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Réformer les disciplines

 | 
Joël Lebeaume
, 
Renaud d' Enfert

Troisième partie. Réformes, légitimités et hiérarchie des savoirs et des pratiques

Chapitre X. De « nouveaux » acteurs en EPS : les personnels de la Jeunesse et des Sports (début des années 1960-fin des années 1970)

Philippe Alix et Carine Érard

Texte intégral

  • 1 Michon Bernard, Caritey Benoît, « Histoire orale d’une profession : les enseignants d’éducation ph (...)
  • 2 La première circulaire transforme la demi-journée de plein air en demi-journée de « sport », la se (...)
  • 3 Instructions officielles du 19 octobre 1967 aux professeurs et maîtres d’éducation physique et spo (...)

1De la Libération au début des années 1960, l’éducation physique et sportive (EPS) reste l’objet de débats entre les tenants d’une éducation physique scolaire basée sur une « gymnastique » et les promoteurs d’une discipline fondée sur du « sport ». Si l’éclectisme ouvert des instructions officielles de 1945 aiguise les débats, en 1959, c’est une éducation physique « traditionnelle » composée d’une gymnastique de formation puis d’application qui est maintenue, notamment sous l’influence d’inspecteurs généraux partisans de la Ligue française d’éducation physique, à contre-courant de la volonté politique incarnée par Maurice Herzog, haut commissaire à la Jeunesse et aux Sports. Ce dernier plaide en effet en faveur d’une éducation physique « moderne », c’est-à-dire sportive et préparatoire à une pratique extra-scolaire. À défaut d’avoir pu « sportiviser » les contenus de l’éducation physique scolaire en 1959, M. Herzog passe par une série de circulaires pour soutenir la transformation des contenus déjà à l’œuvre (quoique inégalement présente selon les générations et les formations) dans les pratiques de nombreux enseignants1. Les circulaires du1 er juin 1961 et du 21 août 19622, qui complètent la création en 1959 d’une épreuve obligatoire d’EPS au baccalauréat, s’appuient résolument sur des contenus sportifs. Elles envisagent l’EPS comme une passerelle avec le monde sportif alors même qu’une partie des enseignants soutient une autre forme de sportivisation des contenus. Le processus de réforme de la discipline, enclenché depuis 1958 (mais contrecarré par les instructions de 1959) et latent depuis le début des années 1960, est réamorcé par la création de commissions à partir de 1963-1964, aboutissant à la publication en 1967 de nouvelles instructions officielles qui consacrent la bascule sportive des contenus de l’éducation physique3.

  • 4 Rappelons qu’en 1958 est créé un haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports avec à sa tête Maur (...)
  • 5 Pierre Trincal, ancien enseignant d’éducation physique et fraîchement sorti de l’ENA, conseiller a (...)

2Cette politique de renouvellement de contenus et de développement de moyens proposée par M. Herzog s’appuie sur une dynamique générale de déconcentration administrative engagée à partir de 1962 et qui, de fait, concerne très fortement les services extérieurs de la Jeunesse et des Sports4. Ces derniers se trouvent alors dotés d’un maillage de nouveaux personnels chargés d’administrer localement l’EPS. Certains d’entre eux se retrouvent dans les commissions précitées. En effet, à côté de la commission Trincal5 qui s’attache, à partir de 1965, à proposer un cadrage général et philosophique fixant les fins de l’éducation physique, une commission composée d’inspecteurs principaux pédagogiques travaille en parallèle sur des propositions plus pragmatiques et notamment sur une programmation d’activités physiques et sportives (APS). À l’exception de l’inspecteur général Étienne Orjollet, l’inspection générale est écartée. À partir de janvier 1966, les politiques de la Jeunesse et des Sports et de l’EPS ne sont plus sous l’autorité commune de l’Éducation nationale mais sous la tutelle du ministère de la Jeunesse et des Sports (François Missoffe), contribuant à un éloignement de celle-ci de la sphère scolaire. C’est cette proposition de programmation des inspecteurs pédagogiques que René Haby (alors chargé de poursuivre la réflexion sur les instructions officielles) choisit d’adjoindre aux textes officiels de 1967.

  • 6 Propos d’un directeur départemental à cette période, table ronde du séminaire Rediscol EPS, 17-18 (...)
  • 7 Ibid.

3Ce qui retient ici notre attention, c’est la configuration singulière qui se met en place, dans laquelle ces « nouveaux » personnels se trouvent en position d’être de potentiels « acteurs » sur le terrain de cette politique de réforme, à un moment où l’EPS, par son rattachement renforcé à la Jeunesse et Sports, devient davantage l’affaire des services extérieurs de la Jeunesse et Sports que celle des rectorats. « Les services départementaux gagnent progressivement leur autonomie par rapport aux inspections académiques6 » et on assiste à une « séparation du pédagogique et de l’administratif7 ». Cette nouvelle configuration nous apparaît en ce sens heuristique, non seulement par sa spécificité administrative (non strictement scolaire) mais aussi par la place de l’inspection générale, qui a été tenue à l’écart de l’écriture des instructions officielles de 1967 qui légitiment les APS comme support exclusif de l’éducation physique scolaire. Il est dès lors possible d’éclairer le processus de réforme à l’œuvre alors que, placés sous la tutelle de la Jeunesse et des Sports, les différents corps professionnels doivent se positionner au regard des politiques proposées en matière d’articulation entre le scolaire et l’extra-scolaire, lesquelles sont censées permettre une « démocratisation » dont, nous le verrons, l’objet fluctue selon les personnels.

4Qui sont donc ces inspecteurs principaux de la Jeunesse et des Sports « nouvellement » chargés d’encadrer administrativement et pédagogiquement l’éducation physique scolaire ? Qui sont, parmi eux, les inspecteurs principaux pédagogiques, affectés au secteur scolaire et chargés d’y assurer le volet strictement pédagogique de l’enseignement de l’EPS ? Ont-ils des profils semblables ou bien distincts de leurs homologues directeurs affectés au secteur extra-scolaire, qui ont pour mission de mettre en place des plans d’équipement sportifs et socio-éducatifs, d’assurer le développement et l’encadrement du secteur extra-scolaire tout en ayant administrativement en charge les personnels enseignants du secteur scolaire ? Les parcours et profils de ces inspecteurs sont-ils « nouveaux » et différents de ceux de l’inspection générale ?

5Sur quels aspects de l’EPS, et à partir de quelle vision, ces nouveaux agents de l’État concentrent-ils leur action ? Selon quelles modalités se vivent les rapports entre leurs secteurs d’intervention ? Se font-ils dans la collaboration, la concertation, l’indifférence voire le conflit ? Comment ces inspecteurs envisagent-ils la continuité de l’action éducative dans les années 1960 et quels sont leurs positionnements au moment d’une bascule de la politique suivie à partir des années 1970 ? Plus largement, ces inspecteurs, qu’ils soient affectés au secteur scolaire ou extra-scolaire, sont-ils de simples agents de l’État ou bien des « acteurs », c’est-à-dire accompagnant (relayant) les réformes quand d’autres apparaissent comme de véritables acteurs ?

  • 8 Arnaud Pierre, « Contribution à une histoire des disciplines d’enseignement : la mise en forme sco (...)
  • 9 Condette Jean-François, Les recteurs d’académie en France. Tome I : la formation d’une élite admin (...)

6Toutes ces questions ne se sont jamais trouvées posées dans l’historiographie de l’EPS. Si la thèse dominante, celle de l’orthodoxie scolaire8, souligne l’effort fait par les acteurs de la discipline pour se conformer à la culture scolaire, elle interroge assez peu ce moment de convergence vers un mouvement précisément inverse et n’envisage pas le poids éventuel des acteurs de la Jeunesse et des Sports. Par ailleurs, comme plus généralement dans l’historiographie de l’éducation, ce que fait remarquer Jean-François Condette à propos des recteurs9, le maillage régional que nous interrogeons ici, a longtemps été oublié.

  • 10 Sur le modèle des travaux que Christophe Charle a menés à propos des intellectuels et des élites e (...)

7Par cette contribution, à partir de la composition sociologique de ces personnels en charge de l’EPS, nous cherchons à envisager leur éventuelle contribution en faveur de la sportivisation des contenus de cette discipline, et également, à comprendre ce qui les différencie des inspecteurs généraux qui avaient jusqu’alors la charge de l’éducation physique. Aussi, c’est à travers une approche prosopographique associée à une collecte de témoignages d’inspecteurs que nous tentons d’aborder ces questions10.

Une approche prosopographique

8Notre étude prosopographique s’intéresse aux inspecteurs Jeunesse et Sports ayant eu la charge de l’éducation physique scolaire entre 1945 et la fin des années 1970, à savoir : les inspecteurs généraux, les inspecteurs principaux pédagogiques (nommés à partir de 1964) et les inspecteurs principaux Jeunesse et Sport ayant été directeurs départementaux ou régionaux durant les années 1960-1970. Ces derniers sont les seuls dont nous pouvons être certains qu’ils se sont chargés d’éducation physique, du fait de leur fonction à la tête d’une direction régionale. Tous les autres inspecteurs départementaux Jeunesse et Sports peuvent se préoccuper indifféremment ou conjointement de la jeunesse et/ou du plein air, sans qu’il soit possible d’identifier précisément leurs activités qui souvent relèvent d’un fonctionnement local.

  • 11 Archives nationales, 19910648/1 à 17, 19910649/1 à 6, 19910650/1 à 31, 19920123/1 à 20, 19920124/1 (...)
  • 12 Claire Fossati à partir de 1961 et Jocelyne Roux à partir de 1978.
  • 13 Sur 40 dossiers, figurent cinq femmes seulement.

9Les dossiers de carrières de ces inspecteurs ont pu être consultés aux Archives nationales11. Nous avons pu ainsi reconstituer, pour les comparer, les parcours et profils de 28 inspecteurs généraux (déjà en charge de la discipline), ainsi que ceux des nouveaux personnels, soit 106 inspecteurs ayant eu des fonctions de directeurs départementaux et/ou régionaux et 40 inspecteurs principaux pédagogiques. Leurs parcours ont été reconstruits et comparés à partir de trois indicateurs : parcours scolaires (à travers les diplômes obtenus), parcours socio-professionnels (au travers des expériences professionnelles successives dans le corps professionnel d’origine et au sein de l’inspection) et engagements associatifs au sein des mouvements de jeunesse ou du secteur sportif, en tant que pratiquant ou dirigeant. On peut en effet supposer que ces inspecteurs, selon qu’ils ont suivi une formation scolaire dans l’ordre primaire ou secondaire à une époque où ces ordres séparent et distinguent les fractions populaires et aisées du public scolaire et où ils préfigurent des parcours socio-professionnels différents, ont construit des rapports distincts à l’école et aux contenus qu’elle se propose de rendre accessibles. On peut par ailleurs penser que leurs expériences professionnelles dans le primaire ou le secondaire, en éducation physique ou dans d’autres disciplines scolaires, n’ont pas été sans forger des rapports variables à cet enseignement ainsi que des conceptions contrastées sur sa place et son rôle dans l’éducation. Enfin, leur éventuel engagement associatif dans des secteurs dont l’idéologie varie en matière de conception de l’éducation, d’activités « éducatives » et de méthodes d’apprentissage, les a conduits probablement à soutenir des visions différentes de l’encadrement de la jeunesse et de ses activités physiques. Notons que dans ce corpus, les femmes sont très marginales. Seules deux femmes ont occupé des fonctions de directrices départementales12 et aucune femme ne semble avoir occupé des fonctions de directrice régionale ; elles sont à peine plus présentes dans les fonctions d’inspectrices pédagogiques13.

  • 14 C’est le cas pour Joël Balavoine, Paul Deschaux, Jean Eisenbeis, Georges Icher, Liliane Forestier, (...)
  • 15 C’est le cas pour Louis Banti, Paul Deschaux, Raymond Coiral, Michel Heluwaert, Henri Hutin, Georg (...)

10Cherchant à dépasser la simple description morphologique de ce « corps » d’inspection Jeunesse et Sports, nous avons en outre collecté une quinzaine de témoignages d’inspecteurs en fonction dans les années 1960-1970 et dont les secteurs d’affectation et les obédiences sont variés (certains sont restés dans le secteur scolaire, d’autres dans le secteur extra-scolaire, d’autres encore sont passés par les deux secteurs ; certains proviennent davantage du secteur « jeunesse », d’autres du mouvement « sportif », d’autres encore de l’éducation populaire). Par ces témoignages, recueillis individuellement pour certains14 et sous forme collective pour les autres15, nous avons cherché à reconstituer leurs conceptions de l’éducation physique scolaire et de son articulation avec le secteur extrascolaire, les relations et éventuels conflits entre inspecteurs du scolaire et de l’extra-scolaire, leurs attributions en matière de prérogatives (au-delà des indications données par les textes), leurs préoccupations « réelles » au quotidien, leurs motifs d’action.

Inspecteurs principaux pédagogiques et directeurs (régionaux et départementaux) de la Jeunesse et des Sports : convergences et divergences de profils socio-professionnels

11Les inspecteurs en charge de l’éducation physique scolaire, qu’ils soient directeurs (départementaux ou régionaux) ou inspecteurs principaux pédagogiques, présentent des recrutements semblables : une formation initiale d’enseignant avec, dans six cas sur dix, un parcours scolaire dans l’ordre primaire et non dans le secondaire. La distribution des formations initiales chez les inspecteurs pédagogiques et les directeurs montre cependant trois principales différences.

12Première différence : les formations initiales des directeurs apparaissent moins circonscrites au domaine de l’enseignement, et à celui de l’éducation physique en particulier, que celles des inspecteurs pédagogiques. Si ces derniers ont tous une formation d’enseignant, un quart des directeurs a suivi une autre formation. Certains sont passés par une école d’arts et métiers, d’autres par une école supérieure de commerce ou de travaux publics. D’autres encore ont suivi un cursus universitaire en lettres (jusqu’à la licence) ou bien ont arrêté leurs études juste après le baccalauréat. Deuxième différence : les inspecteurs à la tête des directions régionales ou départementales semblent moins souvent spécialisés en éducation physique scolaire. Quand les inspecteurs principaux pédagogiques ont, dans la quasi-totalité des cas (à une exception près) complété leur certificat d’aptitude pédagogique (CAP) par un diplôme en éducation physique, seule la moitié des directeurs a cette double qualification. Troisième différence : les inspecteurs principaux pédagogiques sont plus souvent formés à l’enseignement d’une éducation physique et sportive scolaire basée sur le traitement théorique et une pratique des APS alors que les directeurs ont plutôt bénéficié d’une formation « à l’ancienne » ancrée dans une éducation physique plus traditionnelle, et plus rarement d’une formation courte relevant d’une éducation physique « sportive ». En effet, la moitié des inspecteurs principaux pédagogiques est dotée d’un certificat d’aptitude au professorat de l’éducation physique et sportive (CAPEPS) alors que les directeurs diplômés d’éducation physique sont majoritairement dotés d’un certificat d’aptitude à l’enseignement de la gymnastique (CAEG) ou d’un certificat d’aptitude à l’enseignement de l’éducation physique (CAEP). Au total, ces inspecteurs principaux Jeunesse et Sports en charge de l’éducation physique scolaire sont en grande majorité des enseignants de formation, mais se distinguent par leur formation initiale, plus ou moins polyvalente, par la (les) discipline(s) qu’ils ont enseignée(s) et par le niveau auquel ils ont enseigné celle(s)-ci. Autant d’expériences variées dont on peut penser qu’elles influencent leur conception de l’éducation physique.

  • 16 Témoignage d’un inspecteur Jeunesse et Sports, directeur départemental dans les années 1960, mai 2 (...)

13Dans le prolongement de leur formation d’origine, ces inspecteurs ont quasiment tous commencé leur carrière par une expérience dans l’enseignement scolaire. Très marginaux sont ceux qui n’ont pas d’expérience dans ce secteur ou bien dans celui de la Jeunesse et des Sports. Leurs expériences dans l’enseignement scolaire sont cependant relativement contrastées. Les inspecteurs principaux pédagogiques ont quasiment tous exercé comme enseignant d’éducation physique dans le secondaire (en débutant pour la moitié d’entre eux comme instituteurs) et sont devenus formateurs dans les centres de formation d’enseignants. Vingt-quatre des inspecteurs principaux pédagogiques (soit plus de la moitié) ont une expérience d’enseignant d’EPS dans un établissement de formation, c’est-à-dire au Collège national des moniteurs et athlètes d’Antibes (CNMA), à l’École normale supérieure d’éducation physique (ENSEP), dans un centre régional d’éducation physique et sportive (CREPS) ou en institut régional d’éducation physique (IREP), ou encore dans une école normale d’instituteurs. Peu de directeurs ont été instituteur puis enseignant d’éducation physique dans le secondaire ; un quart d’entre eux est resté instituteur ; un autre quart a enseigné dans le primaire avant d’être détaché dans le secteur extra-scolaire. Alors que le recrutement des inspecteurs principaux pédagogiques se concentre parmi des enseignants d’éducation physique (souvent dotés d’un CAPEPS), celui des directeurs se révèle plus hétérogène, plus largement constitué d’individus ayant débuté comme instituteur et plus ouvert à des profils en dehors de l’enseignement scolaire et de l’éducation physique. Cette différence de parcours socio-professionnels avant l’entrée dans l’inspection est ainsi bien illustrée par un inspecteur Jeunesse et Sports qui qualifie les inspecteurs principaux pédagogiques d’« église dans l’Église16 ». Les propos de trois témoins, successivement enseignants d’EPS, inspecteurs Jeunesse et Sports puis inspecteurs principaux pédagogiques corroborent cette hypothèse d’une sensibilité professionnelle relativement liée aux parcours socio-professionnels. Toutefois, certains inspecteurs principaux pédagogiques ont d’abord exercé des fonctions au sein des directions départementales en tant qu’inspecteur puis directeur départemental (ou équivalent), c’est-à-dire avec des parcours « mixtes » qui semblent forger une culture professionnelle d’inspecteur différemment colorée, s’éloignant parfois de leur formation initiale, sans toutefois l’effacer.

14Inspecteurs principaux pédagogiques et directeurs partagent également, en majorité, une culture de pratique physique extra-scolaire : les directeurs présentent une expérience de pratique sportive plus fréquente et de meilleur niveau que les inspecteurs principaux pédagogiques ; la moitié environ des inspecteurs principaux pédagogiques indique avoir pratiqué en dehors du cadre scolaire pour trois quarts des directeurs, et un peu plus de la moitié des directeurs indique au moins un niveau régional de pratique contre un tiers environ des inspecteurs pédagogiques. Les directeurs ont aussi plus fréquemment des expériences d’encadrement de la jeunesse en dehors du secteur scolaire : près des trois quarts ont encadré en dehors du milieu scolaire contre seulement la moitié des inspecteurs principaux pédagogiques. Et ces expériences diffèrent également. Si un tiers des directeurs régionaux a été associé à des encadrements dans le secteur sportif et/ou les colonies de vacances et/ou le scoutisme et/ou en éducation populaire, ce n’est le cas que pour un inspecteur principal pédagogique sur dix. Enfin, rares sont les directeurs n’ayant encadré que dans le mouvement sportif alors que c’est le cas d’un quart des inspecteurs principaux pédagogiques.

  • 17 Berthoumieu R., « Contribution à une méthodologie de l’éducation physique et sportive », Revue EPS (...)

15Au total, qu’ils soient inspecteurs principaux pédagogiques ou directeurs (régionaux ou départementaux), ces personnels en charge de l’EPS ont des parcours socio-professionnels initiaux qui les « prédisposent » à être des relais entre les mondes scolaire et extra-scolaire. La nouveauté de ces profils apparaît plus saillante encore quand on les compare avec ceux des inspecteurs généraux de la Quatrième République – ceux-là même qui ont réussi à aller à l’encontre du désir de réforme de M. Herzog. En effet, jusqu’en 1958, les inspecteurs généraux en charge de l’EPS proviennent en majorité de l’ordre secondaire, avec une formation d’enseignant (en dehors de l’EPS) et une socialisation sportive (de pratiquant et d’encadrement) peu fréquente. Il faut attendre la fin des années 1960 pour que l’inspection générale soit majoritairement composée de diplômés d’éducation physique et le début des années 1970 pour qu’ils soient (et pour moitié seulement) dotés d’un CAPEPS. Voilà qui tranche singulièrement avec l’inspection principale pédagogique qui, dès sa constitution, est uniquement composée d’enseignants d’éducation physique certifiés en éducation physique et sportive. Avec de telles divergences de parcours, on comprend mieux que l’inspection générale continue de défendre une éducation physique qui soit une « grammaire du mouvement », avec « une nette distinction entre l’éducation physique, l’initiation et l’éducation sportive et le plein air, marquant la nette prédominance qui doit être faite à l’enseignement de l’éducation physique17 » quand, parallèlement, l’inspection pédagogique propose une éducation physique qui s’appuie sur une programmation d’activités physiques et sportives – programmation que René Haby choisit d’adjoindre aux instructions officielles de 1967.

16Mais si l’inspection Jeunesse et Sports en charge de l’EPS peut être porteuse de réforme parce qu’elle partage une expérience de l’encadrement de la jeunesse dans le scolaire et l’extra-scolaire, elle n’en n’est pas moins travaillée par des divergences majeures : quand les uns (les inspecteurs principaux pédagogiques en particulier) apparaissent plus souvent comme des spécialistes de l’éducation physique scolaire du secondaire, les autres (les directeurs) sont marqués par des expériences d’enseignement dans le primaire ; quand les premiers ont vécu des expériences d’encadrement moins variées et moins ancrées dans l’éducation populaire, les seconds ont multiplié et combiné des expériences dans le secteur sportif aussi bien que dans l’éducation populaire, les colonies de vacances ou le scoutisme, ce qui leur confère une culture plus « ouverte » en matière d’encadrement de la jeunesse et davantage teintée par l’éducation populaire. Ainsi, si ces personnels en charge de l’éducation physique dans les services extérieurs de la Jeunesse et des Sports partagent une sensibilité pédagogique en faveur de la jeunesse et de son éducation physique, et cela, pour partie importante, à partir de la pratique sportive, la distribution de leurs parcours laisse supposer qu’ils n’envisagent pas l’éducation physique et leur action de manière semblable. C’est en nous appuyant plus fortement sur les entretiens menés que nous proposons d’interroger en ce sens la conjoncture des années 1970.

Inspecteurs pédagogiques et directeurs : divergences et convergences d’action et de conception

  • 18 Cette politique se traduit notamment dès le début des années 1960 par un important travail de comm (...)
  • 19 « Il y a deux assistants jeunesse et pas loin d’une vingtaine en sports [...] il y a 50, 60 ou 70 (...)
  • 20 « Un à un, les 19 CREP (centres régionaux d’éducation populaire) vont disparaître et être absorbés (...)

17Au cœur des années 1960, au moment où le sport apparaît comme un nouvel horizon au sein de la politique en faveur de la jeunesse18, renforçant le secteur extra-scolaire en équipements, en personnels19 et en établissements20, les services départementaux et régionaux de la Jeunesse et Sports sont les relais de la politique de « sportivisation » des contenus de l’EPS. Dès le début des années 1970, un nouveau volet de réforme se met en place. La politique d’articulation entre le scolaire et l’extra-scolaire se traduit par la création des CAS (centres d’animation sportive) puis des SAS (sections d’animation sportive) de la fin 1971 à 1977. Ces nouveaux dispositifs proposent une pratique sportive complémentaire, coordonnée par les enseignants d’EPS mais a priori donnée et organisée par les services de la Jeunesse et des Sports.

18Sur cette période, la quinzaine de témoignages recueillis révèle un fonctionnement des services extérieurs de la Jeunesse et des Sports (tant au niveau des relations entre inspecteurs, des conceptions défendues que des actions menées) relativement cohérent avec les parcours précédemment identifiés. Inspecteurs pédagogiques et directeurs semblent fonctionner de manière séparée, voire cloisonnée : ils se côtoient peu. Sans conflit ouvert (semble-t-il), chacun donne l’impression d’œuvrer sur son propre terrain. Une partition relativement nette des secteurs d’intervention semble organiser ces personnels, avec une « chasse gardée » des inspecteurs pédagogiques : le contrôle et la formation pédagogique des enseignants d’EPS.

  • 21 La loi no 75-575 du 16 juillet 1971 instaure la formation permanente.

19Les inspecteurs principaux pédagogiques concentrent leur action sur le plan pédagogique, d’abord par le contrôle des enseignants en prenant le relais de l’inspection générale devenue trop peu nombreuse pour faire face à la massification de l’enseignement et à l’accroissement des personnels, puis par le biais de la formation continue à partir du début des années 197021. En mesure de contrôler les contenus, les inspecteurs principaux pédagogiques ont-ils contribué à relayer une conception de l’éducation physique plutôt qu’une autre, en l’orientant plus ou moins vers une sportivisation ? Auquel cas, quelle conception « sportive » ont-ils défendue ? Ont-ils œuvré en faveur d’une distinction entre les secteurs scolaire et extra-scolaire, ou, au contraire, d’une articulation de ces deux secteurs ?

  • 22 « En réalité les inspecteurs... ils ont fait le travail de “charruage”, ils ont défriché [...] nou (...)
  • 23 « On n’a jamais trouvé de conflit au sein des IPP [...] Le corps n’était pas homogène [...] l’hété (...)
  • 24 À l’inverse des autres disciplines scolaires au sein desquelles l’inspection générale occupe une p (...)

20Si le rôle pédagogique des inspecteurs principaux pédagogiques est indéniable, les conceptions qu’ils relaient, en tant que « corps », ne sont cependant pas directement identifiables. Sans doute parce que ceux-ci, absorbés par leurs tâches professionnelles22, n’ont pas cherché ou pas trouvé le temps de les formaliser (sous forme de publications, écrits ou autres documents), mais également parce que leur action n’apparaît pas coordonnée au plan national (leurs colloques annuels ne semblant pas jouer ce rôle). Les inspecteurs principaux pédagogiques ne laissent ainsi apparaître entre eux ni unité de conception, ni oppositions marquées23. En outre, d’après les témoignages recueillis, les inspecteurs semblent profiter d’une large autonomie vis-à-vis de l’inspection générale d’EPS de l’époque (en fait jusqu’au début des années 1980)24. Il semble également que très peu d’inspecteurs principaux pédagogiques aient réservé leur participation (en tant que stagiaire ou formateur) à un courant particulier. C’est au contraire une attitude d’ouverture aux différentes formations proposées qui transparaît.

  • 25 Parce qu’ils sont proches de la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique éducat (...)

21Cependant, une série d’indices permet d’inférer l’option pédagogique majoritairement présente chez les inspecteurs principaux pédagogiques. Si tous les courants de l’éducation physique semblent représentés au sein de l’inspection et si une minorité d’inspecteurs défend une éducation physique « traditionnelle », hygiénique ou au service des autres disciplines scolaires25, la majorité paraît sensible à l’utilisation du sport comme moyen éducatif. En témoigne la réception, généralement positive, des instructions officielles de 1967. Ainsi, quand les inspecteurs principaux pédagogiques investissent la formation continue, ils font régulièrement appel au personnel Jeunesse et Sports, et notamment aux conseillers techniques régionaux et entraîneurs du secteur sportif : loin de leur être hostiles, ils leur reconnaissent des compétences en matière d’enseignement et de formation.

  • 26 « Du côté du corps de l’inspection, je dirais à 75 %... ça a reçu... tout au moins une opposition (...)
  • 27 La République des sports de Calais, initiée par Jacques de Rette en 1964 et qui prendra fin en 197 (...)
  • 28 Témoignage d’un inspecteur principal pédagogique, juillet 2010.
  • 29 « Ma première position antagoniste si je puis dire, c’était le manque de formation de ces gens-là  (...)
  • 30 Même si celle-ci est perceptible dans un ou deux témoignages.

22Leur attitude face aux centres d’animation sportive (CAS), symboles de l’articulation des contenus scolaires et extra-scolaires et de la vision politique de l’éducation sportive, est significative. Si les CAS sont reconnus et perçus par tous comme un risque de perte du monopole d’une EPS pensée à partir de la sphère scolaire, avec des réserves émises quant à la garantie (parfois jugée insuffisante) des compétences apportées par les intervenants extérieurs, les témoignages montrent une attitude un peu gênée et ambivalente et, au total, une réserve plus qu’une opposition résolue26. Rappelant que, d’une certaine façon, les CAS ont toujours existé (en continuité par exemple des Républiques des sports de Jacques de Rette27), ceux-ci sont présentés par certains comme « une occasion manquée » mais dont les conditions de mise en œuvre et les circonstances (notamment la réduction des horaires d’EPS) rendaient l’acceptation difficile. Les inspecteurs principaux pédagogiques n’apparaissent donc pas résolument contre la politique de complémentarité des CAS, tant que la concurrence entre l’Éducation nationale et la Jeunesse et Sports se déploie en faveur du secteur scolaire. Dès lors que cette concurrence paraît défavorable à ce dernier, ils peuvent regretter de s’y trouver « embarqués28 ». La défiance à l’égard des CAS paraît donc davantage liée à des conditions perçues29 comme plus ou moins bénéfiques à l’éducation physique scolaire qu’à une opposition systématique et idéologique à ces structures. Ce sont donc plutôt les modalités retenues dans le contexte de l’époque et leurs conséquences pédagogiques qu’un refus d’une articulation entre scolaire et extra-scolaire qui les conduisent à ne pas « faire de zèle ». Les inspecteurs principaux pédagogiques apparaissent ainsi comme des personnels qui, à l’interface entre le scolaire et l’extra-scolaire, du fait notamment de leur parcours, adhèrent davantage à une politique de complémentarité des actions éducatives (sans pour autant entériner celle que l’administration de la Jeunesse et des Sports a imaginée) qu’à une attitude de séparation des sphères scolaire et extra-scolaire30 largement défendue et relayée par le courant de la fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), le Syndicat national de l’éducation physique (SNEP) et une partie des enseignants. Ici encore, les formations initiales et les parcours socio-professionnels ne sont pas sans incidence sur les perceptions des acteurs. Leur action paraît davantage largement dépendante de contextes locaux et de sensibilités personnelles que d’une position de « corps ». C’est finalement par leur motif d’action qu’ils se rapprochent des directeurs régionaux qui, comme eux, cherchent à donner accès à la pratique sportive au plus grand nombre (à « démocratiser le sport ») même s’ils utilisent des leviers d’action distincts.

  • 31 « On n’avait pas du tout l’impression d’être inutile. On essayait au contraire... on essayait de g (...)

23Reste que le partage des rôles dans cette ambition de « démocratisation » est assez net, et de fait, dans le respect des fonctions : aux inspecteurs en charge du secteur scolaire la dimension pédagogique de l’enseignement donné dans les établissements secondaires, et aux directeurs de la Jeunesse et des Sports le développement des moyens pour tous publics. Ainsi, quand les premiers travaillent à une action directe auprès des enseignants, les seconds œuvrent indirectement par l’amélioration des conditions matérielles, en développant les équipements (stades, gymnases, piscines, etc.) et les structures (les CAS par exemple) pour faciliter l’accès de tous aux pratiques sportives. L’attention toute particulière à la construction d’équipements utilisés conjointement par des « civils » et des scolaires est envisagée comme un moyen d’établir une continuité entre les secteurs scolaire et extra-scolaire, de créer les conditions d’un accès facilité aux pratiques sportives pour tous, en dehors de l’école. Bien qu’indirecte au plan pédagogique, leur action se révèle essentielle au plan des moyens mis en œuvre. Via l’attribution des subventions pour le matériel sportif, la nomination des remplaçants, l’organisation des épreuves devenues obligatoires du baccalauréat, elle est perçue comme utile malgré la distance aux questions pédagogiques31. En ce sens, les directeurs départementaux et régionaux se révèlent être des « acteurs » importants de la sportivisation des contenus de l’EPS en créant les conditions matérielles d’un enseignement basé sur le sport. Ils apparaissent alors comme des interlocuteurs privilégiés et bienveillants aux yeux des enseignants d’EPS qui, pour cette raison, se tournent plus volontiers vers les directions régionales que vers les rectorats. Certains directeurs départementaux se perçoivent d’ailleurs comme des « protecteurs » des enseignants d’EPS « en les prenant sous leur aile » à un moment où l’Éducation nationale s’en soucie peu. Ils ont alors le sentiment « d’accompagner » les enseignants avec qui ils pensent partager les mêmes visées éducatives. Pourtant, dans les directions régionales de la Jeunesse et des Sports, l’éducation physique n’est pas le secteur d’action le plus valorisé : c’est le plus souvent le dernier inspecteur nommé dans le service qui s’en voit octroyer la charge. En effet, l’éducation physique scolaire est surtout vue comme porteuse de désagréments et de conflits, notamment parce que la gestion administrative et financière des enseignants d’EPS ampute largement le budget de l’éducation populaire du ministère. Les contextes locaux apparaissent alors déterminants dans les perceptions de cet attelage « administratif et pédagogique ».

24Ainsi, tout se passe comme si des logiques d’acteurs, divergentes quant aux moyens (pédagogie vs structures) et aux institutions (Éducation nationale vs Jeunesse et Sports), avaient convergé en faveur d’une réforme des contenus de l’éducation physique (la sportivisation) répondant à un désir commun de « démocratiser le sport » dans une conjoncture où la concurrence entre Éducation nationale et Jeunesse et Sports profitait à chacune des administrations. L’Éducation nationale, en se délestant de la gestion d’une discipline scolaire dont elle fait peu de cas sur une administration qui, historiquement, est soucieuse de « démocratisation » et d’éducation populaire, offre la gageure d’une ouverture à l’extra-scolaire et d’une préoccupation en faveur de la « démocratisation » – même s’il s’agit d’une démocratisation du sport et non pas de l’école.

*

25Contrairement à ce qui se passait avec l’inspection générale, l’inspection des services académiques de la Jeunesse et des Sports regroupe des profils de parcours qui la place en porteuse potentielle de la réforme de modernisation des contenus de l’éducation physique souhaitée au plan politique : quand la première s’attachait au maintien d’une « éducation physique », la seconde soutient la mise en place de passerelles entre la discipline scolaire et les pratiques sportives extra-scolaires ; alors que la première se concentre sur le public scolaire, la seconde envisage les « civils » et scolaires de tous âges.

26Mais si les inspecteurs principaux pédagogiques et les directeurs régionaux et départementaux des services extérieurs de la Jeunesse et des Sports partagent une sensibilité commune pour les questions de pédagogie et d’encadrement de la jeunesse, la distribution de leurs profils de parcours produit des « corps » qui se différencient dans leur action et leur conception de l’EPS (et plus généralement de l’enseignement scolaire). Ainsi, alors que ces inspecteurs partagent un même militantisme éducatif en faveur du développement de la pratique sportive, ils le conçoivent à partir de leviers d’action différents et selon une définition différente de la « démocratisation ».

27Dans un premier temps, jusqu’au milieu des années 1970, un consensus va fonctionner autour de la fonction éducative du sport conduisant alors à une synergie d’actions. L’Éducation nationale (via les inspecteurs principaux pédagogiques notamment) peut montrer, à travers l’éducation physique et sportive, sa bonne volonté en faveur de l’ouverture à la culture extra-scolaire (à travers le sport et les loisirs) et son désir de « démocratisation ». L’administration de la Jeunesse et des Sports, dans le prolongement de sa préoccupation en faveur de la jeunesse ouvrière et rurale, devenu secteur extra-scolaire, peut travailler en faveur de l’éducation sportive de tous en s’appuyant sur le vivier scolaire. Mais progressivement, au cours des années 1970, le jeu concurrentiel entre le sport et l’éducation physique se renverse au profit du sport au regard des politiques menées (la loi Mazeaud par exemple). Les inspecteurs modifient alors la perception de leurs rôles et de leurs actions. Ainsi, la scolarisation des APS, qui s’est réclamée d’un objectif de « démocratisation » (des pratiques sportives) en accord avec la politique scolaire de « démocratisation » des années 1960-1970, s’est trouvée relayée par de nouveaux personnels venus des services extérieurs de l’administration Jeunesse et Sports, une administration qui s’est historiquement chargée de jeunesse et d’éducation populaire en se constituant sur des réseaux associatifs souhaitant réformer l’école. Mais ces inspecteurs ont agi en faveur d’une démocratisation du sport (et non de l’école), avec des définitions différentes de la « démocratisation » et du rôle de l’éducation physique dans celle-ci.

28La réforme serait donc passée par des personnels en position extérieure à l’école, qui défendent des options idéologiques concurrentes mais dont l’action en faveur d’une démocratisation du sport profite à l’Éducation nationale qui peine (ou refuse ?) à s’ouvrir à la culture extra-scolaire.

Notes

1 Michon Bernard, Caritey Benoît, « Histoire orale d’une profession : les enseignants d’éducation physique. Une histoire de l’éducation physique. Enseignement primaire et secondaire », Spirales, no 13-14, 1998, p. 11-39.

2 La première circulaire transforme la demi-journée de plein air en demi-journée de « sport », la seconde met en place le triptyque initiation-entraînement-compétition (Bulletin officiel de l’Éducation nationale [BOEN] no 37, 8 octobre 1962, p. 3371-3374).

3 Instructions officielles du 19 octobre 1967 aux professeurs et maîtres d’éducation physique et sportive, BOEN no 41, 2 novembre 1967, p. 2588-2595.

4 Rappelons qu’en 1958 est créé un haut-commissariat à la Jeunesse et aux Sports avec à sa tête Maurice Herzog. Un secrétariat d’Etat à la Jeunesse et aux Sports y succède en 1963, toujours avec M. Herzog avant de se transformer en janvier 1966 en un ministère de la Jeunesse et des Sports dirigé par François Missoffe. René Haby en est alors le chef de cabinet. De juillet 1968 à mai 1974 avec Joseph Comiti, c’est alors auprès du Premier ministre qu’est rattaché un secrétariat d’État chargé de la Jeunesse et des Sports auquel s’ajoutent les loisirs à compter de juillet 1969. Pierre Mazeaud lui succède jusqu’en 1976 en tant que secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, chargé de la Jeunesse et des Sports. Jean Pierre Soisson devient alors secrétaire d’État auprès du ministre de la Qualité de la vie, chargé de la Jeunesse et des Sports puis ministre de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs de 1978 à 1981. Durant toute cette période, décisive dans les transformations de l’EPS, ces différentes structures sont autant de tutelles assurant la gestion de ses personnels (enseignants et corps d’inspection) et légiférant sur ses développements.

5 Pierre Trincal, ancien enseignant d’éducation physique et fraîchement sorti de l’ENA, conseiller au sein de la sous-direction de l’administration chargée de l’éducation physique au secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports et à partir de 1966 au ministère de la Jeunesse et des Sports.

6 Propos d’un directeur départemental à cette période, table ronde du séminaire Rediscol EPS, 17-18 mars 2010, UFR STAPS, Dijon.

7 Ibid.

8 Arnaud Pierre, « Contribution à une histoire des disciplines d’enseignement : la mise en forme scolaire de l’éducation physique », Revue française de pédagogie, no 89, oct.-nov.-déc. 1989, p. 29-34.

9 Condette Jean-François, Les recteurs d’académie en France. Tome I : la formation d’une élite administrative au service de l’Instruction publique, Paris, INRP, 2006 ; Condette Jean-François, « Les recteurs d’académie : évolution d’une fonction académique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 31, no 1, 2004, p. 62-93.

10 Sur le modèle des travaux que Christophe Charle a menés à propos des intellectuels et des élites et qu’il a mis en perspective sur le plan méthodologique. Cf. Charle Christophe, « Du bon usage de la biographie sociale comparée ou les trois âges de la biographie collective », Michel Dreyfus, Claude Pennetier, Nathalie Viet-Depaule (dir.), La part des militants. Biographies et mouvements ouvriers, Paris, Éditions de l’Atelier, 1996, p. 53-71.

11 Archives nationales, 19910648/1 à 17, 19910649/1 à 6, 19910650/1 à 31, 19920123/1 à 20, 19920124/1 à 15, 19920310/1 à 10. Ce travail est donc circonscrit aux dossiers de carrières des Archives nationales et considère tous les inspecteurs, quelles que soient leurs renommées, leurs actions et leur longévité dans la fonction.

12 Claire Fossati à partir de 1961 et Jocelyne Roux à partir de 1978.

13 Sur 40 dossiers, figurent cinq femmes seulement.

14 C’est le cas pour Joël Balavoine, Paul Deschaux, Jean Eisenbeis, Georges Icher, Liliane Forestier, Michel Heluwaert, Guy Malvezin, Robert Né, Claude Pineau, Claude Rouziès.

15 C’est le cas pour Louis Banti, Paul Deschaux, Raymond Coiral, Michel Heluwaert, Henri Hutin, Georges Icher, Odette Julien, Gilles Lugrin.

16 Témoignage d’un inspecteur Jeunesse et Sports, directeur départemental dans les années 1960, mai 2009.

17 Berthoumieu R., « Contribution à une méthodologie de l’éducation physique et sportive », Revue EPS, no 46, juillet 1959, p. 6.

18 Cette politique se traduit notamment dès le début des années 1960 par un important travail de commissions au sein du secrétariat d’État à la Jeunesse et aux Sports sous l’égide du Haut Comité des sports et plus particulièrement par la publication d’un Essai de Doctrine du sport présenté en décembre 1964

19 « Il y a deux assistants jeunesse et pas loin d’une vingtaine en sports [...] il y a 50, 60 ou 70 assistants sportifs », Témoignages de directeurs départementaux, table ronde du séminaire Rediscol EPS, 17-18 mars 2010, UFR STAPS, Dijon.

20 « Un à un, les 19 CREP (centres régionaux d’éducation populaire) vont disparaître et être absorbés par les CREPS », ibid.

21 La loi no 75-575 du 16 juillet 1971 instaure la formation permanente.

22 « En réalité les inspecteurs... ils ont fait le travail de “charruage”, ils ont défriché [...] nous faisons les éboueurs et c’est pour ça peut-être qu’on n’a pas le temps de viser plus haut », témoignage d’un inspecteur principal pédagogique, juillet 2010.

23 « On n’a jamais trouvé de conflit au sein des IPP [...] Le corps n’était pas homogène [...] l’hétérogénéité, elle se retrouvait chez nous mais elle n’était pas opposante », ibid.

24 À l’inverse des autres disciplines scolaires au sein desquelles l’inspection générale occupe une place dominante. À titre d’exemple, les inspecteurs pédagogiques « invitent » les inspecteurs généraux à leur colloque. À sa réintégration du ministère de l’Éducation nationale, et en la personne de Claude Pineau, l’inspection générale d’EPS revient en première ligne des acteurs visibles de la discipline.

25 Parce qu’ils sont proches de la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique éducative ou de Jean Le Boulch. Ce dernier a dès le milieu des années 1950 puis plus fortement dans les années 1960, développé une approche fonctionnelle de l’éducation physique appuyée sur une conception « psychomotrice ».

26 « Du côté du corps de l’inspection, je dirais à 75 %... ça a reçu... tout au moins une opposition réservée », témoignage d’un inspecteur principal pédagogique, juillet 2010.

27 La République des sports de Calais, initiée par Jacques de Rette en 1964 et qui prendra fin en 1973, est une expérience pédagogique consistant en un apprentissage de la citoyenneté à partir d’une participation active des élèves à une république ayant le sport comme support. Elle est soutenue sur les années 1960 par les pouvoirs publics via les services extérieurs Jeunesse et Sports. Cf. Loudcher Jean-François, Vivier Christian, « Jacques de Rette et les Républiques des sports : une expérimentation de la citoyenneté en EPS (1964-1973) », Staps, no 73, 2006, p. 71-92.

28 Témoignage d’un inspecteur principal pédagogique, juillet 2010.

29 « Ma première position antagoniste si je puis dire, c’était le manque de formation de ces gens-là », propos d’un inspecteur principal pédagogique, table ronde du séminaire Rediscol EPS, 17-18 mars 2010, UFR STAPS, Dijon.

30 Même si celle-ci est perceptible dans un ou deux témoignages.

31 « On n’avait pas du tout l’impression d’être inutile. On essayait au contraire... on essayait de garder une certaine utilité même si on avait le sentiment que l’aspect pédagogique nous échappait ». Propos d’un directeur départemental des années 1960 en fonction dans le Nord, table ronde du séminaire Rediscol EPS, 17-18 mars 2010, UFR STAPS, Dijon.

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