Chapitre II. Des deux côtés de la barricade. La garde pendant les journées de Juin
p. 63-106
Texte intégral
1Les journées de Juin mettent à l’épreuve la cohésion et le loyalisme de cette jeune garde de la République. Lors de ces journées, la garde républicaine, comme la garde nationale, est divisée. Si des gardes conservés dans la nouvelle organisation se trouvent derrière les barricades, parallèlement, certains gardes récemment licenciés défendent le Gouvernement, alors que d’autres rejoignent les rangs des insurgés. Il est nécessaire de rendre compte de la multiplicité des trajectoires de ces individus gardes et ex-gardes dans l’insurrection, des deux côtés de la barricade, afin de mieux comprendre la réalité de cette guerre civile.
2Seront plus particulièrement étudiés les parcours individuels des gardes et ex-gardes qui font l’objet d’une procédure judiciaire. Les dossiers des inculpés de Juin constituent en effet une mine d’informations. Grâce à ces dossiers, il est notamment possible de détailler les circonstances des combats mais aussi les négociations qui les précèdent. Ces sources permettent en outre de déceler les motivations, parfois très personnelles, du passage à l’émeute et de confronter les versions des protagonistes ou des témoins. Le formalisme des documents et de la procédure facilite par ailleurs ces recoupements. Mais l’utilisation des sources judiciaires nécessite un certain nombre de précautions. La transcription du greffier biaise sans doute les déclarations. Les questions du juge d’instruction conditionnent les réponses. La mise en mots et les sens des mots appellent une autre série de mises en garde1. Cette parole est largement instrumentalisée par l’accusé comme par l’accusateur. Les explications, aussi confuses et peu crédibles sont-elles, sont des intentions qui visent à disculper, à influencer l’opinion du juge. Nous en sommes conscient, mais l’étude du discours des gardes n’est pas notre sujet. En conséquence, nous avons retenu de ces déclarations les faits, qui sont – du moins théoriquement – vérifiables, au risque parfois d’entendre les gardes sans les écouter.
3Toujours grâce principalement aux dossiers d’inculpation, nous détaillerons en outre certaines « affaires », qui ont eu lieu au cours de l’insurrection, impliquant des gardes, avec pour objectifs d’apprécier si les condamnations sont proportionnées aux faits reprochés, et surtout afin de tenter de comprendre comment fonctionne la justice des commissions militaires2 et des conseils de guerre. De plus, les procédures judiciaires nous renseignent autant sur la nature de la répression que sur les individus qui en furent victimes3. À partir de l’examen des gardes inculpés, nous ébaucherons ainsi une étude de la – ou plutôt des – justice(s)4 de Juin.
4Dans les listes des inculpés de Juin, les gardes républicains en activité sont assez aisément repérables5. Les anciens gardes, Montagnards, Lyonnais, etc., sont en revanche beaucoup plus difficiles à isoler. Si pour beaucoup d’entre eux, la mention « ex-garde républicain », « ex-montagnard », etc., figure au côté de leur profession ou dans la colonne « Observations », pour d’autres, la liste des inculpés n’est d’aucun secours. On connaissait trois inculpés de Juin grâce à l’étude préalable de l’implication des ex-gardes dans la résistance au coup d’État6. D’autres noms sont également apparus au cours de la lecture des dossiers d’inculpés, de la consultation des derniers cartons de la sous-série 6 J à Vincennes7, ou encore du dépouillement d’archives d’autres dépôts8. Les listes publiées par Le Moniteur9 ont également été utiles. Il existe par ailleurs des traces d’autres arrestations sans qu’il ait été possible d’identifier les personnes concernées10. Malgré ces recherches laborieuses, il est donc certain que des gardes ou des ex-gardes ont échappé à nos investigations11.
5Nous avions répertorié 241 références de dossiers car de très nombreux inculpés possèdent plusieurs numéros de dossiers, même si, dans la plupart des cas, un seul de ces dossiers conserve l’ensemble des pièces. Il faut également signaler que des inculpés possèdent des références de dossier communes. D’autre part, les cartons 6 J 82 à 6 J 88 sont en déficit. Onze dossiers font ainsi défaut et, parmi ces dossiers, deux individus n’ont qu’un seul dossier12. Il manque en outre six dossiers concernant trois personnes13. Au total, nous avons pu consulter 226 références de dossiers répartis dans 112 cartons. Seuls 139 dossiers sont conséquents, dont six dossiers d’exgardes municipaux. En fin de compte, ont été listés 152 individus, gardes, ex-gardes, et même ex-gardes municipaux, car il nous a paru également intéressant d’observer le parcours de ces derniers. À ces individus s’ajoutent seize noms d’ex-gardes ou gardes soupçonnés ou arrêtés, mais qui n’ont pas de numéro de dossier14.
6Ces informations nominatives ont été complétées par l’étude des dossiers de grâce existants15. Les archives de la commission d’enquête sur l’insurrection du 23 juin et les événements du 15 mai 184816, les procès-verbaux des conseils de guerre, la correspondance générale du ministère de la Guerre, la presse, les récits des journées ainsi que les mémoires des contemporains ont également été étudiés17.
7Dans un premier temps, il est nécessaire de procéder à une mise au point sur le rôle de la garde républicaine pendant les temps forts des journées. À la suite de cette histoire bataille, seront présentés le bilan des combats pour ce corps ainsi que le traitement judiciaire des gardes et ex-gardes inculpés. La marqueterie de destinées individuelles oblige à une analyse fine, microscopique. En cela, nous nous inspirons particulièrement des travaux de Jacques Rougerie, Laurent Clavier et Louis Hincker18, et notamment de l’approche « sociobiographique » que ce dernier développe dans sa thèse. Il reste entendu que cette méthode qui privilégie l’individu n’apporte qu’un éclairage parmi d’autres et qu’il existe d’autres façons d’étudier la garde en Juin. La dernière partie de ce chapitre exposera l’intérêt de cette approche, « personnalisée » à l’objet étudié ici, pour la compréhension globale de l’insurrection. En retraçant ces trajectoires, personnelles et des groupes, en utilisant la loupe et la jumelle, en observant les deux côtés de la barricade en simultanée, nous espérons rendre compte de la complexité de cet événement singulier et multiple.
Devant et derrière les barricades
8Il est difficile d’établir avec précision l’ensemble des actions des gardes lors des journées insurrectionnelles. La garde républicaine s’est en effet trouvée engagée sur tous les fronts. L’ordre de bataille reproduit dans l’historique du corps de 1908 peut servir à retracer les déplacements des différents détachements de la garde. Il s’est révélé, confronté à d’autres sources, globalement exact. Mais les documents d’archives concernant la garde sont généralement lacunaires. En outre, la presse et les contemporains – quand ils parlent d’elle – se focalisent sur un événement significatif ou sur une anecdote. Par ailleurs, amnésie volontaire ou insuffisance d’informations, les récits de Juin ne font pas tous mention des cas de défection ou de ralliement à l’émeute.
9Notre objectif de suivre les gardes et ex-gardes, parfois face à face, parfois ensemble, amène à privilégier les situations délicates et complexes au détriment de faits d’armes univoques, aussi glorieux sont-ils. Or les sources judiciaires éclairent particulièrement les moments obscurs. L’exploitation des dossiers d’inculpés permet de clarifier quelques épisodes particulièrement confus de l’histoire de la garde en Juin : la bataille de la rue du faubourg du Temple, les combats de la barricade du Petit-Pont, la défense de la caserne des Célestins et l’envahissement de la caserne des Tournelles. Entraînant leurs lots d’arrestations et d’inculpations, il existe pour ces moments-clés des informations d’une grande précision. Ces scènes illustrent en outre la fureur des combats de cette guerre civile. Ces tableaux rappellent que la barricade est une frontière perméable et mouvante. Ces quatre actes permettent enfin d’observer simultanément les destins des gardes et des ex-gardes, devant et derrière les barricades.
Le 23 juin 1848
Au faubourg du Temple
10Lorsque les trois premières compagnies du 1er bataillon de la garde républicaine arrivent à la barricade dressée à la hauteur de la rue Saint-Maur, elles trouvent face à elles d’anciens Montagnards19. Une première version des faits confirme que, dans un premier temps, la garde a été proche de fraterniser20. Ce témoignage nous rappelle que devant presque toutes les barricades, les forces gouvernementales tentèrent de négocier, si ce n’est une reddition, du moins une dispersion des insurgés21. Mais à cette barricade de la rue du faubourg du Temple l’affrontement est inévitable. Ce combat est sans doute un des plus meurtriers qu’ait connu la garde en Juin. Le récit d’un des capitaines du corps présent sent la poudre et le sang.
« Je vous écris au crépitement des mousquets, au grondement des canons. À deux heures, nous avons pris à la pointe du Pont-Notre-Dame trois barricades ; plus tard, nous marchâmes sur la rue Saint-Martin et nous la traversâmes dans toute sa longueur. Arrivés sur le boulevard, nous constatons qu’il est abandonné et désert, comme à deux heures du matin. Nous remontons le faubourg du Temple ; avant d’arriver à la caserne nous faisons halte. À deux cents pas plus loin, s’élève une formidable barricade, appuyée par plusieurs autres et défendue par deux mille hommes environ. Nous parlementons avec eux pendant deux heures. Vainement ! Vers six heures arrive enfin l’artillerie ; alors les insurgés ouvrent les premiers le feu.
Les canons répondent et, jusqu’à neuf heures, le grondement des pièces fait voler en éclats les fenêtres et les tuiles ; c’est un feu épouvantable. Le sang coule à torrents en même temps qu’éclate un orage terrible. À perte de vue le pavé est rougi de sang. Les gens tombent sous les balles des insurgés ; ils se défendent comme des lions. Vingt fois nous marchons à l’assaut, vingt fois nous sommes repoussés. Le nombre des morts est immense, le nombre des blessés encore beaucoup plus grand. À neuf heures, nous prenons la barricade à la baïonnette. […] Sur 112 de mes hommes, j’en ai perdu 5322. »
11Ce témoignage correspond au déroulement de ces combats relatés dans l’historique de 1908. Cet historique reconnaît que le commandant Lebris, chef du 1er bataillon, parlemente avec les insurgés, mais seulement, dit le texte, afin de gagner du temps et de permettre l’arrivée des renforts demandés au général Bedeau23. Cette déposition corrobore également la version d’un des trois capitaines présents au faubourg du Temple24. Quoi qu’il en soit, une fois le combat engagé, les gardes républicains présents sur les lieux se dispersent.
12Face à la détermination des insurgés à résister, certains gardes, récemment militarisés, tentent effectivement d’éviter le combat. La faiblesse du nombre des munitions est par ailleurs soulignée par tous les gardes arrêtés à cette occasion25. D’autre part, les bonnes dispositions dont font preuve des insurgés envers la garde, affaiblissent sans doute également la combativité des gardes. Le garde Legros explique : « Mon commandant, mon lieutenant sont montés plusieurs fois vers la barricade pour parlementer ; on leur a répondu qu’on ne laisserait passer que la garde républicaine26. » Le garde Hartmann indique : « Aussi ne fus-je que médiocrement étonné au moment où le feu dût commencer, de voir qu’une grande partie du détachement refusaient positivement de faire feu, d’autres même menacèrent de faire feu sur celui qui dirigerait son arme contre les ouvriers, beaucoup aussi disparurent, ce fut alors une véritable confusion, néanmoins un certain nombre composé en majeure partie d’anciens militaires, obéit à la voix du commandement27. » L’historique de 1908 (p. 113) explique qu’un mouvement de panique faillit s’emparer des gardes nationaux présents. En réalité, il s’empare d’une partie des troupes et des gardes républicains28. Il apparaît, à la lecture des dossiers, que dans l’après-midi, des gardes apeurés se réfugient dans les maisons de la rue du faubourg du Temple, en amont de la barricade. Les défections sont nombreuses. Par exemple, quatorze mobiles et quatre gardes républicains se réfugient au no 67 de la rue29. Nombre de ces soldats affirment avoir pénétré dans les maisons afin de mettre à l’abri les blessés et de pouvoir les soigner. On en trouve ainsi aux numéros 46 et 54, 62, 67 et 69. Ils y restent quelques heures ou plusieurs jours – jusqu’au lundi 26 juin pour certains. Le garde Blanc, qui a perdu sa compagnie lors des combats, va lui se battre avec le 12e bataillon de la garde mobile jusqu’au lundi30. Cet exemple est exceptionnel. En effet, très rares sont ceux, parmi les inculpés étudiés, qui reprennent le combat après avoir perdu ou quitté leur compagnie.
13Parallèlement, dans la lutte au faubourg du Temple, des gardes se distinguent. Le commandant Lebris mène l’assaut et succombe à ses blessures. Le tambour Bonnigal bat la charge jusqu’à ce qu’il tombe, épuisé par une hémorragie au pied. L’adjudant de cavalerie Pontis se fait également remarquer par sa bravoure31. Par ailleurs, il est possible qu’une partie des gardes, alors à l’écart du feu, ait réclamé de participer aux combats. « Le général Cavaignac est sur la place de la Concorde, entouré de la garde républicaine, qui lui demande avec enthousiasme de marcher sur les barricades32 », peut-on lire dans un ouvrage anonyme. L’historique de 1908 précise également que la 5e compagnie réclame « l’honneur de marcher au feu33 ». Cette compagnie se battra les 24 et 25 juin lors de la prise des barricades de la rue du Delta et du faubourg Poissonnière.
14À l’issue du combat du Temple, un rapport du préfet de police masque l’ampleur des défections dans les rangs de la garde : « Dix heures et demie du soir. Les gardes républicains mentionnés dans un précédent rapport ne sont pas passés aux insurgés. Ils font leur devoir à la barricade de la rue du faubourg du Temple qui est enlevée. Nous gagnons du terrain34. » Cependant des échos différents parviennent au Gouvernement sur l’action, moins flatteuse, d’une grande partie des gardes au faubourg du Temple. Les nouvelles de la lutte au Petit-Pont vont encore accroître la méfiance des autorités vis-à-vis de la garde.
Au Petit-Pont
15Dès le rassemblement opéré place de l’Hôtel-de-Ville, le commandant Baillemont part avec une colonne pour dégager l’île de la Cité. Il enlève d’abord sans grande résistance trois barricades rue Planche-Mibray35 – qui prolongeait alors la rue Saint-Martin jusqu’au pont Notre-Dame –, puis trois autres, également faiblement défendues, rue de la Cité. L’historique de 1908 prétend que les insurgés aidèrent à rétablir la circulation avec les gardes. Ces compagnies engagées dans les combats de la Cité sont les premières qui arrivent au Petit-Pont.
16D’après le dossier d’information générale sur les événements du Petit-Pont36 et les vingt et un dossiers d’inculpés pour cette affaire, la 2e compagnie du 1er bataillon, les 1re, 2e et 3e compagnies du 2e bataillon et les 2e, 3e, 4e, 5e, 6e compagnies du 3e bataillon ont pris part aux combats. L’emploi de huit compagnies révèle l’importance de la résistance. En effet, là se dresse une véritable citadelle, qui a impressionné les contemporains, constituant une « synthèse de la barricade composite – le “tas d’ordures” hugolien – et de la barricade forteresse37 ». Il s’agit d’un réseau de quatre barricades « l’une élevée à l’entrée de la rue du Petit-Pont, la seconde à l’entrée de la rue de la Huchette, la troisième à l’entrée de la rue de la Bucherie, la quatrième à l’entrée du pont de l’Hôtel-Dieu38 ». La comtesse d’Agoult rapporte que « trois fois, à la seule barricade du Petit-Pont, la troupe, saisie de panique, a refusé de marcher39 ». Quel fut le déroulement exact des opérations ?
17Il est environ une heure lorsque le commandant Baillemont s’avance et commence à parlementer avec quelques insurgés. Le capitaine Barrier, commandant la 2e compagnie du 3e bataillon, décrit la scène : « Je n’entendis pas la conversation et le commandant nous fit avancer l’arme au bras. Une forte décharge nous accueillit. Beaucoup d’hommes de ma compagnie furent tués ou blessés. Je fis continuer la marche. À la deuxième décharge j’ai commandé de commencer le feu. J’ai donné ordre à mes hommes de s’embusquer dans les embrasures des portes et de prendre position en part égale aux hommes de ma compagnie qui restaient valides40. » Baillemont, déjà blessé précédemment, est atteint d’un coup de feu vraisemblablement tiré par Mazin, un sergent de la garde républicaine licencié41 et cette affaire dans l’affaire ressemble à un règlement de compte42. En réelle difficulté au Petit-Pont, les gardes reçoivent un faible renfort composé d’une quarantaine d’hommes du commandant Dejean du 3e bataillon de la 9e légion de la garde nationale, du commissaire de police du quartier, Retourné, ainsi que d’un commandant et de quelques élèves sans armes de l’École polytechnique43. Puis, le lieutenant-colonel de Vernon avec les 5e et 6e compagnies du 3e bataillon les rejoignent. Le combat reprend avec son lot de défections et de prisonniers.
18Le lieutenant François Chameau de la 1re compagnie du 2e bataillon a raconté quel fut sort quand il parvient avec ses hommes lors d’un assaut de l’autre côté de la barricade44. Le capitaine de la garde, Diétrich, qui a également franchi la barricade à ce moment, affirme, lors de son procès, que ce ne sont pas moins de cent cinquante gardes des 1re, 2e et 3e compagnies du 2e bataillon qui sont alors entourés par environ cinq cents insurgés45. Des gardes sont désarmés, d’autres peuvent s’enfuir, d’autres encore se cachent dans les maisons alentour. Un certain nombre de gardes se joignent aux insurgés volontairement. La présence d’ex-gardes et Montagnards derrière la barricade du Petit-Pont a sans doute favorisé les fraternisations. D’autres en revanche sont forcés de faire le coup de feu. Des gardes expliquent en outre à leur décharge : « Mes chefs se cachaient les premiers, j’ai fait comme eux46 », ou encore : « Nos chefs ont levé la crosse en l’air et nous avons fraternisé47. » S’il existe une réelle propension à la fraternisation, les défaillances des officiers ont encouragé les défections. De plus, les gardes connaissent mal leurs cadres. Le garde Michelon explique que l’« on avait recomposé la compagnie trois ou quatre jours avant » et qu’il ne savait pas les noms de ses nouveaux chefs48. En outre, des officiers, le capitaine Cressant et le lieutenant Liémance, de la 2e compagnie du 3e bataillon, ont été tués dès la première décharge. Enfin, au milieu du grand désordre qui suit l’arrivée massive des insurgés, les gardes perdent de vue leurs officiers. Si certains officiers parviennent à s’enfuir, le lieutenant Lacoste reste quant à lui avec les gardes prisonniers, tout comme le lieutenant Basset, de la 3e compagnie du 2e bataillon, qui sera libéré dans la soirée. Le garde Cazabonne prétend que ces officiers ne se sont pas mis à la disposition des insurgés et ne leur ont pas proposé leurs services49. Accusé cependant de n’avoir pas cherché à empêcher ses hommes de tirer depuis les fenêtres, Basset explique qu’il était « depuis trop peu de temps dans la garde républicaine et trop peu sûr de [ses] hommes pour [se] hasarder de donner des conseils à ceux-ci50 ».
19Le capitaine Barrier, pris lui aussi dans la nasse barricadée, est un ancien officier de l’armée, condamné politique sous la Restauration, blessé et décoré de Juillet. Il a été nommé officiellement au grade de capitaine d’infanterie de la garde républicaine, le 9 juin 1848, mais il était présent à l’Hôtel de Ville depuis le 24 février. Il y restera jusqu’au 5 juillet. Il prend le commandement de sa compagnie seulement six jours avant le début de l’insurrection51. Aucune source ne permet de mettre en doute son courage lors des combats de la Cité et de la barricade du Petit-Pont. Le « mémoire justificatif52 », que Barrier produit quelques mois plus tard pour protester contre son exclusion de la garde, n’apporte aucun élément sur cet épisode. Les témoignages élogieux que l’on y trouve ne concernent pas le combat du Petit-Pont. Les « calomnies occultes » dont il se dit l’objet – mais dont il affirme étonnamment ne pas connaître la teneur – ont-elles un rapport avec la façon dont il est sorti de la barricade ? Il est probable que sa tentative de médiation et ses « connaissances » parmi les insurgés lui ont finalement été préjudiciables. Il ne sera pas inquiété par la justice de Juin, mais il sera licencié de la garde le 25 juillet 1848.
20Alors que certains officiers médiateurs et/ou faits prisonniers n’ont pas été inquiétés, Diétrich fut un des seuls officiers pris dans la barricade du Petit-Pont à être inculpé53. L’activité bien visible du capitaine Diétrich, auprès d’insurgés qu’il connaît sans doute, a été perçue comme une trahison, une collusion. Pourtant, d’autres officiers ont cherché à éviter l’effusion de sang. D’après l’historique de 1908, le lieutenant Lacoste et le médecin militaire Menessier tentent eux aussi chacun à leur tour une « démarche de conciliation54 ». Mais l’heure n’est plus à la négociation.
21En fin d’après-midi, « les insurgés ont repris positions dans les barricades du Petit-Pont et pont Saint-Michel. On remarque parmi eux un sous-officier de la garde nationale et plusieurs gardes républicains. La rue de la Harpe, tout le quartier de la Sorbonne, sont occupés par les insurgés qui semblent déterminés à établir leur quartier général dans le XIIe arrondissement55 ». Le préfet de police explique ensuite que « si on ne les déloge pas de leurs retranchements avant la nuit, demain il faudra des forces considérables pour s’emparer du quartier ». Il ajoute dans ce même rapport : « Encore une fois, nous insistons pour qu’on opère avant la nuit et avec l’artillerie56. » Il est écouté. Le général Bedeau ordonne l’intervention des canons de la garde nationale. La barricade est finalement prise d’assaut par la garde nationale, la mobile, le 48e de ligne ainsi que les 4e, 5e et 6e compagnies du 3e bataillon de la garde républicaine57. Il est probable, comme le déclare le garde Saint-Léon58, qu’au moment de l’attaque, les gardes présents dans la barricade, qui avaient fraternisé, se sont retournés contre les insurgés. En cette fin d’après-midi, excédées par une résistance aussi acharnée, les troupes légalistes massacrent des insurgés dans les maisons. Des arrestations en masse sont également opérées.
22La nouvelle des défections des gardes se répand très rapidement. Ainsi, à l’issue de la lutte, le garde Cochoi quitte sa compagnie et rentre, dans son quartier, rue des Rosiers. Un marchand de vin, place des Blancs-Manteaux, appelé comme témoin lors de l’instruction, déclare que Cochoi lui a appris que « la garde républicaine avait tourné du côté des insurgés59 ». La présence de gardes républicains aux côtés des insurgés est interprétée comme le signe annonciateur d’un ralliement de l’armée. La comtesse d’Agoult rapporte ainsi les propos d’un officier insurgé de la garde nationale, qui se présente devant le général Bedeau : « L’armée ne tardera pas à se joindre à lui [au peuple]. Déjà, vous le voyez, la garde républicaine que vous avez envoyée contre nous a passé derrière nos barricades60. » Il est vrai que, la garde républicaine précédant l’armée, son exemple peut entraîner des défections dans la ligne. Après les événements au faubourg du Temple, l’entrée de la garde dans la barricade du Petit-Pont, sans coup férir, confirme qu’elle bénéficie d’une certaine bienveillance de la part des insurgés. La présence, dans la garde, d’anciens de Février et de vétérans des barricades facilite les tentatives de médiation. Cette situation, ajoutée aux bruits de défection et à d’autres incidents, alimente la méfiance des autorités envers la garde61. Par ailleurs, en début d’après-midi, alors que la lutte s’engage sur la place de la Bastille, la 8e légion de la garde nationale est contrainte de se replier et le colonel de cette légion rapporte qu’« un peloton de garde républicaine avait été joint à notre détachement et qu’au moment où la fusillade s’engagea, il se retira l’arme au bras, sous prétexte qu’il avait reçu l’ordre de rentrer62 ». La collaboration des gardes avec les troupes légalistes et avec la police est circonstancielle, liée au rapport de force de l’instant, comme le montrent les événements du lendemain.
Le 24 juin 1848
23Le 24 juin, la garde républicaine continue la lutte sur plusieurs points de la ville aux côtés de gardes nationaux, sédentaires et mobiles, et de militaires de la ligne63. Dans le même temps, les casernes de la garde républicaine représentent des objectifs prioritaires pour les insurgés. Pour la plupart immergées au cœur même de l’insurrection, elles commandent tout un quartier. Elles peuvent en outre fournir des armes et des munitions.
Aux Célestins
24Les contemporains ont tous estimé que la caserne des Célestins, isolée et vidée de ses gardes depuis le 23 juin, était aux mains des insurgés64. Afin de la reprendre, le préfet de police envisage, le 24 juin, une attaque au canon65. L’historique de 1908 relate, quant à lui, une résistance acharnée du capitaine d’habillement Marquisan et de quelques gardes face aux assauts répétés des insurgés. La réalité est beaucoup plus nuancée. Écoutons la déclaration de Marquisan, lors du procès du sous-lieutenant Cornu, de la 9e légion de la garde nationale, accusé d’avoir pris part à l’insurrection.
25Deux tentatives pour s’emparer de la caserne semblent avoir eu lieu dès le vendredi 23 juin : « L’une par une bande ayant un garde républicain à sa tête, vers les huit heures ; je les engageai à se retirer, en les menaçant de mes soldats, qui étaient postés aux fenêtres ; l’autre, plus tard, les insurgés venaient en tirailleurs. Il fut convenu qu’on en laisserait entrer deux, pour savoir ce qu’ils voulaient. Ils entrèrent, nous les exhortâmes à faire retirer leurs camarades, pour éviter des malheurs ; ils s’en allèrent66. » Le samedi 24 au matin, les manœuvres des insurgés se poursuivent sans parvenir à s’emparer de la caserne67. Le capitaine Marquisan a utilisé tour à tour l’intimidation, le compromis et la ruse (il fit écrire « Ambulance pour les blessés » aux portes du quartier des Célestins) afin de préserver sa position68. Il n’est pas inquiété par la justice, malgré ses tractations avec les insurgés. Placé dans la même situation, le maréchal des logis Barrière, avec quelques hommes, parvient à préserver la modeste caserne, située rue du Petit-Musc, à proximité de celle des Célestins. Conscient de l’impossibilité de se défendre, il transforme, lui aussi, sa position en une ambulance qui soigne indifféremment tous les blessés de l’insurrection69. La caserne des Minimes, dans une position délicate près de la place des Vosges, devient également une ambulance. Enfin, la caserne de la rue de Tournon est transformée en prison70. Des gardes inculpés y sont retenus prisonniers71. La caserne des Tournelles a été, quant à elle, envahie par les insurgés72.
Aux Tournelles
26Le sous-lieutenant Lebas était chargé avec une cinquantaine73 de gardes de défendre le bâtiment. Le 24 juin, tôt dans la matinée (à six74 ou huit heures75), des insurgés se présentent aux abords de la caserne. Lebas refuse dans un premier temps de leur ouvrir les portes. Les assaillants tentent alors de mettre le feu à la caserne. L’importance et la dangerosité de cet incendie restent difficiles à établir. S’agit-il d’un ou deux foyers localisés – rue des Tournelles et « impasse Guillemain76 » ? Les émeutiers ont-ils mis le feu aux quatre coins de la caserne77 ? Toujours est-il que les portes s’ouvrent et les insurgés prennent possession de cette caserne contiguë à la mairie du VIIIe arrondissement. Une partie des gardes s’enfuit, une autre portion rejoint la caserne des Minimes, d’autres encore fraternisent avec les envahisseurs78. Les insurgés s’emparent ensuite facilement de la mairie s’offrant ainsi un accès à la place des Vosges, alors défendue par la garde nationale du quartier et par un bataillon du 18e léger. Les insurgés tirent depuis les fenêtres de la caserne et de la mairie sur ces troupes. On dénombre, au minimum, plusieurs blessés, peut-être des morts79. Au même moment, la place est envahie aux cris de : « Vive la ligne ! À bas la garde nationale80 ! » Les gardes nationaux s’enfuient. Dans un premier temps, les soldats sont faits prisonniers, puis il est décidé qu’ils seront laissés libres81. Les officiers en revanche doivent être fusillés. Un ou des officiers de la ligne sont alors sauvés par l’intervention de quelques gardes républicains accourus de la caserne voisine des Minimes82. Tous les officiers ne peuvent échapper à la vindicte populaire83. Un nombre important de soldats du 18e léger parvient à s’enfuir.
Le 25 juin et les jours suivants
27À partir du 25 juin, la garde n’apparaît plus que sporadiquement. Quelques gardes républicains accompagnent des représentants du peuple dans Paris, à l’instar de l’escorte périlleuse, par le garde Dufour, d’un député porteur d’un ordre du général Cavaignac à destination du chef de la gare d’Orléans (actuellement d’Austerlitz84). Il est fait en outre mention que Victor Hugo, « en costume de représentant du peuple, s’est présenté rue du Temple, à la tête d’un peloton de garde républicaine et s’est avancé sur les barricades85 ». Le témoignage du député Galy-Cazalat fournit des précisions sur la mission des représentants du peuple dans le quartier du Temple et dans le Marais, ainsi que sur l’action des gardes auprès d’eux86. Il dépeint parfaitement le dédale périlleux des rues parisiennes, la confusion des uniformes et la violence des combats. Il faut surtout retenir de ce récit que de nombreux gardes se sont battus en ordre dispersé. En revanche, les gardes, aux côtés des représentants du peuple, n’hésitent pas sur le parti à prendre.
28Par ailleurs, le 25 juin 1848, arrivent à Paris une partie des ex-gardes municipaux87, qui pour certains d’entre eux formeront les rangs de la gendarmerie mobile créée quelques jours plus tard à Versailles. Les dossiers d’instruction permettent de retracer quelques-uns des parcours des anciens cipaux. En outre, aucun des sept ex-gardes municipaux repérés88 parmi les inculpés de Juin n’est condamné. La plupart ont été arrêtés sans raison.
29Dans le quartier du Temple, les combats se poursuivent jusqu’au 26 juin. Après la débandade du 23 juin, la garde y participe peut-être encore, comme le laisse entendre l’historique de 1908 (p. 125-126). Lors de l’insurrection, elle se bat sans discontinuer sur les deux rives. Elle défend particulièrement l’Hôtel de Ville. Des colonnes de gardes sont régulièrement envoyées, à partir de la mairie centrale, vers les quartiers insurgés. Elles arrivent souvent les premières aux barricades et se trouvent ainsi en première ligne. Cette configuration peut expliquer en partie les déroutes, les défections et les ralliements à l’émeute. À de nombreuses reprises, des gardes se dispersent après le premier assaut. Il est vrai que certains n’ont, jusqu’alors, jamais combattu et que ces gardes manquent de cartouches, trois à six maximum par homme. Cependant, rares sont ceux qui refusent la lutte ou quittent leur compagnie sans avoir tiré un seul coup de feu. Dans l’ensemble, les vétérans de Février, « insurgés devenus gendarmes89 », associés à d’anciens militaires aguerris, font bonne figure. Inconscients du danger ou le méprisant, certains ont réalisé des actes de bravoure dont le corps pourra s’enorgueillir.
30Après les journées de Juin, la garde républicaine – du moins ce qu’il en reste – participe à la répression post-insurrectionnelle. Ainsi le 1er juillet, la garde républicaine à cheval, aux côtés de gardes nationaux, de mobiles et de soldats de la ligne, conduit au fort de Vanves, sept cents90 prisonniers extraits de la Conciergerie. Par ailleurs, des gardes zélés se signalent. Par exemple, le sergent Duplain, de la 3e compagnie du 1er bataillon, dénonce le « nommé Jamain ou Gamain, ouvrier sur les ports comme ayant pris une part active à l’insurrection91 ». Enfin la garde républicaine participe au maintien de l’ordre lors des funérailles des victimes de Juin, le 6 juillet 184892.
Après les barricades
31Afin de mesurer l’importance de Juin 1848 dans l’histoire de la garde, il est nécessaire, dans un premier temps, d’établir des bilans du nombre des tués, des blessés, des indemnisés et des récompensés, et d’esquisser un tableau des représentations de la garde lors de l’insurrection.
L’heure des bilans
La question des tués et des blessés
32En premier lieu, il est impossible d’évaluer le nombre d’ex-gardes républicains décédés, qu’ils se soient battus avec les forces légalistes – et parfois même avec la garde –, ou qu’ils aient succombé dans les rangs des insurgés93. Dans la garde républicaine, les officiers connaissent à peine leur troupe et sont souvent incapables de dénombrer et de dénommer les victimes parmi leurs hommes. Ainsi, compte tenu du désordre parmi les combattants et en l’absence d’une organisation définitive et de contrôle de troupe, il est très difficile d’évaluer exactement le chiffre des gardes morts en Juin.
33Balleydier, Cudet94, les auteurs de l’historique de 1908 et du Grand livre d’or historique de la gendarmerie nationale95 n’avancent aucun chiffre, ne dressent aucune liste. Seul le Livre d’or de la gendarmerie nationale tente un recensement nominatif des victimes96. Les auteurs du Livre des morts pour le devoir de la Préfecture de police97, reprennent eux la liste précédente. Il convient d’y ajouter le commandant Lebris, qui décède des suites de ses blessures le 7 août 184898. Nous parvenons ainsi à vingt-six noms, mais le total des morts est sans doute beaucoup plus élevé99.
34Le capitaine Martin parle de « quatorze officiers et deux cents hommes, c’est-à-dire 1/8 de son effectif100, tués ou blessés101 », sans préciser qui ils sont et dans quelles circonstances ils sont tombés. Le capitaine Pierson évalue à 25 ou 30 le nombre des tués le 23 juin lors de la seule attaque de la barricade du faubourg du Temple, ce qui représente un tiers des effectifs de sa compagnie102. Le général Bedeau estime, à propos de la garde, que « plus de 1/5 de son effectif a été tué ou blessé pendant les quatre jours de combats103 ». Il déclare, devant la Chambre des députés, que 250 gardes ont été tués ou blessés104. Rémi Gossez parle de 60 % de pertes lors des combats dans l’île de la Cité105. La comtesse d’Agoult évoque « 92 morts dont deux officiers supérieurs106 ». Le préfet de police annonce aux gardes que « soixante des vôtres sont déjà morts pour la République107 ». Si l’on retient le chiffre rond du préfet de police – qui nous apparaît plus une estimation que le résultat d’un décompte exact –, les pertes constituent 2,3 % du personnel pour un effectif théorique de 2 600 gardes et 3 % si l’on considère que seuls 2 000 gardes sont réellement engagés. Dans les deux hypothèses, cette proportion serait supérieure aux pertes de la mobile108. Les combats occasionnent sans aucun doute dans la garde républicaine des pertes très nombreuses, tués et blessés réunis. Ces derniers seront indemnisés.
L’indemnisation de Juin 1848
35L’administration recherche, dans toute la France, des gardes républicains entrés dans la vie civile, mais dont la ou les blessures sont de nature à les empêcher d’exercer leur profession109. Le budget de l’année 1851 prévoit encore de secourir vingt-huit victimes de Juin à différents titres, dont huit ex-gardes blessés ainsi que la belle-mère d’un autre garde. Tous Parisiens, ils reçoivent cinquante ou soixante francs110. Joseph Picot Guéraud touche, lui, cent cinquante francs en récompense d’une conduite particulièrement remarquable. Il est également proposé pour recevoir la Légion d’honneur111.
36Parallèlement, après les journées de Juin, les Montagnards licenciés sont, eux aussi, l’objet de l’attention particulière des autorités. En outre, le Gouvernement décide, le 26 juillet 1848, de créer une commission destinée à leur venir en aide. Cette commission, promise depuis début juin, se réunit à la Préfecture de police. Elle comprend le secrétaire général de la Préfecture de police, le chef du personnel, le chef de la police municipale, le chef de bataillon de la garde républicaine Baillemont, le capitaine adjudant-major Caron, le chef du 2e bureau du secrétariat général et le chef adjoint de la comptabilité112. Début août 1848, la commission recense 138 Montagnards à aider113. Un secours « d’urgence » de deux mille francs est accordé par le ministre de l’Intérieur sur les demandes conjointes de la commission et du préfet de police. Après de nouvelles recherches, on dénombre, fin août 1848, 187 Montagnards nécessiteux. Entre le 10 et le 19 septembre, une enquête est menée sur chacun d’entre eux par les commissaires de police et des officiers de paix des arrondissements. Seuls 110 Montagnards sont alors jugés dignes de recevoir un secours, ce sont ceux qui n’ont pas été arrêtés en Juin et qui n’ont toujours pas trouvé d’emploi. Fin octobre 1848, il reste 650 francs sur la somme du ministre de l’Intérieur. Cette somme est sans doute répartie au prorata du temps passé dans le corps des Montagnards114.
37Enfin, aux pertes humaines très importantes115, s’ajoutent des destructions matérielles116 et un coût financier considérable. Une circulaire du préfet de la Seine, en août 1848, prévoit que les particuliers qui ont fourni des vivres et des fournitures à la garde républicaine pendant les journées peuvent en demander le remboursement au préfet de police117. Par exemple, une marchande de vin de la rue des Tournelles réclamera encore en janvier 1852, mais en vain, le remboursement des vivres qu’elle procura « moitié de gré, moitié de force » à des officiers de la garde républicaine, depuis licenciés118.
Les récompensés
38Au début de juillet 1848, le ministre de la Guerre se préoccupe de faire établir des propositions pour les combattants les plus méritants119. Aussitôt, le colonel de la garde, Raymond, produit un tableau, approuvé par le préfet de police, de trente-trois individus (officiers, sous-officiers, caporaux, brigadiers, tambours, soldats et cantinières) qu’il souhaite voir récompenser120. Les propositions du colonel Raymond sont suivies au-delà de ses espérances. Les dix-sept individus proposés sont faits chevaliers dans l’ordre de la Légion d’honneur. La majeure partie est nommée par un décret en date du 10 août 1848. Raymond lui-même est élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur. Ce sont au total quarante-quatre gardes républicains121, de tout grade, qui sont décorés122. Le dernier décoré en date est le lieutenant Mayer, le 10 décembre 1849123.
39Outre les décorations, le colonel Raymond dispose d’un autre moyen pour récompenser les gardes. Il propose ainsi de nommer certains gardes au grade de sous-lieutenant dans l’armée ou encore de confirmer, dans l’armée, le grade que ces gardes détiennent dans la garde républicaine. Ceci correspond, selon les cas, à un avancement accéléré ou à la reconnaissance officielle d’un grade obtenu par élection, par acclamation ou tout autre biais non réglementaire. Sur les quinze officiers et sous-officiers qui sont proposés pour l’obtention d’un grade à titre de récompense nationale, seuls quatre obtiennent, de façon certaine, cette promotion.
40Le capitaine adjudant-major, Louis Jules Peitavin a servi dix ans en Afrique (1836 à 1846). Il a été cité à l’ordre de la division pour sa conduite en 1841 dans l’expédition contre les Oulad-Salem (province de Constantine). En 1848, il a 33 ans lorsqu’il est détaché du 61e de ligne, sur sa demande, pour encadrer, avec son grade, la nouvelle garde républicaine124. Il arrive de Dieppe le 18 juin 1848125. Pendant les journées de Juin, il est présent lors des combats de l’île de la Cité et accompagne ensuite au Luxembourg, puis à l’Assemblée nationale, une délégation qui voulait notamment la dissolution de l’Assemblée nationale et la libération de Barbès126. Puis il rejoint sa compagnie. Le samedi, il se bat près du pont Notre-Dame et du pont de l’Archevêché. Le dimanche, il arrête un caporal de la garde nationale127. Il est proposé pour le grade de chef de bataillon par le colonel de la garde et le préfet de police, et est promu le 18 août 1848, par un arrêté du ministre de l’Intérieur. Un arrêté du président de la République du 9 avril 1849 régularise sa position militaire128. Peitavin ne doit donc pas son grade à la commission des récompenses nationales.
41L’immense majorité des propositions pour une récompense nationale est néanmoins en relation avec un événement du 23 ou du 24 juin. À partir du 25 juin, la garde exsangue et désorganisée – était-elle du reste réellement organisée ? –, ne se distingue plus guère. Les recommandations du colonel en matière de récompenses nationales sont peu suivies par la commission compétente. Il apparaît qu’une décoration est plus facile à accorder qu’un grade dans l’armée. Submergée par les demandes, la commission sélectionne drastiquement les heureux élus, mais il n’est pas permis de penser que les condamnations de certains gardes aient freiné la distribution des récompenses pour les autres.
42Lors du passage de la garde républicaine dans le giron de la gendarmerie, en février 1849, une commission mixte (Intérieur et Guerre) est formée pour examiner quels sont les gardes, quel que soit leur grade, dignes d’obtenir, au titre de récompense nationale, un grade dans la gendarmerie ou dans l’armée et/ou leur maintien dans le corps. Il apparaît à la lecture des procès-verbaux de cette commission présidée par le général Servatius que, d’une part, les membres de la commission ne possèdent guère d’informations sur l’action des officiers lors des journées de Juin et que, d’autre part, leur attitude en Juin ne constitue plus, en avril-mai 1849, qu’un élément parmi d’autres – moralité, opinions politiques, aptitudes professionnelles – motivant la décision rendue à leur égard. Seuls vingt-cinq officiers de la garde maintenus extraordinairement jusqu’alors seront proposés devant l’Assemblée nationale pour obtenir un grade de lieutenant ou de sous-lieutenant dans la garde républicaine ou dans l’armée. Parmi eux, seuls Ozy et Pichon ont été décorés pour leur conduite lors des journées de Juin. Ils ne conserveront pourtant pas leur grade et seront exclus du corps.
43Parallèlement, le colonel Laneau, établit, en avril 1849, une liste de 169 militaires du corps susceptibles d’être maintenus ou promus afin de remplacer les sous-officiers récemment licenciés129. Le colonel Laneau estime que « la conservation au corps de quelques hommes blessés et décorés en Juin, y serait d’un très bon effet130 ». En conséquence, le colonel signale particulièrement neuf individus. Sur les huit dont nous connaissons le destin131, quatre ont obtenu la promotion souhaitée pour eux.
44Le colonel de la garde et le préfet de police proposent enfin également des récompenses pour des officiers, sous-officiers et gardes licenciés de fraîche date qui se sont battus aux côtés de leurs anciens camarades. On ne sait si ces ex-officiers sont récompensés par la commission, ni même si leur cas a été présenté132.
45L’étude des destins d’officiers ou sous-officiers de la garde met en évidence l’hétérogénéité de l’encadrement où se côtoient d’anciens condamnés politiques, des républicains du lendemain, des individus sans passé militaire et des officiers de carrière détachés provisoirement pour militariser cette troupe encore majoritairement composée de jeunes vétérans de Février. Pour ces officiers, sous-officiers ou gardes, une citation, une blessure, une décoration ou une proposition d’avancement en relation avec leur conduite lors des journées de Juin ne constituent ni une garantie pour l’avenir, ni un gage de reconnaissance. Moins d’un an après Juin 1848, il ne reste, dans la garde, que dix des vingt-neuf sous-officiers et gardes décorés de Juin133.
46En outre, si les représentants du peuple ont, dans un premier temps, oublié les gardes décorés, en ce qui concerne les pensions aux veuves et orphelins134 ou le traitement de légionnaire, ils finissent par accorder aux gardes républicains les mêmes avantages qu’aux autres combattants.
47L’Assemblée avait pourtant décrété dès le 28 juin, que la garde républicaine, avec les gardes nationales, l’armée, les mobiles, les élèves des écoles, a bien mérité de la patrie135. Enfin la garde reçoit d’autres témoignages de satisfaction des autorités136. Pendant que les félicitations au Gouvernement et aux défenseurs de l’ordre affluent de toute la France137 une nouvelle bataille s’engage, celle des mémorialistes138.
La mémoire confuse de Juin
48De nombreux contemporains, quelles que soient leurs opinions sur l’insurrection qui vient juste de s’achever, notent que les insurgés sont commandés par d’anciens officiers de la garde républicaine et que ses rangs sont garnis d’ex-gardes ou ex-Montagnards139. Tous sont conscients que « le licenciement de la garde montagnarde rendit à l’insurrection des hommes habiles dans l’art d’élever une barricade140 ». Il n’est donc guère surprenant de retrouver dans leurs récits des uniformes de la garde républicaine sur les premières barricades141. Les nombreux auteurs pamphlétaires et auteurs de brochures colportent en outre de nombreuses fabulations. La plupart se contentent de recopier la presse de l’époque. Dans les différents récits, les gardes et les ex-gardes ne sont pas distingués, laissant également entendre qu’il y eut des défections. La présence, des deux côtés des barricades, de l’uniforme de la garde républicaine renforce aussi l’idée de guerre civile, d’un conflit fratricide. Mais, au-delà de la figure de style, les contemporains ont également été trompés par les apparences. Il faut en effet préciser que, avec l’organisation du nouveau corps, l’uniforme de la garde a changé, mais peu de personnes le savent.
49La fraternisation de gardes républicains non licenciés avec les insurgés, est cependant assez rarement relatée142. Elle est parfois évoquée indirectement143. Or ces individus qui sont passés de l’autre côté de la barricade intéressent sans aucun doute les lecteurs. Il est en effet remarquable que la plupart des gardes ou ex-gardes traduits devant un conseil de guerre, aient fait l’objet d’un compte rendu dans la Gazette des tribunaux144, ou dans les brochures anonymes Procès des insurgés…145, ainsi que dans Le Moniteur universel146.
50L’éventail des appréciations des contemporains sur l’attitude de la garde républicaine lors des journées de Juin est très large147. Si cette variété traduit souvent la perplexité des auteurs, ces différentes réactions reflètent également les diverses interprétations de Juin 1848. Emmanuel Fureix résume ainsi l’attitude des mémorialistes de Juin : « Déchiré[s] entre l’obsession de l’événement et le désir de le taire, perdu[s] entre la recherche de son sens et le sentiment de son inintelligibilité, tiraillé[s] entre description et travestissement148. » Par ailleurs, la version gendarmique de la garde en Juin est, sans surprise, partisane149. Cette mémoire officielle traduit alors une amnésie partielle. En résumé, à la confusion des combats et des uniformes correspond une mémoire confuse, à la fois embrouillée et ennuyée, de l’action de la garde durant l’insurrection.
51À l’heure des bilans, il convient également de suivre les gardes inculpés, car leur histoire fait partie intégrante de l’histoire de la garde en Juin.
Les gardes devant les justices de Juin
52En préalable, il convient de revenir sur les conditions d’arrestation de quelques gardes et ex-gardes. Tout d’abord, au cours des journées de Juin, les gardes ont procédé à des arrestations, et parfois d’individus sortis de leurs propres rangs. Ensuite, nombreux furent les gardes qui, faute d’uniforme, ont combattu en blouse avec l’ordre, mais qui ont été arrêtés dès qu’ils se sont éloignés de leur corps150. Tout militaire isolé est suspect. Ceci est particulièrement vrai pour les gardes. L’appartenance réelle ou supposée à la garde républicaine, de la même façon que la possession par un ouvrier d’un franc ou d’un livret des ateliers nationaux, ou encore le fait d’avoir les mains noires, constituent un motif d’arrestation151. L’uniforme de la garde républicaine désigne, pendant les journées de Juin, des traîtres potentiels. Des gardes républicains esseulés sont ainsi arrêtés uniquement à cause de leur tenue. Nous savons également que six gardes sont emprisonnés à leur retour à la caserne, sur la présomption d’avoir participé à l’insurrection. En revanche, il est vraisemblable que d’autres gardes absents pendant les journées n’ont pas été arrêtés. Notons enfin que sur les cent dix-neuf individus dont on connaît le lieu de l’arrestation, seuls seize sont interpellés loin des combats ou dans un quartier qui ne connaît plus d’affrontement.
53Après avoir caractérisé à gros traits le corpus que nous avons constitué, c’est-à-dire les 152 gardes républicains, ex-gardes et ex-gardes municipaux, seront examinés plus particulièrement trois groupes d’inculpés liés aux trois combats précédemment détaillés. Enfin, le traitement judiciaire de quelques-uns de ces inculpés permettra d’aborder le fonctionnement des justices de Juin.
Un corpus d’inculpés
54Une première étude d’ensemble révèle :
Tableau 1. – Les gardes et les ex-gardes devant les justices de Juin.

a. On peut compter approximativement un total de 255 individus traduits devant un conseil de guerre. Tous ne sont pas condamnés. Laurent Clavier, Louis Hincker, Jacques Rougerie, op. cit., p. 127.
55Il est difficile de distinguer des gardes licenciés parmi les inculpés de Juin. Leur recensement est donc loin d’être exhaustif, et leur faible nombre dans ce tableau (28 individus sur plusieurs centaines possibles) ne signifie pas qu’ils ne furent pas nombreux à s’être insurgés152. D’autre part, parmi ces anciens gardes républicains, les ex-officiers (12 individus) sont sans doute sur-représentés, car les officiers ont été plus faciles à repérer. À la différence des simples gardes licenciés, la condition d’« ex-officier de la garde » ou « ex-officier des Montagnards », est plus systématiquement indiquée que celle d’ex-garde. Soupçonnés d’avoir été des leaders de l’insurrection, ces officiers licenciés et inculpés sont renvoyés devant les conseils de guerre. En conséquence, le nombre des ex-gardes traduits devant les conseils de guerre (6 sur 28, officiers compris) est vraisemblablement disproportionné. En outre, les 28 ex-gardes républicains ne sont donc pas représentatifs du personnel de la garde républicaine licenciée. Ces individus ne sont pas non plus comparables avec les individus en activité inculpés, qui restent, pour l’essentiel, des gardes.
56Cent dix-sept gardes en activité sont ainsi inculpés d’avoir pris part à l’insurrection. Parmi eux, il n’y a que deux cavaliers (casernés aux Célestins153). Ils sont vite remis en liberté. Ces 117 individus correspondent à environ 1 % de la population totale des inculpés de Juin. Selon Roger Price, les mobiles inculpés représentent eux 1,4 % de l’ensemble154. Ces gardes républicains inculpés correspondent à 5,85 % de l’effectif de la garde au 23 juin155. Ce pourcentage est très supérieur à celui de la garde mobile156, mais il nous apparaît rétrospectivement peu élevé compte tenu des risques de scission qui menaçaient la troupe. Seuls 68 gardes en activité sont condamnés. Ces gardes condamnés représentent 3,4 % de l’ensemble de la troupe.
57Sur les 152 inculpés retenus, 42,7 % sont libérés. Charles Tilly et H. Lynn Lees157 ont estimé que 57,7 % de l’ensemble des inculpés ont été libérés. 44,7 % des individus du corpus sont condamnés à la transportation (36,6 % pour l’ensemble158). 7,2 % des inculpés sont traduits devant un conseil de guerre (entre 1,8 et 0,2 % pour l’ensemble). 5,2 % bénéficient d’un non-lieu faute de charges (3 % pour l’ensemble). Trois individus du corpus sont décédés pendant l’instruction ou en prison. D’après les informations fournies par le registre en F7 2 585 et d’autres documents, nous comptabilisons 53 individus graciés (ex-gardes et gardes). Leur mise en liberté s’accompagne le plus souvent d’une mesure de surveillance. Environ un tiers des inculpés observés sont donc graciés159. Deux tiers des 79 condamnés (gardes et ex-gardes, commissions militaires et conseils de guerre confondus) ont également été élargis avant la fin prévue de leur peine. Onze individus le sont avant la fin de 1848, vingt-cinq au cours de l’année de 1849. Le dernier est gracié en 1856160.
58Les chiffres qui sont désormais présentés, sont tirés de l’étude des 139 dossiers d’inculpés conservés, qui seuls permettent une analyse plus détaillée. Ces 139 individus ont entre 17 et 51 ans161. La moyenne d’âge est de 32,1 ans. Elle est assez plus proche de celle des inculpés (34 ans selon Caspard, 33,4 ans selon Price et Clavier-Hincker). La moyenne d’âge des gardes en activité inculpés est de 31,7 ans162. La moyenne d’âge des exgardes inculpés est de 32,8 ans. La présence des officiers licenciés explique sans doute que la moyenne d’âge soit plus élevée pour les ex-gardes. Par ailleurs, 31 ont déclaré être mariés. Sept le sont de façon certaine. Parmi ces 31 individus, 18 ont des enfants. On distingue aussi un individu vivant en concubinage, ainsi qu’un veuf. Pour l’examen des origines géographiques des inculpés, nous avons préféré exclure les ex-gardes municipaux163. Sur les 113 individus dont l’origine nous est connue, 93 proviennent d’une région au nord de la Loire (en incluant un Belge naturalisé et un Belge). On a en outre repéré : un Suisse et un Génois.
59Pour les 83 individus dont on connaît la profession avant leur entrée dans la garde, quatre branches d’activité prédominent : le textile (12 personnes), le bâtiment (11 personnes), la bijouterie (9 personnes) et la métallurgie/industrie (8 personnes164). Il faut souligner cette prédominance des métiers du textile et de la construction, que Tilly165 et Price166 ont mis en évidence pour l’ensemble des insurgés. On sait également que les industries du luxe ont été particulièrement frappées par la crise économique de 1847-1848. Cela explique peut-être l’importance relative dans cette population des professions liée à la bijouterie. Par ailleurs, il est extrêmement délicat de distinguer l’employé du patron. Les ouvriers non spécialisés ne sont que trois. Il y a deux domestiques. Onze individus ont appartenu aux ateliers nationaux. Les quatre anciens gardes nationaux sont tous des gardes républicains en activité. On compte 29 militaires dont 4 sont d’anciens gardes.
Tableau 2. – Origines géographiques connues des gardes et ex-gardes inculpés.
Régions d’origine | Nombre d’individus | Proportions |
Seine | 23 | 20,3 % |
Départements limitrophes de la Seine | 5 | 4,4 % |
Nord | 11 | 9,7 % |
Picardie | 9 | 7,9 % |
Champagne-Ardennes | 9 | 7,9 % |
Alsace-Lorraine | 9 | 7,9 % |
France-Comté | 8 | 7 % |
Massif central (Haute-Vienne, Creuse, Puy-de-Dôme) | 7 | 6,1 % |
Bourgogne | 6 | 5,3 % |
Rhône-Alpes | 6 | 5,3 % |
Centre | 6 | 5,3 % |
Normandie | 5 | 4,4 % |
Bretagne | 3 | 2,6 % |
Autres départements | 2 | 1,7 % |
Étrangers (dont un Belge naturalisé) | 4 | 3,5 % |
Total | 113 |
60Compte tenu de ces informations (âge, origine géographique, profession antérieure), nous constatons certaines analogies avec la population des inculpés de Juin, déjà par ailleurs étudiée167 : moyenne d’âge relativement élevée, sur-représentation des branches d’activité en crise en 1848, lieux de naissance au nord d’une ligne Saint-Malo-Genève168. D’après ces trois critères, les inculpés retenus se fondent dans la population inculpée totale169. En outre, une bonne part des gardes ont été des travailleurs parisiens en difficulté. On sait enfin que la population inculpée est globalement proche de la population parisienne. Sans extrapoler – car, rappelons-le, nous ne disposons pas de données chiffrables sur la composition de la garde en Juin –, il est possible que la composition sociologique de la garde soit à la fois proche des populations inculpée et parisienne. Cette hypothèse va dans le sens de l’idée de Mark Traugott expliquant « que les caractéristiques et la composition sociologique des insurgés et du service d’ordre lors du conflit étaient à bien des égards remarquablement similaires170 ». De plus, des deux côtés de la barricade, on s’affirme républicain. Dans ces conditions, la garde républicaine parisienne, en Juin, n’est-elle pas parisienne avant d’être républicaine ? Les gardes n’agissent-ils pas plus en Parisiens qu’en défenseurs du Gouvernement ?
61Sur les 139 dossiers d’inculpés, 129 nous révèlent les positions géographiques des individus le matin du 23 juin 1848. Quatre de nos inculpés habitent dans la banlieue du Paris de 1848 et deux en province. Tous les autres logent à Paris171. Les deux tiers des inculpés (89) se trouvent à proximité immédiate ou à l’est de la ligne formée par les rues Saint-Jacques et Saint-Martin qui délimitent grossièrement les quartiers insurgés en Juin. Quarante individus dont 35 gardes, sont, le matin du 23 juin, hors des quartiers insurgés. Ils se répartissent notamment entre les casernes de Tournon (23) et de l’Allée-des-Veuves (10). Soixante-cinq gardes inculpés sont au cœur de l’insurrection dès son début : 32 d’entre eux logent alors aux Célestins, 11 à la caserne des Tournelles et 15 aux Minimes.
62La proportion de condamnés est beaucoup plus importante parmi les gardes pris dans l’insurrection dès le matin du 23 juin que parmi ceux qui se trouvent au même moment hors des quartiers insurgés. Pour les premiers, un sur treize seront envoyés en conseil de guerre et presque un sur deux seront transportés. Pour les seconds, un sur trente-deux connaîtront les conseils de guerre et un sur trois seront transportés. En ce qui concerne plus particulièrement les ex-gardes inculpés, vingt et un (sur les vingt-trois dont la position est connue) sont immergés dans l’insurrection dès son début. Pour H. Lynn Lees et Charles Tilly, deux tiers des condamnés, parmi la population qu’ils ont observé, vivent dans les cinq arrondissements où les combats sont les plus violents.
63Si certains Parisiens ont rejoint les barricades, la plupart les ont trouvées en bas de chez eux. Pour les gardes républicains aussi, Juin 1848 représente en quelque sorte « une guerre civile en pantoufles172 ». C’est notamment le cas des gardes des casernes des Tournelles, des Célestins, du Petit-Musc, des Minimes et des Grès le 23 juin. Dans ces conditions, les gardes, en infériorité numérique, sont obligés de négocier avec les émeutiers. Les risques de compromission sont nécessairement plus nombreux.
Trois « affaires » rejugées
64L’examen détaillé des dossiers des gardes inculpés fait nettement apparaître trois groupes d’individus en relation avec trois des principaux événements déjà évoqués (au Petit-Pont, au faubourg du Temple, à la caserne des Tournelles). Pour chaque groupe, nous chercherons à observer le destin judiciaire des différents inculpés pour une même affaire. Seules les pièces présentes dans le dossier sont considérées. Ces trois situations confuses sont donc réexaminées exclusivement à travers le prisme des sources judiciaires. L’étude précise de ces « affaires » dans l’événement apporte des informations sur l’attitude des gardes, mais aussi sur le fonctionnement des justices de Juin.
65Nous avons répertorié vingt-quatre dossiers, de gardes et d’ex-gardes, impliqués dans l’affaire du Petit-Pont. Seize inculpés sont transportés. Deux, Diétrich et Mazin, sont traduits en conseil de guerre et sont condamnés respectivement à cinq et dix ans de détention. Cinq sont libérés après leur jugement et un inculpé bénéficie d’un non-lieu. Parmi les condamnés, seul Even a avoué être passé à l’insurrection, il sera condamné sans aucune autre preuve173.
66Pendant le combat du Petit-Pont, profitant du désordre, certains gardes quittent les rangs et cherchent à retrouver leurs proches et/ou leur domicile. Saint-Léon va ainsi rejoindre sa maîtresse dans son garni près de l’Hôtel de Ville174. Le garde Michelon rejoint également son ancien garni dans le même quartier. Il n’est arrêté que le 25 juin175, avec l’ensemble des locataires. Mais il est réclamé par son corps dès le 28 juin, ce qui lui vaut sans doute d’être remis en liberté relativement rapidement, le 17 septembre. Le garde Cochoi, qui a perdu sa compagnie, se rend chez un ami chez qui il se change afin de pouvoir rejoindre son quartier176. Redhon se bat avec sa compagnie, puis accompagne un blessé. À son retour, il ne sait où se trouvent ses camarades et s’engage dans la partie insurgée de la rue Saint-Jacques. Il sera transporté177. Le garde Vermeille est pris derrière la barricade après l’assaut. Arrêté le soir du 23 juin chez un marchand de vin où il s’était réfugié, il est transporté sans preuve ou témoignage à charge, mais sans information à décharge non plus. Si la commission n’a utilisé que les pièces présentes au dossier, c’est-à-dire presque rien, seuls son passage dans les ateliers nationaux, pendant un mois avant son entrée dans la garde, et des déclarations estimées peu crédibles, peuvent expliquer la décision de transporter cet ancien fileur178. Le garde Blondel, lui aussi réfugié dans une maison derrière la barricade, peut se prévaloir d’un certificat de bravoure décerné par le capitaine Barrier qui a commandé l’assaut. Mais il a été arrêté dans une maison d’où l’on tirait sur les forces du Gouvernement. Il avait en outre les mains noires. Ces deux derniers éléments constituent les seules pièces à charge qui motivent sa transportation179. Le tambour Catelineau aurait pu rejoindre son corps estime l’état-major de la garde qui l’accuse de mauvaise foi. À cause peut-être de cette appréciation, ce maçon, ancien membre des Lyonnais, est condamné à la transportation180.
67Les systèmes de défense des inculpés sont assez semblables. Ils déclarent le plus souvent avoir été forcés de faire des barricades et de tirer sur les troupes. Certains nient toute participation à l’insurrection et déclarent être restés des prisonniers passifs. D’autre part, tous les condamnés du Petit-Pont n’ont pas contre eux des renseignements défavorables et/ou des témoignages à charge. Rares sont les inculpés pour lesquels on dispose de preuves formelles de leur participation. Dans ces conditions, il est vain de chercher à évaluer la culpabilité de chaque inculpé au vu des seules pièces contenues dans son dossier. Dans l’affaire du Petit-Pont, seules trois libérations et une condamnation semblent réellement appuyées sur des pièces à décharge ou à charge. Certaines condamnations ne sont fondées que sur des soupçons, des doutes et sur les antécédents judiciaires et politiques des individus.
68Dans l’affaire de la barricade du faubourg du Temple, tous les gardes républicains inculpés, dix-neuf au total, proviennent des trois premières compagnies du 1er bataillon. Alors que les défections furent nombreuses, la justice de Juin a dû déterminer qui a refusé le combat par peur ou par complicité passive, qui s’est caché après avoir tiré ses cartouches ou encore qui a tenté de rejoindre l’insurrection. Alors que les gardes Batout, Hartmann, Lacheny et Canon sont, eux, arrêtés à leur retour à la caserne181, la plupart des autres le sont alors qu’ils circulent isolément. Ils prétendent alors généralement qu’ils rejoignaient leur corps. Au total, douze de ces dix-neuf inculpés sont condamnés à la transportation. Neuf sont remis en liberté. Ceux qui bénéficient de soutiens, qui disposent de preuves pour justifier de leur emploi du temps ou de témoignages à décharge, sont libérés.
69Nous pouvons observer parallèlement les dossiers de deux officiers récemment licenciés, également impliqués dans l’affaire du Temple. Lhéricé est un ex-capitaine de la garde. Il est condamné par contumax à la transportation, sur le témoignage du garde Buffet, qui a l’a reconnu derrière la barricade du faubourg du Temple182. Alexandre François Joseph Nicolaï183 est un Belge naturalisé qui réside à Paris depuis huit ans. Bijoutier de profession, il est sans emploi depuis octobre 1847 quand survient la révolution de Février. Il a 32 ans en 1848. Élu officier de la compagnie des Éclaireurs, il participe à l’expédition de Risquons-tout en Belgique. Exclu de la garde républicaine le 12 juin, il se rend le 23 à l’Hôtel de Ville, puis à la barricade de la rue Planche-Mibray et enfin à la mairie du VIIe arrondissement où il propose ses services. Il a emprunté un cheval à l’Hôtel de Ville et, armé d’un sabre184, il rejoint, en uniforme d’officier de l’ex-garde républicaine, la première barricade de la rue du faubourg du Temple, où il aide le général François à parlementer avec les insurgés. Dénoncé par un commandant de la garde républicaine comme ne faisant plus partie de cette garde, il est arrêté le 24 juin au faubourg du Temple par la garde nationale. Son emploi du temps et sa version des faits sont confirmés par de nombreux témoignages. Il est cependant condamné, le 7 août 1848, à la transportation par la 4e commission militaire. Lui qui avait revêtu son uniforme « pour mieux se montrer185 » et se battre contre l’insurrection est condamné essentiellement pour avoir porté indûment cet uniforme. Les accusations de Chenu186, postérieures au jugement de Nicolaï, discréditent leur auteur plus qu’elles n’accablent l’ex-capitaine. Nicolaï sera gracié le 15 décembre 1848.
70Afin de mieux comprendre l’affaire de la caserne des Tournelles, il est utile de revenir sur le parcours du sous-lieutenant Lebas. Pierre Auguste Lebas est né dans la Manche. Il a 31 ans en 1848. Il réside à proximité de la caserne des Tournelles, au no 20 de la rue de la Cerisaie187. Sa femme habite, en décembre 1848, vraisemblablement à Belleville188. Le commis Lebas, ancien sous-officier, fait partie des citoyens qui gardent l’Hôtel de Ville dans les premiers jours qui suivent la révolution de Février189. Il est ensuite conservé comme sous-lieutenant d’infanterie dans la garde républicaine réorganisée190. On ne sait quel jour il est arrêté, mais il est renvoyé devant un conseil de guerre par une décision de la 2e commission du 22 juillet 1848. Son jugement a lieu le 19 septembre 1848191. Il est accusé d’avoir livré la caserne des Tournelles aux insurgés, d’avoir abandonné son poste au moment du combat ainsi que d’avoir pris part à l’insurrection. Sur le premier point, les témoignages l’accablent. Il paraît certain qu’il récupère les clés de la caserne et ouvre – ou fait ouvrir – les portes de la caserne192. Il est également avéré que les défenseurs de la caserne n’ont pas tiré sur les assaillants. Lebas, peut-il réellement faire appel au détachement du 18e léger ou aux maigres forces de la garde nationale chargées de la défense de la place des Vosges ? A-t-il fait preuve de réalisme ou de lâcheté, comme le président du conseil de guerre aimerait l’entendre ? Ce sous-lieutenant de la garde républicaine présente des circonstances atténuantes : « Je ne pouvais pas compter sur mes hommes, c’étaient des soldats indisciplinés ; quand je leur ai proposé des cartouches pour se défendre, quelques-uns n’en ont pas voulu, et ont montré de la répulsion pour la résistance193. » Conscient de la faiblesse de ses moyens, Lebas cède ensuite aux pressions du voisinage qui invitait les gardes à ouvrir les portes « pour ne pas laisser incendier tout le quartier194 ». Son avocat, Me Meunier, déclare qu’il n’a ainsi abandonné la caserne que par nécessité absolue. Sa participation à l’insurrection n’est pas établie. Lorsqu’il quitte les Tournelles, il ne rejoint pas les Minimes, pourtant la caserne la plus proche. Il parvient à revêtir une blouse et un chapeau de paille et, quelques instants après, il se présente à la caserne des Célestins195. Là, il est avéré qu’il fait ériger, sur les ordres du capitaine Marquisan, une palissade pour empêcher les insurgés d’entrer. On l’a vu se battre aux côtés des forces gouvernementales, le dimanche 25, près du Grenier d’abondance et sur la place de la Bastille196. Le même jour, il retourne à la caserne des Tournelles197 en petite tenue d’officier. Malgré les témoignages à charge, il n’est pas reconnu coupable de trahison, ni d’avoir abandonné sa compagnie, ni d’avoir excité les citoyens à la guerre civile, ni d’avoir porté la dévastation, le massacre, le pillage dans la capitale. Il est déclaré coupable d’avoir pris part, avec armes et uniforme, à un mouvement insurrectionnel. Il est condamné en conséquence à cinq années de détention par une faible majorité de quatre voix contre trois, qui ont voté pour dix ans de la même peine. Nous n’avons pas trouvé trace d’une éventuelle grâce ultérieure en sa faveur. Compte tenu des éléments dont nous disposons, il est délicat d’établir son degré de culpabilité. Dans tous les cas, en tant qu’officier commandant la caserne, il est le responsable désigné de cet épisode aux conséquences tragiques. Enfin, on ne s’étonne pas que l’historique de 1908 ne mentionne pas par exemple le nom de Lebas. Dans l’affaire des Tournelles, il ne présente que l’action plus univoque du sergent Mongazon198.
71Outre le cas Lebas, cinq dossiers d’inculpés concernent l’abandon de la caserne aux insurgés. Ces gardes ont été arrêtés les 25, 26, 27 ou 30 juin. Quatre sont condamnés à la transportation car ils ne peuvent justifier de leur emploi du temps. Un est remis en liberté : il s’est réfugié les 24 et 25 juin, avec sa femme, dans un garni de la rue des Tournelles, ce que le logeur confirme199. Les autres gardes de la caserne (environ quarante200) n’ont pas été inquiétés par la justice, car ils ont, pour la plupart, pu joindre leurs camarades gardes républicains à la caserne des Minimes toute proche.
Quelles justices en Juin ?
72Après avoir présenté un ensemble d’inculpés puis trois groupes distincts, et afin de comprendre les différences de traitement entre les inculpés, il faut encore placer en parallèle des individus à qui l’on reproche le même délit ou crime, dans des circonstances similaires, et qui ont fait l’objet de la même procédure d’instruction. Avant cela, il convient de préciser les conditions formelles du fonctionnement de ces juridictions hors normes.
Les commissions militaires et les conseils de guerre
73Après Juin, la République a opposé à l’illégalité de l’insurrection, une justice légale d’exception. La proclamation de l’état de siège du 24 juin 1848 a imposé un contexte juridique particulier. Il faut cependant noter que ce n’est pas l’état de siège qui amène les insurgés non militaires devant les conseils de guerre. En effet, le décret du 27 juin 1848, qui autorise la transportation pour tous ceux qui ont été pris les armes à la main, « déférait aux conseils de guerre les chefs, fauteurs ou instigateurs de l’insurrection, ceux qui auraient fourni ou distribué de l’argent des armes ou des munitions de guerre, exercé un commandement ou commis quelque acte aggravant leur rébellion ; ainsi que les réclusionnaires ou forçats libérés ou évadés qui auraient pris part à l’insurrection201 ». Assimilées à une situation de guerre, les journées de Juin sont réprimées par des juridictions militaires. Le décret du 9 juillet 1848 institue quatre commissions militaires composées de trois militaires qui doivent décider la mise en liberté, la transportation ou le renvoi des inculpés devant un conseil de guerre. Une commission centrale dirigée par le colonel Bertrand est installée au Palais de justice. Devant le nombre des inculpés, quatre autres commissions sont créées vraisemblablement fin juillet 1848. Le plus souvent pendant le mois de juillet, l’accusé et les témoins sont entendus, au palais de justice de Paris, par un juge d’instruction du tribunal de première instance. Une enquête vérifie ensuite, dans la mesure du possible, les déclarations et recueille les témoignages. Pendant cette phase d’instruction, des lettres, des certificats, des dénonciations parviennent aux autorités judiciaires. Dans les dossiers étudiés, on relève la présence relativement fréquente de petits papiers bleus, sur lesquels se trouvent ce qui semble être les réponses du commandement de la garde républicaine à des demandes de renseignements par la commission. Le contenu de ces papiers bleus est souvent favorable aux gardes inculpés. On sait que les commissions jugeaient sur pièces202. La formule – imprimée – est « après avoir examiné les pièces du dossier et après en avoir délibéré, ont rendu la décision suivante ». Il n’était donc pas question d’interroger de vive voix l’accusé lors de l’audience et il est très rare que l’inculpé soit interrogé une deuxième fois par le juge au cours de l’instruction. Cependant, la procédure judiciaire n’est pas expéditive. Une instruction est menée pour chaque individu, ce qui explique que certains restent parfois plusieurs mois en prison avant leur éventuel procès ou leur libération. Le conseil de guerre autorise une meilleure défense des inculpés. En effet, la présence d’un avocat y est obligatoire. Il est parfois commis d’office, comme pour Saintard par exemple203. Un jury délibère avant de voter sur chacun des chefs d’inculpation assurant ainsi la légalité de la décision.
74Il existe donc deux niveaux judiciaires. Un pour les moins coupables qui décide, sur pièces, de la transportation ou de la relaxe. L’autre qui juge des présumés coupables, mais avec des garanties judiciaires classiques. À ces deux justices de Juin, on pourra en ajouter une troisième, car un magistrat « rejuge » sur les pontons, à Belle-Île notamment. Il décide qui doit être réellement transporté en Algérie, en fonction cette fois essentiellement des antécédents judiciaires et de la conduite de l’inculpé pendant sa détention. Cette étape montre que la transportation est aussi une mesure de sûreté générale. Ce constat incite, à travers l’exemple des gardes inculpés, à interroger la nature réelle des justices de Juin.
La désertion en question
75L’accusation de désertion devant l’ennemi ne semble pouvoir être retenue contre les gardes en activité. En effet, le colonel du corps explique, lors du procès du garde Pereton, que « ce n’est que depuis peu de jours que la garde républicaine se recrute par enrôlements volontaires ; antérieurement on n’exigeait aucun acte écrit de la part des jeunes soldats, qui se présentaient pour faire partie de ce corps204 ». Anatole Pereton, 18 ans, est un ancien sellier qui reconnaît avoir rejoint la garde républicaine à cheval par manque d’ouvrage. Malgré une « désertion » caractérisée et un emploi du temps incertain, il est déclaré non coupable et mis en liberté par le premier conseil de guerre. Les commissions militaires ne jugent pas les faits de désertion devant l’« ennemi », mais cherchent à déterminer si cet abandon a entraîné le ralliement à l’émeute. L’indiscipline – absence irrégulière par exemple – n’est ainsi sanctionnée que dans le cas où elle a entraîné une participation à l’insurrection. Ces juridictions militaires renvoient les questions strictement disciplinaires devant les autorités du corps. Par ailleurs, ni les commissions militaires, ni les conseils de guerre ne servent de commissions de réforme supplétives permettant d’éliminer les non-valeurs de la garde. Ainsi le garde Armand Fidèle Paris, pleutre205 et ivrogne, dont le lieutenant Faivre déclare que « si la commission d’administration avait fonctionné avant les événements, bien certainement Paris ne serait plus au corps », est relâché et peut rejoindre son corps dès le 29 août206. Enfin, les gardes qui s’absentent irrégulièrement de leur compagnie pour chercher du tabac ou aller chez un marchand de vin, et qui sont arrêtés à leur sortie ou dans la boutique, sont presque tous207 mis en liberté par la commission.
Ex-gardes, repris de justice et dénonciations
76Pour les treize inculpés (gardes et ex-gardes) pour lesquels nous disposons d’informations sur leurs antécédents judiciaires, une condamnation antérieure n’implique pas systématiquement une condamnation en Juin. On peut également se demander si le fait d’avoir appartenu aux Montagnards ou à certaines gardes révolutionnaires constitue un élément à charge dans l’instruction de l’inculpé. Citons un seul exemple parmi les quelques dossiers qui éclairent cette question.
77Pornin, dit Jambe-de-bois, a connu de nombreuses condamnations politiques208. Ancien chef des Montagnards, il est tout désigné pour être un des leaders de l’insurrection. Arrêté une première fois, « comme inculpé d’avoir pendant les journées des 24 et 25 juin fait feu avec d’autres insurgés sur la garde nationale et la troupe, des étages supérieurs de la maison rue Saint-Antoine no 214. Les locataires de cette maison n’ayant pas reconnu le nommé Pornin comme s’y étant introduit, le juge d’instruction a cru devoir ordonner sa mise en liberté209 ». Il touche alors le rappel de sa solde d’ex-officier de la garde210. Mais il est arrêté une deuxième fois, le 15 juillet, prévenu d’avoir pris part à l’insurrection, et notamment d’avoir commandé les barricades de la rue des Sept-Voies et de la rue Soufflot. Il est renvoyé devant un conseil de guerre par une décision de la 6e commission en date du 4 août211 et incarcéré au fort de Vanves212. Plus de trente témoins sont cités à l’audience du 8 août 1848 du conseil de guerre. Beaucoup d’entre eux ont vu un individu énergique avec une jambe de bois. Pornin nie toute implication. Aidé par M. Dubarry, représentant du peuple, Pornin, ancien gantier de 51 ans, explique que lorsqu’il arrive place Dauphine où se réunissent habituellement les ex-officiers de la garde républicaine, il apprend qu’une partie d’entre eux est retenue par le préfet de police. Il décide alors de rejoindre son domicile pour ne plus en sortir avant la fin des événements213. À une majorité de quatre voix contre trois, il est déclaré non coupable et mis en liberté immédiatement. Avant de le retrouver lors des événements du coup d’État, signalons qu’il est détenu quinze jours en 1849 à la suite de l’affaire du 13 juin de la même année.
78Les commissions militaires et les conseils de guerre ne condamnent donc pas systématiquement tous les individus potentiellement dangereux pour le Gouvernement. De plus, un passé dans les gardes révolutionnaires n’est pas considéré comme une pièce à charge. Le procès des ex-gardes n’est pas celui des gardes issues de la révolution de Février. Enfin, le renvoi devant un conseil de guerre, s’il induit une culpabilité a priori, ne signifie pas une condamnation systématique. De même, au vu des dossiers étudiés, dénonciation n’est pas synonyme de condamnation. Par exemple, le sous-lieutenant Defrondat, licencié le 16 juin de la garde, est victime d’un excès de zèle d’un agent de police214. Il avait rejoint la garde républicaine le 23 dans l’après-midi sur le quai aux Fleurs et s’était battu avec elle du 23 au 28 juin. Il faut noter que, lors de l’audience, le conseil a cherché à savoir si l’accusé éprouve des sympathies pour les idées napoléoniennes, car il avait lithographié un portrait de Louis-Napoléon Bonaparte. Defrondat, dessinateur de profession, répondit qu’il s’agissait simplement d’un travail de commande pour un éditeur215. Alors que les dénonciations anonymes ne sont pas prises en compte, l’instruction vérifie les accusations des lettres signées216. Les dénonciations de voisins sont les plus fréquentes217.
Quels critères de culpabilité ?
79Nous sommes loin d’être en mesure de considérer tous les éléments qui ont motivé les jugements. L’appréciation subjective de la sincérité de l’inculpé entre ainsi en jeu. Par ailleurs, devant les deux juridictions, les individus inculpés pour une même affaire sont jugés en même temps. Ces procès regroupés permettent sans doute de proportionner les peines et de « dépénaliser » certains faits insurrectionnels. Nous avons en effet pu constater une certaine clémence des commissions militaires. D’une part, l’ampleur des morts a peut-être laissé croire que les insurgés les plus acharnés, les plus dangereux sont désormais et pour toujours inoffensifs. D’autre part, le nombre des individus mis en accusation incite sans doute les juges à ne sanctionner que les inculpés les plus impliqués et ceux pour lesquels on dispose d’éléments probants. La détention préventive, jusqu’à la décision de la commission, constituerait, pour les moins coupables, une première, mais unique, punition. En outre, des commissions ont vraisemblablement accordé le bénéfice du doute à quelques inculpés. Ainsi des gardes qui ont fui devant l’émeute ou après un assaut infructueux, qui se cachent, quittent leur uniforme et sont finalement arrêtés, seront libérés, malgré un récit peu crédible de leur emploi du temps lors des journées et en l’absence d’éléments prouvant leurs allégations. Ils ne sont ainsi pas condamnés, car il n’est pas possible de prouver leur participation à l’insurrection. Certains inculpés ne sont par ailleurs pas condamnés uniquement en fonction de leur implication dans l’insurrection. Il faut donc garder à l’esprit qu’être inculpé ou être condamné ne signifie pas systématiquement avoir été insurgé218.
80L’étude des gardes et ex-gardes inculpés montre que le passage de l’autre côté de la barricade n’est pas toujours volontaire et confirme que le degré de participation à l’insurrection est extrêmement variable d’un individu à l’autre. Les « magistrats » de Juin sont bien conscients qu’« entre la non-participation et l’engagement sur les barricades, il y eut de multiples situations intermédiaires219 ». S’il est clair, d’après les quelques cas étudiés, que l’instruction cherche essentiellement à déterminer la responsabilité de chaque inculpé, les commissions jugent autant des faits (les antécédents judiciaires, les punitions pour indiscipline), qu’un individu (elles prennent aussi en compte les opinions politiques ainsi que les appuis dont l’inculpé peut bénéficier220). Parallèlement, il est probable que « la justice militaire stigmatisa une “classe dangereuse” et des doctrines avancées221 », et que, aux yeux de ces « juges » de Juin, le « peuple de Juin » est sans doute peu différent du « peuple » de la monarchie de Juillet222. Mais cette justice politique se confond-elle pour autant avec une justice de « classe » – c’està-dire une « injustice sociale » –, alors que Juin ne se résume pas à une lutte de classes (voir infra) ? D’autre part, s’agit-il d’une réelle indulgence pour certains inculpés « égarés » dans l’insurrection, ou bien ces « magistrats » ont-ils conscience que la pacification passe par une répression modérée ? Car, dans le domaine judiciaire aussi, « pour la première fois, la barricade fut réprimée au nom de la République223 ». Enfin, Juin 1848 n’est-il pas jugé à la fois comme un attentat politique, un trouble à l’ordre public et une révolte sociale ?
81Afin de répondre à ces questions, des études plus approfondies devraient être menées. Elles établiraient par exemple si le juge d’instruction siège avec la commission militaire. Il conviendrait aussi de détailler la composition de chacune des commissions, de sonder leur personnel que l’on devine d’ores et déjà, sinon anti-républicain, du moins conservateur, et d’étudier pour chaque commission les jugements rendus. Prendre ainsi en considération un très grand nombre de décisions permettrait également de montrer s’il existe des commissions plus sévères que d’autres, peut-être du reste à des moments différents. Mieux connaître les modalités des justices de Juin aiderait enfin à affiner l’analyse de l’événement Juin 1848.
Comprendre Juin 1848 ?
82Compte tenu de son encadrement récent, de sa nouvelle organisation et de la dispersion de ses effectifs, la garde républicaine a connu relativement peu de défections pendant l’insurrection224. Comment expliquer cette bonne tenue générale face l’émeute ? Afin de répondre, nous serons amené à préciser dans quelle mesure notre approche de l’histoire de la garde en Juin peut contribuer à la compréhension de l’événement dans toute sa complexité.
L’analyse organisationnelle
83Mark Traugott a cherché à expliquer la cohésion de la garde mobile lors des combats de Juin225. Il propose pour cela une analyse organisationnelle qui attribue la solidité de la garde mobile à son encadrement et à son casernement dans les forts. Reprenons, dans un premier temps, sa grille d’analyse appliquée à la garde républicaine, car la situation de la garde républicaine apparaît, au premier abord du moins, proche de celle de la garde mobile. En effet, comme la garde mobile, la garde républicaine de juin 1848 est l’objet d’une reprise en main récente par le Gouvernement et constitue une troupe paramilitaire structurée. Dans la garde républicaine, la plupart des officiers élus, ou choisis par les circonstances, ont été éliminés. Le corps est désormais encadré par des officiers détachés de la ligne et choisis par le ministère de la Guerre. La direction du corps, exercée conjointement par le colonel Raymond et le lieutenant-colonel de Vernon, est ferme et militaire. Tous ces éléments tendent à expliquer le faible nombre de défections.
84En revanche, si la garde est certes épurée et organisée, au 23 juin 1848 les officiers n’ont guère eu le temps d’asseoir leur autorité sur leurs troupes. Par ailleurs, ils ne se connaissent pas entre eux. En outre, des officiers d’origines très diverses se côtoient au sein de la garde : le colonel était chef de bataillon dans un régiment de ligne ; Damiguet de Vernon est un chef d’escadron venu du 1er spahis et des campagnes d’Afrique ; Tricotel est un ancien condamné politique, etc. L’analyse des circonstances des défections des gardes révèle qu’il ne s’agit que très rarement d’une « désertion » volontaire accompagnée d’un passage à l’« ennemi » prémédité. Les défections n’ont eu lieu la plupart du temps que lorsque la troupe fut abandonnée à elle-même226 par ses officiers. Mais l’examen de l’attitude de l’encadrement ne suffit pas pour expliquer toutes les défections. En effet, après le 15 mai, des clivages politiques persistaient dans la garde. Par ailleurs, début juin, les anciens bataillons ont été volontairement mêlés pour tenter de briser les groupes partisans. De nouvelles solidarités n’ont pas encore pu se nouer. Seul le régime républicain rassemble les gardes républicains227. Il nous paraît en conséquence aventureux de parler d’un esprit de corps dans la garde républicaine en juin 1848228. Les gardes républicains ne partagent pas vraiment, à la différence des gardes mobiles, une histoire collective de quatre mois229. De même, « le respect des chefs, la fierté de l’état militaire et le souci inconditionnel du maintien de l’ordre230 », qui paraîssent caractériser la garde mobile, ne concernent pas encore la garde républicaine. Enfin, si les cérémonies officielles aident à la prise de conscience d’une identique collective231, l’esprit de corps naîtra plus sûrement avec les combats.
85Si une paye régulière, un uniforme et un casernement généralisé sont des conditions nécessaires au développement d’un esprit de corps232, la garde ne remplit que la première de ces conditions. En effet, les hommes sont loin de tous porter l’uniforme. La plupart sont imparfaitement équipés. Enfin, tous les gardes n’ont pas le même uniforme. Parallèlement, les casernes de la garde sont parfois très proches des quartiers d’origine des gardes. À la différence de la garde mobile, la « tactique du confinement233 » (en banlieue notamment) ne peut s’appliquer à cette garde urbaine. Les liens avec la population sont alors sans doute plus forts que le sentiment d’appartenance au corps. Citons en exemple, le garde Fourneaux, ouvrier vidangeur de profession, qui explique en se rendant à la barricade « qu’il aimait mieux défendre les ouvriers que de rester dans la garde républicaine234 ». Avant d’être gardes républicains, ces individus sont des citoyens et des Parisiens de 1848 (même s’ils sont provinciaux d’origine). Dans ces conditions, la question initiale devient : comment expliquer que le corps ne se soit pas plus franchement débandé et qu’il n’y ait pas un nombre beaucoup plus considérable d’inculpés ? Si une organisation bien contrôlée peut expliquer un engagement massif du côté des forces gouvernementales, a contrario une « désorganisation » – relative, il est vrai – ne prédétermine pas des défections massives. Les arguments de Traugott pour la garde mobile n’expliquent donc que partiellement l’attitude de la garde en Juin.
86Il nous semble que le garde républicain qui a combattu l’insurrection l’a fait pour légitimer son existence aux yeux du Gouvernement et de la population. Ce garde a sans doute considéré en outre qu’une émeute qui mettait en péril le nouveau régime le menaçait aussi. Mais dire cela, au vu de la diversité des parcours présentée dans les pages qui précèdent, est aussi réducteur que d’affirmer que le garde national n’a fait que défendre sa maison en pensant lutter contre le socialisme, que le militaire n’avait que la vengeance de Février en tête, ou encore que le garde mobile ne s’est battu que pour préserver son salaire et/ou parce qu’il était sévèrement encadré. À l’instar de la garde républicaine, tous ces acteurs nécessitent des approches « personnalisées ».
Une approche « personnalisée »
87Afin d’apprécier la singularité des enseignements de cette histoire de la garde en juin 1848, il convient de la resituer brièvement dans l’historiographie de Juin, en commençant par les appréciations des contemporains. Dès 1848, Étienne Cabet présente Juin comme une guerre sociale, « une guerre pour le travail et la vie, plutôt qu’une guerre politique235 ». Il réfute que le communisme icarien soit à l’origine des journées de Juin. Des partisans anonymes de Barbès reconnaissent, eux, que les insurgés « ont pu être égarés en juin par les rêves brillants du socialisme236 ». Mais ces auteurs ajoutent que « les révolutions se préparent par les idées et ne peuvent se produire par la force que lorsque le Gouvernement contre lequel elles se font est mort dans l’estime publique237 ». Ils considèrent enfin les insurgés comme des « gladiateurs de la liberté » et les distinguent des émeutiers « écume morale et physique de la société238 ». De leur côté, la plupart des conservateurs voient en Juin « le renversement de tous, la dévastation, l’incendie, le despotisme inexorable de la violence et de la brutalité239 ». Certains dénoncent une tentative anti-démocratique : « En Février, on s’est battu pour la liberté ; en Juin, le peuple égaré s’est battu pour l’oppression, car, établir par la force un gouvernement antipathique à la majorité, c’est opprimer cette majorité, c’est la tyrannie organisée240. » Les républicains sincères expriment souvent un désarroi et de l’incompréhension face à une émeute qui éclate alors que le suffrage universel (masculin) est établi, la liberté de la presse réelle et le droit d’association reconnu241. « Quel a été le sens, quel a été but de l’exécrable bataille qui vient d’ensanglanter le pavé de la capitale de la France ? Qu’a voulu la sédition armée ? On le cherche vainement. Muette et sans drapeau, l’insurrection a semblé obéir à l’on ne sait quel mot d’ordre mystérieux qu’elle n’osait avouer242. » La commission parlementaire sur les événements de Juin243 tente, elle, de dégager les motivations politiques des insurgés. Le rapporteur de cette commission précise que « l’enquête dont nous sommes chargés est politique ; elle n’est pas judiciaire244 ». Cependant dans cette optique et après avoir écarté l’hypothèse du complot, il n’est pas capable d’expliquer les motifs de l’insurrection : « Les tentatives sacrilèges qui viennent de menacer violemment la représentation nationale et l’ordre social tout entier, ont cela de remarquable, qu’autant elles ont été criminelles dans le dessein, odieuses dans les moyens d’exécution, autant elles sont dépourvues de causes, de prétextes mêmes245. » Le rapporteur présente néanmoins ensuite des causes générales : les dissensions intestines au sein du Gouvernement provisoire, la création des ateliers nationaux ainsi que les théories de la commission du Luxembourg qui « avaient fait naître des espérances qu’il était impossible de satisfaire246 ». Pour nombre de contemporains, l’insurrection est en effet avant tout la conséquence d’insatisfactions (politiques et sociales) cumulées247. Il s’agit aussi sans doute pour partie d’une révolte des espoirs déçus248. Engels y voit lui « une révolution du désespoir249 ».
88Or Juin n’est pas particulièrement une émeute de la misère250. Cela est vrai pour une partie des insurgés seulement. L’idée que l’insurrection de Juin est une lutte de classes est née en 1848 et largement partagée alors251. Elle va connaître une longue postérité, jusqu’à ce que les études des trente dernières années démontrent que les forces de répression, la garde mobile notamment, ne sont en aucun cas un lumpenprolétariat et qu’elles sont sociologiquement assez proches des insurgés. Ainsi « les artisans constituent le cœur à la fois de l’insurrection et de la répression252 ». En outre, les insurgés ne sont pas uniquement des ouvriers ou des marginaux. Enfin, la position sociale ne conditionne pas un choix univoque en Juin. Nombre d’ouvriers suivent leur patron. Des patrons rejoignent leurs ouvriers. Des chefs d’ateliers (entre les patrons et les ouvriers) restent pour défendre les ateliers. En réalité, les deux côtés de la barricade défendent leur gagne-pain. Les uns ont un petit quelque chose à défendre, ceux d’en face n’ont peut-être plus grand-chose à perdre. Juin 1848 est une insurrection défensive253 illustrée par l’immobilisme physique des insurgés. C’est la peur et la misère, ou plus exactement la peur d’une plus grande misère, qui est à l’origine de l’insurrection. Un tiers des travailleurs parisiens, soit cent mille ouvriers, ont pour seul revenu le traitement des ateliers nationaux. On pourra objecter qu’ils continuent d’être payés pendant les journées de Juin, néanmoins la dissolution des ateliers est décidée. L’élément décisif – transcendant les conditions sociales – est sans doute la possibilité de continuer à gagner correctement sa vie. La motivation principale se situe probablement là. Les gardes mobiles touchent 1,50 franc alors que le soldat de la ligne ne touche que 25 centimes par jour. Il s’agit du même salaire que celui des ouvriers des ateliers nationaux, et les mobiles sont, en plus, habillés, armés et logés par l’État. Pierre Chalmin explique que les mobiles « ont un bien à défendre : leur trente-sous254 ». « Nantis provisoires255 », ils ont sans doute connu la faim. La garde républicaine, composée alors de nombreux ex-chômeurs, est également dans cette situation.
89Reprenant les pressentiments des premiers historiographes de Juin, certains historiens ont privilégié les facteurs économiques (Renard, Jaurès, Dautry), ou encore les effets des théories socialistes (Duveau). D’autres encore ont expliqué Juin par une combinaison de facteurs idéologiques et politiques (La Gorce, Seignobos, Lavisse). Depuis les années 1950, les approches sociologiques ont prédominé256, mais elles ont, elles aussi, montré leurs limites. Les méthodes statistiques utilisées posent en effet de nombreux problèmes. L’échantillon d’individus considérés et la définition des catégories socio-professionnelles varient d’un auteur à l’autre. Les résultats sont donc difficilement comparables et parfois si différents qu’ils jettent le trouble chez le lecteur attentif257. Parallèlement, l’hypothèse de la cohorte258 émise en 1974 par Pierre Caspard (une solidarité générationnelle entraînant une défense d’intérêts communs) a été réfutée avec justesse par Mark Traugott259. L’âge est sans doute important – un père de famille ne raisonne pas de la même façon qu’un jeune célibataire –, mais il n’est pas essentiel260. Traugott refuse aussi de voir dans Juin un mouvement spontané, pas plus que le résultat de forces historiques aveugles, mais surtout invisibles. Pour lui, l’insurrection est une éventualité plausible, pas une certitude. Elle n’a pas le caractère inéluctable qu’on lui a donné après. Les facteurs économiques et politiques peuvent être parfois convergents, comme pour les journées de Février, mais aussi divergents, comme le montre l’échec de l’explication en termes de classe sociale. Traugott préfère prendre ainsi en considération un des groupes de l’insurrection, mais l’analyse organisationnelle qu’il expose ne vaut que pour la garde mobile. En outre, Traugott261 cherche essentiellement dans les quatre mois qui précèdent Juin les raisons de la participation ou de la non-participation à l’insurrection. Pourquoi se limiter à ces quatre mois ? Et, d’autre part, pourquoi ne pas chercher aussi durant les premières heures de l’insurrection les déterminants d’un choix qui d’ailleurs n’exclut pas un revirement durant les jours qui suivent ?
90À ces différentes approches, qui ont toutes contribué à la compréhension de la nature et du sens global de l’insurrection, s’est ajoutée une démarche parcellaire qui rend mieux compte des multiples facteurs qui déterminent un individu ou un groupe à se battre, ou non, d’un côté de la barricade, plutôt que d’un autre. D’une part, Juin 1848 se présente, avec cette approche, comme le produit de la multiplication de ces parcours, une histoire à l’exposant 24 000262. D’autre part, les « motivations » des « insurgés » apparaissent autant politiques et collectives, que circonstancielles et individuelles. Ainsi, par exemple, si certains insurgés ont choisi sciemment de rejoindre l’émeute, il est par ailleurs indéniable que la situation géogra phique des individus, au matin du 23 juin, conditionne grandement leur trajectoire durant les jours qui suivent. En outre, la plupart des insurgés ne semblent pas toujours savoir pourquoi ils se battent. « Les phrases “j’ai fait comme les autres”, “j’ai continuellement été dans l’incertitude”, “ignorant pourquoi on se battait”, sont la litanie des prévenus de juin263 », expliquent Laurent Clavier et Louis Hincker. Les insurgés défendent, tout à la fois, leur source de revenu, leur maison, leur quartier. Juin est sans doute également une lutte entre une « citoyenneté abstraite et une citoyenneté concrète264 », et peut-être aussi entre deux idées de la République – une pragmatique et une idéaliste – qui transcendent les conditions sociales et les générations. Parallèlement, si Juin 1848 se matérialise par une lutte d’une moitié de Paris contre l’autre265, il illustre également un conflit entre Paris et la France, car Juin 1848 est aussi une insurrection communale. La dissolution des ateliers nationaux est vécue – comme le sera la tentative de reprise des canons à Montmartre le 18 mars 1871 – comme une provocation, une agression. On a ainsi sous-estimé les réflexes parisiens d’autodéfense, l’habitude du recours à la rue, la « culture des armes266 ». Enfin, l’instinct grégaire, le souffle de la foule, l’effet d’entraînement, les rumeurs, la chaleur, le caractère irrationnel d’un mouvement de panique sont à prendre en considération. Pourquoi ne pas croire en cette folie collective que certains contemporains n’arrivent pas à expliquer ? Cette violence paraît, de prime abord, d’autant plus absurde et incompréhensible qu’elle succède à un grand élan de fraternité. Sans doute fallait-il s’attendre à une réaction populaire à la hauteur des désillusions engendrées par l’action gouvernementale depuis février. Mais si l’insurrection était prévisible267, est-elle pour autant totalement explicable268 ?
91À notre sens, l’histoire de la garde en Juin nécessitait une approche « personnalisée », une approche particulière à partir des cas individuels. À la singularité de l’objet et de l’événement269 devait correspondre la « singularisation » de l’analyse. En détaillant les circonstances particulières des combats, tout en suivant les parcours d’un grand nombre d’individus, nous avons cherché à pénétrer dans l’insurrection, quand l’anonyme est plus que jamais acteur de l’histoire et de son histoire. À travers cette étude de la garde, nous avons essayé de présenter la confusion de Juin 1848, au risque d’être nous-même confus270. En mêlant une monographie de la garde en Juin avec une nébuleuse de destins de gardes, nous souhaitons au final avoir montré qu’une démarche « pointilliste » est une des clés de compréhension de cette insurrection, et que cette marqueterie de trajectoires individuelles, qui ramène l’insurrection à sa dimension humaine, permet d’éclairer l’événement sous un jour nouveau et peut-être de mieux en prendre la mesure271.
92À la veille de Juin, la garde était, à l’instar de la République, encore en construction. Plus certainement grâce à un instinct collectif de survie qu’à un réel esprit de corps, la garde républicaine réussit l’épreuve initiatique de Juin 1848. L’insurrection, contre laquelle elle a « défendu la République », est en effet un évènement fondateur dans l’histoire de la garde. Le corps sort renforcé de l’épreuve car il a choisi le bon camp, celui des vainqueurs272. Tout comme les premières gardes révolutionnaires tiraient leur légitimité des combats de Février, la garde républicaine, avec ce sang parisien sur ses mains, gagne sa légitimité dans sa participation à la guerre de Juin. Mais, si la garde a montré une relative solidité lors des journées de Juin, les défections constatées suscitent de réelles inquiétudes. Amorcée avant Juin, la reprise en main par le pouvoir se poursuit donc avec plus de vigueur après l’insurrection. À partir de juillet 1848, la garde va subir le tournant conservateur de la République. Alors que la garde mobile va disparaître, la garde républicaine ne perdurera qu’au prix d’un long processus de « déré-publicanisation ». Juin 1848 a favorisé la transformation de cette troupe de « citoyens-combattants273 » en une garde prétorienne.
Notes de bas de page
1 Pour les précautions méthodologiques et les problèmes que posent de telles sources, nous renvoyons le lecteur aux réflexions de Louis Hincker, Être insurgé et être citoyen à Paris durant la Seconde République, thèse pour le doctorat, Histoire, sous la direction d’Alain Corbin, Paris I, 2003, 3 t., 946 p. [CrhXIX] ; éd. : Citoyens-combattants à Paris 1848-1851, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2008, 350 p.
2 Cette étude est appelée de ses vœux par Jean-Claude Farcy (Jean-Claude Farcy, L’histoire de la justice française de la Révolution à nos jours, Paris, PUF, 2001, p. 394).
3 Rémi Gossez dit, lui, que « ces documents [judiciaires] nous renseignent autant sur les auteurs de la répression que sur les individus qui en furent victimes » (Rémi Gossez, « Diversité des antagonismes sociaux au milieu du XIXe siècle », Revue économique, mai 1956, no 3, p. 440).
4 Le pluriel s’impose car il existe deux juridictions distinctes pour les faits de Juin : les commissions militaires et les conseils de guerre.
5 Dans la colonne « profession », AN, F7* 2585.
6 Shat, 7 J 688-711 Pornin, 7 J 1962 Gervais, 7 J 616-845 Lacuve.
7 Cartons 6 J 188, 190 à 193 et 196.
8 Ainsi par exemple l’ex-garde Quesnel et l’ex-capitaine de la garde républicaine Richer-Guy ont été découverts parmi une Liste nominative des insurgés désignés au 31 juillet dernier, par les commissions militaires pour être transportés (extrait du Moniteur), grand format recto-verso, s. d., AN, AB XIX 681.
9 Ainsi Eugène-Léon Durand, 34 ans, né à Villers-le-Bel (Seine-et-Oise), serrurier, n’est signalé comme garde républicain que sur un état des individus condamnés et transférés au Havre dans la nuit du 20 au 21 août 1848 (Le Moniteur universel du 22 août 1848, p. 2092).
10 « Un de nos indicateurs, qui appartenait au corps des Montagnards, dans lequel il remplissait les fonctions de capitaine, a été arrêté le 23 juin dernier, boulevard Bonne-Nouvelle, au moment où il cherchait à se rendre dans son domicile, dans la direction duquel il se trouvait. Mis en liberté d’hier, 14 juillet, seulement, cet indicateur s’est empressé à venir nous voir » (déposition du préfet de police du 15 juillet 1848, pièce no 734, AN, C 930).
11 Nous savons par exemple qu’il y avait plusieurs Montagnards à la barricade à l’angle des rues Saint-Maur et du faubourg du Temple (dossier Portrait 9881, Shat, 6 J 135). Nous avons trouvé la trace que de deux d’entre eux (cf. infra).
12 Pencet (non-lieu) et Saintard (conseil de guerre). Pour ce dernier nous possédons le compte rendu de son procès.
13 Le dossier Copreaux (conseil de guerre, en fuite), les trois dossiers de Girion (contumax) et les deux dossiers de Nimal. Joseph-Pierre Nimal, 38 ans, né à Solesme (Nord), boutonnier et garde républicaine, est transporté au Havre dans la nuit du 20 au 21 août 1848 (Le Moniteur universel du 22 août 1848, p. 2092). Il décédera sur le vaisseau La Didon.
14 6 J 190 : Bury (garde arrêté), Chipault (garde arrêté) ; 6 J 191 : Demarche (garde arrêté), Descombes [ou Descourbes] (garde dénoncé/soupçonné), Gérard (ex-garde [Enfants de Paris], soupçonné), Godefroy (ex-garde, dénoncé), Fourneau (garde ou ex-garde, dénoncé) ; 6 J 192 : Lefebure (garde, soupçonné), Limasset (ex-garde, soupçonné), Lonruller (garde, arrêté), Lafage (garde, arrêté), Monvoisin (ex-garde [Montagnard], inculpé), Neuville (garde ?, arrêté) ; 6 J 193 : Perrout [ou Perout] (garde, soupçonné). On peut ajouter : Brousse (capitaine des Montagnards, mort le 27 juin 1848), Legendre et Viat (arrêtés par erreur [6 J 196]).
15 Dans les sous-séries BB21, BB23 et BB24 aux Archives nationales.
16 AN, série C.
17 Nous n’avons en revanche pas pu consulter les archives privées microfilmées du général Cavaignac aux Archives départementales de la Sarthe, papiers du général Louis-Eugène Cavaignac : 1 Mi 2 (rouleau 22) : journées de Juin et pouvoir exécutif, cité par Williams Serman, Les officiers français dans la Nation 1848-1914, Paris, Aubier, Collection historique, 1982, p. 52, note 37.
18 Laurent Clavier et Louis Hincker, Aspects du peuple…, op. cit. ; Laurent Clavier et Louis Hincker, « La barricade de juin 1848 : une construction politique », in La barricade, actes du colloque organisé par le Centre de recherches en histoire du XIXe siècle et la Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle les 17, 18 et 19 mai 1995, sous la direction d’Alain Corbin et Jean-Marie Mayeur, Publications de la Sorbonne, université de Paris I, 1997, p. 209-220 ; Laurent Clavier, Louis Hincker, Jacques Rougerie, « Juin 1848. L’insurrection », in 1848, actes du colloque international du cent cinquantenaire, organisé par la Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle, tenu à l’Assemblée nationale à Paris, les 23-25 février 1998, Jean-Luc Mayaud (dir.), Paris, Créaphis, 2002, p. 123-140.
19 Voir le témoignage de Louis Michel Portrait dans son interrogatoire du 15 juillet 1848, dossier Portrait 9 881, Shat, 6 J 135.
20 Interrogatoire du 9 juillet 1848, dossier garde Legros 7 330, Shat, 6 J 97.
21 Balleydier évoque la tentative sans résultat d’un ex-garde républicain de parlementer à la barricade du Temple, à l’angle de la rue Saint-Maur. Alphonse Balleydier, op. cit., p. 44.
22 Lettre parue dans la Neue Rheinische Zeitung, le 28 juin 1848, no 28, p. 2, citée dans Friederich Engels, Les journées de juin 1848, in Les luttes de classe en France 1848-1850, de Karl Marx, Paris, Éd. sociales internationales, 1936, 186 p. ; rééd. Paris, Éditions sociales, 1970, p. 183-184.
23 Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 112.
24 Déposition du capitaine de la 2e compagnie du 3e bataillon de la garde républicaine, Alexis Pierson, du 2 septembre 1848, dossier Decklé 10 393, Shat, 6 J 142.
25 Alphonse Balleydier le signale également (op. cit., p. 42).
26 Interrogatoire du 9 juillet 1848, dossier garde Legros 7 330, Shat, 6 J 97.
27 Lettre d’Hartmann au préfet de police depuis Belle-Île, du 24 août 1848, dossier Hartmann 12030, Shat, 6 J 172.
28 « Ce jeune officier [le sous-lieutenant Émile François Jules Feneau] dans un moment de panique s’est fait remarquer par son courage et son sang froid » (tableau indicatif des récompenses proposées par le colonel de la garde républicaine, en faveur des officiers, sous-officiers, caporaux, brigadiers, tambours, soldats et cantinières de ce corps, par suite des événements des 23, 24, 25 et 26 juin 1848, fait par le colonel Raymond le 17 juillet 1848, Shat, Xk 26).
29 Dossier Legros 7 330, Shat, 6 J 97.
30 Dossier Blanc 1 319, Shat, 6 J 19.
31 Tableau indicatif des récompenses proposées par le colonel de la garde républicaine, du 17 juillet 1848, déjà cité.
32 Anonyme, Histoire des 4 jours, récit authentique, détaillé, complet des événements des 23, 24, 25 et 26 juin 1848 par un officier d’état-major, Paris, Chez Rimboux, rue Bergère, 14, 1848, p. 3.
33 Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 111 bis et p. 126.
34 Rapport du préfet de police du 23 juin 1848, pièce no 2418, AN, C 933.
35 La nouvelle est rapidement connue à la Chambre des députés. « La séance débute par un bulletin militaire. Le président informe l’Assemblée que la garde républicaine, marchant avec la garde nationale, vient d’enlever deux barricades rue Planche-Mibray, et que la troupe de ligne fait plusieurs feux de peloton sur les boulevards » (Pierre-Joseph Proudhon, Les confessions d’un révolutionnaire pour servir à l’histoire de la révolution de Février, Paris, au bureau du journal La Voix du peuple, 1849, in-4, 106 p. ; rééd. avec une introduction par Hervé Trinquier et des notes de Daniel Halévy et Hervé Trinquier, Antony, Éd. Tops : H. Trinquier, 1997, p. 115).
36 Dossier 12 030, Shat, 6 J 171.
37 Emmanuel Fureix, Représentations de l’insurrection et des insurgés de Juin 1848. « Excidat illa dies aevo », maîtrise, Histoire, sous la direction d’Alain Corbin, Paris I, 1993, p. 76.
38 Dossier Gondy 12 030, Shat, 6 J 172.
39 Marie de Flavigny (comtesse d’Agoult), Histoire de la Révolution de 1848…, op. cit., p. 633.
40 Rapport du capitaine Barrier, commandant la 2e compagnie du 2e bataillon de la garde républicaine, s. d., dossier Cazabonne 4 084, Shat, 6 J 56.
41 « Masin » pour Alphonse Balleydier, op. cit., p. 57 et « Massin » dans Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 117.
42 Voir le procès-verbal de fin d’instruction, s. d., dossier Mazin, Shat, F1 18 ; dossier Mazin 10 468, Shat, 6 J 143, et également Gustave Lefrançais, Souvenirs d’un révolutionnaire, avec une préface de Lucien Descaves, Bruxelles, Les Temps nouveaux, 1902, XII-604 p. ; rééd. établie et présentée par Jena Cerny, Paris, Éditions de la Tête de feuilles, 1972, p. 113.
43 Rapport du capitaine Barrier déjà cité et « Mémoire justificatif du capitaine Barrier de la garde républicaine, aux citoyens général Cavaignac, ministre de l’Intérieur, préfet de police, préfet de la Seine et colonel de la garde républicaine », s. d. [sans doute début septembre 1848], Shat, Xk 26.
44 Interrogatoire du lieutenant Chameau du 18 août 1848, dossier Cazabonne 4 084, Shat, 6 J 56.
45 La Gazette des tribunaux, no du 20 septembre 1848, audience du 19 septembre du 1er conseil de guerre, p. 1129.
46 Dossier Delabarre 12 583, Shat, 6 J 182.
47 Dossier Barré 10 466, Shat, 6 J 143.
48 Interrogatoire du garde Pierre Adolphe Michelon de la 3e compagnie du 2e bataillon du 6 septembre 1848, dossier Michelon 353, Shat, 6 J 6.
49 Interrogatoire de Cazabonne, du 8 juillet 1848, dossier Cazabonne 4 084, Shat, 6 J 56.
50 Déposition d’Antoine Basset du 3 août 1848, dossier 12 030, Shat, 6 J 171.
51 Dossier Redhon 9 897, Shat, 6 J 135 ; interrogatoire de Cazabonne du 8 juillet 1848, dossier Cazabonne 4 084, Shat, 6 J 56 et rapport du capitaine Barrier, op. cit.
52 « Mémoire justificatif du capitaine Barrier », op. cit.
53 Les débats de son procès sont parus dans La Gazette des tribunaux (du 20 septembre 1848). Voir également Archives départementales de la Sarthe, fonds Cavaignac, 1 Mi 2 (rouleau 22) : journées de Juin et pouvoir exécutif.
54 Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 112.
55 Rapport du préfet de police du 23 juin 1848, pièce no 2479, AN, C 933.
56 Ibid.
57 Lettre de Carlier du 23 juin 1848, pièce no 2515, AN, C 933, et Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 119.
58 Dossier Saint-Léon 7 641, Shat, 6 J 101.
59 Dossier Cochoi 11 020, Shat, 6 J 151.
60 Marie de Flavigny (comtesse d’Agoult), Histoire de la Révolution de 1848…, op. cit., p. 631.
61 Rapport de l’officier de paix Tasnond au préfet de police du 23 juin 1848, pièce no 2423, AN, C 933 ; Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 125 ; Pierre-Antoine-Simon-Jude Pagès-Duport, Journées de Juin : Récit complet des événements des 23, 24, 25, 26 juin et des jours suivants, Paris, Th. Pitrat et fils, 1848, p. 45-46.
62 Copie d’un rapport du colonel de la 8e légion sur un fait relatif à la conduite de la garde républicaine au 23 juin, pièce no 248, AN, C 929 A.
63 « Un détachement de la garde républicaine, rivalisaient d’ardeur et combattaient autour du Panthéon. » Anonyme, Histoire de l’insurrection qui a ensanglanté Paris, Paris, Giroux et Vialat, éditeurs, 12 rue de Savoie, 1848, p. 63 ; Tableau indicatif des récompenses proposées par le colonel de la garde républicaine, du 17 juillet 1848, déjà cité ; Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 126 ; Marie de Flavigny (comtesse d’Agoult), Histoire de la Révolution de 1848…, op. cit., p. 651 ; Amédée Achard, garde national dans la 2e légion, Souvenirs personnels d’émeutes et de révolutions, Paris, Michel Lévy, 1872, in-18, 333 p. ; État des services rendus pendant les journées des 23, 24, 25, 26 et 29 juin par le citoyen Jean-Louis Menjue, garde national de la 1re compagnie du 2e bataillon de la 3e légion, Shat, F1 11.
64 Alphonse Viollet, Récit fidèle et complet des journées de juin 1848, Paris, Dentu, 1848, p. 61 ; anonyme, Histoire des 4 jours, op. cit., p. 5 ; anonyme, Les quatre journées. Histoire anecdotique des 23, 24, 25 et 26 juin 1848, précédée de considérations générales sur le principe et le but de l’insurrection, Paris, Librairie populaire des villes et des campagnes, rue des Maçon-Sorbonne, 17, 1848, p. 80 ; Pierre-Antoine-Simon-Jude Pagès-duport, op. cit., p. 66 ; Boniface de Castellane (maréchal), Journal 1804-1862, Paris, E. Plon-Nourrit, 1895-1897, t. IV, p. 84.
65 Rapport du préfet de police au ministre de la Guerre le 24 juin neuf heures un quart, Shat, F1 9.
66 Déposition de Marquisan, Procès des insurgés des 23, 24, 25 et 26 juin 1848 devant le conseil de guerre de la première division militaire, avec un exposé de l’insurrection et le portrait des principaux accusés, publié par les sténographes de l’Assemblée nationale, revu par un avocat de la Cour d’appel, Paris, Giraud, 1848, in-8, 1re série (1er conseil de guerre), p. 80.
67 La colonne du général Négrier viendra dégager la caserne des Célestins le 25 juin.
68 Déposition de Marquisan, Procès des insurgés…, op. cit., 1re série (1er conseil de guerre), p. 79-80.
69 Alphonse Balleydier, op. cit., p. 141-142, et Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 124.
70 Journées de Juin 1848, écrites devant et derrière les barricades par des témoins oculaires, Paris, Garnier Frères, 1848, p. 46 et 58 ; mémoire du médecin aide-major, Mignon, au général Servatius, président de la commission de réorganisation de la garde républicaine, du 28 février 1849, Shat, Xk 26 ; lettre du lieutenant Ravinet de la garde républicaine au ministre de la Guerre, du 9 juillet 1849, Shat, Xk 26.
71 Dossiers Silas Sauvage et Louis Legendre 5 801, Shat, 6 J 77.
72 Ce qu’omet de préciser l’historique d’Alphonse Balleydier. Signalons par ailleurs que, durant les journées insurrectionnelles, les casernes intra-muros des gendarmes de la Seine sont également menacées rue des Francs-Bourgeois et à Saint-Germain-des-Prés notamment (rapport du colonel Rébillot, chef de la 1re légion de gendarmerie, au général commandant la 1re division militaire, du 28 juin 1848, Shat, F1 9 ; voir aussi Journal de la gendarmerie, no 114, du 1er août 1848, p. 221-223).
73 Déposition de Loir-Mongazon, maréchal des logis de la garde républicaine, audience du 9 septembre 1848, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 79.
74 Déposition de Lotaëris, maréchal des logis de la garde républicaine, audience du 9 septembre 1848, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 79.
75 Déposition de Loir-Mongazon, maréchal des logis de la garde républicaine, audience du 9 septembre 1848, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 79.
76 Déposition de Charles-Frédéric Berg, ébéniste et garde national de la 8e légion, du 25 juillet 1848, pièce C 1 676, AN, W 570. Il s’agit très certainement de l’impasse Guéménée.
77 Déposition de François Daniel, ex-cuisinier, garde républicain, audience du 19 septembre 1848, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 79.
78 Déposition de Charles Louis François Galland, ancien chef d’escompte de la banque Gouin, chef de bataillon de la 8e légion de la garde nationale, audience du 19 septembre 1848, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 78.
79 Ibid. Un auteur anonyme parle d’« un feu plongeant » (Les quatre journées, op. cit., p. 74).
80 Déposition de Charles-Frédéric Berg, ébéniste et garde national de la 8e légion, du 25 juillet 1848, pièce C 1 676, AN, W 570.
81 Sont-ils désarmés comme seuls l’affirment Clément, Diez, Michelin (op. cit., p. 125) ?
82 Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 125 ; Alphonse Balleydier, op. cit., p. 94 et Pierre-Antoine-Simon-Jude Pagès-Duport, op. cit., p. 75. Un anonyme (Précis des événements de Paris…, op. cit., p. 41) parle d’anciens gardes municipaux qui ont sauvé un seul officier du 18e léger.
83 Clément, Diez, Michelin, op. cit., p. 125 et anonyme, Les quatre journées, op. cit., p. 89.
84 La Liberté Journal de Lyon du 30 juin 1848 situe l’action l’après-midi du 24 juin. Voir aussi la version du garde national Cormillon (lettre d’A. Cormillon, rue de Grenelle Saint-Germain, no 66, au préfet de police, du 18 août 1848, Shat, 6 J 193).
85 La Liberté Journal de Lyon du 27 juin 1848.
86 Rapport du citoyen Galy-Cazalat, représentant du peuple, à la commission nommée par l’Assemblée nationale pour faire une enquête sur les événements des 23, 24, 25 et 26 juin 1848, pièce no 735, AN, C 930.
87 Ce jour-là deux d’entre eux sont arrêtés préventivement au Château-d’Eau par un capitaine de la garde nationale (dossiers Antoine Stiller et Bucher Florent 2 409, Shat, 6 J 34). Les cinq autres « ex-cipaux » inculpés repérés sont déjà à Paris le 23 juin.
88 Nous devons mentionner aussi l’ex-garde municipal à pied, François Marie, arrêté par la gendarmerie à Dourdan (Seine-et-Oise). Il ne fait pas l’objet d’un dossier d’inculpation. Rapport du colonel Rébillot, chef de la 1re légion de gendarmerie, au ministre de la Guerre du 4 juillet 1848, Shat, F1 10. L’ex-garde municipal Adolphe Maucourt, pris sans armes, est emmené en état d’arrestation à la mairie du VIIe arrondissement, le 25 juin 1848 (note anonyme du 25 juin 1848, Shat, 6 J 192).
89 Pierre Dominique, Les Journées de Juin, Paris, Berger-Levrault, 1966, in-16, 250 p., rééd. des Journées de 1848, Paris, Flammarion, 1948, p. 154.
90 La Gazette des tribunaux, no du 2 juillet 1848.
91 Lettre du préfet de police au président de la commission militaire, du 20 juillet 1848, Shat, 6 J 192.
92 Jacques Aristide Trouvé-Chauvel (préfet de police), République française. Préfecture de police. Cérémonie funèbre en l’honneur des citoyens qui ont succombé dans les journées de juin 1848, pour la défense de la République. Ordonnance concernant les mesures d’ordre et de sécurité à observer dans la journée du 6 juillet consacrée à cette cérémonie, Paris, Bouquin, 5 juillet 1848, in-plano.
93 Comme par exemple, l’ancien capitaine des Montagnards Brousse qui meurt des suites de ses blessures à l’hôpital des Quinze-vingt, le 26 ou 27 juin 1848 (note de Panisse, chef de la division de la sûreté générale, au procureur général, du 27 juin 1848, Shat, 6 J 190).
94 « Regrettons surtout de ne pouvoir léguer à la postérité les noms des héros qui firent le sacrifice de leur vie pour sauver le gouvernement de leur pays » (François Cudet, Histoire des corps de troupes qui ont été spécialement chargés du service de la ville de Paris depuis son origine jusqu’à nos jours, Paris, L. Pillet, 1887, p. 103).
95 Georges Benoit-Guyot (chef d’escadron), Bucquoy (chef d’escadron), Louis Larrieu (général), Georges Lelu (colonel), Grand livre d’or…, op. cit., t. II, p. 296.
96 « pendant les combats livrés au cours des émeutes de juin sont tués : MM. Cressant, capitaine et Liémance lieutenant (attaque de la barricade du Petit-Pont), le lieutenant Aubert [en fait Oubert], le sous-lieutenant Lavialle, les gardes Asperge, Barrois, Boulinguez, Delhaye, Devillereau, Ensel, Genest, Grandemange, Guerrin, Haffner, Ily, Lapierre, Lardinois, Leroux, Masse, Merel, Noyer, Petitsire, Prévost, Thouren, Ricaud » (Mémorial de la gendarmerie : Livre d’or…, op. cit., p. 215).
97 Louis Féron et Alfred Rey, Livre d’or des morts pour le devoir de la préfecture de police de Paris, du régiment des sapeurs-pompiers de la ville de Paris, de la légion de la garde républicaine et de la compagnie de gendarmerie de la Seine, Paris, Imprimerie municipale, 1913, 325 p. On y apprend que des gardes républicains tués en juin auraient été enterrés sous la colonne de Juillet (p. 11).
98 Un détachement de la garde républicaine lui rend les honneurs funèbres militaires (rapport au ministre de la Guerre du 9 août 1848, Shat, F1 11).
99 Un article de La Démocratie pacifique du 15 avril 1849 parle de 17 officiers tués ou blessés, 177 grades tués et 125 blessés.
100 Ce qui présuppose un effectif de 1 600 hommes.
101 Charles-Louis-Auguste Martin (capitaine), Mémoire relatif au projet de loi ayant pour objet d’accorder des grades dans l’armée, à titre de récompenses nationales, à des citoyens de la garde républicaine, Paris, Impr. de Blondeau, 1849, in-8, p. 5.
102 Déposition du capitaine de la 2e compagnie du 3e bataillon de la garde républicaine, Alexis Pierson du 2 septembre 1848, dossier Decklé 10 393, Shat, 6 J 142.
103 Lettre du général Bedeau au ministre de la Guerre, du 26 novembre 1849, Shat, Xk 25.
104 Le Moniteur universel du 19 juin 1850, séance du 18 juin 1850, p. 1719. Dans cette même déclaration, il évalue à mille cent, le nombre de gardes qui se sont battus en juin 1848. À propos du nombre de blessés nous ne savons si le mémoire du médecin de la garde Mignon chargé de recenser les blessés de la garde dans tous les hôpitaux est conservé. Il est mentionné dans un mémoire de Mignon au général Servatius, président de la commission de réorganisation de la garde républicaine, du 28 février 1849 (Shat, Xk 26). De la même façon, nous n’avons pas eu accès à l’état établi par le colonel de la garde et transmis au secrétariat général du ministère de la Guerre par le bureau de la gendarmerie (minute de la note écrite par le secrétariat général du 12 juillet 1850, Shat, Xk 25).
105 Rémi Gossez, « Diversité des antagonismes sociaux au milieu du XIXe siècle », op. cit., p. 453.
106 Marie de Flavigny (comtesse d’Agoult), Histoire de la Révolution de 1848…, op. cit., note 3, p. 692.
107 Ordre du jour du représentant du peuple, préfet de police Ducoux du 8 août 1848, Moniteur du 11 août 1848 (p. 1961). Dans ce même ordre du jour le préfet de police annonce que le commandant Lebris est décédé le 5 août, et non le 7, comme le précise le rapport au ministre du 9 août 1848.
108 Au moins 114 tués, 476 blessés, et 161 disparus pour Pierre Chalmin, « Une institution de la Seconde République », op. cit., p. 68, et pour H. Lynn Lees et Charles Tilly, « the People of June, 1848 », in Roger Price (éd.), Revolution and reaction…, op. cit., p. 185 ; 196 morts pour Pierre Caspard, « Aspects de la lutte des classes en 1848 », op. cit., p. 103.
109 Lettre du ministre de la Guerre au général commandant la 3e division militaire à Metz, du 12 août 1850, Shat, F1 36.
110 État de répartition de secours imputables sur le chapitre 26 du budget de 1851, approuvé par le ministre de l’Intérieur, le 26 décembre 1851, APP, AA 369.
111 « État des officiers, sous-officiers et soldats de la garde républicaine… » du 29 mars 1851, déjà cité.
112 Lettre du préfet de police au chef adjoint de la comptabilité, du 27 juillet 1848, APP DA 6.
113 Rapport de la commission au préfet de police, du 2 août 1848, APP, DA 6.
114 Rapport de la comptabilité, du 31 octobre 1848 et état des sommes payées aux ex-Montagnards, le 6 novembre 1848, APP, DA 6.
115 Les estimations varient considérablement : 1 460 morts et 4 000 blessés dans les deux camps, selon Pierre Dominique, Les Journées de Juin, op. cit. ; entre 3 000 et 6 000 tués ou blessés pour les insurgés seuls, plus de 800 tués pour l’armée et la garde mobile, selon Jean-Paul Bertaud et William Serman, Nouvelle histoire militaire de la France 1789-1919, Paris, Fayard, 1998, p. 280.
116 Gustave Flaubert, dans L’Éducation sentimentale (op. cit., p. 407-409), présente un aperçu réaliste des dégâts de l’insurrection dans Paris.
117 Circulaire du préfet de la Seine du 7 août 1848 sur le payement des fournitures de vivres faites à la troupe de ligne, à la garde nationale mobile et à la garde républicaine, pièce no 4417, autographe, 2 p., AP, V. D4 18.
118 Lettre de Madame Rosoy au ministre de l’Intérieur, du 10 janvier 1852, AN, F9 1181.
119 Lettre du ministre de la Guerre à Changarnier, commandant supérieur des gardes nationales de la Seine, du 7 juillet 1848, Shat, F1 10.
120 Tableau indicatif des récompenses proposées par le colonel de la garde républicaine, du 17 juillet 1848, déjà cité.
121 Il faut noter que parmi ceux-ci, il en est au moins un qui ne se trouvait plus dans la garde au moment de Juin mais qui a combattu à ses côtés.
122 Six sous-officiers et gendarmes de la Seine sont faits chevaliers de la Légion d’honneur le 28 juillet 1848. Mémorial de la gendarmerie : Livre d’or…, op. cit., p. 210.
123 « État des officiers, sous-officiers et soldats de la garde républicaine… » du 29 mars 1851, déjà cité.
124 Tableau indicatif des récompenses proposées par le colonel de la garde républicaine, du 17 juillet 1848, déjà cité.
125 Dossier Peitavin, Shat, 7 Yd 1 514.
126 Déposition de Jules Peitavin, du 15 juillet 1848, dossier Petit-Pont, Shat, 6 J 171.
127 Id.
128 Tableau de trois colonnes de noms, anonyme, s. d., Shat, Xk 26.
129 Tableaux nominatifs établis par le colonel Laneau pour le ministre de la Guerre, le 8 avril 1849, Shat, Xk 25.
130 Id.
131 On peut cependant avancer que le brigadier Perrin n’a probablement pas été retenu car il n’a aucun service militaire antérieur, ni la taille requise.
132 En effet, nous ne possédons pas leurs noms et nous ne pouvons ainsi les chercher dans les cartons F1d III 83 à 98 : combattants et blessés de février et de juin 1848 : dossiers individuels, aux Archives nationales.
133 À noter que le tambour Prévost est décoré le 10 août 1848 à titre posthume, il est décédé le 22 juillet à l’Hôtel-Dieu. État des officiers, sous-officiers et soldats de la garde républicaine, décorés sur la proposition du ministre de l’Intérieur pour leur conduite dans les journées des 23 au 26 juin 1848, du 29 mars 1851, AN, BB30 756.
134 Un décret, voté le 24 juin 1848, dispose que la République adopte les enfants et les veuves des citoyens qui ont succombé lors des journées de Juin. Le ministre de l’Intérieur interprète ce décret et intègre parmi les bénéficiaires de la commission des récompenses nationales, les veuves et les enfants des militaires ainsi que des gardes. Il se demande, en septembre 1848, s’il convient d’inclure également les blessés qui ont droit à une pension militaire (lettre du ministre de l’Intérieur au ministre de la Guerre, du 29 septembre 1848, Shat, F1 12).
135 Le Moniteur universel du 29 juin 1848, p. 1515. Il est bien entendu que cette reconnaissance est une formalité puisque toutes les forces de répression y ont droit.
136 On trouvera ces citations dans l’historique de 1908 aux pages 129 à 131.
137 Minute d’une lettre du ministre au général Changarnier, du 7 juillet 1848, Shat, F1 10.
138 Sur les représentations de l’insurrection de Juin, le lecteur peut notamment se reporter à Emmanuel Fureix, Représentations de l’insurrection…, op. cit., 198 p. (Centre de recherches en histoire du XIXe siècle), et notamment aux trois niveaux d’analyse qu’il adopte (p. 9), ainsi que du même auteur : « De l’“autel de l’anarchie” au Golgotha : la barricade de juin 1848 en représentation », in La barricade, op. cit., p. 220-233 et « Mots de guerre civile. Juin 1848 à l’épreuve de la représentation », Revue d’histoire du XIXe siècle, no 15, 1997/2, p. 21-30.
139 Anonyme, Journées de Juin 1848, écrites devant et derrière les barricades par des témoins oculaires, Paris, Garnier Frères, 1848, p. 22 ; anonyme, Les quatre journées, op. cit., p. 28 ; anonyme, Histoire complète et anecdotique…, op. cit., p. 55-56 ; Albert Maurin, Documents pour servir à l’histoire de la Révolution de 1848. Journées révolutionnaires des 22, 23, 24, 25 et 26 juin 1848, Paris, P. Amic l’aîné, 1848, p. 67 ; Alphonse Viollet, op. cit., p. 21 ; Alexis-Charles-Henri Clérel de Tocqueville, Souvenirs, op. cit., p. 192 ; Marie de Flavigny (comtesse d’Agoult), Histoire de la Révolution de 1848…, op. cit., p. 655.
140 Journées de Juin 1848, écrites devant et derrière les barricades par des témoins oculaires, Paris, Garnier Frères, 1848, p. 11.
141 Anonyme, Les quatre journées, op. cit., p. 21.
142 « L’on vit même les rangs de ceux qui la [la barricade du Petit-Pont] défendaient se grossir d’une partie de gardes républicains » (anonyme, Histoire de l’insurrection qui a ensanglanté Paris, Paris, Giroux et Vialat, éditeurs, 12 rue de Savoie, 1848, p. 20-21).
143 Alphonse Viollet, op. cit., p. 27.
144 La Gazette des tribunaux, nos des 20, 21, 22, 29 et 31 août, 20 septembre, 22 et 29 octobre 1848.
145 Procès des insurgés…, op. cit., 1re série (1er conseil de guerre), 112 p., et 2e série (2e conseil de guerre), 80 p.
146 Notamment le procès de Testulat, Le Moniteur universel du 20 août 1848, p. 2076.
147 Par exemple, Étienne Cabet, L’insurrection du 23 juin, avec ses causes, son caractère et ses suites, expliquée par la marche et les fautes de la révolution du 24 février, Paris, au bureau du Populaire, 1848, p. 55 ; Friederich Engels, Les journées de juin 1848, op. cit., p. 188 ; Alphonse Balleydier, op. cit., in-8, 151 p. Ce dernier est également l’auteur d’une histoire de la garde mobile (La garde mobile, Journées de Juin, Paris, Moutonnet, 1848, 80 p.) pour laquelle il prétend avoir interrogé les chefs de bataillons de la garde mobile (nota, p. 2).
148 Emmanuel Fureix, Représentations de l’insurrection…, op. cit., p. 159.
149 Paul Vesco, op. cit., p. 159 ; François Cudet, op. cit., p. 102-104 ; Livre d’or de la gendarmerie 1804-1889. Bienfaiteurs de l’arme, Paris, Limoges, H. Charles-Lavauzelle, 1889, 2e éd., VIII-196 p. ; Georges Benoit-Guyot (chef d’escadron), Bucquoy (chef d’escadron), Louis Larrieu (général), Georges Lelu (colonel), Grand livre d’or…, op. cit.
150 Voir Rémi Gossez, « Diversité des antagonismes sociaux au milieu du XIXe siècle », op. cit., p. 448 ; lettre de M. Bordon au prince Louis-Napoléon, président de la République, du 10 mars 1852, AN, F9 1 181. Par ailleurs, signalons que des gendarmes en bourgeois sont employés en qualité d’ordonnances pendant les événements. Un de ceux-ci, le gendarme Vétois, est retenu prisonnier pendant deux jours rue Saint-Maur (rapport du colonel Rebillot, chef de la 1re légion de gendarmerie, au ministre de la Guerre, du 28 juin 1848, Shat, F1 10).
151 Interrogatoire du 9 juillet 1848, dossier Legros 7 330, Shat, 6 J 97.
152 Selon Mark Traugott, seuls 10 à 15 % des ouvriers des ateliers nationaux ont participé à l’insurrection (Mark Traugott, Armies of the poor…, op. cit., chapitre 4).
153 Le brigadier Gruyelle (dossier Gruyelle 6 873, Shat, 6 J 91) et le garde Perriat (dossier Perriat 61, Shat, 6 J 1).
154 Roger Price, The French Second Republic, a social history, London, B. T. Bradford, 1972, p. 165. Ils seraient 124 mobiles infidèles selon Mark Traugott, « Une étude critique des facteurs déterminants des choix politiques lors des insurrections de février et juin 1848 », Revue française de sociologie, t. XXX, 1989, p. 607.
155 Dans l’hypothèse, émise plus haut, que deux mille hommes sont présents au corps le 22 juin 1848.
156 1 % des mobiles sont arrêtés après Juin. Ils sont presque tous relâchés.
157 H. Lynn Lees et Charles Tilly, op. cit., p. 170-209.
158 Il est très difficile de déterminer le nombre exact d’individus réellement transportés en Algérie ou même déplacés de Paris. Un « tableau général et statistique des 3 423 accusés de Juin transportés au Havre, du 3 août au 29 septembre 1848, avec indication, par catégorie, de profession, d’âge et d’origine », fourni par la Préfecture de police (APP, AA 428), indique 28 gardes transportés. Nous n’en connaissons que 23 à cette date.
159 Proportion semblable au résultat, sur un échantillon représentant 10 % des inculpés, de Jacques Houdaille (« Les détenus de Juin », Populations, 1981, no 1, p. 170). H. Lynn Lees et Charles Tilly (op. cit., p. 170-209) ont calculé qu’environ 30 % de la population totale des inculpés sont graciés.
160 Rappelons à propos des grâces que l’article 4 (§ 2) de la loi du 24 janvier 1850 sur la transportation en Algérie, dispose que le président de la République ne peut désormais décider des mises en liberté collectives mais seulement par des décisions individuelles, et après avoir pris l’avis du Conseil d’État.
161 Donnée disponible pour 131 personnes.
162 À titre indicatif, car les résultats de cette étude ne peuvent guère être étendus à l’ensemble du corps pour lequel nous ne possédons pas de telles informations. La moyenne d’âge des mobiles est de 21,5 ans selon Caspard et 22,1 ans selon Traugott.
163 Nous savons seulement pour trois d’entre eux où ils sont nés (Ardennes, Meurthe, Bas-Rhin). L’Est est un foyer traditionnel de recrutement de la gendarmerie et de la garde municipale.
164 En l’occurrence : 4 mécaniciens, 1 forgeron, 1 ajusteur mécanicien, 2 cloutiers.
165 H. Lynn Lees et Charles Tilly, op. cit., p. 186 et suiv.
166 Roger Price, The French Second Republic…, op. cit., p. 165. Si l’on additionne les catégories « chaussures et vêtements » d’une part et « textile », d’autre part, ces activités constituent la troisième catégorie la plus représentée parmi les inculpés.
167 Laurent Clavier et Louis Hincker, Aspect du peuple…, op. cit., et H. Lynn Lees et Charles Tilly, op. cit.
168 Nous ne connaissons rien de l’origine géographique des gardes républicains de juin 1848. Nous savons en revanche que les gardes mobiles sont très majoritairement nés en province.
169 Étudiée par H. Lynn Lees et Charles Tilly, op. cit., p. 186 et suiv.
170 Mark Traugott, « Une étude critique des facteurs… », op. cit., p. 602.
171 Nous savons que trois des ex-gardes logent dans un garni le 23 juin.
172 L’expression est d’Alain Dalotel, Alain Faure, Jean-Claude Freiermuth (Aux origines de la Commune : le mouvement des réunions publiques à Paris 1868-1870, Paris, Maspero, 1980, p. 54).
173 « Il est impossible d’arriver à une preuve autre que celle tirée de ses aveux » (dossier Even 380, Shat, 6 J 7).
174 Dossier Saint-Léon 7 641, Shat, 6 J 101.
175 Dossier Michelon 353, Shat, 6 J 6.
176 Dossier Cochoi 11 020, Shat, 6 J 151.
177 Dossier Redhon 9 897, Shat, 6 J 135. Il est envoyé au Havre dans la nuit du 17 au 18 août 1848 (Le Moniteur universel du 19 août 1848, p. 2 059).
178 Dossier Vermeille 12 030, 6 J 173.
179 Dossier Blondel 12 030, 6 J 171.
180 Dossier Catelineau 1 852, 6 J 27.
181 Dossier Batout 1 439, Shat, 6 J 20 ; dossier Lacheny 1 494, Shat, 6 J 21 ; dossier Canon 10 100, Shat, 6 J 138 ; dossier Hartmann 12 030, Shat, 6 J 172.
182 Dossier Lhéricé 12 030, Shat, 6 J 172.
183 Toutes les informations proviennent du dossier Nicolaï 7 526, Shat, 6 J 100.
184 Cette arme est saisie lors de son arrestation (procès-verbal de Bremond, commissaire de police du quartier de la porte Saint-Martin, du 5 juillet 1848, Shat, 6 J 196).
185 Dossier Nicolaï 7 526, Shat, 6 J 100.
186 La Gazette des tribunaux, no du 18 novembre 1848, p. 54.
187 Dossier Lebas 2 919, Shat, 6 J 39.
188 Le 24 décembre 1848, il sort de la prison Sainte-Pélagie, escorté de deux agents de la sûreté, pour aller voir sa femme gravement malade et ensuite son notaire (dossier Lebas, APP, AA 430).
189 Drevet, op. cit., p. 58-67.
190 « État d’émargement pour servir au paiement de la solde due aux officiers du susdit corps, pour la dernière dizaine du mois de juin 1848 », APP, DA 6.
191 On peut trouver le compte rendu succinct de ce procès dans La Gazette des tribunaux du 20 septembre 1848 et, comme pour Diétrich, aux Archives départementales de la Sarthe dans le fonds Cavaignac déjà cité.
192 Dépositions de Lotaëris, maréchal des logis de la garde républicaine et de Loir-Mongazon, maréchal des logis de la garde républicaine, audience du 19 septembre 1848, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 79.
193 Audience du 19 septembre 1848, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 78.
194 Déposition de Lotaëris, maréchal des logis de la garde républicaine, audience du 19 septembre 1848, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 79.
195 Dépositions d’Ernest Élie, adjudant sous-officier de la garde républicaine, de Pierre Marie Marquisan, capitaine d’habillement de la garde républicaine et de Pierre-Eugène Mathieu, capitaine dans la garde républicaine, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 79 et 80.
196 Dépositions d’Ambroise Pons, tailleur et ancien garde républicain, et de Gustave Valtat, vétérinaire à la garde républicaine, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série (2e conseil de guerre), p. 80.
197 « Cet officier avait un fusil de chasse à deux coups, en bandoulière. Il était un peu ivre. Je l’engageai à venir à la caserne des Minimes, où s’étaient réfugiés quelques-uns de nos hommes. Il refusa » (déposition de Loir-Mongazon, maréchal des logis de la garde républicaine, Procès des insurgés…, op. cit., 2e série [2e conseil de guerre], p. 79).
198 Dénommé « Mongarrou », p. 125.
199 Dossier Bois 1 075, Shat, 6 J 16.
200 Id.
201 Paul Romain, L’état de siège politique, thèse pour le doctorat, Sciences politiques et économiques, sous la direction de M. Hauriou, soutenue à l’université de Toulouse en 1917, faculté de droit, Albi, Impr. des orphelins-apprentis, 1918, in-8, p. 124-125.
202 Seules les pièces des procédures en commissions militaires sont conservées. En revanche, la comparaison entre les pièces présentes dans le dossier et l’inventaire de ces pièces, systématiquement conservé, révèle que les manques sont exceptionnels.
203 Procès des insurgés…, op. cit., 1re série (1er conseil de guerre), p. 3.
204 Procès des insurgés…, op. cit., 1re série (1er conseil de guerre), p. 48.
205 Il fuit la caserne des Tournelles, « craignant qu’on ne fit de nous ce qu’on avait fait en février de la garde municipale ». Un marchand de vin chez qui il se réfugie confirme qu’« il paraissait mort de peur » (dossier Paris 8 098, Shat, 6 J 107).
206 Dossier Paris 8 098, Shat, 6 J 107.
207 Seul le caporal Véniard, qui est arrêté par la garde nationale le 23 juin, sortant d’un marchand de vin et qui, par ailleurs, est étranger à toute participation à l’insurrection, est condamné sur l’unique témoignage à charge de son dossier, celui de son lieutenant (dossier Véniard 64, Shat, 6 J 1). Dans ce cas, son grade semble un élément à charge. Il sera rapidement gracié, le 24 décembre 1848 (AN, F7 2 585).
208 Condamné à cinq jours de prison le 6 juin 1832 pour troubles et le 27 février 1834 pour refus d’obéir aux sommations, il s’évade de Sainte-Pélagie le 12 juillet 1835. Il est à nouveau condamné le 25 août suivant, à un an de prison pour bris de prison, puis, toujours par contumace, le 23 janvier 1836, à cinq ans de détention pour l’attentat du mois d’avril 1834. Il est en outre reconnu coupable le 10 juin 1839, dans l’insurrection des 12 et 13 mai 1839 et le 11 août 1840 pour complot et association illicite (quinze jours de prison, dossier Pornin, AN, BB30 476). Il est également impliqué dans l’affaire du 15 mai 1848.
209 Rapport du préfet de police au président de la commission d’enquête sur la journée du 15 mai et les événements de Juin, du 25 juillet 1848, pièce no 2784, AN, C 934.
210 « proposition [approuvée par le préfet de police] ayant pour objet de faire payer au citoyen Pornin ex-commandant en chef des Montagnards, le rappel de solde auquel il a droit, comme ex-officier de la garde républicaine », du 5 juillet 1848, APP, DA 6.
211 Dossier Pornin 11 692, Shat, 6 J 163.
212 « Liste nominative des insurgés renvoyés devant les conseils de guerre à la date du 1er septembre 1848 », Shat, 6 J 188.
213 La Gazette des tribunaux, no du 29 octobre 1848, p. 1267.
214 AN, F7 2 585.
215 Procès des insurgés…, op. cit., 1re série (1er conseil de guerre), p. 33-44 et dossier Defrondat 8 310, Shat, 6 J 110.
216 Dossier Groslon 2 703, Shat, 6 J 37.
217 Blanqui y voit une des raisons pour lesquelles les insurgés ont intérêt à se battre ailleurs qu’en bas de chez eux (Auguste Blanqui, Instructions pour une prise d’armes, établis et présentés par Miguel Abensour et Valentin Pelosse, Paris, Société encyclopédique, éd. de la Tête de feuilles, 1973, in-8, 230 p. ; rééd. Instructions pour une prise d’armes. L’Éternité par les astres, réunis et présentés par Miguel Abensour et Valentin Pelosse, Paris, Sens et Tonka, 2000, aux pages 25-156, p. 37). Le voisin est parfois un gendarme. Voir le témoignage du gendarme Jean-Louis Lefort en résidence à La Chapelle qui dénonce l’ex-garde républicain Fourneaux (procès-verbal du commissaire de police de La Chapelle, du 13 juillet 1848, Shat, 6 J 191).
218 Cette distinction n’est pas toujours claire notamment dans les études sociologiques qui prennent en compte l’ensemble des quelque douze mille inculpés en Juin.
219 Laurent Clavier et Louis Hincker, « La barricade de juin 1848… », op. cit., p. 213.
220 Les témoignages des officiers sont à ce titre très importants.
221 Laurent Clavier et Louis Hincker, « La barricade de juin 1848… », op. cit., p. 219.
222 « Sous la monarchie […] le peuple est une classe, en République, devenu souverain, il ne se distingue plus du corps social, il est le corps social lui-même » (Laurent Clavier et Louis Hincker, Aspects du peuple…, op. cit., p. 249). Nous savons par ailleurs que le « peuple de Juin » est représentatif du « peuple de Paris ».
223 Laurent Clavier et Louis Hincker, « La barricade de juin 1848… », op. cit., p. 219.
224 Rappelons que seuls 5,85 % de l’effectif est inculpé.
225 Mark Traugott, Armies of the poor…, op. cit.
226 Cf. les épisodes des Tournelles, du Petit-Pont et du Temple.
227 Les gardes et ex-gardes insurgés se considèrent tous comme des gardes de la République et les belligérants des deux côtés de la barricade prétendent défendre la République.
228 Nous examinerons plus loin les questions que pose cette notion d’« esprit de corps ».
229 Mark Traugott, Armies of the poor…, op. cit., p. 187.
230 Pierre Caspard, op. cit., p. 100.
231 Remise des drapeaux du 20 avril 1848, défilé de la Fête de la Concorde du 20 mai 1848 et les diverses revues à partir du 30 mai, évoquées dans le chapitre précédent.
232 Selon Donald Cope (The National Workshops: a study in the French Revolution of 1848, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1933, p. 45), cité par Mark Traugott, Armies of the poor…, op. cit., p. 94.
233 Mark Traugott, Armies of the poor…, op. cit., p. 110.
234 Procès-verbal du commissaire de police de La Chapelle, du 13 juillet 1848, Shat, 6 J 191.
235 Étienne Cabet, L’insurrection du 23 juin…, op. cit., p. 47.
236 Journées de Juin 1848, écrites devant et derrière les barricades par des témoins oculaires, Paris, Garnier Frères, 1848, p. 19-20.
237 Ibid., p. 66.
238 Ibid., p. 18.
239 Anonyme, Les quatre journées, op. cit., p. 5.
240 Journées de Juin 1848, écrites devant et derrière les barricades par des témoins oculaires, op. cit., p. 66 et 67.
241 Le conservateur Alphonse Viollet (op. cit.) par exemple avoue ne pas comprendre le but de l’insurrection.
242 Anonyme, Histoire de l’insurrection qui a ensanglanté Paris, Paris, Giroux et Vialat, éditeurs, 12 rue de Savoie, 1848, p. 7.
243 Constituée de parlementaires, elle est instituée dans la séance du 3 août 1848 et comprend quinze membres, dont quatorze de la majorité.
244 Commission d’enquête de l’Assemblée nationale. Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’insurrection qui a éclaté dans la journée du 23 juin 1848 et sur les événements du 15 mai, par le citoyen Bauchart, représentant de l’Aisne, Paris, 1849, t. 1, p. 4.
245 Ibid., t. 1, p. 6.
246 Ibid., t. 1, p. 12.
247 Albert Maurin, op. cit., p. 107-108.
248 « Votre erreur [celle du peuple insurgé] fut d’exiger du pouvoir l’accomplissement d’une promesse qu’il ne pouvait tenir » (Pierre-Joseph Proudhon, Les confessions d’un révolutionnaire…, op. cit., p. 123). Il faut noter que si Proudhon ne voit pas Juin 1848 comme un conflit entre classes mais une lutte entre frères, il considère néanmoins ces journées comme le résultat de la lutte entre le capital et le travail.
249 Friederich Engels, Les journées de juin 1848, op. cit., p. 173.
250 Laurent Clavier et Louis Hincker, Aspects du peuple…, op. cit., p. 170.
251 « La guerre de classe était déclarée » (Charles de Rémusat, Mémoires de ma vie 1841-1851, présentés et annotés par Charles-Hippolyte Pouthas, Paris, Plon, 1958-67, t. IV, p. 335).
252 Mark Traugott, Armies of the poor…, op. cit., p. 173.
253 Alors que « l’insurrection est par définition une attaque » (Maurice Agulhon [dir.], La ville de l’âge industriel : le cycle hausmannien, t. 4 de l’Histoire de la France urbaine, Georges Duby (dir.), Paris, Seuil, 1983 ; rééd. : Paris, Seuil, Points histoire, 1998, p. 566).
254 Pierre Chalmin, « Une institution de la Seconde République », op. cit., p. 64.
255 Ibid.
256 Les ouvriers par Traugott, les insurgés dans leur ensemble par Caspard, Charles Tilly et Lynn Lees, Jacques Houdaille, Robert Price, Rémi Gossez, les gardes mobiles par Caspard, Chalmin, Traugott, les gardes nationaux par Hincker et Clavier, l’armée par House et le général Doumenc (« L’armée et les journées de juin 1848 », in Actes du congrès historique du centenaire de la révolution de 1848, tenu à Paris du 30 mars 1948 au 4 avril 1948, Paris, PUF, 1949, in-8, p. 255-265).
257 Sur ces questions, voir Laurent Clavier et Louis Hincker, Aspects du peuple…, op. cit., p. 115-135.
258 Pierre Caspard, « Aspects de la lutte des classes en 1848 », op. cit., p. 81-106.
259 Mark Traugott, Armies of the poor…, op. cit., p. 78 et suiv.
260 Les gardes inculpés ont une moyenne d’âge proche de celle de l’ensemble des inculpés ce qui conforterait l’hypothèse de Pierre Caspard. Rappelons que nous ne pouvons pas calculer la moyenne d’âge des gardes en Juin.
261 Mark Traugott, « Une étude critique des facteurs… », op. cit., p. 601-615. Par ailleurs, les recherches que Traugott mène sur le destin, en juin, des insurgés récompensés pour leur attitude en février, si elles sont stimulantes, n’ont abouti qu’à des résultats trop restreints (les vingt-quatre « double vainqueurs » et les vingt-huit « insurgés doubles ») pour qu’ils consolident efficacement l’hypothèse organisationnelle.
262 Douze mille insurgés actifs et douze mille défenseurs du Gouvernement, hypothèses basses retenues par Mark Traugott, « Une étude critique des facteurs… », op. cit., p. 614.
263 Laurent Clavier et Louis Hincker, Aspects du peuple…, op. cit., p. 187.
264 Laurent Clavier, Louis Hincker, Jacques Rougerie, op. cit., p. 136.
265 Signalons que le Paris pré-haussmanien de 1848 n’est pas encore clivé entre un Est pauvre et un Ouest opulent.
266 Cf. la 3e partie de la thèse de Louis Hincker, Être insurgé…, op. cit., p. 401-587.
267 Les journées du 17 mars, du 16 avril et surtout du 15 mai constituaient des alertes sérieuses.
268 Reconnaissons avec Louis Girard, « des limites à l’explication historique » (Louis Girard, Étude comparée…, op. cit., t. I, p. 1).
269 Juin 1848 est un drame, une tragédie classique qui comporte une unité de lieu et une unité de temps. Victor Hugo a senti que Juin 1848 fut « un fait à part et presque impossible à classer dans la philosophie de l’histoire » (Victor Hugo, Les Misérables, édition nationale, J. Lemonnyer, G. Richard, Émile Testard, 1891, t. V, p. 7).
270 Notamment car « il est extrêmement difficile de dépasser la contradiction qui existe entre la vocation générale du discours historique et le caractère singulier du matériel individuel » (Sabina Loriga, Soldats. Un laboratoire disciplinaire : l’armée piémontaise au XVIIIe siècle, Paris, Mentha, 1991, p. 228).
271 L’étude d’individus avec un dénominateur commun (par exemple, les habitants d’un même quartier, d’une même rue, d’un même immeuble ; des gardes nationaux d’une même compagnie, des marchands ambulants, les forts des Halles, les militaires d’un régiment, etc.) conjuguée à de nouvelles analyses d’ensemble (politiques, sociales, mais aussi judiciaires et économiques) permettront sans doute de mieux rendre compte de la complexité d’un événement qui oblige l’historien à rester modeste et patient.
272 Ce qui est relativement rare dans l’histoire de ce corps au XIXe siècle.
273 Louis Hincker, Être insurgé…, op. cit.
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