1 Intervention de Dupuis à la Convention le 26 ventôse an III (16 mars 1795) : « Il est un temps où le silence est un acte de sagesse, et Brutus ne fut pas déshonoré de l’avoir gardé sous le règne de Tarquin ; il est aussi un temps où le silence est un acte de lâcheté, et ce temps est arrivé » (Moniteur, no du 29 ventôse an III).
2 Kuscinski A., Dictionnaire des conventionnels, Brueil-en-Vexin, Éditions du Vexin Français, 1973 (1re éd., 1916), p. 230. Céline Pauvros a soutenu en 2013 une thèse à l’EHESS (Philippe Boutry, dir.) sous le titre : L’œuvre politique et philosophique de Charles-François Dupuis, auteur de l’Origine de tous les cultes ou Religion universelle (an III-1794).
3 À la Constituante, on recense environ 150 « grands orateurs », mais dont un tiers seulement « parlent très souvent » (Lemay E. H. [dir.], Dictionnaire des Constituants, Paris, Universitas, 1991, t. II, p. 996-997). À la Législative, on retrouve aussi une cinquantaine de députés qui prennent souvent la parole, mais sur un nombre total de députés très nettement inférieur à celui de la Constituante (id., Dictionnaire des Législateurs, Fernay-Voltaire, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, 2007, t. I, p. XVIII).
4 Biard M., Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Éditions du CTHS, 2002 (édition refondue, Paris, Vendémiaire, 2015).
5 Archives Parlementaires de 1787 à 1860. Recueil complet des débats législatifs et politiques des chambres françaises […], fondé sous la direction de Mavidal M.J. et Laurent M. E., Paris, Dupont (puis CNRS), 102 vol. , 1879-2012, t. LIX, p. 718 (ensuite indiquées AP).
6 Ibid., t. LX, p. 596-597 (séance de la Convention du 27 mars 1793).
7 Beffroy de Reigny L. A., La Constitution de la lune, rêve politique et moral, par le Cousin Jacques, Paris, Froullé, 1793 (2e édition).
8 Son texte s’ouvre par ces mots placés en page de couverture : « Vous proposez la mort à quiconque proposera la monarchie !… Eh bien, voici une République ; mais une République sans athées, sans factieux, sans tyrans, sans enthousiastes ; où la religion, les mœurs, la justice, la paix, et surtout l’horreur du sang, font le charme de la vie et l’essence de la liberté. » Puis viennent des « observations de l’auteur » : « L’Europe littéraire connaît mes Lunes, publiées aux années 1785, 1786 et 1787, et mes Planètes, qui ont paru en 1788, 1789 et 1790 […] Alors j’étais gai ! alors j’écrivais sans entraves ! alors rien n’altérait le naturel heureux dont le ciel m’avait doué !… Que les temps sont changés !… l’image des crimes, des assassinats, des emprisonnements et des proscriptions, fruit ordinaire de l’anarchie, me poursuit depuis plusieurs mois ; je ne tiens la plume qu’en tremblant… » Il écrit avoir quitté Paris en juin 1792 et avoir rédigé son texte en décembre de la même année, enfin avoir résidé dans l’Yonne entre le 30 juin 1792 et le 18 mai 1793.
9 Ibid., p. 127. Il ajoute dans une note (même page) : « Quand on songe qu’en France on a rendu des décrets importants en l’absence de plus de la moitié des législateurs, que des hommes payés par le peuple et chargés des grands intérêts du peuple négligent leurs devoirs à ce point, on voit clairement que très souvent la moitié des départements n’est pas représentée. Cela fait frémir, et j’avoue que l’Ancien Régime, avec toute sa difformité, n’avait rien de si effrayant à mes yeux, et l’on parlait d’abus… » La toute première allusion vise notamment le décret rendu le 21 septembre 1792 pour abolir la royauté en France, alors que la Convention était loin d’être rassemblée au complet. En effet, sur 749 représentants du peuple élus, seuls 387 participent à la première réunion de la nouvelle Assemblée. Cela n’a rien d’illégal, puisqu’un décret fixait à 200 le nombre minimal de présents pour autoriser la Convention à se constituer. En revanche, les départements s’en trouvent inégalement représentés à ce moment précis (cf. Leuwers H., « Ces représentants qui ont choisi la république : les Conventionnels des 20 et 21 septembre 1792 », in Biard M., Bourdin Ph., Leuwers H. et Serna P. [dir.], 1792. Entrer en République, Paris, Armand Colin, 2013, p. 241-254).
10 Ibid., p. 128 (c’est moi qui souligne).
11 Encore convient-il de noter que Lanjuinais est un cas particulier. En effet, proscrit avec d’autres Girondins le 2 juin 1793, évadé de son domicile où il était assigné à résidence le 23, déclaré « traître à la patrie » et de fait mis hors de la loi le 8 juillet suivant, Lanjuinais est écarté de la Convention jusqu’au printemps 1795. Dès lors, pour lui, les trois années d’existence de la Convention se réduisent à un peu plus d’un an. Sur ses 244 interventions, 58 se placent entre septembre et décembre 1792, 85 entre janvier et le 2 juin 1793, 101 entre le 10 floréal an III (29 avril 1795) et le 3 brumaire an IV (25 octobre 1795). Soit une moyenne, toute théorique bien sûr, mais pour autant remarquable, de quelque 17 interventions par mois en 1792 aussi bien que dans le premier semestre 1793 et restant au même niveau en 1795. Avec une présence permanente à la Convention et donc environ vingt-trois mois de plus passés en son sein au lieu de connaître les angoisses de la clandestinité, il aurait, sur ces bases, probablement atteint un nombre d’interventions supérieur à 600.
12 Avec un temps encore plus réduit que celui de Lanjuinais, puisque Valazé, lui aussi girondin, se suicide en pleine séance du Tribunal révolutionnaire le 30 octobre 1793. Sa 111e et dernière intervention devant la Convention se produit le 31 mai 1793. D’abord arrêté et gardé à son domicile après le 2 juin suivant, il est transféré au Luxembourg reconverti en prison le 26 juillet, puis à la Grande Force le 31 du même mois, et pour finir à la Conciergerie le 6 octobre (Biard M., La Liberté ou la mort. Mourir en député [1792-1795], Paris, Tallandier, 2015).
13 Le vote sur la commission des Douze, en mai 1793, remplace celui sur le cas de Carrier (Gertoux est « malade » à l’automne 1794 et ne prend pas part à ce vote).
14 Les quatre votes au cours du procès de Louis XVI et le vote du décret d’accusation contre Marat (comme Gertoux, Lacrampe est « malade » à l’automne 1794.
15 Nombre minimise par la durée importante de ses missions dans les départements et auprès de l’armée de l’Ouest (de mars à mai 1793, puis d’aout 1793 à aout 1794).
16 Parmi ces interventions, il présente une trentaine de rapports à la Convention, dans leur immense majorité consacrée à des questions militaires (car il est membre du comité de la Guerre).
17 Bonnesœur-Bourginière (7 interventions), Havin (4), Hubert-Dumanoir (5), Pinel (5), Poisson de Coudreville (7), Regnauld-Bretel (6), Ribet (6) et Sauvé (6). Ces représentants du peuple ne font donc quasiment jamais entendre leur voix à la Convention en dehors de certains appels nominaux.
18 Garos (7), Gaudin (9), Girard-Villars (6) et Maignen (7).
19 AP, t. LVII, p. 99, 106, 415 et 467.
20 Ibid., p. 409.
21 Ibid., p. 540.
22 Ibid., t. LXI, p. 63.
23 Cité par Gainot B., Dictionnaire des membres du comité de Salut public, Paris, Tallandier, 1990, p. 31-32. Sur ce comité et l’assiduité de ses membres, voir Matta-Duvignau R., Gouverner, administrer révolutionnairement : le comité de Salut public (6 avril 1793-4 brumaire an IV), Paris, L’Harmattan, 2013.
24 Biard M., Missionnaires de la République…, op. cit.
25 La Convention elle-même ne parvient que très difficilement à maîtriser les divers renseignements nécessaires pour savoir qui de ses membres est en mission, absent pour cause de maladie, absent sans raison, etc. Deux appels nominaux, les 15 et 17 juin 1793, en fournissent une illustration (AP, LXVI-642-645). À cette date, il s’agit notamment de repérer des Girondins qui auraient quitté Paris sans autorisation. Sur un effectif total de 765 membres (depuis le 28 mai, ibid., LXV-531), 173 ne répondent pas à l’appel de leur nom. Toutefois, les listes dressées comprennent de nombreuses erreurs. Sur 109 représentants du peuple en mission, cinq ont en réalité été rappelés et ne sont pas encore rentrés (presque tous girondins), quatre autres ont été livrés à l’ennemi lors de la trahison du général Dumouriez, enfin et surtout plusieurs (dont des Girondins) sont supposés en mission alors qu’aucune trace de leur envoi ne semble avoir été conservée. Pire, l’un de ces derniers, Magniez, réputé en mission, écrit quelques jours plus tard avoir été forcé à s’absenter de la capitale en raison du « dérangement de ses affaires » et de la santé dégradée de son épouse (en fait, retiré dans son département, le Pas-de-Calais, après les événements du 2 juin, il va être tenu pour démissionnaire et remplacé par Lebon…). Outre ces 109 cas, six autres sont en congés, seize « malades », deux démissionnaires, un en accusation (Philippe-Égalité), onze déclarés absents sans raison (dont six Girondins…), et vingt-huit « en arrestation ». Et là aussi, les comptes relèvent d’un constat tout à fait théorique, puisque, selon un pointage opéré quelques jours plus tard, sur ces derniers, neuf seulement sont présents et sous surveillance à leur domicile, huit ont réussi à s’évader et onze ont choisi la fuite avant même d’être arrêtés (cf. Biard M., La Liberté ou la mort…, op. cit., chap. 3).
26 AP, t. LXII, p. 69.
27 La durée du vote s’explique par le fait que, comme pour d’autres appels nominaux, chacun peut à sa guise se contenter de voter ou bien motiver son choix par un discours plus ou moins long.
28 « Indisposé depuis dix jours et n’ayant pu rester hier que quelques heures à la Convention, n’ayant pas encore la tête et la santé assez fortes, je n’ai su que ce matin les débats et l’appel nominal qui ont eu lieu cette nuit et où, quelque chose qui eût pu m’en arriver, je me serais fait porter, si j’en avais eu connaissance » (Charles Duval) ; « Attaqué depuis plus de quinze jours d’un rhume violent et d’accès de fièvre, je n’ai pu assister à toute la séance d’hier ; arrivé à dix heures, j’y suis resté jusqu’à pareille heure du soir sans interruption » (Dumont) (AP, t. LXII, p. 85 et 109).
29 Pour davantage de détails, voir Biard M., « Entre Gironde et Montagne. Les positions de la Plaine au sein de la Convention nationale au printemps 1793 », Revue historique, 2004, no CCCVI/3, p. 555-576.
30 Brunel F., 1794 Thermidor. La chute de Robespierre, Bruxelles, Complexe, 1989.
31 Ibid., p. 112.
32 Sur cette question, voir Biard M., La Liberté ou la mort…, op. cit., chap. 3.
33 AP, t. LXV, p. 689.
34 Ibid., p. 690.
35 Ibid., p. 699.
36 Ibid., t. LXVII, p. 105.
37 Il s’agit ici d’une référence au cas de Brissot, décrété d’arrestation le 2 juin, en fuite arrêté à Moulins le 10, muni de faux documents d’identité, ramené à Paris et incarcéré à la prison de l’Abbaye le 23, et que la Convention décrète aussitôt d’accusation (ibid.). Sur la différence, fondamentale, entre décret d’arrestation et décret d’accusation, cf. Biard M., La Liberté ou la mort…, op. cit., chap. 3.
38 AP, t. LXVII, p. 105-106.
39 Ibid., p. 134.
40 Ibid., p. 136-137.
41 À cette liste de Girondins est ajouté, en dernière position, un Montagnard pour le moins particulier : « Philippe-Égalité, ci-devant duc d’Orléans » (ibid., t. LXXV, p. 520-521).
42 Ceux-ci sont alors en fuite et le décret voté sur le rapport d’Amar les envoie ainsi à une mort certaine s’ils sont capturés.
43 Mémoires de Dulaure, Paris, Poulet-Malassis, 1862, p. 286-287. Absent des trois listes successivement lues par Amar, Dulaure n’obtient pourtant qu’un répit éphémère. Le 21 octobre, le même Amar fait voter un décret d’accusation contre lui. Dulaure parvient néanmoins à se cacher puis à fuir, échappant ainsi au sort de ses collègues.
44 AP, t. LXXV, p. 535-536.
45 Ibid., p. 554.
46 Ibid., p. 565.
47 Biard M., La Liberté ou la mort…, op. cit., chap. 5.
48 AP, t. LXXV, p. 619.
49 Mentionnons toutefois Legendre. Le 15 germinal an II (4 avril 1794), alors qu’il a déjà osé prendre la parole pour dénoncer l’arrestation de Danton et de ses amis, il rapporte à la Convention des rumeurs ayant circulé sur l’imminence de sa propre arrestation. Il dit être allé de lui-même au comité de Sûreté générale qui l’a rassuré, et il déclare : « Si le fait que je viens de citer m’eût regardé personnellement, j’aurais gardé le silence ; mais j’ai voulu prévenir mes concitoyens contre les intrigues de quelques contre-révolutionnaires qui veulent faire dire au peuple : “Il n’y a plus de représentation nationale, plus de liberté d’opinions, puisqu’on arrête un député pour une motion qu’il a faite dans le sein de la Convention”. Au reste, j’adjure tous les citoyens qui ont des faits contre moi de les dénoncer ; je déclare contre-révolutionnaire quiconque, en ayant à ma charge, garderait le silence. En politique on peut se tromper, en probité jamais » (Moniteur, no du 16 germinal an II [5 avril 1794] ; version légèrement différente, in AP, LXXXVIII-155).
50 Moniteur, no du 30 vendémiaire an III (21 octobre 1794). On connaît par ailleurs la célèbre phrase de Billaud-Varenne, prononcée deux semaines plus tard : « On accuse les patriotes de garder le silence ; mais le lion n’est pas mort quand il sommeille, et à son réveil il extermine tous ses ennemis » (séance du club des Jacobins du 13 brumaire [3 novembre], ibid., no du 17 brumaire [7 novembre]).
51 Ibid., no du 11 thermidor an II (29 juillet 1794).
52 Ibid., no du 13 fructidor an II (30 août1794).
53 C’est moi qui souligne. Ibid., no du 18 fructidor an II (4 septembre 1794).
54 « Le temps du silence est passé ; les menaces ne m’épouvanteront pas… » (Cambon, ibid., no du 4 brumaire an III [25 octobre 1794]) ; « Je ne sais si les interruptions et la crainte d’être arrêté peuvent empêcher quelqu’un de monter à la tribune ; quant à moi, je déclare que ni les applaudissements, ni les huées des ennemis de la chose publique ne pourront m’imposer le silence » (Duhem, ibid., no du 14 brumaire [4 novembre]) ; « On nous a mis continuellement entre le silence, qu’on a pris pour un aveu, et la nécessité de jeter le trouble dans cette assemblée si nous eussions insisté » (Collot d’Herbois, ibid., no du 9 nivôse [29 décembre]) ; « Il est temps que vous ouvriez les yeux sur des projets qui menacent vos jours et la liberté du peuple français ; le salut de mon pays m’a fait croire pendant quelques instants que je devais garder le silence, afin de ne pas inquiéter les esprits sur l’horrible position où nous sommes ; mais je trahirais mes devoirs si je me taisais plus longtemps » (Gaston, ibid., no du 13 nivôse [2 janvier 1795]).
55 AP, LXXVIII-716-717.
56 Moniteur, no du 20 ventôse an III (10 mars 1795).
57 L’anecdote et la phrase sont souvent reprises, moyennant quelques variantes et surtout avec une prudence plus ou moins marquée, ainsi par Auguste Kuscinski (Dictionnaire des conventionnels, op. cit., p. 568) et Jean-René Suratteau (« Sieyès », in Albert Soboul, Jean-René Suratteau et François Gendron [dir.], Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, Presses Universitaires de France, 1989, p. 986).