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Élites et progrès agricole

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Nadine Vivier

Troisième partie. Grands propriétaires et progrès agricole aux XIXe-XXe siècles

Catholicisme social et modernisation agricole en France des années 1870 aux années 1950

Brigitte Waché

Texte intégral

  • 1 Michel Lagrée, La bénédiction de Prométhée. Religion et technologie, Paris Fayard, 1999, 439 p.
  • 2 Ouvrage paru en plusieurs volumes à partir de 1847.
  • 3 Michel Lagrée, op. cit., p. 105.
  • 4 Jean Touchard, Préface à L’établissement de la cinquième République : le référendum de septembre e (...)

1Si un premier mouvement porte à envisager en termes de conflits les rapports entre catholicisme et modernité, la réalité s’avère plus complexe comme le montrent notamment les travaux de Michel Lagrée centrés sur les rapports entre catholicisme et technologie1. Abordant parmi d’autres la question des relations entre catholicisme et modernisation agricole, il rappelle, pour le XIXe siècle, « l’effet Montalembert » dont Les Moines d’Occident2 ont contribué « s’ajoutant à d’autres travaux érudits [...] à asseoir dans le catholicisme la vulgate d’une Église mère des travaux des champs et conduisant à l’agriculture moderne3 ». Il souligne également le rôle joué, un siècle plus tard, par la JAC dans la modernisation de l’agriculture française. Son analyse rejoint celle que faisait en 1958 Jean Touchard lorsque, commentant les résultats du referendum, il soulignait alors l’émergence de responsables locaux issus de la JAC4.

2Or la JAC n’est pas le fruit d’une génération spontanée. Elle appartient précisément au courant du catholicisme social sur lequel est centré cet exposé avec le souci de dégager son rôle dans la modernisation agricole en France, en se plaçant d’abord sur le plan théorique avant d’en voir la traduction concrète au cours du temps par les différentes émanations du catholicisme social.

Le catholicisme social : quels atouts pour la modernisation agricole ?

Qu’est-ce que le catholicisme social ?

  • 5 Il s’agit essentiellement de deux documents :
    – L’encyclique Diuturnum du 29 juin 1881 précisant qu (...)

3L’expression « catholicisme social » appelle quelques précisions, pour lever d’éventuelles ambiguïtés. Car il ne suffit pas d’être catholique et de mener une action sociale pour être catholique social. Le catholicisme social correspond, en effet, à une famille d’esprit spécifique. Il est né au XIXe siècle en réaction contre le libéralisme. Sur le plan philosophique, il se refuse à cantonner le catholicisme dans l’ombre des sacristies. Sur le plan social et économique, il entend soumettre les règles économiques et l’organisation sociale à des exigences morales inspirées du christianisme. Sur le plan politique, après une phase d’hésitation empreinte d’une certaine ambiguïté liée à la nature contre-révolutionnaire du courant, le catholicisme social affiche une volonté d’autonomie par rapport au politique, dans la ligne de l’enseignement de Léon XIII exprimé dès avant l’encyclique Rerum novarum, dans les années 18805. La doctrine sociale de l’Église, à laquelle se réfèrent les catholiques sociaux, n’est donc pas un système politico-social. Le courant dont ils se réclament vise avant tout à promouvoir un programme social d’inspiration chrétienne. Il ne s’engage pas en tant que tel sur la nature du régime. Mais il est en revanche vigilant pour susciter, y compris par l’intermédiaire de ceux de ses membres qui à titre individuel acceptent des mandats électifs à l’échelon local ou national, la promotion d’une législation sociale inspirée de la doctrine sociale de l’Église.

4La première réalisation se réclamant en France du catholicisme social proprement dit est l’Œuvre des Cercles catholiques d’Ouvriers fondée en 1872 par Albert de Mun. Les catholiques sociaux se donnent ensuite progressivement un certain nombre d’organes. Les Semaines sociales, véritables universités itinérantes créées en 1904, constituent un lieu d’élaboration doctrinale. La Chronique sociale de France fondée en 1892 et l’Action populaire fondée en 1903 sont davantage des organes de diffusion de la doctrine sociale. Quant à l’Association catholique de la jeunesse française – ACJF – fondée en 1886 par Albert de Mun, elle est un organe de formation, à la fois religieuse et sociale pour la jeunesse. La tendance à la spécialisation qui s’y développe dans l’entre-deux-guerres débouche, pour ce qui concerne le monde agricole, sur la création en 1929 de la JAC (Jeunesse agricole catholique). De l’Œuvre des cercles à la JAC, il y a une filiation et un objectif commun : instaurer un ordre social d’inspiration chrétienne.

Perception de la modernisation agricole par les catholiques sociaux

  • 6 Charles Flory, in Semaines sociales de France, Le monde rural dans l’économie moderne, Lyon, Chron (...)
  • 7 Genèse, I, 28 et suiv.
  • 8 Psaume 145, 15-16.
  • 9 In Semaines sociales de France, Le problème de la terre dans l’Économie nationale, Paris Galbada, L (...)

5La référence religieuse que suppose le catholicisme social induit une exigence morale à l’égard du travail et notamment le sens du travail bien fait qui peut pour une part porter à la modernisation. Surtout, elle induit une vision spécifique du travail agricole, traditionnelle dans le christianisme : à la fois très proche de la nature et très dépendant de ses caprices, il est perçu comme favorisant une proximité avec le Créateur qui confère au travail agricole une dignité particulière. L’agriculteur est « en ménage avec la création. Il connaît d’expérience les exigences de la terre et les aléas des saisons. Il sait qu’une nuit de gel ou quelques minutes d’orage le priveront de plusieurs mois d’efforts. L’exploitation agricole est “une usine sans toit”, où le travail est exposé à toutes les intempéries et à tous les risques. L’homme y jouit en revanche d’un horizon qui n’est limité que par le ciel6 ». Le paysan se trouve aux premières lignes dans l’accomplissement de la mission confiée à l’homme par le Créateur qui est de soumettre la terre et de la faire fructifier7. Il devient dès lors un collaborateur, un intendant du Créateur « qui donne à chacun la nourriture en temps opportun, qui ouvre la main et répand sa bénédiction sur tout ce qui respire8 », comme le signifie la fête des Rogations qui entend rapporter le premier fruit de la récolte à celui qui est identifié comme son auteur. Cette vision ne signifie pas pour autant passivité, car l’intendant fidèle doit faire fructifier le bien qui lui est confié. Dans ces conditions, la modernisation qui permet d’augmenter la production prend évidemment tout son sens. Eugène Duthoit, président des Semaines sociales dans la période de l’entre-deux-guerres, le rappelle en 1924 dans sa leçon d’ouverture à la Semaine sociale de Rennes : « L’emploi des machines s’impose aujourd’hui en agriculture. Qui voudrait les proscrire, puisqu’elles aident à faire fructifier le don divin et à lui faire rendre cent pour un9 ».

Plusieurs étapes

6Une évolution semble se dégager dans la perception de la modernisation agricole par les catholiques sociaux durant la période allant de la fin du XIXe siècle au milieu du siècle suivant. Elle ressort de l’analyse de plusieurs sources. Pour les débuts de la période, des éléments peuvent être tirés des rapports de la commission agricole de l’Œuvre des cercles catholiques d’Ouvriers, qui sont annexés à l’Association catholique. Pour les périodes suivantes, plusieurs manifestations essentielles organisées par les catholiques sociaux sont plus particulièrement centrées sur l’agriculture et ont donné lieu à des publications : le congrès social d’Angers organisé par l’ACJF en 1908, porte sur la situation agricole en France ; la Semaine sociale de Rennes de 1924 est consacrée au Problème de la terre dans l’économie nationale ; et la Semaine sociale de Nantes de 1950, qui coïncide pratiquement avec la célébration du 20e anniversaire de la naissance de la JAC, porte sur Le monde rural dans l’économie moderne.

7Une constante se dégage pour toute la période considérée : l’ordre économique doit être subordonné à l’ordre social dont il convient de combattre les déséquilibres. La nature de ces déséquilibres et leur perception évoluent au cours de la période considérée.

  • 10 Comte de La Bouillerie, Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, Commission agricole, 25 juillet (...)

8Dans les années 1880, le diagnostic conclut à la désagrégation de la société rurale sous l’influence des idées dites « modernes » : le libéralisme qui nourrit l’individualisme, la démocratie qui remet en cause les liens hiérarchiques jusqu’au cœur du pilier de l’économie rurale qu’est la famille, l’athéisme que ne compense pas la diffusion de la morale civique. Le remède proposé pour résoudre cette crise est l’instauration d’un « ordre social chrétien » dont les fondements essentiels sont : « une hiérarchie respectée, à l’aide de laquelle le fort supplée à l’impuissance du faible, le riche à l’infortune du pauvre, le savant à l’incapacité de l’ignorant [...] ; une autorité toujours responsable devant Dieu, qui ne rampe pas devant la force brutale du nombre [...] qui coordonne les forces sociales et en règle l’élan, de façon à protéger les intérêts du pays10 » ; enfin, le respect des traditions pour faire fructifier ce qui a été transmis, tirer profit des leçons du passé ou triompher des obstacles qu’il a légués.

9Ce programme s’inscrit dans le projet contre-révolutionnaire affiché ouvertement par l’œuvre des Cercles, projet qui vise la promotion d’un ordre social d’inspiration chrétienne non par un changement de régime politique mais par une action menée sur le terrain proprement social.

10Le contenu contre-révolutionnaire du projet social visé par l’Œuvre des Cercles et les références religieuses qu’il suppose n’est pas en contradiction avec l’idée de modernisation des techniques de production. Bien plus, la vitalité religieuse est supposée servir cette modernisation :

  • 11 Comte de La Bouillerie, Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, Commission agricole, 24 septembr (...)

« Nous n’entendons nullement laisser [...] en oubli les intérêts matériels [...] ni négliger le soin de faire entrer au premier rang dans notre plan d’organisation, les institutions les plus propres à servir le mieux possible ces intérêts. Notre pensée est au contraire que ce soin s’y imposera d’autant plus, et portera d’autant plus de fruit que la religion y sera plus en honneur, que ses préceptes y seront plus respectés, et ses saintes inspirations plus librement et plus fidèlement suivies11. »

11Néanmoins, l’encouragement à la modernisation s’accompagne d’une insistance sur la nécessité d’en faire bon usage, et sans perdre de vue la référence religieuse du travail humain :

  • 12 Comte de La Bouillerie, Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, Commission agricole, 25 juillet (...)

« Ne médisons pas trop de ces progrès de la science, qui étendent si loin et portent si haut l’empire que Dieu nous a donné sur la nature ; mais déplorons plutôt que, dans un siècle où ils mettent entre nos mains de si puissants instruments de civilisation, nos intelligences et nos cœurs se ferment si obstinément à la connaissance de Dieu et au respect de ses lois [...] Rassemblons tout ce qui nous reste d’énergie dans le cœur, d’influence autour de nous pour travailler, chacun dans la mesure de nos forces, à mieux coordonner tout le bien-être matériel que nous procurent nos progrès dans la connaissance des lois physiques, avec les lois de cet ordre social chrétien que nous ne savons plus démêler au milieu du chaos révolutionnaire dans lequel nous vivons, de cet ordre social chrétien en dehors duquel toute civilisation, quelque avancée qu’elle soit, ne peut aller qu’à la décadence et à la ruiner12. »

12Une vingtaine d’années plus tard, lors du congrès d’Angers de 1908, lorsque sont envisagés les facteurs de déstabilisation du monde agricole, ce sont surtout les méfaits de la spéculation qui sont soulignés. Elle menace ce qui, aux yeux des catholiques sociaux, doit être le pilier de la vie rurale, l’exploitation familiale, dont la stabilité est déjà fortement ébranlée à leurs yeux par le régime successoral et l’évolution du droit du fermage qui introduit plus de précarité dans les baux. Dans cette perspective, le progrès peut être l’objet sinon d’un rejet systématique, du moins d’une certaine réserve :

  • 13 Joseph Zamanski, « La crise agraire », dans Congrès social agricole, Angers 19-22 mars 1908, Blois (...)

« Le perfectionnement des procédés économiques, bon en soi, devient facilement un mal si, à ces procédés, ne répondent pas en même temps des pratiques sociales. [...] Nous ne prétendons pas plus nous opposer aux progrès de l’industrie agricole, que nous n’avons cherché à remonter le courant du grand atelier, de la grande usine. Aux biens ruraux comme aux entreprises industrielles, les capitaux peuvent rendre aujourd’hui, surtout en face de la concurrence des peuples, de vrais et inestimables services. Mais en face du capitalisme social, nous voulons introduire des pratiques qui en immunisent les effets13. »

13Les pratiques sociales en question, ce sont : la garantie de la propriété individuelle, « la protection des intermédiaires naturels entre l’individu et l’État » que sont les syndicats et les communes.

14Après la Première Guerre mondiale, la modernisation des campagnes semble envisagée avec moins de précautions. Sans que ne soit perdue de vue la subordination de l’économique au social, le service que peut rendre à l’agriculture le développement technique est souligné avec plus d’insistance à l’heure où l’un des principaux fléaux enregistrés est le dépeuplement des campagnes. La question de la modernisation des campagnes est envisagée sous plusieurs angles : l’amélioration des infrastructures, en particulier l’électrification des campagnes et les transports ; le développement de la recherche scientifique portant sur les engrais, l’alimentation du bétail et des animaux de basse-cour, les maladies parasitaires, les épizooties, l’amélioration des espèces végétales et animales par les méthodes de sélection ; l’utilisation des machines et des engrais. Cependant, la modernisation n’est pas pour autant présentée comme une fin en soi :

  • 14 Semaines sociales de France, Le problème de la terre dans l’économie nationale, Paris Galbada, Lyo (...)

« De tous les modes d’activité, l’Agriculture est celui qui peut le moins se passer de l’homme même. À quoi serviraient les machines les plus perfectionnées, les engrais les plus riches en phosphore, les méthodes de culture et d’élevage les plus perfectionnées, si l’homme persistait à quitter la terre, si la race cherchait dans les branches non agricoles de l’économie nationale l’emploi principal, et bientôt presqu’exclusif de son activité14 ? »

15Un quart de siècle plus tard, lors de la semaine sociale de Nantes en 1950, la question de la modernisation de l’agriculture est au centre des réflexions ; c’est le titre de la leçon d’ouverture du président Charles Flory : « La modernisation des campagnes, condition d’équilibre économique et social du pays ». Elle est en particulier mise en rapport avec le devoir de solidarité qu’a le paysan non seulement avec ses concitoyens dont il doit assurer la subsistance, mais également sur le plan international. La question de l’interdépendance des peuples avait déjà été soulignée lors de la semaine sociale de Rennes, en 1924. À Nantes, c’est le problème de la faim dans le monde qui est pointé du doigt : « Dans notre conception au service de l’homme, note le président Charles Flory, le cultivateur a une véritable mission. Produire, et produire dans les meilleures conditions devient pour lui un service auquel il ne peut se dérober ». Face au problème de la faim, l’augmentation de la production apparaît donc comme une nécessité. Mais là encore, les impératifs sociaux ne sauraient être sacrifiés aux impératifs économiques.

« Produire mieux avec un effort moindre, c’est l’objet même du progrès technique, poursuit Charles Flory. Nous accueillerons avec faveur tout ce qui peut diminuer la peine de l’homme. La domestication des animaux a marqué une étape importante de sa libération. La machine doit le soulager davantage encore et lui permettre d’accomplir des travaux de force à un rythme jusqu’ici inconnu. » Et il ajoute : « Nous n’oublions pas, certes, que la modernisation a des limites en agriculture et qu’il faut apporter avec beaucoup de mesure, le souci d’une exacte adaptation aux besoins de chaque exploitation. Mais ces réserves faites, comment négligerait-on l’allègement qu’elle est susceptible d’apporter à la “dure existence des paysans et des paysannes” [...] Il faut élever leur condition matérielle au niveau des autres catégories professionnelles [...] L’amélioration du rendement et des procédés culturaux permettra seule, notamment l’amélioration des salaires agricoles, si généralement inférieurs à ceux de l’industrie ».

16À l’objection du risque de réduction de la main-d’œuvre, Charles Flory répond que la main-d’œuvre libérée pourra permettre la remise en culture de terres abandonnées et finalement un nouvel appel de main-d’œuvre. À l’amélioration des techniques de production, il faut joindre l’amélioration des conditions de vie : celle des infrastructures (chemins d’accès, électrification, alimentation en eau potable) et plus encore celle de l’habitat.

  • 15 In Semaines sociales de France, Le monde rural dans l’économie moderne, Lyon, Chronique sociale de (...)

« L’habitat [...] est parfois indigne d’une nation civilisée. Trop souvent exigu et médiocre, avec son sol en terre battue, son défaut d’hygiène et de commodité, il n’a jamais soutenu la comparaison avec les fermes suisses, allemandes ou anglaises. Mais depuis le début du siècle, la situation s’est encore aggravée dans beaucoup de provinces françaises : il s’est construit quelques bâtiments d’exploitation et particulièrement des hangars, il n’a rien été fait pour les habitations qui n’ont même pas été entretenues. Ce sont des taudis qui ne le cèdent en rien à ceux des banlieues ouvrières, et témoignent d’un niveau d’existence dont la jeunesse ne s’accommode15 plus. »

17Cette remarque suggère déjà en elle-même un autre aspect : la modernisation s’impose aussi pour des raisons d’ordre psychologique car « la jeunesse y aspire [...] La campagne peut sauver son âme sans rester engoncée dans des modes périmées. Nos jeunes paysans se sentent à l’aise dans leurs chemises à manches courtes, au volant de leur tracteur : image nouvelle qui peut, aussi bien que l’ancienne, servir de support à une mystique ».

Catholicisme social, modernisation agricole et renouvellement des élites

18Le rôle joué par la JAC pour la modernisation des campagnes, à partir des années 1950, a été plus d’une fois relevé par les historiens. Mais, on a moins insisté sur l’héritage qu’elle recevait, d’une tradition remontant à la fin du XIXe siècle, et transmise avec des infléchissements liés à l’évolution du contexte. C’est sur cette filiation que nous voudrions mettre l’accent, en partant de la prise en compte de la modernisation agricole par l’Œuvre des Cercles catholiques d’Ouvriers, puis par l’ACJF, avant d’aboutir à la JAC.

L’Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers : l’ère des notables

19S’interroger sur la prise en compte des questions rurales par l’Œuvre des Cercles catholiques d’ouvriers peut au premier abord paraître surprenant, car on associe assez naturellement l’Œuvre des Cercles au milieu ouvrier. De fait, elle naît en milieu urbain atteignant d’abord des ouvriers de métier et des petits employés puis les ouvriers de la grande industrie après la rencontre entre Albert de Mun et Léon Harmel au cours de l’été 1873. Cependant, à cette date, l’Œuvre a commencé à atteindre les campagnes.

20Les questions rurales sont rapidement prises en compte au sein du Conseil des Études de l’Œuvre qui prend véritablement corps fin janvier 1878. Dirigé par un ami intime d’Albert de Mun, Félix de Roquefeuil, il compte plusieurs commissions parmi lesquelles une commission agricole qui commence ses travaux en 1878, sous la présidence de Joseph de La Bouillerie, ancien ministre de l’Agriculture dans le ministère de Broglie formé par Mac-Mahon le 23 mai 1873.

  • 16 Louis Delalande, in bulletin de la Commission agricole, 20 mars 1888.
  • 17 « Le but de cette école est d’élever les propriétaires chrétiens à la hauteur de leurs devoirs et (...)

21Dans l’esprit de l’Œuvre, qui suppose le « dévouement de la classe élevée à la classe ouvrière16 », les grands propriétaires doivent être en première ligne dans la mobilisation sur le terrain social, car ils estiment avoir un devoir de « paternité sociale » à exercer pour aider les populations rurales dont le sort est étroitement lié au leur, à sortir de la crise économique et morale qu’ils diagnostiquent. Cette exigence doit s’accompagner d’un sens accru des responsabilités inhérentes à la situation de propriétaire voire d’un véritable examen de conscience ». Parallèlement, les propriétaires sont encouragés à se former, contrairement au préjugé bien ancré selon lequel l’administration d’un domaine peut s’improviser sans préparation. C’est dans cette perspective qu’est présenté l’intérêt de la création, en novembre 1886, sur le modèle de l’Institut agricole de Louvain, de l’École de hautes études agricoles17 annexée à l’Université catholique de Lille.

22À côté de l’importance accordée à la formation des propriétaires, l’accent est également mis sur la promotion d’associations agricoles, à l’heure où le contexte législatif semble favorable, même si l’agriculture n’était pas au premier chef visée par le projet de loi de 1884. Pour promouvoir la formule associative, la Commission agricole de l’œuvre des Cercles pose donc en 1884 les jalons d’un mouvement de propagande qui se structure à partir de l’été 1886. Elle en appelle surtout aux « propriétaires influents » et aux « fermiers importants » destinés à être le « rouage indispensable, la cheville ouvrière [...] de l’Association », dans la ligne de la « paternité sociale » qu’ils ont à exercer. L’association visée est la corporation, conçue comme une « entité sociale, [...] formée d’un ensemble d’individus d’inégale condition, ayant les uns vis-à-vis des autres certains droits et certains devoirs, dont une même loi morale doit régler l’application, et qui font que leurs intérêts sont solidaires. » Initialement, l’accent est mis sur le caractère religieux que doivent revêtir ces associations. Aussi la formation de groupements religieux, du type confréries, est-elle encouragée, l’élite religieuse qu’elles représentent étant appelée à donner l’impulsion à l’ensemble. L’exemple du diocèse de Sées dans lequel se développent, à partir de 1887, des confréries agricoles placées sous le vocable de Notre-Dame-des-Champs (sur le modèle Notre-Dame de l’Usine qui a son siège à Reims) sert bientôt de référence pour encourager la généralisation de telles confréries.

  • 18 Commission agricole, 20 mars 1888.

23Si la référence religieuse – qui n’exclut pas pour autant la prise en compte des intérêts matériels – est première au départ, la question de l’équilibre entre les exigences religieuses et la nécessité de répondre à des impératifs économiques se pose progressivement ; et la place de la référence religieuse se précise. Il est jugé préférable d’éviter l’expression « corporation chrétienne » parce qu’elle apparaît « de nature à effrayer et à éloigner bien des gens18 ». Le terme de syndicat s’impose peu à peu. De grandes réserves sont exprimées pour envisager les confréries comme base des syndicats. L’accent est mis au contraire sur la nécessité de distinguer nettement confrérie et syndicat, l’entrée dans la confrérie ne pouvant constituer la condition d’admission dans le syndicat.

24Ces distinctions amènent parallèlement à préciser la fonction des syndicats :

  • 19 Commission agricole, 20 mars 1888.

« Ils ne sont pas simplement destinés à ouvrir des débouchés nouveaux ou à fournir les marchandises à meilleur compte, sans passer par l’entremise d’intermédiaires coûteux. Ils ont une mission plus haute à remplir. Ils doivent se transformer promptement en groupes professionnels qui serviront de base à la représentation de l’agriculture. Ils auront leur juridiction spéciale et leur patrimoine commun. Ils auront des Caisses de secours pour leurs malades, des Caisses de retraites pour les infirmes et les vieillards. Ils fonderont des Assurances mutuelles contre la grêle, l’incendie, la mortalité du bétail, afin de secouer le joug des grandes compagnies, qui n’ont d’autre souci que de distribuer à leurs actionnaires de gros dividendes. Eux seuls pourront établir des banques de Crédit mutuel sur le modèle des caisses Schulze, Deletsch et Raiffeisen qui rendent de si grands services à l’Allemagne. Le principe de ces institutions repose sur l’étroite solidarité des membres qui les composent, et c’est dans le Syndicat que les habitants de nos campagnes apprendront aussi à se connaître, à s’apprécier ; c’est dans l’Association qu’ils puiseront la force de se soustraire à l’exploitation des sociétés financières, et aux conséquences ruineuses de l’emprunt hypothécaire19. »

  • 20 Sur le rôle de Hyacinthe de Gailhard-Bancel dans cette région, voir plus loin.
  • 21 Louis Milcent, membre actif de l’Œuvre des Cercles, avait fondé à Poligny au tout début des années (...)

25Tout en tenant compte des lacunes des informations qui parviennent à la commission, il apparaît que le mouvement de fondations n’atteint pas le rythme escompté. Au début de l’année 1886, on atteint à peine une quinzaine de créations connues. Une trentaine de nouvelles apparaissent en 1886 et 1887. Le Sud est particulièrement représenté : Aveyron, Haute-Garonne, Hérault, Aude, Tarn-et-Garonne, Lot, Dordogne, Lozère, Drôme20, Ardèche, Corrèze. Pour les autres départements, on peut noter la Charente, le Jura21, la Saône-et-Loire, le Calvados, l’Orne, le Finistère. En juin 1886 est lancé le projet de création d’une Union des syndicats agricoles chrétiens destinée à regrouper les syndicats déjà fondés. On n’en trouve pas trace ultérieurement. En fait, la plupart des syndicats créés par l’Œuvre ou par des membres de l’Œuvre sont affiliés à l’Union des syndicats des Agriculteurs de France où ils forment un groupe spécial.

26Parmi les notables de l’Œuvre qui ont joué un rôle décisif dans la promotion des syndicats, on peut retenir l’exemple de Hyacinthe de Gailhard-Bancel dans le Sud-Est.

  • 22 H. de Gailhard-Bancel, Les syndicats agricoles aux champs et au parlement, p. 6.

27En 1882, lors d’une assemblée générale de l’Œuvre des cercles, il assiste à une conférence portant sur l’Union des Paysans de Westphalie. Cette organisation avait été constituée par un grand propriétaire de la région qui avait démarré avec trente-sept de ses voisins, grands, moyens et petits agriculteurs et avait atteint en peu de temps 30 000 membres. Elle « avait fait réaliser des progrès notables dans les méthodes de culture, créé des institutions d’assistance et de prévoyance, des caisses de crédit agricole, et transformé en quelques années, la situation économique et sociale de la province22. »

Syndicats fondés par l’Œuvre des Cercles catholiques d’ouvriers

  • 23 Sur le modèle des caisses Raiffeisen introduites en France en les adaptant, par Louis Durand que H (...)

28S’inspirant de cet exemple, Hyancinthe de Gailhard-Bancel tente, dès 1882, de fonder dans sa commune d’Allex (près de Crest, dans la Drôme) un cercle rural. Mais la demande d’autorisation qu’il avait faite au préfet lui est refusée. Il reprend le projet après le vote de la loi de 1884 et fonde le 6 décembre 1884 le syndicat d’Allex. Il contribue immédiatement à prendre des mesures pour favoriser la reconstitution du vignoble touché par le phylloxéra, et à lever les objections contre l’utilisation des engrais chimiques. Il multiplie les initiatives au service de la modernisation agricole : organisation de conférences dont le contenu est diffusé par un bulletin remplacé ensuite par un almanach ; mise en place d’un enseignement agricole dans les écoles libres, organisation d’un cours d’agriculture pendant les soirées d’hiver pour les jeunes de 14 à 20 ans. Parallèlement, il pose les jalons d’une caisse de secours, d’une caisse d’assurances, d’une caisse de crédit23. À ces préoccupations matérielles, s’ajoute le souci de créer des liens quasi familiaux entre les membres : création d’un lieu de rencontre que constitue la buvette, organisation de la fête patronale, assistance aux funérailles des collègues décédés.

29Après cette première fondation à l’échelle de la commune, Hyacinthe de Gailhard-Bancel s’emploie à créer le syndicat cantonal de Crest dont les statuts sont déposés en janvier 1886, chaque commune ou groupe de communes rapprochées formant une section autonome du Syndicat tout en étant étroitement rattachée au Syndicat. Les unions se multiplient en se régionalisant : en 1887 se constitue l’Union de la Drôme, en 1888 l’union du Sud-Est qui regroupe la Drôme et le Rhône.

30À côté de cet exemple célèbre du Sud-Est, on pourrait citer d’autres exemples régionaux, en particulier dans l’Ouest où se constitue en décembre 1887 le Syndicat d’Anjou dont le siège est à Angers et qui regroupe l’ensemble du département du Maine-et-Loire.

31L’Œuvre des Cercles a donc contribué à faire du syndicat agricole un des piliers de la modernisation des campagnes. Un élan est donné qui va se poursuivre dans l’Association catholique de la Jeunesse française et souvent au départ avec l’aide de notables. Néanmoins l’ACJF constitue le berceau de la formation de nouvelles élites.

L’ACJF, berceau de nouvelles élites

  • 24 Sur l’ACJF, durant cette période, voir les travaux de Charles Molette : en premier lieu sa thèse d (...)

32L’Association catholique de la Jeunesse française24 est un mouvement de laïcs de dimension nationale, fondé en 1886 par Albert de Mun dans des circonstances qui marquent de façon décisive l’orientation de cette organisation. C’est l’époque à laquelle il envisage depuis quelques mois, pour servir la « régénération chrétienne et sociale » qu’il veut promouvoir, la création d’un parti catholique. Pour cette entreprise, il songe à s’appuyer sur les groupes d’étudiants (conférences de jeunes gens, comme on disait à l’époque) qui se sont développés à travers le pays, en particulier dans les collèges jésuites. Mais son projet demeure sans suite. En effet, indépendamment des remous qu’il suscite dans le monde catholique français, ce projet va à l’encontre des perspectives que Léon XIII vient d’énoncer dans l’encyclique Immortale Dei du 1er novembre 1885, qui affirme la nécessité d’ancrer les relations entre l’Église et l’État sur la distinction entre la mission de l’Église et la tâche de l’État. Ces principes écartent l’idée d’un parti catholique auquel Albert de Mun renonce à la demande explicite de Léon XIII. Mais gardant le double objectif de la « régénération chrétienne et sociale » d’une part, et de la mobilisation des conférences d’étudiants d’autre part, Albert de Mun fonde l’Association catholique de la Jeunesse française dont le programme peut être résumé par la devise qu’elle adopte dès les origines : « piété, étude, action ».

33Les premiers groupes sont des groupes de collèges ; ils sont ensuite relayés par des groupes paroissiaux. Partie des milieux étudiants, l’ACJF va donc atteindre progressivement les différents milieux, avec une prépondérance dans les classes moyennes et les milieux ruraux où elle connaît une forte croissance à partir des années 1900, avec le soutien ou à l’initiative du clergé paroissial. L’ACJF est alors – contexte oblige – très engagée sur le terrain de la défense religieuse. Mais l’heure de la diversification de l’assise du mouvement est aussi celle de la réaffirmation de ses objectifs sociaux comme le souligne la devise apportée par Henri Bazire à son arrivée à la présidence en 1899 : « Sociaux parce que catholiques ».

  • 25 Cf. Association catholique de la Jeunesse française, Congrès national. Bordeaux, p. 77 et suiv.

34Dans chaque groupe, une place importante est accordée à la formation religieuse et sociale dans le cadre du cercle d’études. Il « n’est autre chose qu’une réunion où, par un travail fraternel, on s’efforce d’acquérir le complément d’instruction et de formation, religieuses, morales et sociales, nécessaire aujourd’hui non seulement pour être honnête homme, citoyen conscient et chrétien solide, mais aussi pour exercer une influence autour de soi et agir efficacement dans le milieu où l’on vit... L’œuvre propre du cercle d’études est de créer des individualités robustes, aptes à la conquête25. »

  • 26 Les ouvrages les plus fréquemment cités sont ceux du jésuite Charles Antoine (Cours d’économie soc (...)
  • 27 Enquête préparatoire au congrès de Bordeaux (1907), A.N., 376 Mi 9,

35Outre la formation religieuse, l’objectif des cercles d’études est donc la formation sociale, en vue de l’action. Ce deuxième volet de la formation constitue l’aspect le plus original. Il suppose une approche à la fois théorique et pratique. La formation théorique renvoie à l’étude des mécanismes de l’organisation sociale et à celle des doctrines : doctrine sociale de l’Église, mais aussi « doctrines opposées au catholicisme » que sont le libéralisme et le socialisme. Elle s’appuie sur un certain nombre d’ouvrages26 et surtout sur la presse du mouvement, nationale (Annales de la Jeunesse catholique), régionale ou locale. Cette formation théorique est particulièrement contraignante pour les membres des groupes qui ont bien le sentiment de ne pas appartenir à une élite intellectuelle. Ils ne ménagent d’ailleurs pas leurs critiques à l’égard du contenu des Annales souvent considérées comme n’étant pas assez « à la portée de tous, surtout des groupes ruraux27 ». Tout ce qui peut apporter des éléments sur les questions pratiques est donc particulièrement apprécié, notamment ce qui concerne les syndicats agricoles ou les différentes formes de mutualités.

36La méthode de travail utilisée dans ces cercles d’études vise à faire en sorte que tous les membres soient véritablement actifs. Sans chercher à en dresser un tableau idyllique, il apparaît que ces cercles ont contribué de proche en proche, de manière souvent obscure, à donner une véritable formation à des générations de jeunes qui ont ainsi appris à traiter une question, à prendre la parole en public, à mener une discussion. Ils ont été par ce biais préparés à assumer des responsabilités sur le terrain social. Et de fait ils ont contribué à un certain nombre de réalisations sociales : en particulier création de syndicats ou participation à des syndicats existants, création de caisses rurales dont la formule se propage à partir de 1903 sous l’impulsion de l’ACJF.

  • 28 F. Lavallée, Maurice de Gatellier (1861-1916), Paris, Beauchesne, 1923, p. 56.

37Dans ces initiatives, les notables de l’Œuvre des Cercles ont pu servir de relais au départ. L’exemple de Maurice de Gatellier dans la Loire en est une illustration. Devant le constat de la désertion des campagnes qu’il déplore, il en déduit que l’« on aimerait davantage la terre si elle était meilleure ». Il exploite lui-même directement une ferme du château familial. Il en fait un terrain d’expérience pour l’élevage, la diversification des cultures, l’essai des semences. Au contact de l’Œuvre des Cercles, il a acquis la conviction que « le syndicat agricole est l’instrument de salut pour la terre ». En 1894, il participe activement à la création du syndicat agricole de Charlieu qui contribue à la diffusion des engrais chimiques et de semences à meilleur marché et de meilleure qualité, et qui achète des machines agricoles. Le syndicat adhère à l’union des syndicats agricoles de la Loire, elle-même affiliée à l’union du Sud-Est des Syndicats agricoles. Il favorise la création de sociétés de secours mutuels qui sont liées au syndicat : en 1905 une société d’assurance mutuelle agricole contre l’incendie ; en 1908, une caisse mutuelle de retraite ; en 1911, une Société familiale de secours mutuel qui étend au-delà du chef de famille le bénéfice du secours en cas de maladie. Il contribue à la diffusion du syndicalisme dans la région en s’appuyant précisément sur les groupes paroissiaux de l’ACJF. Pour lui, le cercle d’études n’est pas seulement « l’outil créateur du syndicat, il était le cadre où pouvait se donner un enseignement qui ferait pénétrer dans les milieux ruraux les conclusions pratiques de la science agronomique, les initierait au fur et à mesure, aux découvertes [...] Le cercle d’études devait être le canal d’infiltration de la science dans la pratique routinière, pour la féconder28. »

  • 29 « Que nos écoles libres rurales n’hésitent pas à porter la hache dans les programmes officiels et (...)

38Il souligne également l’importance de l’école et en particulier de l’enseignement libre29 pour valoriser le métier d’agriculteur en donnant à l’enfant le goût et l’estime de la profession agricole. Il insiste également sur l’enseignement post-scolaire par les cours du soir, les visites sur le terrain, les cercles d’études et met sur pied un système de « diplômes agricoles » ; il organise un concours annuel dont les lauréats sont admis avec une bourse à l’École pratique d’agriculture de Limonest (Rhône). Une formation est donnée aux instituteurs des établissements libres par des membres du Syndicat du Sud-Est qui donnent également des conférences au grand séminaire de Lyon, touchant ainsi les futurs vicaires appelés à animer plus tard les cercles d’études ruraux. Parallèlement, un enseignement ménager est mis en place pour les filles, avec, là encore, la création d’un diplôme d’enseignement ménager.

39Si la première génération des groupes de l’ACJF s’appuie pour une part sur les notables locaux, ils s’en émancipent progressivement. Le travail de formation réalisé par le biais des cercles d’études porte peu à peu son fruit, au point de voir se dégager une élite qui se démarque des notables, s’affirme, et en arrive parfois à s’opposer aux notables. Le sud de la Mayenne, et plus précisément de la région de Craon, offre à cet égard un exemple révélateur. Isidore Pasquier, propriétaire à Athée, a fondé le syndicat d’Athée-Craon, avec le soutien du baron Godefroy de Villebois-Mareuil, établi non loin de là en Anjou, dans la région de Segré. En liaison avec ce syndicat qui rayonne dans la région, la Jeunesse catholique en a créé d’autres, en particulier le syndicat autonome de Ballots sur ce lequel se greffent une caisse rurale, une mutuelle-incendie et une organisation en faveur des habitations ouvrières agricoles, le Foyer Craonnais.

40Mais le syndicat de Craon comme celui de Ballots se heurtent à l’hostilité des grands propriétaires terriens des environs. Et l’on retrouve ici, à l’échelon local, l’enjeu des tensions que l’on retrouve au niveau national. En effet, ces grands propriétaires catholiques sont regroupés au sein de l’Union des Agriculteurs de France qu’ils considèrent comme seule habilitée à diriger le mouvement catholique agricole. Ils font tout pour sauvegarder ce monopole, y compris en cherchant à faire pression sur les évêques pour qu’ils empêchent la Jeunesse catholique de leur diocèse de pénétrer dans un domaine considéré comme réservé.

41Avec l’appui de notables ou du clergé, l’Association catholique de la Jeunesse française joue donc incontestablement un rôle pionnier dans le domaine social. Le travail accompli ne fait pas grand bruit. Mais pénétrant dans les paroisses les plus reculées, il a contribué, sur la longue durée à un véritable renouvellement socioculturel. Dès avant 1914, ce travail en profondeur porte ses fruits à travers la création de syndicats agricoles, à travers des initiatives en faveur de la formation professionnelle comme les semaines rurales et l’institution de cours par correspondance. C’est dans ce courant que s’inscrit après la guerre la création de l’École supérieure d’agriculture de Purpan (près de Toulouse) et celle d’Angers qui lance en 1926, le centre d’Études rurales par correspondance. C’est l’heure à laquelle, au sein de l’ACJF, se prépare la spécialisation qui débouche sur la création de la Jeunesse agricole catholique (JAC).

La JAC : promotion de nouvelles élites rurales (de la JAC au MFR)

  • 30 Cit. in Charles Molette, Une étude sur la JAC 1929-1969, 1971, p. 6.
    Sur la JAC, voir en particulie (...)

42Dès 1919 avait été créée une section agraire au sein de l’ACJF et en 1926, se constitue une commission rurale présidée par Jacques Ferté, vice-président de l’Union départementale de l’Aisne. C’est l’époque à laquelle la JOC naissante entre à l’ACJF (1927) et devant la prise de conscience croissante de la nécessité de redynamiser l’action en milieu rural, le modèle de la JOC donne des idées : « Se faire les apôtres de la terre, restaurer la dignité du travail manuel aux champs, comme la JOC veut lui rendre l’usine [...] Sauver la terre en la rendant au Christ ». Dans la suite logique de cette évolution, la JAC naît donc en 1929, au sein de l’ACJF qui lui fournit, déjà formés, 90 % de ses dirigeants. Le père Foreau, nommé en juillet 1929 aumônier adjoint de l’ACJF plus particulièrement chargé des questions rurales, et qui se fait le commis-voyageur de la JAC à travers la France, note, à propos de la place de la JAC dans l’ACJF : « elle est la fille de l’ACJF, elle est même une riche héritière. Voyez ce qu’elle en a reçu : une partie de ses méthodes, un grand nombre de ses dirigeants30. »

43Comme l’ACJF, la JAC veut mener une action religieuse. Ses membres intègrent avec fierté les paroles du chant officiel du mouvement composé en 1932 par Joseph Folliet, avec ce passage souvent cité : « Nous referons chrétiens nos frères ». Ce chant traduit un idéal religieux, un idéal de conquête, mais d’une conquête fondée sur l’amitié et non sur la contrainte. Ce qui est « catholique », en effet, dans la JAC, c’est moins le membre pris individuellement que la section à laquelle il appartient, car cette section peut compter, à côté de chrétiens convaincus des « sympathisants ». La volonté d’affirmer la dimension religieuse du mouvement se traduit notamment par l’organisation de récollections, de retraites, de veillées de prière dont la formule se répand à travers tout le territoire au point qu’en 1940, le fascicule Veillée de prière dans le monde rural tire à 900 000 exemplaires.

  • 31 Léon Dhem (nouveau président national), lors du premier congrès national qui se tient à Tours en 1 (...)
  • 32 Par exemple, pour la préparation du congrès du 10e anniversaire qui se tient à Paris au Vel d’Hiv (...)

44Cette référence religieuse va de pair avec un engagement dans le monde rural. Les jacistes sont appelés à « être les artisans de la renaissance paysanne31 ». Cette mission revêt plusieurs aspects. Elle passe par la formation, objectif qui, on l’a vu, est une tradition chez les catholiques sociaux. Les moyens mis en œuvre sont du même type que ceux pratiqués dans l’ACJF : presse spécialisée, enquêtes32 locales, régionales ou nationales, cours pas correspondance, stages. Une nouveauté intervient après la guerre avec la création du Centre national d’études rurales né de la collaboration entre plusieurs organismes : JAC, JACF, MFR (Mouvement familial rural, mouvement d’adultes né pendant la guerre), Économie et humanisme. Le but du Centre est de fournir aux jeunes ruraux une formation professionnelle technique pour qu’ils puissent prendre en main leur propre destin. Ils apprennent ainsi à analyser les conditions sociales, économiques et politiques de leur vie de paysan, et se préparent à agir sur les structures elles-mêmes, en connaissance de cause.

  • 33 En 1954, pour son 25e anniversaire, 46 congrès régionaux réunissent 350.000 jeunes.

45Sur le plan technique, la renaissance paysanne passe par la modernisation. La grande période est celle des années 1950 ; elles sont servies par un contexte économique favorable et correspondent à une époque où la JAC représente sans doute le mouvement de jeunesse le plus important33 et reçoit du secrétaire général de l’époque, René Colson, une impulsion décisive.

  • 34 Michel Lagrée, La bénédiction de Prométhée. Religion et technologie, Fayard, 1999, p. 118.

46La modernisation se traduit par la mécanisation qui touche tous les stades de la culture, mais aussi l’élevage, en liaison avec l’électrification qui permet dans ce domaine de soulager le travail féminin. La modernisation se traduit aussi par la généralisation des cultures fourragères et des engrais chimiques de synthèse. Michel Lagrée a montré comment, dans l’Ouest armoricain, les cartes révélaient une « corrélation quasi parfaite entre l’intensification fourragère et l’implantation des sections jacistes » et comment « la carte des CETA [Centres d’études techniques agricoles] vers 1960 offrait de nombreuses corrélations avec celle de l’Action catholique rurale. De fait, les CETA regroupaient souvent d’anciens jacistes, membres du Mouvement familial rural (MFR)34. »

  • 35 Cit. in Brigitte Waché dir. Militants catholiques de l’Ouest. De l’action religieuse aux nouveaux (...)

47La renaissance du monde rural appelle aussi un travail sur le plan social. En premier lieu, il s’agit d’affirmer la dignité du travail agricole. Évoquant la genèse de son engagement dans la JAC, un ancien militant sarthois note : « Je pense que très vite ce chant de la JAC, “Sois fier, paysan” m’a frappé. Car à l’époque, le jeune paysan c’était un pauvre type qui n’était pas habillé comme les autres, qui ne parlait pas français, qui parlait en patois. Qu’on arrive à chanter “Sois fier, paysan”, c’était une révolution pour nous, jeunes agriculteurs. Je pense que c’est un point qui a joué au départ et qui a continué après35. »

  • 36 Compte rendu du congrès de Paris, cit. in Charles Molette, Une étude sur la JAC 1929-1969, p. 9.

48La JAC, composée en majorité de petits paysans, s’affirme comme un mouvement voulant réaliser « l’unité du monde rural dans la diversité des professions et des conditions sociales », un mouvement « où l’ouvrier agricole, le fermier, le métayer, le propriétaire exploitant, l’artisan et le commerçant rural forment un alliage indécomposable36 ». Par les objectifs qu’il se fixe, le mouvement, prolongé par le MFR pour les adultes, devient une pépinière d’où sortent ultérieurement de nombreux responsables de la vie locale, non seulement dans le cadre des organisations professionnelles agricoles (syndicats, CETA, chambres d’agriculture, etc.) mais aussi dans la gestion municipale ou dans les conseils généraux.

49Parmi ces nombreux jacistes, nous retiendrons pour terminer le témoignage d’un agriculteur sarthois, André Bouteruche, particulièrement représentatif.

  • 37 Regroupement de 7 coopératives en France.
  • 38 Cit. in Brigitte Waché dir. Militants catholiques de l’Ouest. De l’action religieuse aux nouveaux (...)

« Je suis entré à la JAC à 17 ans. [...] Je ne voulais pas être agriculteur. Mais on n’était que deux garçons et mon frère voulait être prêtre. Comme il n’y avait pas d’autre que moi pour reprendre la ferme mon père a dit : “tu seras paysan”. Point. Ça ne m’enchantait pas du tout. Je voulais être professeur. [...]
Je n’ai été à l’école que jusqu’à treize ans et demi, je n’ai pour diplôme que mon certificat d’études. J’ai fait partie du bureau fédéral de la JAC en 1949 et 1950 et j’ai refusé de prendre la présidence parce que je voulais me marier rapidement. [...] Je me suis installé en 1951.
J’ai participé à l’évolution de l’agriculture dans notre région. Dire que les gens nous admiraient, c’est autre chose. On était un peu trop en avance à l’époque. On faisait des choses qui n’étaient pas habituelles : par exemple acheter un tracteur. Je rappelle quand même que Léon Desnos a acheté son premier tracteur en 1948, qu’on a acheté une moissonneuse-batteuse, tractée, et on la traînait avec son petit tracteur. Ça faisait rire un peu tout le monde. Les gens qui n’osaient même pas venir nous regarder en face regardaient derrière la haie. [...]
Pour un gars qui ne voulait pas être agriculteur, moi j’ai eu beaucoup de chance dans mon parcours professionnel. J’ai d’abord fait partie d’un CETA avec des gens merveilleux [...]. J’ai été président de CETA et puis j’ai surtout eu la chance de retrouver Michel Debatisse et Raymond Lacombe. J’ai l’âge de Michel Debatisse. On s’était connu étant jeunes, on s’est revu en Algérie [...] et j’ai eu la chance de le retrouver à Sodial37 et on a passé 6 années merveilleuses avec lui. On a discuté terriblement d’ailleurs. On a beaucoup voyagé puisqu’il était président de Sodial et moi j’étais vice-président et en plus président de l’UCALM au Mans. [...] J’ai eu énormément de plaisir et ç’a été pour moi certainement la meilleure formation que j’ai eue, d’abord parce qu’on avait une grosse responsabilité, on nous obligeait à parler en public, ce que je n’aimais pas du tout et cela fâchait Michel Debatisse parce que lui parlait facilement en public. [...] Je considère que j’ai eu beaucoup de chance, d’avoir rencontré les hommes que j’ai rencontrés, qui m’ont donné un bon coup de main38. »

50On voit le chemin parcouru entre l’itinéraire d’un Hyacinthe de Gailhard-Bancel et celui d’un André Bouteruche. La comparaison illustre bien le renouvellement intervenu dans les élites rurales sur un demi-siècle environ. Et pourtant, il y a une filiation à travers ce courant du catholicisme social marqué, au nom de la foi dont il se réclame, par la volonté de promouvoir un ordre social d’inspiration chrétienne, ordre social qui passe par la promotion des acteurs de la profession, avec un accent très fort mis sur l’association et la formation. Association et formation apparaissent comme des constantes dans la période considérée, au-delà même des formes diverses qu’elles ont pu prendre et des adaptations qu’elles ont pu connaître. Association et formation ont servi une modernisation qui a connu une accélération dans le contexte économique des années 1950. Elles ont aussi contribué à la promotion de nouvelles élites locales. Le catholicisme social apparaît donc rétrospectivement comme un ferment de régénération sociale et économique dans le monde rural.

Social Catholicism and the modernisation of farming in France from 1870-1950

51This paper will attempt to pinpoint the role played by Social Catholicism in France in the modernisation of farming. We shall begin by reviewing the specificity of this school of thought whose movement began in the nineteenth century in reaction to economic liberalism and whose aim was to promote a social order inspired by Christianity. The study will tackle the question from two angles – first from a theoretical one and secondly from that of the different participants who played a role in the modernisation during that period. Our sources come essentially from written texts (reports, minutes from conferences, periodicals) issued from the various organisations that emanated from Social Catholicism – Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers (a Catholic workers organisation) and the Association catholique de la jeunesse française (ACJF – the Association of French Catholic Youth) which would give birth to the JAC (Jeunesse Agricole Chrétiene – Young Christian Farmers) which were both founded by Albert de Mun respectively in 1872 and 1896, as well as the Semaines sociales de France (a French think tank involved in social justice founded in 1904).

52The theoretical approach will focus on several stages in Social Catholicism’s taking into account agricultural modernisation – even though one aspect runs like a leitmotif throughout the period – the necessity of not sacrificing social imperatives to economic ones. The 1880s were marked by the counter-revolutionary programme of the Œuvres des cercles whose aim was the promotion of a social order inspired by Christianity – not through any change in political regime, but through specifically socially oriented action with strong religious reference where religious vitality was assumed to be in the interest of farming modernisation. The beginning of the 20th century was marked by a certain wariness in regards to modernisation due to the repercussions inherent in speculation and the possible risk of breaking up the family farm, considered the pillar of rural life. After WWI, as long as it was not the be-all and end-all, modernisation was seen as a means of improving the living conditions in rural areas and of subsequently putting a plug on the population drain – an all important issue throughout the 50s when the notion of modernisation had become an accepted fact.

53As to the implication of those called upon to play a role in the modernisation process, three main stages are to be noted. The first one corresponds to that era when public figures were called upon to play a role of “social paternity” within the framework of the Œuvres des cercles de catholiques ouvriers. The emphasis was placed on forming professional associations with a progressive taking into account of the specificity of trade unions as compared to the more traditional groupings. The example of the Union du Sud-Est founded through the initiative of Hyacinthe de Gailhard Bancel is doubtlessly one of the best examples of this first phase. A second phase coincided with the training given to young people within ACJF study groups and corresponded to an intermediary stage during which the notables played the role of relays for young people living in rural areas, motivating them into taking on responsibility. The example of Maurice Gatellier in the Loire is a good illustration of this. This intermediary stage between the two wars and especially after WWII saw the emergence of new rural elite trained within the JAC which had emanated from the ACJF.

54If, during this period there was a renewal in the theoretical approach to the problem of farming modernisation and new people did come onto the scene, there was, nonetheless continuity in the change which took place within this school of thought whose specificity was to bring about a Christian inspired social order and whose main modes of action put the emphases on the forming of professional associations on and training.

Notes

1 Michel Lagrée, La bénédiction de Prométhée. Religion et technologie, Paris Fayard, 1999, 439 p.

2 Ouvrage paru en plusieurs volumes à partir de 1847.

3 Michel Lagrée, op. cit., p. 105.

4 Jean Touchard, Préface à L’établissement de la cinquième République : le référendum de septembre et les élections de novembre 1958, Cahier de la fondation nationale des sciences politiques, no 109 (1960), p. XXII.

5 Il s’agit essentiellement de deux documents :
– L’encyclique Diuturnum du 29 juin 1881 précisant que les critères pris en considération par l’Église face aux différents régimes politiques ne sont pas liés à leur nature mais à leur aptitude à servir la justice et le bien commun.
– Plus encore Immortale Dei du 1er novembre 1885 qui affirme la nécessité d’ancrer les relations entre l’Église et l’État sur la distinction entre la mission de l’Église et la tâche de l’État, dans la ligne de la formule : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».

6 Charles Flory, in Semaines sociales de France, Le monde rural dans l’économie moderne, Lyon, Chronique sociale de France, Paris, Gabalda, 1950, p. 16.

7 Genèse, I, 28 et suiv.

8 Psaume 145, 15-16.

9 In Semaines sociales de France, Le problème de la terre dans l’Économie nationale, Paris Galbada, Lyon Vitte, Chronique sociale de France, 1924, p. 50.

10 Comte de La Bouillerie, Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, Commission agricole, 25 juillet 1886.

11 Comte de La Bouillerie, Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, Commission agricole, 24 septembre 1884.

12 Comte de La Bouillerie, Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, Commission agricole, 25 juillet 1886.

13 Joseph Zamanski, « La crise agraire », dans Congrès social agricole, Angers 19-22 mars 1908, Blois, Emmanuel Rivière, 1908, p. 118 et 124-125.

14 Semaines sociales de France, Le problème de la terre dans l’économie nationale, Paris Galbada, Lyon Vitte, Lyon, Chronique sociale de France, 1924, p. 50-51.

15 In Semaines sociales de France, Le monde rural dans l’économie moderne, Lyon, Chronique sociale de France, Paris, Gabalda, 1950, p. 23-24.

16 Louis Delalande, in bulletin de la Commission agricole, 20 mars 1888.

17 « Le but de cette école est d’élever les propriétaires chrétiens à la hauteur de leurs devoirs et de les rendre capables de servir à la fois leurs intérêts et ceux de la Société.
L’encombrement des carrières, la diminution des revenus, la nécessité de tirer parti des terres abandonnées imposent à un grand nombre l’obligation de faire valoir leurs domaines, soit directement, soit par métayage ; à tous le devoir impérieux de s’intéresser activement au progrès agricole de la France.
Entreprendre cette tâche sans y être préparés par des études élevées, étendues et pratiques, sans être à l’avance familiarisés avec la science et les applications de l’agriculture, source première de la richesse nationale, serait pour eux marcher à une ruine certaine. Ce serait aussi renoncer à l’influence légitime et féconde pour le salut de la Société que leur situation leur fait un devoir d’exercer. » Cit. in bulletin de la Commission agricole, 30 septembre 1887, p. 25.

18 Commission agricole, 20 mars 1888.

19 Commission agricole, 20 mars 1888.

20 Sur le rôle de Hyacinthe de Gailhard-Bancel dans cette région, voir plus loin.

21 Louis Milcent, membre actif de l’Œuvre des Cercles, avait fondé à Poligny au tout début des années 1880, une caisse de crédit agricole que l’on citait en modèle.

22 H. de Gailhard-Bancel, Les syndicats agricoles aux champs et au parlement, p. 6.

23 Sur le modèle des caisses Raiffeisen introduites en France en les adaptant, par Louis Durand que H.de Gilhard-Bancel invite à Allex pour qu’il en présente le fonctionnement.

24 Sur l’ACJF, durant cette période, voir les travaux de Charles Molette : en premier lieu sa thèse de doctorat d’État (L’Association catholique de la Jeunesse française, 1886-1907, Colin, 1968, 816 p.), mais aussi, plusieurs articles, en particulier : « L’ACJF et la politique (1907-1914) », Cahiers internationaux d’histoire économique et sociale, no 9, p. 279-326 (repris dans Mélanges Charles Molette, Abbeville, Paillart, 1989, p. 65-112) ; « L’Association catholique de la Jeunesse française comme mouvement », dans Mouvements de jeunesse (sous la direction de Gérard Cholvy), Cerf, 1985, p. 83-108 ; « Les origines de l’ACJF », dans L’ACJF une création originale, Médiasèvres, 1988. Pour la période postérieure à la première guerre mondiale, voir Alain-René Michel, Catholiques en démocratie. L’ACJF 1918-1956, Paris, Cerf, 2005.

25 Cf. Association catholique de la Jeunesse française, Congrès national. Bordeaux, p. 77 et suiv.

26 Les ouvrages les plus fréquemment cités sont ceux du jésuite Charles Antoine (Cours d’économie sociale) ou du chanoine Dehon, actif représentant du catholicisme social dans le diocèse de Soissons (son Manuel social chrétien ou son Catéchisme social).

27 Enquête préparatoire au congrès de Bordeaux (1907), A.N., 376 Mi 9,

28 F. Lavallée, Maurice de Gatellier (1861-1916), Paris, Beauchesne, 1923, p. 56.

29 « Que nos écoles libres rurales n’hésitent pas à porter la hache dans les programmes officiels et à aborder un enseignement professionnel, qui devra avoir pour premier résultat d’enrayer l’émigration à la ville » (cit. in F. Lavallée, Maurice de Gatellier (1861-1916), p. 95.

30 Cit. in Charles Molette, Une étude sur la JAC 1929-1969, 1971, p. 6.
Sur la JAC, voir en particulier Marie-Josèphe Durupt, Les mouvements d’action catholique, facteur d’évolution en milieu rural, thèse de 3e cycle, Fondation nationale des sciences politiques, 1964 ; Marcel Faure, « Action catholique en milieu rural », Les paysans et la politique, Cahier de la fondation nationale des sciences politiques, 1958 ; J.-C. Boulanger, Évolution du monde rural en France et attitude de la JAC de 1930 à 1950, thèse de théologie, Institut catholique de Paris, 1976 ; René Colson, Un paysan face à l’avenir rural : la JAC et la modernisation de l’agriculture, Paris, Éditions de l’Épi, 1976 ; Paul Houée, « Les étapes du projet jaciste dans le développement rural », JAC et modernisation de l’agriculture de l’Ouest, Institut national de la recherche agronomique, 1980, p. 9-25.

31 Léon Dhem (nouveau président national), lors du premier congrès national qui se tient à Tours en 1935 (cit. in Charles Molette).

32 Par exemple, pour la préparation du congrès du 10e anniversaire qui se tient à Paris au Vel d’Hiv du 21 au 23 avril 1939 et qui regroupe 20 à 25.000 ruraux venus de toute la France, la JAC, reprenant les méthodes de l’ACJF, lance une grande enquête sur le thème « La JAC en face du malaise rural ».

33 En 1954, pour son 25e anniversaire, 46 congrès régionaux réunissent 350.000 jeunes.

34 Michel Lagrée, La bénédiction de Prométhée. Religion et technologie, Fayard, 1999, p. 118.

35 Cit. in Brigitte Waché dir. Militants catholiques de l’Ouest. De l’action religieuse aux nouveaux militantismes XIXe-XXe siècle, PUR, 2004, p. 147-148.

36 Compte rendu du congrès de Paris, cit. in Charles Molette, Une étude sur la JAC 1929-1969, p. 9.

37 Regroupement de 7 coopératives en France.

38 Cit. in Brigitte Waché dir. Militants catholiques de l’Ouest. De l’action religieuse aux nouveaux militantismes XIXe-XXe siècle, PUR, 2004, p. 143.

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