1Jacques Chiffoleau a certainement apporté la contribution la plus stimulante sur les « attitudes devant la mort » à la fin du Moyen Âge lorsqu’il publia son étude sur les testaments de la région d’Avignon. Il y constate une très forte augmentation des demandes de messes pour les morts entre 1340 et 1380. L’eucharistie devient à cette époque le viatique privilégié pour le dernier voyage, alors que pèlerinages ou aumônes perdent de l’importance. L’auteur explique cet « usage obsessionnel » de la messe par la mélancolie où se trouvent les fidèles à cette époque du fait, entre autres, du déracinement que connaissent les citadins, coupés de leurs ancêtres campagnards1. Pendant cette période où le développement des pompes funèbres flamboyantes est concomitant d’une transformation profonde des images de la mort, une logique cumulative – faire célébrer le plus de messes possible juste après la mort, au moment du passage vers l’au-delà – s’ajoute à la logique répétitive plus ancienne – qui consiste à célébrer régulièrement la memoria du défunt jusqu’à la fin des temps –, puis la supplante2. Ces deux logiques impliquent des croyances tout à fait différentes, en un jugement de tous les hommes à la fin des temps pour la plus ancienne, en un tribunal individuel juste après la mort, et donc au Purgatoire, pour la cumulative, plus récente. Dans ce second cas, il est primordial de multiplier les suffrages pour limiter le temps passé dans ce troisième lieu de la mort. Les études se sont multipliées depuis la parution de cet ouvrage pour rechercher une telle « mathématique du salut » dans d’autres régions3.

2D’autres travaux mettent l’accent sur la recherche de solidarités plutôt que sur le grand nombre de messes. En Allemagne en particulier, les promoteurs de la memoria insistent beaucoup sur les relations sociales créées entre donateurs ou fondateurs et les autres acteurs des pratiques de commémoration, intermédiaires avec Dieu (clercs, pauvres) ou personnes chargées d’assurer leur exécution (parents, exécuteurs testamentaires)4. Cette conception conduit à une distinction nette entre la fondation (Stiftung), qui a pour but de créer un lien durable (et même perpétuel) entre le fondateur et les bénéficiaires-intermédiaires-exécuteurs – la plus fréquente est la messe-anniversaire, à célébrer chaque année jusqu’à la fin des temps – et la simple donation (Schenkung), par laquelle un fidèle offre une somme d’argent ou un objet sans condition, c’est-à-dire sans instaurer de relation durable avec le bénéficiaire5.

3Des historiens très éloignés des travaux allemands sur la memoria en viennent aussi à mettre en avant les solidarités plutôt que les actions liturgiques. Être pauvre, au Moyen Âge, c’est être isolé. Dans la vie éternelle comme dans la vie ici-bas, il importe donc de bénéficier de nombreux soutiens, si bien que les fidèles des derniers siècles du Moyen Âge chercheraient d’abord à multiplier les « amis » et non à accumuler les messes6 ; l’idée est que la relation créée entre le fidèle et l’intercesseur qu’il choisit est aussi importante que la forme ou le contenu de l’intercession elle-même7.

4C’est donc cette alternative, accumulation des actions liturgiques d’intercession ou réunion d’un grand nombre de soutiens qui va nous préoccuper maintenant. Nous examinerons la piété mémorielle à Ratisbonne aux XIV^e et XV^e siècles en étudiant d’abord l’évolution de la logique répétitive, puis celle de la logique cumulative. Il s’agira de voir laquelle des deux prévalait, mais aussi et surtout comment les fidèles mettaient en œuvre des « réseaux de solidarité du salut8 » ; pour mieux saisir ces derniers, nous finirons par quelques remarques sur l’exécution des fondations pieuses. En revanche, on s’abstiendra de chercher à calculer le coût de la memoria : il est vain d’essayer de séparer strictement « legs pieux » et « legs profanes », et même si on le fait tout de même, les indications chiffrées manquent assez souvent dans les testaments pour que cette entreprise soit vouée à l’échec9. Dans toutes ces étapes, la comparaison avec d’autres villes ou régions déjà étudiées nous guidera.

La répétition des suffrages

5Portons d’abord notre attention sur les pratiques mémorielles répétitives, celles que les auteurs espéraient voir répétées perpétuellement : sur les fondations et non sur les donations10.

6Nos considérations seront fondées sur le corpus des testaments des bourgeois, mais aussi sur les autres documents de la memoria qui les complètent de manière notable. En effet, nous avons dit que les testaments ne rassemblaient pas toutes les demandes de suffrages des testateurs : ceux-ci ne commençaient pas à se soucier du salut de leur âme au moment de mourir.

7Un des types de fondations (perpétuelles) se détache nettement des autres par son nombre total d’une part, mais aussi par la proportion des testateurs qui y recourent : la messe-anniversaire (jartag, jarzeit, anniversarium), c’està-dire la célébration d’une messe des morts à date fixe, souvent, mais pas systématiquement, le jour-anniversaire de la mort du fondateur11.

8La solennité des anniversaires était variable – selon que le fondateur demande la présence de telle ou telle catégorie de clercs ou de laïcs, une sonnerie de cloches, ou prévoit une distribution de nourriture aux pauvres. La cérémonie était conçue comme une répétition des funérailles, avec une messe des morts le matin, précédée le soir précédent d’une vigile. Pendant la messe des morts, un catafalque était installé, couvert d’un linceul, pour figurer le défunt12. Pour accroître le nombre de personnes priant pour son âme, une petite somme pouvait être prévue pour chaque assistant, variable selon son statut (les prières d’un clerc étaient plus prisées). La publicité la plus grande était recherchée : les chartes précisent souvent que la cérémonie sera annoncée en chaire le dimanche précédent13. Certains fondateurs demandent expressément que les célébrations aient lieu quand l’affluence est spécialement forte, pour donner une visibilité accrue à leur fondation et attirer les prières14.

9Notre analyse des demandes d’anniversaires portera sur la période de 1308 à 1512 – la coupure de 1486, importante pour la composition du patriciat, n’est pas pertinente pour comprendre les attitudes face à la mort. Les 206 testateurs bourgeois de Ratisbonne de cette période commandent dans leurs testaments 226 anniversaires perpétuels pour eux-mêmes (seuls ou en incluant d’autres personnes dans la demande), loin devant les messes perpétuelles hebdomadaires ou quotidiennes (34 occurrences) ou les luminaires perpétuels (12). Comme les dernières volontés ne reflètent pas l’ensemble des fondations des testateurs, il est indispensable d’inclure dans nos calculs ces anniversaires demandés hors testament – si le risque d’un biais existe, restreindre le regard aux seules clauses testamentaires fausserait plus gravement les résultats. Nous avons ainsi recensé 37 anniversaires supplémentaires commandés par les 206 testateurs15.

Anniversaires et appartenance sociale

10La fondation de messes-anniversaires est fréquente, mais elle ne fait pas partie du viatique pour l’au-delà de tous les testateurs, loin s’en faut. Sur l’ensemble de la période, une bonne moitié des testateurs (50,49 %) demandent un anniversaire perpétuel. On se gardera de comparer ce chiffre, élevé, à ceux obtenus pour d’autres villes ou régions, tant les corpus considérés diffèrent dans leurs dimensions et leur représentativité. À Ratisbonne, la sollicitation d’anniversaires varie considérablement selon l’appartenance sociale des testateurs, comme le montre le tableau 7, qu’il faut prendre pour ce qu’il est : une indication de tendances, sur des effectifs souvent très restreints, ce qui peut expliquer quelques bizarreries ; on a divisé grossièrement la période en deux, une chronologie plus fine ne s’imposant pas pour des effectifs si réduits16.

11Sept patriciens sur dix, hommes comme femmes, fondent au moins un anniversaire, du début du XIV^e au début du XVI^e siècle. La proportion tombe à six sur dix chez les testateurs appartenant aux familles du deuxième cercle de l’élite politique de la ville – souvent moins fortunées que les lignages ratsfähig –, pour chuter à moins de trois sur dix chez ceux que l’on pourrait désigner sous le terme de « simples bourgeois », qui n’apparaissent pas sur le devant de la scène politique ou sociale dans la cité. Nous avons vu en première partie que la participation au pouvoir politique était presque systématiquement associée à la fortune, si bien que l’on ne s’étonne guère que les patriciens puissent davantage se permettre de fonder des anniversaires, au prix assez élevé (cinq livres tout au long de la période), que d’autres testateurs parfois très modestes. En revanche, les femmes fondent un peu plus souvent des anniversaires que les hommes, alors qu’elles sont souvent moins riches17. Nous serions tentés d’expliquer cela par le moins grand espoir qu’elles devaient entretenir que leur souvenir se perpétue par d’autres voies, étant donné que la mémoire du lignage s’appuyait surtout sur les hommes ; les possibilités de comparaison, qui pourraient nous éclairer, manquent malheureusement18.

12Les chiffres frappent par une grande stabilité dans le temps, puisque la part des testateurs fondant au moins un anniversaire passe de 53,09 % à 48,8 % entre le XIV^e siècle et un grand XV^e siècle, poussé jusqu’à 1512. On retiendra l’augmentation à l’intérieur des deux catégories plus abondamment représentées, patriciens et simples bourgeois, en remarquant que la petite baisse générale est imputable au recrutement social plus modeste des testateurs au XV^e siècle19. Cette stabilité générale s’accorde avec ce qui a pu être observé ailleurs, dans le Midi, dans le Lyonnais, ou à Stralsund : visiblement, les testateurs ratisbonnais, comme ailleurs, continuaient à fonder un anniversaire lorsqu’ils en avaient les moyens20.

Tableau 7. – Proportion de fondateurs d’anniversaires parmi les testateurs bourgeois ratisbonnais selon l’appartenance sociale (1308-1512).

Fondations pieuses et descendance biologique

13La situation familiale des testateurs, en particulier l’existence ou non d’une descendance légitime, influe aussi sur leur propension à fonder des anniversaires, comme le montrent les chiffres des fondations dans les testaments – nous excluons cette fois-ci les fondations hors testament, puisque la situation familiale peut avoir changé entre leur date et celle de l’acte testamentaire. On peut dire avec une assez grande sûreté pour 203 des 206 testateurs s’ils ont des enfants ou petits-enfants. Parmi eux, 69 en sont dépourvus, et 134 en ont ou espèrent un heureux événement au moment de la rédaction du testament. On distinguera ceux qui ont des fils ou des petits-fils en ligne masculine (99) de ceux qui n’ont que des filles (30), et ceux dont on ne connaît pas le sexe des descendants, qu’ils soient nés21 ou encore dans le sein maternel (5).

14Les testateurs sans descendance légitime fondent à 49,28 % un ou plusieurs anniversaires dans leur testament, alors que les testateurs avec enfants ou petits-enfants ne le font qu’à 41,04 %, sans différence notable selon que ceux-ci sont des garçons ou des filles (42,42 % contre 43,33 %). D’autre part, six testateurs qui ne fondent pas d’anniversaires déclarent le faire en deuxième intention, au cas où leurs enfants viendraient à mourir, comme Albrecht Mäller : « S’il arrivait que nos enfants meurent tous avant d’atteindre l’âge adulte, alors je veux qu’avec l’argent que je leur ai légué on me fonde trois anniversaires perpétuels22. »

15Plutôt que d’affirmer que les testateurs donnent plus à l’Église ou pour leur memoriaparce qu’ils n’ont pas d’héritiers à ménager, c’est-à-dire parce qu’ils ont plus d’argent à y consacrer, on préférera avancer que l’absence de descendants directs les force à trouver un autre moyen d’assurer leur postérité. Si la memoria liturgique est, comme les pratiques successorales, un effort pour continuer la vie, alors il est logique que les testateurs dépourvus d’enfants qui pourraient prier pour le salut de leur âme et perpétuer leur souvenir, religieux comme profane, y recourent plus que les autres et qu’ils multiplient les demandes de fondations pieuses : d’une manière ou de l’autre, ils ne se retrouvent pas tous seuls devant leur créateur quand l’heure a sonné. Le recours plus large à la memoria liturgique quand les enfants manquent ne se limite d’ailleurs pas à la fondation d’anniversaires : Lienhart Waiter fait de son fils unique son héritier principal dans son testament de 1378, en lui léguant la plus grande partie de ses biens fonciers. Il prévoit cependant, si son enfant mourait, que l’on redistribue sa part, et les substitutions ainsi opérées font passer les legs pieux de 33 livres environ à 135 livres, sans compter 70 livres supplémentaires accordées aux clercs et religieux23. La présence ou non d’une descendance bouleverse complètement son testament, même si ni lui ni les autres testateurs sans descendance ne négligent leur parentèle. Waiter lui donne 185 livres supplémentaires si son fils meurt24.

16En résumé, la proportion des fondateurs d’anniversaires parmi les testateurs varie selon le sexe – les femmes y sont légèrement surreprésentées –, l’appartenance sociale – les patriciens sont fortement surreprésentés –, et la situation familiale – les testateurs sans enfants procèdent plus souvent à des fondations que les autres –, et se montre relativement stable du début du XIV^e siècle à la veille de la Réforme. Les leçons de notre corpus sont tout autres lorsque l’on s’intéresse non plus seulement à la proportion des fondateurs d’anniversaires parmi les testateurs, mais au nombre d’anniversaires qu’ils réclament (tableau 8, qui s’appuie sur les mêmes données brutes que le tableau 7).

La baisse du nombre d’anniversaires demandés au XV^e siècle25

Tableau 8 – Le nombre de messes-anniversaires commandées par testateur concerné (1308-1512).

17Au XIV^e siècle, les patriciens se distinguent des autres testateurs par leurs fondations multiples, 4,43 en moyenne : au-delà de cas exceptionnels – Gumpprecht an der Haid en demande 2126 –, ces demandes multiples sont générales. Les testateurs des deux autres catégories ont des désirs beaucoup plus modestes, de l’ordre de deux anniversaires en moyenne, et jamais au-delà de cinq27. Ainsi, les patriciens, parce qu’ils en ont les moyens, s’efforcent de multiplier les solidarités, de se lier avec différentes communautés qui prieront pour le salut de leur âme. Cette attitude religieuse va sans doute de pair avec le désir de manifester leur puissance et surtout de disséminer le souvenir d’eux-mêmes le plus largement possible, et on imagine l’effet que devaient produire sur les contemporains de telles pratiques. On aurait en effet tort de banaliser ces fondations : une étude sur Hildesheim, qui y a recensé près de 400 anniversaires fondés au Moyen Âge tardif, fait remarquer qu’à raison de deux à trois nouvelles fondations par an dans les meilleures périodes, chacune d’entre elles constituait un petit événement – même si les célébrations, très fréquentes, n’avaient quant à elles rien d’exceptionnel28. Reprenons l’exemple de Gumpprecht an der Haid, qui fait célébrer son anniversaire dans les cinq couvents des Mendiant(e) s, chez les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, les Teutoniques, dans les trois collégiales de chanoinesses nobles, dans les trois Stifte de chanoines (la cathédrale – avec les huit confréries de saint Wolfgang –, St. Johann, Alte Kapelle), dans les monastères bénédictins de St. Emmeram et St. Jakob, tout cela à l’intérieur de l’enceinte, ainsi que dans cinq autres institutions hors les murs, mais proches de la cité29 : le jour de son anniversaire, son nom devait résonner dans toute la ville.

18La situation changea radicalement au XV^e siècle. Les patriciens, qui demeuraient aussi nombreux qu’au XIV^e siècle à fonder des anniversaires, ne les multiplièrent plus, si bien qu’ils atteignirent la même moyenne que le total des testateurs fondateurs (1,74), et qu’aucun testateur patricien ne fonda plus de trois anniversaires après 1410. La baisse ne s’observe pas dans ces dimensions chez les autres bourgeois, qui se trouvaient déjà à un niveau assez bas.

19Comment expliquer que les patriciens ne cherchent plus à démultiplier leur présence mémorielle ? Si les difficultés économiques qui frappaient la ville au XV^e siècle ne peuvent pas rendre compte du choix ou non de fonder un anniversaire, elles pourraient en revanche expliquer la baisse du nombre de célébrations fondées. Tous les patriciens pouvaient financer un anniversaire, mais certainement pas dépenser 200 livres pour 20 jartage, comme Gumpprecht an der Haid en 132530.

20Cependant, de manière générale, il est délicat d’attribuer à des modifications du cadre économique des changements de comportement religieux, comme l’évolution de la disposition à faire des legs pieux. Jacques Chiffoleau a montré que la générosité des habitants de la région d’Avignon ne dépendait pas vraiment de la conjoncture, et qu’ils continuaient malgré la crise à consacrer des sommes énormes à rassembler des suffrages31. Inversement, dans le plat-pays lyonnais la baisse des fondations pieuses continue après 1450, alors que la région connaît un nouvel essor économique32. Pour en revenir à Ratisbonne, si le tarif minimum était devenu inabordable au XV^e siècle, les couvents l’auraient sans doute baissé33. Margret Reich, qui donne plusieurs dizaines de livres pour sa memoria, ou Hans Kastenmair, chez qui les sommes atteignent quatre chiffres34, ne sont certainement pas dissuadés de fonder plus d’anniversaires par les tarifs. Leurs motifs relèvent plus sûrement de leur croyance à une autre économie du Salut ou de la volonté de déployer leur mémoire d’une manière différente de leurs homologues du siècle précédent.

21Les autres fondations relevant de la logique de répétition, ou instaurant une relation durable avec leurs différents participants, se rencontrent moins fréquemment dans la documentation ratisbonnaise. Par exemple, les luminaires perpétuels sont rares ; seuls douze testateurs en fondent35, auxquels on peut ajouter quelques autres fondateurs parmi les bourgeois de la cité36. À Ratisbonne, les possibilités de memoria perpétuelle autres que la messe sont beaucoup moins utilisées, et la puissance de l’eucharistie par rapport aux autres fondations est manifeste37.

22En effet, les messes perpétuelles hebdomadaires ou quotidiennes sont fondées en nombre assez important, eu égard à leur prix élevé. 34 messes perpétuelles sont fondées dans les testaments, dont quatorze au XIV^e siècle et 18 de 1401 à 1512 (sans compter les messes fondées en substitution à d’autres legs) : on retrouve la stabilité, sur toute la période, de la proportion de fondateurs parmi les testateurs qui caractérisait déjà les fondations d’anniversaires, mais à un niveau plus bas. L’appartenance sociale des fondateurs est sans surprises, seize des 34 messes étant fondées par des patricien(ne) s, sept par des personnes du deuxième cercle de l’élite, et neuf par de « simples bourgeois ». L’exemple de Wenzla Neupeck, qui veut que son souvenir soit entretenu dans son lieu de résidence, Ratisbonne, et dans son lieu d’origine, Tachau en Bohême, souligne bien que l’anniversaire ou la messe perpétuelle visent à recréer une solidarité. Celle-ci s’inscrit d’abord dans la famille : « Et pour lire cette messe, il faut prendre comme chapelain un de nos cousins (vetter) susmentionnés, s’il est devenu prêtre et est en vie, et ce sont nos plus proches parents qui doivent attribuer cette messe », dit Neupeck38.

23Neupeck était un immigré, mais son vœu d’associer sa famille à sa fondation ne s’explique pas par son déracinement ; en effet, le groupe familial est très souvent convoqué autour des fondations pieuses.

Le fidèle inséré dans les solidarités familiales

24Peter-Johannes Schuler considère l’anniversaire comme un contrat entre deux générations d’une même famille39. Souvent, les personnes chargées concrètement de fonder les anniversaires comme exécuteurs testamentaires sont les enfants du défunt qui ont ainsi la charge d’aider leur ascendant à gagner le Paradis40 ; d’un autre côté la fondation leur permet de conserver une relation avec le mort41. Certaines chartes précisent d’ailleurs que les proches parents doivent être chaque année prévenus à l’avance de la tenue de l’anniversaire, pour qu’ils puissent y assister42.

25De plus, le cercle des personnes pour qui l’anniversaire est célébré peut aussi embrasser plusieurs générations. Certains testateurs fondent des jartage spécifiquement pour leur frère, sœur, mère, belle-mère, mais ils demeurent des exceptions, et l’on imagine qu’ils peuvent chercher à tenir in extremis, au moment où ils espèrent eux-mêmes que leurs dernières volontés seront respectées, une promesse faite il y a déjà longtemps43. Les enfants n’apparaissent guère plus souvent44, les conjoints un peu plus (huit fois). Si l’on fonde peu d’anniversaires uniquement pour les autres, il est en revanche plus fréquent qu’on les associe à son propre anniversaire. Là encore, les conjoints sont les plus souvent nommés (24 fois), ce qui rejoint les observations de P.-J. Schuler pour qui les bourgeois mettent l’accent sur la communauté conjugale quand les nobles exaltent leurs origines et la continuité familiale45 ; les parents des testateurs, par exemple, n’apparaissent que cinq fois, et les grands-parents jamais46. Ces observations semblent bien confirmer la thèse d’une « famille des morts » sans profondeur généalogique, et où les collatéraux n’occupent que peu de place47. En revanche, au XV^e siècle, les chartes de fondations d’anniversaires promettent de célébrer la cérémonie en mémoire de « tous les défunts du lignage ». À la fin du XV^e siècle, presque toutes les quittances des couvents utilisent cette formule, certes stéréotypée, mais qui consacre l’intégration de la pensée lignagère dans la memoria48.

26À la fin du XV^e siècle, l’anniversaire n’est donc plus seulement une cérémonie répétant les funérailles du défunt, mais englobe la famille : ce glissement n’est pas la seule évolution de cette forme liturgique commémorative, qui a changé de nature tout au long de notre période. Par bien des aspects, elle a été affectée par l’autre type de célébrations mémorielles, celui de la logique cumulative.

Pompe et accumulation

27Les testateurs ratisbonnais continuent à la fin du XV^e siècle comme au début du XIV^e siècle à se soucier de commémorations perpétuelles, jusqu’au Jugement Dernier. Parallèlement à cela, ils commandent des célébrations liturgiques destinées à faciliter leur passage dans l’au-delà49. Il est bien difficile d’en conclure qu’ils croyaient alors consciemment à l’existence du Purgatoire et à un jugement particulier, d’autant plus que les sources ratisbonnaises n’en parlent jamais50. Tout au moins conviendra-t-on que l’accumulation de messes pendant la période de deuil et la répétition perpétuelle de commémorations relèvent de logiques totalement différentes. Il est cependant patent, d’une part, qu’une même personne pouvait tout à fait combiner dans un même acte, en particulier dans son testament, l’accumulation de messes à sa mort et la répétition perpétuelle d’actions liturgiques. D’autre part, il est permis de croire que les multiplications de messes et la pompe toujours plus grande qui leur était associée répondaient aussi à des considérations de distinction sociale.

28En Avignon, on l’a dit, les demandes de messes se sont multipliées dès le milieu du XIV^e siècle au point que Jacques Chiffoleau parle de « mathématique du salut » et « d’usage obsessionnel » de la messe pour les morts ; la même augmentation se constate à Lyon à peu près à la même époque51 ; dans le nord de la France, elle interviendrait près d’un siècle plus tard52. Une étude récente sur Stralsund conclut que la volonté d’accumuler les messes est presque inexistante au XIV^e siècle, émerge dans les soixante premières années du XV^e siècle et est un peu plus marquée à la fin du XV^e siècle.

29Cependant, elle demeura très largement en deçà des dimensions observées dans le Comtat Venaissin53.

30Qu’en était-il à Ratisbonne ? On y observe bien cette accumulation des messes si souvent décrite, mais la chronologie y est tout à fait particulière. En effet, le tout premier testament conservé, de 1308, demande déjà la célébration de 30 messes par jour pendant les quatre semaines suivant la mort de la testatrice. Si Gottfried Reich demande même douze messes quotidiennes jusqu’au bout-de-l’an, soit 4 380 messes54, on retrouve surtout ce vœu de 900 messes pendant le premier mois après le décès à 27 reprises dans le courant du XIV^e siècle. Cette pratique, qui coûtait quatre livres en général, soit presque le prix d’un anniversaire perpétuel, concernait donc au XIV^e siècle exactement un tiers des testateurs, au point que l’on pourrait parler de coutume chez ceux qui en avaient les moyens.

31Ces chiffres élevés, qui n’ont rien d’exceptionnel en comparaison d’autres régions55, ne se rencontrent plus, à une exception près56, au XV^e siècle dans la cité danubienne : la demande des 900 messes disparaît totalement après 139657. Cela ne signifie pas que la logique d’accumulation des suffrages avait disparu. En revanche, elle s’exprimait différemment, en empruntant d’autres formes, délaissant l’usage inflationniste des messes pour se concentrer sur quelques actions liturgiques particulières, la jarmesse, le trentain, l’annuel.

32Nombreux sont les testateurs qui, tout au long du XV^e siècle, demandaient une jarmesse, une messe quotidienne jusqu’au bout-de-l’an, en complément de funérailles comportant de nombreuses messes. Konrad Wendlinger désire en 1401 300 messes à son décès plus une messe par jour pendant un an à la Ahakirche58. Elspet Schleicher, une jeune fille de condition assez modeste, donne en 1469 un gobelet pour 30 messes chez les Dominicains et autant chez les Augustins lors de ses funérailles59.

33L’exemple d’une autre Elspet, Lausser, en 1404 permet de mettre en évidence l’évolution du XIV^e au XV^e siècle60. Trois temps se dégagent de ses dernières volontés : le jour des funérailles, le trentain, et une période d’un à deux ans. Pour ses funérailles, cette patricienne ne désire qu’une cérémonie, à laquelle trois confréries doivent être présentes. Au XIV^e siècle, c’est ainsi que les testateurs procèdent, avec des cérémonies de funérailles (begängnis) seulement dans le lieu où ils seront enterrés. Au XV^e siècle au contraire, ils aspirent très régulièrement à des cérémonies célébrées non seulement dans l’église auprès de laquelle ils seront inhumés, mais également dans d’autres églises en parallèle, en particulier chez les Mendiants, même si Elspet Lausser ne le fait pas61. Ainsi alors que deux testateurs demandent un begängnis chez les Augustins au XIV^e siècle, ils sont 20 au XV^e et au début du XVI^e, et les chiffres sont à peu près équivalents pour les Franciscains (deux et 22) et les Dominicains (un et 22). Il s’agit donc bien là d’une volonté croissante de faire participer les couvents mendiants aux funérailles à côté de la véritable cérémonie (et non pas de se faire inhumer chez eux, car le nombre d’enterrements chez les Mendiants reste très faible, pour ce que les sources nous en disent)62 : la tendance à l’accumulation est nette.

34Le deuxième temps est celui du trentain. Ce mot désigne tout à la fois les trente jours après la sépulture et une série de trente messes basses (trentain grégorien)63. Elspet demande des trentains grégoriens, à huit prêtres pauvres, mais elle veut aussi que la période des trente jours soit fêtée spécialement, dans les trois couvents masculins des ordres mendiants. Au XIV^e siècle, un testateur sur deux demande que ce premier mois après la mort soit l’objet de liturgies particulières (40 sur 81) ; au XV^e et au début du XVI^e siècle, cela est devenu presque systématique (89 sur 125), avec des cérémonies pour le jour de la sépulture, au septième et au 30^e jour, en particulier. Le trentain s’apparentait d’autant plus à une coutume automatique que l’absence de mention dans le testament ne signifie pas qu’il n’était pas fêté. Ainsi Margret Eckhart n’en parle pas du tout dans ses dernières volontés, mais les comptes de son exécuteur testamentaire Jakob Perndl présentent bien des dépenses spéciales pour cette période, aussi bien pour payer des messes que pour des aumônes aux pauvres64. Toutefois, les exceptions existent, et on peut partir du principe que le trentain n’était pas demandé lorsque les testateurs multiplient les détails dans les demandes de messes sans indiquer de trentain65.

35Enfin le dernier temps du deuil avait des contours assez flous. Elspet Lausser demande que sa paroisse (St. Kassian, qui est la paroisse de l’Alte Kapelle) et les trois ordres mendiants la commémorent pendant deux ans, et que la paroisse cathédrale, mais aussi celles de Niedermünster et de St. Emmeram le fassent pendant un an après sa mort. La période d’un an est la plus fréquente (d’où le nom d’« annuel »), celle de quatre ans se rencontre souvent, deux ou cinq ans beaucoup plus rarement66.

36Que conclure de ces quelques observations ? Jacques Chiffoleau a mis en avant une certaine forme d’individualisation de la mort en Avignon à la fin du Moyen Âge : en choisissant leurs suffrages, en commandant les messes au détail, les fidèles organiseraient leur mort et façonneraient leur piété, moins étroitement contrôlée par l’Église ; cette évolution allait de pair avec l’accumulation des messes67. On constate bien, à Ratisbonne, une attention accrue à la période du deuil, suivant immédiatement la mort. Mais dans la cité danubienne, l’impression de liberté de choix des laïcs ne s’impose pas. Certes, tel testateur du début du XVI^e siècle voulait que le prêtre célébrant sa messe hebdomadaire pendant la première année suivant son décès lise la Passion à la suite de la messe68 et, quinze ans auparavant, tel autre fondait une procession à l’Alte Kapelle en précisant jusqu’à la phrase que le prêtre devait dire pour inviter l’assemblée à prier pour lui69. Mais le poids de la coutume paraît encore bien plus fort que l’appropriation de la piété par les fidèles : au XIV^e siècle, presque tous les testateurs désirant un grand nombre de messes s’arrêtent à 900 ; et au milieu du XV^e siècle, une testatrice peut encore demander qu’on lui célèbre son trentain comme la coutume de Ratisbonne le prévoit70.

37D’autre part, même si la logique cumulative existe aussi à Ratisbonne, il serait abusif de parler d’un usage obsessionnel de la messe, et la tendance est même négative puisque les nombres de messes les plus élevés se rencontrent au XIV^e siècle plutôt qu’au XV^e. Certaines caractéristiques de l’obsession de l’eucharistie présentée par Jacques Chiffoleau se retrouvent tout de même, notamment la contamination des célébrations perpétuelles, répétitives, par la logique cumulative, par exemple lorsqu’un anniversaire comporte plusieurs messes basses et pas seulement une messe des morts, ce qui est plus régulièrement demandé à la fin du XV^e siècle qu’au XIV^e, mais sans que l’on constate une inflation eucharistique exceptionnelle71. En revanche, les cérémonies de funérailles sont de plus en plus souvent célébrées dans plusieurs églises à la fois. Aussi, plutôt que d’évoquer l’accumulation des messes, il serait plus juste de caractériser l’évolution comme la recherche d’une multiplication des amis mobilisés pour le passage dans l’au-delà : demander 90 messes dans une église donnée ou 30 dans trois églises différentes ne revient pas au même ; dans le second cas, l’accent est mis sur la création de solidarités. D’ailleurs, les modalités de l’exécution des fondations et les stratégies mises en place pour la garantir insistent aussi sur les relations sociales créées entre les différents acteurs.

Rassembler : l’exécution des fondations pieuses

38La volonté de voir leurs fondations effectivement célébrées perpétuellement était très fortement ancrée chez les fidèles, et le fut longtemps après la période qui nous intéresse. On rencontre ainsi au dos de nombreuses chartes des notes du XVIII^e siècle s’étonnant que les messes fondées au XIV^e ou XV^e siècle ne soient plus célébrées72. Pourtant les difficultés d’exécution arrivaient souvent beaucoup plus vite.

39Les anecdotes sur l’héritier refusant de respecter les dispositions pieuses d’un testateur – malgré les menaces des conciles – relèvent du topos73. Les exemples ne manquent pas à Ratisbonne de fondations non financées par les enfants ou autres héritiers, par impossibilité ou refus ; c’est le cas des Lech, vers 1450, qui négligeaient de payer la messe fondée chez les Franciscains par leur ancêtre Heinrich, mort vers 139874. Mais les difficultés d’exécution provenaient aussi des bénéficiaires, qui n’assuraient pas toujours les célébrations correspondant aux dons qui leur avaient été faits. Or il était visiblement très difficile de leur retirer le bénéfice donné. Le bourgeois Otto Krondorfer avait en 1299 fondé un anniversaire à l’hôpital St. Katharina, ainsi que « la distribution aux malades de l’hôpital, chaque vendredi de Carême, d’un hareng75 ». Quarante ans plus tard, Paltram Gumpprecht, son exécuteur testamentaire, se plaignit que la distribution n’était pas aussi généreuse qu’elle aurait dû être76. Pour arbitrer le conflit, deux prêtres furent choisis, qui donnèrent raison à l’hôpital, à qui la fondation fut de nouveau attribuée, non sans indiquer, cette fois, la quantité exacte de nourriture à délivrer aux malades, ce qui suggère que les récriminations de Gumpprecht n’étaient pas infondées77. La plainte des Paulser, lignage chevaleresque des environs de Ratisbonne, connut elle aussi une issue similaire. Ils reprochèrent en 1459 à l’hôpital St. Katharina de ne plus célébrer les quatre anniversaires fondés par leur ancêtre Heinrich von Paulsdorf en 1340, et de ne pas payer non plus les amendes prévues en cas de négligence. La ligne de défense de l’hôpital consistait à dire qu’il n’existait pas de trace écrite de cette fondation, alors même que les plaignants invoquaient une charte pourvue du sceau de l’hôpital ; finalement, les arbitres imposèrent à l’hôpital de célébrer désormais les anniversaires. Cette histoire éclaire parfaitement le problème de la pérennité des fondations : les 120 ans écoulés depuis l’origine de la fondation n’empêchaient pas les descendants de vouloir qu’elle soit respectée, mais semblent avoir été assez longs pour que l’hôpital ait pu feindre l’ignorance78.

40Dans ces conditions, il était prudent que les fondateurs mettent en place des moyens de contrôle, au-delà du choix des couvents ou églises ou de la simple mise par écrit de la fondation, régulièrement demandée79. Un système d’amendes était prévu en cas de non-respect des clauses des fondations. Certaines mesures reposaient sur le contrôle de l’établissement même où la messe – ou une autre action liturgique – devait être célébrée, comme pour l’anniversaire de Niklas Schwaiger chez les Dominicains de Ratisbonne. Ceux-ci promettent qu’en cas d’oubli du service, « le prieur et deux frères parmi les plus âgés du couvent seront mis au pain et à l’eau jusqu’à ce que l’anniversaire soit célébré comme prévu80 ».

41Cependant, le contrôle reposait bien plus sur l’implication d’autres institutions ou d’autres personnes dans l’exécution des commémoraisons. De nombreuses chartes prévoient qu’en cas d’oubli de la célébration le couvent fautif devra remettre la rente annuelle à une autre institution, très souvent l’hôpital St. Katharina ou la léproserie St. Lazarus, parce que l’argent profiterait ainsi, le cas échéant, à une œuvre pieuse81. Deux autres raisons peuvent être invoquées : les deux établissements étaient contrôlés par la commune, on le verra, et jouissaient donc d’une grande confiance chez les bourgeois, mais surtout les hôpitaux étaient à même d’être bien informés de la tenue ou non des anniversaires, puisque dans bien des cas une distribution d’aumône dans les hôpitaux leur était associée : il leur était donc facile de constater des manquements82. Les hôpitaux étaient devenus des spécialistes du contrôle ; ils étaient choisis pour cette tâche également lorsqu’aucune aumône n’était prévue, et recevaient alors un exemplaire de la charte de fondation83.

42Le contrôle des proches était également essentiel. L’annonce de la tenue de l’anniversaire aux parents servait certainement aussi à vérifier qu’il serait bien célébré84. Plusieurs chartes de fondation indiquent d’autre part que leur porteur – sans doute les héritiers du fondateur – pouvait aller réclamer les amendes au couvent en cas de négligence85. Mais surtout, les exécuteurs testamentaires étaient mis à contribution. Ceux de Heinrich Sintzenhofer, qui avait fondé quatre anniversaires à célébrer aux Quatre-Temps, devaient assister à chacun d’entre eux – et recevaient pour cela six deniers de présence – « pour que les anniversaires et l’aumône [qui les accompagnait] ne tombent pas en désuétude86 ».

43L’organisation du passage dans l’au-delà évolua fortement entre le début du XIV^e et le début du XVI^e siècle. Les fidèles demandaient durant toute la période des chapellenies ou des anniversaires, mais en nombre décroissant. Cette diminution des liturgies perpétuelles se répétant jusqu’au Jugement Dernier ne fut pas compensée par une accumulation de demandes d’intercessions pendant la période de deuil. À l’instar de ce qui avait déjà été vu pour la ville de Stralsund87, la mathématique du salut, dont on rencontre seulement certains traits sur les rives du Danube, ne fut pas aussi poussée que dans le Midi français. Certes, les funérailles sont organisées avec plus de soin, les cérémonies sont démultipliées et plus flamboyantes. Même si les fidèles commandent des messes des morts en assez grand nombre, on ne peut pas parler d’obsession eucharistique. C’est pourquoi, finalement, même si les sources ne nous permettent pas de calculer les sommes investies à telle ou telle époque, il semble bien que les fidèles dépensaient moins pour leur memoria liturgique à la toute fin du Moyen Âge qu’un siècle auparavant – y compris ceux qui auraient eu les moyens de faire autrement.

44Nous avons vu que la volonté de réunir des réseaux de solidarités autour de soi caractérisait la memoria des bourgeois de Ratisbonne. D’ailleurs, les testateurs privés de descendance déploient une memoria liturgique plus riche que les autres, en compensant l’absence de réseaux de solidarité naturels en multipliant les intercesseurs. Dans ces conditions, comment expliquer que, par exemple, le nombre des anniversaires demandés ait baissé au point que même les riches patriciens ne se souciaient plus, au XV^e siècle, d’en faire célébrer par de nombreux couvents, mais se limitaient à un ou deux ? Pour répondre à cette question, il faut s’intéresser au choix des intercesseurs pressentis par le fidèle pour l’aider à gagner le Paradis.