Le statut des personnels de la religion bouddhique
p. 107-110
Texte intégral
1Le bouddhisme s’est implanté en France depuis le milieu des années 1960. Deux phénomènes en sont à l’origine :
2– l’arrivée de maîtres bouddhistes de tradition tibétaine, zen et vietnamienne venus enseigner la méditation et les bases de l’enseignement du Bouddha ;
3– les forts courants migratoires dus aux guerres et conflits en Asie du sud-est qui ont touché des pays comme le Vietnam, le Laos et le Cambodge ainsi que des régions comme le Tibet.
4Des centaines de milliers de migrants sont ainsi arrivés en France au cours de la décennie 1970-80. Ces communautés sont, bien sûr, venues avec leurs traditions, leur culture et leur religion. Une communauté monastique les a accompagnés et a très vite reconstitué des lieux de cultes improvisés : appartements, caves, dépôts.
5Parallèlement, le vif intérêt des Français pour le bouddhisme a suscité de très nombreuses vocations monastiques et les années 70 et 80 ont vu des dizaines de « français d’origine » prendre les vœux de moines, moniales et de lamas. Des dizaines, voire des centaines de lieux de pratiques du bouddhisme sont apparus, d’abord dans les grandes villes puis ensuite dans les moyennes. Les décennies qui ont suivi n’ont pas démenti cet engouement et les lieux de pratiques se comptent aujourd’hui par milliers.
6Le bouddhisme en France a ainsi un caractère unique : celui de la diversité des traditions. La très grande majorité des traditions et des écoles bouddhistes sont présentes en France et cohabitent parfois à quelques centaines de mètres de distance. La région parisienne accueille ainsi la quasi-totalité des courants et ceux-ci sont représentés par l’Union bouddhiste de France (UBF) auprès des ministères, des administrations, des médias, des autres religions et bien sûr du grand public.
7La vocation de l’UBF n’est pas d’harmoniser ou d’unifier ces traditions entre elles mais simplement de représenter cette « mosaïque » diverse tant dans la culture que dans l’expression religieuse.
8Ainsi, la question des ministres du culte ne peut être étudiée de manière générale mais uniquement tradition par tradition, école par école. Par ailleurs, le bouddhisme s’est déjà acculturé avec la société française et les enseignants d’origine français. C’est pourquoi l’expression même de « ministre du culte » ne correspond pas vraiment avec la réalité du terrain et est à prendre avec beaucoup de précaution. Rien de comparable entre un moine zen, responsable d’un dojo et un prêtre catholique responsable d’une paroisse.
9Le mieux est donc de donner quelques éclairages selon les grandes traditions.
I. Theravada, le bouddhisme dit « ancien »
10Le Theravada est dit « ancien » car il est originaire des premiers pays historiquement bouddhistes comme la Thaïlande, le Sri Lanka, le Laos, le Cambodge, la Birmanie.
11Les règles éthiques de la communauté monastique appelés Vinaya comprennent les textes relatifs aux préceptes des moines et des nonnes1. Ils constituent la référence au statut de religieux. Ces règles sont très nombreuses et concernent autant les grandes règles éthiques (ne pas tuer, voler, mentir, etc.) que les règles de comportement dans la vie quotidienne, ainsi que les manières convenables. Tout est extrêmement précis et contraignant et il est dit en Thaïlande qu’il vaut mieux réfléchir à deux fois avant d’adopter ces préceptes car ils sont beaucoup plus sévères que les règles militaires.
12Dans le Theravada, la formation peut commencer très jeune, encore enfant, et se poursuivre pendant des décennies. L’engagement de moine ou de nonne ne se prend qu’à la majorité légale après une demande très formelle au plus haut niveau de l’autorité monacale. Un moine ne répond plus aux lois du pays mais est responsable de ses actes devant la Sangha, la communauté religieuse. Si ses actes sont contraires aux préceptes, il peut être excommunié et doit répondre alors devant la justice.
13Les différentes nominations suivent un long processus d’évolution. La cessation de fonction se fait soit par décision personnelle soit sous forme de révocation pour faute grave, après convocation devant une commission disciplinaire.
14La fonction d’un religieux consiste à assumer toutes les activités d’un moine au sein de la communauté des fidèles de la pagode : soins des personnes, des bâtiments, du culte, des enseignements mais également, par sa simple présence attentive, il inspire sa communauté par l’exemplarité de ses actions et de son comportement. Le bonze est un exemple vivant, il fait ce qu’un laïc ne peut pas faire en raison de ses charges familiales et sociales. En contrepartie le bonze est pris en charge pour ses besoins vitaux par la communauté laïque : nourriture, hébergement, médicaments et soins.
15Un bonze ne perçoit pas de rémunération. Il est totalement pris en charge par sa communauté.
II. Traditions tibétaines et vietnamiennes
16Les traditions tibétaines suivent globalement les mêmes règles que le Theravada. En France il n’y a pas de « ministre du culte » rémunéré. Quelques personnes sont salariées mais en raison de leur statut de directeurs, c’est-à-dire de personnels administratifs, secrétaires ou encore comptables. Les communautés vietnamiennes sont organisées comme les tibétaines en l’absence de ministres du culte rémunérés. Là aussi, c’est la communauté laïque qui prend en charge les besoins de la communauté monastique.
III. Traditions zen
17Il n’existe pas de « ministres du culte » rémunérés dans le cadre de la tradition zen où seuls quelques personnels administratifs sont salariés. Les moines ou nonnes responsables de l’enseignement et du culte dans un dojo ou dans un monastère Zen Soto ont parallèlement une activité professionnelle ou sont à la retraite. Les règles concernant les préceptes et les règles de vie sont sensiblement différentes à celles énoncées dans les traditions ci-dessus. Ainsi un moine ou une nonne zen peut se marier et avoir une famille. Il peut exercer une activité sociale et professionnelle. En ce qui concerne les nominations, certifications et révocations, les règles sont extrêmement précises. Les moines suivent une formation longue et exigeante. Ces règles suivent la tradition Zen Soto japonaise qui est représentée en Europe par le bureau de la Shumucho à Paris. Toute ordination ou titre hiérarchique est enregistré officiellement et fait l’objet de contrôle et d’approbation de la part de l’autorité religieuse.
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19Cette contribution est extrêmement sommaire et ne fait que refléter quelques grandes lignes de ce sujet complexe. Les traditions bouddhistes sus nommées sont très « chargées » sur le plan culturel et se sont adaptées aux lois des pays dans lesquelles elles se sont implantées au fil des siècles. C’est ce qui est en train de se passer en France depuis une cinquantaine d’années où le bénévolat est omniprésent dans toutes les traditions.
20De plus, dans chaque tradition, des années voire des décennies ont été nécessaires aux pratiquants européens avant de bien comprendre toutes les subtilités propres à ces institutions religieuses. En tant qu’occidentaux, nous avons souvent tendance à vouloir simplifier ou comparer avec nos traditions religieuses, or ce n’est pas la bonne approche et cela peut parfois créer d’importants malentendus, tout particulièrement au niveau du vocabulaire utilisé.
Notes de bas de page
1 The Book of Discipline (Vinaya-Pitika), Londres, The Pali Text Society et Luzac & Company, vol. 1, 1949.
Auteur
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Olivier Reigen Wang-Genh
Président de l’UBF
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