Introduction

p. 15-35


Texte intégral

1Henri Focillon (1881-1943) est reconnu comme l’un des principaux protagonistes de l’histoire de l’art dans la première moitié du xxe siècle. Professeur à l’université de Lyon, à la Sorbonne, à Yale puis au Collège de France, il comptait plusieurs disciples entre les deux guerres1. Auteur d’ouvrages de référence sur la gravure, l’art médiéval ou la peinture moderne, il est surtout connu pour un livre court mais dense – Vie des formes (1934) – qui marque une génération entière d’historiens de l’art et dont la renommée n’a jamais faibli. Or il suffit de parcourir sa bibliographie2 pour remarquer que Focillon s’est confronté à la fois à des expressions artistiques autres que les arts plastiques, tels la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique, mais aussi et surtout aux problèmes de l’histoire. Il fut aussi un personnage public, un intellectuel engagé, en France et dans de prestigieuses institutions culturelles internationales. Cet aspect de sa vie ne peut être séparé de son œuvre ; c’est au contraire dans l’extraordinaire imbrication de la vita contemplativa et de la vita activa, de son activité spéculative et de son engagement politique, qu’il faut reconnaître l’originalité de cet auteur. Il nous paraît pour cela essentiel de nous attarder sur quelques jalons biographiques3.

2Henri Joseph Antoine Focillon est né à Dijon le 7 septembre 1881, d’une ancienne famille bourguignonne issue de la bourgeoisie de la Côte-d’Or. Très vite, la famille déménage à Paris où le père, Victor (1849-1918), s’insère dans un milieu favorable à son activité de graveur4. Entouré d’artistes, de critiques d’art et de personnalités politiques influentes, ce noyau familial a une importance décisive dans la formation du jeune Focillon5.

3Gustave Geffroy, critique et historien de l’art, grand défenseur de l’art moderne, a par exemple en cela un rôle central6. C’est par son intermédiaire que Focillon se rapproche de l’action politique, autour de la figure charismatique de Georges Clemenceau7. En tant que collaborateur de son journal – L’Aurore – Focillon connaît plusieurs intellectuels dreyfusards et développe une solide conviction égalitaire et pacifiste, dans la lignée des principes du fondateur du Groupe d’arbitrage international, Paul d’Estournelles de Constant, et de Léon Bourgeois, qui est à l’époque président de la Chambre des députés et théoricien du « solidarisme8 ». L’« affaire » offre d’ailleurs à Focillon une première occasion de réfléchir au concept de race et à ses funestes conséquences dans la réalité politique. Pour lui, prendre la défense de Dreyfus équivaut à défendre les droits de l’homme : « Partout et toujours Dreyfus sera innocent9 », déclare-t-il avec véhémence en apprenant la nouvelle de son acquittement.

4Focillon est reçu à l’École normale supérieure en 1901 où il complètera sa formation jusqu’en 1905. Rue d’Ulm, il fréquente une autre figure importante de la vie politique de l’époque : Lucien Herr, le bibliothécaire qui guide vers le credo socialiste plusieurs élèves des premières promotions du xxe siècle, tels Charles Péguy, Léon Blum ou Charles Andler10. C’est justement au sein de la collaboration avec l’Union Mouffetard, université populaire où se réunissent les normaliens et où est accueillie l’École socialiste11, que naît l’activité politique de Focillon. Dans ce contexte, il fait preuve d’un engagement qui porte ses fruits, comme en témoignent les mots reconnaissants de Jean Jaurès : « C’est une grande joie pour moi et une grande espérance pour notre cause de constater […] les progrès de l’idée socialiste à l’école12. » À l’Union Mouffetard, Focillon donne à partir de 1902 des conférences13 qui révèlent déjà une vision de la culture comme levain actif du tissu social, dans l’esprit de la « destination sociale » de l’art préconisée par Pierre-Joseph Proudhon, puis développée par l’art « social » de Roger Marx14.

5Il est important de souligner que, dans ces années, sa collaboration aux expériences de « L’art pour tous » ou du « musée du soir », organisées dans les quartiers ouvriers par Gustave Geffroy, Eugène Carrière, Élie Faure et d’autres, permettent au jeune Focillon de développer une idée bien précise du « musée vivant », entendu comme institution sociale dont le public est le protagoniste. Cette conception est énoncée avec précision dans une intervention de 1921, « La conception moderne des musées15 ». Or il est une composante plus théorique de sa pensée politique qu’il est nécessaire de mettre en évidence : nous savons qu’à l’École normale supérieure Focillon suit les cours du philosophe Octave Hamelin16, élève et disciple de Charles Renouvier, représentant du « néo-criticisme » d’empreinte kantienne et figure importante de la culture française de la seconde moitié du xixe siècle. Basée sur les concepts de laïcité, de liberté individuelle, de pragmatisme et de solidarité, la doctrine morale de Renouvier participe à la formation d’une grande partie des intellectuels démocrates, en particulier des radicaux. Ces derniers trouvent dans la pensée de Renouvier les instances d’un « socialisme libéral » qui se réalise dans des initiatives et des structures vouées à la solidarité sociale ainsi qu’à l’instruction des classes les plus défavorisées17.

6En 1905, après la scission entre radicaux et socialistes et avec la naissance de la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière), Focillon est à la tête de la section du parti socialiste de Chaumont où il est professeur de lycée. Sa politique tend vers une alliance entre socialistes et monde syndical, et son premier engagement est la création d’une université populaire « où des maîtres dévoués assureront à l’homme du peuple un enseignement supérieur, la diffusion claire, rapide et précise des connaissances réservées jusqu’alors arbitrairement à une classe, le luxe nécessaire de la science et de l’art18 ». Il y tient lui-même de nombreuses conférences, où sont diffusées les thèses de Marx. Son succès le porte à être élu, le 4 mars 1906, délégué titulaire au Conseil national, en tant que représentant de la Haute-Marne19. Parce qu’elles condamnent l’« anarchie et la barbarie » du communisme « oriental20 », ses positions ont le pouvoir de concilier les différents points de vue politiques internes à la SFIO et aplanissent les différends : « Membre du Parti socialiste unifié (Section française de l’Internationale ouvrière), je grandis en vigueur et en autorité… Mais le parti radical et le parti socialiste font sur mon dos une espèce de conciliation : on m’offre un siège au conseil municipal (prochaines élections), dans un groupe de sept ravageurs, déterminés à fonder la République sociale. Mon nom a la vertu d’apaiser les craintes21. »

7Ses fonctions politiques cessent lorsqu’il obtient, en août 1906, son agrégation de lettres puis, en octobre, une bourse de voyage qui le conduit en Italie. Il a en effet suivi le cours d’histoire de l’art de Henry Lemonnier, historien chartiste proche de Louis Courajod qui, depuis 1899, est titulaire de la première chaire d’histoire de l’art à la Sorbonne22. Focillon choisit de consacrer sa thèse à l’architecte et graveur Jean-Baptiste Piranèse et c’est pour travailler sur cette œuvre qu’il se rend à Rome, où il séjourne de 1906 à 1907. Ce véritable voyage d’initiation sera déterminant pour le développement de ses idées, portant sur le sens de l’histoire, sur le temps et sa forme, sur l’opposition entre esprit latin et génie français.

8Viennent ensuite les années lyonnaises (1913-1924) au cours desquelles Focillon dirige le musée des Beaux-Arts tout en enseignant l’histoire de l’art à l’université23. Une profonde amitié naît à cette occasion avec le maire et sénateur radical Édouard Herriot, futur ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts du gouvernement Poincaré (1926-1928). Pendant la Grande Guerre, Focillon n’est pas envoyé au front à cause d’une myopie grave, mais il s’engage dans le secours des victimes et dans la protection des monuments de Lyon. Une lettre montre clairement un sentiment d’aversion envers l’ennemi d’outre-Rhin :

Comprenez bien que c’est pour moi un demi-honneur de rester à mon poste, au moment où toutes les énergies françaises sont tendues pour empêcher l’anéantissement, où tous mes camarades vont se battre, où l’on a besoin de moi à chaque instant. […] Que de problèmes lourds d’angoisse ! Mais qu’importe l’homme qui pense, au moment où l’on se tue ? Si, mille fois, cet homme importe ! Et d’abord, la victoire, ce sera la victoire de l’intelligence, de notre rapidité d’assimilation, de notre facilité à improviser des solutions sur le terrain. Nous luttons contre des peuples organisés, mais aveugles, mais inconscients. Nous sommes la lumière et la liberté de l’Europe. Je crois à la continuité de la Révolution Française24.

9En 1914 paraît la monographie consacrée au maître japonais Hokusai, première incursion de Focillon dans l’art de l’Orient qui avait tant fasciné les impressionnistes25. Sa monographie va bien au-delà de la simple biographie artistique car l’auteur se confronte à des interrogations plus vastes : il pose le problème des différentes formes de représentation – occidentale et orientale – de l’espace et du mouvement, et met en valeur les prouesses de la technique et de la main dans la peinture japonaise. Ce livre sera suivi, en 1921, d’une étude plus longue sur L’art bouddhique26, où l’expression artistique est étudiée à la lumière de la religion et de la philosophie. De plus, l’historien de l’art y montre sa connaissance des discussions sur les formes d’art « collectif » en relation avec les rituels et les cultes religieux. Cet ouvrage nous permet dès maintenant d’avancer l’hypothèse selon laquelle tout l’œuvre intellectuel de Focillon s’intéresse à la relation entre art et sociologie.

10En 1918, Focillon publie sa monographie consacrée à Piranèse27. L’ouvrage est dédié à son professeur Henry Lemonnier, mais aussi à son père Victor qui vient de disparaître. Le livre est un succès. S’ensuit un certain nombre de publications, dont le recueil Technique et sentiment, Les pierres de France, L’ile oubliée, Raphaël28 ou encore, en 1926, sa première enquête sur les artistes visionnaires29.

11En 1924, nommé à la Sorbonne, Focillon s’installe à Paris [Fig. 1]. Il occupe alors la chaire d’histoire de l’art du Moyen Âge, et ce à la suite du départ d’Émile Mâle. Son action publique reprend à la Société des Nations, précisément au Comité permanent des lettres et des arts et à l’Institut international de coopération intellectuelle (IICI), où il représente la France30. Il assume cette fonction prestigieuse avec enthousiasme en organisant au fil des années une série d’initiatives culturelles et en fondant d’importants organismes scientifiques au sein de l’IICI : l’Office international des musées, l’Office des instituts d’archéologie et d’histoire de l’art, et l’Institut du cinéma éducatif31. Création française, l’IICI entend freiner la menace de « germanisation » de la culture européenne. Bien que s’insérant dans une volonté de diplomatie culturelle, plusieurs initiatives auxquelles Focillon participe reposent de fait sur l’idée d’universalité de la civilisation française.

Fig. 1. Henri Focillon dans son bureau de la Sorbonne, 1932.
New Haven, Yale University Library.

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12Tout en enseignant l’histoire de l’art du Moyen Âge, Focillon poursuit ses travaux sur l’art moderne et publie des ouvrages mémorables, dont l’imposante Peinture aux xixe et xxe siècles, éditée en deux volumes entre 1927 et 192832. En 1930, paraît Maîtres de l’estampe. Peintres-graveurs, un recueil d’essais consacrés aux maîtres de la gravure, Albrecht Dürer, Rembrandt, Francisco de Goya et Honoré Daumier33. En 1931, est publié L’art des sculpteurs romans34, et en 1938 Art d’Occident et Peintures romanes des églises de France35. L’année 1934 est peut-être la plus marquante dans son activité intellectuelle, avec deux entreprises d’une valeur unique, différentes en apparence, mais qui soulignent sa conception de l’art en tant qu’« histoire des formes ». Je fais ici référence d’une part à sa collaboration à l’ouvrage capital de Henri Pirenne et de Gustave Cohen, La civilisation occidentale au Moyen Âge du xie au milieu du xve siècle, avec un long chapitre consacré aux Mouvements artistiques36, texte qui sera repris avec quelques modifications dans l’Art d’Occident ; d’autre part, à Vie des formes, son livre le plus théorique, consacré à la définition de la forme. Suit, en 1939, le court traité poétique qu’est l’Éloge de la main37. L’envergure et la renommée internationale de ces publications font de Focillon l’un des historiens de l’art les plus illustres de l’époque. En 1938, il est nommé professeur au Collège de France.

13Au sein de l’Institut international de coopération intellectuelle et dans le contexte international tendu du milieu des années trente, Henri Focillon se livre à plusieurs polémiques avec l’historien de l’art viennois Josef Strzygowski. La plus connue a lieu en 1934, au cours d’un débat sur le thème « Latinité et génie du Nord ». Tout en discutant de l’ornement médiéval, les deux historiens de l’art s’affrontent en définitive sur des questions idéologiques et ouvertement politiques38.

14Il n’y a pas lieu ici d’interroger in extenso la question de l’orientation « raciste » de la pensée de Focillon39, mais nous tenterons de donner quelques précisions à ce sujet. S’il est vrai qu’il considère la race comme une notion scientifique acquise, il est aussi vrai qu’il ne la conçoit ni comme une donnée invariable, ni comme un critère interprétatif systématiquement applicable aux phénomènes culturels. Focillon considère les races comme des variables, existant dans le flux historique et donc sensibles aux mutations. Il est bien conscient des aberrantes distorsions dont cette notion a fait l’objet depuis son apparition dans l’ethnologie du xixe siècle jusqu’à l’Allemagne nazie. C’est donc avec fermeté qu’il s’oppose notamment aux thèses de Strzygowski : « Toute l’histoire condamne l’exécrable notion de race40. » Au contraire, c’est dans la civilisation et dans la culture qu’il identifie de vraies notions alternatives aux distinctions raciales : « Je ne prétends pas sauver, en la complétant, notre philosophie des points cardinaux, mais, par-delà l’ethnographie, il y a là une force considérable de culture, un accent essentiellement original de civilisation que vous n’avez pas le droit de bannir de vos débats41. »

15Tout en refusant les positions racialistes, Focillon partage cependant avec une bonne partie des intellectuels de sa génération cette forme particulière de nationalisme républicain d’origine jacobine42. Sa formation d’historien de l’art advient dans un climat marqué par l’antagonisme France-Allemagne, qui ne cesse de croître entre la défaite de Sedan et le bombardement de Reims43. Dans son essai de 1915 sur L’art allemand depuis 187044, Focillon ajoute à la critique de la Kultur allemande une vision exaltée de la France, nation qui incarne pour lui l’esprit « universel » de l’Occident. Au fil du temps et des événements historiques, cette notion d’Occident, récurrente dans ses écrits, est définie avec une netteté géopolitique toujours plus grande. En 1931, l’idée d’Occident inclut encore le bloc latin de l’Europe et a pour fonction de contester la thèse « orientaliste » de Strzygowski45. Dans ses écrits plus tardifs, elle ne comprend plus que la partie nord-atlantique du continent : Focillon exclut ainsi de l’Occident les nations qui ont décidé d’abandonner la démocratie au profit des régimes dictatoriaux46. La nation-guide de cet Occident est tout naturellement la France. Faisant face à un « devoir historique » précis, l’Hexagone assume la fonction de défense des droits universels contre la « barbarie » totalitaire47.

16Il va sans dire que ces positions antigermaniques ne feront que se durcir avec la sombre suite des événements. En 1932, Focillon est invité comme enseignant à Yale48. Il intègre ainsi les cercles de l’East Coast, fréquentant les milieux académiques les plus prestigieux et nouant de nouvelles relations avec l’élite scientifique. Mais les États-Unis sont aussi pour Focillon l’occasion de déceptions et de préoccupations face à l’essor d’une culture allemande49 qu’il voit toujours sous la même lumière. Une lettre à Louis Réau rédigée en 1940 en témoigne :

Mon cher ami […] nous sommes en Amérique depuis le milieu d’octobre. On m’y a fait rester, pour compléter mon enseignement à Yale par des tournées de conférences dans les universités américaines et dans les groupes français. […] J’espère que tout cela est utile. Nous sommes partout bien accueillis et même, souvent, avec une sorte d’avidité. Les vieilles sympathies nous demeurent très fidèles, et même il nous en vient de nouvelles. L’opinion reste favorable à la France, mais les Allemands travaillent […]. Je sais que tu as repris tes cours à la Sorbonne, et j’en ai grand plaisir. Si tu savais combien il est nécessaire de nous maintenir, surtout dans notre métier ! Ici, je fabrique à tour de bras des professeurs et des conservateurs de musée, car les Allemands progressent ici, soutenus, encadrés, non seulement par la franc-maçonnerie du malheur pour les refugiés, mais par d’autres forces, car il y a des nazis avoués installés dans plus d’un Collège, d’une Université ou d’une galerie d’art. Je n’ai pas besoin de dire que nous faisons ce qui doit être fait50.

17Meyer Schapiro compte parmi les « victimes » de cette vision antigermanique. Il a publié en 1935 dans les Kritische Berichte, un compte rendu très critique de L’art des sculpteurs romans, livre mis en parallèle avec La stylistique ornementale de Jurgis Baltrušaitis. Meyer Schapiro reconnaît dans les deux ouvrages une attitude commune qui consiste à lire les images romanes selon des schémas abstraits, qu’il qualifie de « post-cézanniens51 ». Il s’en suit une discussion tendue entre le jeune et brillant juif lituanien et le vieux professeur de Sorbonne. Ce dernier a pour Meyer Schapiro des mots de ressentiment féroces, l’accusant d’être devenu le représentant de la pire méthode germanique, jusqu’à en faire un personnage suspect de nazisme52. C’est également à la lumière de ce contexte frappé par la guerre qu’il faut envisager la dernière grande initiative publique de Focillon : la création en 1941 de l’École libre des hautes études, foyer d’études interdisciplinaires qui réunit à New York des chercheurs belges et français persécutés par les lois antisémites53.

18En octobre 1938, Henri Focillon est nommé à une chaire d’Esthétique et d’histoire de l’art au Collège de France. Son investissement auprès des organisations de coopération internationale, son aversion prononcée pour les régimes totalitaires et son engagement contre l’antisémitisme endémique marquent sa vie même durant l’Occupation54. Après son départ en octobre 1939 pour un cycle de conférences en Amérique latine, il quitte définitivement la France pour rester aux États-Unis. Même gravement malade et depuis le nouveau monde, il ne cesse de se prononcer publiquement contre le gouvernement de Vichy et pour la libération de la France, adhérant à l’appel du 18 juin 194055. Il est à Yale lorsque, le 30 octobre 1941, le gouvernement provisoire de Vichy décide de porter son attention sur lui.

Résidant actuellement aux États-Unis, M. FOCILLON a pris la parole à la radio de Boston à plusieurs reprises et s’est exprimé en termes injurieux pour le Chef de l’État. Le Maréchal désire savoir si M. FOCILLON est toujours titulaire de sa chaire au Collège de France et s’il n’y a pas lieu, en la circonstance et après enquête, de l’en déposséder [Fig. 2].

Fig. 2. Lettre du cabinet civil du maréchal Pétain, 30 octobre 1941.
Paris, archives du Collège de France.

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19C’est en ces termes que le cabinet de Pétain s’adresse au ministère de l’Éducation nationale56. Edmond Faral, illustre médiéviste et administrateur du Collège de France, fait son possible pour protéger Focillon, mais l’enquête ministérielle suit son cours alors que Jérôme Carcopino (archéologue et ami de longue date de l’historien de l’art) est à la tête du ministère57. L’arrêté révoquant le professeur accusé d’« activités antinationales58 » de ses fonctions publiques est signé par Abel Bonnard, le 16 juillet 1942 [Fig. 3].

Fig. 3. Arrêté du 16 juillet 1942 révoquant Henri Focillon de ses fonctions au Collège de France.
Paris, archives du Collège de France.

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20Henri Focillon s’éteint le 3 mars 1943. Sa disparition est immédiatement considérée comme une grande perte, et pas seulement pour le monde académique – Jacques Maritain la définit comme « un malheur civique59 ». Néanmoins, dans la France occupée, la disparition de Focillon est ignorée pendant plus d’un an. Ce n’est qu’à la fin de 1944 qu’on peut enfin lire, sous la plume de Jean Guéhenno :

Il est mort le 3 mars 1943, et à peine deux ou trois journaux osèrent-ils l’annoncer au chapitre des nouvelles en trois lignes. La France venait de perdre un de ses plus grands savants, mais la consigne fut de se taire. C’est qu’il était de ces morts que, selon l’ordre nouveau, on n’avait pas même le droit de pleurer, et que son nom seul suffisait à évoquer la France noble, gracieuse et libre, que les imbéciles et les traîtres se croyaient en train d’égorger60.

21Dans les premières décennies après sa mort, des nécrologies et des mémoriaux paraissent, sans véritable réflexion critique sur son œuvre61. Aux États-Unis, la pensée de Focillon prend un nouvel élan grâce à plusieurs élèves, tout particulièrement George Kubler62. En Europe, c’est l’image forgée par les Kritische Berichte, comportant l’article de Meyer Schapiro ainsi qu’une analyse approfondie de Nikolaj Worobiow63, qui s’impose : une vision stéréotypée de l’historien de l’art se dessine, le présentant comme un épigone – approximatif – de l’école germanique de la « pure visibilité ».

22Dans son pays natal, l’image de Focillon est vite altérée par l’attaque de Pierre Francastel, qui reproche à l’auteur d’Art d’Occident d’avoir privilégié l’art gothique et de n’avoir pas su saisir l’humanisme intrinsèque à la culture romane64. Or, à y regarder de plus près, Meyer Schapiro et Francastel commettent l’erreur d’associer sans nuance la méthode de Focillon à celle de son élève Baltrušaitis. Il s’agit pourtant de deux conceptions, de deux manières bien distinctes de concevoir la forme et la stylistique romanes : Baltrušaitis qualifie cette dernière d’un « schématisme » abstrait, alors que Focillon l’envisage comme une énergie propre aux formes, capable de modeler la pierre et de déterminer non seulement la composition des sculptures médiévales, mais aussi leur style. De plus, Focillon n’avait-il pas justement parlé d’un « humanisme roman », dès 1931, dans L’art des sculpteurs romans65 ? Mais ce livre n’a pas retenu l’attention du jeune Francastel ; il semble en effet avoir comme seule référence l’Art d’Occident, probablement car, comme il le confessera lui-même, L’humanisme roman est rédigé durant l’Occupation à Clermont-Ferrand, où les ressources bibliographiques à sa disposition sont particulièrement pauvres66. Le jugement sévère de Francastel doit donc être relativisé67. D’ailleurs, dans une situation historique beaucoup plus paisible, l’auteur de La réalité figurative (1965) rendra à Focillon un hommage explicite, le saluant comme celui qui, le premier en France, avait étudié les modalités de la création artistique et l’entremêlement complexe entre formes et histoire68.

23Si Francastel donne à l’histoire de l’art française une direction sociologique, André Chastel – l’un des derniers élèves de Focillon – en proposa une mutation tout aussi radicale. La publication en 1945, dans le Journal du Warburg Institute, de son essai sur la Melancholia in the Sonnets of Lorenzo de’ Medici inaugure l’accueil des études d’histoire des images et de la culture dans la France d’après-guerre et ouvre la voie à la diffusion des principaux écrits d’Erwin Panofsky69. Cette révolution de la discipline a en réalité comme origine l’ouverture insufflée à l’histoire de l’art par Focillon le « formaliste » qui, durant la seconde moitié des années trente, a pourtant entretenu avec le Warburg-Circle de Londres des rapports étroits, nourris par les recherches confiées à ses étudiants Jean Adhémar, Jean Seznec et André Chastel lui-même. Une relation intellectuelle intense est d’ailleurs née, en France puis aux États-Unis, entre Henri Focillon et Erwin Panofsky. Après la mort du Français, ces échanges se poursuivent par l’intermédiaire de ses élèves. En tant que membre du comité de rédaction de la revue L’information d’histoire de l’art, Chastel est parmi les premiers à faire connaître en France les idées de Panofsky, et l’on doit à Louis Grodecki la présentation des écrits de son « maître américain » sur l’architecture gothique et la scolastique70.

24Force est de constater que la réception de Focillon est marquée par une sélection au sein d’une production particulièrement vaste. La grande notoriété de Vie des formes détermine de manière paradoxale le destin de l’auteur, puisqu’elle laisse dans l’ombre toute une partie de son œuvre qui aurait pu contribuer à établir plus solidement sa position et son rôle dans la tradition de l’histoire de l’art française et européenne. L’auteur lui-même considère son livre le plus théorique comme « un effort d’historien qui cherche à bien spécifier son objet, exactement le contraire d’un livre d’esthète71 ». À la fin de sa vie, il avoue non sans regrets : « Méfiez-vous, mon ami, de l’esthétique – j’en ai fait trop dans ma vie72. » Ces remarques ne sont-elles pas les indices d’un malentendu, d’une réception faussée, dont l’auteur aurait lui-même été conscient ?

25La carrière de Focillon évolue en rapport étroit avec le monde des artistes, des critiques, mais aussi des historiens ; n’oublions pas qu’il a été l’élève de Henry Lemonnier, le chartiste qui ne s’est consacré à l’histoire de l’art que tardivement, et dans la perspective élargie d’une histoire de la culture. De fait, l’œuvre de Focillon présente des aspects théoriques, thématiques et méthodologiques qui intéressent l’histoire – rappelons sa collaboration fondamentale avec Pirenne –, la psychologie, le folklore, ainsi que la sociologie. Il suffit de relire l’essai éclairant publié dans l’ouvrage collectif Les sciences sociales en France (1937) dirigé par Raymond Aron73 pour se rendre compte à quel point Focillon conçoit l’histoire de l’art comme faisant partie d’un éventail disciplinaire extraordinairement varié.

26Dans ses dernières années, Focillon met en œuvre une distinction significative, en substituant le terme « formisme » à celui de « formalisme ». Dans une lettre, datée de 1936, il confesse : « Je pars [pour les États-Unis] avec l’espoir d’une certaine détente, un grand appétit de pensée, de réflexion paisible sur les choses éternelles, de l’intelligence, sur le problème de l’histoire, sur mes recherches en “formisme”, qui pourraient prendre un développement inattendu74. » Ce sera en effet en Amérique que Focillon développera ses réflexions les plus lucides sur le thème de l’histoire, en adoptant définitivement la notion absolue de formisme. Celle-ci devient bientôt la clé herméneutique des problèmes artistiques, mais aussi de l’histoire. Pour le dire autrement, il y a un formalisme méthodologique qui analyse les aspects extérieurs des œuvres d’art, mais il y a aussi une notion plus vaste de forme qui peut et doit être considérée comme un instrument d’enquête de la réalité humaine. Il faudrait reprendre les problématiques posées dans l’ouvrage inédit de morphologie historique, sur lequel il travaille entre 1936 et 1940, pour comprendre qu’il considère les « formes » comme des éléments qui permettent de mieux cerner « la structure même de l’histoire75 ».

27Il n’est donc pas étonnant de constater que la portée « épistémologique » de la pensée de Focillon est relevée par Siegfried Kracauer, qui apprécie chez l’auteur de Vie des formes cette métaphore géologique dessinant une histoire dont la structure est extrêmement complexe : « la période se désintègre, pour ainsi dire, sous nos yeux. D’une unité spatio-temporelle signifiante, la voici devenue une sorte de lieu de rendez-vous pour rencontres de hasard – un peu comme la salle d’attente d’une gare76 ». Dans les années cinquante et soixante, Chastel et Kubler77 comprennent et développent la principale opération conceptuelle du maître, ce dépassement du Zeitgeist que Focillon associe à sa propre notion de « forme ». Plus récemment, cette particularité a permis à Focillon d’être reconnu par des penseurs de différentes orientations disciplinaires comme l’un des précurseurs de la fondation d’une discipline « inclusive », aux côtés d’Aby Warburg, Walter Benjamin et Kubler lui-même78.

28La production de Focillon est envisagée dans une véritable perspective historiographique seulement au moment où, en France, on commence à réfléchir à l’« histoire de l’histoire de l’art » et à ses protagonistes79. Ce moment va de pair avec la création de l’Institut national d’histoire de l’art, conçu par André Chastel, au sein duquel les plus importantes initiatives récentes concernant Focillon ont vu le jour.

29Notre livre s’inscrit dans la même perspective. Nous souhaitons situer l’œuvre de l’historien de l’art dans le panorama des études du début du xxe siècle, tout en observant son lien avec la tradition du siècle précédent. Notre objectif est de libérer la figure de Focillon de certains clichés qui, à force de répétitions, se sont figés autour de sa pensée à travers les décennies. En effet, en privilégiant les relations de Focillon avec le formalisme allemand, il est facile de perdre de vue la spécificité de sa pensée. On risque aussi de négliger une certaine autonomie formaliste française qui a contribué, à l’époque, au renouvellement de la critique et de la théorie de l’art. C’est pourquoi nous cherchons à montrer la pleine appartenance de Focillon au monde français de l’histoire de l’art, dans ses multiples racines et héritages.

30La complexité caractérise la figure intellectuelle de Focillon. Abondante, multidisciplinaire, mais harmonieuse dans les relations entre des intérêts variés, son œuvre a par ailleurs pour constante cette lecture stratifiée de l’histoire, convoquée pour contrer l’évolutionnisme et les mécanismes déterministes en histoire de l’art. Ces systèmes sont parfaits mais inhumains aux yeux de celui qui voit en l’art la plus haute expression de l’homme, et en la vie des formes le paradigme de la valeur la plus précieuse et nécessaire aux hommes – la liberté : « Une philosophie de la liberté. Nous cherchons à desserrer le réseau, à l’animer, à y faire jouer des forces qui, opposées en principe, trouvent, non leur apaisement, mais leur état souverain, dans le drame de l’œuvre d’art. Plus la mêlée est complexe, plus nous sommes libres80. »

31Nous avons envisagé l’œuvre de Focillon en nous appuyant sur une vaste littérature critique (même la plus ancienne) tout en cherchant aussi, pour ainsi dire, à « repartir de zéro ». Cela nous a fait adopter une « méthode historique inductive » fondée sur deux choix opérationnels. Le premier consiste en un recours à la documentation d’archives en grande partie inédite. L’accès aux archives privées de l’historien de l’art a été possible grâce à la bienveillante générosité de celle qui fut la belle-fille de Focillon, la regrettée Hélène Baltrušaitis, et au soutien de Claire Tissot qui a effectué un travail d’inventaire précieux et détaillé ses archives personnelles. Cette opportunité nous a permis de consulter des lettres, des notes personnelles et des notes de cours, dont certains extraits sont ici présentés pour la première fois et constituent autant d’instruments de vérification de nos hypothèses critiques. Le second choix méthodologique concerne un travail sur la langue. Dans la perspective de « laisser la parole » au protagoniste de notre réflexion, nous avons pris le parti de relire intégralement les œuvres majeures de Focillon en nous arrêtant sur les spécificités formelles de son discours. L’éloquence de Focillon est travaillée par un réseau précis de renvois historico-artistiques mais aussi littéraires, poétiques, musicaux et philosophiques ; un mot ou une expression particulière prennent un sens spécifique, de par leur histoire et leur place dans la tradition culturelle française, voire européenne. En d’autres termes, nous avons essayé de faire nôtres les observations théoriques sur le langage des historiens de l’art proposées par Philippe Junod il y a quelques années, où il montre ce fait essentiel selon lequel : « les mots ont une histoire81 ». Cette orientation méthodologique est partagée par Roland Recht82, et, plus récemment, par Pierre Vaisse qui affirme que : « L’histoire critique des termes est aussi nécessaire à l’histoire de l’art que l’étude critique de la réception des œuvres des artistes83. »

32Il a ainsi été possible de mettre en évidence des références plus ou moins dissimulées à des auteurs ayant façonné la pensée de Focillon, renvois demeurés jusqu’à aujourd’hui comme enfouis entre les lignes de ses écrits. Un travail sur sa terminologie nous a permis de combler un manque concernant les références bibliographiques, dont Focillon est souvent avare, et de reconstituer autant que possible une archéologie intellectuelle de l’auteur84. Pour cette raison, il nous a semblé opportun de consacrer un chapitre entier, « Funeste rage d’écrire ! », à son style littéraire, réalité à part entière de sa production. Enfin, sa figure d’historien de l’art ne peut être cernée dans sa totalité sans prendre en considération sa vaste production graphique. Les dessins de Focillon, comme nous le verrons, ne témoignent pas seulement d’une longue amitié entre la main, le crayon et les feuillets, ils nous livrent l’un des aspects les plus fascinants de la pensée de ce savant qui s’amusait aussi bien à tracer des images d’invention qu’à reproduire les œuvres des maîtres, anciens et modernes, et à en capter le style.

33Notre intention est de mettre en lumière les principaux fondements et catégories qui constituent sa pensée, tout en en préservant la complexité. Cet aspect, Focillon en était conscient au point de le proposer comme clé de lecture de sa propre vie : « Si je deviens illustre et si l’on écrit ma biographie, on la coupera, non en chapitres, mais en une infinité de petits alinéas décousus85. »

Notes de bas de page

1 Pour n’en citer que quelques-uns : Charles Sterling, Jurgis Baltrušaitis, Françoise Henry, Jean Bony, Louis Grodecki, André Chastel, Philippe Verdier, Sumner McK. Crosby, Charles Seymour Jr., George Kubler.

2 BHF. Une mise à jour des bibliographies primaire et secondaire de Focillon est disponible grâce au travail de Cugy Pascale, Martin Annabelle, Rodriguez Peggy, Thomine Alice, « Bibliographie de Henri Focillon », édition de Pascale Cugy, dans Gispert Marie, Méneux Catherine (dir.), Bibliographies de critiques d’art francophones, http://critiquesdart.univ-paris1.fr/henri-focillon. Nous remercions Pascale Cugy de nous avoir mis à disposition les épreuves de ces bibliographies.

3 Les grandes phases biographiques et professionnelles sont synthétisées dans Charle Christophe, Les professeurs de la faculté des lettres de Paris. Dictionnaire biographique 1909-1939, Paris, Institut national de recherche pédagogique/Éditions du CNRS, 1986, p. 80-82 ; AHF, p. i-xix, et plus récemment dans « Bio-bibliographie », dans VFHFA, p. 11-39. Voir aussi Bertrand-Dorléac Laurence, « Sur le mode héroïque de la vie », dans Wat Pierre (dir.), Henri Focillon, Paris, Kimé/INHA, 2007, p. 21-36, ainsi que les observations de Chaubet François, Histoire intellectuelle de l’entre-deux-guerres. Culture et politique, Paris, Nouveau monde, 2006. Se reporter également à Focillon Henri, Projet d’enseignement. Titres et travaux, Paris, Imprimerie des Presses universitaires de France, 1937.

4 ViFHF.

5 Voir Ducci Annamaria, « Entre art et politique. La formation parisienne », dans VFHFA, p. 41-53.

6 C’est à Geffroy que Focillon dédiera le recueil d’essais Technique et sentiment en 1919. Focillon collaborera avec le critique dans la collection « Musées d’Europe ». Voir Plaud-Dilhuit Patricia, « Henri Focillon, Gustave Geffroy et les “Musées d’Europe” », dans FEI, p. 199-238.

7 L’un des premiers articles de Focillon est justement consacré à la figure de Clémenceau : Diogène de Laërte [Focillon Henri], « Un logicien », Le Démocrate, 24 janvier 1907. Voir aussi Tillier Bertrand, « Le musée du soir de Gustave Geffroy : entre éducation artistique et émancipation sociale », dans McWilliam Neil, Méneux Catherine, Ramos Julie (dir.), L’art social en France de la Révolution à la Grande Guerre, Rennes/Paris, Presses universitaires de Rennes/INHA, 2014, p. 245-261 et Cugy Pascale, Martin François-René, « “Populovitch n’est pas si bête qu’il est mal vêtu”. Henri Focillon, le vaudeville, les prolétaires et l’art social », dans McWilliam Neil, Méneux Catherine, Ramos Julie (dir.), L’art social en France de la Révolution à la Grande Guerre, op. cit., p. 357-371.

8 Datta Venita, Birth of a National Icon. The Literary Avant-Garde and the Origins of the Intellectual in France, Albany, State University of New York Press, 1999, p. 186-187.

9 Lettre à ses parents, 4 septembre 1906, Paris, archives Focillon. Sur l’affaire Dreyfus comme moment crucial dans la formation des intellectuels engagés en France, se reporter à l’étude de référence de Ory Pascal, Sirinelli Jean-François, Les intellectuels en France. De l’affaire Dreyfus à nos jours, Paris, Armand Colin, 1986.

10 Lindenberg Daniel, Meyer Pierre-André, Lucien Herr. Le socialisme et son destin, Paris, Calmann-Lévy, 1977.

11 Mercier Lucien, Les universités populaires : 1899-1914. Éducation populaire et mouvement ouvrier au début du siècle, Paris, Éditions ouvrières, 1986, p. 33 ; Fraixe Catherine, « Masses inconscientes et élites républicaines ou les arrière-plans naturalistes du “retour à l’ordre” », dans McWilliam Neil, Méneux Catherine, Ramos Julie (dir.), L’art social en France, op. cit., p. 373-395. L’Union Mouffetard fut créée grâce au concours des étudiants et des professeurs de l’École normale supérieure. Anatole France, Gabriel Monod, Gabriel Séailles et Ferdinand Buisson y prirent part, Henri Bergson y collabora, quant à lui, à distance. Parmi les universités populaires parisiennes, l’Union Mouffetard se distinguait par sa riche collection de reproduction d’œuvres d’art (photographies, moulages). Voir Cahiers de la quinzaine, no 20, 1904, p. 92-93.

12 Lettre de Jean Jaurès à Focillon, sans date, Paris, archives Focillon.

13 Parmi les thèmes des conférences : le rôle social des musées, la Commune, les idées sociales de Blanqui, la littérature et le mouvement social chez Renan, les paysans dans Balzac, Pierre Kropotkine. Cugy Pascale, Martin François-René, « “Populovitch n’est pas si bête qu’il est mal vêtu” », dans McWilliam Neil, Méneux Catherine, Ramos Julie (dir.), L’art social en France, op. cit.

14 Sur les différentes déclinaisons de l’art social en France, dans les milieux anarchistes, radicaux, socialistes, se reporter à l’ouvrage L’art social en France déjà cité.

15 Focillon Henri, « La conception moderne des musées », dans Congrès d’histoire de l’art, Actes du congrès d’histoire de l’art, vol. 1, Paris, Presses universitaires de France, 1923-1924, p. 85-94. Sur ce texte, voir Ducci Annamaria, « Focillon e il museo, nel contesto », dans Della Piana Elena, Failla Maria Beatrice, Varallo Franca (dir.), Musei in Europa negli anni tra le due guerre. La conferenza di Madrid del 1934: un dibattito internazionale, à paraître.

16 Ducci Annamaria, « Entre art et politique. La formation parisienne », dans VFHFA, p. 41-53.

17 Blais Marie-Claude, Au principe de la République. Le cas Renouvier, Paris, Gallimard, 2000 ; Turlot Fernand, Le personnalisme critique de Charles Renouvier. Une philosophie française, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2003.

18 Le passage est tiré d’un appel lancé par Focillon à Chaumont, publié dans la presse locale le 26 mars 1906, cité par Raymond Justinien, « Focillon Henri, Joseph », Le Maitron. Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article113520.

19 « Avant de quitter Chaumont, il donna, le 31 octobre 1906, sous les auspices de la fédération socialiste de la Haute-Marne, une conférence publique où il traita de “socialisme et liberté”. Il s’efforça de faire tomber l’objection faite au socialisme de ne laisser aucune place à la liberté humaine ». Raymond Justinien, « Focillon Henri, Joseph », art. cité.

20 Nous faisons ici référence à un texte extrait d’une conférence de 1919, publiée dans Focillon Henri, « Le moujik et le coutelier », La France libre, 27 octobre 1919, p. 1-2.

21 Lettre à ses parents, 18 février 1906, Paris, archives Focillon.

22 Therrien Lyne, « Lemonnier, Henry », dans Sénéchal Philippe, Barbillon Claire (dir.), Dictionnaire critique des historiens de l’art actifs en France de la Révolution à la Première Guerre mondiale, https://www.inha.fr/fr/ressources/publications/publications-numeriques/dictionnaire-critique-des-historiens-de-l-art.html.

23 Voir Briend Christian, « Le conservateur », dans VFHFA, p. 99-109 ; Ducci Annamaria, « Focillon e il museo, nel contesto », dans Della Piana Elena, Failla Maria Beatrice, Varallo Franca (dir.), Musei in Europa negli anni tra le due guerre, op. cit.

24 Lettre à ses parents envoyée depuis Lyon, 6 août 1914, Paris, archives Focillon. Le terme « organisés » est souligné dans le manuscrit.

25 Focillon Henri, Hokousaï, Paris, Alcan, 1914 ; nouvelle édition Focillon Henri, Hokusai, Lyon, Fage éditions, 2005. Sur l’intérêt de Focillon pour l’art oriental, voir Fujihara Sadao, « Henri Focillon et le Japon », Histoire de l’art, no 47, 2000, p. 43-52 ; Fujihara Sadao, « L’Extrême-Orient d’Henri Focillon », dans VFHFA, p. 241-247 ; Bourleaud Céline, « Focillon et sa vision de l’art japonais », dans Wat Pierre (dir.), Henri Focillon, op. cit., p. 181-194.

26 Focillon Henri, L’art bouddhique, Paris, Laurens, 1921.

27 Focillon Henri, Giovanni-Battista Piranesi, 1720-1778, Paris, Laurens, 1918.

28 Focillon Henri, Technique et sentiment. Études sur l’art moderne, Paris, Laurens, 1919 ; Focillon Henri, Les pierres de France, Paris, Laurens, 1919 ; Focillon Henri, L’ile oubliée, Paris, Pichon, 1920 ; Focillon Henri, Raphaël, Paris, Éditions Nilsson, 1926.

29 Focillon Henri, « Esthétique des visionnaires », Journal de psychologie normale et pathologique, no 23, 1926, p. 275-289.

30 Maksymiuk Daniel H. A., « L’engagement politique au sein de l’Institut de coopération intellectuelle », dans VFHFA, p. 283-291. Sur l’IICI, voir Renoliet Jean-Jacques, L’UNESCO oubliée. La Société des Nations et la coopération intellectuelle, 1919-1946, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999 ; Leveau Pierre, L’institution de la conservation du patrimoine culturel dans l’entre-deux-guerres,Dijon, OCIM, 2017.

31 Voir Ducci Annamaria, « Europe and the artistic patrimony of the interwar period. The International institute for intellectual cooperation at the League of Nations », dans D’Auria Matthew, Hewitson Mark (dir.), Europe in Crisis. Intellectuals and the European Idea, 1917-1957, New York/Oxford, Berghahn Books, 2012, p. 227-242 ; Ducci Annamaria, « Le musée d’Art populaire contre le folklore. L’Institut international de coopération intellectuelle vers le congrès de Prague », Revue germanique internationale, no 21, 2015, p. 133-148.

32 Focillon Henri, La peinture au xixe siècle. Le retour à l’Antique. Le romantisme, Paris, Laurens, 1927 ; Focillon Henri, La peinture aux xixe et xxe siècles. Du réalisme à nos jours, Paris, Laurens, 1928 (nouvelle édition : Focillon Henri, La peinture au xixe siècle, préface de Henri Loyrette, 2 vol., Paris, Flammarion, 1991). Sur cet ouvrage, voir Vaisse Pierre, « L’art du xxe siècle d’Henri Focillon », dans VFHFA, p. 205-215 ; Lemoine Colin, « À propos de La peinture au xixe siècle : la “langue de l’espace” », dans VFHFA, p. 249-259.

33 Focillon Henri, Maîtres de l’estampe. Peintres-graveurs, Paris, Laurens, 1930.

34 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans. Recherches sur l’histoire des formes, Paris, Ernest Leroux, 1931. Dans cet ouvrage nous ferons référence à la réédition : Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans. Recherches sur l’histoire des formes, Paris, Presses universitaires de France, 1988.

35 Focillon Henri, Art d’Occident. Le Moyen Âge roman et gothique, Paris, Armand Colin, 1938 ; Focillon Henri, Peintures romanes des églises de France. Cent trente photographies de Pierre Devinoy, Paris, Hartmann, 1938.

36 Focillon Henri, « Les mouvements artistiques », dans Pirenne Henri, Cohen Gustave, Focillon Henri, La civilisation occidentale au Moyen Âge du xie au milieu du xve siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1934, p. 417-663.

37 Focillon Henri, Vie des formes, Paris, Leroux, 1934, nouvelle édition de 1939, suivie de l’Éloge de la main, Paris, Alcan, 1939. Dans cet ouvrage nous ferons référence à la réédition : Focillon Henri, Vie des formes, suivi de Éloge de la main, Paris, Presses universitaires de France, 1996.

38 Focillon Henri, Murray Gilbert, Strzygowski Josef, Tagore Rabindranath, Civilisations. Orient-Occident. Génie du Nord-Latinité. Lettres de Henri Focillon, Gilbert Murray, Josef Strzygowski, Rabindranath Tagore, Paris, Société des Nations/Institut international de coopération intellectuelle, 1935. Voir à ce propos Arrechea Miguel Julio, « Focillon y Strzygowski o la lejana raíz del arte occidental », Historia del arte, no 7, 1993, p. 559-605 ; Martin François-René, « Le problème des formes. Réminiscences politiques chez Henri Focillon », dans VFHFA, p. 111-121. Sur les différents aspects idéologiques chez Strzygowski, voir surtout Scholz Piotr O., Długosz Magdalena Anna (dir.), Von Biala nach Wien. Josef Strzygowski und die Kunstwissenschaften, Vienne, European University Press Verlagsgesellschaft, 2015.

39 Question posée et discutée notamment par Michaud Éric dans Les invasions barbares. Une généalogie de l’histoire de l’art, Paris, Gallimard, 2015, p. 138-140.

40 Focillon Henri, Murray Gilbert, Strzygowski Josef, Tagore Rabindranath, Civilisations. Orient-Occident, op. cit., p. 163.

41 Focillon Henri, « Germanisme et latinité », dans International Institute of Intellectual Co-operation, Entretiens sur Goethe à l’occasion du centenaire de sa mort, Paris, Société des Nations/Institut international de coopération intellectuelle, 1932, p. 183-188. Dans le même volume, Thomas Mann commentait ainsi : « M. Focillon a tout à fait raison lorsqu’il nous montre le danger qu’il y a à faire violence à la vie et à la réalité pour se laisser entraîner par une dialectique à la fois attrayante et stérile. Plutôt que de nous arrêter à ce qui peut nous diviser, cherchons à constituer une synthèse de ce qui nous est commun. Notre pensée à tous est purement occidentale, elle doit nous unir », ibid., p. 191-192.

42 Sa’adah Anne, Contemporary France. A Democratic Education, Lanham, Rowman and Littlefield, 2003 ; Hobsbawm Eric J., Nations and Nationalism since 1780. Programme, Myth, Reality, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, p. 145. Sur le nationalisme entre historiens de l’art de la Troisième République, voir Zerner Henri, « Histoire de l’art et idéologie politique chez Jules Renouvier et Louis Dimier », dans HHAF, p. 391-401.

43 Digeon Claude, La crise allemande de la pensée française (1871-1914), Paris, Presses universitaires de France, 1959 ; Martin François-René, « L’histoire de l’art des vaincus. L’Alsace et son art dans l’historiographie française entre 1870 et 1918 », dans HHAF, p. 361-377.

44 Focillon Henri, « L’art allemand depuis 1870 » [1915], dans Technique et sentiment, op. cit., p. 166-213.

45 « J’ai essayé de […] faire intervenir dans le débat Orient ou Rome la notion d’Occident, considéré non comme un terme extrême, mais bien comme un axe de la civilisation ». Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 4.

46 Voir notamment Focillon Henri, L’an mil, Paris, Denoël, 1984 [1952], p. 28. Sur la notion d’Occident chez Focillon voir Cahn Walter, « L’art français et l’art allemand dans la pensée de Focillon », dans RF, p. 27-51, et, dans le même ouvrage, Sauerländer Willibald, « En face des barbares et à l’écart des dévots, l’humanisme médiéval de Henri Focillon », p. 53-74 ; Perini Giovanna, « La ricezione di Focillon e dei suoi in America », dans FEI, p. 161-179 ; Passini Michela, La fabrique de l’art national. Le nationalisme et les origines de l’histoire de l’art en France et en Allemagne, 1870-1933, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2012, p. 237-243. Voir aussi les observations de Kerscher Gottfried, « Kommentar », dans Focillon Henri, Das Jahr Tausend. Grundzüge einer Kulturgeschichte des Mittelalters, édition de Gottfried Kerscher, Darmstadt, WBG, 2012, p. 9-121.

47 Focillon Henri, « Fonction universelle de la France », Revue de La France libre, no 11, 1945, p. 20-25 ; il s’agit de la transcription partielle d’un discours prononcé le 20 décembre 1940 au Carnegie Hall de New York, publié ensuite dans Focillon Henri, Témoignage pour la France, New York, Brentano’s, 1945, p. 43-63.

48 Voir Kubler George, « Arts at Yale University », dans Lukehart Peter M., Smyth Craig H. (dir.), The Early Years of Art History in the United States. Notes and Essays on Departments, Teaching, and Scholars, Princeton, Department of Art and Archaeology Princeton University, 1993, p. 69-71. Focillon est nommé First Research Fellow in Residence à Dumbarton Oaks pour l’année 1941. Pendant son mandat, il donne six conférences publiques sur le thème « L’histoire de l’art et la vie de l’esprit ». Carder James N., « Washington, D.C., Geneva, and the Second World War (1941-1949) », https://www.doaks.org/resources/bliss-tyler-correspondence/historical-introductions/washington-dc-geneva-and-the-second-world-war.

49 Sur cette thématique, il suffira de citer l’article pionnier de Panofsky Erwin, « Three decades of art history in the United States. Impressions of a Transplanted European », College Art Journal, no 14, 1954, p. 7-27, réédité ensuite dans Panofsky Erwin, Meaning in Visual Arts. Papers in and on Art History, New York, Anchor Books, 1955, p. 321-346. Cet essai ne figure pas dans l’édition française de Panofsky Erwin, L’œuvre d’art et ses significations. Essais sur les « arts visuels », Paris, Gallimard, 1969.

50 Lettre de Henri Focillon à Louis Réau, envoyée depuis Saint Louis (Missouri), le 6 avril 1940, Paris, bibliothèque de l’INHA, archives 004, fonds Louis Réau, série 1, dossier 1 : Correspondance 1908-1959. Sur cette inquiétude, voir aussi Focillon Henri, « Les États-Unis et l’Allemagne » [1940], dans Témoignage pour la France, op. cit., p. 24-32. Rappelons que dans les années vingt, Strzygowski a lui aussi été invité à plusieurs reprises à enseigner dans les college américains. Voir Wood Christopher S., « Strzygowski and Riegl in America », Journal of Art Historiography, no 17, 2017, https://arthistoriography.files.wordpress.com/2017/11/wood.pdf.

51 Schapiro Meyer, « Über den Schematismus in der romanischen Kunst », Kritische Berichte zur kunstgeschichtlichen Literatur, no 5, 1935, p. 1-21 ; édition consultée : Schapiro Meyer, « On Geometrical Schematism in Romanesque Art », dans Selected Papers, New York, George Braziller, 1977 [1947], p. 265-284.

52 Cahn Walter, « Schapiro and Focillon », Gesta, vol. 2, no 41, 2002, p. 129-136 ; voir aussi Martin François-René, « Le problème des terreurs de l’historien de l’art. Réminiscences politiques chez Henri Focillon », dans VFHFA, p. 111-121.

53 Dans l’un de ses derniers textes, Focillon décrivait ainsi l’ELHE : « Qu’est-ce que l’École des hautes études ? La première université de la France libre et avant tout un milieu français qui livre bataille à la servitude, à la fausse unité, à la monotonie intellectuelle », Focillon Henri, « Message », Renaissance [Revue de l’École libre des hautes études de New York], no 1, 1943, p. 15-17, repris dans Focillon Henri, Témoignage pour la France, op. cit., p. 131-135. Sur l’ELHE, voir Chaubet François, Loyer Emmanuelle, « L’École libre des hautes études : exil et résistance intellectuelle (1942-1946) », Revue historique, no 302, 2000, p. 939-972.

54 Focillon n’hésita jamais à s’engager pour aider des élèves et des connaissances juives, tel l’étudiant allemand Claude Schaefer. Voir AHF, p. 197.

55 Schandel Pascal, « L’expérience américaine, 1933-1943 », dans VFHFA, p. 167-178 ; Passini Michela, « Tra passione civile e arte medievale: Henri Focillon e la sua “France” », Intersezioni, no 25, 2005, p. 453-478.

56 Paris, archives du Collège de France, professeurs. Dossiers personnels – 1790-1957, 16 CDF 132 : « Focillon, Henri, Correspondance de 1941 » : 22 A.

57 Le Pogam Pierre-Yves, « Henri Focillon et l’histoire de l’art à l’École française de Rome : contrastes et convergences », dans FEI, p. 139-159. Sur la figure politique de Carcopino, voir Corcy-Debray Stéphanie, Jérôme Carcopino, un historien à Vichy, préface de Pascal Ory, Paris, L’Harmattan, 2001.

58 Paris, archives du Collège de France, professeurs. Dossiers personnels – 1790-1957, 16 CDF 132 : « Focillon, Henri, Correspondance de 1941 » : 26 A. L’épisode souleva toutefois une énorme indignation, comme en témoignent les paroles d’André Mayer, vice-président du Collège de France, prononcées lors du Memorial Meeting pour Henri Focillon au Metropolitan Museum de New York le 3 mai 1943, soit deux mois après la disparition de l’historien (Mayer André, « Hommage à Henri Focillon », dans Focillon Henri, Témoignage pour la France, op. cit., p. 207-212). Après la Libération, l’Assemblée des professeurs du Collège de France envoie une lettre au ministère de l’Éducation nationale, le 14 septembre 1944, affirmant : « Le décret du 18 novembre 1939 (Journal officiel du 19 novembre 1939), visé par l’arrêté du 16 juillet 1942 qui a frappé M. Focillon, ne pouvait pas s’appliquer à son cas. Il y a eu un abus de texte. M. Focillon est décédé aux États-Unis en mars 1943. Pour cette raison, l’Assemblée prend sur elle de signaler à M. le Ministre de l’Éducation nationale la mesure illégale dont il a été frappé et de lui demander l’abrogation spéciale de l’arrêté du 16 juillet 1942 susvisé. Signé : Edmond Faral », Paris, archives du Collège de France, professeurs. Dossiers personnels – 1790-1957, 16 CDF 132 : « Focillon, Henri, Correspondance de 1943, 1944, 1967 » : 31.

59 Maritain Jacques, « Henri Focillon. In memoriam », Renaissance, no 1, 1943, p. 5-6. Voir aussi Labarthe André, « Henri Focillon », La France libre, 16 mars 1943, p. 321-322.

60 Guéhenno Jean, « Sur la mort d’Henri Focillon », Le Figaro, 23 décembre 1944, p. 3.

61 Une sélection de la plus ancienne bibliographie critique se trouve dans VFHFA, p. 301-303. Voir notamment les nécrologies recueillies dans le volume monographique Gazette des beaux-arts, no 26, 1944 (ce volume, dirigé par Georges Wildenstein, ne parut qu’en 1947).

62 Reese Thomas F., « Editor’s introduction », dans Kubler George, Studies in Ancient American and European Art. The Collected Essays of George Kubler, New Haven/Londres, Yale University Press, 1985, p. xvii-xxxvi ; Ducci Annamaria, « “Layer-cake history”. Kubler and Focillon at Yale, January 1940 (starting from some manuscript notes) », dans Maupeu Sarah, Schankweiler Kerstin, Stallschus Stephanie (dir.), Im Maschenwerk der Kunstgeschichte. Eine Revision von George Kublers The Shape of Time”, Berlin, Kulturverlag Kadmos, 2014, p. 71-91. Voir aujourd’hui Kerscher Gottfried, « Henri Focillon’s “The Life of Forms, forms in the realm of time”, and George Kubler’s The Shape of Time », dans Zimmermann Michael F., Vision in Motion. Streams of Sensation and Configurations of Time, Zurich/Berlin, Diaphanes, 2016, p. 591-611 et dans le même ouvrage Zerner Henri, « Kubler and Focillon: a history of things as a response to the Life of Forms », p. 631-636.

63 Worobiow Nikolaj, « Zur Neubegründung des Formalismus », Kritische Berichte zur kunstgeschichtlichen Literatur, no 4, 1935, p. 40-65. De vives critiques vis-à-vis d’un idéalisme présumé de Vie des formes furent émises à peine un an après la disparition de Focillon par Middeldorf Ulrich, A Short Critique of Art Criticism, an Essay on Method, (1944), publié ensuite dans Studies in Iconography, no 6, 1980, p. 137-165.

64 Francastel Pierre, L’humanisme roman. Critique des théories sur l’art du xie siècle en France, Rodez, Carrère, 1942, p. 43.

65 Focillon Henri, L’art des sculpteurs romans, op. cit., p. 2.

66 Voir Branland Marine, « Pierre Francastel : l’art contemporain, l’humanisme et la guerre », dans Dufrêne Thierry (dir.), Pierre Francastel, l’hypothèse même de l’art, Paris, INHA, 2010, p. 88-93.

67 Nous adhérons en cela à la vision de Nayrolles Jean, L’invention de l’art roman à l’époque moderne (xviiie-xixe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 270. Les idées qui concluent L’humanisme roman apparaissent aujourd’hui extraordinairement proches de certains passages de L’an mil, livre de Focillon qui doit beaucoup à l’historiographie de Henri Pirenne, mais aussi à celle de Marc Bloch.

68 Francastel Pierre, La réalité figurative, Paris, Gonthier, 1965, p. 12. Voir aussi les appréciations sur Focillon et la valeur structurante de la technique, dans Francastel Pierre, Études de sociologie de l’art, Paris, Denoël-Gonthier, 1970, p. 18.

69 Voir Recht Roland, « L’image et le mot. André Chastel, historien de l’art », Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, no 4, 2012.

70 Panofsky Erwin, « L’histoire de l’art et les disciplines “humanistes” », L’information d’histoire de l’art, no 3, 1958, p. 17-24, p. 49-55 (traduction de Chastel). Nous trouvons confirmation du rôle de passeur qu’eut Louis Grodecki dans le témoignage de Pierre Bourdieu, chargé de l’édition de Panofsky Erwin, Architecture gothique et pensée scolastique, précédé de L’abbé Suger de Saint-Denis, traduction et postface de Pierre Bourdieu, Paris, Minuit, 1967. Voir Timbert Arnaud (dir.), Louis Grodecki. Une vie en toutes lettres. Correspondance générale, 1933-1982, Paris, INHA, 2020, p. 1067.

71 Lettre à Gustave Cohen, de Paris, 17 janvier 1935, Paris, Archives nationales, 59/AP/7. On retrouvera des considérations analogues sur la distinction entre esthétique et histoire de l’art, dans Focillon Henri, « La culture esthétique », dans Berger Gaston, Febvre Lucien (dir.), Encyclopédie française, t. 15, Paris, Société de gestion de l’Encyclopédie française, 1939, p. 15’36’9-15’38’2.

72 Rapporté par Taylor Francis Henry, « Henri Focillon, an Appreciation », Gazette des beaux-arts, no 26, 1944, p. 9-10.

73 Focillon Henri, « L’histoire de l’art », dans Aron Raymond, Demangeon Albert, Focillon Henri et al., Les sciences sociales en France. Enseignement et recherche, Paris, Hartmann, 1937, p. 163-183.

74 Lettre de Henri Focillon à George Oprescu, 4 mars 1936, Revue roumaine d’histoire de l’art, no 29, édition de Ionesco Radu, 1992, p. 98 (Focillon souligne).

75 Cet ouvrage nous est parvenu en quatre versions distinctes, rassemblées par Focillon sous le titre général Connaissance du passé. Ébauche de 1936. Conférence de 1937. Ébauche de 1938. Ébauche de 1940. Seules les versions de 1937 sont intitulées Forme du temps, Paris, archives Focillon ; voir AHF, p. 67. Pour un premier aperçu de cet inédit, voir Ducci Annamaria, « Grand Canyon. Ancora su Henri Focillon e la storia (a partire da alcuni appunti inediti) », dans Cioffi Rosanna, Scognamiglio Ornella (dir.), Mosaico. Temi e metodi d’arte e critica per Gianni Carlo Sciolla, vol. 2, Naples, Luciano, 2012, p. 551-560.

76 Kracauer Siegfried, L’histoire des avant-dernières choses, édition de Nia Perivolaropoulou, Philippe Despoix, Paris, Stock, 2006 [1969], p. 217. Sur l’avis de Kracauer, voir Ducci Annamaria, « “To spatialize time is a faculty shared by snails and by historians”: George Kubler and Henri Focillon », Art History Supplement, no 2, 2012, p. 9-33, https://archive.org/details/808359-art-history-supplement-2-1-jan-2012/page/n7/mode/2up.

77 En ce qui concerne Kubler, nous renvoyons principalement au livre de 1973, Kubler George, Formes du temps. Remarques sur l’histoire des choses, Paris, Champ libre, 1973. Pour Chastel, voir par exemple Chastel André, « Piero della Francesca et la pensée d’Henri Focillon », Critique, no 59, 1952, p. 320-330.

78 Wood Christopher, « Art history’s normative Renaissance », dans Grieco Allen J., Rocke Michael, Gioffredi Superbi Fiorella (dir.), The Italian Renaissance in the Twentieth Century, Florence, Olschki, 2002, p. 65-92 ; Didi-Huberman Georges, « History and image: has the “epistemological transformation” taken place? », dans Zimmermann Michael F. (dir.), The Art Historian. National Traditions and Institutional Practices, New Haven/Londres, Yale University Press, 2003, p. 128-143.

79 Voir le numéro spécial de la Revue de l’art (vol. 4, no 146, 2004).

80 Focillon Henri, « L’histoire de l’art et la vie de l’esprit » [1941], dans RF, p. 171-183.

81 Junod Philippe, « Critique, science et histoire de l’art : questions de terminologie », Zeitschrift für schweizerische Archäologie und Kunstgeschichte – Revue suisse d’art et d’archéologie, no 39, 1982, p. 96-98.

82 Recht Roland, « Du style en général et du Moyen Âge en particulier », Wiener Jahrbuch für Kunstgeschichte, vol. 2, no 46-47, 1993-1994, p. 577-593.

83 Vaisse Pierre, « Les mots, dangereux et nécessaires », dans Metayer Myriam, Sotropa Adriana (dir.), Le récit de l’histoire de l’art. Mots et rhétoriques d’une discipline, Le Kremlin-Bicêtre, Éditions Esthétiques du divers, 2017, p. 25-39.

84 L’Art d’Occident, livre assorti d’une bibliographie raisonnée extrêmement riche, fait exception. Il est très difficile de reconstruire l’apparat bibliographique de Focillon, notamment parce que sa bibliothèque dans la maison de campagne à Maranville (Haute-Marne) a été dévastée pendant la guerre. Voir la lettre de Marguerite Castell (épouse de Focillon) à René-Jean, datée du 23 avril 1950 : « essayant de mettre ordre dans sa bibliothèque bouleversée par les Allemands », Paris, bibliothèque de l’INHA, autographes 186-196 : correspondance René-Jean, dossier 190, 16 – Henri Focillon.

85 Dans une lettre à sa future épouse, citée dans AHF, p. 227. Pour une esquisse autobiographique de Focillon, se reporter à Focillon Henri, « Ma perspective intérieure », Art et décoration, no 45, 1936, p. 1, repris dans Focillon Henri, Moyen Âge. Survivances et réveils, New York, Brentano’s, 1943, p. 7-9.


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