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Médecine et hôpitaux en Anjou

 | 
Jacques-Guy Petit
, 
Jean-Paul Saint-André

Première partie. Les hôpitaux dans l'histoire

Évolution du CHU d’Angers depuis 1958

Gilles Guy et Mathieu Gérain

Texte intégral

1Pourquoi 1958 ? Parce que le 30 décembre de cette année, est publiée une ordonnance largement inspirée par le Pr Robert Debré, père de Michel Debré, le premier Premier ministre de la Ve République et ancien commissaire de la République à Angers. Ce texte crée les centres hospitaliers et universitaires, réforme les études médicales et institue le plein-temps hospitalier. Surtout, il engage les hôpitaux et les facultés de médecine à coordonner leur fonctionnement sous la forme d’une convention hospitalo-universitaire.

2Un siècle plus tôt, les édiles angevins et l’architecte angevin Édouard Moll avaient conçu et mis en œuvre sur quinze ans un projet d’établissement audacieux qui enterrait l’hospitalisation médiévale et préfigurait le CHU. Regroupement des trois hospices (renfermés, incurables et pénitentes) dans une structure unique (l’hospice Sainte-Marie), transfert de l’hôpital Saint-Jean dans un hôtel-Dieu en contrebas du nouvel hospice et construction d’une nouvelle faculté mitoyenne de ces deux établissements hospitaliers qui n’en feront bientôt plus qu’un.

Les handicaps angevins

3En 1958, la démarche hospitalo-universitaire à laquelle invite cette ordonnance, réellement novatrice, rencontre à Angers un double handicap. D’abord il n’existe pas de faculté de médecine mais seulement une École de médecine et de pharmacie. Et quand celle-ci accédera au statut de faculté, elle sera pendant quelques années bicéphale (Nantes-Angers). Surtout, il n’y a pas d’université d’État. Les efforts entrepris en 1963 par quelques personnalités lucides de la ville en vue de bâtir un collège scientifique universitaire (CSU), créé en 1957 et hébergé un temps au CHU, se heurtent à la réticence, pour ne pas dire plus, des facultés et écoles constitutives de la « Catho » (UCO), réticence que rejoint celle des majorités conservatrices de la municipalité et du département. Il faudra attendre l’explosion démographique estudiantine des années 1960 en même temps que les difficultés financières rencontrées par l’UCO pour y faire face, sans parler de l’ouverture de centres universitaires à Brest et au Mans, pour que s’ouvrent les yeux des responsables. De ce fait, l’université d’État ne verra le jour qu’en 1971, au terme d’un combat qui aura vu Angers refuser le siège de l’Académie et, plus grave encore, renoncer à des financements publics que ses voisins auront entre temps acceptés avec empressement.

4Il serait juste de reconnaître qu’il existait un troisième handicap, à savoir le retard hospitalier. Au moment où les tours hospitalières, réellement restructurantes, s’élèvent à Nantes, Poitiers, Rennes, Caen… et où les spécialités sont reconnues sous la forme de services de plein droit, les mêmes réticences vont retarder l’évolution du CHU d’Angers. Pour ne pas faire trop grand, on va finir par faire trop petit. Au lieu du bloc médico-chirurgical de 700 lits imaginé en 1959, des opérations nécessaires mais limitées (maternité, hôpital d’enfants, bâtiment des quatre services) sont entreprises. Les autres devront attendre… 35 ans pour que s’ouvre le pavillon Larrey, c’est-à-dire ce fameux bâtiment médico-chirurgical (et biologique), dont la capacité entre temps a été revue à la baisse puisqu’il ne compte que 300 lits.

5Un complément viendra en 2004 avec le plateau technique ouest, permettant de reloger enfin la réanimation médicale et de concentrer l’activité opératoire.

6Au fil des années, la relative modestie des ambitions du CHU aura pénalisé sa croissance puisque faute d’investissements, il ne pourra pas inscrire à son budget les amortissements qui font qu’un établissement qui s’endette est plus riche que celui qui marque le pas ! Un point positif cependant : grâce à sa réserve foncière, le CHU se sera développé sur place et sera donc resté mono-site. Le recul du temps et la comparaison avec d’autres CHU ne doivent pas le faire regretter.

Un retard comblé

7Malgré ces difficultés, le CHU d’Angers a refait peu à peu son retard. Il faut dire qu’à partir de 1977 s’installe une réelle synergie entre la ville et le CHU. Le nouveau maire, statutairement président du conseil d’administration du CHU, le préside effectivement en y apportant son tempérament de bâtisseur. On va assister alors à l’émergence de divers chantiers et parallèlement à un développement des activités de soins. Par la promotion universitaire de ses meilleurs éléments ou, chaque fois que nécessaire, par l’accueil de collègues formés ailleurs, les équipes se constituent, s’individualisent ou se renouvellent.

8D’abord dans les disciplines médicales. Longtemps confinées dans des « services de médecine interne à orientation spécialisée », les spécialités vont s’autonomiser : la réanimation médicale en 1965, la rhumatologie et la cardiologie en 1966, la neurologie en 1970, la néphrologie en 1975, l’endocrinologie en 1979, enfin l’hématologie et l’hépato-gastro-entérologie, respectivement en 1984 et 1988 et pour finir la gériatrie en 2002. La conception polyvalente des grandes cliniques médicales a fait son temps, les uns et les autres renoncent à tout faire et, ainsi, à Angers comme ailleurs, les services spécialisés émergent.

9Dans les disciplines chirurgicales, la même différentiation va se produire à partir de trois services dits de « chirurgie générale » (dont deux cliniques universitaires). L’urologie s’individualise la première en 1953, Et la chirurgie cardiaque la dernière, en 1990, dans le cadre d’un service de chirurgie cardio-vasculaire et thoracique, ayant regroupé cette nouvelle activité avec un service très dynamique de chirurgie vasculaire. Entre temps, le CHU, qui avait accueilli en 1975 un agrégé d’orthopédie, se dote en 1977 du service de neurochirurgie qu’elle avait dans ses cartons depuis 1965. Cette évolution ne doit pas faire oublier que d’autres activités chirurgicales spécialisées existaient de façon autonome avant 1958. Ainsi Ernest Motais avait-il obtenu au début du siècle, au terme d’une lutte de 20 ans contre le conservatisme chirurgical ambiant, la création d’une clinique ophtalmologique… à ses frais. Sans susciter les mêmes oppositions, l’ORL a disposé d’un service identifié dès 1911.

10S’il est un domaine où le CHU a réussi à mener à bien un véritable projet, c’est celui de la Mère et l’Enfant. Ce n’était pourtant pas évident au départ. En effet la mise en chantier de deux « croiseurs » voisins, la nouvelle maternité et le centre Robert Debré, allait aboutir à l’existence de deux unités néonatales. L’arrivée de nouvelles générations et l’édification entre les deux bâtiments d’un service unique de néonatologie permettaient enfin au CHU de rendre cohérent l’ensemble et d’optimiser sa vitrine dans ce domaine essentiel.

11Ses « escorteurs-ravitailleurs » que sont l’imagerie et la biologie n’ont pas évolué au même rythme. La première est parvenue au fil des années à suivre les progrès de la technologie. Le CHU d’Angers a même été le premier établissement public à disposer d’un scanner corps entier, alors qu’initialement la technique n’explorait que le crâne. Par la suite, un jeu subtil et efficace de courte échelle entre le CHU et le Centre Paul Papin a permis d’acquérir un deuxième scanner puis bientôt une IRM avant un tomographe à émission de positons.

12Le développement de la biologie s’est fait attendre plus longtemps. Sans doute la construction d’une nouvelle faculté à distance du CHU a-t-elle abouti à doublonner certains équipements et à pénaliser la progression. C’est le développement, à partir de 1986, d’un pôle de recherche dynamique comptant aujourd’hui plusieurs unités et équipes labellisées qui a tiré la biologie vers le haut. Il restait aux biologistes à adhérer à l’idée d’un rapprochement des activités de routine et de recherche (ce qu’ils ont fait) et donc à s’approprier sans hésiter le nouveau bâtiment en construction en y acceptant un management moderne (ce qu’ils sont en train de faire).

Les personnels

13Cette marche du CHU n’a pas été linéaire. L’évolution a connu des temps d’arrêt puis des accélérations. Ceci est particulièrement vrai en matière de dotation de personnels. L’ouverture d’activités nouvelles a souvent dû se faire à moyens constants, notamment dans les années 1990. De véritables actions de lobbying ont dû être menées par le tandem hospitalo-municipal. À l’inverse, il est arrivé que la manne tombe du ciel sur certains secteurs ; ce fut le cas ces dernières années avec la compensation de la réduction du temps de travail, notamment pour les postes médicaux.

14Comme ailleurs, le CHU a ainsi vu le corps des praticiens hospitaliers dépasser en nombre celui des médecins universitaires (professeurs et maîtres de conférences). Mais ici l’intelligence de la grande majorité a permis d’éviter la « guerre de religions » entre les deux statuts que souhaitaient certains. Les uns et les autres ont acquis cet esprit d’entreprise et cette culture de projets qui réunit les acteurs sur le terrain. C’est ainsi qu’Angers a été le premier hôpital universitaire à recevoir son accréditation.

15Tous, médecins et administratifs, ont poussé dans le même sens, et pour ne citer que le CHU, sa direction a acquis une culture de management dans la recherche clinique. À cette dernière, elle a offert des moyens et des locaux sous la forme d’une « Maison de la Recherche clinique ».

Conclusion

16Au terme de ces cinquante années d’histoire hospitalière, les personnels sont convaincus que l’hôpital a disparu et a fait place au CHU. Les Angevins et leurs élus peuvent légitimement éprouver de la fierté pour l’établissement hospitalier et universitaire de leur ville et devraient lui accorder cette forme de reconnaissance signalétique en usant, comme dans toutes les villes qui en possèdent un, du sigle « CHU » sur les pancartes urbaines.

Bibliographie

Bibliographie

Fargues P., Les Hospices d’Angers. Précis historique et documentaire, Angers, Imprimerie Philippeau et Loiseleur, 1933.

Feutren J., Le CHR d’Angers. Dix ans de rénovation et de constructions (1958-1967).

Dechaine H., 20 ans d’évolution du patrimoine immobilier au Centre Hospitalier Régional et Universitaire d’Angers (1968-1987), Angers, Saillour impressions, 1987.

Renier J.-C., La création de l’Université d’Angers, Angers, Imprimerie Paquereau, 1998.

Gérain M., L’hôpital d’Angers de 1854 à nos jours. Une petite histoire médicale du Centre Hospitalier Universitaire, thèse de médecine, Angers, 2004.

Auteurs

Professeur émérite de neurochirurgie, université d’Angers
Doctorant en médecine, université d’Angers

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