une nouvelle image de l’homme. Mais cette œuvre de fantaisie pure où semble dominer le despotisme de l’entrelacs et de l’arabesque est aussi, pour Focillon, un système exact, réglé par des lois précises, bien distinctes de celles expérimentées en Europe continentale. Si l’entrelacs méditerranéen est nettement conditionné par la vision géométrique du monde arabe et peut se réduire à des formules mathématiques,
[…] en Irlande, on dirait qu’il se cherche une autre loi, qu’il est prêt pour d’autres expériences. Il se noue et il se dénoue comme une chevelure […]. Ces enchevêtrements et ces replis sont à la fois la grille qui déguise, qui annule l’image de l’homme ou de la bête, et la grille qui permet de la lire […]. Ces formes obéissent à une organisation qui les enserre avec puissance, et c’est à l’intérieur des cadres imposés qu’elles se meuvent avec liberté53 [Fig. 6].
Fig. 6. « Imago hominis [saint Matthieu] », Evangelia quattuor [Évangiles dits d’Echternach ou de saint Willibrord], ms. latin 9389, folio 18 verso, vers 690-710.
Paris, Bibliothèque nationale de France.

29La particularité des manuscrits irlandais est, nous dit Focillon, leur « fragmentation énergique » qui rappelle l’orfèvrerie cloisonnée. Les folios sont caractérisés par deux critères ayant en commun la notion de contrôle : la loi de la correction de la symétrie par l’asymétrie (un « principe de compensation » où la compartimentation en quadrillages ne se répète pas en série), et celle de la correction des courbes par des lignes droites (en diagonale, en zigzag, en échiquier). La technique intellectuelle de l’enlumineur irlandais n’est pas si éloignée de celle de l’imagier roman : « Cette étonnante continuité, ce jeu d’illusion, cette audace à étirer la forme aux dépens du canon pour le besoin du décor, autant d’éléments techniques qui caractérisent l’entrelacs des miniatures irlandaises, autant de principes qui jouent dans l’art roman54. »
30Focillon retrouve la trace de ce « jeu d’illusionnisme » hiberno-saxon jusque chez Villard de Honnecourt, se basant sur le dessin de son carnet qui figure les tailleurs de pierre distribués en svastika (fo 19v). La composition de Villard est articulée selon un expédient mathématique raffiné qui obéit, nous explique Focillon, au même principe que certaines figures sculptées sur les croix irlandaises :
En plein âge gothique, le raisonnement sur l’espace conduit un artiste, pourtant tout pénétré de naturalisme, aux mêmes conclusions et aux mêmes inventions que les maîtres irlandais […] l’intervention d’une influence directe n’étant pas nécessaire pour les expliquer. Le traitement géométrique de l’espace se suffit55.
31La technique, envisagée comme une opération intellectuelle tendant à organiser les formes dans l’espace, rapproche les époques et les cultures les plus éloignées. Inutile d’avoir recours à la notion d’influence ou d’émettre l’hypothèse de contacts concrets, car ce qui unit des styles distants dans le temps et dans l’espace est plutôt une dynamique de l’esprit : « Une discipline ainsi conduite nous mène à des comparaisons assez amples. Elles n’impliquent pas forcément le jeu des influences […] toute ressemblance formelle ne s’explique pas par une influence historique56. »
32Mais alors, une fois écartées les notions traditionnelles de l’archéologie, comment doit-on étudier l’art médiéval ? La critique de la méthode iconographique, la relativisation des notions d’influence et d’école, la proposition d’une approche de l’art roman sub specie formae : tout trouve son origine dans une vision historique nouvelle et originale.
33Dans L’art des sculpteurs romans, les passages qui illustrent la perception qu’a Focillon de l’époque médiévale sont d’une surprenante densité conceptuelle et sont exprimés dans une synthèse qui révèle une forte prise de conscience du problème :
Ce développement si riche n’est pas unilinéaire et purement successif. Il se partage et se ramifie. La notion courante d’évolution ne suffit pas à l’expliquer dans toutes ses parties selon une loi naturelle et nécessaire. Elle nous porterait à grouper tous les faits sur une ligne constante et continue et à substituer le travail harmonique de l’historien au travail complexe de l’histoire. Elle risque ainsi de nous amener à envisager une série de transitions à peine sensibles, dirigées dans le même sens. En fait les périodes de l’histoire des formes ne sont pas homogènes, elles comportent simultanément des tentatives, des épanouissements, des déclins. Les siècles se propagent les uns dans les autres sans que chacun d’eux ait sa tonalité absolument unie. Toutes les régions d’un temps ne vivent pas à la même époque57.
34Ces considérations l’amènent à proclamer : « L’art de la période romane n’est pas nécessairement l’art roman58 » – formule lapidaire souvent adoptée comme paradigme de la nouvelle histoire de l’art médiéval enseignée rue Michelet.
35Fort de sa vision novatrice, Focillon reconnaît tout de même la nécessité de conserver la tripartition traditionnelle du Moyen Âge, mais propose de l’élaborer à la lumière de la technique. La première période (jusqu’à la moitié du xiie siècle) est caractérisée par un accord parfait, un « rapport monumental » dans lequel l’espace est interprété par l’architecture, et dans lequel la sculpture abandonne le canon de la vraisemblance pour se fonder sur des « formules techniques », en particulier sur un usage particulier de la « triangulation ». Au milieu du xiie siècle, dans le nord de la France, une formidable révolution voit le jour : la sculpture n’est plus solidaire du mur, mais se détache de la surface bâtie dans une extraordinaire autonomie. C’est la loi qui régissait l’ancien style – la relation entre sculpture et architecture – qui s’effondre : l’art roman perd peu à peu sa force pour faire place à de nouveaux canons esthétiques. Pour Mâle, le tympan de Saint-Denis [Fig. 7] devait être lu dans un rapport de filiation avec le tympan roman de Beaulieu, qu’il répliquait dans l’ensemble de son iconographie [Fig. 8]. Au contraire, pour Focillon, c’est une nouvelle conception de l’espace qui fait son chemin, la sculpture de Saint-Denis interprétant le même thème de manière profondément différente :
Beaulieu est tout empli du sentiment apocalyptique ; Saint-Denis appartient au sentiment anecdotique […] M. Mâle note heureusement la pondération, la clarté du tympan de Saint-Denis. Cet équilibre qui satisfait la vue et la raison n’a précisément rien à voir avec le profond mystère des compositions romanes […]. Peut-être est-ce ici plus qu’ailleurs que nous sentons à l’occasion d’un même thème la rupture entre la règle ancienne et l’esprit nouveau59.
Fig. 7. Tympan du portail occidental, basilique Saint-Denis, vers 1135-1140.

Fig. 8. Tympan méridional de l’abbatiale Saint-Pierre, Beaulieu-sur-Dordogne, vers 1125.

36À la fin du Moyen Âge, l’art de cour portera à sa plus haute expression le goût pour « la belle pièce » ; la statue-colonne laisse la place à une gracieuse statuette, « objet d’art qu’on peut détacher du mur, auquel il ne tient plus, et admirer dans un musée60 ».
37Ainsi Focillon n’évite-t-il pas tout à fait d’aborder des questions historico-stylistiques. Il en affronte plutôt l’histoire du point de vue de cette morphologie, esquissée dans les premiers chapitres du livre. La vraie signification de L’art des sculpteurs romans réside peut-être dans ce sous-titre – Recherches sur l’histoire des formes – qui semble alors jouer le rôle d’avertissement méthodologique : morphologie et histoire peuvent être conciliées, elles se doivent même une assistance mutuelle.
Notes de bas de page
1 École française de Rome (dir.), Émile Mâle (1862-1954). La construction de l’œuvre. Rome et l’Italie, Rome, École française de Rome, 2005. Sur les rapports Mâle/Focillon, voir Recht Roland, « Émile Mâle, Henri Focillon et l’histoire de l’art du Moyen Âge », Comptes rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, vol. 148, no 4, 2004, p. 1651-1665 ; Le Pogam Pierre-Yves, « Henri Focillon et l’histoire de l’art à l’École française de Rome », dans FEI, p. 139-159.
2 Schlink Wilhelm, « Enseignement ou illumination ? Les histoires de l’art française et allemande dans leurs rapports à l’iconographie chrétienne », Revue de l’art, no 146, 2004, p. 51-60.
3 L’art religieux du xiiie siècle en France (1898), L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France (1908), L’art religieux au xiie siècle en France (1922).
4 Sauerländer Willibald, « La cathédrale et la révolution », dans Comité international d’histoire de l’art, L’art et les révolutions. XXVIIe congrès international d’histoire de l’art, vol. 9, Strasbourg, Société alsacienne pour le développement de l’histoire de l’art, 1990, p. 67-106.
5 Pour ces deux écrivains voir Fraisse Luc, L’œuvre cathédrale. Proust et l’architecture médiévale, Paris, José Corti, 1990 ; Castelnuovo Enrico, « Il fantasma della cattedrale », dans Castelnuovo Enrico, Sergi Giuseppe (dir.), Arti e Storia nel Medioevo, vol. 4, Turin, Einaudi, 2004, p. 3-29.
6 D’après le livre de mémoires paru en 1950, cité par Vauchez André, « Introduction », dans École française de Rome (dir.), Émile Mâle (1862-1954), op. cit., p. 1-5.
7 Il s’aligne ainsi sur l’interprétation qu’en avait donné Burckhardt. Se reporter à Ghelardi Maurizio, « Burckhardt et l’histoire de La civilisation de la Renaissance en Italie », dans Pommier Édouard (dir.), Histoire de l’histoire de l’art, vol. 2, Paris, Klincksieck, 1997, p. 349-383.
8 Mâle Émile, L’art religieux du xiie siècle en France. Étude sur les origines de l’iconographie du Moyen Âge, Paris, Armand Colin, 1924, p. i-iii.
9 Russo Daniel, « Émile Mâle, l’art dans l’histoire », dans École française de Rome (dir.), Émile Mâle (1862-1954), op. cit., p. 257.
10 Voir Therrien Lyne, « L’enseignement universitaire de l’art médiéval en France entre 1892 et 1922 », dans École française de Rome (dir.), Émile Mâle (1862-1954), op. cit., p. 53-75, où la leçon est reportée dans son intégralité.
11 Voir Baschet Jérôme, « L’iconographie médiévale : l’œuvre fondatrice d’Émile Mâle et le monument actuel », dans École française de Rome (dir.), Émile Mâle (1862-1954), op. cit., p. 273-288.
12 Wirth Jean, L’image à l’époque romane, Paris, Éditions du Cerf, 1999, p. 10.
13 Quintavalle Arturo Carlo, « Le vie del Medioevo: da Chateaubriand a Viollet le Duc, da Ruskin a Hugo fino a Bédier, Porter, Mâle », dans Quintavalle Arturo Carlo (dir.), Le vie del Medioevo, Milan, Electa, 2000, p. 3-9.
14 Mâle Émile, L’art religieux du xiie siècle en France, op. cit., p. 3 ; voir Vergnolle Éliane, « Chronologie et méthode d’analyse : doctrines sur les débuts de la sculpture romane en France », Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa, no 9, 1978, p. 141-162.
15 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 7-8.
16 Lettre du 11 février 1924, Paris, bibliothèque de l’Institut de France, archives, fonds Émile Mâle, ms 7654.
17 Lettre reproduite dans CPTHF, p. 307 (nous soulignons).
18 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 14. Focillon n’évite pas à tout prix le recours aux sources littéraires. Dans une lettre sur ses années d’enseignement à Bourges, il écrit : « Quand j’en serai à l’art gothique du xiiie siècle, je leur ferai avaler de force Vincent de Beauvais. Je nagerai dans la mystique comme en eau claire ». Paris, archives Focillon, lettre non datée.
19 Gilson lira très attentivement L’art des sculpteurs romans, comme le révèlent deux lettres conservées dans les archives Focillon. Se reporter à AHF, p. 134.
20 Gilson Étienne, La philosophie au Moyen Âge, Paris, Payot, 1922. Voir Ghisalberti Alessandro, « Étienne Gilson (1884-1978) », dans Aurell i Cardona Jaume, Crosas López Francisco, Rewriting the Middle Ages in the Twentieth Century, Turnhout, Brepols, 2005, p. 107-116.
21 De Majo Ginevra, « Il dibattito Medioevo-Rinascimento, da Focillon a Chastel », dans FEI, p. 67-108.
22 « […] les penseurs de l’Occident élaboraient les rinceaux et les méandres d’une spéculation nourrie de lettres antiques […] Sculpteurs de chapiteaux et raisonneurs abstraits, ordonnateurs de rinceaux et de syllogismes appliquent à leurs concepts un même mouvement ». Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 16.
23 Barnes Carl F., « Apparitional aesthetics: Viollet-le-Duc and Villard de Honnecourt », dans Lane Evelyn S., Pastan Elizabeth C., Shortel Ellen M., The Four Modes of Seeing. Approaches to Medieval Imagery in Honor of Madeline Harrison Caviness, Farnham, Ashgate, 2009, p. 465-480.
24 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 220, p. 222.
25 Ibid., p. 221 (nous soulignons).
26 Ferguson Wallace K., La Renaissance dans la pensée historique, traduction de l’anglais de Jacques Marty, préface de Élisabeth Crouzet-Pavan, Paris, Payot, 2009 [1946], chap. 11 ; pour Gilson, voir p. 436-441.
27 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 14.
28 Ibid., p. 15.
29 Ibid., p. 19.
30 Voir par exemple Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, p. 39, p. 111. Cette notion revient également dans Vie des formes.
31 Emiliani Andrea, « Nota al Lettore », dans Focillon Henri, Grandi maestri dell’incisione, op. cit., p. ix-xvii ; Kubler George, « L’enseignement d’Henri Focillon », dans RF, p. 9-24.
32 Hans Sedlmayr adopte en 1929 le terme « Struktur », comme alternative au « Kunstwollen » rieglien. Voir Wood Christopher S., « Introduction », dans Wood Christopher S. (dir.), The Vienna School Reader. Politics and Art Historical Method in the 1930s, New York, Zone Books, 2000, p. 9-72 ; Verstegen Ian, « La “seconde” école de Vienne et les sciences sociales », Austriaca, no 72, 2011, p. 159-187.
33 Recht Roland, Le croire et le voir. L’art des cathédrales (xiie-xve siècle), Paris, Gallimard, 1999, p. 44-45, p. 62-64.
34 Valéry Paul, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci. 1894, Paris, Gallimard, 1957, p. 59.
35 Ibid., p. 60-61.
36 Chastel dit de L’art des sculpteurs romans qu’il est « l’Eupalinos du professeur parisien ». Chastel André, « L’évolution d’Henri Focillon », dans CPTHF, p. 11-20.
37 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 21-22.
38 Focillon Henri, « Préface », dans Mercier Fernand, Les primitifs français. La peinture clunisienne en Bourgogne à l’époque romane. Son histoire et sa technique, Paris, Picard, 1931, p. vii-xiii.
39 Notamment Baltrušaitis Jurgis, La stylistique ornementale dans la sculpture romane, Paris, Leroux, 1931. Voir Recht Roland, Le croire et le voir, op. cit., p. 69-70.
40 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 21.
41 Viollet-le-Duc Eugène-Emmanuel, « Sculpture », dans Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, Paris, Bance/Morel, 1854-1868.
42 Bercé Françoise, Viollet-le-Duc, Paris, Éditions du Patrimoine/Centre des monuments nationaux, 2013, p. 132-140 ; voir aussi Tamborrino Rosa, « Introduzione », dans Viollet-le-Duc Eugène-Emmanuel, Gli architetti e la storia. Scritti sull’architettura, édition de Tamborrino Rosa, Turin, Bollati Boringhieri, 1996, p. xi-lxiii.
43 Viollet-le-Duc Eugène-Emmanuel, « Premier entretien », Entretiens sur l’architecture, Hants, Gregg Press, 1965 [1863], vol. 1, p. 9-32.
44 Bressani Martin, Architecture and the Historical Imagination. Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, 1814-1879, Farnham, Ashgate Publishing, 2014, p. 174.
45 Viollet-le-Duc Eugène-Emmanuel, Lettres adressées d’Allemagne à M. Adolphe Lance, Paris, Bance, 1856, lettre XI, p. 86-101.
46 Le modèle linguistique fut codifié par Viollet-le-Duc dans l’article « Profil » du Dictionnaire raisonné où différents dialectes sont confrontés à la variété des profils au sein d’un style architectural. Voir Thomine-Berrada Alice, Martin François-René, « Styles et nation en France autour de 1900. Le Moyen Âge comme origine en architecture et en historiographie », dans Purchla Jacek, Tegethoff Wolf (dir.), Nation, Style, Modernism, Cracovie/Munich, International Cultural Centre/Zentralinstitut für Kunstgeschichte, 2006, p. 35-54 ; Bergdoll Barry, « Une langue macaronique : Viollet-le-Duc’s linguistic metaphor », dans Stiftung Bibliothek Werner Oechslin, Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc, op. cit., p. 170-187.
47 Recht Roland, « Du style en général et du Moyen Âge en particulier », art. cité.
48 Voir principalement Iversen Margaret, Alois Riegl. Art History and Theory, Cambridge/Londres, MIT Press, 1993, p. 55.
49 Focillon Henri, Vie des formes, suivi de Éloge de la main, op. cit., p. 13-14.
50 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 20.
51 Ibid., p. 125.
52 Focillon Henri, « Notes sur quelques principes du décor des manuscrits irlandais », dans Congrès international d’histoire de l’art, Actes du XIIe congrès international d’histoire de l’art, vol. 2, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, 1930, p. 337-346.
53 Ibid., p. 340.
54 Ibid., p. 343.
55 Ibid., p. 345.
56 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 22. Voir sur ce point Guillouët Jean-Marie, « Les transferts artistiques : un outil opératoire pour l’histoire de l’art médiéval ? », Histoire de l’art, no 64, 2009, p. 17-25, et, plus généralement, Baxandall Michael, Formes de l’intention. Sur l’explication historique des tableaux, Nîmes, Chambon, 1991 [1985], p. 106-111.
57 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 19-20 (italique de Focillon).
58 Ibid., p. 20. Un précédent significatif de cette critique de l’archéologie positive peut être le Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert (publié de manière posthume en 1881) : « Mais le style d’un monument ne s’accorde pas toujours avec la date qu’on lui suppose. Le plein cintre, au treizième siècle, domine encore dans la Provence. L’ogive est peut-être fort ancienne ! – et des auteurs contestent l’antériorité du roman sur le gothique. Ce défaut de certitude les contraria ». Citation rapportée par Sauerländer Willibald, « Die Geographie der Stile », dans Fillitz Hermann von, Pippal Martina (dir.), Akten des 25. Kongresses für Kunstgeschichte, vol. 3, Vienne, Böhlau, 1985, p. 27-35.
59 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 256-257.
60 Ibid., p. 23-24.

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