Version classiqueVersion mobile

Élites et progrès agricole

 | 
Nadine Vivier

Première partie. Princes, gentilshommes et laboureurs des XVIe-XVIIIe siècles

Peut-on parler de « progrès agricole » au XVIIe siècle, chez les gentilshommes et les laboureurs beaucerons ?

Jean-Marie Constant

Texte intégral

  • 1 G. Duby et A. Wallon : Histoire de la France rurale, Paris, Seuil, 1975-76, vol. III, la France cl (...)

1Vouloir parler de « progrès agricole » au XVIIe siècle, pourrait relever de la provocation, car le mot fait partie surtout du vocabulaire des Lumières1. Hormis dans les Flandres et les polders hollandais, dans certaines régions viticoles ou dans les faubourgs des villes, producteurs de légumes, généralement, le grand siècle n’est pas regardé comme celui des innovations agricoles.

2Néanmoins, la Beauce, comme la Brie, ont été surnommés dans les manuels d’histoire et de géographie « les greniers de la France ». Est-ce dû à la fertilité légendaire de leurs limons ? Au savoir faire des habitants de ces pays ? A leur habileté à communiquer ? Les gentilshommes campagnards et les laboureurs beaucerons ont-ils su mettre en œuvre des moyens nouveaux pour mériter cette réputation ? Le faisaient-ils déjà au XVIIe siècle ?

3Dans un premier temps, il faut évoquer la notion très ambiguë et très controversée de « progrès agricole », avant de regarder comment les élites (noblesse et laboureurs) pratiquent leur agriculture et gèrent leurs exploitations, dans un sens, qui annonce l’avenir.

Le progrès agricole, une notion ambiguë et controversée

  • 2 Michel Morineau : Les faux-semblants d’un démarrage économique : agriculture et démographie en Fra (...)

4Quand on parle de « progrès agricole » ou encore plus de « révolution agricole » même si le mot a été l’objet de controverses, on évoque un certain nombre de critères précis, qui permettent de mesurer les évolutions, qui se sont produites. Parmi les innombrables publications, qui ont été consacrées à ce problème, on peut retenir l’ouvrage de Michel Morineau, qui avait entraîné de nombreux débats et parmi les réponses, celle de Pierre Deyon, qui porte sur le nord de la France2. Michel Morineau déclarait que la révolution agricole du XVIIIe siècle n’avait pas eu lieu car il n’y avait pas de rapport entre l’essor démographique et le progrès agronomique. Pour lui, la France rurale était prise dans un engrenage conduisant à un appauvrissement. Pierre Deyon répondait, qu’en Flandres et en Artois, on faisait un usage intensif d’engrais variés et qu’il existait une grande variété de culture (céréales, plantes industrielles, prairies artificielles), des rotations de cultures compliquées, qui excluaient la jachère.

  • 3 M. J. Tits-Dieuaide : les techniques agricoles en Flandres et en Brabant (XIVe-XVIe siècles), Anna (...)
  • 4 Joseph Goy et Emmanuel Le Roy Ladurie : Les fluctuations du produit de la dîme, conjoncture décima (...)

5Ce progrès agricole en Flandres et Brabant n’est pas propre au XVIIIe siècle, il a commencé dès le XIVe siècle et continue à se développer au moment de la renaissance et dans les périodes suivantes3. Il se caractérise par une très forte augmentation de la production, mesurée grâce aux dîmes (+30 % entre 1450 et 1550)4. Au milieu du XVIe siècle, deux exploitations, près d’Anvers, payaient respectivement 40 et 49 % de plus qu’au siècle précédent. Cette forte croissance s’explique par la diversification des cultures (pois, vesces, fèves, navette, colza, guède, houblon, lin), entraînant la disparition de la jachère, l’utilisation d’engrais, un travail intensif de la terre par une main-d’œuvre nombreuse, la liberté de tenter des expériences nouvelles, un début de sélection des races bovines.

  • 5 Joseph Goy et Emmanuel Le Roy Ladurie : op. cit., introduction, p. 9 à 24.
  • 6 Hugues Neveux : Vie et déclin d’une structure économique : les grains du Cambrésis (fin XIVe-début (...)
  • 7 Jean-Marc Moriceau : Les fermiers d’Ile de France : l’ascension d’un patronat agricole (XVe-XVIIIe(...)

6Ces exemples de Flandres et de Brabant s’inscrivent dans un modèle, qui est celui de la révolution agricole des XVIIIe et XIXe siècles. Jusqu’à l’époque des Lumières, l’enquête collective sur les dîmes et prélèvements dirigée par Joseph Goy et Emmanuel Le Roy Ladurie, a révélé que la croissance de la production ne parvenait pas à dépasser « les plafonds multiséculaires », qui avaient été atteints au XIIIe siècle, avant la peste noire et la guerre de cent ans. Ces plafonds ou ces paliers se retrouvent régulièrement dans les périodes suivantes et correspondent à des temps de paix5. Une sorte de blocage technologique et peut-être psychologique ou social, peut expliquer cette difficulté à aller au-delà du possible habituel. La thèse d’Hugues Neveux, qui date de 1973 et a été publiée en 1980, est l’exacte traduction de ce schéma6. Sa démarche est originale : suivre la production des grains à partir des courbes des dîmes pendant cinq siècles, du XIVe au tout début du XIXe siècle, dans un territoire de sept mille hectares, soit 14 % du Cambrésis. Dans le long terme, la haute conjoncture d’avant la guerre de cent ans et de la peste noire ne se retrouve qu’au XVIIIe siècle. Ce sont deux périodes d’agriculture intensive. En 1320, on associe, sur la troisième sole, navette, poix, vesces, techniques abandonnées par la suite, alors qu’au temps de Voltaire, on sème à la mode flamande du trèfle, du colza, du sainfoin et du lin. Entre ces deux temps d’innovations, sur la longue durée, « les plafonds multiséculaires » se retrouvent régulièrement. Il n’y a effondrement qu’au moment des guerres (de religion et de trente ans), car les accidents climatiques ne font pas basculer la conjoncture. à partir des années 1660/70, la récupération que l’on enregistre prépare la croissance régulière du XVIIIe siècle. Dès la fin du XVe siècle, l’exploitation agricole renforce son emprise. Le petit paysan participe au mouvement, bien que les exploitants, grands et moyens, regroupent 40 à 50 % des labours et contrôlent l’ensemble des terroirs, grâce à l’implantation de véritables dynasties. Ce même phénomène a été remarquablement étudié par Jean Marc Moriceau en Ile de France7.

7Néanmoins, entre 1450 et 1560, en Cambrésis, l’augmentation de la rente foncière n’absorbe pas le bénéfice fait grâce à l’allègement du coût de la main-d’œuvre. Le profit du fermier s’accroît, mais il ne l’investit pas. Il semble plus intéressé par la reproduction de la puissance de son lignage que par le développement, sa stratégie semblant être de demeurer dans l’élite villageoise. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, qu’un véritable esprit d’entreprise porte les exploitants à dépasser « les plafonds multiséculaires ».

  • 8 Jean Jacquart : la rente foncière, indice conjoncturel, Revue Historique, Avril-juin 1975.
  • 9 Jean-Marie Constant : L’évolution de la rente foncière et de la rentabilité de la terre aux XVIe e (...)
  • 10 Jean-Marie Constant : Gestion et revenu d’un grand domaine aux XVIe et XVIIe siècles d’après les c (...)
  • 11 Le tabellion est un notaire seigneurial par opposition au notaire royal. Sa disparition a été prog (...)

8L’analyse de la situation beauceronne est un peu particulière, face à ces modèles. D’abord, la jachère demeure et il n’y a pas de diversité des cultures. On pourrait en conclure que le progrès agricole est absent, mais le problème n’est pas aussi simple. Ensuite, il n’est pas possible d’utiliser la dîme, car elle est proportionnelle à la superficie et non à la production. Il est donc nécessaire de choisir d’autres paramètres comme la rente foncière, exprimée par les baux de fermage. Jean Jacquart avait exprimé de nombreuses réserves face à cette source, mais il concluait son étude en disant qu’elle permettait, en la maniant avec précaution, de voir les variations sur la longue durée8. Les résultats, concernant la Beauce, avaient fait l’objet d’une communication au congrès sur les prestations paysannes et de deux publications9. Plusieurs tableaux résumaient les conclusions. Pour la terre d’Allonnes, possédée par une famille d’avocats devenus parlementaires parisiens, 23 baux permettaient de suivre les revenus de 1550 à 1710. Si on excepte la décennie 1580, où la rente augmente de 21 %, l’année 1684, où elle atteint 9 % et la chute des années 1703/09 (-38 %), la caractéristique principale de l’ensemble est la stabilisation autour de la base 100, fixée en 1571. Dans la baronnie d’Auneau où une comptabilité fort bien tenue de 1550 à 1560 et de 1630 à 1660, pour 1100 ha environ, répartis en de nombreuses fermes, le même résultat est constaté, indice 148 entre 1550 et 1560, pour une base 100 entre 1640 et 1650, puis une baisse fracassante, à 71, due sans doute à la Fronde, entre 1650 et 166010. Quarante-six baux tirés des minutes notariales de Toury et de Janville, concernant des fermes diverses, ne révèlent pas de performances différentes. On y voit un très beau XVIe siècle, avec des indices supérieurs à 100 et même 118/19 entre 1530 et 1550, pour atteindre 131, entre 1550 et 1560, puis un très mauvais XVIIe siècle, avec des indices allant 63 à 89, la chute de près de 50 % étant assurée pour la fin du siècle. Les quinze baux de la région de Voves vont dans le même sens, mais ils culminent à 188 entre 1600 et 1610, ce qui est un doublement, par rapport à l’époque de Colbert. Les abbayes chartraines suivent des lignes parallèles, mais elles affichent une excellente santé au XVIIe siècle jusqu’en 1680. Il faut toutefois nuancer, car l’éloignement de 20 à 30 km de Chartres les rend moins performantes, comme si les moines n’avaient pas les moyens de les surveiller d’aussi près. Il faut remarquer aussi que la rente foncière réagit avec un certain retard, par rapport aux mouvements de la production. Les baux, qui sont établis pour trois, six ou neuf ans, mettent un certain temps avant de répercuter un cycle, qui doit se déployer sur un temps relativement long pour être intégré sur le prix du bail. Enfin, les rapports entre le bailleur et le fermier jouent leur rôle tout autant que la conjoncture, et peut-être davantage. En effet, le désir de garder un bon fermier, qui assure un revenu régulier au propriétaire, peut très bien l’emporter sur une rentabilité immédiate, qui épouserait au plus près les meilleures années et fermerait les yeux sur les mauvaises. Ainsi, le baron d’Auneau, au moment de la Fronde, fait cadeau de leur fermage aux laboureurs en difficulté et augmente les baux des tabellionnages, des greffes11, des prairies, des bois et certains droits, qui ne sont pas touchés par les mauvaises récoltes, dues aux troubles militaires et politiques.

9Il faut alors se demander si la construction de modèles autour des baux est suffisante pour appréhender les progrès de la production et s’il ne faut pas pousser plus loin les investigations, en interrogeant les protagonistes, les nobles et les fermiers, à la tête de leurs exploitations.

Le gentilhomme de Beauce fait du blé

  • 12 Le mot « métairie », trouvé continuellement dans les archives, en Beauce signifie exploitation, c’ (...)
  • 13 A. D. Eure et Loir : E 1416.

10Soixante-sept seigneuries ont été reconstituées (trente-sept pour le XVIe siècle, trente pour le XVIIe siècle). La réserve, c’est-à-dire le domaine propre de chaque seigneur, hors censives, s’établit autour d’une centaine d’hectares (cent cinq au XVIe siècle, quatre-vingt-quinze au XVIIe siècle), mais cette moyenne ne rend pas compte de la réalité. Les anoblis, qui ont moins de cent ans de noblesse, ne possèdent que 60 hectares, les roturiers, 45, les gentilshommes, 177. Il est donc nécessaire de distinguer les diverses catégories de noblesse ou de seigneurs, qui n’ont pas vis-à-vis de la terre, les mêmes conceptions. Nous avons vu plus haut que la métairie d’Allonnes, au sud de Chartres, était possédée par un robin et que les revenus des baux étaient d’une grande stabilité au XVIIe siècle12. Un autre exemple, celui de Philippe de Ligny, conseiller au Parlement de Paris, montre bien que l’investissement d’un officier, dans des seigneuries, n’est pas l’essentiel de ses placements, mais lui permet de tenir un rang social dans la noblesse. En 1629, ses biens sont partagés13. Un tableau à la page suivante visualise les choix qu’il a réalisés.

Les biens de Philippe de Ligny, conseiller au Parlement de Paris, en 1629

  • 14 Le domaine comprend 200 ha, repartis en 4 fermes. Il contient en outre 71 ha de taillis, 4 ha de p (...)

Seigneuries beauceronnes14

53 055 livres soit 24,5 %

Maisons parisiennes

52 000 livres soit 24,01 %

Offices

59 132 livres soit 27,35 %

Rentes

52 542 livres soit 24,28 %

  • 15 A. D. Loiret, 2J 671 (année 1604).

11On voit bien que le premier investissement est professionnel, l’achat d’offices. Viennent ensuite les rentes, placement incontournable des officiers et des bourgeois des villes. Les seigneuries beauceronnes n’arrivent qu’à la troisième place, juste devant les maisons parisiennes. Néanmoins, il faut remarquer que les différences ne sont pas très grandes et que le conseiller au parlement équilibre sagement son portefeuille On a un schéma semblable pour un roturier, officier de moindre rang, lieutenant au bailliage de Gien, qui, en 1604, possède La Borde Trémon-ville, à Aschères le Marché, qui comprend une ferme de 38 ha, avec maison, étable, grange, cour, jardin et une censive de 40 ha15.

  • 16 La « noblesse seconde » est un concept de recherche qui a permis de faire avancer considérablement (...)
  • 17 A. D. Eure et Loir E 1868, compte de 1658.

12Par rapport à ces seigneurs nouveaux, officiers, de petite envergure, « la noblesse seconde16 » présente une autre figure. De 1463 à 1567, la châtellenie d’Auneau qui n’était pas encore baronnie, a appartenu à la famille d’Estouteville allié aux La Rocheguyon, puis de 1567 à 1597, à Henry duc de Joyeuse, enfin à « Très haut et très Puissant Seigneur, Messire Charles d’Escoubleau, Chevalier des Ordres du Roi, marquis de Sourdis et d’Alluyes, Prince de Chabanais, Comte de Carming, de Jouy en Josas, Baron d’Auneau, Montdoubleau, Saint Félix, Montesquiou, et Caujac, seigneur de Montrichard, Chissé, Montluc, Estillac et autres lieux, Conseiller du Roi en ses Conseils d’État, Maréchal en ses camps et armées, Gouverneur et lieutenant général pour sa Majesté du païs orléanois, blaisois, souloigne, dunois, perche, païs chartrain, vendosmois, Gouverneur de la ville et château d’Amboise17 »... La châtellenie a été érigée en 1603 en baronnie et s’est accrue, de 400 ha entre 1560 et 1660. À cette date, le domaine, constitué de 1100 ha répartis en une dizaine d’exploitations, n’est qu’un élément du patrimoine de Charles de Sourdis. Une telle augmentation de superficie cultivable laisserait entendre que le baron a fait de gros bénéfices, mais on ne sait pas s’il a gagné de l’argent avec ses nombreuses seigneuries, situées dans des régions françaises diverses ou si les charges qu’il occupe dans l’État ou l’armée, sont à l’origine de ses gains. Cependant, si on calcule la moyenne du nombre des seigneuries possédées, on voit que la noblesse beauceronne arrondit son patrimoine seigneurial, comme le montre le tableau à la p. 89.

  • 18 A. D. Eure et Loir, Fond Denonville 19 (1711).

13Ces accroissements, qui touchent toutes les noblesses, montrent bien l’énorme importance de la terre, qui est le principal objet de l’investissement, comme le prouve la succession de Haut et Puissant Seigneur Jacques de Brisay, chevalier marquis de Denonville, seigneur d’Avesnes, Maisons, Chesnay, Adonville, Maréchal des camps et armées du Roi, Sous-Gouverneur des ducs de Bourgogne et de Berry. Le total de l’inventaire après décès de 1711, s’élève à 378 315 livres tournois18. La répartition de ses richesses si on la compare à celles du parlementaire de Ligny est totalement différente. La puissance terrienne est éclatante, il n’existe pas de savant équilibre entre les investissements. On peut résumer, dans un bref tableau, sa fortune révélée par sa succession :

Tableau montrant l’accroissement du nombre des seigneuries des seigneurs beaucerons

Coupe réalisée pour les années

1600

1700

Noblesse remontant au XIVe siècle

3,3 seigneuries

4,55 (+ 1,25 %)

Noblesse remontant au XVe siècle

2,35

2,86 (+ 0,51 %)

Noblesse remontant au XVIe siècle

2,01

2,66 (+ 0,65 %)

Anoblis

1,82

2 (+ 0,18 %)

Roturiers

1,28

1,55 (+ 0,27 %)

Succession de Haut et Puissant Jacques de Brisay, marquis de Denonville, en 1711

  • 19 La seigneurie était divisée en deux parties. Le domaine du seigneur comprend les fermes et les mét (...)

Le domaine de Denonville (10 fermes, 771 ha)

32,85 %

La seigneurie d’Avesnes au Maine et de Bellavilliers dans le Perche

37 %

Les profits seigneuriaux de Denonville (champarts, avenages, rentes,19 moulins, fours banaux, profits de fiefs)

10,95 %

Bois de Denonville

12,36 %

Dans la ferme de Denonville (14 chevaux, 14 vaches, 18 cochons, 410 bêtes à laine, du matériel, des réserves de grains)

1,64 %

Les meubles des résidences

5,17 %

Denonville, Versailles, Paris (3,16 %). La valeur des bâtiments n’est pas indiquée dans ces trois résidences.

Total de la succession

378 315 livres

14Chez un grand seigneur de la noblesse seconde et de la cour, le capital essentiel n’est pas dans l’apparat, mais dans les domaines et seigneuries, qui représentent plus de 94 % de sa succession. Certes, il faudrait évaluer les bâtiments des résidences et les retrancher, mais on voit néanmoins que le souci de la terre est essentiel.

  • 20 A. D. Eure et Loir E. 1564 (1640). Hallot BNF mss Pièces originales 1567, Carrés d’Hozier 328, Nou (...)

15Chez les Hallot, Louis, seigneur de l’Estourville, baron du Puiset, gentilhomme de la chambre du frère du Roi, Gaston d’Orléans, les terres de l’Estourville rapportent 9 à 12 % de son capital, dans la première moitié du XVIIe siècle, ce qui lui a permis de se rendre acquéreur de 134 ha de terres. La répartition des biens à l’Estourville, en 1640, est la suivante20 :

Tableau de la répartition des biens de la seigneurie de l’Estourville, en 1640

Sept fermes (total 714 ha 24)

58679 l soit 79 % de l’ensemble

Trois moulins

3800 l soit 5,11 %

Quatre maisons

936 l soit 1,26 %

Bois, jardins, garennes, haies

10753 l soit 14,43 %

Total

741 681 livres tournois

16Le cas est loin d’être exceptionnel. Au XVIe siècle, les résultats sont moins spectaculaires : Poilloue, à Viabon, en 1572, rapporte 5 % si on compte les bâtiments dans le capital, 7, 40 % si on les exclut, Elumignon, dans le Dunois, donne 6,5 %, mais au XVIIe siècle, Genonville, près de Voves, bat un record, en 1671, avec 14, 25 %. La fin du siècle est plus difficile, à Oinville St Liphard, avec 6,10 %. On peut calculer, à partir des baux et des successions, les revenus de la terre seule, en excluant les bâtiments et leur entretien, pour une ferme de 71 ha à des dates précises des XVIe et XVIIe siècles. Le seul inconvénient est que le tableau, qui résume ces résultats, ne repose pas sur des séries statistiques, impossibles à rassembler pour des périodes aussi anciennes mais sur des exemples précis qui sont un précieux indicateur.

  • 21 L’exemple, qui suit, est tiré d’un article : Jean Marie Constant : La propriété et le problème de (...)
  • 22 Le guidon est le porte-enseigne de la compagnie militaire.

17De tels bénéfices permettent d’accroître le capital. J’ai pu calculer que ces revenus présentés dans le tableau permettaient l’achat annuel de 3 à 6 ha dans la première moitié du XVIe siècle, de 8 à 9 dans la seconde moitié, pourtant marquée par les guerres de religion, de de 10 à 13 de 1640 à 1681, de 4 à 6, à la fin du XVIIe siècle. On a vu que le seigneur d’Auneau, qui avait acheté 400 ha ou Louis de Hallot, qui avait acquis 134 ha, n’étaient pas des exceptions, puisque les seigneurs beaucerons possédaient davantage de seigneuries, en 1700 qu’en 1600. Les rassembleurs de terre sont à l’œuvre, comme dans la châtellenie de Toury21. Un ensemble de terriers, dont les archives sont dispersées entre les Yvelines, l’Eure et Loir et la mairie de Toury, montre qu’en 1543, aucune ferme n’atteint 100 hectares. Pourtant, en 1696, les héritiers de feu Messire Galliot Gallard, chevalier, seigneur de Corancé, Annemois, Poinville et autres lieux, guidon22 des gendarmes flamands, habitant Ile Notre Dame, rue des Regratiers à Paris, paroisse St Louis, possèdent 189 ha 80 répartis en deux métairies, Boissay (109 ha 38) et Le Cheval Bardé (80 ha 42). En 1543, la ferme de Boissay ne contenait que 25 ha 12. Cette progression de 337 % en un siècle et demi est l’œuvre des Gallard, qui font leur apparition dans la bourgade vers 1610. Il s’agit à ce moment-là de Noble homme Claude Gallard, conseiller notaire et secrétaire du Roi, maison et couronne de France, qui achète à un homonyme, Roland Gallard, cordonnier à Toury, le tiers du Cheval Bardé avec 6,30 ha de terre. En 1611, il acquiert Boissay, vendu par une famille de gentilshommes campagnards, les Fesnières. En 1639, le Cheval Bardé tombait dans son escarcelle. Il le louait à un hôtelier avec 47 ha 18. En vingt-neuf ans, le notaire et secrétaire du Roi a rassemblé, parcelle après parcelle, autour de cette maison, 40 ha de terre de censive et son fils en accumulera autant. Un acte de 1672 et un procès de 1679, révèlent que, parallèlement, la famille a accompli une certaine ascension sociale, puisque Messire Galliot Gallard, chevalier, seigneur de Poinville, est devenu conseiller du Roi en ses conseils, Maître des requêtes ordinaire de son hôtel et que son fils, nommé aussi Galliot, est devenu militaire.

Tableau indiquant le revenu d’une ferme noble de 71 ha, lorsque les baux sont exprimés en nature ou en argent. (Au XVIe siècle, il s’agit du froment et de l’avoine, dans les années 1640, du froment et du méteil, en 1681 et à la fin du XVIIe siècle, du méteil seul)

Années

revenu en % par rapport au capital terre (Baux en nature)

Baux en argent

1504

5,33 %

1537

9,25 %

1551

11 %

11 %

1572

13,52 %

8,20 %

1640

entre 14, 58 % et 18,69 %

7,40 %

1681

entre 15,87 % et 16,65 %

1699

entre 6 % et 8,66 %

1690-1700

5,90 %

18Ainsi, la noblesse seconde et la noblesse d’offices investissent dans la terre beauceronne, non seulement pour des raisons d’honorabilité sociale mais aussi parce que cette dernière rapporte. D’ailleurs, ils ne se contentent pas des fiefs et constituent des fermes à partir des censives. Néanmoins, cette noblesse ne vit pas que de la terre, elle exerce des fonctions d’état ou des charges militaires, qui peuvent aussi lui rapporter un certain nombre de revenus, dont nous n’avons pas pu avoir connaissance, faute de sources.

  • 23 Jean-Marie Constant : la noblesse de ville au XVIe siècle. Deux modèles provinciaux : l’Orléanais (...)
  • 24 A. D. Eure et Loir : XIX 192 (26 mai 1560, Champgirault).

19En revanche, les gentilshommes campagnards, qui ne vivent que de la terre beauceronne, constituent une partie importante de la noblesse du pays. Sur 101 lignages de nobles nouveaux (moins de cent ans de noblesse), au XVIe siècle, les gentilshommes campagnards représentent 37 %, alors que les militaires atteignent 35 % et les officiers habitant des villes, 27 %23. L’inventaire après décès de l’un d’entre eux, daté du 26 mai 1560, est suffisamment révélateur pour comprendre sa position économique et sociale dans la société beauceronne. Nicolas de Champgirault, seigneur de Germonville, appartient à une noblesse, qui peut être suivie depuis le XIVe siècle24. En 1537, sa succession totalise quatre fermes, évaluées 247 ha 50, coûtant 7976 livres tournois. Dans cet ensemble, les terres labourables constituent les deux cinquièmes des biens, comme l’indique le tableau suivant :

Tableau indiquant la valeur des biens, en 1537, de Nicolas de Champgirault, seigneur de Germonville, gentilhomme campagnard, noble depuis le XIVe siècle

Terres labourables

247 ha 50

7976 livres soit 59,50 % de ses biens

Bois, friches, vignes

23 ha

1920 livres soit 14,20 %

Bâtiments (ferme, granges, étables, clôtures),

1824 livres soit 13,60 %

Rentes et cens divers

1684 livres soit 12,56 %

Total

13404 livres

  • 25 Brachet, BNF Mss fr 12002. Dossiers bleus 128 et Nouveau d’Hozier 65.

20Bien que la valeur totale des terres l’emporte sur tout le reste, les bois qui sont plus rares, valent plus cher, l’hectare se vendant quatre fois plus cher que celui des céréales. Un regard dans sa maison montre qu’elle compte moins que la production du blé. En effet, il vit, dans trois pièces (une salle et deux chambres), une garde-robe, un grenier, une cave. L’ensemble de ses meubles habits et autres objets de la vie quotidienne s’élève à 337 livres, soit 2 % de la succession. Il respire l’austérité, pour produire, ce qui est caractéristique des entrepreneurs. À l’opposé, le notaire et secrétaire du Roi, Brachet, trésorier des gardes écossais, qui vivait en ville, avait une succession de 3682 livres, soit dix fois plus et les terres non évaluées ne semblaient servir qu’à établir un statut social25.

  • 26 Montfleury : Le gentilhomme de Beauce (1670) dans Théâtre, en quatre volumes, Tome II, Paris, 1775 (...)
  • 27 Montfleury..., op. cit., Acte I, Sc 1.

21La situation du « gentilhomme de Beauce » semblait fort bien connue au XVIIe siècle, puisqu’une comédie lui a été consacrée, par Antoine de Montfleury, en 167026. Il évoque un « seigneur campagnard d’un hameau ruiné », « comptant ses poulets d’Inde », vivant au milieu des dindons, des pigeons de son colombier, de ses vaches de ses moutons27. Vu par le théâtre parisien, ce gentilhomme de Beauce apparaît comme d’un autre âge :

  • 28 Montfleury..., op. cit., Acte I, Sc 1.

« Son habit neuf sent la médaille antique
Son tailleur avec lui semble perdre l’esprit
Quand il le fit venir et touchant cet habit
Ce bourru méprisant ses avis et les nôtres
N’a pas voulu qu’en rien, il fut semblable aux autres
Il dit que ses aïeux étaient ainsi vêtus
Et qu’il veut imiter leur mode et leurs vertus28. »

  • 29 Montfleury..., op. cit., Acte V, Sc. 5.

22Comme il est amoureux d’une coquette, nommée Climène, qui lui préfère Clitandre, parfait homme du monde et de la cour, le contraste prête à tous les comiques. Néanmoins, le gentilhomme de Beauce est loin d’être pauvre et ruiné comme les apparences du théâtre pourraient le faire croire. La coquette demande : « les quinze mille francs que vous avez de rente sont-ils29 en fonds de terre ou seraient tout votre bien ». Or, l’historien des campagnes, s’il calcule ce que représentent ces quinze mille livres de rentes, s’aperçoit qu’ils correspondent, pour les années 1660/70, en Beauce, aux revenus d’environ cinq cents hectares, ce qui s’accorde bien à ce que nous avons évoqué plus haut. Climène est assez réaliste dans le portrait présenté :

  • 30 Montfleury..., op. cit., Acte I, Sc. 1.

« Chéri dans son pays, respecté comme un prince,
30et plus noble dix fois qu’aucun de la province. »

  • 31 Georges Lefebvre : Études orléanaises, Paris, 1962,

23Un tel gentilhomme, devenu un type social, moqué sur les planches, existe bien dans les archives notariales. Qualifiés de « rois de la Beauce » par Georges Lefebvre, dans ses Études orléanaises, ces gentilshommes de Beauce l’avaient fortement intrigué, alors que les fermiers, qu’il surnomme les « vice-rois », lui paraissaient plus familiers31. Cependant, les nobles et les laboureurs beaucerons étaient les élites du pays, grands producteurs de céréales et relativement proches dans leur volonté de consacrer leurs bénéfices à l’investissement dans leur exploitation agricole.

Le laboureur et ses enfants : « le travail est un trésor »

  • 32 A. D. Eure et Loir, E. XIX, 192, les deux actes sont du 2 avril 1554 et du 14 janvier 1558.

24Deux inventaires après décès, l’un d’un gentilhomme campagnard, l’autre d’un laboureur, du même village, à des dates proches, apporteront une image de deux personnages symboliques, des élites de la société beauceronne. Pierre de Brosset, écuyer, seigneur d’Arconville et Villiers le Lézard, n’est pas un gentilhomme sur le déclin, puisque l’un de ses descendants deviendra un capitaine de cavalerie sous Louis XIV. Bien que l’origine de sa famille soit dans la bourgeoisie d’Orléans et les offices du duc, au XIVe siècle, il mène au XVIe siècle la vie noble d’un gentilhomme campagnard. Son univers quotidien diffère peu de celui de Jean Michau, laboureur32. Tous deux vivent dans trois pièces, le noble, deux chambres et une salle basse, le fermier, deux chambres et un sellier. Leurs meubles, de chêne et de noyer, sont semblables, faits de lits, coffres, bancs, tables, escabelles, bahuts. Ils ont le même nombre de vaches, un équipement semblable. Les différences essentielles se situent à l’écurie, sept chevaux pour Brosset, quatre pour Michau, à la porcherie, avec des cochons plus nombreux et plus chers pour le gentilhomme. Le noble a aussi plus de vaisselle et plus d’habits, car ces deux attributs font partie de son style de vie. En revanche, le paysan a des réserves de grains et de chanvre plus importantes. Cependant, il est possible que le nombre de porcs et les réserves soient tributaires des saisons et ne représentent pas un signe social aussi probant que les habits, la vaisselle ou les chevaux. Si on fait le bilan de ces deux successions, la partie productive s’élève à 70 % pour le gentilhomme et 86 % pour le laboureur, ce qui montre bien que malgré les apparences, les fermiers beaucerons ne sont pas très éloignés des gentilshommes campagnards. Leurs entreprises se ressemblent et produisent des céréales mais le noble est propriétaire alors que le laboureur ne semble pas très intéressé par la propriété. Dans la région de Toury et de Janville, de 1543 à 1696, ils ne possèdent jamais plus de sept hectares, ce qui fait que le fermier beauceron est d’abord un entrepreneur, dont la richesse repose sur ses chevaux, son matériel et son bétail. Entre 1535 et 1700, les minutiers de Toury et de Janville ont permis de recueillir 78 inventaires après décès, répartis dans 19 villages. La reconstitution des entreprises agricoles, que dirigent les laboureurs et marchands-laboureurs, permet de distinguer quatre types d’exploitations, que l’on peut caractériser grâce à quelques critères significatifs (cf. tableau page suivante) :

  • 33 A. D. E et L, XIX, 70 (8 oct 1599) et 76 (4 nov 1606).

25La première remarque qui s’impose est la prédominance de la grosse entreprise de 60 à 80 ha de 4 à 6 chevaux et de nombreux moutons, mais elle n’est pas aussi énorme qu’on aurait pu le penser. Il faut noter que cette superficie est sans doute considérée comme optimum pour un rendement correct. La petite exploitation de 2 à 3 chevaux a peu de moutons, mais des porcs, avec un nombre de chevaux à l’ha supérieur à celui des grandes structures. Cette entreprise peut se révéler performante comme le montre l’exemple de Maria Mercier, sous le règne d’Henri IV. Il a été inventorié deux fois, en 1599, après la mort de sa femme et en 1606, après la sienne33. Un tableau mesure l’enrichissement rapide en sept années :

L’entreprise du fermier beauceron aux XVIe et XVIIe siècles (Base 78 inv, dans 19 villages de la région de Toury/Janville, en Grande Beauce, proche de la route Paris/Orléans).

L’entreprise du fermier beauceron aux XVIe et XVIIe siècles (Base 78 inv, dans 19 villages de la région de Toury/Janville, en Grande Beauce, proche de la route Paris/Orléans).

Tableau montrant l’enrichissement d’un laboureur au moment de la reconstruction, après les guerres de religion

Tableau montrant l’enrichissement d’un laboureur au moment de la reconstruction, après les guerres de religion
  • 34 A. D. E et L, XVIII (15 sept 1623).
  • 35 Lointhier, XIX, 71(1600) et XXIII, 186 (1682).

26La reconstruction d’après les guerres de religion est bien réelle. Certes, les récoltes ne sont pas estimées, mais on constate qu’en cultivant une cinquantaine d’hectares, sa ferme a grandi et que son capital d’exploitation a triplé en sept ans, ce qui représente un gain de 27 % par an. De même, Louis Texier laboure 60 ha avec 5 chevaux en 162334. Après paiement de ses dettes, il parvient à gagner 1140 livres, soit 259 livres de plus que son capital. Comme l’inventaire a lieu en septembre, les moissons sont inventoriées et elles sont riches : 14 hl de méteil à l’ha (10 qu) et 17 hl à l’ha d’avoine et d’orge (8 qu). Les historiens ont souvent attaché une importance démesurée aux dettes. On sait que les paiements s’effectuaient à la Toussaint et à la St Jean et qu’elles constituaient une forme de crédit. Ainsi, Louis Lointhier, laboureur à Amoy, cultive 80 ha, avec 6 chevaux et gagne 259 livres soit 74 % de son capital dans l’année 1600, mais il a accumulé 1065 livres de dettes. Il lui faudra trois bonnes années pour réduire ce déficit, qui paraît colossal par rapport à son capital. Néanmoins, les Lonthier tiennent et s’enrichissent puisque 82 ans plus tard, Claude, l’un de ses descendants, cultivera 84 ha, grâce à un capital de 467 livres (120 de plus qu’en 1600, mais la monnaie s’est dévaluée). Il gagne 132 livres, croule toujours sous les dettes (1351 livres soit 300 de plus qu’en 1600)35.

  • 36 Bourdin, XVIII, 18 (11 juillet 1640).

27Certes, l’assolement n’est pas transformé, de nouvelles cultures n’apparaissent pas, (mais la Beauce a toujours pratiqué surtout la culture des céréales), les plafonds multiséculaires ne sont pas défoncés. Les résultats, sont irréguliers, mais dénotent une volonté et un dynamisme. Prenons l’exemple de Nicolas Bourdin, laboureur à Tivernon, de 45 ha, avec 3 chevaux, 4 vaches, 6 porcs et 70 brebis et agneaux, en 164036. Les trois soles sont bien indiquées : 16 ha 01 de blé, 14 ha 62 de mars, 14 ha 62 de guérets. Dans la cour, on a compté 21 poules, 2 coqs, 4 dindes, 3 charrettes, un charty d’août. La partie productive de la ferme est de 84 %. Comme il meurt un 11 juillet, l’inventaire comprend l’évaluation des récoltes, 191 hl 08 de méteil (11hl à l’ha, 9 qx en comptant le poids spécifique à 76 kg à l’hl), 176 hl d’avoine (11hl 85 à l’ha soit 5,92 qu’à l’ha, en comptant le ps à 50 kg à l’hl). Parmi les impôts, la gabelle n’est pas indiquée et nous n’avons pas les revenus de l’étable, de la porcherie, de la bergerie, de la basse-cour, du jardin. On peut compter, selon les normes employées par Pierre Goubert, le prix de la nourriture de sa famille de six personnes (20 hl). En revanche, nous avons les salaires, les semences et autres frais qu’il faut défalquer. On peut tenter une sorte de bilan :

  • 37 Le problème de la nourriture est difficile à chiffrer. Il y a la basse cour et le jardin, les frai (...)

Bénéfice sans compter l’alimentation37 de la famille

124 livres, soit 13,74 % du capital)

Après comptage de la nourriture (20 hl)

52 livres soit 5,76 % du capital

Si le bail était en argent

91 livres soit 10, 08 %

Si le laboureur était propriétaire de sa terre comme les gentilshommes,

il gagnerait 7,60 %.

28On pourrait multiplier les exemples de ce type, qui montrent que les laboureurs beaucerons produisent des céréales, qui leur rapportent un revenu élevé, même si les cultures restent dans les traditions des cultures de plateaux céréaliers du Bassin parisien. Il faut cependant revenir à la constitution des exploitations viables. On voit se réaliser sous nos yeux, des phénomènes de concentration de fermes dans la baronnie d’Auneau. Quelques cas permettront de comprendre le phénomène :

Voise (352 ha)

En 1560
En 1633/34
En 1634/35
En 1650
En 1656

23 fermiers
7 fermiers
9 fermiers
2 fermiers
1 seul

Auneau (106 ha)

Avant 1661
Après 1661

5 fermiers
2 fermiers

Aunay (205 ha)

1633
1634
1635
1656

8 fermiers
6 fermiers
3 fermiers
1 fermier

29On peut se demander si l’unique fermier de 200 ha ne sous-loue pas une partie de son bail. Cependant, la concentration des fermes existe avec des allers et retours. D’ailleurs, on ne constate aucune réalisation systématique, tout se fait au coup par coup, comme si les agents de l’administration du baron attendaient que des fermiers eussent les reins suffisamment solides pour pouvoir supporter des baux aussi importants. Or, si ces fermiers peuvent prendre des fermes de plus en plus grosses, deux conditions s’imposent : ils sont entreprenants et ils se sont enrichis, pour investir. Une troisième hypothèse peut se faire jour. Comme les fermes semblent découpées et redécoupées, avec une grande facilité, il est possible que les laboureurs prennent un morceau de « métairie » du baron, qu’il regroupe avec un autre, d’une abbaye, de façon à ne pas être trop dépendant d’un seul propriétaire. Ainsi, ils peuvent marchander, en position de force, un bail plus intéressant, ce qui expliquerait la stabilité de la rente foncière, bloquée par la pression des laboureurs sur les propriétaires. Les revenus, calculés à Toury, grâce aux minutes notariales, plaideraient dans ce sens.

  • 38 Gallard, boucher et laboureur, XVIII, 12 (1622). L’office du fils a été payé 700 livres en 1639.
  • 39 Bary, notaire, XVIII, 18(1638), Haillard, maréchal, XVIII, 19 (1644), Chartier, hôtelier, XVIII, 2 (...)
  • 40 Jean Marie Constant : la propriété..., op. cit. et l’enquête de noblesse de 1667 et les seigneurs (...)

30De tels calculs ne sont pas impossibles, quand on voit que le cumul des activités est une des caractéristiques fréquentes que l’on rencontre à la campagne. Ainsi, Clément Gallard boucher et marchand, en 1622, gagne, grâce à sa petite ferme de 22 ha et ses 2 chevaux, 288 livres, alors que son capital initial n’est que de 127 livres, pour son exploitation et de 10 livres pour sa boucherie. Son fils deviendra huissier au châtelet de Paris38. D’autres exemples sont aussi parlants : ainsi Jean Bary, notaire à Rouvray St Denis, en 1638, fait valoir 52 ha 08, avec 3 chevaux et prend des champarts à ferme. Son gain dépasse son capital, mais il est très difficile de savoir ce qui revient au notaire, au laboureur et au fermier des droits seigneuriaux. On peut voir défiler ainsi des maréchaux, des marchands hôteliers, des marchands, des artisans, des receveurs de seigneurie39. Certains d’entre eux rassemblent des terres sur les censives comme les nobles et se constituent des patrimoines, qui leur servent de tremplin pour une ascension sociale40. On voit ainsi que l’accumulation de richesses, par la terre n’est pas uniquement tournée vers l’investissement agricole et le progrès de l’agriculture, mais que les ambitions sociales ont une part non négligeable dans les stratégies paysannes.

Conclusion

31Dans la Beauce du XVIIe siècle, les élites n’ont pas bravé les époques et enclenché une révolution agricole. Elles n’ont ni modifié l’assolement, ni implanté des cultures nouvelles, ni percé durablement « les plafonds multiséculaires ». Les dîmes étant proportionnelles à la superficie, il est difficile de se faire une idée des évolutions de la production à partir des courbes de la rente foncière, qui obéissent à des logiques plus complexes que celles de la dîme. En effet, les baux de fermages ne rendent compte que des mouvements très longs. En conséquence, on peut penser qu’ils sont insuffisants pour résoudre notre problème. La reconstitution des exploitations agricoles, à partir de successions, des gentilshommes campagnards et des laboureurs, montre que ces élites font preuve d’un esprit conquérant pour développer leurs entreprises.

32Parmi les nobles, les robins prennent soin d’équilibrer soigneusement leurs investissements entre la terre et les autres placements car ils considèrent la seigneurie comme un tremplin social. En revanche, « la noblesse seconde » parie sur la terre, qui constitue l’essentiel de ses biens. Dans l’ensemble, la noblesse, petite ou grande, parvient, au XVIIe siècle, à arrondir son patrimoine en augmentant le nombre de ses seigneuries. Certes, des héritages ou des gains extérieurs à ceux de la terre, pourraient expliquer ce phénomène, mais on voit que la terre, chez les nobles, rapporte des gains étonnants, allant de 13 à 18 % du capital investi, entre 1572 et 1681. Beaucoup de nobles font valoir une partie de leurs terres par eux-mêmes et placent les bénéfices faits dans l’achat de fiefs et de censives. Cette richesse, cette frugalité, voire cette austérité de vie du gentilhomme de Beauce devient légendaire à tel point que le personnage fait l’objet d’une comédie jouée à Paris et de nombreux proverbes peu flatteurs. En cela, on peut le comparer aux premiers entrepreneurs de la Révolution industrielle anglaise, ces fameux « nigauds de Birmingham ».

33La reconstitution des entreprises des laboureurs va dans le même sens. On voit d’abord qu’il n’existe pas une très grande distance économique entre la ferme paysanne et l’exploitation directe du gentilhomme. Le deuxième point est tout aussi original : la superficie de l’exploitation optimum des fermiers de la Grande Beauce, du côté de Toury et de Janville, se situe autour de 80 ou de 60 ha. La troisième conclusion révèle que les plus petites sont exploitées avec deux chevaux, car c’est un minimum pour travailler le lourd limon beauceron, ce qui oblige à prendre, en moyenne, 35 ha de terre à ferme. Le quatrième élément est que le nombre de vaches, de porcs et de moutons est proportionnel à la taille de l’exploitation, les plus petites n’ayant pas de moutons. Ce bétail est un complément de revenus, une richesse alimentaire et un moyen de faire de l’engrais. Une autre remarque concerne les rendements : de 10 à 14 hl à l’ha, pour le méteil, de 8 à 11 hl à l’ha pour l’avoine et l’orge. Enfin, il faut dire qu’à certaines époques, l’enrichissement des fermiers est énorme, 27 % du capital gagné en une bonne année, triplement du patrimoine en sept ans pour Maria Mercier, 129 % en 1623, pour Louis Texier, qui laboure 60 ha avec 5 chevaux. On comprend alors que les laboureurs en gagnant de l’argent, lors des bonnes années, parviennent à équilibrer les mauvaises et peuvent, sur la longue durée, investir dans le matériel, du bétail et surtout des chevaux qui coûtent très cher, pour exploiter des fermes plus importantes. C’est ce qui se passe à Auneau, où l’administration de la baronnie attend que certains laboureurs aient les reins suffisamment solides pour leur conférer des exploitations, qui paraissent plus rentables et apportent au propriétaire un revenu plus régulier.

34Ainsi, au XVIIe siècle, en Beauce, on peut considérer que la révolution agricole n’a pas eu lieu, mais que les structures, qui la préparent, se mettent en place.

Was there such a thing as agricultural progress for the landed gentry and laboureurs41 in 17th century Beauce

  • 41 Laboureurs= big farmers (as in the La Fontaine’s laboureurs).

35If we limit our definition to the vocabulary in use in agrarian literature during the Enlightenment or in studies carried out in the Netherlands from the fourteenth – sixteenth centuries, there was no real “agricultural revolution” in seventeenth century Beauce. But development and change did take place, and for the landed gentry and the big farmers who made up the elite of the area, this development and change can be considered to be the forerunners of progress. So great and so obvious was their domination over the rest of society that Georges Lefebvre called the former “the kings of the Beauce” and the latter its “viceroys”.

  • 42 The “noblesse seconde” is a concept used by researchers which has enabled considerable advance to (...)
  • 43 Censive : free holding in the landlord estate; the tenant has to pay a small tax to the landlord ((...)

36This elite did not modify rotation or introduce new crops, not did their cereal harvests durably break any record. Amongst the aristocracy, lawyers continued to conscientiously counterbalance their sundry investments with property investment, considering the purchase of a seignory as a necessary sign of belonging to the noble class. The “noblesse seconde”42, on the other hand, invested solely in land, of which their fortune was mostly comprised. For the most part, the seventeenth century Beaucerone aristocrats – high or low, managed to extend their wealth by purchasing more seignories. Of course, inheritance and revenue other than that earned from the estate might also explain this phenomenon, but farming brought in amazing profit – up to 13%-18% of invested capital from 1572 – 1681. Many of the noblemen managed the estates themselves and invested the profit in the purchase of fiefs or censives43. Though wealthy, theirs was a frugal even austere life. Consequently the “Beauce gentleman” was not only the brunt of mockery in proverbs, but was also appeared as a character in comedies (Montfleury). In some ways they can thus be compared to the first entrepreneurs of the British industrial revolution who also became the brunt of sarcastic remarks of the high society.

37The reconstruction by historians of the estates farmed by the big farmers register very little economic difference between the farms tended by commoners and those farmed directly by the gentry. A second interesting conclusion is that the biggest farms of the greater Beauce district, located in the vicinity of Toury and Janville had a surface area of 60-80 hectares (1 hectare= 2.5 acres) and the smallest – those tilled with two horses – 35 hectares. A pragmatic approach, therefore, based on experience indicates that in regards to the technology available at the time, the most profitable farms were those whose maximum surface acreage measured between 35 and 80 hectares. The third element that came into play is the number of cows, pigs and sheep kept in proportion to the size of the farm, cattle – not only a reliable foodstuffbut also a means of providing manure – bringing in additional income on land devoted mostly to grain. The yield during the good years could be up to 10-14 quintal (1 quintal= 100 kilos) per hectare for wheat and rye and 8-11 quintal per hectare for oats and barley. A farmer’s earnings when the harvest was good were phenomenal – in one season some farmers earned up to 27% of their total capital. Others tripled their wealth in seven years. In this way the poor harvests during the lean years were balanced by the plentiful ones, with the profits being used to invest in farm machinery, horses, or cattle. A whole new lineage was thus seen to emerge and prosper thanks to grain production.

38Thus, even though no real agricultural revolution took place in the Beauce in the seventeenth century, all the structures necessary for change in the centuries yet to come were already in place.

Notes

1 G. Duby et A. Wallon : Histoire de la France rurale, Paris, Seuil, 1975-76, vol. III, la France classique (1380-1789). Annie Antoine, Jean Marie Boehler, Francis Brumont : L’agriculture en Europe occidentale à l’époque moderne, Paris, Belin, 2000.

2 Michel Morineau : Les faux-semblants d’un démarrage économique : agriculture et démographie en France au XVIIIe siècle. Paris, Colin 1970, Cahiers des Annales, no 30. Pierre Deyon : la production agricole et les communautés paysannes de Flandres et d’Artois du XVIe au XIXe siècle. Bulletin de la Société d’Histoire Moderne, 1974, no 1.

3 M. J. Tits-Dieuaide : les techniques agricoles en Flandres et en Brabant (XIVe-XVIe siècles), Annales, ESC, mai-juin1981. P. Vandervalle : stabilité et perfection d’un système agricole, la châtellenie de Furnes, Annales, ESC, mai-juin1981.

4 Joseph Goy et Emmanuel Le Roy Ladurie : Les fluctuations du produit de la dîme, conjoncture décimale et domaniale de la fin du Moyen Age au XVIIIe siècle, Paris-La Haye, Mouton, EHESS, 1972. Prestations paysannes, dîmes, rente foncière et mouvement de la production agricole à l’époque préindustrielle, Paris-La Haye-New York, Mouton, EHESS, 1992, deux volumes.

5 Joseph Goy et Emmanuel Le Roy Ladurie : op. cit., introduction, p. 9 à 24.

6 Hugues Neveux : Vie et déclin d’une structure économique : les grains du Cambrésis (fin XIVe-début XVIIe siècles), Paris-La Haye-New York, Mouton, EHESS, 1980.

7 Jean-Marc Moriceau : Les fermiers d’Ile de France : l’ascension d’un patronat agricole (XVe-XVIIIe siècles), Paris, Fayard, 1994.

8 Jean Jacquart : la rente foncière, indice conjoncturel, Revue Historique, Avril-juin 1975.

9 Jean-Marie Constant : L’évolution de la rente foncière et de la rentabilité de la terre aux XVIe et XVIIe siècles dans Joseph Goy et Emmanuel Le Roy Ladurie : Prestations…, op. cit., vol. II, p. 529-535. Jean-Marie Constant : Nobles et paysans en Beauce aux XVIe et XVIe siècles, Lille, 1981, p. 104 à 158.

10 Jean-Marie Constant : Gestion et revenu d’un grand domaine aux XVIe et XVIIe siècles d’après les comptes de la baronnie d’Auneau. Revue d’Histoire Économique et Sociale 1972, no 2. Repris dans La noblesse en liberté, Rennes, PUR, 2004.

11 Le tabellion est un notaire seigneurial par opposition au notaire royal. Sa disparition a été programmée par la monarchie française, mais le processus se fait lentement. Le greffe est le bureau du greffier du tribunal seigneurial. Tabellionnages et greffes étaient affermés par le seigneur, comme des terres ou d’autres biens.

12 Le mot « métairie », trouvé continuellement dans les archives, en Beauce signifie exploitation, c’est-à-dire une ferme, le métayage n’existant pas. Il est plus commode d’utiliser le mot ferme, qui prête moins à confusion.

13 A. D. Eure et Loir : E 1416.

14 Le domaine comprend 200 ha, repartis en 4 fermes. Il contient en outre 71 ha de taillis, 4 ha de prairies et des dimes.

15 A. D. Loiret, 2J 671 (année 1604).

16 La « noblesse seconde » est un concept de recherche qui a permis de faire avancer considérablement les travaux concernant la noblesse et qui est maintenant largement adopté par les chercheurs. On peut la définir comme une grande noblesse venant immédiatement après les princes, les ducs et pairs de France et les ducs, qui constituent la très grande noblesse. Pour plus de renseignements, voir la thèse de Laurent Bourquin : Noblesse seconde et pouvoir en Champagne aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994. Sur les origines du concept voir Jean Marie Constant : La noblesse en liberté, Rennes, PUR, 2004.

17 A. D. Eure et Loir E 1868, compte de 1658.

18 A. D. Eure et Loir, Fond Denonville 19 (1711).

19 La seigneurie était divisée en deux parties. Le domaine du seigneur comprend les fermes et les métairies. Les censives appartiennent aux possesseurs des terres qui se trouvent sur le territoire de la seigneurie. Ces propriétaires peuvent vendre, acheter échanger, aliéner leurs terres en toute liberté, mais ils doivent payer un cens recognitif de la seigneurie, pour montrer qu’ils font partie du territoire de la seigneurie. Ces cens fixés au Moyen Age sont dévalués et très peu élevés, mais ils symbolisent le pouvoir du seigneur. Le champart ne touche pas toutes les terres, mais il est en nature, donc non dévalué et lourd. Les avenages sont de même type, mais concernent les avoines.

20 A. D. Eure et Loir E. 1564 (1640). Hallot BNF mss Pièces originales 1567, Carrés d’Hozier 328, Nouveau d’Hozier 181, Chérin, 103. Médiathèque d’Orléans : mss du chanoine Hubert, III, 122.

21 L’exemple, qui suit, est tiré d’un article : Jean Marie Constant : La propriété et le problème de la constitution des fermes sur les censives en Beauce aux XVIe et XVIIe siècles, Revue Historique, no 506, avril-juin 1973.

22 Le guidon est le porte-enseigne de la compagnie militaire.

23 Jean-Marie Constant : la noblesse de ville au XVIe siècle. Deux modèles provinciaux : l’Orléanais et le Maine. Journée d’étude de Paris IV, de décembre 2006, sous la direction de Thierry Dutourd, à paraître en 2009.

24 A. D. Eure et Loir : XIX 192 (26 mai 1560, Champgirault).

25 Brachet, BNF Mss fr 12002. Dossiers bleus 128 et Nouveau d’Hozier 65.

26 Montfleury : Le gentilhomme de Beauce (1670) dans Théâtre, en quatre volumes, Tome II, Paris, 1775. Antoine Jacob dit Montfleury (1639-1685) est le fils du célèbre comédien Zacharie Jacob. Il fournissait des pièces aussi bien au Marais qu’à l’Hôtel de Bourgogne.

27 Montfleury..., op. cit., Acte I, Sc 1.

28 Montfleury..., op. cit., Acte I, Sc 1.

29 Montfleury..., op. cit., Acte V, Sc. 5.

30 Montfleury..., op. cit., Acte I, Sc. 1.

31 Georges Lefebvre : Études orléanaises, Paris, 1962,

32 A. D. Eure et Loir, E. XIX, 192, les deux actes sont du 2 avril 1554 et du 14 janvier 1558.

33 A. D. E et L, XIX, 70 (8 oct 1599) et 76 (4 nov 1606).

34 A. D. E et L, XVIII (15 sept 1623).

35 Lointhier, XIX, 71(1600) et XXIII, 186 (1682).

36 Bourdin, XVIII, 18 (11 juillet 1640).

37 Le problème de la nourriture est difficile à chiffrer. Il y a la basse cour et le jardin, les frais de boucher (les comptabilités de ces derniers montrent que les laboureurs sont leurs clients), les dépenses de repas pour les moissons et bien d’autres choses qu’il n’est pas possible d’évaluer.

38 Gallard, boucher et laboureur, XVIII, 12 (1622). L’office du fils a été payé 700 livres en 1639.

39 Bary, notaire, XVIII, 18(1638), Haillard, maréchal, XVIII, 19 (1644), Chartier, hôtelier, XVIII, 28 (1664).

40 Jean Marie Constant : la propriété..., op. cit. et l’enquête de noblesse de 1667 et les seigneurs de Beauce dans la RHMC, 1974 (repris dans la noblesse en liberté, op. cit.).

41 Laboureurs= big farmers (as in the La Fontaine’s laboureurs).

42 The “noblesse seconde” is a concept used by researchers which has enabled considerable advance to be made in research on the nobility and is today widely used among all researchers. It can best be defined as the upper crust of nobility right under the princes, dukes and their peers of France of which the nobility was mostly comprised.

43 Censive : free holding in the landlord estate; the tenant has to pay a small tax to the landlord (cens recognitif).

Table des illustrations

Titre L’entreprise du fermier beauceron aux XVIe et XVIIe siècles (Base 78 inv, dans 19 villages de la région de Toury/Janville, en Grande Beauce, proche de la route Paris/Orléans).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/99299/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
Titre Tableau montrant l’enrichissement d’un laboureur au moment de la reconstruction, après les guerres de religion
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/99299/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 59k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search