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Les Français de Philippe V

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Catherine Désos

Chapitre 6. L’activité réformatrice de l’entourage du roi : l’implantation d’un modèle louis quatorzien en Espagne ?

Texte intégral

1Le règne du premier Bourbon d’Espagne, surtout en sa première moitié, est marqué par des réformes novatrices dont les développements se suivent jusqu’à la fin du xviiie siècle. Les historiens voient à juste titre, dans l’influence française de cette période, le moteur principal des réformes mises en œuvre. Mais, les Français avaient-ils réellement le souhait d’adapter un modèle d’État de type louis-quatorzien en Espagne ? La correspondance des uns et des autres montre bien que certains Français se montraient plus interventionnistes que d’autres. De même, si tous agissaient dans le dessein officiel de relever l’Espagne, afin qu'elle assume sa part dans le financement de la guerre, certains avaient des vues bien moins désintéressées, notamment sur le commerce des Indes espagnoles.

2Qu’en est-il de la part réelle prise par le pouvoir de Versailles dans cette ingérence française ? On constate une certaine indépendance des Français par rapport à leurs instructions, ce qui mène parfois à de réels affrontements épistolaires entre les deux cours. Il convient de bien distinguer les ordres émis par Versailles de la mise en pratique sur le terrain.

3Peu nombreux, les Français ont agi avec ardeur dans tous les domaines fondamentaux qui avaient échappé progressivement à l’autorité royale, et qu’il convenait de lui rendre au sein des organes d’État, dont la réforme pouvait seule permettre celle des finances, de l’armée et du commerce. La tâche ainsi assignée était ardue. Les oppositions de personnes ou les contretemps dus aux conjonctures étaient multiples. Mais tant que l’influence française réussit à se maintenir, la politique suivit une ligne modernisatrice.

1. La réforme des organes de gouvernement : restaurer l’autorité royale

  • 1 T. Nava Rodriguez et G. Franco Rubio, « Vénalité et futuras dans l’administration espagnole au xvii (...)

4Le pays que découvre le jeune roi est tiraillé entre deux pôles : un pouvoir local régi par une oligarchie municipale largement autonome, et un pouvoir central, où règne un souverain en principe absolu mais qui, en réalité, définit sa politique, notamment extérieure et fiscale, par consensus avec ce pouvoir local. L’action du souverain, entravée par ce premier obstacle, en rencontre deux autres : la diversité des provinces qui oppose la Castille aux territoires « foraux » que sont l’Aragon, Valence et la Catalogne, et le noyautage de l’administration royale et des Conseils par ces oligarchies locales, paralysant toute mesure novatrice pouvant conduire à une restriction de leur autonomie1.

5Tout cela est vite compris des Français présents à Madrid. La première étape pour accroître l’indépendance du monarque consiste donc à le libérer de la tutelle des Conseils. Cette entreprise, délicate car elle touche les Espagnols à un point sensible, aurait dû être menée de façon drastique dès les deux ou trois premières années du règne. Au lieu de quoi, les hésitations, notamment – ce qui n’est pas le moindre des paradoxes – de la part de la cour de Versailles, mais aussi celles de l’ambassadeur de France à Madrid, bloquèrent plusieurs fois le processus. Les Français restent donc divisés sur cette question jusqu’en 1705, date à laquelle Amelot reprend le projet, devenant ainsi l’un des principaux initiateurs de la politique de Nueva Planta.

Les prémices de la réforme (1703-1705)

Les projets d’Orry et la recherche de l’efficacité

  • 2 AECP, Esp., 119, fol. 196 v°.

6Depuis son arrivée à Madrid en août 1701, Jean Orry s’était familiarisé avec le système administratif de la monarchie catholique. Les Conseils, dont le mode de fonctionnement par consultes paralyse les initiatives, sont les premiers visés dans ses plans de 1702. Leur influence, caractérisée par le fait que toutes les charges sont remplies ou vendues à leur gré, sans aucun ordre du roi et à son détriment, est remise en cause dans le projet d’Orry, qui souhaite introduire un personnel sûr et dévoué en leur sein, augmentant ainsi les officiers pour ensuite en retirer ceux dont on ne serait pas content2.

  • 3 Ibid., fol. 197 v°.
  • 4 Les maîtres des requêtes sont des magistrats qui assistent le roi dans l’exercice de la justice. Au(...)
  • 5 AECP, Esp., 119, fol. 209.
  • 6 Ibid., fol. 211.
  • 7 Dès 1702, Louville suggérait d’établir des intendants en Sicile et à Naples en modifiant les pouvoi (...)
  • 8 AECP, Esp., 119, fol. 213 r°-v°.

7Pour réduire l’importance politique des différents Conseils, Orry préconise la création d’un Conseil Royal, inspiré du Conseil d’En-Haut de la monarchie française, et constitué de très peu de membres (cinq en tout), choisis personnellement par le roi et dont la compétence s’étendrait à toutes les affaires en décidant souverainement, notamment sur les dossiers de la Guerre, au dépens du Conseil du même nom3. Placé entre le Conseil d’État et le despacho, le Conseil Royal constitue donc un nouvel organe de gouvernement. Le Conseil d’État, quant à lui, se trouvait profondément remanié de manière, surtout, à en évincer les Grands au profit d’une petite noblesse plus « apte aux affaires ». Innovation intéressante, Orry envisage aussi l’établissement de trente-six maîtres des requêtes (équivalents des oidores espagnols selon Orry)4, rapporteurs des procès portés au Conseil d’État, afin qu’ils deviennent ensuite « comme en France, l’école des Intendants de province5 ». Au sein du Conseil de Castille, du Conseil des Finances ou du Conseil des Indes, il souhaite renouveler le personnel, afin de « noyer les mauvais avec les bons6 ». Enfin, il envisage comme relais de cette nouvelle politique, non pas les corregidores, déjà présents sur le territoire de Castille et soumis au Conseil du même nom, mais l’implantation d’un gouverneur et d’un intendant7 dans chaque province, (Orry en compte 17 en Castille), directement subordonnés au Conseil Royal. Ainsi établis « sous les mêmes règles [qu’]en France [...], le Conseil Royal agira souverainement et les Conseils particuliers n’auront plus d’autorité8 ».

8Ce plan resta en partie à l’état de projet, du fait d’une conjoncture difficile, mais il illustre la volonté de transformer de façon radicale les institutions sur un modèle français.

  • 9 SHD, A1 1695, no 36, mars 1703, Mémoire sur le Despacho.
  • 10 Il était le beau-frère du prince de Tserclaes. Il semblerait que ses débuts laborieux en politique (...)
  • 11 SHD, A1 1696, no 49, Orry à Chamillart, 22 septembre 1703.

9Ne pouvant créer de suite un Conseil Royal, Orry songe alors à renforcer le despacho déjà existant « de manière qu’il puisse instruire et conduire toutes les affaires par luy même9 ». En septembre, le financier français est parvenu à faire diviser en deux la charge du secrétaire du despacho universal. Le marquis de Rivas conserva l’ensemble des affaires à l’exception de celles de la guerre, confiées au marquis de Canales10, un proche d’Orry, qui pouvait agir à travers lui. Il convenait en effet d’activer les dossiers de ce département, ce à quoi le financier français s’employait. Chaque soir, Philippe V conférait sur ces thèmes avec lui, afin de préparer la séance de despacho du lendemain. Le financier se défendait de vouloir s’impliquer personnellement dans le gouvernement, mais il s’y trouvait obligé par la confiance du roi11.

10Politiquement, Orry sent le mécontentement des Grands qui acceptent mal que le roi traite avec deux simples secrétaires dont ils savent pertinemment qu’ils constituent la façade de l’influence française. Le financier a donc l’idée de composer une junte avec quatre ou cinq Grands d’Espagne qui seraient un peu comme les conseillers ordinaires du Conseil Royal qu’il souhaitait créer. Ils se sentiraient ainsi associés au pouvoir.

11En moins d’une année, l’activité d’Orry, quoique contrariée, a eu des résultats tangibles. Le despacho est devenu le cœur du pouvoir d’où partent les ordres et les règlements, tandis que les Conseils commencent à être un peu marginalisés, en particulier le Conseil d’État, qui, à cette date, se met à décliner, et le Conseil de Guerre. De plus, un secrétaire pour les affaires de l’armée a été nommé. Cela constitue les prémices d’un ministère, gage du bon fonctionnement de ce département. L’année 1704 reste, cependant, dans l’histoire de la cour madrilène, une année gâchée pour les réformes. Tout ce qui a été entrepris laborieusement est arrêté et même défait, à cause du manque de cohésion des Français de Madrid, mais aussi du fait des hésitations de Versailles.

Les atermoiements de Versailles

  • 12 AECP, Esp., 110, fol. 355, Louis XIV au cardinal d’Estrées, 4 décembre 1702.
  • 13 AECP, Esp., 120, fol. 173, Torcy à Orry, 23 octobre 1703.
  • 14 SHD, A1 1695, no 62, 23 mars 1703 ; AECP, Esp., 146, fol. 292.
  • 15 SHD, A1 1695, no 78, 81 et 82, 11 et 14 avril 1703, Orry à Chamillart ; AECP, Esp., 119, fol. 296, (...)
  • 16 AECP, Esp., 124, fol. 72, Louis XIV au cardinal d’Estrées, Marly, 23 juin 1703.
  • 17 Millot, II, 219, Madame des Ursins à Torcy, 3 juin 1703 ; ibid., p. 220, Philippe V à Louis XIV, 14 (...)

12En décembre 1702, Louis XIV recommandait les projets d’Orry au cardinal d’Estrées, exprimant cependant la crainte de voir appliquer sans discernement des principes trop français en Espagne12. En septembre 1703, Torcy félicitait Orry d’avoir « nettoyé le despacho du roi d’Espagne de beaucoup d’affaires inutiles13 ». Ce dernier pouvait donc légitimement, se sentir cautionné par le pouvoir royal. Cependant, à Madrid, les Estrées prennent connaissances de ces plans et s’en disent effrayés. Leur crainte est que cela soit trop radical pour les Espagnols. Déjà, Chamillart est gagné par cette réserve et assure à l’ambassadeur de France qu’il pense, lui aussi, qu’il est bien difficile de « changer tout d’un coup la forme du gouvernement d’une monarchie14 ». Orry doit donc justifier ses projets dans une junte, ce dont il se plaint, car la réussite de ces plans résidait dans le secret qui les entourait15. En juin, il fait un court voyage à Versailles afin de les exposer à nouveau. Louis XIV doit reconnaître que le financier est très instruit des détails des affaires d’Espagne16 et l’assure à nouveau de son soutien. Depuis Madrid, Madame des Ursins le réclame et Philippe V écrit à son grand-père : « Je trouve en Orry un homme à mon gré17... ».

  • 18 Ibid., p. 117.
  • 19 Les Instructions de Gramont lui en faisaient un ordre, RIA, II, Esp., p. 102 et 122 ; Gramont annon (...)

13Cependant, les cabales des années 1703-1704 discréditent, une fois de plus, l’activité d’Orry. À nouveau, Versailles abandonne le financier auquel il est reproché d’avoir usé de son influence à mauvais escient et de s’être rendu odieux aux Espagnols par ses allures de premier ministre sans le titre. De plus, Versailles, travaillé par les récriminations de quelques Grands d’Espagne, semble regretter que Philippe V ne prenne plus l’avis des différents tribunaux du pays18. Sous cette pression, et à contre-cœur, le Roi Catholique doit reculer sur certaines réformes, rendant notamment à Rivas l’ensemble de ses fonctions, en août 170419. Il est aussi obligé d’accepter le rappel d’Orry puis celui de Madame des Ursins en France. Il est étonnant de voir combien Versailles s’est montré aveugle. Seul, le désir de ménager les sentiments des Grands d’Espagne peut expliquer ces tergiversations qui devaient entraîner plusieurs mois d’incertitude.

  • 20 AECP, Esp., 141, fol. 248, Gramont à Louis XIV, 29 juillet 1704.
  • 21 SHD, A1 1786, no 278, Gramont à Chamillart, 2 novembre 1704. Orry lui envoie de Paris ses mémoires (...)
  • 22 AECP, Esp, 142, 133 bis, Torcy à Gramont, 28 septembre 1704.
  • 23 AECP, Esp., 152, fol. 44. De son nom complet Pedro Cayetano Fernández del Campo Angulo y Velasco. T (...)
  • 24 SHD, A1 1884, no 56.

14Le nouvel ambassadeur, Gramont, ne se montre pas à la hauteur de sa tâche. Quand Philippe V lui demande en juillet 1704 de composer son despacho, l’ambassadeur est très embarrassé car il ne connaît guère les candidats20. Il n’a en main aucun état de la situation et demande à Chamillart de lui transmettre les dossiers d’Orry ; en novembre, il juge que ceux-ci sont fondés sur « de bons principes » et veut s’en inspirer, estimant qu’il saurait bien mieux les mettre en pratique21 ! Versailles, de son côté, commence à nouveau à s’inquiéter du désordre où se trouvent les affaires de Madrid22. Gramont, puis le maréchal de Tessé, sont obligés de reconnaître l’inutilité de Rivas dans les affaires de la guerre. Philippe, qui ne le maintenait que par la protection de la France, le remplace en janvier 1705 par le marquis de Mejorada23, tandis que Tessé aspire à nouveau au dédoublement de la charge pour les affaires de la guerre24.

  • 25 AECP, Esp., 150, fol. 119-123 v°, Mémoire de Madame des Ursins, (mars 1705). Ce mémoire revu par Or (...)
  • 26 SHD, A1 1884, no 126, Mémoire d’Orry sur les affaires d’Espagne, 20 mars 1705.

15C’est le moment choisi par Versailles pour renvoyer à Madrid Orry et Madame des Ursins, ainsi qu’un nouvel ambassadeur, le marquis d’Amelot. La Princesse revient avec un nouveau projet de despacho qui a été mûrement réfléchi avec Orry25 et qu'elle entend bien faire appliquer. Celui-ci craint le nouveau contexte qu’il trouvera à Madrid où « les chemins qu’on avait ouverts se trouveront peut-être fermés et impraticables26 ».

  • 27 SHD, A1 1884, no 126, fol. 6, organisation des jours de despacho.

16Pour calmer les esprits, ils proposent que le roi appelle dans son despacho les Présidents ou chefs de chaque Conseil à des jours fixes27. L’ambassadeur de France sera, quant à lui, présent à toutes les séances.

17Cette organisation permet, d’une part, que le roi ne soit pas seul pour tenir son despacho. (Ainsi il n’apparaît pas livré à un secrétaire et, en même temps, il ne s’expose pas personnellement en cas de décision impopulaire). D’autre part, cela permet de contenter les Grands et les Conseils, qui n’auront pas l’impression d’être gouvernés « par une espèce de tribunal composé de personnes qui rabaissent leur autorité et leur prééminence », tout en activant le train des affaires et en donnant des responsabilités aux conseillers.

18Enfin, Orry signale qu’un seul secrétaire ne suffirait pas à la tâche et qu’il en faudrait deux : l’un chargé de la guerre, des finances, du Conseil de Castille et de celui des Indes ; l’autre des affaires d’État, d’Aragon, d’Italie, des Ordres et de la Croisade.

19Ces plans sur le papier seront, une fois de plus, soumis aux aléas de la conjoncture madrilène. Néanmoins, ils forment désormais le fonds commun des Français présents auprès de Philippe V.

Les années Amelot (1705-1709)

Des réformes ponctuelles

  • 28 Bossange, III, 334, Burgos, 19 août 1706.
  • 29 SHD, A1 1888, no 208-210, Tessé à Chamillart, 8 décembre 1705.
  • 30 AN, B7 235, fol. 328, A. Daubenton à Pontchartrain, 21 juin 1705.

20Le noyau français se resserre autour de la Princesse des Ursins et d’Amelot qui forment un couple efficace, qui, à eux deux, « n’oublieront rien pour rendre le Roi Catholique absolu28 ». Quant à Orry, il apparaît comme « la cheville ouvrière de l’édifice29 ». De son côté, Tessé est gagné à la politique qui vise à moderniser la gestion des affaires de la guerre. Enfin, le nouveau père confesseur en place en juin 1705, le P. Robinet, est un soutien énergique à l’action de l’ambassadeur. Tous ceux-là sont liés au commis de la marine, Ambroise Daubenton, qui s’est mis aux ordres d’Amelot dès son arrivée à Madrid30.

21Durant les premiers mois de la nouvelle ambassade, les seuls changements perceptibles sont des nominations visant à entourer le roi d’un personnel favorable aux réformes.

  • 31 C. de CASTRO, loc. cit., p. 198-199 et Μ. V. Lopez Cordon, loc. cit., 105-106.
  • 32 Sur ce nouveau service administratif, G. A Franco Rubio, « La Secretaría de Estado del Despacho de (...)
  • 33 ANM, Estado, leg. 4833.
  • 34 AECP, Esp., 147, fol. 224, Amelot à Louis XIV, 8 juillet 1705.

22Amelot choisit avec soin un nouveau secrétaire de la guerre. C’est un simple commis, José Grimaldo y Gutiérrez de Solórzano31, qui est nommé, par décret du 11 juillet 1705, à ce poste et qui obtient un titre de marquis, l’élevant ainsi au-dessus de sa condition sociale32. On crée aussi un directeur général des affaires de la guerre en la personne du marquis de Canales ; il sera remplacé, en septembre 1706, par le duc de Saint-Jean. Tout cela, ainsi que le stipule le décret, doit permettre de retirer ces dossiers de la connaissance des Conseils de Castille et de la Guerre pour les mettre sous la seule dépendance du roi33. Le comte de Monterrey démissionne du despacho suite à ces changements34.

  • 35 AN, B7 236, fol. 342 v°, A. Daubenton à Pontchartrain, 26 août 1705. Amelot le décrit comme un « ho (...)
  • 36 AECP, Esp., 148, fol. 159, Amelot à Louis XIV, 16 septembre 1705. Montalto se serait montré méconte (...)
  • 37 AECP, Esp., 155, fol. 221, plainte de Louis XIV sur ce changement, à Amelot, 20 janvier 1706.

23Mejorada est conservé car, d’un commun accord, les Français le trouvent « maniable ». Le duc d’Atrisco est nommé à la tête du Conseil des Indes, le 26 août, à la place d’Uceda absent. Extrêmement francophile, il ne gêne en rien les projets français en ce domaine35. Le comte d’Aguilar occupe la présidence du Conseil d’Aragon, en septembre 1705, en lieu et place de Montalto qui, en désaccord avec la politique menée, a démissionné du despacho peu avant36. En janvier 1706, Orry fait placer à la tête du Conseil de Hacienda, Lorenzo Armengual, évêque de Gironda, à la place de Francesco Miguel Guerra, pourtant soutenu par la France. Mais Amelot cautionne lui aussi ce changement37.

  • 38 Cela est approuvé par Louis XIV, AECP, Esp., 158, fol. 116 et 136, 31 mars et 11 avril 1706.

24Enfin, en mars 1706, Amelot sursoit à la nomination du duc de Medinaceli à la présidence du Conseil d’Italie, car il ne le juge pas favorable aux Français. Cependant, pour ne pas lui faire un affront direct, il fait maintenir la vacance de cette charge38, paralysant ainsi davantage ce Conseil « entêté des vieilles maximes ».

25Les Français sont donc parvenus, en quelques mois, à mettre en place des officiers et ministres qui leur sont proches. De même, le roi est désormais la seule source des ordres concernant les domaines financiers et militaires. Les Conseils ont pris en peu de temps quelques coups décisifs dont, malgré leur résistance, ils ne pourront se remettre. Car il y a bien évidemment une importante résistance, dont la plus visible est manifestée par les Grands d’Espagne éloignés du pouvoir. Rappelons qu’à la même époque, leur corps a été agité lors de la crise provoquée par l’affaire du banquillo et qu’ils ont dû se plier à des changements d’étiquette.

26La prise de Barcelone met l’entourage de Philippe V en difficulté, mais Amelot n’attend que l’occasion de reprendre les affaires en main. Celle-ci lui est procurée en août 1706, lors de la libération de Madrid, occupée par l’ennemi depuis juin. Durant cette occupation, certaines fidélités à la cause bourbonienne se sont révélées chancelantes et les trahisons ont été nombreuses, tant parmi les conseillers que parmi les Grands. C’est l’occasion de procéder à l’éloignement de sujets indésirables. Seule concession à l’opposition espagnole, Orry, envoyé durant l’été en France, y est retenu, car son absence avait donné lieu à de violentes diatribes à son sujet, dont l’ambassadeur de France avait crû bon de tenir compte.

L’entourage français dans la Nueva Planta

  • 39 ANM, Estado, leg. 4833, Amelot à Marie-Louise de Savoie, Aranjuez, 9 septembre 1706.
  • 40 AECP, Esp., 161, fol. 132, Amelot à Louis XIV, Madrid, 5 octobre 1706. Louis XIV félicite son ambas (...)
  • 41 AECP, Esp., 156, fol. 166, 26 septembre 1706.
  • 42 Rivas a assisté au Conseil des Indes de l’archiduc à Madrid, AECP, Esp., 166, fol. 78, 17 janvier 1 (...)
  • 43 AECP, Esp., 162, fol. 1, Amelot à Louis XIV, 2 novembre 1706.
  • 44 Antonio Ortiz et Joseph de la Puente furent révoqués pour ne pas être allés à Burgos et D. Miguel E (...)
  • 45 J. A. Escudero, « La reconstrucción de la administración central en el siglo XVIII », R. Menendez P (...)

27La Nueva Planta, cette réorganisation de fond des structures de la monarchie espagnole dans les États de la Couronne d’Aragon, trouve ses origines dans la reprise en main de Madrid après 1706 et dans la « réduction » des tribunaux39, dont le personnel est drastiquement diminué. Tous les domestiques de la maison du roi ayant manqué à leur devoir sont dépouillés de leurs charges. Mais les bas-officiers sont absous car, si le roi les avait punis, nombre d’entre eux auraient été « réduits à l’aumône » mettant ainsi dans l’embarras beaucoup de familles de la bourgeoisie madrilène40. Dans le même temps, des Grands sont exilés tels le duc de l’Infantado, le marquis del Carpio et le comte de Palma envoyés à Grenade et Saint-Sébastien41 ; le cardinal Portocarrero et le comte de Monterrey maintenus sur leurs terres ; le marquis de Rivas banni42. Désormais, « le temps est venu qu’il faut faire ce qui convient au service préférablement à tout autre considération43 ». Par ailleurs, dès octobre 1706, un décret fusionne les deux secrétaireries du Conseil d’État (Nord et Italie) en une seule « sin distincion ni division de negociados44 », ainsi que les deux autres du Conseil de la Guerre (Mar et Tierra), jusque-là maintenues par respect des traditions comme les vrais organes de gouvernement au temps des Habsbourg45.

  • 46 AECP, Esp., 175, fol. 134, Louis XIV à Amelot, 27 juin 1707. Comparer avec le Gran Memorial d’Oliva (...)
  • 47 AECP, Esp., 158, fol. 189, Amelot àTessé, 11 avril 1706.
  • 48 AECP, Esp., 168, fol. 86, Amelot à Louis XIV, 16 mai 1707 ; SHD, A1 2049, no 86, Amelot à Chamillar (...)
  • 49 AECP, Esp., 168, fol. 212, Bourck à Torcy, 6 juin 1707. Amelot est pour l’imposition pure et simple (...)
  • 50 AECP, Esp., 168, fol. 222, Amelot à Louis XIV, 13 juin 1707.

28Les victoires franco-espagnoles de 1707, et notamment la bataille d’Almansa, permettent à la politique réformatrice menée par l’entourage français et ses appuis espagnols de s’étendre à l’ensemble du territoire reconquis par les armées du duc de Berwick et du duc d’Orléans. Louis XIV encourage son petit-fils à supprimer ces fueros, qui, tout comme au temps du comte-duc Olivares, sont regardés comme des obstacles à l’autorité royale, comme « un prétexte que les peuples avaient toujours de s’exempter de contribuer aux charges de l’État46 ». Cela fait longtemps qu’Amelot forme des projets pour les combattre. Ainsi, en avril 1706, il expliquait au maréchal de Tessé son projet d’ôter tous ses privilèges à la Catalogne, de raser les fortifications de Barcelone et de détruire Vich, Lerida, Tarragone et Girone47. Aussi, en 1707, se met-t-il à la tâche avec ardeur, constituant une commission pour étudier la Nueva Planta à donner au royaume de Valence48. Les affaires n’avancent pas aussi vite que le voudrait Amelot qui doit lui-même superviser l’élaboration des décrets49. Il fait preuve d’un optimisme qui trahit peut-être une légère méconnaissance des peuples espagnols, assurant que les Valenciens, étant en quelque sorte « naturalisés Castillans », pourront « participer à des avantages qui les dédommageront suffisamment de leurs privilèges50 ». C’est ignorer les oppositions viscérales existant entre les Provinces.

  • 51 Le 30 mai 1707 sont publiés les décrets de réforme des institutions du royaume de Valence ; le 8 ju (...)
  • 52 SHD, A1 2049, no 200, Amelot à Chamillart, 18 juillet 1707. Le comte d’Aguilar conserva tout de mêm (...)

29Le 29 juin 170751, un décret royal est publié, portant que les royaumes d’Aragon et de Valence perdent leurs droits pour être soumis aux lois de Castille ; en conséquence, le 15 juillet 1707, un autre décret supprime le Conseil d’Aragon52.

  • 53 Macanaz a 30 ans en 1700 et est tout acquis à la nouvelle dynastie. Depuis 1694, il résidait à Madr (...)

30La province de Valence fut un peu le laboratoire de la politique de Nueva Planta. Philippe se servit surtout des militaires français, tels Berwick ou Asfeld, et de leurs proches, l’Irlandais Bourck ou l’Espagnol Macanaz53, tous deux depuis longtemps en relation avec les Français. Selon eux, le pouvoir militaire devait l’emporter sur le pouvoir civil. Les « amelotistes », selon le néologisme de l’historienne Carmen Martin Gaete, rencontrèrent des opposants de poids dans leur ouvrage, dont les plaintes se trouvaient relayées par leurs affidés à Madrid, au sein du Conseil de Castille.

  • 54 F. Canovas Sanchez, « Los decretos de Nueva Planta... », R. Menendez Pidal, Historia de España, XXI (...)
  • 55 Cette chancellerie, comme l’Audience royale d’Aragon, est créée selon les modèles castillans de Val (...)
  • 56 Teresa Nava Rodriguez et Gloria Franco Rubio ont avancé l’idée que les membres de la nouvelle admin (...)
  • 57 Le corregidor depuis les Rois Catholiques, en 1480, a été l’agent territorial de la monarchie dans (...)
  • 58 AECP, Esp., 176, fol. 196, Amelot à Berwick, 4 juin 1707. Le choix de Pedrajas est imposé à Amelot (...)
  • 59 AECP, Esp., 176, fol. 196, Amelot à Berwick, 4 juin 1707.
  • 60 AECP, Esp., 178, fol. 55 et fol. 85, Bourck à Torcy, 11 et 17 janvier 1708. AECP, Esp., 184, fol. 1 (...)

31Désormais, cependant, le capitaine général de Province est l’homme fort de ce nouveau régime. Il allait s’appeler, sur les désirs de Berwick, « gobernador y capitan general del Ejercito y reino de Valencia, presidente de la Real Audiencia54 ». Il occupe la place antérieurement dévolue au vice-roi. Il est la principale autorité politique et militaire, disposant d’amples pouvoirs, comme le commandement militaire en Valence et Murcie, la présidence de la Chancellerie (ou Audience55) et la nomination des fonctionnaires. Tout le réseau des anciennes oligarchies municipales est court-circuité, au profit de l’influence directe du roi56. Les nouveaux territoires vont progressivement être divisés en corregimientos, conformément à l’organisation de la couronne de Castille57. L’administration des finances est confiée par Berwick à un intendant de l’armée, José Pedrajas, commissaire ordonnateur et futur grand administrateur de la monarchie bourbonienne58. En Aragon, Amelot donne ce poste à deux Français, Meliand et Dudoyer59, présents en Espagne depuis 1704. En 1708, Berwick travaille avec les officiers des troupes et ceux de la Chancellerie, « pour achever d’établir l’ordre et d’introduire les lois et les coutumes de Castille en ce royaume ». Les campagnes semblent être redevenues tranquilles, grâce à des exemples de sévérités60.

  • 61 SHD, A1 2049, no 272, Joffreville à Voysin, 14 août 1707 ; Amelot le dit très bien vu des Aragonnai (...)

32En Aragon, la Nueva Planta avance moins vite. Le duc d’Orléans s’était rendu assez populaire en maintenant quelque temps l’ancien système en place, (son décret du 8 mai 1707 allait juste à l’inverse des décisions émanant de la capitale), tandis qu’à Madrid, on discutait âprement du sort des fueros aragonnais. La restructuration eut lieu progressivement ; en août 1707, le marquis de Joffreville est nommé gouverneur de Saragosse et de l’Aragon61 ; désormais, le pouvoir appartient au commandement militaire. Cet état de fait se développe au cours du xviiie siècle. En cela, l’Espagne se distingue de l’organisation française où les gouverneurs de provinces n’ont de compétences que très spécifiques en matière de police et d’armée, sans y ajouter l’administration de la justice laissée à l’intendant. Seule, la Catalogne échappe encore à cette restructuration en 1709, au moment du départ d’Amelot.

33À cette date, la France préoccupée chaque jour davantage de faire la paix avec l’Europe, se désintéresse de la question. L’année 1709 marque le départ de la plupart des Français, ambassadeur, commis de marine, militaires.

Peut-on encore parler d’une influence française sur les institutions de la monarchie espagnole après 1709 ?

  • 62 AN, B7 3, fol. 30, A. Daubenton à Pontchartrain, 30 septembre 1709 : « Ainsi, Gutierrez dit avoir r (...)
  • 63 AN, B7 3, fol. 285.
  • 64 AECP, Esp., 193, fol. 9, Mémoire pour M. de Blécourt, par Amelot (septembre 1709).

34Après l’été 1709, la Princesse des Ursins restée auprès de Marie-Louise de Savoie, se rend compte que Versailles ne veut plus l’écouter. À présent que les intérêts français semblent se dissocier des intérêts espagnols, son zèle, comme celui d’Amelot, n’est plus apprécié. Les Français de Madrid auraient souhaité voir se continuer la guerre et donc la présence française massive dans la Péninsule, gage de la poursuite des réformes entreprises. Le départ des armées et des ministres a ralenti le cours des affaires, et les bourses qui s’ouvraient grâce au crédit de l’ambassadeur, se referment. Des ministres espagnols considérés comme dévoués se déchaînent contre les Français. Ambroise Daubenton, dans une de ses dernières lettres avant son propre départ, signale la parution d’un décret qui ordonne au Trésorier général de la guerre de suspendre les appointements dont jouissent plusieurs Français « pour raison des emplois politiques et militaires qu’ils exercent62 ». Le P. Robinet protège, comme il peut, ceux qui sont pris dans cet ostracisme et les malintentionnés disent qu’il est « le refuge de tous les fripons qui étaient amis de M. Amelot63 ». Seul ministre véritablement acquis aux réformes, Grimaldo continue à travailler avec le roi et à s’occuper des principaux départements de la guerre, des finances et du commerce au sein du despacho64.

  • 65 AN, B7 8, fol. 71. Au début de l’année de 1710, Philippe V avait adouci ses décrets aux provinces r (...)
  • 66 AECP, Esp., 205, fol. 222, le chevalier de Torcy à Torcy, Saragosse, 15 février 1711. Louis XIV enc (...)
  • 67 AECP, Esp., 205, fol. 143, Vendôme à Torcy, Saragosse, 2 février 1711.

35Cette parenthèse francophobe, préjudiciable aux réformes, se clôt en 1710, quand Louis XIV accepte de renouveler son aide à Philippe V en lui envoyant le duc de Vendôme. La reconquête de Saragosse permet de nouveau de songer à la suppression des fueros d’Aragon65. C’est Vendôme qui s’y emploie mais en cherchant à amender le programme royal, en faisant rendre leur droit privé aux Aragonais66 et en imposant pour le reste les lois de Castille. Il veille aussi à garder la maîtrise des finances en Aragon, afin de pouvoir entretenir l’armée67. On retrouve alors le même personnel espagnol qui avait agi sous les ordres d’Amelot. C’est Macanaz qui est nommé intendant général en février 1711, tandis que le capitaine général, le flamand Tserclaes, devient commandant militaire et président de l’Audience Royale, incarnant ainsi la première autorité de la nouvelle organisation politique sur le même schéma que celui appliqué dans le royaume de Valence. Les réformes suivent finalement leur cours et s’opèrent à la faveur des armes.

  • 68 Bergeyck (Jean de Brouchoven, comte de) († 1725), trésorier général des Flandres espagnoles (1688), (...)
  • 69 AECP, Esp., 209, fol. 61 v°, Bergeick à Torcy, septembre 1709.
  • 70 AN, B7 11, fol. 320, Partyet à Pontchartrain, 23 novembre 1711. Bourck estime que cette réforme ser (...)
  • 71 Bergeick, pour triompher de l’opposition des Conseils, avait choisi en accord avec eux, et surtout (...)
  • 72 AECP, Esp., 221, fol. 27, Philippe V à Louis XIV (copie), 13 mars 1713.

36On sent, néanmoins, que les années 1712-1713, ne sont pas propices à des projets d’envergure et les réformes ont un goût d’inachevé. Le ministre flamand Bergeick68, sur lequel on comptait pour rétablir les finances, multiplie les idées d’inspiration très française, pour, dit-il, rendre Sa Majesté maître de ses États, « indépendamment de ses conseils69 ». Il lance, notamment, l’établissement d’intendants provinciaux de police, justice et finance sur le modèle français, ainsi que de receveurs généraux qui auraient une autorité indépendante de celle des tribunaux et seraient uniquement soumis au roi70. Cette innovation, dans des temps difficiles pour l’Espagne, est mal vue et critiquée et n’a pas le temps d’arriver à maturité71. Bergeick ne bénéficie pas du crédit que possédait Amelot auprès du roi. Tout reste en suspens, car la cour est bien plus préoccupée par les pourparlers de paix que Philippe V négocie pied à pied avec son grand-père et son représentant, le marquis de Bonnac. Cependant, lorsque le roi d’Espagne songe de nouveau à effectuer quelques réformes d’ordre gouvernemental, il est intéressant de constater que ce n’est ni à un Espagnol, ni à un Flamand qu’il s’adressera, mais à Jean Orry qu’il rappelle à son service, en mars 171372. Il se souvient sans doute, de tout ce que le financier a fait pour réformer les impôts et la gestion de la Hacienda.

37Toute influence française n’est donc pas définitivement bannie à cette date.

2. La réforme des Finances : pour le « service du roy »

  • 73 M. Artola, La Hacienda del Antiguo Régimen, (1982), p. 216 et sv. ; J. J. Vidal, « Las nuevas estru (...)
  • 74 J. J. Vidal, loc. cit., p. 65.

38Le système financier de la monarchie espagnole au début du xviiie siècle est très rapidement considéré par les ministres de Philippe V comme totalement obsolète. Ce ne fut pas l’apanage de la nouvelle dynastie que de vouloir entreprendre des réformes, car le xviie siècle avait connu son lot d’essais en ce sens, plus ou moins fructueux73. Mais, à la faveur de la période de rupture que représente la Guerre de Succession, quelques changements purent voir durablement le jour, contribuant à une rationalisation des finances et à une indépendance nouvelle du pouvoir royal en ce domaine. Les modifications devaient s’opérer à la fois dans le système central du Conseil de Hacienda et l’on verra Orry chercher à donner une progressive autonomie au département financier comme il l’a fait pour les affaires de la guerre, et dans les territoires de la couronne où l’on peut distinguer trois zones tributaires : l’une constituée des royaumes de Castille et de Leon, sur lesquels pèsent les plus lourdes charges et les deux autres formées par la couronne d’Aragon et par les provinces basques et le royaume de Navarre74. La volonté royale sera d’imposer à ces pays les impôts castillans, rêve déjà caressé au temps d’Olivares et qui pourra aboutir dans le cadre de la Nueva Planta.

39En 1700, il est bien délicat de se mouvoir dans le maquis formé par toutes les impositions existantes. Il revient, une fois de plus, à Jean Orry, d’avoir été capable d’en dresser des tableaux clairs et complets, de les définir et d’en étudier le produit, apportant ainsi un document capital à l’histoire économique et financière de l’Espagne. Son but était de faire de ce travail une base sur laquelle établir les réformes.

Les finances espagnoles en 1703 : état des lieux par Jean Orry

  • 75 J.-P. Dedieu et J. I. Ruiz, « Tres momentos en la historia de la Real Hacienda », Cuadernos de Hist (...)
  • 76 F. Abbad et D. Ozanam, Les intendants espagnols du xviiie siècle, (1992), p. 6.

40À l’arrivée du premier Bourbon, le roi recouvrait en Castille une cinquantaine d’impôts et de droits divers, dont certains étaient étendus à tout le royaume, tandis que d’autres ne se payaient qu’à l’échelon local. Beaucoup lui échappaient faute de centralisation dans leur recouvrement. De fait, à chacun d’eux correspondait une administration spécifique et indépendante, ce qui entraînait une impossibilité de contrôle véritable par la Real Hacienda75. En 1647, une première réforme avait eu lieu pour réunir certains impôts en une seule caisse. De même, territorialement, certains découpages financiers furent revus et unifiés. Enfin, la charge de superintendant provincial des rentes royales, créée en 1691, permit d’améliorer la récolte de l’impôt au niveau régional76. Mais les oppositions à ces nouveautés étaient nombreuses de la part des élites locales comme du Conseil de Castille. L’ancien système était à l’avantage de bon nombre de particuliers. Même si l’on peut dire que, d’une certaine manière, Philippe V héritait d’une administration en train de se rénover, le pouvoir royal était encore loin de percevoir tout ce qui lui était dû et les oligarchies locales agissaient à son détriment.

  • 77 AECP, Esp., 119.

41Rien ne pouvait être entrepris sans une connaissance exacte des revenus du roi, tâche dont s’occupa Jean Orry et qu’il nous livre dans des Mémoires très complets, conservés aux Archives Etrangères de Paris, en date de janvier 170377.

  • 78 AECP, Esp., 119, fol. 33. Ces rentes sont des juras, c’est-à-dire une rente sur la Real Hacienda pa (...)

42Il distingue 21 provinces en Castille, selon le découpage classique pour l’impôt des millones. Puis trois natures de droits : les regaliae, qui sont les droits domaniaux établis à perpétuité et qui servent de patrimoine au roi ; les servicios, qui sont des impositions faites avec le consentement des Cortes, et les gracias apostolicae, qui englobent les revenus tirés des biens ecclésiastiques. Après les avoir tous passés en revue, il estime que le produit annuel de tous ces droits se montent à 25 091 000 lt (sur lesquels le roi ne touche en réalité que 18 377 160 lt), alors qu’il évalue les charges de l’État à 43 454 490 lt. Le manque de fonds est causé par le désordre de la régie et par le fait que le roi a abandonné la perception de ces droits à des créanciers pour des sommes ridicules. Enfin – et même pourrait-on dire surtout –, parmi les charges de l’État se trouvent des rentes (juros) constituées sur le revenu du roi à hauteur de 20 202 374 lt, qu’on ne peut acquitter entièrement et qui grèvent les fonds d’année en année78.

  • 79 Depuis le xve siècle, la taille française est un impôt royal appliqué au roturier, de répartition, (...)
  • 80 Dans la première moitié du xviie siècle en France, les fermes concernaient plusieurs centaines de b (...)

43Orry, en soulignant tous les inconvénients de cette situation financière, propose quelques remèdes. Il souhaite regrouper divers impôts afin d’en faciliter le recouvrement. Ainsi, il réunit les quatre principaux que sont les alcavalas, les cuatrocientos, les millones et sizas en un seul appelé l'alivio de las alcavalas. Le produit de ces quatre droits devrait monter à 15 000 000 lt. Les fermiers qui les géraient ne payaient que 11 950 000 lt ; Orry propose un montant fixe de 10 000 000 lt qui pèserait sur chacun en fonction de ses revenus. Cela devrait correspondre à une forme de taille à la française79. En contrepartie, il augmente le prix du sel dont il attend un profit de 5 000 000 de lt. Autre projet d’envergure : réunir les droits de douanes en une seule main afin d’en optimiser le rendement et d’éviter les fraudes. Enfin, il souhaite rassembler les autres impôts royaux en une seule ferme afin d’en augmenter considérablement les revenus. Ce phénomène de concentration des fermes est très neuf, mais nous rappelle qu’en France le même processus avait commencé dans les années 168080. En ce qui concerne le clergé, il regroupe leurs divers impôts en un abonnement de 10 000 000 lt contre les 3 075 000 lt que le roi touche alors. Pour faire accepter cette augmentation, Orry pense obtenir l’agrément pontifical et compte sur l’influence du cardinal Portocarrero. Enfin, il ajoute quelques droits sur le commerce des Indes pour rapporter 5 500 000 lt supplémentaires.

44Un tableau, exposant les divers droits et produits qu’on en attend, peut résumer les idées d’Orry :

  • 81 Les explications portant sur le nom des impôts sont tirées dans la plus grande partie des mémoires (...)
  • 82 Les douanes royales sont sur les frontières de terre et de mer de tous les États castillans et arag (...)
  • 83 Monopole royal depuis Philippe II, qui, en 1564, incorpora toutes les salines de Castille au domain (...)
  • 84 Le domaine royal était en réalité presque entièrement improductif. Il y avait encore quelques endro (...)
  • 85 Il s’agit du mercure d’Almaden, du plomb et de l’antimoine de Linarès, du cuivre du Rio-Tinto, de l (...)
  • 86 La fabrication des monnaies pour le compte des particuliers donnait lieu à la perception du braceag (...)
  • 87 Correspond à la media anata civil créée par Philippe IV. Tout fonctionnaire nouvellement promu subi (...)
  • 88 Monopole royal depuis 1636. Le roi crée lui-même la marchandise qu’il impose à ses sujets.
  • 89 Philippe V établit le monopole, en 1701. Séville allait devenir un très grand centre de production.
  • 90 Cet impôt touche aussi les clercs. C’est un droit sur les ventes. Un même objet, dix fois vendu et (...)
  • 91 Il s’agit d’une taxe supplémentaire sur l’alcabala, créée en 1639 par Philippe IV. Sous Charles II, (...)

Nom de l’impôt81

Définition

Jugement d’Orry

Projet d’Orry

Produit qu’il en attend

REGALIÆ

Aduanas y sus dependencías 82

Charges sur les marchandises de plus de 30 %, y compris ce qui va et vient entre les Indes et l’Espagne.

Droit excessif car ce qu’on paye excède la valeur de la marchandise.
Ruine le commerce et favorise la contrebande.

Il faut réunir les droits d’entrée en une seule main.

6 500 000 de lt contre
3 609 500 de lt

Salinas83

Gabelle de 22 réaux ou 4 lt 4 sols, par fanegue de sel pesant 100 livres.

 

Il augmente le prix du sel à 50 réaux pour compenser la création de l’alivio (voir ci-dessous).

5 000 000 de lt contre
1 500 000 de lt

Alcazares de Sevilla y aguela de Granada

Anciens domaines de l’époque des rois maures.

Ces droits sont presque tous usurpés et les titres en sont épars. Tant que les fermiers en jouiront, il sera impossible d’y mettre bon ordre.

Il faut indemniser ceux qui auront acquis des quittances sur ces droits puis les faire régir pour le compte du roi.
Orry y ajoute (voir plus loin) le
servicio ordinario y extraordinario, le servicio y montargo, les milicías y lanzas et les revenus des Quatre ordres.

5 000 000 de lt contre
2 914 000 de lt

Bosques, pastros, estanques y rios84

Eaux et forêts.

Correos

Postes.

Justicías, señorios, penas de Cámara y otras condenaciones

Amendes et confiscations.

Contradurías, procuradorías, escrivanías y secretarías

Greffes et tabellionage.

Minas85

Droit de propriété du roi de toutes les mines.

Casas de moneda86

Droit seigneurial de la monnaie.

Propinas et medianata87

6e des appointements de ceux qui en touchent du roi.

Papel sellado88

Papier marqué.

 

Orry propose de ne faire qu’une ferme avec ces rentes en y ajoutant aussi le thé, l’eau de vie, la bière, la glace, le poisson de mer et d’eau douce, frais, sec et salé.

4 000 000 de lt contre
2 042 500 de lt

Renta de naipes

Droit sur les cartes à jouer.

 

Tabaco89

Privilège royal de vendre le tabac.

 

Cacao et chocolat

Droit sur le cacao envoyé en Espagne.

 

Vendidas de café

Droit que payent ceux qui veulent vendre du café.

 

Alcavalas90

10e de tout ce qui se vend et se revend, en meubles et immeubles.

 

Réunis dans l’Alivio.

Alivio :
10 000 000 de lt

Cuatro medios por cientos91

2 % en plus de ce 10e.

Le Conseil de Hacienda le prend pour lui.

 

  • 92 Cet impôt remonte à Philippe IL C’est un droit à payer sur la viande, l’huile, le vin, le vinaigre, (...)
  • 93 Il s’agit d’une contribution de 150 millions de maravédis qui remonte aux règnes de Charles Quint e (...)
  • 94 Créé en 1631 par Philippe IV sur les Grands, les commandeurs d’ordres militaires, les titrés de Cas (...)
  • 95 Ce droit sera remplacé, en 1758, par la rente sur la laine.
  • 96 C. Hermann, L’Église sous le patronage royal, (1988), p. 33-36.
  • 97 Impôt concédé en 1219 par Honorius III ; déclaré perpétuel en 1501. Des aliénations en avaient rédu (...)
  • 98 En 1561, Pie V avait octroyé à Philippe II un subside sur les biens du clergé pour l’armement de 60 (...)
  • 99 Concédé par une bulle de 1571.
  • 100 Cruzada ou Bula de la Santa Cruzada, accordée par Jules II. Le Roi Catholique peut vendre à son pro (...)
  • 101 Orry évoque ici le revenu correspondant au premier, ou aux deux premiers mois d’un bénéfice ecclési (...)
  • 102 Le roi avait le droit de disposer du tiers des revenus épiscopaux pour pensionner qui bon lui sembl (...)

Nom de l’impôt

Définition

Jugement d’Orry

Projet d’Orry

Produit qu’il en attend

SERVICIOS

24 millones92

Impositions sur les denrées comestibles.

 

Réunis dans l’Alivio.

contre
11 950 000 de lt

8 mil soldados y sisas

Imposition en plus sur les millones, accordée par les États tous les six ans.

 

Servicio ordinario y extraordinario93

Imposition qui se répartit comme la taille.

 

Orry propose de les faire régir pour le compte du roi. Il y rajoute (voir ci-dessous) les revenus des Quatre ordres, et les regaliae citées ci-dessus.
Il envisage aussi de faire régir de façon particulière les militías y lanzas.

Se reporter ci-dessus.

Militías

Imposition d’un ducat par feu pour être exempt du service en personne.

Orry déplore que le produit de ces deux impôts aille directement aux Provinces pour l’entretien des tercios.

Lanzas94

300 écus sur chaque seigneur pour être exempt de servir avec un certain nombre de lances.

Servicio y montazgo95

Imposition sur chaque mouton, allant et venant chaque année pour gagner les pâturages.

 

Todos los impuestos ordinarios y extraordinarios

Toutes les autres impositions qui se font dans les besoins extraordinaires.

 

GRACÍAS APOSTOLICAE96

 

Orry déplore que leur produit aille aux places d’Afrique.

 

 

Tercías97

Pourcentage sur les dîmes (2/9e).

 

Propose que cela soit géré tous les 5 ans.

Propose un concordat :
10 000 000
de lt contre
3 075 000 de lt

Subsidio98

Imposition sur les quart des revenus annuels du clergé.

Le clergé traite de 5 ans en 5 ans ces droits, et répartit la somme par diocèse et bénéfice.
Charles II n’en tirait presque plus parti.

 

Excusado99

Droit de dîme sur la plus grosse ferme de chaque paroisse.

 

Cruzada100

Prix des bulles autorisant la consommation des laitages en carême.

Ne rapporte que peu au roi.

Propose que cela soit géré tous les 5 ans.

Contribution de las mesadas101

Taxe sur la première année de revenu des bénéfices vacants d’Espagne et des Indes.

 

 

 

Pensiones102

Droit du roi de donner des pensions du tiers du revenu des bénéfices qui sont sous sa nomination.

 

 

Quatro ordones

Propriété de tous les biens des 4 grandes maisons des ordres, Saint Jacques, Alcantara, Calatrava et Saint Georges.

 

À faire régir pour le compte du roi.
Cf. ci-dessus.

Total

25 091 000 lt

Ne reste au roi que :
18 377 160 lt

 

Gain total de 40 500 000 de lt contre 25 091 000 de lt

 

  • 103 Droits qui se lèvent sur tout ce qui entre et sort par Cadix, Seville et tous les ports de l’Andalo (...)
  • 104 Droit du roi sur les mines d’or et d’argent. (En Firma Tierra, 20 % sur l’argent et 2 % sur l’or ; (...)
  • 105 Privilège du roi de fournir tout ce qui est nécessaire pour l'exploitation d’une mine.

Nom de l’impôt

Définition

Jugement d’Orry

Projet d’Orry

Produit qu’il en attend

Droits qu’Orry ajoute à la ferme de Castille

Almojarifazgos des Indes103

Payés dans les ports d’Andalousie.

 

 

1 000 000 lt

Naos de registros

 

 

 

500 000 lt

Quintos104 y Estancos105

 

 

 

4 000 000 lt

Total du revenu royal

 

 

 

46 000 000 lt

45Orry estime ainsi être arrivé à équilibrer la délicate balance des recettes et des dépenses de la monarchie. Cependant, pour permettre au roi d’être à nouveau son propre maître dans les finances, il convient de rembourser les personnes qui ont des rentes sur l’État et qui, depuis des années, n’ont pas été payées. Cela représente un fond estimé à 61 millions de lt.

  • 106 En bon financier, il explique longuement qu’il a bien compris que le roi ne pouvait trouver cette s (...)

46Fertile en expédients, Orry propose la création d’une administration des finances pour gérer son nouvel impôt de l’Alivio, dont la vente des charges permettrait le remboursement des rentes106, somme estimée à 61 245 833 lt.

47Les projets d’Orry étaient largement inspirés de ce qui se pratiquait alors en France et, en même temps, s’adaptaient aux usages de l’Espagne. Lui-même portait le titre de veedor, l’équivalent du contrôleur général des finances. Sans introduire d’impôts nouveaux ni augmenter ceux déjà en place, il espérait régulariser et augmenter le recouvrement de ceux déjà existants. Dans les faits, de tels changements ne pouvaient avoir lieu sans des oppositions nombreuses de la part des Conseils. Aussi, le financier chercha-t-il avant tout à assainir le système de la Régie des finances.

Les premières réformes financières

  • 107 AECP, Esp., 119, fol. 215 et sv. : « Méthode pour la régie des finances ».

48La première innovation fut la création, en 1701, d’une junte spéciale pour administrer la rente du tabac, afin de réaffirmer le monopole du roi en ce domaine. Pour la rendre plus productive, Orry lui adjoignit d’autres rentes et la fit donner à ferme, en 1704, pour six années. Cette question des fermes préoccupait le financier français, qui avait constaté que les revenus du roi étaient tombés entre les mains de « gens de néant », sans crédit et qui, pour la plupart, avaient même fait banqueroute. Il souhaitait rétablir la confiance et utiliser les bonnes volontés qui s’étaient présentées pour prendre en charge les revenus du roi avec l’espoir de conditions intéressantes. C’est pourquoi Orry demande que ce soit le roi lui-même, et non plus un conseiller de la Hacienda qui fasse les adjudications107. En général, celles-ci étaient attribuées à des personnes chargées de procurer les vivres à l’armée.

  • 108 SHD, A1 1787, no 87.
  • 109 AN, B7 241, fol. 13 v°, A. Daubenton à Pontchartrain, 5 novembre 1706.
  • 110 J. J. Vidal, loc. cit., p. 69 ; H. Kamen, The War of Succession, (1969), p. 205.

49Manuel Lopez de Castro reçut la ferme du tabac108, ce qui fit grand bruit dans Madrid, car le Conseil de Hacienda n’avait pas été consulté. On répandit des rumeurs sur ce Castro, proche d’Orry et déjà bénéficiaire de traités portant sur les fournitures militaires ; on parla de prête-nom et Lopez dut se retirer. Mais la ferme perdura sous la direction du marquis del Castillo. À la mort de ce dernier, en novembre 1706, Ambroise Daubenton, assez écouté de l’ambassadeur de France, parvint à la faire attribuer à Eugenio de Miranda y Gamboa, avec qui il était en étroites relations109. D’autres rentes lui seront incorporées comme celle du cacao, chocolat et autres ingrédients. Le résultat fut qu’entre 1708 et 1712, le tabac se trouvera dans le groupe d’impôts qui contribueront le plus à augmenter le rendement net des rentes royales110.

  • 111 SHD, A1 1696, no 90, Orry à Chamillart, 21 novembre 1703. Miraflores aurait payé 20 000 écus pour s (...)
  • 112 SHD, A1 1787, no 141, Orry à Chamillart, 4 mars 1704.

50D’autres plans virent le jour. Il s’agissait, en l’occurrence, de trouver rapidement des liquidités. Orry réfléchissait à la manière de rentabiliser la vente des charges au profit du trésor royal. À la même époque, en France, l’office tendait à devenir l’expédient financier par excellence. En novembre 1703, pour masquer l’aspect vénal de l’opération, Orry propose que le roi accepte du nouvel officier l’octroi d’un « prêt » (à intérêt de 5 %). Versailles approuve l’innovation111. Le comte de Miraflores, à qui est donnée la présidence de la Chambre de Contratacion, est le premier à être soumis à cette nouvelle manière de procéder. Néanmoins, Orry déplore que son idée ait été « empoisonnée » par des soupçons de malversations. Il devra renoncer à son projet de « consignations », qui consistait à créer une caisse où chaque candidat à un office aurait mis de l’argent pour être sûr d’avoir une charge lors d’une vacance ; la concurrence ainsi établie aurait permis, lui semblait-il, de faire monter les enchères112.

  • 113 Cf. H. Kamen, The War of Succession in Spain, (1969), p. 225-226 et p. 215, Henry Kamen résume en u (...)
  • 114 En mars 1706, la charge de trésorier général de Diego de Cetina arriva à terme et ne fut pas renouv (...)
  • 115 Moriana exerça cette charge du 2 octobre 1703 au 17 octobre 1704 ; puis, du 1er juin 1705 au 30 jui (...)

51C’est en cette même année 1703 qu’Orry conçoit un projet de création d’une Tesoreria mayor de Guerra, dont le principe est de faire du roi le seul maître des fonds en les concentrant dans une caisse unique (créée le 2 octobre)113. Aucun paiement ne pouvait se faire sans l’aval du roi ou celui du ministre de la guerre. Cette Tesoreria mayor qui, pendant la guerre de Succession, supplanta peu à peu la Tesoreria general du Conseil de la Hacienda114, avait à sa tête le marquis de Moriana, Juan de Horcasitas, homme de paille d’Orry115. Le nouvel organisme s’imposa et, après une courte période de suppression au moment du renvoi d’Orry, il fut rétabli à l’initiative d’Amelot.

  • 116 AECP, Esp., 120, fol. 156 et sv et AN, G7 1092.
  • 117 AECP, Esp., 119, fol. 157 v°-158.
  • 118 AECP, Esp., 120, fol. 417 v° et AECP, Esp., 121, fol. 67.

52Un autre projet, très ambitieux, daté du 1er janvier 1703116, fut conçu par Orry concernant la valeur de la monnaie. À cette époque, l’étranger qui commerçait en Espagne repartait avec une somme d’argent, qu’il pouvait convertir sur les marchés européens en faisant un bénéfice de 10 % en raison de la différence des cours117. Orry propose donc d’augmenter le prix du métal argent arrivant de la flotte des Indes et d’aligner ainsi la valeur de la monnaie sur celle de la France ; le quarto espagnol serait ajusté au sol tournois français118. Orry en attend un profit important tout en reconnaissant que les intérêts particuliers des commerçants français s’en trouveront lésés par la perte du bénéfice lié à la différence des cours.

  • 119 SHD, A1 1786, no 29, Chamillart à Estrées, 17 mars 1704.
  • 120 AECP, Esp., 120, fol. 409, tableau sur les profits qu’Orry attend de la conversion de l’argent.
  • 121 AECP, Esp., 120, fol. 409-418.
  • 122 AECP, Esp., 177, fol. 13, Amelot au duc d’Orléans, 4 août 1707. En août 1708, Castaing retourne en (...)

53Versailles accueille favorablement ce projet et, en mars 1703, annonce l’envoi d’officiers de la Monnaie munis du matériel nécessaire à la fabrication des nouvelles pièces119. Cependant, en novembre, rien n’est encore fait. Orry fait part de son inquiétude, signalant qu’il ne reste plus que quelques barres d’argent dans le trésor royal120. Finalement, le projet, dont le contenu fait l’objet d’un mémoire récapitulatif en date du 23 janvier 1704121, est mis en application. On trouve, en 1707, un sieur Castaing122 installé à Ségovie, travaillant à la monnaie pour le compte du roi.

  • 123 SHD, A1 1978, no 92, Amelot à Chamillart, 19 septembre 1706.

54Orry est néanmoins contraint de quitter une seconde fois l’Espagne en 1706, ce qui est d’autant moins explicable qu’il semblait bien être la seule personne à pouvoir poursuivre une politique d’envergure. Mais Amelot, tout en reconnaissant les résultats de son action, estimait qu’Orry avait pris trop d’indépendance123.

  • 124 Sans doute est-ce le François Le Bartz, trésorier de la princesse douairière de Conti qui, en septe (...)
  • 125 AECP, Esp., 156, fol. 305, Chamillart à Amelot, 24 novembre 1706.
  • 126 SHD, A1 2048, no 77, Quenneville à Chamillart, 28 janvier 1707. En 1709, Quenneville doit partir av (...)
  • 127 SHD, A1 2050, no 264, Amelot à Chamillart, 28 novembre 1707.

55Désormais, l’ambassadeur s’occupe seul des affaires de finances, se faisant simplement aider par deux modestes collaborateurs, Quenneville et Le Bart124, initialement envoyés pour soulager Orry. Chamillart a assuré Amelot qu’ils le serviraient bien, « qu’il ne se donneront pas de si grands airs que M. Orry et qu’ils n’auront pas l’ambition d’avoir part au gouvernement125 ». Quenneville travaille avec ardeur à inventorier les ressources royales pour connaître avec précision les droits de la couronne et faire à leur sujet « de solides observations ». En bref, il prend la suite d’Orry mais, contrairement à lui, rend compte régulièrement à l’ambassadeur126. Quant à Le Bart, Amelot s’en débarrasse au bout de quelques mois ne le trouvant pas propre à exercer ses fonctions127.

Amelot et les finances

  • 128 AECP, Esp., 166, fol. 164 r°-v°, Amelot à Louis XIV, 4 février 1707.
  • 129 AECP, Esp., 123, fol. 134.
  • 130 Flon s’est notamment distingué à Vigo, sauvant une partie de la flotte, sous les ordres de Chateaur (...)
  • 131 SHD, A1 1978, no 229, Ubrecht à Chamillart, 29 novembre 1706.
  • 132 AECP, Esp., 173, fol. 17. Villebague est un négociant malouin parti en apprentissage en Espagne et (...)

56Amelot prend donc en charge les affaires des finances et avoue que cela lui est terriblement difficile128. Tout un monde de la finance gravite autour de lui. On y trouve le sieur Ubrecht, catholique hollandais, qui tient une petite gazette madrilène à l’usage de Torcy. Il est souvent associé à Barthélémy Flon, tous deux étant, depuis 1700, des négociants réputés à Madrid. Ce sont eux qui, en mai 1703, sur un plan d’Ambroise Daubenton et avec l’accord du cardinal d’Estrées, avaient été chargés de faire passer de l’argent liquide en France sans payer de droits et en contravention des ordonnances du roi d’Espagne129. Flon, en juillet 1703, avait reçu une chaîne et une médaille d’or de la part du cardinal d’Estrées en récompense de ses services130. En 1706, Ubrecht s’associe avec d’autres banquiers pour fournir au trésorier de l’armée les fonds nécessaires au paiement des troupes131. En 1710, Flon prête à la couronne 50 millions de réaux ; en 1711,6 millions. Ubrecht et Flon sont en relation avec Samuel Bernard en France ainsi qu’avec le Napolitain Gaetano Ametrano. Auprès d’Ubrecht se trouve aussi son gendre, Guillaume Eon de Villebague, d’origine malouine, marchand à Cadix, mais résidant souvent à Madrid où le roi l’emploie132.

  • 133 Yon est dit d’origine française ou franco-espagnole. Les Italiens et le Flamand sont cités par Amel (...)
  • 134 SHD, A1 1788, no 71. Sur les Navarrais à la cour, S. Aquerreta, Negocios y finanzas en el siglo xvi (...)
  • 135 Le trésorier de la guerre à Paris envoyait des billets de change à Cadix ou à Madrid pour les march (...)

57Font aussi partie de ce milieu les Français Jean-Jacques Yon, banquier de Philippe V, Duplessis, d’origine parisienne, Stalpert, d’origine nantaise et son associé Louis Romet, d’origine lyonnaise. Stalpert est installé à Cadix depuis 1699 ; informateur de la cour, il finira par y résider à partir de 1713, sous la protection de Madame des Ursins et d’Orry. Romet est conseiller de S.A. l’Electeur de Bavière à Madrid ; il épouse la fille de Jean Pichelin, aide de la Chambre à la familia francesa. Signalons encore le sieur Sarsfield, d’origine irlandaise, marchand à Cadix, qui fait partie des informateurs de l’ambassadeur, ainsi que l’Anglais Francis Arter, les Italiens Andriano et Rubino et le Flamand Just van Corbernt133. Enfin, l’important groupe de Navarrais, parmi lesquels se trouvait Juan Goyeneche, avec qui le roi était en étroites relations134. Tous ces financiers soutiennent la monarchie pour l’essentiel de ses besoins. Malheureusement, l’influence des Français sera amoindrie, en 1707, en raison d’un refus d’une banque lyonnaise d’acquitter plusieurs billets135.

  • 136 AECP, Esp., 165, fol. 329, Amelot à Louis XIV, 22 novembre 1706. Amelot, déçu, dira n’en tirer que (...)

58Une des premières initiatives d’Amelot fut de promouvoir un décret portant sur les biens de la couronne aliénés à des particuliers. Le 21 novembre 1706, il fut décidé que le produit de ces ventes serait versé au trésor royal, pour un an, en attendant que leurs possesseurs produisent un titre de propriété en bonne et due forme. L’ambassadeur savait que cela serait impopulaire auprès des Grands, mais il était impossible d’imposer davantage le peuple136. Le duc de Medinaceli fut un des rares à s’insurger publiquement contre cette mesure.

  • 137 AECP, Esp., 166, fol. 39 et 78, Amelot à Louis XIV, 10 et 17 janvier 1707 ; ibid., fol. 101, 24 jan (...)
  • 138 AECP, Esp., 166, fol. 194, Amelot à Louis XIV, 14 février 1707 ; ibid., 167, fol. 36, 7 mars 1707.

59En janvier 1707, constatant que le décret des biens aliénés ne produit pas les résultats attendus, Amelot songe à une imposition sur « l’argenterie superflue des églises ». L’Inquisiteur général et le Commissaire Général de la Cruzada semblent gagnés à la cause. Amelot compte sur eux pour convaincre le cardinal Portocarrero, caution morale recherchée pour cette action. On procédera sous la forme d’un emprunt. Le père Robinet soutient le projet. Cependant, Amelot reste réservé : « On demandera deux millions (d’écus) pour en obtenir un137 ». En février, les députés du chapitre de Tolède qui ont pouvoir de traiter au nom de toutes les églises d’Espagne offre une avance de 4 millions de livres sur l’impôt du subsidio y excusado138. Rome se montrera mécontente de cet accord fait sans son autorisation et, davantage encore d’un « donatif volontaire » appliqué à tous les Espagnols, laïcs et clercs.

  • 139 AECP, Esp., 156, fol. 273, 283 et 286, 18 novembre 1706 et ibid., 162, fol. 14 et 91, 3 et 29 novem (...)
  • 140 AN, B7 248, fol. 188, A. Daubenton à Pontchartrain, 12 septembre 1707.
  • 141 AN, G7 1093, Castaing à Chamillart, Madrid, 20 février 1708.

60Amelot se montra aussi prêt à reprendre le projet d’Orry sur la monnaie consistant à en augmenter la valeur. Il sait que l’affaire est délicate mais « les choses sont poussées à une telle extrémité qu’on est forcé de fermer les yeux sur les suites pour se mettre en estat de pouvoir encore soutenir une campagne ». En France, Chamillart freine cette idée, craignant une perte pour le commerce et Amelot lui-même finit par renoncer139. Quenneville, en septembre 1707, essaie de relancer cette idée140 ; il y est poussé par Castaing, qui s’était fait une bonne réputation en reprenant en main l’hôtel de la monnaie de Ségovie, où il avait expérimenté des outils, « qui jusques à présent avaient été inconnus en Espagne ». Mais le Conseil de Castille refuse de s’engager dans le projet141.

  • 142 Projet de Castaing, AN, G7 1093, mai 1708 et 4 juin 1708.
  • 143 AN, G7 1093, copie de la lettre de Desmaretz à Amelot, 30 mai 1708.
  • 144 AN, G7 1093, Amelot à Desmaretz, 25 juin 1708. AN, G7 1094, au même, 13 mai 1709, il signale à Desm (...)
  • 145 AN, B71, fol. 161, le 17 juin 1709.
  • 146 AECP, Esp., 191, fol. 30, Amelot à Louis XIV, 13 mai 1709.

61Par contre, Castaing fut à l’origine d’une opération toute au bénéfice de la France et au préjudice de l’Espagne. Il proposa, en mai 1708, de débarrasser le roi de France des pièces sans valeur de 8 sols dont le royaume était alors encombré, en les faisant recevoir en Espagne sur le pied du real de plata (qui en réalité valait 10 sols). Cela permet d’introduire les sols et d’extraire en contrepartie la bonne monnaie espagnole. Castaing compte sur Amelot pour introduire le nouveau cours et faire accepter le fait que les troupes ne soient payées qu’en pièces de 8 sols. « Par ce moyen nous pourrions faire passer insensiblement toutes nos pièces de huit sols en Espagne et en retirer de bonnes piastres avec 20 % de bénéfice pour la France. Cette affaire me parait d’une si grande conséquence que j’ai une joie parfaite de l’avoir imaginée ». La France se retrouverait ainsi avec des piastres et « autres matières d’or et d’argent142 ». Cette idée eut l’agrément de Desmaretz. Il semblerait qu'elle ait été mise en pratique, car, en 1709, les Espagnols se plaignirent de la présence d’une abondante petite monnaie de mauvais aloi qui se répandait sur les marchés et dont on soupçonnait les Français d’être à l’origine. Quel fut le rôle de l’ambassadeur dans cette affaire lui qui, au contraire, cherchait en tout le profit du Roi Catholique ? Desmaretz mit Amelot au courant du projet de Castaing143 et il semblerait que l’ambassadeur ait accepté144. Cependant, le 17 juin 1709, Amelot s’offusque auprès de Pontchartrain de ce que les pièces incriminées, une fois vérifiées, ont révélé que leur titre et leur poids comptaient bien 20 % de différence par rapport aux écus et aux piastres145. Tout ceci provoque la rancœur des Espagnols146. De telles menées s’expliquent par les graves difficultés économiques et financières que traverse le royaume de France en ces années 1708/1709. Mais l’épisode montre bien les limites de l’action d’Amelot, soucieux, pour sa part, d’assainir à long terme les finances espagnoles.

  • 147 H. Kamen, The War ofSuccession, (1969), p. 223.
  • 148 Ibid., p. 224.

62Après Almansa, profitant de l’élan de la victoire, Philippe introduisit dans les royaumes de la Couronne d’Aragon une fiscalité neuve. En 1713, l’apport des provinces aux finances royales sera estimé à 5 000 000 de reaux. Pour le reste, l’accroissement du revenu du roi (qui a presque doublé entre 1703 et 1713) est essentiellement dû à l’exploitation maximale des ressources extraordinaires, y compris les taxes sur l’Église, les biens des particuliers et les confiscations147. Cela, cependant, ne suffisait pas à couvrir les dépenses de guerre. De plus, le problème des juros, ces rentes qui aliènent les finances, n’est pas résolu. Leur poids a encore augmenté par rapport aux calculs d’Orry de 1703. À cette date, les rentes étaient de 20 202 374 lt, soit 101 011 870 reaux (un tableau de H. Kamen pour le même budget donne les chiffres voisins de 101 014 870 reaux148). Or, en 1713, elles sont de 108 786 071 reaux. Malgré tous les efforts d’Orry et d’Amelot, (et aussi de Bergeick pendant une courte période) le problème des juros n’a pas été réglé.

3. Réformes militaires sur le modèle français

63Les troupes françaises destinées à la Péninsule entendent être secondées par une armée espagnole qui ne soit pas composée que de supplétifs. C’est dans ce but que fut créée la charge de secrétaire du despacho de la guerre, ainsi que la Tesoreria mayor de Guerra, permettant une meilleure entrée de l’argent pour les besoins militaires. Ces mesures furent complétées par un remaniement général des troupes directement inspiré du modèle français. Les archives françaises nous révèlent, une fois de plus, l’activité déployée par Orry dans ce processus. Le marquis de Puységur, qui avait contribué à réformer l’armée de Flandre selon « les ordonnances et règlements » de France en 1701-1702, joua aussi un rôle important en Espagne, entre 1703 et 1706, en tant que Directeur général de l’infanterie et de la cavalerie. Les idées de ces deux hommes, encouragées par Philippe V et l’ambassadeur, trouvèrent des relais efficaces auprès des généraux et militaires français mais aussi des intendants et commissaires d’armée, qui formaient un réseau étroit à Madrid et à la cour quand ils ne se trouvaient pas en campagne. Enfin, une part de la noblesse espagnole fut intéressée par cette évolution, retrouvant ainsi le prestige attaché à la fonction militaire dévalorisée au cours du xviie siècle.

La constitution de régiments d’élite : les Gardes du roi d’Espagne et le modèle des Gardes du corps et gardes-françaises

Les prémices des Gardes du roi

  • 149 SHD, A1 1600, lettres d’Orry de septembre 1702.

64Durant le séjour en Italie, le comte d’Ursel monta une compagnie de mousquetaires flamands. Leur arrivée à Madrid, en janvier 1703, fut mal perçue par les Espagnols du fait de leur nationalité. Aussi les avanies qu’ils durent subir furent-elles nombreuses ; de plus, leur solde fut peu souvent acquittée. Coexistaient avec eux deux régiments créés de toutes pièces par Orry, la même année, à savoir un régiment des gardes du roi et un régiment des gardes de la reine149. En mai 1703, lors d’une revue, le premier était estimé à 400 hommes, le second à 800 hommes. Si ces troupes paraissent complètes, elles sont par contre mal armées.

  • 150 J. de Sotto Montes, « La guardia valona en España », Revista de Historia militar, 28 (1970), p. 66- (...)
  • 151 AECP, Esp., 123, fol. 263, le cardinal d’Estrées à Louis XIV, 23 mai 1703 et fol. 344, Philippe V à (...)
  • 152 SHD, A1 1696, no 83, Orry à Chamillart, 7 novembre 1703.

65Il y avait, de plus, en Flandre, depuis une ordonnance du 17 octobre 1702, un régiment des gardes royales wallonnes ; il était destiné à devenir un régiment d’élite francophone, dont le règlement était repris de celui des Gardes françaises150. L’enthousiasme de la noblesse belge pour s’y enrôler le faisait attendre avec impatience à Madrid, où il arriva au début de l’année 1704. Il revint à Orry d’unifier ces différents corps, un peu trop disparates151. Dès novembre, le financier annonce comme une chose faite la création de 4 compagnies, 2 espagnoles, 1 flamande et 1 italienne, de 200 hommes chacune. Il souligne que les nominations se font au choix du roi. Le but est « d’attacher au roi l’élite de tous les officiers152 ». Dans le même temps, une garde d’infanterie, composée de deux régiments voit le jour : celui des Gardes espagnoles, donné au comte d’Aguilar et celui des Gardes Wallonnes, à Charles-Antoine prince de Croy, duc d’Havré.

  • 153 SHD, A1 1786, no 38, Chamillart à Dumesnils, 10 mai 1704.
  • 154 SHD, A1 1788, no 36-37, Dumesnils à Chamillart, 14 mai 1704 ; A1 1786, fol. 105 ; Projet : ANM, Est (...)
  • 155 AECP, Esp., 141, fol. 306, Gramont à Torcy, 23 juillet 1704.

66L’année 1704 est particulièrement délicate pour ces nouvelles troupes, en butte à l’hostilité des Espagnols. En mars, des officiers français sont envoyés par Versailles pour rédiger un règlement, notamment M. de Luzancy, aide-major aux Gardes Françaises et le sieur Laurent Dumesnils. Ce dernier travaille sur la question avec le maréchal de Berwick et avec le marquis de Puységur153. Il en sort en mai un projet, « conforme à ce qui se fait en France », soumis à Berwick, Gramont, au duc de Medina Sidonia et à Rivas. Il fut adopté mais non-appliqué154 car le « déchaînement des Grands contre cet établissement » est grand155.

Réglementation et consolidation

  • 156 Comme expédient, Amelot accepte l’idée de Tessé de constituer une garde de 80 cavaliers français. E (...)

67De retour à Madrid au milieu de cette agitation, Orry et Amelot travaillent en priorité à conserver au roi ses gardes et ses régiments156. L’on prévoit la construction de corps de gardes à proximité du Palais Royal et une expédition pour le recrutement de 160 cavaliers est lancée en Flandres. Profitant de l’incident du banquillo à la chapelle, Philippe V, impose une fois pour toute le capitaine des gardes à proximité immédiate de sa personne.

  • 157 ANM, Estado, leg. 493, 22 février 1706, 29 p.

68Le 25 septembre 1705, un règlement des gardes est enfin promulgué en 21 articles. Ce texte reprend les idées du projet de Dumesnils, mais est beaucoup plus précis quant aux prérogatives du capitaine des gardes par rapport aux autres officiers de la Chambre du roi, afin d’éviter à l’avenir tout problème d’étiquette. Une nouvelle ordonnance du 22 février 1706 reprend les 21 points du texte de septembre 1705, en les complétant par une série de directives inspirées, elles aussi, du règlement français157. Lorsque quelques retouches seront ensuite apportées, ce sera toujours d’après ce qui se pratique en France. Enfin, l’habillement même des gardes est d’inspiration française.

69Ces gardes deviennent un corps d’élite dont le prestige est assuré par sa proximité avec la personne royale. Désormais, ils ont la préséance sur les autres unités de l’armée, démontrant ainsi que le fait d’être directement auprès de la personne royale représente un service qui l’emporte sur l’ancienneté.

L’influence française dans la structure de l’armée de Philippe V

L’état des lieux par Orry

  • 158 AECP, Esp., 119, fol. 276 (mars 1703) ou AECP, Esp., 120, fol. 309, 29 novembre 1703 ; mémoires de (...)
  • 159 SHD, A1 1696, no 14, Orry à Chamillart, 31 juillet 1703. Il défend l’idée de son camp car le cardin (...)
  • 160 AECP, Esp., 120, fol. 62, Orry à Torcy, 11 septembre 1703.
  • 161 AECP, Esp., 120, fol. 91, Orry à Torcy, 19 septembre 1703.
  • 162 AECP, Esp., 120, fol. 248, Orry à Torcy, 23 novembre 1703.
  • 163 F. de Salas Lopez, « Ordenanzas de Felipe V para su nuevo ejército », La Guerra de Sucesión en Espa (...)

70Comme il l’avait fait pour les finances, Orry établit des tableaux exhaustifs de « l’état présent des troupes158 ». Les problèmes de l’armée sont de tous ordres. Le recrutement se fait avec lenteur malgré la promesse de 2 écus à l’engagement. De plus, la formation des recrues laisse à désirer. Orry préconise la création d’un camp aux portes de Madrid pour les encadrer et les discipliner159, et, comme les milices sont « incapables car conduites par des gens qui ne connaissent pas la guerre », il propose de les mêler à l’armée régulière afin de les soumettre à la même discipline. Il cherche à rassembler les Irlandais présents à Madrid dans un gros corps de dragons, où sont versés aussi quelques Français désireux de servir en Espagne, en général des déserteurs160. Il constate une certaine adhésion populaire et de la noblesse en général à ces réformes. Les Grands restent à l’écart, boudeurs161. Des commissaires de guerre sont créés et chargés de contrôler financièrement les capitaines généraux. Orry utilise, à cet égard, une charge tombée en désuétude, les veedors d’armée, nommés par le Conseil de Guerre et qu’il fait désormais choisir par le roi. On sent qu’Orry jubile quand il explique la manière dont le roi s’approprie à nouveau le circuit financier en même temps que la dispensation des grâces ; « ainsi nous sommes les maîtres », écrit-il. Il souhaite mettre fin au « brigandage » des officiers lors des revues en créant 5 commisarios reales de la muestra, pour l’Andalousie, l’Estremadure, la Castille, la Galice et la Catalogne. Désormais, le Trésorier ne payera le capitaine général qu’après avoir vu la feuille de revue du commissaire, visée par le veedor general. Ainsi, « l’ordre du capitaine général ne sera plus que pour la forme, et nous verrons bientôt, s’il plaît à Dieu, qu’ils signeront leurs comptes des dépenses de la guerre comme nos maréchaux de France162 ». La fonction des commissaires de guerre sera définie dans les textes par une ordonnance royale du 28 juillet 1705163. Cependant, Orry songe aussi à augmenter la solde des officiers, car celle-ci est si basse que personne ne souhaite servir.

  • 164 Orry a imaginé que par le secrétaire d’État à la guerre, le roi pourrait faire un marché avec des a (...)
  • 165 Il revient sur ces créations dans un mémoire du 20 mars 1705, SHD, A1 1884, no 126.

71Le Français se rend compte aussi que les armes sont insuffisantes. Orry relance l’activité des usines de Biscaye et du Guipúzcoa et passe aussi des marchés avec des entrepreneurs français tel Maximilien Titon à Bayonne164. Pendant toute la guerre, l’Espagne sera redevable à la France de cet armement qui, progressivement, relègue la pique, l’arquebuse et le mousquet, au profit du moderne fusil à baïonnette. Orry lance aussi cinq fabriques de poudre et une de plomb165.

  • 166 Les sieurs Leleu et Lelarge sont ainsi mis à contribution, mais Henry Kamen relève aussi les noms d (...)
  • 167 Orry est extrêmement informé sur la question de l’artillerie, dressant des mémoires précis sur les (...)
  • 168 AECP, Esp., 119, fol. 232 et sv. et ibid., 120, fol. 224, 7 novembre 1703. Torcy, le 13 et 19 novem (...)

72L’intendance militaire est elle aussi déficiente. Orry songe à la confection de paillasses et de traversins mais aussi de couvertures. Des fonds sont réunis pour créer des hôpitaux à Gibraltar, Cadix, Séville, Badajoz, Alcantara, Salamanque, La Corogne et Pontevedra. Pour l’habillement, il se tourne à nouveau vers des artisans français, car les fabriques de draperies espagnoles ne peuvent encore répondre à la demande, même si un premier contrat est signé, en décembre 1703, avec Gaspard Naranjo. Trois manufactures de gros drap voient le jour166. Enfin, les munitions de bouche, farine pour les hommes, avoine ou orge pour les chevaux, ne sont pas en place. Orry passe le premier traité à cet effet avec Manuel Lopez de Castro, en affermant en contrepartie la rente du tabac. Quant à l’artillerie, Orry n’a de mots assez durs pour se plaindre du marquis de Leganés, capitaine général de cette arme, qui n’a que peu de canons encore en état et qui fait obstruction à toute réforme167. Reste les fortifications, dont il dresse une liste en signalant leur état déplorable déjà souligné par les ingénieurs français, Arnoul et Renau. Orry songe déjà à créer deux corps indépendants et professionnels d’ingénieurs et d’artilleurs, et souhaite l’arrivé de Français pour former les Espagnols168.

  • 169 AECP, Esp., 120, fol. 148, Orry à Torcy, 5 octobre 1703 ; ibid., fol. 248, 23 novembre ; ibid., fol (...)

73Les idées d’Orry ont été bénéfiques en ce qu’elles ont bousculé les Espagnols. C’est d’un ton satisfait qu’il constate, en décembre, que « tout cet ouvrage qui ne peut plus être secret, étonne bien des gens de ce pays qui n’en sont plus à croire que l’Espagne est dépeuplée et qu’il est impossible que les Espagnols sortent de leur inaction169 ».

La création des régiments

74La grande nouveauté d’Orry est l’introduction du régiment dans la configuration habituelle du tertio, et de la brigade de cavalerie dans celle du trozo. Ces deux corps espagnols, historiques et redoutables dans les mémoires, offraient, au début du xviiie siècle, une constitution trop lourde. Or, la guerre qui se prépare exige au contraire de petits corps mobiles et rapidement opérationnels ; aux batailles de grandes masses en champs ouverts vont se substituer des attaques successives, dans lesquelles se combinent le mouvement et la manœuvre. Introduire ce changement est une œuvre de longue haleine, déjà partiellement mise en place dans les troupes situées en Flandre et en Italie. Orry s’est inspiré de ces précédents pour mettre au point sa propre réforme en Espagne.

  • 170 SHD, A1 1695, no 38, Orry à Chamillart, mars 1703.
  • 171 SHD, A1 1695, no 47, « Mémoire [...] concernant un projet de réglement pour les troupes » (mars 170 (...)

75Selon un décret du roi, pris à Barcelone, le 24 décembre 1702, Philippe souhaitait, de façon tout à fait traditionnelle, fixer son armée à dix-sept tercios d’infanterie (soit 17 000 hommes), douze trozo s de cavalerie (soit 6 000 hommes) et quatre régiments de dragons (soit 2 000 hommes). En réalité, le roi n’a que 21 500 hommes dans dix-sept tercios, sept trozos et deux régiments de dragons. Comme il serait très difficile de compléter les effectifs des troupes, Orry transforme ce projet en préconisant la création de soixante régiments d’infanterie de 10 compagnies de 40 hommes (sans compter l’État-major et les officiers), soit 24 000 hommes, et de quinze régiments de cavalerie de 12 compagnies à 30 maîtres, soit 5 400 hommes, auxquels s’ajoutent cinq régiments de dragons pour 1 800 hommes. Il fait ainsi monter le total de l’armée à 31 200 soldats170. Il expose longuement les bénéfices de ces changements à Chamillart dans une lettre qui montre combien il connaît par ailleurs les traditions militaires espagnoles171. Le changement doit mener à une meilleure discipline au sein de l’armée, notamment grâce à un État-major structuré et étoffé, dans lequel le colonel a une place prépondérante, tandis que le capitaine, moins indépendant car davantage surveillé, prend soin de la discipline de sa compagnie et de sa rigoureuse observation, sous peine de se retrouver dégradé. Enfin, si le commandement est ainsi assuré, ce qui concerne le détail de la vie du régiment est pris en main par les majors.

  • 172 En février-mars 1703, il travaille avec Gregorio de Mella, veedor de Catalogne (envoyé en Flandre e (...)
  • 173 AECP, Esp., 118, fol. 148, Louis XIV à Philippe V, 13 novembre 1703.
  • 174 AECP, Esp., 120, fol. 248, Orry à Torcy, 23 novembre 1703.

76Orry travaille avec assiduité à cette nouveauté dans le cadre d’une junte, cela afin de tenir le Conseil de la Guerre dans l’ignorance de ses projets172. Il apparaît comme le pivot de cette réforme. Il se sert aussi des nouveaux régiments du roi, de la reine et du Royal Asturie pour habituer les Espagnols à ces nouvelles structures. En novembre, une brigade de cavalerie française passe en Espagne pour servir de modèle173. Enfin, il louvoie sur les termes, ne parlant encore que de « détachements » au lieu de bataillons lorsqu’il commence à diviser les tercios en deux174.

  • 175 SHD, A1 1787, no 72 et 73. Ce décret est aussi dans AECP, Esp., 120, fol. 388 ; P. Onate Alguero, « (...)

77Les milices sont elles aussi organisées sur le modèle français du régiment. Orry souhaite les composer en une centaine de régiments de 500 hommes répartis en douze compagnies, qui se réuniraient chaque semaine pour l’exercice et une fois par mois pour être contrôlées. Cela aboutira au décret du 8 février 1704, dont on peut tenir Orry pour l’auteur, d’après ce qu’il en écrit à Chamillart175 ; on y retrouve un état-major important, un meilleur contrôle et une discipline efficace. Désormais, les milices ont une organisation comme celle des troupes régulières et peuvent servir soit d’appoint à l’armée, soit d’unités de réserve. C’est un pas de plus vers une structure plus moderne de l’armée.

L’accroissement de l’autorité royale par la valorisation de l’officier

  • 176 En mars 1706, une ordonnance à ce sujet est rédigée : « Real ordenanza de marzo de 1706, sobre que (...)

78Les réformes entreprises par Orry ont aussi pour but de restructurer le corps des officiers de l’armée. D’une part, pour les mettre directement sous l’autorité royale, et non plus sous celle du Conseil de Guerre, et d’autre part, pour les responsabiliser afin qu’ils maintiennent en bon ordre leurs troupes. L’esprit du commandement a changé avec la création des régiments. Le capitaine est responsable de l’entretien de sa compagnie. Il doit maintenir ses effectifs au complet. Son zèle sera d’autant plus grand que sa solde en dépend176.

  • 177 L’ordonnance du 28 février 1707 rend officielle cette substitution.
  • 178 SHD, A1 1695, Orry à Chamillart, 3 février 1703.

79Les grades des officiers supérieurs sont entièrement copiés sur le système français, introduisant celui de brigadier, étape avant celui de maréchal de camp, de lieutenant-général et enfin de capitaine général d’armée (qui se différencie du capitaine général de province). Sous le brigadier se trouvent le colonel, maître d’un régiment, qui se substitue au traditionnel maréchal de camp du tertio177, le lieutenant-colonel, le sergent-major qui s’occupe de la discipline, et le capitaine, autre poste-clef, à la tête d’une compagnie. Suivent, enfin, l'ayudante-mayor, le lieutenant, l'alferez, le sous-lieutenant puis le sergent. Orry estime que ce système de grades doit donner à tous les officiers de mérite une espérance d’avancement et de fortune, ce qui doit les tirer « de l’abattement où ils sont et leur donn[er] pour ainsi dire la vigueur qui leur manque et qu’il est si nécessaire de faire renaître en eux, chose que les Conseils ne veulent point178 ».

80De plus, le roi devient le seul distributeur des grades et des emplois. Au temps des Habsbourg, le capitaine nommait les officiers de sa compagnie et le maréchal de camp ceux du tertio, tandis que le Conseil de Guerre s’occupait de l’État-Major. Désormais, la carrière personnelle des officiers dépend directement du roi, qui est ainsi le seul maître de son armée. Enfin, pour attirer la noblesse, l’ordonnance du 8 février 1704 crée, sur le modèle français, le cadet comme officier des régiments des milices, qui deviennent ainsi comme une école de guerre pour la noblesse.

81Toutes ces innovations, développées dans les mémoires et les lettres d’Orry, sont définies avec précision sur le papier. C’est vraiment en 1704 et durant les années suivantes qu’elles deviennent effectives par une législation appropriée. Paradoxalement, Orry n’est plus présent à ce moment-là, et c’est le marquis de Puységur, réformateur des armées de Flandre en 1701-1702, qui est l’auteur de l’ordonnance du 28 septembre 1704, qui donne à l’armée du roi d’Espagne sa nouvelle forme. Entre ces deux personnages, il y a un lien évident sans que l’on sache exactement le degré d’influence réciproque.

Application et relais de la nouvelle politique militaire (1704-1712)

Le règlement de 1704 et les difficultés d’application : rôle de Puységur

  • 179 AECP, Esp., 136, fol. 79, Puységur à Torcy, 22 janvier 1704.
  • 180 AECP, Esp., 143, fol. 40, Torcy à Puységur, 26 janvier 1704, Torcy écrit au marquis qu’il pense « c (...)

82À la fin de l’année 1703, le marquis de Puységur fit son apparition à Madrid. C’était un militaire expérimenté que Louis XIV appréciait particulièrement. Il le « prêta » à son petit-fils pour la préparation de la campagne du Portugal. Cet homme se distinguait par sa capacité de maréchal des logis, très au fait de tous les détails de marches, de campements, de fourrage et de vivres. Cependant, son caractère le portait à être parfois un peu trop sûr de lui, ce qui lui faisait commettre quelques erreurs de jugement. Tout comme Orry, il approuvait l’idée d’introduire le modèle militaire français en Espagne179. Son rôle était d’ailleurs de juger sur place la faisabilité des plans du financier français, que d’emblée il considérait comme un subalterne ayant pris un peu trop d’envergure à son goût180. Il fit plusieurs tournées sur les places frontalières, vérifiant les levées et les fournitures, et estima que rien n’était réellement bien préparé. Il rejeta la faute de ces manquements sur Orry, qui finit par être rappelé en France en août 1704.

  • 181 SHD, A1 1788, no 181-182, Puységur à Chamillart, 24 juillet 1704.
  • 182 SHD, A1 1789, no 84, Orry avait calculé que le roi possédait un revenu de 25 000 000 lt. Les charge (...)

83Il n’hésita pas non plus à prendre le contrepied de quelques réformes. Ainsi, il souhaite, en juillet 1704181, le retour aux affaires de la guerre de Rivas, en fait incapable d’assurer cette tâche ; ou encore, il cherche à minorer le rôle de Berwick, dont il n’apprécie par les qualités militaires. En réalité, Puységur, qui devait être sous les ordres de ce général, cherche à s’en affranchir pour devenir une sorte de conseiller personnel du roi. Ce dernier, en août, du fait de l’absence forcée d’Orry, lui fait confiance pour mettre en place le nouveau règlement de ses troupes. En septembre, le marquis envoie à Chamillart son projet. Cette ordonnance du 28 septembre 1704 qui réorganise l’armée espagnole, si elle est rédigée par Puységur, ne fait que reprendre les projets d’Orry. La seule divergence entre les deux hommes vient du financement prévu. Ainsi, Orry comptait entretenir l’armée avec 12 millions de livres, alors que Rivas n’hésite pas à assurer Puységur qu’il peut lui trouver 20 millions de livres, ce que ce dernier eut la faiblesse de croire. Orry, au contraire de Puységur, connaissait l’état réel des finances du roi182.

  • 183 SHD, A1 1884, no 16, Chamillart à Tessé, 3 mars 1705.

84En janvier 1705, rien cependant n’est encore appliqué. La mésentente entre les Français de Madrid empêche encore davantage toute espèce de changement dans les affaires. Puységur n’a plus de crédit et ne s’entend pas avec l’ambassadeur ni avec Meliand, l’intendant français chargé de l’assister. Le marquis finit par s’en aller. « L’habitude dans laquelle il était de travailler en France directement avec le roi et qu’il a voulu conserver en Espagne n’a pas été fort approuvée183 ».

  • 184 SHD, A1 1883, no 156, Puységur à Chamillart, 30 janvier 1705.

85La situation reste critique en janvier 1705, date à laquelle l’infanterie ne compte guère plus de 5 130 hommes. La cavalerie, par contre, approche de son complet effectif en chevaux « et on peut la rendre assez forte en hommes, mais elle manque de selles, de bottes, d’habits et d’armes ». Avec ces forces, le roi d’Espagne n’est pas en état de mettre un bataillon en campagne ni de garder ses places. Rivas qui avait tout promis, n’a rien tenu, et Mejorada qui le remplace n’est au fait de rien184.

Le retour d’Orry aux affaires militaires

  • 185 AECP, Esp., 152, fol. 118, 27 février 1705.
  • 186 SHD, A1 1884, no 126, 20 mars 1705, « Mémoire du Sr Orry sur l’Espagne » (29 pages).

86Orry, dans une lettre à Torcy, écrite de Paris, en février 1705185, fait le point sur les résultats de son activité durant son séjour à Madrid. D’une part, il était arrivé à fournir un fonds fixe de 12 millions de livres pour les affaires militaires. D’autre part, peu avant son départ, il avait fait lever 50 escadrons de cavalerie, rendu complets 40 bataillons d’infanterie et créé 10 autres tirés des milices. Tout cela avait contribué selon lui, à l’heureuse campagne de Portugal. À la fin du mois de juin 1704, il ne restait plus qu’à pourvoir aux recrues pour entrer en campagne dès le mois d’octobre. « Il ne m’appartient pas de vous rappeler ce qui s’est fait depuis pour détruire tous les établissements que j’ai laissés formés ». Faute d’argent les désertions se sont accumulées. Si Orry veut bien repartir à Madrid, c’est à condition de pouvoir travailler sur la base de ses plans. Mais il se souvient de ses démêlés avec les ambassadeurs, et souhaite désormais être soutenu à fond. De retour à Madrid, il précise sa pensée dans un long mémoire à Chamillart, en date du 20 mars 1705186.

87Le premier volet de ce mémoire concerne la refonte du despacho selon un plan de Madame des Ursins. Orry envisage ensuite la question militaire sous différents chapitres s’intéressant aux recrues de l’infanterie, aux régiments de milice tirés d’Andalousie, à la fortification de la cavalerie, à l’habillement, à l’armement, aux vivres, à l’artillerie, à la nécessité d’avoir un trésorier pour les affaires de la guerre.

  • 187 SHD, A1 1886, no 280, Amelot à Chamillart, 25 août 1705.

88Ces plans sont repris par Amelot, nouvel ambassadeur, qui choisit, néanmoins, faute d’argent, d’améliorer les troupes déjà présentes plutôt que de faire de nouvelles recrues187.

Les spécialistes français

89Il y eut pléthore de techniciens français venus en Espagne pour seconder l’ambassadeur et le financier dans leurs projets et qui constituaient un groupe important sur le terrain.

  • 188 Il est à Madrid, dès 1701, et met en place le traité sur les poudres l’année suivante AECP, Esp., 1 (...)
  • 189 ANM, Estado, leg. 260, no 38, Vaillant à Rivas, 26 novembre 1704, mémoire pour le munitionnaire de (...)
  • 190 SHD, A1 1886, no 64, en juillet, Desbrières s’occupe de la levée de 36 bataillons et 55 escadrons ;(...)
  • 191 SHD, A1 1891, no 39. Le sieur Grandpré est directeur des équipages et le sieur Daudé, commis au déc (...)
  • 192 Le sieur Rhodes a fait l’objet d’un procès en France qui l’a poussé à aller chercher du service en (...)
  • 193 SHD, A1 1979, no 309-310, Méliand à Chamillart, Barcelone, 5 mai 1706.

90Ainsi, le sieur de Servigny188, chargé de rétablir les fabriques de poudres avec le titre de commissaire général d’artillerie, fut choisi par Orry, en mars 1703, comme directeur général des vivres d’Espagne et des troupes de France. Il était venu chercher de l’emploi à Madrid car le P. Daubenton, son ancien régent, lui avait promis de lui trouver une place. Puis, il avait fait valoir ses talents comme munitionnaire. Ceux-ci ne convainquirent guère Chamillart, qui demanda son départ pour le remplacer par le sieur Vaillant189, à la fin de l’année 1704. Peut-être jugeait-on alors Servigny trop proche d’Orry. En 1705, un sieur Desbrière, commis proche d’Orry, est aussi chargé de la levée des troupes et des vivres ; il occupe ce poste à Madrid jusqu’en 1708190. On trouve à cette époque une quinzaine de commis français attachés aux affaires de la guerre mais, dès 1705, ils sont réduits à 6 ; sans doute font-ils partie de ceux que la reine refuse de faire payer en 1709191. Pour les hôpitaux, un certain Rhodes obtient un contrat, dont il s’acquitte, selon Tessé, avec diligence, mais qui lui est enlevé sur l’ordre de Chamillart. On le retrouve, sous un nom d’emprunt, chargé des vivres en Catalogne, à la fin de l’année 1705192. En 1705 et 1706, est mentionné le sieur Terray inspecteur français des hôpitaux, intéressé aussi pour une grosse part dans les marchés les concernant. Il sera sanctionné à ce sujet par l’intendant français, car sa fonction lui interdit d’être entrepreneur, même sous un autre nom, dans le domaine dont il s’occupe193.

  • 194 La Mothe servait dans l’artillerie depuis 1674. En janvier 1706, Orry craignait que son absence sur (...)
  • 195 AECP, Esp., 176, fol. 52, Amelot à Orléans, 3 mai 1707. SHD, A1 2408, fol. 322-324, 29 décembre 171 (...)
  • 196 Tanqueux avait servi au siège de Turin comme ingénieur sous le maréchal de la Feuillade ; il fut au (...)
  • 197 AECP, Esp., 187, Asfeld au duc d’Orléans, de Valence, 2 septembre 1708.
  • 198 Ce dernier avait été mis en prison à la citadelle d’Arras en 1708, car les Français craignait qu’il (...)
  • 199 SHD, A1 2048, no 156-158 et A1 2501, no 42.

91Pour l’artillerie, le lieutenant La Mothe Barracé assiste à plusieurs juntes à ce sujet ; il contribue à établir des ateliers à Séville et Albe. Après avoir servi en Estremadure et en Castille, il suivit l’armée en Aragon et Catalogne en 1706. Il considérait avoir formé une vingtaine d’officiers d’artillerie espagnols. Orry et lui avaient établi un projet de refonte des canons afin d’uniformiser leurs calibres, extrêmement divers. Il arrivait très souvent que les boulets ne correspondent pas au canon. À ce sujet, Orry avait lancé une vaste campagne de triage et de répartition des pièces dans les places fortes en fonction de leur calibre. Il fut remplacé par M. Rigolot, lieutenant-général d’artillerie, durant l’été194. Enfin en 1707, on trouve le sieur Jean-Charles de Boisloger, actif auprès d’Amelot, de Canales (alors possesseur de la charge de capitaine général de l’artillerie) et aussi de Bay, sur la frontière d’Estremadure. Il semble faire carrière car, en juillet 1709, il est lieutenant-général d’artillerie du roi d’Espagne en Estremadure. En décembre 1712, il rend compte de ses difficultés à assurer le service de son arme pendant le blocus de Girone et en profite pour demander le grade de brigadier en France195. De même, sur ces questions de génie militaire, le roi d’Espagne recourt assez souvent à Coursin de Tanqueux196, même si l’ingénieur Renau a le quasi-monopole en la matière jusqu’en 1709. Les Français ont donc beaucoup contribué à former les canonniers et ingénieurs espagnols, mais Asfeld les jugeait encore trop neufs et sans expérience en septembre 1708, utilisant plutôt les services des officiers du Royal Artillerie présents en Espagne197. Mais, dès le 2 mai 1710 et en 1711, Philippe V se dote, sur l’exemple français, d’un corps d’artillerie et d’un corps d’ingénieurs, appelés à s’étoffer et à la tête duquel se trouvera l’ingénieur flamand, Georges-Prosper Verboom198. En 1712, des ingénieurs français sont encore signalés en Espagne, et, en août 1715, Philippe demande à Louis XIV de lui en laisser quelques-uns afin qu’ils continuent à former des ingénieurs espagnols199.

  • 200 Lemarié (Jacques-Louis), commissaire des guerres, en 1683 ; il servit avec le titre d’intendant de (...)
  • 201 Meliand (Antoine François) (1670-1747), avocat en 1691, conseiller au Parlement en 1692, maître des (...)

92Enfin, trois Français ont compté durant cette période pour les affaires militaires. Le premier d’entre eux, Dudoyer, commissaire de guerre, envoyé pour travailler à la subsistance des troupes en janvier 1704 ; le second, Jacques-Louis Le Marié200, arrivé en avril 1704 et le troisième, Antoine-François Meliand201, à la fin de l’année 1704.

  • 202 SHD, A1 1786, no 102, 15 août 1704.
  • 203 SHD, A1 1978, no 113, 26 février 1704 et A1 2104, no 166, 28 avril 1708.

93Dudoyer devait seconder le marquis de Rivas « dans bien des choses qui sont peut être inconnues en Espagne », écrivait Chamillart à Gramont202. Il fait aussi quelques rapports sur la cour, qui montrent qu’il la côtoie de près. Son caractère est terriblement indépendant. Il est rappelé une première fois, lors du retour d’Orry, puis à nouveau envoyé, en 1706, pour œuvrer avec Amelot aux finances. Il ne revient en France qu’en avril 1708203.

  • 204 SHD, A1 1787, no 113, Chamillart à Orry, 26 février 1704.
  • 205 SHD, A1 1891, no 7, Chamillart à Le Marié, 22 janvier 1705.

94Le Marié avait le titre d’intendant d’armée, chargé de la subsistance des troupes. Il fut envoyé tout d’abord pour examiner les plans d’Orry dont on se montrait mécontent en France204. En réalité, Le Marié sympathise avec le financier français, ce que n’approuve pas Chamillart, qui veut le rappeler en octobre 1704. Mais l’intendant est protégé par Philippe et, en janvier 1705, celui-ci lui accorde un titre de comte, qui lui attire une lettre cinglante de la part de Chamillart, qui lui reproche son goût pour les vains honneurs205. En avril, il doit se justifier au sujet de plaintes de Puységur et d’Asfeld à son égard. En réalité, Le Marié souffre d’avoir été trop proche d’Orry et on le dit notamment en cheville avec Lopez de Castro pour des « fripponeries ». Il rappelle alors son labeur pour trouver du pain et du fourrage dans un pays inconnu, désorganisé, sans commissaires des guerres ni commis des vivres. Il sait qu’on lui reproche « de n’avoir pas voulu déclamer, ni publier hautement » contre Madame des Ursins et le financier, qu’il défend. Mais Chamillart, toujours très dur avec ses subalternes, lui écrit qu’il ne lui pardonne rien et qu’il l’attend en France.

  • 206 SHD, A1 1884, no 29, Chamillart à Gramont, 16 février 1705.
  • 207 AECP, Esp., 153, fol. 249 et 323, Chamillart à Amelot, 6 et 27 septembre 1705.
  • 208 AECP, Esp., 176, fol. 196, Amelot à Berwick, 4 juin 1707.
  • 209 SHD, A1 2049, no 128, Meliand à Chamillart, 17 juin 1707.
  • 210 SHD, A1 2048, no 29, Meliand à Chamillart, 10 janvier 1707.
  • 211 En janvier 1708, il est intendant à Saragosse où il œuvre avec Patino, SHD, A1 2104, no 128 et no 3 (...)

95Il est remplacé par Meliand, envoyé pour servir d’intendant d’armée au service de Tessé. La bonne entente n’est pas de mise avec Puységur, qui veut s’occuper de tous les détails de la campagne même de ce qui est normalement du domaine de l’intendant206 ; les plaintes de Méliand à ce sujet contribuent d’ailleurs au rappel du marquis. Contrairement à Le Marié, il ne s’entend pas très bien avec Orry, lors du retour de ce dernier. Meliand, suivant déjà la nouvelle politique de Versailles, cherche simplement à assurer les vivres à l’armée française, sans une vue globale sur les soucis d’intendance des Espagnols. Cela lui est inspiré par Chamillart qui ne veut plus que les deux services soient mêlés207. En 1706, il est au camp devant Barcelone et, en juin 1707, il est envoyé pour servir d’intendant d’armée en Aragon, auprès du duc d’Orléans208. Il est chargé, avec Dudoyer, d’organiser une imposition dans tout le royaume, taxant Saragosse pour 45 000 pistoles209. Sa charge englobe aussi les finances et, à Madrid, il tente d’aider l’ambassadeur à trouver du crédit auprès des banques210. En 1708, il est intendant de Saragosse et met au point les hôpitaux pour le siège de Tortose. En janvier 1709, il veille à la remonte de la cavalerie à Madrid ; enfin, en juillet, il aide les armées françaises à repasser en bon ordre en France. Philippe V écrivit en sa faveur à Louis XIV pour louer son travail le recommandant pour une place de conseiller d’État211.

  • 212 Chatillon est inspecteur de la cavalerie en Espagne, envoyé en 1704, SHD, A1 1787, no 27. Il souhai (...)

96Ces techniciens, proches des généraux et de l’ambassadeur, appointés le plus souvent à la fois par la France et par l’Espagne, ont marqué le paysage politique madrilène pendant près de cinq années. Ce sont les plus importants, même si on trouve à leurs côtés d’autres noms français, comme celui d’Antoine Du Verger, préposé à l’intendance militaire de Cadix et bien connu par ailleurs à Madrid, d’Hebert, de Duflos, de Gardieu, de Dubarbier, commissaires ordonnateurs des troupes, de Châtillon et Muret, inspecteurs de cavalerie212, de Mezière, commissaire ordinaire d’artillerie ou de Perrier, dessinateur de l’armée. Les sources ne nous révèlent rien de leur vie journalière ou de leurs réseaux, mais il est certain que, par leur présence même, ils ont contribué à relancer et organiser le service de l’armée et qu’ils furent très proches, voire rivaux, des munitionnaires espagnols.

  • 213 AECP, Esp., 187, fol. 13, 188 et 265 et ibid., 212, fol. 123 ; H. Kamen, The War of Succession, (19 (...)
  • 214 E. Escartin Sanchez, Los intendentes de Cataluna en el siglo XVIII. Dates biográficos, dans P. Mola (...)

97Amelot attire aussi quelques munitionnaires français dans ce cercle. En 1708, suite à de nombreux impayés, le marquis de Santiago refuse de continuer le service des vivres. Dans l’urgence, Amelot organise une compagnie de quatorze financiers madrilènes, parmi lesquels on retrouve Desbrière, mais aussi un certain Duchauffour et Thomas Capdevilla. Cette compagnie perdure jusqu’en 1710 date à laquelle une compagnie entièrement française dirigée par Antoine Sartine prend en charge les vivres d’Aragon, Valence et Catalogne213. Son directeur est suffisamment proche du roi pour être nommé surintendant général de la marine espagnole, en 1715, et entamer une grande carrière en Espagne qui le mène jusqu’à l’intendance de Catalogne, en 1727214.

L’avenir des réformes militaires après 1709

  • 215 AECP, Esp., 200, fol. 52, Bourck à Torcy, juillet 1710.
  • 216 SHD, A1 2253, no 12, dans une lettre de Bourck à Voysin, 22 avril 1710.

98Comme pour toutes les transformations entreprises par les Français, les années 1709-1710 ne sont pas propices aux réformes militaires. Des propositions pour rétablir l’ancienne discipline dans l’armée voient le jour215. Mais, plus qu’en tout autre domaine, les bienfaits amenés par la réorganisation des troupes et l’introduction de la discipline semblent bien intégrés, ainsi que le montre un texte qui circule en avril 1710 intitulé : Dialogue entre Mons. le marquis de... et M. le comte de... tous deux conseillers d’État, au sujet de la consulte faite au roi, il y a trois jours pour le rétablissement de l’ancienne discipline dans l’armée et dans toute l’étendue du militaire216. Le personnage du marquis est favorable à la consulte car il souhaite abolir « toutes ces nouveautés introduites par les Français », diminuer les dépenses causées par la multiplication des officiers généraux et ôter au roi « cette peine et occupation superflue de nommer lui-même tous les officiers ». Le comte souligne au contraire la nocivité de ce changement, qui désorganiserait une armée désormais bien rodée au nouveau système, et ruinerait la discipline, qui assure la victoire. Il rappelle, enfin, le modèle de Richelieu, qui sut remettre les nominations des officiers à Louis XIII, car « l’autorité du souverain consiste principalement à être le maître absolu et immédiat de tous ceux qui n’ont d’autre profession que celle des armes dans ses États ». Dans ce court libelle, c’est le tenant des réformes qui l’emporte.

  • 217 AECP, Esp., 218, fol. 428 et fol. 463, Bourck à Torcy, 12 et 19 septembre 1712. En octobre 1712, du (...)
  • 218 Nous trouvons un cas contraire : il s’agit d’Ambroise Daubenton (Provins, 9 novembre 1686† juin 170 (...)

99En septembre 1710, l’état de l’armée n’est pas mauvais et Vendôme s’en montre content. Cependant, après la mort de ce maréchal, le généralat passe à Tserclaes, et il ne sera plus question désormais d’un commandement français. La même année, le service des vivres de l’armée est donné à une compagnie entièrement espagnole et Sartine doit abandonner sa charge217. Désormais, les Français n’ont plus beaucoup de contacts avec le monde militaire, à l’exception de quelques-uns d’entre eux, qui y font carrière. Cependant, contrairement aux Flamands, aux Italiens ou aux Irlandais, qui s’incorporèrent aux troupes du roi d’Espagne en fortes proportions, les Français semblent beaucoup moins nombreux à l’avoir fait et, dans ce cas, ils ont intégré de préférence les régiments wallons, francophones218.

  • 219 ANM, Estado, leg. 473.
  • 220 Cabaret avait été fait exempt des gardes dès leur création, puis brigadier en 1705, SHD, A1 1887, n(...)
  • 221 AECP, Esp., 332, fol. 367, Dormay est maréchal de camp en 1724. Duconseil est tué à Saragosse. Mont (...)
  • 222 Epennes devint 1er exempt des gardes du corps wallonnes. Pourvu d’une commission de colonel puis d’ (...)
  • 223 AECP, Esp., 236, fol. 356 et ANM, Estado, leg. 473. Le père de ce Paul de Torcy était Charles de To (...)

100Ainsi, des documents de 1708, mentionnent dans l’État-major de la compagnie des Gardes commandée par Tserclaes219, Cabaret, comme sous-lieutenant220, Duconseil et Grandchamp comme alferez, Dormay et Montbardon comme exempts221. De plus, nous y avons trouvé deux des fils de Gaspard Hersan : Louis-Gaspard, sous-lieutenant dans la compagnie du comte de Mérode, puis lieutenant dans celle du Baron de Huart, et Etienne, sous-lieutenant dans la compagnie du duc d’Havré et lieutenant dans celle de Beauchamp. Le premier sera tué au combat, le second poursuit son ascension jusqu’au grade de capitaine avant de retourner en France, en 1717. Le chevalier d’Epennes, favori de Madame des Ursins, y trouva aussi de l’emploi jusqu’à sa disgrâce en 1706222. Ces postes, réservés à des personnes d’une très bonne noblesse, conviennent aux membres de la familia francesa. Enfin, en 1714, le chevalier de Torcy est mentionné comme sous-lieutenant aux gardes wallonnes, dans la compagnie Louis de Porter223.

  • 224 Les interdictions de la part de Louis XIV furent nombreuses. Chamillart doit rappeler à Amelot les (...)
  • 225 Le baron de Sault avait servi à Naples avant de se rendre en Espagne. Il reçoit le majorat de Cadix (...)
  • 226 En septembre 1710, Thouy est nommé capitaine-général. En 1711, il est à Saragosse. En janvier 1713, (...)
  • 227 Du Soupat fut nommé inspecteur d’infanterie en avril 1706 en même temps que commandant à Ciudad Rod (...)
  • 228 Bragelongne, en août 1706, est à Burgos où il commande un détachement de 80 cavaliers français pour (...)
  • 229 AECP, Esp., 173, fol. 186, août 1707. En 1715, Louvigny obtient un commandement sur les côtes de Gr (...)
  • 230 AECP, Esp., 332, fol. 367.
  • 231 Un rapide sondage, effectué dans le fichier mécanique accessible en salle de lecture des archives g (...)

101Le marquis de Caylus constitue un cas exceptionnel de réussite parmi ces Français, car, ayant commencé comme colonel des dragons jaunes, en 1702, il est nommé lieutenant-général, en juin 1709 ; il est fait chevalier de la Toison d’Or, en décembre 1716, gouverneur de Galice, en 1722, vice-roi du Pérou et capitaine général des armées du roi dans les royaumes de Valence et de Murcie, en 1734. Enfin, il obtient un titre de duc et de Grand d’Espagne, à la fin de 1759. Aucun autre Français n’eut une carrière aussi marquante que lui. Louis XIV avait, en effet, posé comme principe que ses officiers refusent les emplois et les grades espagnols, afin d’empêcher qu’ils quittent le service de la France224. Cependant, durant la guerre, le roi d’Espagne put recruter avec l’accord de la France, des officiers français dans des fonctions temporaires. Ainsi, le baron de Sault fut nommé major de Cadix avant de retourner en France, en 17 10225 ; le marquis de Thouy eut une promotion de capitaine général, en 1710, et semble être resté trois ans en service226 ; l’ingénieur Renau fut nommé sergent de bataille ; Boisloger, lieutenant-général d’artillerie. D’autres, comme Soupat227 ou Bragelongne228, durent rendre leurs brevets de brigadiers. Le cas du comte de Louvigny229 est différent : nommé maréchal de camp, en 1707, on le suit jusqu’en 1724, date à laquelle il est lieutenant-général230. En définitive, l’impression demeure que l’Espagne n’a pas été une terre d’élection pour les officiers français qui, certes, sont présents mais de façon minoritaire, et plutôt dans les Gardes wallonnes (troupes d’élites proches du roi) que dans les autres régiments231.

102En l’espace de douze ans, et par la seule influence française, plus précisément celle d’Orry, de Puységur et de l’ambassadeur de France, assistés de généraux et de techniciens militaires compétents, l’armée espagnole a totalement changé de visage. Désormais, le régiment, unité mobile et légère, est adopté ; une nouvelle hiérarchie dans les grades s’est constituée (avec un changement de nomenclature puisque le colonel remplace le maréchal de camp du tercio, tandis que le grade de brigadier fait son apparition) ; une discipline solide a été instaurée ; des nouveaux corps d’artillerie et d’ingénieurs ont vu le jour, ainsi que la fonction des commissaires de guerre, tandis que la noblesse est à nouveau attirée par cette carrière notamment à travers le corps prestigieux des Gardes, mais aussi par la mise en place de la fonction de cadet. Enfin, la constitution des milices annonce la mise en place d’une armée permanente et régulière. Tout cela fut rendu possible grâce au travail d’Orry sur les finances permettant d’assurer un fonds fixe pour ces dépenses et par la mise en place d’un ministre chargé des affaires de la guerre. Le roi se trouve désormais maître absolu de son armée, ce que n’avaient jamais été avant lui les Habsbourg.

103Le paradoxe de cette présence des français vient peut-être du fait que, malgré leur forte influence durant la Guerre de Succession d’Espagne, peu d’entre eux ont choisi de s’implanter dans le pays. 1712 marque la rupture de l’influence française dans le domaine militaire. C’est d’ailleurs à cette même date que se situe la fin de l’emprise de la France sur le commerce espagnol.

4. La Réforme du commerce espagnol ou les limites de l’influence française

  • 232 E.W. Dahlgren, Les relations commerciales et maritimes…, (1909), p. 33.

104La France s’intéresse à tout ce qui peut renforcer l’apport financier de l’Espagne dans les frais de la guerre de Succession. Pour cette raison, la modernisation du commerce espagnol est envisagée et chaque ambassadeur est pourvu d’instructions à ce sujet. Le commerce espagnol des Indes (en Nouvelle Espagne et Tierra Firme), connaît de grandes difficultés au début du xviiie siècle, et ne rapporte pas les sommes qu’aurait pu en attendre le roi. Outre l’impunité des vice-rois et les fraudes nombreuses au sein des colonies, ce commerce doit supporter la tutelle de trois institutions vénérables (créées au xvie siècle), le Conseil des Indes à Madrid, la Casa de Contratacion et le Consulat à Séville, au sein desquelles, selon les termes de E. W. Dahlgren, la fraude est érigée en système232. De plus, aucune flotte ni galions n’a fait d’expéditions depuis respectivement 1698 et 1695, tandis que les lois de la navigation espagnoles empêchent toute initiative privée en ce domaine.

105Depuis ses origines, le commerce des Indes est le monopole de l’Espagne et le plus grand fleuron de sa couronne. Les autres nations ne peuvent s’y rendre en « droiture », mais sont obligées d’embarquer leurs marchandises sur les flottes et galions espagnols. Dans le cadre de l'asiento, la Société royale de Guinée avait établi des factoreries dans plusieurs ports de l’Amérique espagnole, ce qui lui permet de vendre, outre des esclaves, des marchandises de contrebande. La France dispose aussi d’une importante flotte alors que l’Espagne n’est plus compétitive en ce domaine. En 1702-1703, Ducasse organisait un premier convoi de 6 vaisseaux pour ravitailler, avec succès, les places espagnoles d’Amérique. Il ne fallut pas longtemps, ensuite, pour que les vaisseaux français se chargent du transport des marchandises.

106Profitant de leur forte influence sur le roi d’Espagne, les ministres français cherchèrent à assouplir le système commercial existant, essayant de maintenir un difficile équilibre entre la recherche de gains pour l’Espagne et des bénéfices pour la France. Amelot, Orry, Ambroise Daubenton œuvrent avec constance, mais parfois en contradiction flagrante avec la politique menée par Versailles. Ainsi, la contrebande pratiquée de manière éhontée par les corsaires français n’est guère réprimée et suscite l’indignation des Espagnols. De plus, en sous-main, la France freine toute aide au rétablissement de la marine et de l’industrie espagnoles, afin d’éviter la concurrence pour ses propres produits manufacturés. Pontchartrain, le ministre de la marine, Chamillart puis Desmaretz, successivement contrôleurs généraux du commerce ou Daguesseau, président du Conseil de Commerce, font bien souvent passer les intérêts commerciaux français avant les « liens du sang » des deux monarchies. La politique suivie en ce domaine est fluctuante ; aussi, la question du commerce des Indes est-elle une pierre d’achoppement dans les relations entre les deux pays.

La réforme du commerce des Indes est-elle possible par les Français ?

La recherche de l'union : activité d’Ambroise Daubenton

  • 233 AECP, Esp., 165, fol. 395, Mémoire des dépenses du sieur Daubenton à Madrid, décembre 1706.
  • 234 A. Mezin, Les consuls de France au siècle des Lumières (17151792), (1997), p. 475.

107Le commis de la marine à Madrid, Ambroise Daubenton, doit expliquer au Conseil des Indes le bénéfice que peut apporter l’union des deux pays pour le commerce. Il se fait aider de trois commis233, dont Pierre-Nicolas Partyet, ancien avocat au Parlement de Paris234, époux de la nièce de Martin Boilot, Contrôleur de la Bouche de la reine. C’est le « bras-droit » de Daubenton, auquel il succède en 1709. Tous deux sont de grands travailleurs. Daubenton le prouve par la profusion des mémoires qu’il rédige. Sa compétence, ainsi que le réseau qu’il a constitué auprès des Espagnols, le rendent indispensable à l’ambassadeur.

  • 235 D. Ozanam, « L’instruction particulière d’Ambroise Daubenton à son fils partant pour l’Espagne (172 (...)
  • 236 C. Frostin, « Les Pontchartrains et la pénétration commerciale française en Amérique Espagnole, 169 (...)
  • 237 AN, B7 228, fol. 240, 10 mai 1703 et fol. 289, papier sur Miguel de Erasquin ; ibid., fol. 324, 3 j (...)
  • 238 AN, B7 240, juillet 1706 ; en juillet 1705, Daubenton parvint à faire changer les juges de contreba (...)

108Les instructions qu’il rédige pour son fils, en 1728, alors que ce dernier se rend à Madrid, montre aussi sa grande connaissance de la société espagnole235. Il informe Versailles des places vacantes et agit sur les nominations. La France cherche ainsi à « truffer » l’administration coloniale espagnole de créatures francophiles236. Miguel de Erasquin ou M. Aperegui, qui servent dans la secrétairerie des Indes, sont l’objet de tous les soins de Daubenton. Tous deux lui fournissent secrètement des documents sur les colonies espagnoles237. Il est en relation avec Francesco Daza, secrétaire d’État au Conseil de Mar y Tierra, qui le renseigne à l’avance sur les inspections prévues chez les marchands français installés en Espagne238.

  • 239 AN, B7 240, fol. 218 v°, 27 septembre 1706. Gabriel Pinedo était le premier commis de Grimaldo. Dan (...)
  • 240 AECP, Esp., 156, fol. 216 v°, Pontchartrain à Amelot, 17 octobre 1706 ; ibid., 167, fol. 187, Amelo (...)
  • 241 AN, B7 241, fol. 122, 29 novembre 1706.
  • 242 AN, B7 239, fol. 346, 12 juin 1706 et B7 241, fol. 145, 7 décembre 1706.
  • 243 Ce juge doit conserver les intérêts français lors de procès mettant en cause les deux nationalités. (...)

109En septembre 1706, au moment où le Conseil des Indes est épuré, Daubenton se réjouit de voir Bernardo Tinajero de la Escalera nommé secrétaire du Conseil des Indes pour le Pérou et Gabriel Pinedo pour celle du Mexique239. Bernardo Tinajero est particulièrement francophile et Ducasse, Orry ou Amelot n’ont assez d’éloges à son égard240. Ambroise Daubenton fit aussi nommer Eugenio Miranda y Gamboa, (qu’il avait placé à la tête de la ferme du tabac), pour présider la junte chargée d’étudier les comptes de l’ancien Consulat de Séville241. En décembre 1706, il permet à Joseph de Los Rios, fiscal du Conseil des Indes, d’occuper un poste de juge assesseur ; ce dernier l’aidait à faire traîner en longueur dans le Conseil des affaires préjudiciables aux Français242. Les relations sont aussi importantes avec le juge conservateur de la nation243, tout d’abord le marquis de Castrillo, pour qui le cardinal d’Estrées avait obtenu un poste de camériste de Castille puis, en novembre 1706, Pascual de Villacampa, conseiller de Castille. Daubenton se crée ainsi un noyau de fidélités et d’informateurs qu’il met sans cesse en mouvement, étoffé par l’ensemble des consuls et vice-consuls français présents sur le territoire espagnol et sous sa dépendance.

Changer le rythme des voyages : vers le libre commerce ?

  • 244 Mémoire sur ce qui regarde la France touchant la proposition d’un commerce libre dans les Indes pou (...)

110La réforme envisagée par le commis français est de changer le rythme des voyages, en remplaçant les traversées à époque fixe des grandes flottes réunies par des expéditions plus rapprochées de quelques navires, intensifiant ainsi les échanges et le commerce244. En effet, le blocage essentiel du commerce espagnol vient du fait que ses principes de navigation n’ont guère évolué. Tout négociant est suspendu au départ des galions ou des flottes pour vendre ses marchandises, sans aucun recours possible face au retard de plusieurs mois ou années pris par ces expéditions. L’idée du Français est de permettre à tout Espagnol entreprenant de monter lui-même son expédition, véritable coup de tonnerre dans l’organisation espagnole où le libre commerce, des étrangers comme des nationaux, est rigoureusement prohibé, tout étant placé sous le contrôle du Consulat de Séville.

111Ce plan permettait aux Espagnols de continuer à avoir le monopole du commerce des Indes, mais les produits industriels français seraient ainsi mieux passés, et plus régulièrement, aux colonies. Ce nouveau type de commerce suppose une importante aide de la marine française, ce qui suscite la méfiance des Espagnols qui sont soumis au paradoxe suivant : bien que sans navires, ils ne souhaitent pas que d’autres escadres que les leurs se rendent aux Mers du Sud.

  • 245 AN, B7 231, fol. 232-250.

112En février 1704, Daubenton présente à Pontchartrain un nouveau mémoire245 sur ce sujet, prônant la liberté de commerce pour les Espagnols « dont les effets procureront des avantages inexprimables, dans lesquels la France participera essentiellement ». Les mesures suivantes sont prévues : suppression du Consulat de Séville trop despotique ; création d’un tribunal de l’amirauté à Cadix chargé de régler les questions entre négociants et navigateurs ; mise au point d’un nouveau tarif à Cadix pour encourager le trafic ; punition des fraudeurs et permission aux étrangers liés à la couronne d’Espagne d’aller commercer librement aux Indes. Ce projet, qui reprend en les développant les idées de 1702, est bon pour l’Espagne et, finalement, ne favorise pas outre mesure les Français.

  • 246 AN, B7 230 : Suite des mémoires envoyés à M. le duc de Gramont sur le commerce d’Espagne aux Indes,(...)

113Il revient au duc de Gramont de former une junte de commerce pour étudier ces thèmes. L’ambassadeur doit y proposer l’utilisation de vaisseaux français pour le trajet jusqu’au Pérou, « avec quelques avantages pour les sujets du roi246 » Cela implique de convaincre les Espagnols que tout se fera dans la plus grande transparence et que les sommes par eux engagées leur seront exactement reversées.

  • 247 AECP, Esp., 145, fol. 200.
  • 248 AN, B7 236, fol. 150, Noms et qualités des conseillers, commissaires et députés nommés par le roi d (...)

114Elle ne commence à s’assembler que le 6 juin 1705, composée de gens « triés sur le volet, nullement entêtés de la vieille erreur espagnole et qui ont envie, en servant leur patrie de vous marquer leur respect et l’envie qu’ils ont de vous plaire », assure Gramont au roi247. S’y trouvent vingt248 conseillers et députés espagnols avec Daubenton et Nicolas Mesnager, sous l’autorité de l’ambassadeur Amelot. Mesnager représente à Madrid le contrôleur général du commerce, Chamillart. Si les différents membres semblent tous s’accorder sur les causes de la décadence du commerce, les Espagnols ont du mal à accepter les nouveautés.

  • 249 AN, B7 237, fol. 248, Daubenton à Pontchartrain, 20 novembre 1705.
  • 250 Les nouveaux consuls écrivirent deux fois à Daubenton pour lui exprimer leur reconnaissance d’avoir (...)

115En novembre 1705, suite à des écrits du Consulat de Séville « contraire à l’autorité royale249 », sa dissolution est décidée ainsi que la mise en procès de ses membres. Ce consulat, composé de trois personnes représentant le corps des marchands d’Andalousie, ordonnait les voyages aux Indes, fournissait au roi les fonds pour équiper les galions mais ne rendait aucun compte de l’argent qu’il recevait. Le roi, conseillé par Amelot, cherche à transformer cette institution encombrante, qui s’était arrogée une grosse part du trafic des Indes, en nommant des sujets plus honnêtes250. L’étude de leurs comptes est confiée à Tinajero et, en sous-main, à Daubenton. Le contrecoup fut un regain de confiance chez les négociants et un engagement plus important de leur part dans le chargement de la flotte de Cadix pour les Indes, en préparation depuis plusieurs mois, qui finit par appareiller en mars 1706.

  • 251 AECP, Esp., 157, fol. 177, Mémoire de ce qui s’est fait à l’occasion du départ des galions et de la (...)
  • 252 AECP, Esp., 157, fol. 165, Amelot à Louis XIV, 3 février 1706. AE, B1 770, reg. 5, à Pontchartrain, (...)

116La tutelle du Consulat sur le commerce ayant ainsi officiellement disparu, Mesnager fit approuver par la junte un nouveau projet de commerce formulé en une grande consulte, le 6 février 1706, reprenant l’idée du libre commerce des Espagnols251. On envisage aussi la construction de vingt frégates pour servir de flotte au roi d’Espagne, mais le financement reste difficile à trouver252. Et les Espagnols refusent de se servir de navires français en attendant. Tout fut suspendu durant l’occupation de Madrid, le commerce restant comme par le passé.

L’impossible union commerciale

La question de l’industrie

  • 253 AN, G7 1092, Orry à Chamillart, 2 septembre 1702.
  • 254 AN, G7 1092, Orry à Chamillart, 11 août 1702.

117La crainte des Espagnols est de se retrouver dépossédés de leur commerce et de voir les seuls produits français désormais vendus dans les Indes de Castille. Mais l’Espagne semble incapable de trouver des solutions par elle-même à ce problème. Orry exprime d’ailleurs sa surprise de trouver à Madrid une junte créée en 1691 pour dynamiser l’industrie et le commerce espagnols, qui vivote encore en 1702, absolument inutile253. Le financier prévoyait un rétablissement des manufactures espagnoles tout en pensant que, « en travaillant à faire du bien à l’Espagne, il ne faut pas oublier ce que nous nous devons254 ».

  • 255 AECP, Esp., 125, fol. 443, Louis XIV à l’abbé d’Estrées, 18 décembre 1703 ; AN, B7 231, fol. 19, A. (...)
  • 256 AECP, Esp., 154, fol. 409-411, Mémoire contre l’installation d’une manufacture de glaces en Espagne (...)
  • 257 AN, B7 236, fol. 484, 23 juillet 1705. Et aussi, B7 237, fol. 1, 1er octobre 1705 ; ibid. fol. 222, (...)
  • 258 AN, B7 95, fol. 271, lettre à Bonnac, 21 août 1713 et fol. 349, au sieur Bigodet, 27 novembre 1713.

118La position française à l’égard des industries espagnoles est ambigüe ; leur quasi-inexistence arrange le commerce français. Ambroise Daubenton et Amelot sollicitent sans cesse des avantages nombreux pour les marchandises françaises, pour le cacao ou le sucre en provenance des colonies ; pour les toiles de Bretagne et de Normandie, les draps et les soieries, le papier. Cela va même jusqu’à empêcher, secrètement, la création d’industries espagnoles en ces domaines. En 1703, l’abbé d’Estrées s’oppose à l'installation d’ouvriers français chargés d’établir une manufacture de glace255, car la soude nécessaire à sa fabrication ne se trouve qu’à Alicante. Il ne faut donc pas que l’Espagne puisse s’en réserver le monopole et il convient d’éviter, en outre, d’importer les techniques françaises en ce domaine256. En juillet 1705, Daubenton signale que Gaspard Naranjo, a l’intention d’établir des fabriques de tissus pour un coût plus avantageux qu’à l’étranger. La junte de commerce veut délibérer sur ces mémoires : « Vous jugez bien, monseigneur, que M. Mesnager et moi emploierons notre savoir pour éluder la proposition257 », écrit Daubenton à Pontchartrain. En 1713 encore, la France fait échouer l’installation du sieur Pommeray à Tortose, par crainte du préjudice porté aux glaces des Dombes258.

  • 259 AN, G7 1092, Mémoire sur les laines d’Espagne envoyé à Orry, 20 mai 1703. En juillet 1705, aucune s (...)

119La seule véritable richesse de l’Espagne repose sur le commerce de la laine. Les « ganaderos », qui en font le trafic, sont inquiets de voir les débouchés avec l’Angleterre et la Hollande se fermer au début de la guerre. Les Français comptent, au contraire, exploiter à leur profit ce monopole. La France cherche à établir un commerce mutuel entre les deux pays, « en écartant les autres étrangers ». Le but est de mettre les Espagnols « dans le goût de nos étoffes et peut-être dans celui de nos modes259 ».

  • 260 AECP, Esp., 168, fol. 139.

120Les Français gagnent, de fait, beaucoup dans la suppression de la golille et l’introduction de la mode française. Amelot constate que les draps, étoffes et dorures sont importés massivement en Espagne, qui ne possède pas alors d’industrie de luxe, tandis que les bayettes d’Angleterre qui servaient à fabriquer la golille ne sont plus commercialisées260.

121L’activité commerciale de la France s’est donc intensifiée, encouragée par les avantages accordés par Philippe V, sur la demande de l’ambassadeur et de Daubenton, aux marchands français, qui bénéficient du régime de la nation la plus favorisée. Partyet résume ainsi la situation et le profit réalisé grâce à l’exploitation intense des privilèges concédés aux Français depuis le traité des Pyrénées, jusqu’en 1712 :

  • 261 AECP, Esp., 218, fol. 42, Partyet à Pontchartrain, 21 janvier 1712.

Combien de maisons de négocians français de Nantes, de Saint Malo, de la Rochelle et de Marseille sont-elles devenues puissantes à Cadix, à Malaga, à Cartagène, à Valence et dans les autres principaux ports d’Espagne et en ont elles rapporté de richesses en France ? Quel prodigieux commerce les Bayonnais n’ont-ils point fait en tirant continuellement d’Espagne par terre les espèces d’or et d’argent ? Une multitude d’Auvergnats et d’habitants des autres provinces voisines, passent tous les ans les Pyrénées et reviennent en France au bout d’un certain temps, chacun avec une somme proportionnée au prix de son travail, dont ils payent à leur retour la taille au roi ; tout cela en vertu des franchises, de la protection et de la liberté stipulées par les traités. Il est constant encore que les marchands établis dans les ports d’Espagne conservent toujours leurs maisons en France et y reviennent aussi après quelques années, substituant à leur place un fils, un frère ou un neveu, pour continuer leur commerce à Cadix, à Cartagène ou ailleurs et pour entretenir les mêmes correspondances. Si quelques Français se marient et s’établissent tout à fait en Espagne, ce ne sont ordinairement que de simples ouvriers, comme cordonniers ou tailleurs, ou si ce sont gens qui ayent quelques fonds dans le commerce il est bien rare qu’ils quittent absolument leurs liaisons d’intérêts avec la partie de leur famille qui reste en France261.

122Les Espagnols se rendent compte des bénéfices retirés par la France et en conçoivent une certaine jalousie, palpable durant ces mêmes années. Celle-ci est encore exacerbée du fait de la contrebande effrénée pratiquée par les marchands français dans les Mers du Sud. Dans les années 1706, au moment où Daubenton et Mesnager tentent d’échafauder un projet d’union commerciale avec l’Espagne, les autorités françaises laissent pratiquer le commerce interlope qui prend de grosses proportions.

La question de la contrebande

  • 262 AECP, Esp., 171, fol. 69, Amelot à Torcy, 29 novembre 1707.
  • 263 AN, B7 236, fol. 194.
  • 264 Voir sur ce point, P. Hrodej, op. cit., II, p. 426-430. Selon l’auteur « le secrétaire d’État préfé (...)
  • 265 AECP, Esp., 152, fol. 367, Gramont à Louis XIV, 13 mai 1705.

123À des bénéfices durables, attendus d’un véritable traité de commerce franco-espagnol, la France, poussée par le manque d’argent pour mener la guerre, privilégie l’obtention d’avantages immédiats quoique temporaires. Le commerce espagnol semble incapable de se relancer rapidement ; en 1707, Amelot le dit dans une « langueur affreuse262 », en partie à cause de l’absence de flotte. Un mémoire sur la levée des matelots en Espagne, estime que la marine est tombée à l’abandon depuis 1678263. Si La France constate l’absence de flotte, Philippe Hrodej, biographe de Ducasse, souligne que Pontchartrain se montra équivoque sur cette question, ne souhaitant guère, en réalité, sa renaissance. L’intérêt français aurait été que la marine française se chargeât elle-même des expéditions aux Indes264. Mais il était délicat de convaincre les Espagnols sur ce point. En 1704, le Conseil des Indes avait refusé l’escorte de 6 bâtiments de guerre français pour la flotte de Cadix, car deux d’entre eux étaient chargés de provisions pour le Pérou. En mai 1705, Louis XIV ordonne à son petit-fils de suspendre le départ des galions de Cadix à cause du danger des ennemis en mer, mais propose de faire partir deux vaisseaux français pour convoyer en Amérique le nouveau vice-roi et ses officiers. Gramont raconte au roi comment cela fut rejeté avec vigueur par les conseillers espagnols, qui refusent que les Français aillent « visiter ces mers-là265 ».

124Or, pendant ce temps, aucun galion ni aucune flotte n’appareillant de Cadix, c’est autant de perte pour les négociants ; aussi les étrangers préfèrent-ils s’assurer des gains par la contrebande, en navigant pour leur compte aux Indes. Ce que font les Anglais et les Hollandais, les Français le pratiquent aussi par la force des choses, contribuant à la mauvaise humeur de Madrid.

  • 266 J. Delumeau et al., Le mouvement du port de Saint Malo, 1681-1720, bilan statistique, (1966) et A L (...)
  • 267 C. Frostin, loc. cit., p. 310.

125La France avait commencé par interdire à ses sujets de commercer dans les Mers du Sud mais les Malouins s’étaient spécialisés dans la contrebande et, en 1698, avaient fondé la Compagnie de la Mer du Sud266. Cela permettait les arrivages de piastres hispano-américaines sans lesquelles la trésorerie royale aux abois aurait sombré267. Le cardinal d’Estrées et Ambroise Daubenton tentaient bien d’étouffer les bruits de ces voyages avant qu’ils ne parviennent au Conseil des Indes, mais, à Madrid, la rumeur grossissait les gains faits par les navires français, provoquant de grands mouvements de colère au Conseil des Indes.

  • 268 Le 5 mars 1705, Ducasse débarquait à Alicante, le 9, il était à Madrid où il logeait chez Daubenton (...)
  • 269 AECP, Esp., 149, fol. 231, Amelot à Louis XIV, 8 décembre 1705.
  • 270 « Pur ouvrage de la Providence », dira Pontchartrain à Ducasse ; il semblerait aussi que les Anglai (...)

126Pendant ce temps, Ducasse, envoyé par Louis XIV à Cadix, faisait maintenir la flotte et les galions au port, refusant d’en assumer la direction sans les vaisseaux de guerre français d’accompagnement, qui tardaient à arriver268. À Madrid, les conseillers n’étaient pas loin de crier au complot, prenant cela pour une manigance française afin de couvrir le commerce interlope. Amelot finit par conseiller au roi d’Espagne de dire « qu’il laissait à ses sujets la liberté de profiter ou non de l’offre qui avait été faite d’une escadre des vaisseaux269 » du roi de France. En mars 1706, la flotte et les galions partaient sans escorte et, contre toute attente, arrivèrent sains et saufs270.

127Le rôle d’Amelot est ambivalent. Son oncle, Henri Daguesseau, directeur du Conseil de Commerce, est cousin avec les Pontchartrain et soutient officiellement la contrebande. Son fils épouse, en 1708, Marguerite-Pélagie Danycan, fille du grand négociant malouin, Noël Danycan de l’Espine, fondateur de la Compagnie de la Mer du Sud. Lui-même a été directeur du Conseil de Commerce en France et connaît parfaitement ces questions.

  • 271 AN, B3 132, fol. 132, Chamillart à Pontchartrain, 25 août 1705.
  • 272 AECP, Esp., 155, fol. 242, Louis XIV à Amelot, 7 février 1706 (copie, ibid., 157, fol. 113).
  • 273 AECP, Esp., 175, fol. 76, 25 avril 1707 (copie, ibid., 167, fol. 196). En mars 1707, un million d’é (...)

128En tant qu’ambassadeur, Amelot doit convaindre les Espagnols que ce commerce illicite est condamné par la France. En même temps, Daguesseau s’est chargé de la cause des armateurs. Chamillart commence à voir d’un bon œil cet apport d’argent, ne trouvant pas juste d’en priver la France271. Louis XIV écrit à Amelot que, sans approuver ni autoriser ce commerce, il constate que ces marchands ramènent de l’argent dans un temps où « le besoin en est si grand »272. En avril 1707, Louis XIV avoue d’ailleurs à son ambassadeur qu’il attend bien plus encore du commerce des Mers du Sud et qu’il laisse son ministre de la marine donner des permissions273.

  • 274 AECP, Esp., 166, fol. 220, Amelot à Torcy, 22 février 1707.

129Cependant, à Madrid, les Français se rendent compte de l’amertume des Espagnols. Même les conseillers bien disposés, tels Tinajero ou le duc d’Atrisco, se retournent contre cette politique. Aucun projet d’union ne peut sortir dans un tel contexte. Daubenton est embarrassé, car il ne peut expliquer la politique française. Amelot doit justifier la France au despacho, mais il reconnaît que ces permissions « attirent de justes clameurs des Espagnols, qui tôt ou tard auront de fâcheuses conséquences274 ». L’opposition est entraînée par le comte d’Aguilar (le père), futur président du Conseil des Indes, en 1710, farouchement opposé au commerce des Français.

  • 275 AN, B7 246, Remontrance par laquelle le commerce de Séville demande que l’on empêche à l’avenir le (...)
  • 276 AECP, Esp., 173, fol. 122, Pontchartrain à Amelot, 20 juillet 1707.

130Les marchands andalous souffrent de la concurrence française pour leurs produits et Philippe V est impressionné par leurs doléances275. Le seul remède efficace était l’interdiction pure et simple de tout commerce dans les Mers du Sud. Amelot et Daubenton finissent par l’accepter. Pontchartrain est d’accord276 et, en juin 1707, on révoque en France toutes les permissions au grand mécontentement des Malouins. Aucun accord cependant n’étant réellement possible pour permettre aux Français de commercer de concert avec les Espagnols, dès le mois d’octobre de nouvelles permissions voient le jour.

  • 277 AN, B7 248, fol. 323, Daubenton à Pontchartrain, 16 octobre 1707.

131En l’apprenant, les Français de Madrid critiquent cette décision en bloc. Amelot ose à peine en informer son ami Tinajero277. Ambroise Daubenton sent l’indignation monter au sein des Conseils et du peuple contre ce « commerce illicite ». Les ministres espagnols à Madrid nourrissent leur opposition des informations qui leur parviennent des navires armés à Nantes, Saint Malo ou d’autres ports.

Le règlement de commerce de 1708 et les conditions de la paix

Le projet de commerce de 1708

  • 278 AECP, Esp., 179, fol. 187, Amelot à Louis XIV, 31 mars 1708. Daubenton écrit pendant ce temps à Pon (...)

132La situation du commerce espagnol n’est pas bonne en l’année 1708, et l’ambassadeur de France est obligé de reconnaître que c’est la faute des marchands français278. Le roi d’Espagne se plaint avec véhémence au roi de France du trafic de ses sujets fait en toute impunité :

  • 279 AECP, Esp., 184, fol. 337, 21 mai 1708 (double, SHD, A1 2106, no 49).

Les Espagnols souffrent avec une impatience que je ne puis bien vous exprimer que le trafic des Indes se perde par la furieuse quantité de vaisseaux français qui y vont et qui emportent tout le gain que mes sujets devraient faire, quoique l’on ait fait très souvent des plaintes inutiles à vos ministres et que votre ambassadeur auprès de moi en ait fait voir lui-même les inconvénients. On a poussé la chose si loin que c’est une de celles qui ont produit les plus mauvais effets, et que cela a fait croire que vous ne comptiez presque l’Espagne que comme un pays qui devait recevoir la loi de vous ; je suis persuadé que les plus grandes parties de ce qu’on a fait à l’égard des Indes, a été à votre insu, car je ne puis m’imaginer que ce soit vous qui ayez profité d’un avantage dont vous et moi n’étions pas convenus ensemble. Je serai toujours très disposé à avoir toute la complaisance que je vous dois, je n’ignore pas les obligations infinies que je vous ai, et la grande dépense que vous avez faite pour me soutenir sur le trône, ainsi il est trop juste que je vous en dédommage un jour, mais je crois que vous voudrez bien que cela vienne de mon pur motif279.

  • 280 Girardot, II, p. 28, no 115, Louis XIV à Amelot, 19 mars 1708.

133La France décide de relancer les négociations commerciales avec l’Espagne et de tenter de sortir de cette impasse. En arrière-plan, à cette date, Louis XIV pense à la future paix, en vue de laquelle il convient, au préalable, d’obtenir un accord sur la question des Indes. Nicolas Mesnager, chargé d’un voyage en Hollande à la fin de l’année 1707, s’était rendu compte que ce qui effrayait cette nation était le partage du commerce des Indes entre les Français et les Espagnols. Désormais, la pression extérieure incite la France à abandonner cette prétention. Il devient, au contraire, urgent de trouver un compromis par lequel toutes les nations puissent avoir leurs intérêts satisfaits dans le commerce des Indes. Le projet de février 1706 semble être une base solide280.

  • 281 AECP, Esp., 180, fol. 103, Amelot à Louis XIV, 28 mai 1708.
  • 282 AN, G7 1093, Amelot à Desmaretz, 28 mai 1708.
  • 283 E. W. Dahlgren, op. cit., p. 504.
  • 284 AECP, Esp., 185, fol. 172-190.
  • 285 AN, G7 1093, Amelot à Desmaretz, 9 juillet 1708.

134Mesnager arrive à Madrid, le 13 mai 1708, pour participer aux négociations, aidé par Tinajero281. De son côté, Amelot écrit à Pontchartrain et Desmaretz afin de permettre à l’Espagne de toucher un droit sur le commerce fait par les Français aux Indes. Philippe charge son fidèle Orry, alors en France, de suivre pour son compte cette affaire auprès du contrôleur général du commerce282. En juin 1708, afin de contenter les Espagnols, Amelot et Mesnager font un « projet d’ordonnance pour défendre aux vaisseaux français d’aller faire commerce à la mer du Sud »283. Désormais, la France, par ses intermédiaires à Madrid, cherche à satisfaire par tous les moyens l’Espagne. Au début de juillet, Mesnager présente son nouveau projet en 39 articles284. Le commerce des Indes reste réservé aux Espagnols tandis que le commerce direct demeure interdit aux étrangers. L’ancien système de la flotte et des galions est aboli au profit d’un envoi plus régulier de navires de commerce escortés de bâtiments de la marine royale depuis Cadix. Enfin, les tarifs d’importation et d’exportation sont révisés et uniformisés. Ce nouvel ordre est approuvé au despacho285.

  • 286 Cirardot, II, p. 59, Louis XIV à Amelot, 2 juillet 1708.

135Aucun avantage n’a été donné à la France, qui ne veut pas apparaître comme la nation la plus favorisée. C’est la perspective de paix européenne qui dicte aux Français cette attitude conciliante. Ce plan n’eut aucune des suites escomptées pour la politique internationale car Fouis XIV, sur les conseils d’Amelot, demanda qu’il demeure secret, afin que les Alliés fassent eux-mêmes la demande d’un traité de commerce traitant toutes les nations sur un pied d’égalité : « Ce serait, en effet, écrit-il, perdre le principal fruit qu’on en doit attendre, que d’accorder comme préliminaire une grâce, que les Hollandais et les Anglais doivent désirer comme le fondement de leur commerce286 ».

  • 287 SHD, A1 2106, no 75, Louis XIV à Philippe, 23 juillet 1708.
  • 288 Le journal de d’Argenson (Paris, 1898, p. 9, en date du 10 décembre 1747) évoque la situation franç (...)

136Philippe V se rendra à ces arguments287. Néanmoins, en gardant ce plan sous le boisseau, toute réforme du commerce des Indes est, une fois de plus, différée indéfiniment, tandis que la contrebande des Français perdure, car c’est le seul moyen de fournir un peu le trésor288.

La fin de l’influence française sur le commerce

  • 289 AN, B7 3, fol. 29, Mémoire de Grimaldo à Blécourt, 30 septembre 1709.
  • 290 AECP, Esp., 194, fol. 231-232 : « Le comte d’Aguilar le père avait dit en plein despacho qu’il vala (...)
  • 291 AECP, Esp., 198, fol. 27, Blécourt à Torcy, 13 janvier 1710.
  • 292 AECP, Esp., 198, fol. 57.
  • 293 AN, B7 5, fol. 66, Partyet à Pontchartrain, 6 avril 1710.

137L’année 1709 fut marquée par un large mouvement francophobe, causé en partie par le départ des troupes françaises de la Péninsule. Ambroise Daubenton eut un ordre exprès de la reine de quitter le royaume. On le traitait comme un espion et on demandait son départ, car « il avait trop de connaissances de la cour d’Espagne où il s’est introduit plus qu’il ne conviendrait289 ». En décembre 1709, les Espagnols refusent l’escadre de Ducasse pour escorter la flotte vers l’Amérique ; « on s’éloigne à Madrid de tout ce qui porte le nom de français290 ». Le 24 octobre et le 13 novembre 1709, le roi produit deux cédules qui permettent aux vaisseaux anglais et hollandais de venir dans les ports d’Espagne avec leurs marchandises291. Les maisons des négociants français sont visitées arbitrairement ; les consuls multiplient leurs plaintes, que Blécourt relaie auprès de Philippe V sans résultat292. Partyet évoque aussi l’irritation de Ronquillo qui est « tout feu tout flamme » dès qu’on évoque les Français devant lui, tandis qu’Aguilar veut rétablir la Cάmara de Indίas supprimée depuis 8 ans293. Tinajero, discret, mais ayant la confiance du roi, est encore présent pour parer les actions les plus violemment antifrançaises.

  • 294 AECP, Esp., 202, fol. 83, Vendôme à Torcy, Casa Tejada, 22 novembre 1710.
  • 295 AN, B7 87, Mémoire spécial pour le commerce et les colonies, 15 juillet 1711.

138L’échec des pourparlers de paix de Gertruydenberg rapprocha à nouveau la France de l’Espagne. Le 3 décembre 1710, sur l’influence de Vendôme, le roi d’Espagne acceptait de prendre, de concert avec la France, un décret de fermeture des ports espagnols aux marchandises hollandaises294. Puis, Louis XIV s’entremit avec les Anglais pour préparer la paix, envoyant Bonnac à Madrid afin qu’il y dispose Philippe V295.

  • 296 AECP, Esp., 209, fol. 94, Bonnac à Louis XIV, 16 septembre 1711.

139L’Angleterre domine alors les mers. En 1711, elle est prête à lancer une grande expédition dans les Mers du Sud. Néanmoins, Philippe V refuse encore la protection de 8 vaisseaux français offerts par Versailles, à moins qu’ils ne soient commandés par ses sujets, ce que la France n’accepte pas296. Pontchartrain s’offusque de ce refus et est encore tenté par le commerce de contrebande si profitable. Il revient à Amelot de lui rappeler que ce sont des temps révolus et qu’il faut respecter la parole donnée à ce sujet par le roi de France. Fort de son expérience, il sait que les Espagnols n’accorderont jamais de permissions pour l’envoi de navires français aux Indes.

140Désormais, la France tente au moins de faire valoir l’ancien projet de 1708, mais celui-ci ne convient plus à l’Espagne dont les ministres, tel Bergeick, très influent auprès de Philippe V, préfèrent laisser le commerce sur « l’ancien pied ». Aussi, les nations se retrouvent-elles avec les mêmes prérogatives et privilèges que du temps de Charles IL Dans l’article 6 du traité franco-anglais de la paix générale du 11 avril 1713, la France s’engageait à ne pas accepter « à l’avenir que, pour l’utilité de ses sujets, il soit rien changé ni innové en Espagne, ni dans l’Amérique espagnole, tant en matière de commerce qu’en matière de navigation, aux usages pratiqués en ces pays sous le règne du feu roi Charles II ; non plus que de procurer à ses sujets, dans les susdits pays, aucun avantage qui ne soit pas accordé de même, dans toute son étendue, aux autres peuples et nations qui y négocient ».

  • 297 L. Vlgnols, « L’asiento français (1701-1713) et anglais (1713-1750) et le commerce franco-espagnol (...)

141La France récuse ainsi toute sa politique commerciale depuis l’avènement de Philippe V au trône d’Espagne. Le traité franco-hollandais (article 3) engage à un degré égal les deux États, lesquels se promettent réciproquement que leurs sujets seront assujettis comme toutes les autres nations, aux anciennes lois et règlement faits par les rois prédécesseurs de Philippe V297. Il est à noter que l’Angleterre ne contracte pas d’obligation correspondante.

  • 298 Il s’agit de l’envoi, chaque année, d’un navire de 500 tonneaux (puis 650 à partir de 1716) pour le (...)
  • 299 Philippe V payait ainsi sur le fonds de cette compagnie, ses mousquetaires ou ses frais de garde-ro (...)
  • 300 Ibid., p. 421.
  • 301 AECP, Esp., 221, fol. 199, Bonnac à Louis XIV, 6 avril 1713.
  • 302 AECP, Esp., 223, fol. 14-26, Mémoire de Bonnac sur l’état de la cour (copie, AN, K 1359, bob. 2, no(...)

142La politique espagnole est caractérisée par une très grande complaisance à l’égard de l’Angleterre, en proportion de sa rancune envers la France. Lord Lexington, assisté du sieur Gilligan à Madrid, sut manœuvrer pour que, le 26 mars 1713, le traité d’asiento passe à l’Angleterre, introduisant en outre la clause du « vaisseau de permission »298, permettant aux Anglais de se livrer à un vaste commerce dans les Mers du Sud. Alors que la Compagnie française de l’asiento avait connu un échec complet et la ruine financière, du fait que son fonds avait été largement grevé par les emprunts des rois de France et d’Espagne299, les Anglais connaîtront une magnifique réussite financière et commerciale300. Bonnac et Partyet n’avaient pas du tout prévu cette clause si préjudiciable à la France, consentie par les ministres de Philippe dans le plus grand secret. En avril 1713, Bonnac demanda des éclaircissements, en vain301. Comme il le souligne, en août 1713, le roi d’Espagne n’est certes pas un ennemi, mais il a désormais ses intérêts particuliers qui ne sont pas forcément les mêmes que ceux de la France302. Il en est bien terminé de l’influence directe française sur les affaires intérieures de la monarchie espagnole.

143Le résultat de la politique commerciale franco-espagnole durant treize années se solde donc par un échec. Non seulement la réforme du commerce espagnol n’a pas eu lieu, mais, surtout, la France n’obtient aucun avantage, pas même celui de la nation la plus favorisée. Elle y renonce d’elle-même pour favoriser la paix européenne et s’aligne sur les autres pays étrangers, permettant à l’Angleterre de sortir en vainqueur de cette politique.

  • 303 P. E. Pérez-Mallaina Bueno, « La Guerra de Sucesión y la reforma del sistema español de comunicacio (...)

144Cette question du commerce a marqué les limites de la cohésion franco-espagnole et surtout le manque de confiance entre les deux nations. Les Espagnols, particulièrement outrés du commerce illicite pratiqué à grande échelle par la France ont voulu, dès les années 1709, se dégager de sa tutelle. Selon Pablo-Emilio Perez-Mallaina, qui a des mots très durs sur cette période, l’alliance avec l’Angleterre n’est guère meilleure que celle de la France mais, au moins, l’Espagne a face à elle un futur ennemi avec lequel elle pourra lutter franchement303.

*
* *

145À l’issue de douze années de présence française à la cour madrilène, l’Espagne de Philippe V n’offre plus le même visage que celle de Charles II. Ce pays, aux forces en latence, a, à nouveau, un rôle à jouer sur la scène internationale. Cette transformation s’est opérée grâce à la dynamique enclenchée par l’entourage français du premier Bourbon, qui a su concilier les aspirations de nombre d’Espagnols, les essais de réformes esquissées du temps de Charles II et son propre modèle de gouvernement, inspiré de la monarchie française de type louis-quatorzien. Cela s’est révélé un ensemble efficace pour réformer l’État dans un sens toujours plus centralisateur.

146Les personnalités dominantes de cette période sont celles de Jean Orry et du marquis d’Amelot. Le premier œuvra entre 1703 et 1706, avec une brève absence en 1705 ; le second, entre 1705 et 1709. Autour de ces figures centrales évoluent celles des militaires, relais efficaces de la politique novatrice, tels Berwick, Tessé, Puységur, Vendôme, celles des commis de marine, Daubenton et Partyet, soutenus dans leur activité par un monde sans cesse en mouvement de techniciens militaires ou de commis des vivres. Les ramifications de ce réseau français sont amples et structurées autour de la cour madrilène, avec laquelle ils sont constamment en relation par le biais du confesseur Robinet, de la familia francesa, et sous la protection officieuse de Madame des Ursins. Ce bloc compact, forme un groupe de pression important vis-à-vis des Espagnols.

147Ces derniers sont partagés, selon les circonstances, entre l’acceptation et le rejet de l’influence française. Pour la réussite de leurs projets, les Français ont su ménager nombre de ministres espagnols et écarter les contestataires. Ainsi, restant déférents envers les Grands d’Espagne, ils n’en ont pas moins affaibli leur rôle politique. Par contre, ils ont favorisé l’émergence d’un personnel efficace issu des bureaux de Charles II, tels Canales, Grimaldo, Mejorada, Tinajero ou des personnalités venues d’ailleurs comme Macanaz, l’évêque de Gironda ou le marquis de Moriana. Enfin, ils ont entretenu des relations nombreuses avec le personnel des Conseils et des secrétaireries.

148Tout cela a permis un apport français immense au sein du gouvernement mais aussi des finances et de l’armée. Sans conteste, c’est à lui qu’on doit la modernisation de l’Espagne, dans le respect de ses propres traditions. Cet équilibre, difficile à obtenir, fut le seul moyen d’introduire des nouveautés dans le régime existant. Ceux qui souhaitaient au contraire une politique de la table rase, tels les Estrées ou Gramont, ont immédiatement échoué dans leurs entreprises se rendant odieux à tous, au roi en particulier.

149Le premier résultat fut d’avoir redonné une autorité absolue au monarque en le libérant de la tutelle de ses Conseils, en lui redonnant un pouvoir décisionnel dans le cadre d’un despacho restructuré, en le rendant maître de ses finances, et en en faisant le seul dispensateur des bénéfices et des grades, notamment militaires. Des ébauches de ministères sont apparues ; les Conseils ont été réduits à partir de 1706 ; la politique de Nueva Planta a aligné les territoires foraux sur les lois de Castille ; l’armée s’est transformée nettement sur un modèle français, des régiments de gardes ont vu le jour, tout cela redonnant au monarque espagnol un éclat qu’il avait progressivement perdu au cours du xviie siècle. Cette activité génère forcément des tensions, car les plans des Français remettent en cause tout un délicat équilibre des pouvoirs au sein de l’État et gênent une part de la classe politique qui gouvernait alors par les Conseils. Aussi, les résistances sont-elles nombreuses et, si les réformes sont bel et bien enclenchées, elles sont appelées à se développer bien davantage tout au long du xviiie siècle.

150L’année 1709 fut décisive pour l’entourage français de Philippe V. Une forte réaction francophobe, ayant duré plusieurs mois, transforme durablement les rapports franco-espagnols. La méfiance l’emporte sur l’union. La question du commerce des Indes, fondamentale pour saisir tous les enjeux nationaux et internationaux de cette période, cristallise les contentieux entre les deux pays. En ce domaine, les Français n’ont pas su gérer les réformes nécessaires, jetant sur leur activité une sorte de suspicion. Cela correspond aussi à une certaine prise de distance de Philippe V avec la politique de la France.

  • 304 AN, B7 14, fol. 35 v°, 25 avril 1712. À chacun de ses voyages (mai 1702-mai 1703 ; octobre 1707-aoû (...)

151Est-ce à dire que toute influence française est désormais bannie de Madrid ? En 1712, Ducasse, récompensé de la Toison d’Or par le roi d’Espagne, disait ne plus reconnaître la cour304. Pourtant, quelques Français restent encore présents, plus discrets mais toujours influents. Jean Orry revient aux affaires quelques temps ; le P. Daubenton, en 1715 ; Partyet est aussi à Madrid ; Antoine Sartine conseille le roi ; l’ambassadeur de France reste écouté ; la familia francesa est toujours là. La société française reste unie, se détournant progressivement de la politique intérieure de l’Espagne, s’amalgamant davantage au sein de la société espagnole mais restant toujours attentive aux relations entre les deux pays.

Notes

1 T. Nava Rodriguez et G. Franco Rubio, « Vénalité et futuras dans l’administration espagnole au xviiie siècle » et J. P. Dedieu, « La haute administration espagnole... », R. Descimon et al., Les figures de l’administrateur, (1997), p. 95 et p. 169-172.

2 AECP, Esp., 119, fol. 196 v°.

3 Ibid., fol. 197 v°.

4 Les maîtres des requêtes sont des magistrats qui assistent le roi dans l’exercice de la justice. Au xvie siècle, ils furent aussi des agents du roi en province, comme le furent plus tard les intendants. Ils étaient moins d’une centaine en France à la fin du xviie siècle, B. Barbiche, Les institutions de la monarchie française, (1999), p. 121-123.

5 AECP, Esp., 119, fol. 209.

6 Ibid., fol. 211.

7 Dès 1702, Louville suggérait d’établir des intendants en Sicile et à Naples en modifiant les pouvoirs des vice-rois ; cela fut rejeté par le marquis de Torcy, Louv., I.

8 AECP, Esp., 119, fol. 213 r°-v°.

9 SHD, A1 1695, no 36, mars 1703, Mémoire sur le Despacho.

10 Il était le beau-frère du prince de Tserclaes. Il semblerait que ses débuts laborieux en politique aient été compensés par sa fidélité aux Français. Orry lâchera à Torcy à son sujet, « son insuffisance le rend docile », AECP, Esp., 120, fol. 248, 23 novembre 1703.

11 SHD, A1 1696, no 49, Orry à Chamillart, 22 septembre 1703.

12 AECP, Esp., 110, fol. 355, Louis XIV au cardinal d’Estrées, 4 décembre 1702.

13 AECP, Esp., 120, fol. 173, Torcy à Orry, 23 octobre 1703.

14 SHD, A1 1695, no 62, 23 mars 1703 ; AECP, Esp., 146, fol. 292.

15 SHD, A1 1695, no 78, 81 et 82, 11 et 14 avril 1703, Orry à Chamillart ; AECP, Esp., 119, fol. 296, Orry à Torcy, 12 avril 1703.

16 AECP, Esp., 124, fol. 72, Louis XIV au cardinal d’Estrées, Marly, 23 juin 1703.

17 Millot, II, 219, Madame des Ursins à Torcy, 3 juin 1703 ; ibid., p. 220, Philippe V à Louis XIV, 14 juin 1703.

18 Ibid., p. 117.

19 Les Instructions de Gramont lui en faisaient un ordre, RIA, II, Esp., p. 102 et 122 ; Gramont annonce cette décision AECP, Esp., 141, fol. 372, 1er août 1704.

20 AECP, Esp., 141, fol. 248, Gramont à Louis XIV, 29 juillet 1704.

21 SHD, A1 1786, no 278, Gramont à Chamillart, 2 novembre 1704. Orry lui envoie de Paris ses mémoires apostillés, ibid., no 326.

22 AECP, Esp, 142, 133 bis, Torcy à Gramont, 28 septembre 1704.

23 AECP, Esp., 152, fol. 44. De son nom complet Pedro Cayetano Fernández del Campo Angulo y Velasco. Tessé disait de lui (avril 1705) : « Le marquis de Mejorada est honnête homme, riche, bien intentionné, n’a jamais servi, ne veut être responsable de rien, ni se charger de rien. Ce serait un bon et fidèle commis sous ceux qui lui tailleraient et décideraient sa besogne ».

24 SHD, A1 1884, no 56.

25 AECP, Esp., 150, fol. 119-123 v°, Mémoire de Madame des Ursins, (mars 1705). Ce mémoire revu par Orry, se trouve au SHD, A1 1886, no 126.

26 SHD, A1 1884, no 126, Mémoire d’Orry sur les affaires d’Espagne, 20 mars 1705.

27 SHD, A1 1884, no 126, fol. 6, organisation des jours de despacho.

28 Bossange, III, 334, Burgos, 19 août 1706.

29 SHD, A1 1888, no 208-210, Tessé à Chamillart, 8 décembre 1705.

30 AN, B7 235, fol. 328, A. Daubenton à Pontchartrain, 21 juin 1705.

31 C. de CASTRO, loc. cit., p. 198-199 et Μ. V. Lopez Cordon, loc. cit., 105-106.

32 Sur ce nouveau service administratif, G. A Franco Rubio, « La Secretaría de Estado del Despacho de Guerra en la primera mitad del siglo XVIII », J.L. Castellano (éd.), Sociedad, administración ypoder, (1996), p. 131-156.

33 ANM, Estado, leg. 4833.

34 AECP, Esp., 147, fol. 224, Amelot à Louis XIV, 8 juillet 1705.

35 AN, B7 236, fol. 342 v°, A. Daubenton à Pontchartrain, 26 août 1705. Amelot le décrit comme un « homme bien intentionné et qui facilitera fort l’expédition des affaires », AECP, Esp., 148, fol. 61, 28 août 1705.

36 AECP, Esp., 148, fol. 159, Amelot à Louis XIV, 16 septembre 1705. Montalto se serait montré mécontent de l’occupation de places espagnoles par des Français, AECP, Esp., 147, fol. 224.

37 AECP, Esp., 155, fol. 221, plainte de Louis XIV sur ce changement, à Amelot, 20 janvier 1706.

38 Cela est approuvé par Louis XIV, AECP, Esp., 158, fol. 116 et 136, 31 mars et 11 avril 1706.

39 ANM, Estado, leg. 4833, Amelot à Marie-Louise de Savoie, Aranjuez, 9 septembre 1706.

40 AECP, Esp., 161, fol. 132, Amelot à Louis XIV, Madrid, 5 octobre 1706. Louis XIV félicite son ambassadeur pour ces réformes, ibid., 156, fol. 209, 17 octobre 1706.

41 AECP, Esp., 156, fol. 166, 26 septembre 1706.

42 Rivas a assisté au Conseil des Indes de l’archiduc à Madrid, AECP, Esp., 166, fol. 78, 17 janvier 1707.

43 AECP, Esp., 162, fol. 1, Amelot à Louis XIV, 2 novembre 1706.

44 Antonio Ortiz et Joseph de la Puente furent révoqués pour ne pas être allés à Burgos et D. Miguel Erasquin, francophile, fut poussé à leur place.

45 J. A. Escudero, « La reconstrucción de la administración central en el siglo XVIII », R. Menendez Pidal, Historia de España, XXIX-1, p. 99. En 1717, cette secrétairerie d’État fusionnera avec celle de la Guerre, J. A. Escudero, LOS secretarios de estado y del despaeho, (1976), t. 1, chap. 5.

46 AECP, Esp., 175, fol. 134, Louis XIV à Amelot, 27 juin 1707. Comparer avec le Gran Memorial d’Olivares adressé à Philippe IV en décembre 1624.

47 AECP, Esp., 158, fol. 189, Amelot àTessé, 11 avril 1706.

48 AECP, Esp., 168, fol. 86, Amelot à Louis XIV, 16 mai 1707 ; SHD, A1 2049, no 86, Amelot à Chamillart, 30 mai 1707.

49 AECP, Esp., 168, fol. 212, Bourck à Torcy, 6 juin 1707. Amelot est pour l’imposition pure et simple des lois de Castille au royaume de Valence et non pour faire un « mélange, tous les usages et toutes les coutumes de Valence étant pour la plupart relatives aux privilèges qu’on veut et qu’on doit abolir. Le roi d’Espagne ne sera jamais plus en état qu’il l’est aujourd’hui de faire tout ce qui lui convient [...] il sera beaucoup plus sensible aux Valenciens d’être réduits dans la suite à une pire condition, qui si on les met tout à coup sur un pied fixe, pendant qu’ils s’estiment heureux qu’on n’usât pas avec eux de la rigueur qu’ils ont justement méritée ». Enfin, il ajoute qu’il travaille depuis 4 ou 5 jours à un plan pour les Aragonnais, « tout à fait du goût de SMC », AECP, Esp., 168, fol. 222, Amelot à Louis XIV, 13 juin 1707.

50 AECP, Esp., 168, fol. 222, Amelot à Louis XIV, 13 juin 1707.

51 Le 30 mai 1707 sont publiés les décrets de réforme des institutions du royaume de Valence ; le 8 juin 1707, ceux pour les institutions d’Aragon, tandis que, le 29 juin, les fueros des deux royaumes sont abolis.

52 SHD, A1 2049, no 200, Amelot à Chamillart, 18 juillet 1707. Le comte d’Aguilar conserva tout de même ses appointements, AECP, Esp., 169, fol. 44. Et les conseillers trouvèrent une place dans les autres Conseils, de même que les secrétaires et officiers inférieurs, ibid., 176, fol. 365 v°, 16 juillet 1707.

53 Macanaz a 30 ans en 1700 et est tout acquis à la nouvelle dynastie. Depuis 1694, il résidait à Madrid, fréquentant de nombreux juristes et proche du marquis de Villena duc d’Escalona, francophile, qui le choisit comme précepteur de ses deux fils, le comte San Estevan de Gormaz et le marquis de Moya. C. Martin Gaite, Macanaz..., p. 54. Il avait suivi le comte de Gormaz en Aragon, quand celui-ci fut nommé capitaine général de la province en décembre 1705. Sur place, il avait été en contact avec Tessé, Orry et Legal, ibid., p. 79.

54 F. Canovas Sanchez, « Los decretos de Nueva Planta... », R. Menendez Pidal, Historia de España, XXIX-1, p. 10.

55 Cette chancellerie, comme l’Audience royale d’Aragon, est créée selon les modèles castillans de Valladolid et Grenade.

56 Teresa Nava Rodriguez et Gloria Franco Rubio ont avancé l’idée que les membres de la nouvelle administration appartiennent à des milieux sociaux différents de ceux des serviteurs de l’ancien appareil étatique. Ils sont moins liés aux oligarchies locales et doivent leur carrière et leur ascension essentiellement au roi. Cf. « Vénalité et futuras dans l’administration espagnole au xviiie siècle », R. Descimon et al., Les figures de l’administrateur, (1997). Il est vrai que Philippe V récompensera avant tout ceux qui lui ont été fidèles pendant la Guerre de Succession. Ce que montrent Maria Angeles Pérez Samper et Miguel Angel Martinez Rodriguez pour les juristes nommés aux audiences d’Aragon, ibid., p. 221.

57 Le corregidor depuis les Rois Catholiques, en 1480, a été l’agent territorial de la monarchie dans la Couronne de Castille.

58 AECP, Esp., 176, fol. 196, Amelot à Berwick, 4 juin 1707. Le choix de Pedrajas est imposé à Amelot par Berwick. Amelot estimait que le sujet, qui n’avait jusque-là que travaillé aux recrues des gardes wallonnes, n’était pas apte à ce poste. Il aurait préféré y voir Patiño, (ibid., fol. 244, Amelot au duc d’Orléans, 11 juin 1707). José Pedrajas y Pastor est né en 1680 à Madrid. Il sera intendant de Galice, de Catalogne (en 1717 puis de 1720 à 1724), puis intendant de Castille, à Salamanque (1724-1726) et à La Corogne (1727 à 1737), E. Escartin Sanchez, Los intendentes de Cataluna en el siglo XVIII. Dates biográficos, P. Molas Ribalta et al., Historia Social de la Administration..., p. 252.

59 AECP, Esp., 176, fol. 196, Amelot à Berwick, 4 juin 1707.

60 AECP, Esp., 178, fol. 55 et fol. 85, Bourck à Torcy, 11 et 17 janvier 1708. AECP, Esp., 184, fol. 145, Chamillart à Amelot, 14 mars 1708. Asfeld expose au duc d’Orléans l’action de Berwick sur le nouveau gouvernement du royaume de Valence, AECP, Esp., 187, fol. 5,11 janvier 1708.

61 SHD, A1 2049, no 272, Joffreville à Voysin, 14 août 1707 ; Amelot le dit très bien vu des Aragonnais, AECP, Esp., 177, fol. 70 et 103, 16 et 24 août 1707.

62 AN, B7 3, fol. 30, A. Daubenton à Pontchartrain, 30 septembre 1709 : « Ainsi, Gutierrez dit avoir reçu de la reine 9 décrets pour lui signifier de ne plus payer les assignations accordées pour fournitures, dédommagements ou autres prétentions, que pour appointements échus ou à échoir ». Sont révoqués par exemple, les sieurs Du Verger, Fosse et Lemaire, commis dans le bureau de la guerre, B7 3, fol. 64, 7 octobre 1709. Sans doute aussi le sieur Tifaine, commis du trésorier général de l’extraordinaire de la guerre en fait-il partie. (Nommé par Amelot en novembre 1707 dans SHD, A1 2050, no 264). Il est assez difficile d’appréhender dans les archives que nous avons consultées, ce petit monde des commis français présents dans les bureaux espagnols, tant qu’ils ne se sont pas manifestés par une correspondance directe avec un ministre de Versailles.

63 AN, B7 3, fol. 285.

64 AECP, Esp., 193, fol. 9, Mémoire pour M. de Blécourt, par Amelot (septembre 1709).

65 AN, B7 8, fol. 71. Au début de l’année de 1710, Philippe V avait adouci ses décrets aux provinces rebelles, promettant de rétablir le droit privé en Aragon, c’est-à-dire « la partie des fueros qui concerne les lois municipales et le droit coutumier qui ne choque pas les prérogatives et les régales de la Couronne, » ce dont s’offusque Bourck, se souvenant sans doute qu’Amelot n’avait jamais voulu entendre parler de rien de tel pour le royaume de Valence, assimilant cette proposition à un délit. AECP, Esp., 198, fol. 103, copie du décret du roi, février 1710 ; réaction de Bourck, ibid., fol. 107, 10 février 1710.

66 AECP, Esp., 205, fol. 222, le chevalier de Torcy à Torcy, Saragosse, 15 février 1711. Louis XIV encourage cette position, ibid., 206, fol. 5, à Blécourt, 16 mars 1711. Le 7 avril, Bourck annonce à Torcy la création en Aragon d’une chambre civile, qui juge selon les lois d’Aragon et une criminelle, selon les lois de Castille, ibid., 206, fol. 180 v°.

67 AECP, Esp., 205, fol. 143, Vendôme à Torcy, Saragosse, 2 février 1711.

68 Bergeyck (Jean de Brouchoven, comte de) († 1725), trésorier général des Flandres espagnoles (1688), surintendant général des finances (1702), contrôleur général des guerres (1711). Après la prise de Bruxelles par les alliés, en 1706, il se retira en France puis à Namur.

69 AECP, Esp., 209, fol. 61 v°, Bergeick à Torcy, septembre 1709.

70 AN, B7 11, fol. 320, Partyet à Pontchartrain, 23 novembre 1711. Bourck estime que cette réforme sera mal vue, car les intendants en question sont chargés de lever un nouvel impôt, les rendant d’emblée odieux, AECP, Esp., 212, fol. 123, à Torcy, 8 février 1712 ; Bonnac estime que ce n’est pas la bonne méthode en des temps agités, ibid., fol. 129 v°, 9 février 1712. Quant à Partyet, il pense que ces réformes ne vont pas aboutir, AN, B7 11, fol. 372 v° et 408, 30 novembre et 7 décembre 1711.

71 Bergeick, pour triompher de l’opposition des Conseils, avait choisi en accord avec eux, et surtout avec le Conseil de Castille, les nouveaux fonctionnaires. Une fois le ministre parti (juin 1712), les Conseils entamèrent une lutte résolue contre leurs rivaux. En mai 1715, ils obtenaient la suppression des intendants de province. Seules subsistèrent les sept intendances où étaient cantonnées des troupes, D. Ozanam, « Les intendants espagnols », R. Descimon et al., Les figures de l’administrateur, (1997), p. 182-183 et 186-187 et J.-P. Dedieu, « Les surintendants généraux des provinces. La première expérience de l’intendance en Espagne (1711-1715) », L’Espagne, l’État et les Lumières, (2004), p. 189-214.

72 AECP, Esp., 221, fol. 27, Philippe V à Louis XIV (copie), 13 mars 1713.

73 M. Artola, La Hacienda del Antiguo Régimen, (1982), p. 216 et sv. ; J. J. Vidal, « Las nuevas estructuras de la hacienda borbonica », A. Alvar, et al., Polίtica y cultura en la época moderna. Cambios dinάsticos. Milenarismos, mesianismosy utopas, (2004), p. 66-67.

74 J. J. Vidal, loc. cit., p. 65.

75 J.-P. Dedieu et J. I. Ruiz, « Tres momentos en la historia de la Real Hacienda », Cuadernos de Historia Moderna, 15 (1994), p. 79 et sv et J.-P. Dedieu, « La Nueva Planta en su contexto », Manuscrits, 18 (2000), p. 133.

76 F. Abbad et D. Ozanam, Les intendants espagnols du xviiie siècle, (1992), p. 6.

77 AECP, Esp., 119.

78 AECP, Esp., 119, fol. 33. Ces rentes sont des juras, c’est-à-dire une rente sur la Real Hacienda payée par la couronne en échange d’une avance concédée au Trésor ou bien une grâce gratuite du roi. En général, le roi a aliéné le produit d’une rente concrète pour servir à ce payement ; les alcavalas étaient ainsi extrêmement engagés. Ces juros sont parfois héréditaires. Cf. Ibid., fol. 50 : « Rentes apellées en Espagne juros ».

79 Depuis le xve siècle, la taille française est un impôt royal appliqué au roturier, de répartition, fixé par le souverain en son Conseil. Orry pense pouvoir l’introduire en Espagne car, pour réunir l’impôt des alcavalas, les Espagnols s’abonnaient partido par partido et communauté par communauté, ce qui s’appelle le repartimiento, procédé proche de la taille qui se répartit en France par généralités, ibid., fol. 34 v°.

80 Dans la première moitié du xviie siècle en France, les fermes concernaient plusieurs centaines de baux (pour la levée des impôts indirects traditionnels). Mais, en 1681, Louis XIV décide de passer un bail général de ses fermes pour les concentrer. C’est le début des « fermes générales », comprenant les gabelles, les aides, les domaines, les droits de traite et d’entrées.

81 Les explications portant sur le nom des impôts sont tirées dans la plus grande partie des mémoires d’Orry et de G. Desdevises du Dézert, L’Espagne de l’Ancien Régime : Les institutions, (1899), chap. VII, « les Finances », p. 363-440.

82 Les douanes royales sont sur les frontières de terre et de mer de tous les États castillans et aragonais. Il existe aussi des douanes entre la Castille et Valence. Orry détaille l’ensemble de ses droits, dans ibid., fol. 36.

83 Monopole royal depuis Philippe II, qui, en 1564, incorpora toutes les salines de Castille au domaine royal.

84 Le domaine royal était en réalité presque entièrement improductif. Il y avait encore quelques endroits où le roi percevait des redevances patrimoniales ou « féodales » en tant que « seigneur de la terre », mais d’importance minime.

85 Il s’agit du mercure d’Almaden, du plomb et de l’antimoine de Linarès, du cuivre du Rio-Tinto, de l’argent de Guadalcanal, du zinc d’Almaraz, du souffre d’Hellin. Orry y place aussi ce qu’on appelait las siete rentillas, soit les monopoles royaux sur le salpêtre, le soufre, la poudre, le plomb, l’antimoine, le mercure, le vermillon et la gomme laque.

86 La fabrication des monnaies pour le compte des particuliers donnait lieu à la perception du braceage y senoreage.

87 Correspond à la media anata civil créée par Philippe IV. Tout fonctionnaire nouvellement promu subissait une retenue de six mois sur son traitement.

88 Monopole royal depuis 1636. Le roi crée lui-même la marchandise qu’il impose à ses sujets.

89 Philippe V établit le monopole, en 1701. Séville allait devenir un très grand centre de production.

90 Cet impôt touche aussi les clercs. C’est un droit sur les ventes. Un même objet, dix fois vendu et revendu, acquittait dix fois l’alcabala. En 1663 il était de 14 %.

91 Il s’agit d’une taxe supplémentaire sur l’alcabala, créée en 1639 par Philippe IV. Sous Charles II, cette taxe de 4 % fut réduite à la moitié, d’où le nom de cuatro medios. En 1705, elle revint à 4 %.

92 Cet impôt remonte à Philippe IL C’est un droit à payer sur la viande, l’huile, le vin, le vinaigre, mais aussi le savon ou la chandelle. Les clercs y étaient aussi soumis. Il s’agissait d’un certain nombre de millions payables en six ans. Il faut ajouter aux millones certains droits perçus sur le blé, l’orge, les lainages, les toiles, la soie, les légumes, le poisson frais et salé.

93 Il s’agit d’une contribution de 150 millions de maravédis qui remonte aux règnes de Charles Quint et Philippe II, payée par les gens du Tiers-État.

94 Créé en 1631 par Philippe IV sur les Grands, les commandeurs d’ordres militaires, les titrés de Castille.

95 Ce droit sera remplacé, en 1758, par la rente sur la laine.

96 C. Hermann, L’Église sous le patronage royal, (1988), p. 33-36.

97 Impôt concédé en 1219 par Honorius III ; déclaré perpétuel en 1501. Des aliénations en avaient réduit peu à peu la valeur. La masse décimale est en principe partagée par tiers ou trois neuvièmes, entre les paroisses, les fabriques, les menses épiscopales et capitulaires. Les tercias représentent deux neuvièmes de la masse décimale. C’est pourquoi on les appelle aussi dos novenos.

98 En 1561, Pie V avait octroyé à Philippe II un subside sur les biens du clergé pour l’armement de 60 galères destinés à combattre les infidèles ; il fut renouvelé tous les cinq ans.

99 Concédé par une bulle de 1571.

100 Cruzada ou Bula de la Santa Cruzada, accordée par Jules II. Le Roi Catholique peut vendre à son profit des bulles d’indulgence et des dispenses de maigre. La concession se faisait tous les six ans.

101 Orry évoque ici le revenu correspondant au premier, ou aux deux premiers mois d’un bénéfice ecclésiastique, qui forme un fonds destiné aux dépenses de la chapelle royale. Par contre, il n’évoque pas la media anata ecclesiastica, qui touchait tout clerc pourvu d’un bénéfice ou d’une pension par le roi, qui donnait entre le quart et la moitié du revenu de la première année de son bénéfice.

102 Le roi avait le droit de disposer du tiers des revenus épiscopaux pour pensionner qui bon lui semblait. Ce sont les pensions sur mitre.

103 Droits qui se lèvent sur tout ce qui entre et sort par Cadix, Seville et tous les ports de l’Andalousie, soit pour l’Espagne, soit pour les Indes.

104 Droit du roi sur les mines d’or et d’argent. (En Firma Tierra, 20 % sur l’argent et 2 % sur l’or ; en Nueva España, 11 % sur l’argent et 6,5 % sur l’or).

105 Privilège du roi de fournir tout ce qui est nécessaire pour l'exploitation d’une mine.

106 En bon financier, il explique longuement qu’il a bien compris que le roi ne pouvait trouver cette somme en espèces. Par contre, il cherche à créer un produit suffisamment avantageux et attractif pour les sujets du roi, « en payement duquel Sa Majesté pust prendre les contrats de ces juros », ibid., fol. 141 v°-l42 et 144 v°.

107 AECP, Esp., 119, fol. 215 et sv. : « Méthode pour la régie des finances ».

108 SHD, A1 1787, no 87.

109 AN, B7 241, fol. 13 v°, A. Daubenton à Pontchartrain, 5 novembre 1706.

110 J. J. Vidal, loc. cit., p. 69 ; H. Kamen, The War of Succession, (1969), p. 205.

111 SHD, A1 1696, no 90, Orry à Chamillart, 21 novembre 1703. Miraflores aurait payé 20 000 écus pour sa charge au comte de Moriana.

112 SHD, A1 1787, no 141, Orry à Chamillart, 4 mars 1704.

113 Cf. H. Kamen, The War of Succession in Spain, (1969), p. 225-226 et p. 215, Henry Kamen résume en un Tableau très clair les fonds de la Tesoreria mayor de Guerra par rapport à la Tesoreria General entre 1703 et 1718.

114 En mars 1706, la charge de trésorier général de Diego de Cetina arriva à terme et ne fut pas renouvelée. H. Kamen, The War of Succession, (1969), p. 213.

115 Moriana exerça cette charge du 2 octobre 1703 au 17 octobre 1704 ; puis, du 1er juin 1705 au 30 juin 1707, et enfin, du 1er juiller 1713 au 31 décembre 1716. Le 4 juillet 1718, tous les revenus de la couronne furent à nouveau transférés à la Tesoreria General. H. Kamen, The War of Succession, (1969), p. 201-202. SHD, A1 1696, no 41, Orry se justifie auprès de Chamillart d’accusation de collusion avec Moriana (19 septembre 1703).

116 AECP, Esp., 120, fol. 156 et sv et AN, G7 1092.

117 AECP, Esp., 119, fol. 157 v°-158.

118 AECP, Esp., 120, fol. 417 v° et AECP, Esp., 121, fol. 67.

119 SHD, A1 1786, no 29, Chamillart à Estrées, 17 mars 1704.

120 AECP, Esp., 120, fol. 409, tableau sur les profits qu’Orry attend de la conversion de l’argent.

121 AECP, Esp., 120, fol. 409-418.

122 AECP, Esp., 177, fol. 13, Amelot au duc d’Orléans, 4 août 1707. En août 1708, Castaing retourne en France, AN, G7 1093 ; il figure en septembre dans les comptes du Roi Catholique, « venu à la Cour avec plusieurs ouvriers et commis pour travailler aux monnaies », AECP, Esp., 186, fol. 79. Il s’agit peut-être de Barthélémy Castaing, signalé comme tailleur particulier en la monnaie de Toulouse, 21 octobre 1690, AN, Z 16 572 et 26 septembre 1693, AN, Z 16 573, Table alphabétique des lettres patentes de provisions d’offices enregistrées à la cour des Monnaies, 1498-1790, inventaire sur fiches faits en 1886 par Emile Campardon.

123 SHD, A1 1978, no 92, Amelot à Chamillart, 19 septembre 1706.

124 Sans doute est-ce le François Le Bartz, trésorier de la princesse douairière de Conti qui, en septembre 1692, s’associa à la compagnie des vivres d’Italie à laquelle participait Jean Orry, D. Ozanam, « Jean Orry munitionnaire du roi, 1690-1698 », Etudes et Document, 1 (1989), p. 72.

125 AECP, Esp., 156, fol. 305, Chamillart à Amelot, 24 novembre 1706.

126 SHD, A1 2048, no 77, Quenneville à Chamillart, 28 janvier 1707. En 1709, Quenneville doit partir avec Amelot, après avoir exercé pendant près de quatre ans l’emploi d’intendant des finances. Une fiche à son sujet (sans doute d’Amelot) évoque la satisfaction dû à son travail, AECP, Esp., 194, fol. 197, décembre 1709.

127 SHD, A1 2050, no 264, Amelot à Chamillart, 28 novembre 1707.

128 AECP, Esp., 166, fol. 164 r°-v°, Amelot à Louis XIV, 4 février 1707.

129 AECP, Esp., 123, fol. 134.

130 Flon s’est notamment distingué à Vigo, sauvant une partie de la flotte, sous les ordres de Chateaurenaud et en levant sur ses propres deniers des troupes pour repousser les ennemis ; Philippe V lui octroie un titre de Castille, celui de comte de la Cadena, en 1711, AN, AE, BIII 326, fol. 97 et H. Kamen, The War of Succession, (1969), p. 72. Son frère Jacques est aussi gagné à la cause française, AN, B7 228, fol. 19, 25 juillet 1703. Bartolome Flon y Morales, fut secrétaire du roi honoraire en 1695 et Jacobo Flon Zurbaran, secrétaire honoraire en 1706, conseiller de Hacienda honoraire en 1721-1731, superintendant et administrateur général de la rente de tabac, Indice de personas que han desempenado empleosy cargos en la administration central... (ANM, inventaire no 24).

131 SHD, A1 1978, no 229, Ubrecht à Chamillart, 29 novembre 1706.

132 AECP, Esp., 173, fol. 17. Villebague est un négociant malouin parti en apprentissage en Espagne et établi à Cadix. Naturalisé espagnol, il meurt en cette ville après 1721. Il serait beau-frère du sieur Eberardt, trésorier général de la marine en France. En 1712, on le trouve avec le sieur Partyet pour faire l’inventaire des biens de l’hôpital Saint-Louis des Français de Madrid.

133 Yon est dit d’origine française ou franco-espagnole. Les Italiens et le Flamand sont cités par Amelot dans AN, G7 1092, octobre et novembre 1707.

134 SHD, A1 1788, no 71. Sur les Navarrais à la cour, S. Aquerreta, Negocios y finanzas en el siglo xviii : la familia Goyeneche, (2000).

135 Le trésorier de la guerre à Paris envoyait des billets de change à Cadix ou à Madrid pour les marchands et banquiers français. Ceux-ci avançaient alors l’argent pour payer les troupes et s’arrangeaient pour cela avec les Espagnols qu’ils payaient aussi avec ces mêmes billets. Ils étaient ensuite remboursés, en France, auprès de leur antenne française. Mais, en 1707, des billets venant d’Espagne furent refusés à Lyon, entraînant une perte de confiance chez les Espagnols. Méliand se plaignait à Chamillart de ne plus pouvoir placer aucun de ses billets français auprès des Espagnols en août 1707, SHD, A1 2049, fol. 296 ; H. Kamen, The War of Succession, (1969), p. 78.

136 AECP, Esp., 165, fol. 329, Amelot à Louis XIV, 22 novembre 1706. Amelot, déçu, dira n’en tirer que 3 à 400 000 livres, AECP, Esp., 166, fol. 194. Mais selon H. Kamen, The War of Succession, (1969), p. 217, entre juin 1706 et juin 1707, le profit fut de 5 290 851 réaux, AGS, Tribunal mayor de Cuentas, leg. 1871.

137 AECP, Esp., 166, fol. 39 et 78, Amelot à Louis XIV, 10 et 17 janvier 1707 ; ibid., fol. 101, 24 janvier 1707. Il vise les trésors de plusieurs cathédrales.

138 AECP, Esp., 166, fol. 194, Amelot à Louis XIV, 14 février 1707 ; ibid., 167, fol. 36, 7 mars 1707.

139 AECP, Esp., 156, fol. 273, 283 et 286, 18 novembre 1706 et ibid., 162, fol. 14 et 91, 3 et 29 novembre 1706.

140 AN, B7 248, fol. 188, A. Daubenton à Pontchartrain, 12 septembre 1707.

141 AN, G7 1093, Castaing à Chamillart, Madrid, 20 février 1708.

142 Projet de Castaing, AN, G7 1093, mai 1708 et 4 juin 1708.

143 AN, G7 1093, copie de la lettre de Desmaretz à Amelot, 30 mai 1708.

144 AN, G7 1093, Amelot à Desmaretz, 25 juin 1708. AN, G7 1094, au même, 13 mai 1709, il signale à Desmaretz que le Conseil de Castille et les marchands de Madrid font des recherches pour retrouver les premiers introducteurs de la mauvaise monnaie. À cette date, la pièce de 10 sols ne vaut plus que 7 sols et demi.

145 AN, B71, fol. 161, le 17 juin 1709.

146 AECP, Esp., 191, fol. 30, Amelot à Louis XIV, 13 mai 1709.

147 H. Kamen, The War ofSuccession, (1969), p. 223.

148 Ibid., p. 224.

149 SHD, A1 1600, lettres d’Orry de septembre 1702.

150 J. de Sotto Montes, « La guardia valona en España », Revista de Historia militar, 28 (1970), p. 66-105 ; A. de Dorlodot, « Les débuts difficiles des Gardes Wallonnes (1702-1707) », (1960), p. 171-182.

151 AECP, Esp., 123, fol. 263, le cardinal d’Estrées à Louis XIV, 23 mai 1703 et fol. 344, Philippe V à Louis XIV, 31 mai 1703.

152 SHD, A1 1696, no 83, Orry à Chamillart, 7 novembre 1703.

153 SHD, A1 1786, no 38, Chamillart à Dumesnils, 10 mai 1704.

154 SHD, A1 1788, no 36-37, Dumesnils à Chamillart, 14 mai 1704 ; A1 1786, fol. 105 ; Projet : ANM, Estado, leg. 2340 (en français) et ibid., leg. 493, signé par Canales (en espagnol). Dumesnils et Luzancy quittent Madrid, en novembre 1704, chacun lesté d’un diamant de 1 000 écus de la part du roi. Ce détail est mentionné dans une lettre du chevalier Huart, ANM, Collecion Diversos, Gobiernos Militares, leg. 51, novembre 1704.

155 AECP, Esp., 141, fol. 306, Gramont à Torcy, 23 juillet 1704.

156 Comme expédient, Amelot accepte l’idée de Tessé de constituer une garde de 80 cavaliers français. Elle est commandée par le chevalier de Bragelongne, AECP, Esp., 149, fol. 269 et ANM, Estado, leg. 4833.

157 ANM, Estado, leg. 493, 22 février 1706, 29 p.

158 AECP, Esp., 119, fol. 276 (mars 1703) ou AECP, Esp., 120, fol. 309, 29 novembre 1703 ; mémoires de décembre 1703, AECP, Esp., 120, fol. 342 à 369.

159 SHD, A1 1696, no 14, Orry à Chamillart, 31 juillet 1703. Il défend l’idée de son camp car le cardinal d’Estrées y était opposé.

160 AECP, Esp., 120, fol. 62, Orry à Torcy, 11 septembre 1703.

161 AECP, Esp., 120, fol. 91, Orry à Torcy, 19 septembre 1703.

162 AECP, Esp., 120, fol. 248, Orry à Torcy, 23 novembre 1703.

163 F. de Salas Lopez, « Ordenanzas de Felipe V para su nuevo ejército », La Guerra de Sucesión en España y America, (2000), p. 485.

164 Orry a imaginé que par le secrétaire d’État à la guerre, le roi pourrait faire un marché avec des armuriers qui feraient travailler les usines de Biscayes et Guipuzcoa, AECP, Esp., 120, fol. 62, à Torcy, 11 septembre 1703. En même temps, il commande 10 000 fusils à Titon, ainsi que 1 280 sabres et 5 280 épées (ibid.) Il semblerait que Chamillart ait été mécontent de ces marchés, mais Orry assure que les usines de Biscaye et de Catalogne ne peuvent pourvoir à l’armement, AECP, Esp., 120, fol. 85, 18 septembre 1703. La relation de Veragua montre que ses soldats manquent de 152 épées, de 11 carabines et de 103 paires de pistolets (ibid.). En 1711, il y aura un traité avec l’armateur français Dufau.

165 Il revient sur ces créations dans un mémoire du 20 mars 1705, SHD, A1 1884, no 126.

166 Les sieurs Leleu et Lelarge sont ainsi mis à contribution, mais Henry Kamen relève aussi les noms de Yon & Compagnie pour des uniformes, celui de Guillaume Coulon à Bayonne, Morasin et Berton dans la même ville pour faire des tentes, ainsi que Jean-Baptiste Duplessis, The War of Succession, (1969), p. 64.

167 Orry est extrêmement informé sur la question de l’artillerie, dressant des mémoires précis sur les fournitures présentes dans différentes places d’Espagne. AECP, Esp., 119, fol. 384, à Torcy, 30 juillet 1703 (double, SHD, A1 1696, no 14).

168 AECP, Esp., 119, fol. 232 et sv. et ibid., 120, fol. 224, 7 novembre 1703. Torcy, le 13 et 19 novembre, lui dit qu’il a contacté à ce sujet Le Peletier pour les ingénieurs et Chamillart pour les officiers d’artillerie, ibid., 120, fol. 215.

169 AECP, Esp., 120, fol. 148, Orry à Torcy, 5 octobre 1703 ; ibid., fol. 248, 23 novembre ; ibid., fol. 313, 18 décembre.

170 SHD, A1 1695, no 38, Orry à Chamillart, mars 1703.

171 SHD, A1 1695, no 47, « Mémoire [...] concernant un projet de réglement pour les troupes » (mars 1703).

172 En février-mars 1703, il travaille avec Gregorio de Mella, veedor de Catalogne (envoyé en Flandre en 1705, il finit par être arrêté, en 1706, pour ses accointances avec les Portugais), le marquis de San Vincent et Joseph de Salazar, gouverneur général de la cavalerie de Catalogne puis colonel du régiment de la reine. Des juntes ont aussi lieu chez le marquis de Leganés, AECP, Esp., 115, fol. 19 et ibid., 122, fol. 189 ; SHD, A1 1695, no 44-45.

173 AECP, Esp., 118, fol. 148, Louis XIV à Philippe V, 13 novembre 1703.

174 AECP, Esp., 120, fol. 248, Orry à Torcy, 23 novembre 1703.

175 SHD, A1 1787, no 72 et 73. Ce décret est aussi dans AECP, Esp., 120, fol. 388 ; P. Onate Alguero, « Milicias provinciales y guerra de Sucesión : la real cedula de 1704 », La Guerra de Sucesión en España y America, (2000), p. 425-438 et M. Claro Delgado, « La guerra de Sucesión española y la creación de un nuevo ejército », ibid., p. 535.

176 En mars 1706, une ordonnance à ce sujet est rédigée : « Real ordenanza de marzo de 1706, sobre que sea de la obligación de los capitanes mantener sus compañías completas ».

177 L’ordonnance du 28 février 1707 rend officielle cette substitution.

178 SHD, A1 1695, Orry à Chamillart, 3 février 1703.

179 AECP, Esp., 136, fol. 79, Puységur à Torcy, 22 janvier 1704.

180 AECP, Esp., 143, fol. 40, Torcy à Puységur, 26 janvier 1704, Torcy écrit au marquis qu’il pense « comme lui » qu’Orry est certes travailleur mais qu’il sort de sa mission « aussitôt qu’il cesse d’être subalterne ».

181 SHD, A1 1788, no 181-182, Puységur à Chamillart, 24 juillet 1704.

182 SHD, A1 1789, no 84, Orry avait calculé que le roi possédait un revenu de 25 000 000 lt. Les charges n’étant que de 10 millions, il consacre 12 millions à la guerre et 3 millions à l’entretien de la maison du roi (Orry à Chamillart, 5 octobre 1704, de Fontainebleau). Rivas traitait avec mépris ces plans mais, après avoir prévu un fonds de 20 millions, il fit un second projet pour 16 millions. Gramont ne sait plus exactement que penser, car il voit bien que les fonds manquent toujours aussi cruellement. Aussi, lorsqu’il apprend qu’Orry prévoyait de pousser les revenus du roi à 40 millions, il se montre assez intéressé, SHD, A1 1786, no 278, Gramont à Chamillart, 2 novembre 1704. Rivas d’ailleurs s’effondre devant Tessé et Gramont, en leur avouant qu’il n’a aucun plan précis pour les finances, SHD, A1 1789, fol. 187, le même au même, 16 novembre 1704.

183 SHD, A1 1884, no 16, Chamillart à Tessé, 3 mars 1705.

184 SHD, A1 1883, no 156, Puységur à Chamillart, 30 janvier 1705.

185 AECP, Esp., 152, fol. 118, 27 février 1705.

186 SHD, A1 1884, no 126, 20 mars 1705, « Mémoire du Sr Orry sur l’Espagne » (29 pages).

187 SHD, A1 1886, no 280, Amelot à Chamillart, 25 août 1705.

188 Il est à Madrid, dès 1701, et met en place le traité sur les poudres l’année suivante AECP, Esp., 106, fol. 44 ; avec un associé, le banquier Charles, ibid., 114, fol. 105. En 1703, Servigny dit travailler depuis 27 ans dans les vivres, et avoir été très jeune directeur des hôpitaux de l’armée sur la recommandation de Louvois. Le P. Daubenton le protégea, SHD, A1 1789, no 118-119 et 199, 17 octobre et 21 novembre 1704. En février 1705, Servigny veut rentrer en France mais n’a pas de sauf-conduit, AECP, Esp., 152, fol. 136. AN, B7 13, Juan de Ascanio, gouverneur de Caracas et regidor de la même ville et province, le 28 juillet 1711, signale que Servigny a été envoyé dans sa province par la compagnie de 1’asiento en qualité d’inspecteur général sur l’introduction et la vente des nègres sans être chargé d’aucun maniement, mais les facteurs de la compagnie ont refusé de traiter avec lui.

189 ANM, Estado, leg. 260, no 38, Vaillant à Rivas, 26 novembre 1704, mémoire pour le munitionnaire de Castille et Estremadure pour la subsistance des troupes des deux couronnes. Il se propose de passer l’hiver avec des ouvriers envoyés de France pour réparer les harnais, les charrettes et les caissons. Il retourne en France en août 1705.

190 SHD, A1 1886, no 64, en juillet, Desbrières s’occupe de la levée de 36 bataillons et 55 escadrons ; ibid., A1 1891, no 39, il est ensuite envoyé à Saragosse pour y établir des magasins de blé et d’avoine pour la subsistance des troupes ; ibid., A1 2048, no 90, il travaille avec les munitionnaires espagnols en tant que directeur des vivres français. AECP, Esp., 187, fol. 13, janvier 1708, il est toujours présent pour « vivifier » le service des vivres à Madrid.

191 SHD, A1 1891, no 39. Le sieur Grandpré est directeur des équipages et le sieur Daudé, commis au décompte. Les autres sont des commis aux travaux ou des commis ambulants pour le service des vivres.

192 Le sieur Rhodes a fait l’objet d’un procès en France qui l’a poussé à aller chercher du service en Espagne, SHD, A1 1789, no 175, 10 novembre 1704 et mémoire d’août 1704, AECP, Esp., 120, fol. 467 et 469. Quant à Tessé, il souhaite que Rhodes ait à nouveau les hôpitaux, SHD, A1 1789, no 189, à Chamillart, 17 novembre 1704. Orry le connaissait bien et avait eu affaire à lui du temps où il était munitionnaire du roi en 1693. À cette époque, Rhodes s’était trouvé compromis dans la faillite de son associé, Le Carlier, mai,s en 1693 et 1694, il est chargé des hôpitaux et de la viande. En 1704, il devait aussi reconnaître quelques mines de plomb et de cuivre en Sierra Morena afin d’en faire tirer profit au roi d’Espagne. (Il avait eu une affaire en France dans les mines du Limousin). Il aurait pris le nom de Carlos Riquero pour le traité des fournitures des vivres et orges de Catalogne, AN, B7 237, fol. 356, 12 décembre 1705. En 1707, il travaille à nouveau sur les mines espagnoles, AECP, Esp., 172, fol. 38, 28 janvier 1707.

193 SHD, A1 1979, no 309-310, Méliand à Chamillart, Barcelone, 5 mai 1706.

194 La Mothe servait dans l’artillerie depuis 1674. En janvier 1706, Orry craignait que son absence sur la frontière de Castille fasse péricliter ses ateliers, SHD, A1 1976, no 38. La Mothe, en partant de Castille, laissa 5 officiers d’artillerie français et 5 ouvriers, emmenant en Aragon une trentaine d’officiers du régiment des fusiliers d’Espagne pour les instruire en deux mois. Il en choisit une vingtaine des plus capables, qu’il envoya à Madrid avec des certificats, SHD, A1 1979, no 71.

195 AECP, Esp., 176, fol. 52, Amelot à Orléans, 3 mai 1707. SHD, A1 2408, fol. 322-324, 29 décembre 1712.

196 Tanqueux avait servi au siège de Turin comme ingénieur sous le maréchal de la Feuillade ; il fut aussi plusieurs fois à Gênes, Milan ou Mantoue. En Espagne, il fut l’aide de camp du duc d’Orléans, chargé de détails concernant les sièges de Lerida et Tortose, ANM, Estado, leg. 2454, 11 juillet 1708. Il est présenté au mois d’août à la reine, AECP, Esp., 187, fol. 417. En juillet 1709, Philippe V l’envoie à Perpignan veiller à ce que tout soit prêt pour le siège de Girone, SHD, A1 2178, no 90. Depuis la France, en septembre 1710, il continue à faire des projets militaires contre les ennemis, AECP, Esp., 201, fol. 50. Il est aussi l’auteur d’un mémoire pour les sapeurs, SHD, A1 2255, no 211. La même année il réclame un passeport pour retourner en Espagne, AECP, Esp., 203, fol. 473. En octobre 1713, il semble être au service de Philippe V qui le charge des achats pour le siège de Barcelone, AECP, Esp., 223, fol. 150. En novembre 1715 il est toujours à Madrid, AECP, Esp., 246, fol. 69 et travaille avec Alberoni, ibid., 242, fol. 229 et 243, fol. 13. Tanqueux devient un informateur pour l’ambassadeur de France, Saint-Aignan. Il est écouté aussi de Patiño, pour les affaires de la marine en 1717, AEMD, Esp., 144, fol. 144 et 171. Il semblerait qu’il soit en disgrâce en France.

197 AECP, Esp., 187, Asfeld au duc d’Orléans, de Valence, 2 septembre 1708.

198 Ce dernier avait été mis en prison à la citadelle d’Arras en 1708, car les Français craignait qu’il passe à l’ennemi, SHD, A1 2104, no 154. En décembre 1708, Philippe V le demanda d’autorité, A1 2105, fol. 270. Il rejoint l’Espagne au début de l’année 1709, A1 2177, no 9.

199 SHD, A1 2048, no 156-158 et A1 2501, no 42.

200 Lemarié (Jacques-Louis), commissaire des guerres, en 1683 ; il servit avec le titre d’intendant de l’armée. En 1704, il se trouvait entre Sambre et Meuse sous les ordres du maréchal de Boufflers.

201 Meliand (Antoine François) (1670-1747), avocat en 1691, conseiller au Parlement en 1692, maître des requêtes en 1698, eut l’intendance de Pau et de l’armée d’Espagne en 1704, celle de Lyon en 1710, celle d’Amiens en 1717, celle de Lille en 1718 et passa conseiller d’État en février 1721, SSBL, XIII, p. 197, n. 3.

202 SHD, A1 1786, no 102, 15 août 1704.

203 SHD, A1 1978, no 113, 26 février 1704 et A1 2104, no 166, 28 avril 1708.

204 SHD, A1 1787, no 113, Chamillart à Orry, 26 février 1704.

205 SHD, A1 1891, no 7, Chamillart à Le Marié, 22 janvier 1705.

206 SHD, A1 1884, no 29, Chamillart à Gramont, 16 février 1705.

207 AECP, Esp., 153, fol. 249 et 323, Chamillart à Amelot, 6 et 27 septembre 1705.

208 AECP, Esp., 176, fol. 196, Amelot à Berwick, 4 juin 1707.

209 SHD, A1 2049, no 128, Meliand à Chamillart, 17 juin 1707.

210 SHD, A1 2048, no 29, Meliand à Chamillart, 10 janvier 1707.

211 En janvier 1708, il est intendant à Saragosse où il œuvre avec Patino, SHD, A1 2104, no 128 et no 300. En janvier 1709 il est à Madrid, SHD, A1 2177, no 13. Philippe V le recommande à Louis XIV, A1 2179, no 55 ; copie, AECP, Esp., 196, fol. 250, 29 juillet 1709.

212 Chatillon est inspecteur de la cavalerie en Espagne, envoyé en 1704, SHD, A1 1787, no 27. Il souhaite pouvoir accepter le titre de maréchal de camp que Philippe V veut lui donner, A1 2177, no 234. En mars 1712, il veille encore sur la remonte de la cavalerie, A1 2404, no 103.

213 AECP, Esp., 187, fol. 13, 188 et 265 et ibid., 212, fol. 123 ; H. Kamen, The War of Succession, (1969), p. 69 ; C. de Castro, A la sombra de Felipe V : José de Grimaldo, ministre responsable (1703-1726), (2004), p. 236.

214 E. Escartin Sanchez, Los intendentes de Cataluna en el siglo XVIII. Dates biográficos, dans P. Molas Ribalta et al., Historia Social de la Administration..., p. 258-260.

215 AECP, Esp., 200, fol. 52, Bourck à Torcy, juillet 1710.

216 SHD, A1 2253, no 12, dans une lettre de Bourck à Voysin, 22 avril 1710.

217 AECP, Esp., 218, fol. 428 et fol. 463, Bourck à Torcy, 12 et 19 septembre 1712. En octobre 1712, du fait de malversations du sieur du Laurens (ou Lauriol), son associé principal, Sartine eut du mal à présenter des comptes nets au roi, AECP, Esp., 216, fol. 120, Bonnac à Torcy, 31 octobre 1712. L’ambassadeur de France le soutint. Sur ce sujet, BN, n.a.f., 9712, fol. 115.

218 Nous trouvons un cas contraire : il s’agit d’Ambroise Daubenton (Provins, 9 novembre 1686† juin 1707), fils d’Ambroise Daubenton commis de marine à Madrid, capitaine dans le nouveau régiment de fusiliers en 1704. Ce régiment étant dissout, il obtint une compagnie de dragons dans le régiment de Gabriel Pons de Leon, frère du duc d’Arcos, avec le grade de lieutenant-colonel, AN, B7 236.

219 ANM, Estado, leg. 473.

220 Cabaret avait été fait exempt des gardes dès leur création, puis brigadier en 1705, SHD, A1 1887, no 207, 12 octobre 1705.

221 AECP, Esp., 332, fol. 367, Dormay est maréchal de camp en 1724. Duconseil est tué à Saragosse. Montbardon reste dans les gardes du corps même si, en 1716, il songe à revenir en France.

222 Epennes devint 1er exempt des gardes du corps wallonnes. Pourvu d’une commission de colonel puis d’un grade de brigadier, dont il fit les fonctions auprès de Philippe V à Luzzara, il fut le confident et agent favori du roi. Pontchartrain qui l’avait réformé des galères le 27 juillet 1701, le rétablit lieutenant en pied le 1er février 1703. Il est fait enseigne des gardes du corps de Philippe V, le 3 mars 1704, tout en conservant ses appointements des galères de France.

223 AECP, Esp., 236, fol. 356 et ANM, Estado, leg. 473. Le père de ce Paul de Torcy était Charles de Torcy, capitaine au régiment du Maine. En mai 1707, il fut maréchal des logis de l’armée d’Aragon et commandant de la ville de Saragosse en 1708. Reparti en 1709, il retourne en Espagne en mai 1710. Grâce à la protection de Vendôme, il eut le grade de colonel. Le fils fut nommé sous-lieutenant des gardes, le 10 février 1712, puis sous-lieutenant des grenadiers, le 11 mars 1715 ; lieutenant, le 3 novembre 1717, il quitta le service en 1719. Il y a aussi un Charles, baron de Torcy, capitaine d’une compagnie des gardes, tué à Barcelone en 1715, ANM, Estado, leg. 473. Cependant, nous ne trouvons pas de liens de famille entre ce dernier et les deux autres et nous ne sommes pas assurée de sa nationalité française.

224 Les interdictions de la part de Louis XIV furent nombreuses. Chamillart doit rappeler à Amelot les inconvénients créés, AECP, Esp., 153, fol. 313, 25 septembre 1705. Philippe V assure qu’il respectera cet ordre, SHD, A1 1980, no 1, à Louis XIV, 1er janvier 1706. En avril 1706, on demande à Berwick de veiller au respect de cette mesure, A1 1976, no 236, 12 avril 1706. Vendôme, par contre, essaiera de contourner cela pour quelques-uns de ses protégés, ANM, Estado, leg. 397, Vendôme à Grimaldo, Saragosse, 4 juillet 1711, pour Manuel Dupuget de San Alban, officier de cavalerie qui quitte le service de la France.

225 Le baron de Sault avait servi à Naples avant de se rendre en Espagne. Il reçoit le majorat de Cadix avec une pension de 10 000 lt, AN, B7 254, fol. 165. En février 1710, colonel réformé à Madrid, il veut reprendre du service en France, SHD, A1 2255, no 84. Cependant, en 1717, il semble toujours en service comme colonel de cavalerie, mais il demande au duc de Saint-Aignan de pouvoir reprendre du service en France, AEMD, Esp., 144. En novembre 1718, on le trouve à Bayonne.

226 En septembre 1710, Thouy est nommé capitaine-général. En 1711, il est à Saragosse. En janvier 1713, il veut rentrer en France avec le rang de brigadier, AECP, Esp., 225. Mais, en janvier 1714, on le retrouve à la tête de l’infanterie wallonne à Lerida, AECP, Esp., 228, fol. 69. Il semble qu’après le siège de Barcelone, il soit retourné en France pour tomber dans la misère. Patricio Laules, ambassadeur d’Espagne, parle en sa faveur à Philippe V car, si on ne veut lui donner ni emploi, ni pension à Paris, c’est parce qu’on le considère comme attaché au roi d’Espagne, ANM, Estado, leg. 2733, 11 mars 1720. Philippe le recommande en 1723, AECP, Esp., 330, fol. 289.

227 Du Soupat fut nommé inspecteur d’infanterie en avril 1706 en même temps que commandant à Ciudad Rodrigo. Philippe V voulut lui donner le grade de brigadier qu’on lui refusa de France, SHD, A1 1978, no 33, 17 août 1706. Berwicky mit son veto afin de respecter l’ancienneté des grades entre officiers français, ibid., no 170. Ses plaintes n’y changeront rien, ibid., A1 2048, no 31, 55 et 183 et A1 2049, no 39.

228 Bragelongne, en août 1706, est à Burgos où il commande un détachement de 80 cavaliers français pour constituer une garde à la reine. Il se dit très mortifié d’avoir dû rendre à la reine son brevet de brigadier, SHD, A1 1978, no 12 et 25.

229 AECP, Esp., 173, fol. 186, août 1707. En 1715, Louvigny obtient un commandement sur les côtes de Grenade, AECP, Esp., 239.

230 AECP, Esp., 332, fol. 367.

231 Un rapide sondage, effectué dans le fichier mécanique accessible en salle de lecture des archives générales de Simancas recensant les militaires de l’infanterie espagnole, semble montrer que les Français, au cours du xviiie siècle, se seraient engagés préférablement dans les Gardes du Corps, le régiment d’infanterie wallonne ou le régiment de Namur. Citons quatre cas, celui de Pierre Claverie, né à Condom, cadet en 1710 et sous-lieutenant en 1712, lieutenant en 1728 dans l’infanterie de Bourgogne ; Antoine Labadie, né à Sainte Marie d’Oloron, sous-lieutenant en avril 1706 dans l’Infanterie de Flandre, lieutenant en mai 1708, capitaine en décembre 1718, que l’on retrouve avec ce grade en 1737 ; Jean Lacombe, né à Lodève en 1692, sergent en 1732 dans l’Infanterie de Flandre ; le marquis de la Roche, né en 1709 à Pont-Saint-Esprit, capitaine en 1745 dans les Gardes wallonnes.

232 E.W. Dahlgren, Les relations commerciales et maritimes…, (1909), p. 33.

233 AECP, Esp., 165, fol. 395, Mémoire des dépenses du sieur Daubenton à Madrid, décembre 1706.

234 A. Mezin, Les consuls de France au siècle des Lumières (17151792), (1997), p. 475.

235 D. Ozanam, « L’instruction particulière d’Ambroise Daubenton à son fils partant pour l’Espagne (1728) », Mélanges en l’honneur de Fernand Braudel, (1973), p. 439-447.

236 C. Frostin, « Les Pontchartrains et la pénétration commerciale française en Amérique Espagnole, 1690-1715 », Revue Historique, 245 (janv.-juin 1971), p. 333, η. 1 à 9. L’auteur cite des mémoires de Pontchartrain pour nommer à des emplois vacants : AN, Colonie, B 24, fol. 329, 11 janvier 1702 ; ibid., B 28, fol. 8, 3 février 1706 ; ibid., fol. 95, 26 juin 1706 ; ibid., B 31, fol. 363-5, 28 novembre-12 décembre 1708.

237 AN, B7 228, fol. 240, 10 mai 1703 et fol. 289, papier sur Miguel de Erasquin ; ibid., fol. 324, 3 juin 1703, Daubenton demande une gratification pour Erasquin. Ibid., fol. 364 v°, Daubenton se dit en étroites relations avec Aperegui. B7 236, fol. 394, juillet 1705, Daubenton envoie à Pontchartrain un mémoire sur les îles Salomon, fait en grand secret, sur des documents donnés par Erasquin et Aperegui et pris dans la bibliothèque privée du duc d’Uceda.

238 AN, B7 240, juillet 1706 ; en juillet 1705, Daubenton parvint à faire changer les juges de contrebande, un peu trop pressants envers les Français, grâce à Daza, B7 236, fol. 53 v°. Francesco Daza, en 1706, ne quitta pas Madrid pendant l’occupation de la ville par les troupes de l’archiduc et, en conséquence, sera révoqué, ainsi que son collègue, Joseph Carillo. Ils sont remplacés par leurs commis, Francesco de Arena et Juan de Elizondo, AN, B7 240, septembre 1706.

239 AN, B7 240, fol. 218 v°, 27 septembre 1706. Gabriel Pinedo était le premier commis de Grimaldo. Dans ANM, Estado, 3022 (2), lettre de A. Daubenton à Pinedo, 5 août 1708.

240 AECP, Esp., 156, fol. 216 v°, Pontchartrain à Amelot, 17 octobre 1706 ; ibid., 167, fol. 187, Amelot au roi, 11 avril 1707.

241 AN, B7 241, fol. 122, 29 novembre 1706.

242 AN, B7 239, fol. 346, 12 juin 1706 et B7 241, fol. 145, 7 décembre 1706.

243 Ce juge doit conserver les intérêts français lors de procès mettant en cause les deux nationalités. Souvent, on passe outre à ce personnage pour faire appel devant le conseil de Guerre habilité à juger toutes les affaires mettant en cause des nationaux et des étrangers, A. Mezin, op. cit., p. 38.

244 Mémoire sur ce qui regarde la France touchant la proposition d’un commerce libre dans les Indes pour les Espagnols, Madrid, 19 septembre 1702, E. W. Dahlgren, p. 256, n. 2, AN, F50 3.

245 AN, B7 231, fol. 232-250.

246 AN, B7 230 : Suite des mémoires envoyés à M. le duc de Gramont sur le commerce d’Espagne aux Indes, octobre 1704 ; AECP, Esp., 139, fol. 32-41, Mémoire sur le commerce d’Espagne aux Indes pour M. le duc de Gramont, 28 juillet 1704.

247 AECP, Esp., 145, fol. 200.

248 AN, B7 236, fol. 150, Noms et qualités des conseillers, commissaires et députés nommés par le roi d’Espagne pour la junte royale du commerce et de la navigation d’Espagne et des Indes.

249 AN, B7 237, fol. 248, Daubenton à Pontchartrain, 20 novembre 1705.

250 Les nouveaux consuls écrivirent deux fois à Daubenton pour lui exprimer leur reconnaissance d’avoir été choisis. « Je leur ai marqué que je m’étais conformé à vos volontés en indiquant à M. Amelot des sujets de leur mérite. Ils m’ont promis qu’ils auront tout le zèle possible pour les intérêts de la nation », AN, B7 238, fol. 212, Daubenton à Pontchartrain, 25 février 1706. Bernardo Tinajero acheva en juillet 1707 son enquête sur les prévarications des consuls, AN, B7 247, fol. 1 et 94. En avril 1708, les consuls sont toujours en procès, AECP, Esp., 179, fol. 292, Amelot à Torcy, 16 avril 1708. Il semblerait que cette affaire n’eut pas de véritable achèvement. En 1715, Tinajero fut disgracié avant d’en avoir terminé avec les consuls.

251 AECP, Esp., 157, fol. 177, Mémoire de ce qui s’est fait à l’occasion du départ des galions et de la flotte, et de ce qui a esté réglé dans la junte formée pour le rétablissement du commerce des Indes, 3 février 1706 ; copie, AN, AE, BIII 340, « Réformation du Conseil des Indes » (11 janvier 1706).

252 AECP, Esp., 157, fol. 165, Amelot à Louis XIV, 3 février 1706. AE, B1 770, reg. 5, à Pontchartrain, même date.

253 AN, G7 1092, Orry à Chamillart, 2 septembre 1702.

254 AN, G7 1092, Orry à Chamillart, 11 août 1702.

255 AECP, Esp., 125, fol. 443, Louis XIV à l’abbé d’Estrées, 18 décembre 1703 ; AN, B7 231, fol. 19, A. Daubenton à Pontchartrain, 4 janvier 1704.

256 AECP, Esp., 154, fol. 409-411, Mémoire contre l’installation d’une manufacture de glaces en Espagne, décembre 1705.

257 AN, B7 236, fol. 484, 23 juillet 1705. Et aussi, B7 237, fol. 1, 1er octobre 1705 ; ibid. fol. 222, 14 novembre 1705.

258 AN, B7 95, fol. 271, lettre à Bonnac, 21 août 1713 et fol. 349, au sieur Bigodet, 27 novembre 1713.

259 AN, G7 1092, Mémoire sur les laines d’Espagne envoyé à Orry, 20 mai 1703. En juillet 1705, aucune solution n’est encore trouvée, car les Espagnols ne souhaitent pas restreindre leurs débouchés, malgré l’état de guerre avec la Hollande, AN, B7 236, fol. 15 et 21, Daubenton à Pontchartrain, 5 et 7 juillet 1705 ; AECP, Esp., 153, fol. 161, Chamillart à Amelot, 16 août l705.

260 AECP, Esp., 168, fol. 139.

261 AECP, Esp., 218, fol. 42, Partyet à Pontchartrain, 21 janvier 1712.

262 AECP, Esp., 171, fol. 69, Amelot à Torcy, 29 novembre 1707.

263 AN, B7 236, fol. 194.

264 Voir sur ce point, P. Hrodej, op. cit., II, p. 426-430. Selon l’auteur « le secrétaire d’État préférait voir la marine française lutter seule face aux Anglo-hollandais plutôt que l’argent des Indes ne finance un vaste programme de construction navale [...] Pontchartrain n’a de cesse de freiner, mieux d’empêcher toute renaissance navale. L’Union des Deux Couronnes n’a d’intérêt pour la Marine royale que si, non contente d’une pénétration commerciale, ses vaisseaux seuls sillonnent les eaux des Indes ». P. E. Perez-Mallaína accuse quant à lui Philippe V d’avoir laissé la marine française s’emparer des Indes, « La Guerra de Sucesión y la reforma del sistema español de comunicaciones con America », La Guerra de Sucesión en España y América, (2000), p. 355.

265 AECP, Esp., 152, fol. 367, Gramont à Louis XIV, 13 mai 1705.

266 J. Delumeau et al., Le mouvement du port de Saint Malo, 1681-1720, bilan statistique, (1966) et A Lespagnol, Messieurs de Saint-Malo : une élite négociante au temps de Louis XIV, (1997).

267 C. Frostin, loc. cit., p. 310.

268 Le 5 mars 1705, Ducasse débarquait à Alicante, le 9, il était à Madrid où il logeait chez Daubenton. Début avril, il retourna à Cadix avec l’ingénieur Renau pour aider à la défense de cette place menacée par les ennemis. Il collabore avec Valdecañas, gouverneur de Cadix et Villadarias, gouverneur de l’Andalousie, Fernan-Nuñez, général de l’armée navale et Navarette, capitaine général. Le 6 septembre, il retourne à Madrid, P. Hrodej, op. cit., II, p. 325.

269 AECP, Esp., 149, fol. 231, Amelot à Louis XIV, 8 décembre 1705.

270 « Pur ouvrage de la Providence », dira Pontchartrain à Ducasse ; il semblerait aussi que les Anglais aient crû qu’une escorte française accompagnait bel et bien ces navires, P. Hrodej, op. cit., II, p. 350-351.

271 AN, B3 132, fol. 132, Chamillart à Pontchartrain, 25 août 1705.

272 AECP, Esp., 155, fol. 242, Louis XIV à Amelot, 7 février 1706 (copie, ibid., 157, fol. 113).

273 AECP, Esp., 175, fol. 76, 25 avril 1707 (copie, ibid., 167, fol. 196). En mars 1707, un million d’écus du Mexique arrive à Brest. Le roi d’Espagne décide d’envoyer un homme de confiance pour retirer son bien. Amelot conseille aux Français d’agir avec doigté, afin de prouver aux Espagnols que leurs richesses « sont également en sûreté dans les ports de France comme elles le seraient en ceux d’Espagne », AECP, Esp., 167, fol. 60, Amelot à Louis XIV, 14 mars 1707. Philippe V demande qu’il n’y ait aucune retenue sur les biens de ses sujets, car « rien ne serait plus capable que cela d’augmenter l’aversion naturelle que les Espagnols ont pour les Français, et que je vois tous les jours avec une extrême douleur qui n’est pas encore éteinte », AECP, Esp., 172, fol. 196, Philippe V à Louis XIV, 28 mars 1707.

274 AECP, Esp., 166, fol. 220, Amelot à Torcy, 22 février 1707.

275 AN, B7 246, Remontrance par laquelle le commerce de Séville demande que l’on empêche à l’avenir le trafic que les étrangers font dans les ports des Indes, tant du Nord que du Sud.

276 AECP, Esp., 173, fol. 122, Pontchartrain à Amelot, 20 juillet 1707.

277 AN, B7 248, fol. 323, Daubenton à Pontchartrain, 16 octobre 1707.

278 AECP, Esp., 179, fol. 187, Amelot à Louis XIV, 31 mars 1708. Daubenton écrit pendant ce temps à Pontchartrain, le 16 juillet 1708 : « Il y a une si grande abondance de marchandises de France dans les Indes espagnoles, quelles y sont actuellement à aussi bon marché qu’en Europe [...] des derniers bâtiments qui ont été à la Veracruz, plusieurs ont vendu à perte et les autres ont été obligés de se retirer n’ayant rien pu introduire », cité dans P. E. Pérez-Mallaina Bueno, Politica naval Espanola en el Atlántico 1700-1715, (1982), p. 174. Réf. d’archive, AN, B7 252, 16 juillet 1708.

279 AECP, Esp., 184, fol. 337, 21 mai 1708 (double, SHD, A1 2106, no 49).

280 Girardot, II, p. 28, no 115, Louis XIV à Amelot, 19 mars 1708.

281 AECP, Esp., 180, fol. 103, Amelot à Louis XIV, 28 mai 1708.

282 AN, G7 1093, Amelot à Desmaretz, 28 mai 1708.

283 E. W. Dahlgren, op. cit., p. 504.

284 AECP, Esp., 185, fol. 172-190.

285 AN, G7 1093, Amelot à Desmaretz, 9 juillet 1708.

286 Cirardot, II, p. 59, Louis XIV à Amelot, 2 juillet 1708.

287 SHD, A1 2106, no 75, Louis XIV à Philippe, 23 juillet 1708.

288 Le journal de d’Argenson (Paris, 1898, p. 9, en date du 10 décembre 1747) évoque la situation française de 1709 : « Grâce aux armements de M. de Pontchartrain, nous désolions nos ennemis par la course ; nous jouissions du commerce de la Mer du Sud. Saint-Malo faisait rentrer par an cent millions dans le royaume. Le dedans du royaume était en 1709 le double plus gras qu’il n’est aujourd’hui », C. Frostin, loc. cit., p. 310-311.

289 AN, B7 3, fol. 29, Mémoire de Grimaldo à Blécourt, 30 septembre 1709.

290 AECP, Esp., 194, fol. 231-232 : « Le comte d’Aguilar le père avait dit en plein despacho qu’il valait mieux que les galions périssent que les Français les allassent quérir ».

291 AECP, Esp., 198, fol. 27, Blécourt à Torcy, 13 janvier 1710.

292 AECP, Esp., 198, fol. 57.

293 AN, B7 5, fol. 66, Partyet à Pontchartrain, 6 avril 1710.

294 AECP, Esp., 202, fol. 83, Vendôme à Torcy, Casa Tejada, 22 novembre 1710.

295 AN, B7 87, Mémoire spécial pour le commerce et les colonies, 15 juillet 1711.

296 AECP, Esp., 209, fol. 94, Bonnac à Louis XIV, 16 septembre 1711.

297 L. Vlgnols, « L’asiento français (1701-1713) et anglais (1713-1750) et le commerce franco-espagnol de 1700 à 1730 », Revue d’Histoire économique et sociale, 17 (1929), p. 414.

298 Il s’agit de l’envoi, chaque année, d’un navire de 500 tonneaux (puis 650 à partir de 1716) pour les Indes, sans passer par l’Espagne. AECP, Esp., 221, fol. 56-80 v°.

299 Philippe V payait ainsi sur le fonds de cette compagnie, ses mousquetaires ou ses frais de garde-robe. Dès le départ, elle avait eu un capital net misérable, L. Vignols, loc. cit., p. 406.

300 Ibid., p. 421.

301 AECP, Esp., 221, fol. 199, Bonnac à Louis XIV, 6 avril 1713.

302 AECP, Esp., 223, fol. 14-26, Mémoire de Bonnac sur l’état de la cour (copie, AN, K 1359, bob. 2, no 10, 7 août 1713, à Torcy).

303 P. E. Pérez-Mallaina Bueno, « La Guerra de Sucesión y la reforma del sistema español de comunicaciones con America », La Guerra de Sucesión en España y America, (2000), p. 358.

304 AN, B7 14, fol. 35 v°, 25 avril 1712. À chacun de ses voyages (mai 1702-mai 1703 ; octobre 1707-août 1708 et mars 1711-février 1712), l’escadre de Ducasse, protégeant la flotte de retour des Indes, a permis de renflouer les caisses de la monarchie. Les colonies américaines ont montré une fidélité louable à l’égard de l’Espagne bourbonienne : c’est Ducasse qui auprès de l’ambassadeur a souvent choisi des chefs de confiance, les a mis en place personnellement, P. Hrodej, op. cit., II, p. 406. Le 1er mars 1712, Philippe V informe Louis XIV de la grâce faite à Ducasse, AECP, Esp., 218, fol. 97, malgré son origine roturière et huguenote. Il est décoré de la Toison d’Or le 23 mai.

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