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  • 7. Un usage militant de l’expertise
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    Plan détaillé Texte intégral Une mobilisation syndicale contrastée Les enjeux multiples d’une expertise savante et militante Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Aux frontières de l'expertise

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    7. Un usage militant de l’expertise

    Les organisations de cadres face à la souffrance au travail

    Corinne Delmas

    p. 131-144

    Texte intégral Une mobilisation syndicale contrastée L’émergence et le succès d’une thématique La multiplicité des approches scientifiques Un positionnement syndical contrasté Les enjeux multiples d’une expertise savante et militante Une préoccupation permanente : partir de l’expérience des salariés Une source de légitimité : l’engagement sur le terrain du savoir Un « militantisme de dossier » La « contre-expertise » militante : une alternative à l’expertise patronale Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Depuis une dizaine d’années, les syndicats se positionnent tout particulièrement sur la santé mentale au travail abordée largement par le biais de la « souffrance au travail », entendue au sens de « mal-être » ou en référence à la psychodynamique développée par Christophe Dejours. Sur ces questions, ils mobilisent des discours, travaux, recherches, savoirs, connaissances et créent ainsi une expertise. Ces savoirs pragmatiques ou « sciences de l’agir1 », orientés vers « la production d’une connaissance spécifique pour l’action2 », sont aussi perçus et présentés comme des savoirs d’expertise par les acteurs. Cette mobilisation rend compte de la place croissante occupée par le travail d’expertise et de contre-expertise dans l’action syndicale. Elle s’inscrit dans l’essor des usages politiques de l’expertise et interroge des processus tels que la prolifération de l’expertise, la diversification de ses formes, la spécialisation des savoirs ou la politisation des sciences3. Plus largement, elle atteste les multiples enjeux d’un usage militant de discours savants en soulevant la question des « hybrides, c’est-à-dire de productions mixtes dont la réception doit son succès à un mélange de raisons sociales, cognitives et politiques4 ».

    2Nous nous intéresserons ici plus spécifiquement aux usages de l’expertise sur la souffrance au travail par les organisations syndicales de cadres5. Cette orientation est révélatrice à la fois de la prégnance de ce thème dans le champ syndical, de ses ambiguïtés, mais aussi de l’émergence d’une certaine forme de « militantisme expert6 ». L’expertise constitue une catégorie d’analyse particulièrement intéressante pour appréhender le syndicalisme et ses évolutions. Attestant le développement du recours à l’expertise dans l’espace social, ces usages militants du savoir sont révélateurs des transformations actuelles du syndicalisme français, marqué par l’émergence de nouveaux répertoires d’action collective, le déclin corrélatif des actions traditionnelles du type propagande, manifestation, grève, et l’importance nouvelle de la négociation collective7. Semblent par ailleurs congruents à ces évolutions la volonté de proximité avec le terrain et les adhérents, le recours renforcé à l’expertise savante, la nécessité de produire des discours acceptables dans d’autres univers sociaux et de développer une information crédible.

    3Ces préoccupations, ainsi que la mobilisation autour de ces questions peuvent également s’analyser comme induits par le développement d’un syndicalisme d’adhérents, privilégiant le service aux salariés (conseil juridique, aides diverses, etc.), qui caractérise particulièrement la CFE-CGC. On peut alors s’interroger sur le caractère très spécifique de l’usage militant des savoirs par les organisations de cadres, petites en termes d’effectifs et dont les adhérents ont un niveau de diplôme et une position socio-culturelle induisant une certaine proximité aux formes les plus légitimes du savoir. Amenées à se prononcer sur ces questions, ces organisations mobilisent les recherches dans le cadre d’un positionnement contrasté, pour produire une expertise à la fois savante et militante aux enjeux multiples.

    Une mobilisation syndicale contrastée

    4Le mouvement syndical est parfois accusé d’avoir longtemps refusé de prendre en considération les risques sur la santé mentale inhérents au monde du travail8. La priorité à l’emploi et aux salaires, ainsi que la perception d’un travail limité à une monnaie d’échange auraient longtemps hypothéqué cette prise en compte. Aujourd’hui, l’émergence et le succès de cette thématique de la « souffrance au travail » ont modifié la donne à travers une multiplication des travaux sur la santé mentale au travail et une forte mobilisation syndicale de recherches.

    L’émergence et le succès d’une thématique

    5La conjonction de plusieurs facteurs a conduit ces organisations à se positionner diligemment sur ces questions de santé mentale au travail. On peut rappeler tout d’abord combien les notions de « harcèlement au travail » et de « souffrance au travail » ont connu, à partir de la fin des années 1990, un succès important, dont sont symptomatiques les ouvrages de Marie-France Hirigoyen et Christophe Dejours9. L’intérêt pour les manifestations et les causes de la souffrance mentale au travail dépasse largement le monde des praticiens des maladies professionnelles. Il se développe parmi des publics diversifiés, dans un contexte où s’imbriquent des réflexions critiques sur les effets du néo-management et la promotion, plus diffuse, « d’une culture psychologique de masse », favorisant le recours à des catégories de perception psychologisantes10, et la promotion, dans l’espace public, du langage de la souffrance psychique pour qualifier les problèmes de la société contemporaine11. Par son introduction dans le Code du travail en 2002, la reconnaissance législative de la notion de « harcèlement moral » a contribué à rendre apparemment opératoire une notion considérée par les médecins, ergonomes et psychologues du travail, comme complexe et difficile à manier. L’obligation pour les entreprises de plus de cinquante salariés de créer un document unique d’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des salariés mis à jour chaque année par le Comité d’hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT), et l’élargissement de la mission préventive de ce dernier à la santé mentale des salariés opéré en 2002 par la loi de modernisation sociale, ont obligé les syndicats à investir ce domaine. L’appropriation syndicale résulte également de réflexions internes sur la nécessaire proximité à la réalité du vécu professionnel pour renouer avec la syndicalisation, à un moment où les salariés adressent de très nombreuses plaintes individuelles aux syndicalistes. En effet, hormis la tentative souvent infructueuse de faire reconnaître juridiquement un cas de harcèlement moral, les militants paraissent globalement désarmés.

    6D’autres raisons peuvent être évoquées dont la création, par l’accord de refondation sociale du 13 septembre 2000, des Observatoires régionaux de la santé au travail (ORST). Diverses initiatives publiques se multiplient sur ce terrain : mise en place d’un Observatoire de la santé mentale, création en 2002 de l’Agence de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET), adoption d’un Plan national santé-environnement, lancement en janvier 2008 d’un Programme environnement-santé-travail, « rapport sur la détermination, la mesure et les risques psychosociaux au travail » du magistrat et statisticien Philippe Nasse et du psychiatre conseiller du MEDEF Patrick Légeron. L’agenda de la négociation est un autre facteur explicatif de cet intérêt syndical : négociations sur la pénibilité, sur la transposition de l’accord européen sur le stress par l’accord national interprofessionnel du 21 juillet 2008. Au niveau européen, des accords visent en effet à lutter contre le stress dès octobre 2004, et contre la violence et le harcèlement au travail en avril 2007. D’autres enjeux apparaissent, notamment pour la médecine du travail, à l’heure de sa réforme et de la création en 2003 des IPRP (intervenants en prévention des risques professionnels). Pour toutes ces raisons, en particulier parce que la présence syndicale dans des organismes qui se diversifient est devenue aujourd’hui un enjeu majeur, et dans un contexte particulièrement favorable au débat sur la santé mentale au travail, les organisations syndicales françaises ont donc entrepris de s’approprier cette notion, d’en explorer les différents contenus théoriques et de la diffuser en interne, par des formations, rencontres, permanences d’écoute téléphonique, publications de guides, dossiers, mobilisant des approches scientifiques multiples.

    La multiplicité des approches scientifiques

    7Dans la nébuleuse d’experts de la santé mentale au travail qui regroupe nombre de cabinets d’expertise et de formation, de réseaux d’experts, chercheurs, universitaires et/ou praticiens, d’associations (santé et médecine du travail), de laboratoires (Changement social à Paris VII, CNAM) ou de syndicats professionnels (SGMT), les médecins du travail et ergonomes se situent en première ligne. Leur approche varie selon leur affinité avec la psychopathologie, la psychodynamique, l’ergonomie de langue française, la clinique de l’activité, etc.

    8La psychopathologie, née en France au sortir de la Seconde guerre mondiale12, décrit une pathologie mentale du travail. Tombée en désuétude en raison de ses difficultés à « mettre en évidence des maladies mentales spécifiques au travail13 », elle reprend au début des années 1980, avec la psychodynamique proposée par Christophe Dejours, sur la base d’un retournement de question ; on ne part plus de la maladie mentale mais de la normalité, sans renoncer pour autant à « l’idée fondamentale que le travail peut être dangereux, nocif, délétère pour la santé mentale14 ». La création en 1983 de l’association pour l’ouverture du champ d’investigation psychopathologique (AOCIP) qui organise son premier colloque en 1984 au ministère de la Recherche puis organise un séminaire interdisciplinaire, avec le concours du CNRS (PIRTTEM), réunissant une vingtaine de chercheurs de disciplines différentes15, débouche sur la création au CNAM, en 1990, du laboratoire de psychodynamique du travail qui entre dans le programme d’enseignement de la chaire occupée par Christophe Dejours. Il s’agit désormais de « comprendre les mécanismes, les régulations […] qui permettent aux gens à peu près de résister à la folie, d’éviter de basculer dans la maladie mentale16 », d’où une recherche se concentrant d’abord sur l’analyse des défenses, au risque de mettre l’accent sur la souffrance plus que sur le travail17. La clinique de l’activité, l’ergonomie (littéralement : clinique du travail), voire l’ergologie (science du travail18) étudient pour leur part la sémiologie du travail, les tâches et les activités afin de remonter aux facteurs explicatifs. L’ergonomie dite de langue française vise à rendre compte de la diversité des situations de travail et de l’activité réelle des salariés ainsi qu’à développer une méthode d’intervention. Il s’agit ici, quels que soient l’approche privilégiée et les outils mis en œuvre, de « redonner sa place au travail19 », pour adapter le travail à l’homme et non l’inverse. Si les travaux scientifiques se développent sur l’activité professionnelle, la souffrance et le plaisir au travail, les organisations syndicales de cadres s’approprient également ces questions, mais de manière contrastée.

    Un positionnement syndical contrasté

    9Au sein de l’espace syndical, les organisations de cadres sont particulièrement mobilisées sur ces questions de santé mentale, à partir de la fin des années 1990. La conjonction de plusieurs facteurs contribue à en faire un sujet particulièrement mobilisateur. On peut citer le succès du thème récurrent du « malaise » de cadres20 placés dans des situations génératrices de souffrance, de stress ou de « burn-out », avec l’émergence de nouveaux modes de management et d’organisation du travail et l’affirmation d’un capitalisme patrimonial. Les cadres constitueraient aujourd’hui un groupe à l’« activité professionnelle sous tensions21 » dans un contexte de remise en cause des classes sociales22. Ce contexte renforce un intérêt syndical pour la subjectivité au travail qui ne constitue pas une totale nouveauté. Alors que les syndicats dominants se positionnent plutôt sur la question des salaires, la CFDT investit ainsi le terrain des conditions de travail dès les années 1970, à un moment de mobilisation critique des médecins du travail et d’intervention du législateur en la matière23.

    10Aujourd’hui, toutes les organisations de cadres se positionnent, plus ou moins, sur les questions de santé mentale au travail, en particulier de harcèlement moral et de stress. « Lutter contre le harcèlement moral et le stress en négociant des actions de prévention et de formation au sein des entreprises » figure parmi les « revendications principales » de l’UCI-FO24. L’UGICA-CFTC organise des stages de formation syndicale juridique à destination des conseillers prud’hommes de l’encadrement sur « les pathologies professionnelles chez les cadres et leurs conséquences sur le contrat de travail », ainsi qu’une formation à destination des adhérents de l’encadrement sur « les nouveaux défis des cadres25 ». L’UGICT-CGT se positionne plutôt sur la baisse des charges de travail pesant sur l’encadrement, tandis que la CFDT-Cadres vise les conditions de travail, le travail « soutenable » et l’identité-cadre. La CFE-CGC se mobilise pour sa part pour faire reconnaître le stress comme maladie professionnelle et agit en ce sens auprès du Conseil supérieur de prévention ; l’objectif est de réparer le préjudice subi mais aussi d’inciter à une meilleure prévention dans les entreprises par le jeu des cotisations majorées. Il s’agit de reconnaître le phénomène pour en faire un objet de négociation, mais également de former les salariés et les syndicalistes. Car la priorité, au niveau syndical, n’est pas de « jouer au psychologue » mais de promouvoir l’action collective classique26.

    11La mobilisation syndicale est cependant contrastée en fonction du positionnement des organisations entre elles et vis-à-vis de leur confédération. Dans un contexte de multiplication des plans sociaux qui n’épargnent plus les cadres, de concurrence de la CFDT qui la distancie aux prud’homales de 1997 et de remise en cause de la catégorie cadres, la CFE-CGC met davantage l’accent sur la dimension catégorielle qu’elle incarne et se radicalise. L’apparente faible mobilisation de l’UGICT sur ces questions de santé mentale et de conditions de travail, comparativement à la CFDT-Cadres ou à la CFE-CGC, est à mettre en relation avec les prises de position et revendications de la CGT, sa tradition ouvriériste, le profil des adhérents de l’UGICT, son histoire et sa place au sein de la CGT. Cette organisation représente surtout des salariés du secteur public, des techniciens et agents de maîtrise dans le secteur de la santé, et une population de salariés plus féminisée. Ceci permet de comprendre pourquoi elle se mobilise davantage sur les questions de reconnaissance des techniciens et de mixité, comme l’attestent ses prises de position et le choix des thèmes des stages de formation. Elle s’appuie par ailleurs sur les exemples de mobilisation de cadres, devant être perçus comme des salariés comme les autres et particulièrement revendicatifs, pour légitimer son existence au sein de la CGT et son action27. Le recours à des outils tels que le baromètre « Réalités cadres » CSA/UGICT permet surtout de souligner les difficultés rencontrées par ces salariés qui « sont de plus en plus des salariés au même titre que les autres28 ». Contrastée, la mobilisation syndicale repose sur une palette diversifiée de références, dispositifs et outils scientifiques. Par son contenu, ses orientations, ses usages pragmatiques, l’expertise est ici à la fois savante et militante, avec de multiples enjeux.

    Les enjeux multiples d’une expertise savante et militante

    12Les organisations syndicales mobilisent et produisent une expertise scientifique (ou à prétention scientifique), c’est-à-dire des connaissances spécifiques orientées vers l’action. Toutes se préoccupent de partir de l’expérience vécue des salariés pour produire de la connaissance sur les questions de souffrance au travail. Elles s’engagent également sur le terrain du savoir et développent une forme de militantisme expert, voire de dossier. Cette expertise, alternative à l’expertise patronale, peut être perçue comme une « contre-expertise ».

    Une préoccupation permanente : partir de l’expérience des salariés

    13Cette expérience est mobilisée par le biais de recherches-actions, questionnaires, écoute, actions de formation, séminaires, etc. La CFDT-Cadres a ainsi réalisé une recherche-action sur le travail des cadres, sous la conduite de deux sociologues et un ergonome29. Le thème est congruent avec l’orientation de cette organisation et la réflexion qu’elle mène sur l’identité cadre. Cette recherche s’inscrivait par ailleurs dans la continuité d’une précédente recherche-action pluridisciplinaire menée par la CFDT sur les questions d’intensification30 et de l’enquête TEQ/Cadres dont les premiers résultats paraissent en 200231. L’entrée se fait ainsi par le travail et les recherches sociologiques et d’ergonomie de langue française sont privilégiées chez des cédétistes réticents à l’égard de la « victimologie32 » et relativisant l’idée d’une « souffrance » au travail des cadres : « Si nous connaissons des situations de souffrance au travail, nous ne pensons pas que les cadres souffrent ou soient hyper-stressés. Nous savons […] qu’il y a du plaisir au travail33. » Cette distanciation par rapport à la thématique de la souffrance est peut-être aussi une manière de se positionner face à l’approche psychodynamique privilégiée au sein de la CGT. Le thème de la souffrance n’en est pas moins présent dans le discours de participants à la recherche-action.

    14La CFE-CGC a également recours à l’expérience des salariés, mais par le biais d’enquêtes d’opinion. Cette organisation se mobilise sur la question du stress au travail, longtemps présenté et perçu comme la « maladie » des cadres, des métiers dits « à responsabilités », aujourd’hui également associé au travail relationnel. D’où le positionnement de cette confédération incarnant un syndicalisme catégoriel radicalisé sur cette identité cadre à l’heure de ses remises en cause et de la concurrence de la CFDT. D’autres facteurs expliquent sans doute cette mobilisation de la CFE-CGC sur la question du stress : tendance des courants minoritaires à se saisir des problématiques et enjeux peu investis par les groupes dominants ; succès d’un thème qui est d’abord une catégorie du sens commun ; fondements philosophiques et paradigmatiques des théories du stress faisant appel largement aux méthodes quantitatives et à des batteries de mesures, etc. Une expertise confédérale est ainsi produite en la matière par l’Observatoire et le baromètre du stress qui permettent de mesurer l’ampleur du phénomène par des enquêtes régulières auprès de l’encadrement réalisées par Opinionway, institut de sondage par Internet (méthode jusqu’alors appliquée aux enquêtes marketing) récemment créé par Hugues Cazenave. La presse économique « grand public » comme Capital utilise largement ce baromètre sur les questions de stress et de démotivation des cadres. L’expertise et les analyses de la CFE-CGC bénéficient d’ailleurs d’un certain relais dans la presse spécialisée34 et économique, en particulier dans Les Échos, Capital35 ou L’Expansion. Cet écho dans la presse économique « dominante36 » est sans doute favorisé par les proximités idéologiques et de réseaux avec cette confédération qui incarne un syndicalisme catégoriel des cadres. La confédération recueille également des témoignages, à travers « différentes enquêtes réalisées en interne37 ». Ces témoignages attesteraient l’ampleur des problèmes de stress, de harcèlements ou de phénomènes voisins. Cette réalité est confirmée par les chercheurs mobilisés qui apportent non seulement leur analyse mais également une caution scientifique à l’action militante.

    Une source de légitimité : l’engagement sur le terrain du savoir

    15La CFE-CGC organise des journées, colloques et séminaires sur le stress au travail38. Il ne s’agit pas ici de formation, insiste un responsable interrogé, en raison du caractère incertain et évolutif des connaissances scientifiques en la matière, qui invitent à la « prudence » et à choisir d’autres formes de divulgation de savoirs mieux « adaptés39 ». La forme du colloque ou séminaire savant filmé et conviant la presse peut bien sûr être analysée comme le choix tactique d’une forme collective de mobilisation scientifique oscillant entre expression de savoirfaire sociaux et engagement sur le terrain du savoir40. Le large recours cégéciste au droit s’inscrit dans une même logique. Mais dominent ici les savoirs les plus usuels dans l’espace syndical ; les disciplines et registres appartenant au répertoire traditionnel de l’action syndicale, c’est-à-dire le droit, mais aussi des savoirs et des registres managériaux. Cette confédération sous-traite par ailleurs assez largement avec des cabinets de conseil et d’expertise, Psya en particulier, crée en 1997 pour proposer aux professionnels de l’assurance un service d’écoute et d’accompagnement psychologique. La CFE-CGC mobilise également des travaux et collaborations universitaires, mais sur d’autres sujets, tels que l’identité-cadre41.

    16La CFDT-Cadres fait davantage appel à des universitaires et sociologues sur les questions de santé au travail, particularité à mettre en relation avec sa position au sein de la CFDT, les spécificités de la sociologie militante de la confédération (permanents diplômés, présence du SGEN, etc.) et le positionnement de la CFDT-Cadres sur ces questions dont son hostilité à toute approche « victimisante ». Ainsi un séminaire de son Observatoire des Cadres conviait-il en 2008 Marc Loriol et Jean-Pierre Le Goff à intervenir sur la « souffrance au travail : de la psychologisation à l’action collective », l’objectif étant de « dépasser cette approche psychologisante ». Il s’agit de « prendre du recul sur ce sujet », de prendre « le temps de rationaliser », contre le « pathos sentimental et victimaire », « la psychologisation des rapports sociaux42 ». Sur les questions de santé mentale au travail, diverses recherches, ressources et études sont donc mobilisées au service d’une expertise militante.

    Un « militantisme de dossier »

    17Le « militantisme de dossier43 » est caractéristique de l’activisme cégéciste. La CFE-CGC se positionne clairement sur les questions de stress et de santé au travail. L’action des médecins et de leur syndicat (le SGMT, syndicat général des médecins du travail, affilié à la CFE-CGC), très mobilisés sur la question de la réforme les concernant, ainsi que celle de Bernard Salengro, en charge du dossier au sein de la CFE-CGT, contribuent à expliquer cette particularité. B. Salengro débute sa carrière comme médecin des mines, temps pendant lequel il publie également des études ergonomiques et épidémiologiques avant de rejoindre, dans les années 1980, le pôle « santé » de la CFE-CGC. Élu en 1997 au conseil exécutif de la Centrale, il se voit confier la négociation sur la santé au travail lancée dans le cadre de la « refondation sociale ». L’accord, qu’il signe avec la CFDT et la CFTC, prévoit une présidence alternée de l’Institut national de la recherche et de sécurité (INRS) entre représentants des salariés et des employeurs. B. Salengro est le premier représentant des salariés à accéder à cette présidence en 2001. Ce responsable du pôle santé et travail à la CFE-CGC, très investi dans les thématiques du stress, des cancers professionnels et des troubles cognitifs, y devient le spécialiste de ces questions. Il publie sur le « stress des cadres » et sur le « management par la manipulation mentale », deux ouvrages s’appuyant largement sur l’expertise confédérale (baromètre du stress, cellules d’écoute…). Il étaye également son analyse sur les résultats de sondages et enquêtes diverses, sur de longs témoignages de cadres, et un corpus assez hétérogène de références théoriques44. Cette tendance au décloisonnement disciplinaire est assez fréquente chez les syndicalistes qui utilisent sans souci de distinction entre les disciplines45 des méthodes et des connaissances issues du monde savant dans une logique militante.

    18La CFDT-Cadres fait également œuvre de recherche et de production d’expertise en la matière, à travers des enquêtes et les séminaires de l’Observatoire des cadres (ODC). Cette structure créée en 1995, associe chercheurs et syndicalistes et « doit permettre la relation entre le travail théorique, conceptuel et l’action des cadres face aux difficultés du quotidien46 ». L’ODC lance ainsi en 2002 une réflexion sur « les cadres et la violence dans les organisations47 » à un moment où la CFDT-Cadres est confrontée à « de nouvelles sollicitations relatives au harcèlement moral, à l’augmentation du stress au travail et des tensions individuelles pour les cadres ». À cet égard, elle propose une approche plus qualitative de « la question des conditions de travail et de la santé au travail des cadres [qui] s’est beaucoup focalisée, ces dernières années, sur les aspects liés au temps de travail, à la charge de travail48 ». Ce rôle d’expertise et ces choix thématiques s’expliquent par sa position renforcée au sein de la CFDT et par la réflexion menée sur l’identité cadre et la « responsabilité sociale des cadres (RSC)49 ». Cette production est également congruente au statut de cette organisation qui s’affirme au sein de la CFDT par sa fonction intellectuelle. Il faudrait s’attarder sur la trajectoire des militants qui, au sein de l’organisation, s’affirment également comme des « militants experts » aux côtés des chercheurs et universitaires plus ou moins « compagnons de route », membres du conseil scientifique ou autres50. Savante et militante, cette expertise peut également être perçue comme une forme de « contre-expertise », constituant une alternative à l’expertise patronale produite sur le sujet.

    La « contre-expertise » militante : une alternative à l’expertise patronale

    19La prise en charge de la souffrance au travail dans l’entreprise se traduit essentiellement par des approches individualisées, voire psychologisantes, via la gestion du stress, les cellules d’écoute, l’accompagnement. Ces outils sont largement proposés par les cabinets de consultants en psychologie sollicités par les entreprises et animés par des psychiatres, des psychologues et des psychanalystes, cliniciens ou comportementalistes, qui ont pris pied sur le créneau du stress. On peut citer Stimulus et l’IFAS (Institut français sur le stress), respectivement dirigés par Patrick Légeron et Éric Albert ; ils recensent parmi leurs clients les plus grandes entreprises françaises, notamment La Poste où des formations de gestion du stress ont été largement dispensées depuis 1999 auprès des médecins du travail, des managers et des guichetiers. Les employeurs ont également recours aux observatoires du stress, souvent présentés comme des outils de compréhension du terrain afin d’élaborer des pistes d’action. Ces outils laissent toutefois sceptiques certains médecins et représentants syndicaux. Ces derniers soulignent, par exemple, l’expérience peu probante de l’Observatoire médical du stress, de l’anxiété et de la dépression (OMSAD) mis en place par l’IFAS chez Renault en 1998, notamment en raison du caractère trop global des données prises en compte51.

    20Face à cette expertise patronale et à cette approche individualisante du problème, les organisations syndicales peuvent produire une contre-expertise, comme en atteste l’initiative de la CFE-CGC et de SUD-PTT à laquelle s’est ralliée l’UNSA. Dès juin 2007, ces organisations décident de mener leur propre enquête à France Télécom en créant un Observatoire du stress et des mobilités forcées. Cet observatoire est chargé de « surveiller les conditions de travail en tenant le baromètre de niveau du stress afin de mettre au devant et à jour l’information afférant à la situation ». Sa première initiative est le lancement via un site Internet52 d’un questionnaire en direction du personnel, dont les résultats « confirment amplement le sentiment de stress, de souffrance au travail, de mobilités forcées ». L’observatoire, présenté comme « un outil de formation, d’information, de résistance et d’initiatives contre la souffrance au travail », organise dès décembre des « assises nationales » à Paris, fortement médiatisées. Il se dote le mois précédent d’un comité scientifique pour « affiner son analyse », et réalise une enquête complémentaire par entretiens, sous la responsabilité d’un cabinet d’études. Ce comité pluridisciplinaire, chargé « d’analyser et d’apporter des réponses », mais aussi de « recentrer [nos] préoccupations dans un cadre plus large que la simple entreprise France Télécom », réunit une majorité de sociologues53. Particulièrement mobilisés en tant qu’« experts indépendants », l’un d’entre eux souligne cette « position intéressante sur le plan de l’affichage » dans le cadre de la bataille d’expertise qui se joue entre les organisations syndicales et France Télécom sur la question du stress et des mobilités forcées. La perspective sociologique permet en outre de libérer la parole, comme en attestent les échanges au cours d’une table ronde où a été souligné combien le stress et le harcèlement sont consubstantiels à l’organisation du travail54. On retrouve ici le souci de proximité avec le terrain, particulièrement prégnant à Sud55, l’utilisation tactique de questionnaires et de l’autorité sociale et intellectuelle de la science. Le recours à la forme collective d’assises largement médiatisées permet de « faire foule », de s’appuyer sur le nombre, de mobiliser, voire de « conscientiser » les militants de France Télécom et de créer un « effet de scandale ».

    21Alternative à l’expertise des employeurs et des organisations patronales, l’expertise mobilisée par les syndicats vise à dévoiler la réalité, voire l’ampleur des situations de stress ou de souffrance au travail. Il s’agit également de rompre avec une vision individualisante de ces problèmes. En conséquence, les chercheurs comme les approches privilégiées relèvent davantage de la psychologie sociale, de la psychodynamique, de la clinique de l’activité, de l’ergonomie et de la sociologie, plutôt que de la psychologie clinique et comportementaliste, discipline qui a les faveurs des experts mandatés par les employeurs et les organisations patronales.

    Conclusion

    22La santé mentale au travail constitue donc un thème porteur dans l’espace syndical. Elle est particulièrement traitée par des chercheurs, des syndicalistes, voire par des « militants experts » dans le cadre d’un usage militant du savoir où la connaissance, produite de manière endogène ou importée, est utilisée comme outil de l’action syndicale. La « contre-expertise » syndicale se heurte cependant à plusieurs limites. Nombreuses sont ainsi les critiques adressées à ces organisations qui resteraient encore trop fermées à ces thématiques et aux apports scientifiques sur cette question. Les chercheurs leur reprochent souvent de ne pas suffisamment tenir compte de leurs travaux. « La grande majorité des syndicalistes, sensibles à ces questions, ne parviennent pas à tirer les conséquences de nos analyses que, pourtant, ils approuvent. Il en va de même du côté des cadres supérieurs », soulignent Nicole Aubert et Vincent de Gaulejac56. Cela tient principalement aux objectifs des syndicalistes en quête d’outils et de solutions pour se positionner sur un problème prégnant, gérer et capter les plaintes de salariés, « faire des adhérents », renouveler leur discours. Les pratiques syndicales routinières peuvent également constituer des obstacles. Dans tous les cas, ces questions restent encore le plus souvent considérées comme des problèmes du CHSCT et sont donc déléguées à des militants spécialisés, sensibilisés à la thématique en tant que médecins du travail et militants acculturés à une forme de « culture psychologique » par leur socialisation professionnelle. La démarche proposée par les chercheurs, dans le cadre de recherches-actions, suppose la réflexivité, et peut apparaître comme chronophage et peu opérationnelle. Elle implique en outre une inversion des rapports entre les salariés et un syndicaliste en situation d’écoute alors qu’il est habituellement un pourvoyeur de solutions. La difficulté émerge aussi à convertir des problèmes d’organisation du travail en revendications. Enfin, se pose la question de l’asymétrie entre les expertises patronales et syndicales, liée aux moyens et cabinets mobilisés distincts et au profil des chercheurs sollicités. Ces différences font à la fois les spécificités et les limites de la contre-expertise syndicale face à l’expertise patronale. Afin d’envisager l’avenir de ces mobilisations syndicales et associatives, il faudrait également resituer la place des politiques de santé au travail dans l’espace public, en interrogeant les raisons du confinement de problématiques qui peinent à sortir d’un milieu de spécialistes57.

    23Les usages contrastés d’un discours expert n’en demeurent pas moins révélateurs de l’essor de formes multiples d’expertise étayées sur des savoirs divers, mais également sur le monde vécu et l’expérience58. Ces usages rendent compte, dans l’espace syndical, du développement d’une expertise corrélative à l’efflorescence de diverses expertises (patronales, associatives, institutionnelles, etc.) sur la santé mentale au travail. Cette expertise militante mobilise plusieurs ressources dont l’expérience des salariés pour s’instituer en contre-expertise. Discours alternatif au discours patronal, elle obtient une certaine légitimité en s’engageant sur le terrain du savoir, voire en sollicitant des outils similaires à ceux mobilisés par les employeurs et les organisations patronales. Militante, elle fait l’objet d’usages pragmatiques multiples et se voit assigner plusieurs objectifs : apporter une réponse juridique à la souffrance dans les instances représentatives, mettre l’activité en discussion dans les collectifs de travail, rendre publiques des situations de souffrance, faire de l’agit-prop auprès des salariés, des médias et de l’opinion publique.

    Notes de bas de page

    1 Delmas C., « Pour une définition non positiviste de l’expertise (note de travail) », Damamme D. et Ribémont T. (dir.), Expertise et engagement politique, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 11-43.

    2 Lascoumes P. (coord.), « Expertise et action publique », Problèmes politiques et sociaux, n° 912, mai 2005, p. 5.

    3 Voir notamment les contributions réunies dans Sociology of the science, « Democratization of expertise ? Exploring novel forms of scientific advice in political decision-making », vol. 24, 2005.

    4 Siméant J., « Friches, hybrides et contrebandes. Sur la circulation et la puissance militantes des discours savants », Hamman P., Méon J. -M. et Verrier B. (dir.), Discours savants, discours militants : mélange des genres, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 46.

    5 Cette contribution s’appuie sur les premiers résultats d’une recherche en cours sur la formation syndicale, financée par l’Agence nationale de la recherche et gérée dans le cadre du CERAPS à Lille. Elle repose sur des études de contenu, sur l’observation de plusieurs stages de formation syndicale, de réunions, manifestations diverses sur la santé mentale au travail, sur des échanges et entretiens avec des formateurs, responsables syndicaux, militants et chercheurs.

    6 Ollitrault S., « Les écologistes français, des experts en action », Revue française de science politique, vol. 51, n° 1-2, février-avril 2001, p. 105-130.

    7 Andolfatto D. et Labbé D., « La transformation des syndicats français. Vers un nouveau “modèle social” ? », Revue française de science politique, vol. 56, n° 2, avril 2006, p. 281-297.

    8 Dejours C., Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Paris, Le Seuil, 1998 ; Boltanski L. et Chiapello È., Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.

    9 Hirigoyen M. -F., Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, Paris, Syros, 1998.

    10 Castel R. et Lecerf J. -F., « Le phénomène “psy” et la société française », Le débat, n° 1, 1980, p. 27 ; Politix, « Expérience et critique du monde psy », vol. 19, n° 73, 2006 ; Sociologies pratiques, « La tentation psy », vol. 17, 2008 ; Vrancken D. et Macquet C., Le travail sur soi. Vers une psychologisation de la société ?, Paris, Belin, 2006.

    11 Sur cette promotion depuis les années 1990, à propos de la multiplication des lieux d’écoute sous l’égide de l’État, voir Fassin D., Des maux indicibles. Sociologie des lieux d’écoute, Paris, La Découverte, 2004. Sur le développement, au sein de l’action publique, des dispositifs prenant en charge des questions ayant trait à la subjectivité, voir Cantelli F. et Genard J. -L. (dir.), Action publique et subjectivité, Paris, Libraire générale de droit et de jurisprudence, 2007.

    12 Billiard I., Santé mentale et travail. L’émergence de la psychopathologie du travail, Paris, La Dispute, 2001.

    13 Dejours C., « Psychodynamique du travail », Santé et travail : premières rencontres. Médecin du travail, médecin d’avenir, Société de médecine du travail et d’ergonomie de la région Poitou-Charentes, Poitiers, Futuroscope, 24-25 mars 1994, p. 114.

    14 Ibid., p. 114.

    15 Dejours C. (dir.), Plaisir et souffrance au travail, Paris, Éditions de l’AOCIP, 1988.

    16 Dejours C. « Psychodynamique… », art. cit., p. 115.

    17 Durand J. -P., Baszanger I. et Dejours C., « Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale », Sociologie du travail, vol. 42, 2000, p. 313-340 ; Gollac M., Castel M. -J., Jabot F. et Presseq P., « Du déni à la banalisation. Note de recherche sur la souffrance mentale au travail », Actes de la recherche en sciences sociales, 2006, n° 163, p. 39-45.

    18 Terme employé par exemple par le philosophe Yves Schwartz (cf. Reconnaissance du travail. Pour une approche ergologique, Paris, Presses universitaires de France, 1998 ; du même, Le paradigme ergologique ou un métier de philosophe, Toulouse, Octarès, 2001).

    19 Duraffourg J., Alain Wisner et les tâches au présent, Toulouse, Octarès, 2004 ; Guérin F., Comprendre le travail pour le transformer, Lyon, ANACT éditions, 2006.

    20 Dupuy F., La fatigue des élites. Le capitalisme et ses cadres, Paris, Le Seuil, 2005.

    21 Bouffartigue P. (dir.), Cadres. La grande rupture, La Découverte, 2001.

    22 Boltanski L. et Chiapello È., op. cit., p. 384 sq.

    23 Sont alors créées les commissions d’amélioration des conditions de travail dans les entreprises de plus de 300 salariés et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), les premières enquêtes sur les conditions de travail sont lancées par le ministère du Travail, une loi relative à la prévention des accidents du travail est adoptée, les moyens des médecins du travail sont renforcés.

    24 Voir son site Internet :[http://www.uci-fo.Com].

    25 Lettre des cadres, mai-juin 2007, n° 70 (supplément bimestriel de Cadres CFTC n° 108), p. 2, présentant le calendrier des formations pour l’année 2007 (6 stages proposés).

    26 Salengro B., Le management par la manipulation mentale, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 205.

    27 Kotlicki M. -J. et Bolzinger J. -F., (R)évolutions cadres. 2007, pourquoi et comment il faudra compter avec les cadres, Paris, Éditions Pascal, 2007.

    28 Éric Thouzeau, secrétaire national de l’UGICT-CGT, « Réalités cadres – octobre 2005. Quelques enseignements d’un sondage », conférence de presse UGICT-CGT, 19 octobre 2005. Parmi les difficultés signalées, le stress est évoqué comme justification de la RTT.

    29 Pour une présentation de ces résultats, voir CFDT-Cadres, « Investis mais exigeants », n° 432, novembre 2008.

    30 Théry L. (dir.), Le travail intenable. Résister collectivement à l’intensification du travail, Paris, La Découverte, 2006.

    31 Karvar A. et Rouban L. (dir.), Les cadres au travail. Les nouvelles règles du jeu, Paris, La Découverte, 2004.

    32 Davezies P., « Les impasses du harcèlement moral. L’ergonomie contre la victimologie », CFDT-Cadres, « La guerre des risques », n° 413, janvier 2005, p. 15-22.

    33 Cadres Plus, n° 82, 2002, p. 4. Voir également Ehrenberg A., « Peut-on parler d’une idéologie de la souffrance ? », Bulletin de l’ODC, n° 9, décembre 2003, p. 23-28.

    34 Telle l’Usine nouvelle. Voir par exemple Souffi E., « Syndicalisme, le réveil des cadres », Usine nouvelle, n° 8, janvier 2007, p. 16.

    35 Par exemple : « Le stress, une nuisance trop souvent ignorée », Les Échos du 24 février 2006 ; « J. -L. Cazettes : “Pour les cadres, il n’y a pas de contre-indication à participer à la vie syndicale de leur entreprise” », Les Échos, supplément management du 22 février 2005 ; « La CFE-CGC interpelle les candidats sur les cadres », Capital du 22 février 2007.

    36 Duval J., Critique de la raison journalistique. Les transformations de la presse économique en France, Paris, Le Seuil, 2004.

    37 Salengro B., op. cit., p. 37.

    38 Ainsi de la table ronde du 3 juillet 2007 sur le stress : « Quelle politique de prévention ? », voir Encadrement magazine, n° 146, juillet 2007, p. 16.

    39 Entretien le 11 décembre 2007, au siège de la CFE-CGC, à Paris.

    40 Les enjeux de ces formes collectives de mobilisation scientifique (quelle que soit leur dénomination : « journée », « colloque », « séminaire », « assises », « forum », etc.) par la CFE-CGC, mais aussi par d’autres organisations syndicales (qui les assimilent cependant parfois à de la formation syndicale) sont tout autant tactiques que cognitifs ; il s’agit en particulier de rendre visibles des argumentaires, de se rassembler et de construire les groupes.

    41 Abordée en particulier dans le cadre d’une recherche sociologique, sous l’égide de l’IRES, voir Roussel E., Figures de cadres, Rapport IRES-CFE-CGC, septembre 2007. On citera également la recherche menée par l’équipe d’Yves Clot du CNAM, sur la validation des acquis de l’expérience militante.

    42 Observatoire des cadres, séminaire du 18 avril 2008, siège de la CFDT, Paris. Voir aussi CFDT-Cadres, « Le travail malade du stress », mars 2008.

    43 Ollitrault S., « Science et militantisme : les transformations d’un échange circulaire. Le cas de l’écologie », Politix, vol. 9, n° 36, 1996, p. 141-162.

    44 Salengro B., Le stress des cadres, Paris, L’Harmattan, 2005.

    45 Pernod H., « Syndicaliste et savant, si loin si proche. Les militants SUD-PTT et leurs rapports avec les sciences sociales », Hamman P., Méon J. -M. et Verrier B. (dir.), op. cit., p. 196.

    46 Intervention de Bernard Massingue, président de l’ODC, au séminaire « Cadres, la tentation du retrait », Paris, siège de la CFDT, le 7 décembre 2007.

    47 Voir Cadres Plus, n° 82, 2002.

    48 Ibid., p. 4. Les résultats de la recherche-action précitée, lancée en 2006, dans la mesure où ils attesteraient à la fois le fort investissement des cadres au travail et les doutes de ces salariés face aux questions du sens et de la reconnaissance donnés au travail, auraient montré les limites des analyses en termes de charge et de temps de travail, à l’origine pourtant de cette recherche et au centre des revendications de la CFDT-Cadres. Voir CFDT-Cadres, « Investis mais exigeants », n° 432, novembre 2008 ; et également les Rencontres nationales des cadres organisées par la CFDT-Cadres, Paris, Maison de la Chimie, le 7 novembre 2008.

    49 Voir [http://responsabilitesocialedescadres.net].

    50 Sur l’expertise des « intellectuels de proposition », voir Defaud N., La CFDT (1968-1995). De l’autogestion au syndicalisme de proposition, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.

    51 Mahiou I., « Des outils psy à l’efficacité douteuses », Santé et travail, octobre 2007, n° 60, p. 33.

    52 Voir [http://www.observatoiredustressft.org].

    53 Quatre sociologues (une consultante, trois chercheurs en sociologie du travail et sociologie politique), deux ergonomes, un consultant économiste ingénieur investi dans le mouvement altermondialiste, une consultante politiste par sa formation initiale, une formatrice en ressources humaines.

    54 Linhart D., « Stress et nouvelle organisation du travail », assises précitées, le 13 décembre 2007.

    55 Pernod H., art. cit., p. 177-198.

    56 Aubert N. et de gaulejac V., Le coût de l’excellence, Paris, Le Seuil, 1991, p. 6.

    57 Emmanuel Henry souligne en la matière le rôle de l’arène judiciaire et des associations quant à l’accès à l’espace public, où il apparaît plus efficace de mettre en avant son identité de victimes, déconnectée du monde du travail, que de se présenter sous une identité syndicale, liée au monde professionnel, voir Henry E., « La santé au travail, un domaine d’action publique comme un autre ? », Cahiers du GIP « Risques collectifs et situations de crise », « Santé au travail. Quels nouveaux chantiers pour les sciences humaines et sociales ? », avec le concours du PRISME-GSPE, Grenoble, Publications de la MSH-Alpes, 2008, p. 13-22.

    58 Sur ces évolutions, voir Cantelli F., Jacob S., Genard J. -L. et de Visscher C. (dir.), Les constructions de l’action publique, Paris, L’Harmattan, 2006.

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    • Corinne Delmas
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    1 Delmas C., « Pour une définition non positiviste de l’expertise (note de travail) », Damamme D. et Ribémont T. (dir.), Expertise et engagement politique, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 11-43.

    2 Lascoumes P. (coord.), « Expertise et action publique », Problèmes politiques et sociaux, n° 912, mai 2005, p. 5.

    3 Voir notamment les contributions réunies dans Sociology of the science, « Democratization of expertise ? Exploring novel forms of scientific advice in political decision-making », vol. 24, 2005.

    4 Siméant J., « Friches, hybrides et contrebandes. Sur la circulation et la puissance militantes des discours savants », Hamman P., Méon J. -M. et Verrier B. (dir.), Discours savants, discours militants : mélange des genres, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 46.

    5 Cette contribution s’appuie sur les premiers résultats d’une recherche en cours sur la formation syndicale, financée par l’Agence nationale de la recherche et gérée dans le cadre du CERAPS à Lille. Elle repose sur des études de contenu, sur l’observation de plusieurs stages de formation syndicale, de réunions, manifestations diverses sur la santé mentale au travail, sur des échanges et entretiens avec des formateurs, responsables syndicaux, militants et chercheurs.

    6 Ollitrault S., « Les écologistes français, des experts en action », Revue française de science politique, vol. 51, n° 1-2, février-avril 2001, p. 105-130.

    7 Andolfatto D. et Labbé D., « La transformation des syndicats français. Vers un nouveau “modèle social” ? », Revue française de science politique, vol. 56, n° 2, avril 2006, p. 281-297.

    8 Dejours C., Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale, Paris, Le Seuil, 1998 ; Boltanski L. et Chiapello È., Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.

    9 Hirigoyen M. -F., Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, Paris, Syros, 1998.

    10 Castel R. et Lecerf J. -F., « Le phénomène “psy” et la société française », Le débat, n° 1, 1980, p. 27 ; Politix, « Expérience et critique du monde psy », vol. 19, n° 73, 2006 ; Sociologies pratiques, « La tentation psy », vol. 17, 2008 ; Vrancken D. et Macquet C., Le travail sur soi. Vers une psychologisation de la société ?, Paris, Belin, 2006.

    11 Sur cette promotion depuis les années 1990, à propos de la multiplication des lieux d’écoute sous l’égide de l’État, voir Fassin D., Des maux indicibles. Sociologie des lieux d’écoute, Paris, La Découverte, 2004. Sur le développement, au sein de l’action publique, des dispositifs prenant en charge des questions ayant trait à la subjectivité, voir Cantelli F. et Genard J. -L. (dir.), Action publique et subjectivité, Paris, Libraire générale de droit et de jurisprudence, 2007.

    12 Billiard I., Santé mentale et travail. L’émergence de la psychopathologie du travail, Paris, La Dispute, 2001.

    13 Dejours C., « Psychodynamique du travail », Santé et travail : premières rencontres. Médecin du travail, médecin d’avenir, Société de médecine du travail et d’ergonomie de la région Poitou-Charentes, Poitiers, Futuroscope, 24-25 mars 1994, p. 114.

    14 Ibid., p. 114.

    15 Dejours C. (dir.), Plaisir et souffrance au travail, Paris, Éditions de l’AOCIP, 1988.

    16 Dejours C. « Psychodynamique… », art. cit., p. 115.

    17 Durand J. -P., Baszanger I. et Dejours C., « Souffrance en France. La banalisation de l’injustice sociale », Sociologie du travail, vol. 42, 2000, p. 313-340 ; Gollac M., Castel M. -J., Jabot F. et Presseq P., « Du déni à la banalisation. Note de recherche sur la souffrance mentale au travail », Actes de la recherche en sciences sociales, 2006, n° 163, p. 39-45.

    18 Terme employé par exemple par le philosophe Yves Schwartz (cf. Reconnaissance du travail. Pour une approche ergologique, Paris, Presses universitaires de France, 1998 ; du même, Le paradigme ergologique ou un métier de philosophe, Toulouse, Octarès, 2001).

    19 Duraffourg J., Alain Wisner et les tâches au présent, Toulouse, Octarès, 2004 ; Guérin F., Comprendre le travail pour le transformer, Lyon, ANACT éditions, 2006.

    20 Dupuy F., La fatigue des élites. Le capitalisme et ses cadres, Paris, Le Seuil, 2005.

    21 Bouffartigue P. (dir.), Cadres. La grande rupture, La Découverte, 2001.

    22 Boltanski L. et Chiapello È., op. cit., p. 384 sq.

    23 Sont alors créées les commissions d’amélioration des conditions de travail dans les entreprises de plus de 300 salariés et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), les premières enquêtes sur les conditions de travail sont lancées par le ministère du Travail, une loi relative à la prévention des accidents du travail est adoptée, les moyens des médecins du travail sont renforcés.

    24 Voir son site Internet :[http://www.uci-fo.Com].

    25 Lettre des cadres, mai-juin 2007, n° 70 (supplément bimestriel de Cadres CFTC n° 108), p. 2, présentant le calendrier des formations pour l’année 2007 (6 stages proposés).

    26 Salengro B., Le management par la manipulation mentale, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 205.

    27 Kotlicki M. -J. et Bolzinger J. -F., (R)évolutions cadres. 2007, pourquoi et comment il faudra compter avec les cadres, Paris, Éditions Pascal, 2007.

    28 Éric Thouzeau, secrétaire national de l’UGICT-CGT, « Réalités cadres – octobre 2005. Quelques enseignements d’un sondage », conférence de presse UGICT-CGT, 19 octobre 2005. Parmi les difficultés signalées, le stress est évoqué comme justification de la RTT.

    29 Pour une présentation de ces résultats, voir CFDT-Cadres, « Investis mais exigeants », n° 432, novembre 2008.

    30 Théry L. (dir.), Le travail intenable. Résister collectivement à l’intensification du travail, Paris, La Découverte, 2006.

    31 Karvar A. et Rouban L. (dir.), Les cadres au travail. Les nouvelles règles du jeu, Paris, La Découverte, 2004.

    32 Davezies P., « Les impasses du harcèlement moral. L’ergonomie contre la victimologie », CFDT-Cadres, « La guerre des risques », n° 413, janvier 2005, p. 15-22.

    33 Cadres Plus, n° 82, 2002, p. 4. Voir également Ehrenberg A., « Peut-on parler d’une idéologie de la souffrance ? », Bulletin de l’ODC, n° 9, décembre 2003, p. 23-28.

    34 Telle l’Usine nouvelle. Voir par exemple Souffi E., « Syndicalisme, le réveil des cadres », Usine nouvelle, n° 8, janvier 2007, p. 16.

    35 Par exemple : « Le stress, une nuisance trop souvent ignorée », Les Échos du 24 février 2006 ; « J. -L. Cazettes : “Pour les cadres, il n’y a pas de contre-indication à participer à la vie syndicale de leur entreprise” », Les Échos, supplément management du 22 février 2005 ; « La CFE-CGC interpelle les candidats sur les cadres », Capital du 22 février 2007.

    36 Duval J., Critique de la raison journalistique. Les transformations de la presse économique en France, Paris, Le Seuil, 2004.

    37 Salengro B., op. cit., p. 37.

    38 Ainsi de la table ronde du 3 juillet 2007 sur le stress : « Quelle politique de prévention ? », voir Encadrement magazine, n° 146, juillet 2007, p. 16.

    39 Entretien le 11 décembre 2007, au siège de la CFE-CGC, à Paris.

    40 Les enjeux de ces formes collectives de mobilisation scientifique (quelle que soit leur dénomination : « journée », « colloque », « séminaire », « assises », « forum », etc.) par la CFE-CGC, mais aussi par d’autres organisations syndicales (qui les assimilent cependant parfois à de la formation syndicale) sont tout autant tactiques que cognitifs ; il s’agit en particulier de rendre visibles des argumentaires, de se rassembler et de construire les groupes.

    41 Abordée en particulier dans le cadre d’une recherche sociologique, sous l’égide de l’IRES, voir Roussel E., Figures de cadres, Rapport IRES-CFE-CGC, septembre 2007. On citera également la recherche menée par l’équipe d’Yves Clot du CNAM, sur la validation des acquis de l’expérience militante.

    42 Observatoire des cadres, séminaire du 18 avril 2008, siège de la CFDT, Paris. Voir aussi CFDT-Cadres, « Le travail malade du stress », mars 2008.

    43 Ollitrault S., « Science et militantisme : les transformations d’un échange circulaire. Le cas de l’écologie », Politix, vol. 9, n° 36, 1996, p. 141-162.

    44 Salengro B., Le stress des cadres, Paris, L’Harmattan, 2005.

    45 Pernod H., « Syndicaliste et savant, si loin si proche. Les militants SUD-PTT et leurs rapports avec les sciences sociales », Hamman P., Méon J. -M. et Verrier B. (dir.), op. cit., p. 196.

    46 Intervention de Bernard Massingue, président de l’ODC, au séminaire « Cadres, la tentation du retrait », Paris, siège de la CFDT, le 7 décembre 2007.

    47 Voir Cadres Plus, n° 82, 2002.

    48 Ibid., p. 4. Les résultats de la recherche-action précitée, lancée en 2006, dans la mesure où ils attesteraient à la fois le fort investissement des cadres au travail et les doutes de ces salariés face aux questions du sens et de la reconnaissance donnés au travail, auraient montré les limites des analyses en termes de charge et de temps de travail, à l’origine pourtant de cette recherche et au centre des revendications de la CFDT-Cadres. Voir CFDT-Cadres, « Investis mais exigeants », n° 432, novembre 2008 ; et également les Rencontres nationales des cadres organisées par la CFDT-Cadres, Paris, Maison de la Chimie, le 7 novembre 2008.

    49 Voir [http://responsabilitesocialedescadres.net].

    50 Sur l’expertise des « intellectuels de proposition », voir Defaud N., La CFDT (1968-1995). De l’autogestion au syndicalisme de proposition, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.

    51 Mahiou I., « Des outils psy à l’efficacité douteuses », Santé et travail, octobre 2007, n° 60, p. 33.

    52 Voir [http://www.observatoiredustressft.org].

    53 Quatre sociologues (une consultante, trois chercheurs en sociologie du travail et sociologie politique), deux ergonomes, un consultant économiste ingénieur investi dans le mouvement altermondialiste, une consultante politiste par sa formation initiale, une formatrice en ressources humaines.

    54 Linhart D., « Stress et nouvelle organisation du travail », assises précitées, le 13 décembre 2007.

    55 Pernod H., art. cit., p. 177-198.

    56 Aubert N. et de gaulejac V., Le coût de l’excellence, Paris, Le Seuil, 1991, p. 6.

    57 Emmanuel Henry souligne en la matière le rôle de l’arène judiciaire et des associations quant à l’accès à l’espace public, où il apparaît plus efficace de mettre en avant son identité de victimes, déconnectée du monde du travail, que de se présenter sous une identité syndicale, liée au monde professionnel, voir Henry E., « La santé au travail, un domaine d’action publique comme un autre ? », Cahiers du GIP « Risques collectifs et situations de crise », « Santé au travail. Quels nouveaux chantiers pour les sciences humaines et sociales ? », avec le concours du PRISME-GSPE, Grenoble, Publications de la MSH-Alpes, 2008, p. 13-22.

    58 Sur ces évolutions, voir Cantelli F., Jacob S., Genard J. -L. et de Visscher C. (dir.), Les constructions de l’action publique, Paris, L’Harmattan, 2006.

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