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Morales en révolutions

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Sébastien Hallade

Quatrième partie. Une morale de l'action : de la conspiration à la révolte

La morale des révoltés à travers le journal anarchiste de Jean Grave (Le Révolté puis La Révolte) à la fin du XIXe siècle

Vivien Bouhey

Texte intégral

  • 1 Kropotkine P., La Morale anarchiste. La Loi et l’Autorité (1889 ; 1913), éd. l’Escalier, septembre (...)
  • 2 Voir Bianco R., Un Siècle de presse anarchiste d’expression française, 1880-1983, doctorat d’État, (...)
  • 3 Bouhey V., Les Anarchistes contre la République, Rennes, PUR, 2008, p. 229 sq.

1L’anarchiste, qui veut faire table rase du passé en mettant à bas la société bourgeoise, est souvent perçu dans l’imaginaire collectif comme un destructeur sans morale s’affranchissant des règles qui doivent régir l’activité de l’homme pour mieux gagner sa liberté. Pourtant les questions de morale sont au cœur du discours anarchiste : critique de la morale bourgeoise ; réflexion sur ce que peuvent s’autoriser ou ne pas s’autoriser les compagnons qui passent à l’action illégale ; questionnement sur la société future et sur les principes qui doivent la gouverner. Ces questions de morale sont d’ailleurs tellement importantes pour les compagnons que Pierre Kropotkine, un des leaders du mouvement à la fin du XIXe siècle, leur consacre un petit ouvrage en 1891 intitulé La Morale anarchiste1, reprenant des idées qu’il a largement développées et qu’il continue à développer dans le journal très intellectuel de Jean Grave, Le Révolté, qui devient en février 1887 La Révolte et paraît à Paris de 1885 à 1894. Ce journal, dont les articles ne sont pas signés la plupart du temps mais dont nous connaissons les principaux collaborateurs2, est une des voix de l’anarchisme français. Rédigé avec soin, il fait à l’époque autorité au sein du mouvement ; toutefois, entre autres sur ces questions, il véhicule des idées qui seront, au fil des années, de plus en plus décalées par rapport à celles de la base militante parisienne3.

2Les articles importants de Kropotkine auxquels s’ajoutent ceux de Grave et des autres collaborateurs du journal nous invitent à appréhender, dans un contexte troublé (alors que les attentats anarchistes font leurs premières victimes à Paris, que les compagnons sont dans l’attente du Grand Soir révolutionnaire en estimant possible l’effondrement de la société capitaliste dans un avenir proche et qu’ils peuvent donc imaginer construire une nouvelle société), les rapports que celui qui ose se dresser contre la société capitaliste, le révolté, doit entretenir avec la morale.

Les révoltés et la vieille morale bourgeoise

3Pour les rédacteurs du journal (comme pour tous les autres anarchistes), les révoltés sont tout d’abord ceux qui contestent la société dans laquelle ils vivent, et, partant de là, la morale qui y règne, une morale dont les fondements résultent de la manière dont les premiers groupements humains sont nés.

  • 4 « L’homme est-il mauvais ? », La Révolte, no 40, 6-12 juillet 1888.
  • 5 Ibid.
  • 6 Ibid.
  • 7 Ibid.
  • 8 La Révolte, no 8, 14-20 novembre 1891.
  • 9 « Le Principe anarchiste », ibid., no 9, 12-18 novembre 1892.
  • 10 « La morale », Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.

4 Le Révolté propose ici plusieurs pistes pour expliquer la façon dont ces premiers groupements sont apparus, des pistes s’inscrivant dans le débat de philosophie politique sur l’état de nature engagé au XVIIe siècle puis au XVIIIe siècle par des auteurs comme Thomas Hobbes, John Locke ou Jean-Jacques Rousseau. Parmi celles-ci, certains articles, qui interrogent la nature humaine sous l’angle du bien et du mal, supposent qu’à une lointaine époque l’homme « commença à se grouper avec ses semblables4 » alors qu’il devait être encore « animal plutôt qu’homme5 » et qu’il avait « à lutter contre les autres animaux » et « contre la nature entière6 ». En conséquence, les premiers groupements qu’il constitua se formèrent « par la nécessité même d’une association de forces », « les plus faibles devant subir la domination des plus forts7 ». C’est à ce moment qu’il inventa la « propriété » consacrant le droit du plus fort sur celui du plus faible : ce fut le premier « vol8 ». Les plus forts, détenteurs du pouvoir et s’appuyant sur la force armée, consacrèrent alors l’existence de la propriété par les premières lois ainsi que par les premiers préceptes religieux, donnant naissance à « la morale courante, dérivée du Code romain, adoptée et sanctifiée par l’Église chrétienne9 » : celle-ci fut donc établie par la « caste » dominatrice, « décrétée immuable » et « adaptée à un ordre de choses établi arbitrairement » pour conforter l’organisation sociale en place10, et l’existence de cette morale bourgeoise n’a depuis eu d’autre fonction que de contribuer à l’asservissement des exploités.

  • 11 « Influence du milieu », La Révolte, no 20, 5-11 février 1892.
  • 12 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 6.
  • 13 « L’homme est-il mauvais ? », La Révolte, no 40, 6-12 juillet 1888.
  • 14 « Encore la morale », ibid., no 11, 5-11 décembre 1891.
  • 15 « Influence du milieu III », ibid.., no 22, 20-26 février 1892.
  • 16 Ibid.
  • 17 « L’État malfaiteur », ibid., no 25, 4-10 mars 1893.
  • 18 « Influence du milieu III », ibid., no 22, 20-26 février 1892.

5C’est à l’intérieur de cette organisation sociale que ces derniers continuent à naître et qu’ils sont modelés par cette morale. C’est dans le milieu qu’elle leur offre qu’ils acquièrent « leurs premières notions11 », et que, comme l’écrit Kropotkine dans La Morale anarchiste, mais comme on peut également le lire dans le journal de Grave, le « religieux », le « moraliste bourgeois » et l’« avocat » soumettent par « la terreur » l’esprit de l’enfant, qui est « faible » : « ils le rendent craintif, et alors ils lui parlent des tourments de l’enfer »... Un moment après, « ils lui parleront des horreurs de la révolution »... pour faire de lui « un ami de l’ordre ». Et le religieux « l’habituera à l’idée de la loi pour mieux le faire obéir à ce qu’il appellera la loi divine », tandis que « l’avocat lui parlera de la loi divine pour le faire mieux obéir à la loi du code ». Ainsi, « la génération suivante prendra ce pli religieux, ce pli autoritaire et servile12 », finissant par se persuader qu’elle est exploitée et bâillonnée dans « son intérêt13 » : pour la plupart d’entre eux en effet, ces hommes et ces femmes sont persuadés que les lois bourgeoises sont justes et qu’elles définissent réellement ce qui est bien et ce qui est mal. Or c’est tout l’inverse pour les anarchistes. Fondée sur l’usage de la force, le vol, le mensonge, la tromperie, l’exploitation, « l’égoïsme bête », « la soif des jouissances personnelles sans s’inquiéter des autres », « le mépris des foules », et encourageant « le servilisme et l’avachissement14 », la société capitaliste inégalitaire et oppressive, « résultat de l’appropriation individuelle et de l’autorité15 », ne sait, à travers sa morale courante, en se parant d’un masque de vertu, que perpétuer « guerres, crimes, vols, fraudes et misère16 ». Elle est le mal, perpétue le mal à travers les principes moraux qu’elle invite les hommes et les femmes à suivre et à travers les inégalités qu’elle crée17, et c’est à cause d’elle que l’homme désire faire le mal18.

  • 19 « L’homme est-il mauvais ? », ibid., no 40, 6-12 juillet 1888.
  • 20 « Influence des milieux », ibid., no 20, 5-11 février 1892.
  • 21 « La morale », Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.
  • 22 « L’idée anarchiste et ses développement », La Révolte, no 6, 31-6 novembre 1891.

6Mais si le mal est du côté de la morale bourgeoise et de la société capitaliste, « cette tromperie ne peut durer19 », et il devient juste et bon de lutter contre elles. Les révoltés, une minorité au départ, sont donc ceux qui ont fini par comprendre qu’ils n’ont appris, au sein de cette société, en fait de morale, qu’« une foule de préjugés et de mensonges20 » destinés à mieux les asservir. Ils savent que leur premier devoir devra être, en ne comptant que sur leurs propres forces, de « repousser » avec vigueur et détermination « cette morale arbitraire21 » et de « s’attaquer à tous les préjugés sociaux22 ». Et ils ont bien conscience qu’il s’agit là d’une œuvre titanesque qui nécessitera de leur part une lutte de tous les instants et qui pourra déboucher sur le grand bouleversement, comme l’écrit Kropotkine dans La Morale anarchiste :

  • 23 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 7.

« La pensée se réveille chez quelques-uns d’abord, mais insensiblement, le réveil gagne le grand nombre. La poussée se fait et la révolution surgit23. »

  • 24 Bianco R., Le Mouvement anarchiste à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, 1880-1914, 1977, volu (...)

7Pour s’affranchir des barrières morales bourgeoises dans cette quête de liberté, les révoltés pourront d’abord compter sur les libres discussions au sein de groupes anarchistes qui se multiplient au fil des années 1880, alors que le mouvement prend progressivement conscience de lui-même : elles leur permettront de progresser dans leur réflexion sur le fonctionnement de la société bourgeoise. Également, sur la lecture de journaux comme celui de Grave (dans lequel de nombreux articles interrogent bien sûr la morale bourgeoise), de brochures et autres imprimés de plus en plus nombreux ces mêmes années. Enfin, sur les orateurs du mouvement, qui animent toujours plus de réunions privées et publiques anarchistes à la fin des années 1880 : à Marseille par exemple, sur deux cent vingt-cinq sujets d’exposés connus au cours de la période 1880-1894, René Bianco constate que la question religieuse occupe une place de choix24.

8Dans le même temps, l’essentiel de cette lutte se déroulera au quotidien, dans la rue, sur le lieu de travail, avec les proches, par la parole, par l’écrit, mais aussi par les actes, lors de petites ou de grandes transgressions qui seront autant d’occasions de mettre les actions des révoltés en accord avec leurs idées et d’éveiller la conscience du plus grand nombre autour d’eux : c’est ce que les anarchistes appellent la « propagande par le fait ». Ces transgressions pourront se dérouler sur le terrain légal comme sur le terrain illégal, de manières plus diverses les unes que les autres, comme le rappelle La Révolte :

  • 25 « Encore la morale », La Révolte, no 11, 5-11 décembre 1891.

« Nous commencerons [...] par porter les principes de la révolution non seulement dans nos bouquins et nos discours, mais avant tout à notre foyer, dans nos rapports quotidiens avec tout le monde25. »

  • 26 Grave J., Le Mouvement libertaire sous la IIIe République, Paris, Les Œuvres représentatives, 1930 (...)
  • 27 « L’Action », Le Révolté, no 22, 25 décembre 1885.

9Les compagnons pourront par exemple vivre en union libre, refuser d’obéir aux injonctions d’un agent de la force publique, ne pas voter, troubler des manifestations religieuses, déménager « à la cloche de bois », refuser de tirer au sort ou déserter, commettre de menus larcins : autant d’actes (rapportés effectivement dans les sources policières de l’époque consacrées à la surveillance des milieux anarchistes), qui engagent plus ou moins fortement l’individu et le mettent plus ou moins en porte-à-faux avec la morale courante, voire avec la justice bourgeoise. Mais cette lutte pourra s’exprimer également, de manière plus exceptionnelle, à l’occasion de grandes transgressions comme l’attentat politique, ébranlant davantage encore l’ordre bourgeois et sa morale. Et Le Révolté est loin d’être hostile à ce type d’action au début des années 1880. On se souvient en effet à cette époque de Jean Grave et de ses tentatives pour fabriquer de la nitroglycérine26 ; on se souvient également à la même époque de Kropotkine, encourageant ces actions qui, foulant au pied la morale et la loi bourgeoise, devaient mettre à bas la société27 : « La révolte permanente par la parole, par l’écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite [...] Tout est bon pour nous, qui n’est pas de la légalité. »

Les révoltés : des êtres sans morale ?

10Cette volonté de se libérer de la vieille morale bourgeoise fait-elle pour autant des révoltés des êtres sans morale ? C’est une question à laquelle les rédacteurs de La Révolte doivent impérativement répondre au fur et à mesure que l’on avance dans les années 1880-1890, cela pour plusieurs raisons.

  • 28 Voir Bouhey V., « Le discours sur le vol dans la presse anarchiste française de 1880 à 1914 », F. (...)
  • 29 Voir par exemple Merriman J., Dynamite club. L’invention du terrorisme à Paris, Paris, Tallandier, (...)
  • 30 « La postiche de Barbapoux », Le Père Peinard, no 5, 24 mars 1889.
  • 31 Voir Bouhey V., « Les ressorts du terrorisme anarchiste en France et aux marges du territoire nati (...)
  • 32 Bouhey V., Les Anarchistes contre la République, op. cit., p. 222 sqq.
  • 33 Bouhey V., « Le discours sur le vol », op. cit.
  • 34 « Encore la morale », La Révolte, no 11, 5-11 décembre 1891.
  • 35 « Encore la morale II », ibid., no 12, 12-18 décembre 1891.

11D’abord, parce que les rapports entre les anarchistes, qui espèrent le prochain Grand Soir révolutionnaire, et la République, ne cessent de se durcir au tournant des années 1890. Et alors que le régime se fait de plus en plus répressif, les compagnons sont toujours plus partisans d’actions illégales et violentes posant des problèmes moraux aigus : certains d’entre eux, par exemple, sont plus que jamais prêts à exercer, comme Clément Duval et Pini à la fin des années 1880, leur « droit de reprise » à l’encontre des possédants28 en recourant au vol, et d’autres n’hésitent plus au début des années 1890, en posant des bombes, à recourir à une violence parfois aveugle29 pour mettre à bas la « République marâtre30 » ainsi que pour venger sur la personne de procureurs, de juges, ou de policiers, leurs camarades tombés dans le cadre de la lutte, des actions qui choquent les contemporains et suscitent des interrogations au sein du mouvement lui-même31. Ensuite, parce que le discours anarchiste conspuant la morale bourgeoise ainsi que les actes violents de quelques propagandistes par le fait, largement médiatisés par les journaux de l’époque, sont instrumentalisés par les ennemis du mouvement pour réduire ce dernier à une association de malfaiteurs ou de criminels immoraux, voire amoraux, prétextant des idées politiques pour assouvir leurs vices (les critiques se cristallisent notamment sur Ravachol, que les compagnons présentent comme un héros du mouvement mais que les presses bourgeoise, de gauche et d’extrême-gauche décrivent la plupart du temps comme un voleur, un meurtrier et un détrousseur de cadavres32). Également, parce que ce même discours et ces mêmes actes contribuent à isoler toujours plus les compagnons sur l’échiquier politique et à les couper des masses. Parce qu’aussi, le nombre des anarchistes augmente au tournant des années 1890, et que, parmi ces nouveaux adhérents, les indicateurs de police et les compagnons eux-mêmes constatent l’entrée dans le mouvement d’une frange marginale et délinquante attirée par le discours anarchiste justifiant le vol et le meurtre. Parce que dès les années 1880, le refus de la morale bourgeoise devient pour certains compagnons un refus de toute morale, qui les pousse même, par exemple, au nom de la destruction du préjugé bourgeois de propriété, au nom d’une volonté d’affirmer leur moi, au nom de la recherche de la liberté totale et du bien-être personnel, à justifier le vol entre compagnons, ce qui n’est pas sans poser problème au sein du mouvement33. Bref, parce qu’au début des années 1890, à un moment où le journal incite les compagnons à se tourner vers des formes d’action collectives, il faut que ces derniers puissent se faire confiance entre eux34 et que leurs leaders inspirent confiance aux masses35.

12Dans ce contexte, les rédacteurs du journal, entre 1885 et le début des années 1890 surtout, se donnent pour mission de moraliser le mouvement :

  • 36 Grave J., « Anarchisme et individualisme », Les Temps Nouveaux, no 31, 20 décembre 1912.

« Toute idée extrême attire, c’est fatal, toutes sortes de détraqués. L’anarchie ne pouvait y échapper [...]. Déjà en 1885, après une absence de dix-huit mois, lorsque j’amenais le Révolté à Paris, je fus effrayé de ce que le mouvement anarchiste était envahi par une tourbe, qui, si elle avait pris le dessus, ne tendait rien moins à faire du mouvement anarchiste un parti de proxénètes et de cambrioleurs [...]. Il nous fallut, au Révolté, nous mettre en travers de cet égout dont le flot menaçait de nous submerger36. »

  • 37 Voir Bouhey V., « Le discours sur le vol dans la presse anarchiste », op. cit.
  • 38 « Les Grèves », op. cit., no 3, 27 septembre-3 octobre 1890.
  • 39 Bouhey V., Les Anarchistes contre la République, op. cit., p. 225 sqq.

13Pour ce faire, tout d’abord, après avoir encouragé les compagnons à recourir au vol et à poser des bombes au début des années 1880, ils tentent, au début des années 1890 surtout, de les détourner de la propagande par le fait dans ses formes les plus violentes, trop dangereuse pour le mouvement. Ainsi le vol est finalement condamné dans La Révolte à cette époque, cela à l’occasion de débats qui contribuent à marginaliser ses rédacteurs au sein d’un milieu anarchiste parisien globalement convaincu qu’il a sa place parmi les formes d’action révolutionnaire. Au début des années 1890 en effet, pour les rédacteurs du journal, le voleur est celui qui n’a pas les qualités morales pour être un révolté puisque ses actes procèdent de la tromperie, de la dissimulation, qu’ils avilissent l’âme, et parce qu’il n’ose pas se révolter ouvertement, tandis que le vol, pour les mêmes raisons, ne peut être un acte de révolte : il est simplement un acte de survie sociale37. De même Kropotkine s’élève dans un article qui n’est pas passé inaperçu en 1890 contre « l’illusion que l’on puisse vaincre les coalitions d’exploiteurs avec quelques livres d’explosif38 » et appellent les compagnons à se tourner vers des formes d’action collective, un changement de tactique qui isole toujours plus la rédaction du journal alors que bon nombre de compagnons parisiens, tandis que la répression se fait de plus en plus rigoureuse, continuent à s’engager toujours plus loin sur le terrain de l’action individuelle et violente pour répondre à ce qu’ils estiment être une terreur d’État39.

  • 40 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 42.
  • 41 « La morale », Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.
  • 42 Ibid.
  • 43 Ibid.
  • 44 « L’État malfaiteur », La Révolte, no 25, 4-10 mars 1893.
  • 45 « La morale », Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.
  • 46 Ibid.
  • 47 Ibid.
  • 48 Ibid.
  • 49 « Encore la morale », La Révolte, no 11, 5-11 décembre 1891.

14En même temps, ils rappellent aux révoltés qu’il existe, même pour eux, une morale : comme l’écrit Kropotkine dans La Morale Anarchiste, « nier le principe moral parce que l’Église et la loi l’ont exploité serait [...] peu raisonnable40 ». C’est en effet cette morale qui, dans les rapports individuels, doit « nous faire juger de ce qui est bien ou mal41 », et c’est cette morale qui permet (car comment cela serait-il possible sans morale42 ?) aux révoltés de « juger que l’exploitation bourgeoise est un mal43 », et que, parce que la société capitaliste ne se fonde pour exister que sur le vol, le mensonge, l’égoïsme et l’exploitation de l’homme par l’homme, l’autorité « perpétue et légalise le mal44 ». Se libérer de la vieille morale bourgeoise ne fait donc certainement pas pour autant du révolté un être sans morale, guidé dans ses actes par la seule affirmation de son moi dans le cadre d’une « lutte pour l’existence45 » le menant à tromper, à voler, à exploiter, à mentir, comme l’affirment par exemple certains compagnons dans un article paru dans Ni Dieu ni Maître, qui justifie le recours par les compagnons au vol sous toutes ses formes au nom de la « lutte pour l’existence » et prétend « qu’il ne doit pas exister de “morale”46 » : il se comporterait alors lui-même comme un bourgeois, « la loi de Darwin, envisagée comme un simple combat d’appétits » pouvant se résumer à « une théorie bourgeoise47 ». L’authentique révolté est donc celui qui, du point de vue de la morale, doit être l’exacte antithèse du voleur bourgeois parce qu’« on ne fait pas une révolution qui doit briser l’égoïsme dans lequel se meut la société avec des éléments égoïstes48 » et parce que « nous [les anarchistes] n’iront pas perpétuer le vol, le mensonge, la tromperie, l’escamotage et l’estampage qui font l’essence de la société que nous voulons détruire49 ».

  • 50 Bouhey V., « Le discours sur le vol dans la presse anarchiste », op. cit.
  • 51 La Révolte, no 12, 12-18 décembre 1891.
  • 52 Ibid.
  • 53 « Encore la morale III », La Révolte, no 13, 19-25 décembre 1891.
  • 54 Ibid.
  • 55 Ibid.
  • 56 Le Révolté, no 41, 24 janvier-4 février 1887.
  • 57 « Les voleurs », ibid., no 6, 21 juin-4 juillet 1885.
  • 58 « L’évolution de la morale. Le vol et les voleurs », ibid., no 22, 10-16 février 1889.
  • 59 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 46.
  • 60 Ibid., p. 47.
  • 61 Ibid.
  • 62 Ibid.
  • 63 Ibid.
  • 64 Ibid.

15Et son visage se dessine progressivement dans le journal de Jean Grave entre 1885 et 1891 a contrario de la figure du bourgeois50 : il doit être d’« une autre trempe51 » pour ouvrir « des voies nouvelles52 », Imprégné des théories anarchistes, révolté conscient, il est l’inverse d’un dissimulateur : c’est un homme courageux, fier, qui n’a pas peur de la bourgeoisie, que sa « droiture et son « dégoût du mensonge » caractérise, et qui agit avec éclat53 : c’est cela qui fait peur aux bourgeois54 ! Ce n’est par ailleurs pas un profiteur fainéant vivant de l’exploitation des autres : il se distingue en effet par sa vie « austère », son « âpreté au travail », son « mépris des petits côtés de la vie55 ». Enfin, il n’est pas égoïste : il est « honnête56 » en ce sens qu’il est désintéressé car il veut, par amour de l’humanité, « rendre la propriété à la masse entière57 », lui restituer son « utilité communautaire58 ». Ce sont ces dispositions intérieures, qui, seules, font l’authentique révolté et lui donnent le droit d’agir, jusqu’à tuer, en révolté. En effet, comme l’explique Pierre Kropotkine dans sa brochure consacrée à la morale anarchiste, les révoltés, par leur attitude intérieure, leur désintéressement, leur abnégation, sont des hommes et des femmes « de cœur59 », qui ont ainsi « conquis » jusqu’au « droit de tuer60 » par amour de l’humanité, un « droit d’user de la force » que « l’humanité » n’a jamais refusé « à ceux qui l’ont conquis61 » ; et il s’explique : si « Perovskaïa et ses amis ont tué le tzar russe » et si « l’humanité entière, malgré sa répugnance du sang versé [...] leur a reconnu ce droit62 », c’est parce qu’ils « n’auraient pas consenti à devenir tyrans à leur tour63 » parce qu’ils ont agi par « haine de la tyrannie jusqu’au mépris de soi-même, jusqu’à la mort64 ». Puis plus loin :

  • 65 Ibid.

« Il faut conquérir ce droit [de tuer]. Sans cela, l’acte [...] resterait un simple fait brutal sans importance pour le progrès des idées. On n’y verrait qu’un déplacement de force, une simple substitution d’exploiteur à un autre exploiteur65. »

Les révoltés, des êtres mus par une morale supérieure : une morale anarchiste

  • 66 Ibid., p. 41.
  • 67 Ibid., p. 35. Pour Kropotkine, ce livre a été écrit par Adam Smith alors qu’il était encore « libr (...)
  • 68 La Morale anarchiste, op. cit., p. 9.
  • 69 Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.
  • 70 « Influence du milieu III », La Révolte, no 22, 20-26 février 1892.
  • 71 « Influence des milieux », ibid., no 20 du 5 au 11 février 1892.
  • 72 Ibid.

16Ce qui, pour Kropotkine, doit mouvoir en effet l’action des vrais révoltés, c’est un amour immodéré de l’humanité, jusqu’au don total de soi, expression d’une morale supérieure préexistant à la société capitaliste, dont l’humanité doit reprendre possession « en jetant par-dessus bord la loi, la religion et l’autorité66 ». C’est cette morale supérieure qu’il définit dans sa brochure en convoquant les « rationalistes du XIIe siècle », « les philosophes et les révolutionnaires du XVIIIe siècle », des penseurs du XIXe siècle comme Nicolaï Tchernychevski, des théologiens comme Saint Augustin ou des naturalistes comme Charles Darwin ; mais en convoquant avant tout deux hommes et deux œuvres : Adam Smith dans la Théorie des sentiments moraux, livre que Kropotkine nous décrit comme « superbe67 », et surtout Jean-Marie Guyau dans son Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, Guyau dont il fait le « jeune fondateur de l’éthique anarchiste », une éthique qu’il définit comme « la science de la morale des sociétés68 ». C’est cette morale supérieure qui guidera l’action des révoltés (qu’il s’agisse de l’action individuelle ou collective) et leur permettra finalement de vivre dans « une société harmonique basée sur les intérêts de tous69 », où régnera « la confiance, la réciprocité, le bien-être pour tous70 », une société dans laquelle les individus s’amélioreront71, s’aimeront « comme des frères » et seront amenés « à tout mettre en commun72 ».

  • 73 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 29.
  • 74 Ibid., p. 38.
  • 75 Ibid., p. 39.
  • 76 Ibid., p. 36.
  • 77 Ibid., p. 38.
  • 78 Ibid.
  • 79 Ibid., p. 41.
  • 80 Ibid.
  • 81 Ibid.

17Pour redécouvrir cette morale supérieure, les révoltés devront tout d’abord prendre conscience que le bien et le mal existent, mais qu’ils n’ont rien à voir avec le bien et le mal tels que, à partir de la loi instituée par les bourgeois pour conforter leur pouvoir sur les exploités, le moraliste bourgeois ou le prêtre les définissent : en effet, « ce qui est réputé bon [...] c’est ce qui est utile pour la préservation de la race – et ce qui est réputé mauvais, c’est ce qui lui est nuisible73 » écrit Kropotkine. Partant de là, ils devront se rendre compte que seul un sentiment moral – qui est donc du côté du bien – assure la « survie de l’espèce74 », le sentiment de solidarité, que Kropotkine définit ainsi : « Traite les autres comme tu aimerais à être traité par eux dans des circonstances analogues75. » C’est ce « trait prédominant de tous les animaux qui vivent en société76 », « agissant à travers les millions d’âges77 », se transmettant par « l’hérédité78 », sentiment « dont la justesse est généralement reconnue79 », qui, pour lui, a été utilisé par les conquérants, les exploiteurs, les prêtres, pour habiller et faire accepter l’ordre inégalitaire qu’ils mettaient en place, ce qui leur a permis d’avoir davantage de « prise sur les esprits80 ». C’est ce sentiment dont les révoltés devront reprendre possession81. Et une fois convaincus qu’il faut renoncer à traiter les autres comme ils ne veulent pas être traités, ils se convaincront également logiquement, qu’entre bien et mal, l’Égalité est du côté du bien :

  • 82 Ibid., p. 43.

« Nous ne tolérons plus l’inégalité qui permettrait à quelques-uns d’entre nous d’exercer leur force, ou leur ruse, ou leur habileté, d’une façon qui nous déplairait à nous-mêmes82. »

  • 83 Ibid.
  • 84 Ibid., p. 55.
  • 85 Ibid., p. 56.

18L’égalité dans les rapports mutuels ainsi que la solidarité83 seront alors au fondement de cette « morale très élevée84 », cette morale anarchiste, qui permettra, au sein d’une nouvelle société, « la liberté pleine et entière de l’individu », « la plénitude de son existence » « le développement libre de toutes ses facultés85 » ainsi que, avec la disparition du mal, la disparition du juge, du policier et de toute espèce de sanction :

  • 86 Ibid., p. 50.

« Nous ne craignons pas de dire : “Fais ce que tu veux comme tu veux”, parce que nous sommes persuadés que l’immense masse des hommes, à mesure qu’ils seront de plus en plus éclairés et se débarrasseront des entraves actuelles, fera et agira toujours dans certaines directions utiles à la société86. »

  • 87 « Influence du milieu III », La Révolte, no 22, 20-26 février 1892.

19Ainsi, « si vous voulez une société où règne la confiance, la réciprocité, le bien-être pour tous, basez-là sur la Liberté, la Réciprocité et l’Égalité87 ».

  • 88 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 57-58.
  • 89 Ibid., p. 62.

20Toutefois, certains révoltés n’hésiteront pas à aller plus loin : convaincus que le principe d’égalité ne doit pas se réduire au fait que chacun se limite à donner aux autres ce qu’il en a reçu selon un « principe d’équité marchande », ce qui conduirait à la « mort de la société88 », mais qu’il faut quelque chose de plus, l’authentique révolté, l’homme vraiment moral, sera en effet celui qui, par sa force, par l’exubérance de sa vie, sera poussé à donner aux autres « son intelligence, ses sentiments, ses actes, sans rien demander en retour89 ».

  • 90 Kropotkine P., L’Entr’aide, un facteur d’évolution, Paris, Hachette, 1906, 39 p.

21Le journal de Jean Grave de 1885 à 1894 ainsi que les travaux de Kropotkine nous montrent que les révoltés sont loin d’être des « sans morale » et que les questions concernant la morale interpellent vivement les compagnons, cela à une époque où les propagandistes par le fait n’hésitent pas à s’engager avec détermination sur le terrain de l’illégalité pour mettre fin au vieux monde bourgeois, où ensuite, pour certains anarchistes, l’anarchisme devient rien moins que le refus de toute morale, et où enfin le mouvement est confronté à des transformations internes qu’une partie des compagnons refuse : notamment sa pénétration par des individus sans scrupules qui souhaitent se servir des théories anarchistes pour satisfaire leurs appétits. Pour les rédacteurs du journal, si l’anarchiste ne peut devenir un authentique révolté qu’en s’affranchissant de la morale bourgeoise, il ne gagnera réellement la liberté qu’en se réappropriant une morale naturelle antérieure à l’existence de la propriété, de l’autorité, de la loi et de cette morale bourgeoise qui l’a pervertie, une morale naturelle qui guidera ses actes : une morale supérieure s’ancrant dans le sentiment de solidarité partagé par tous les êtres vivants en société depuis que le monde existe et s’incarnant dans l’entraide, comme le rappelle le titre de l’ouvrage qui fit véritablement connaître Kropotkine quelques années plus tard : L’Entr’aide, un facteur d’évolution90. C’est ce sentiment qui, seul, permettra à l’espèce de perdurer en bâtissant un monde nouveau, ce qui conduit Kropotkine, à l’aube du XXe siècle, à opposer aux thèses de darwinistes sociaux comme Thomas Huxley une alternative pour penser la survie du monde humain et animal. Enfin, c’est cette morale qui devra guider les pas des révoltés au début des années 1890, non plus sur le plan de l’action individuelle violente qui se révélera stérile, mais dans le cadre de l’action collective, sous différentes formes (entrée dans les organisations ouvrières ; manifestation aux côtés des ouvriers lors du 1er mai ; participation au mouvements grévistes...), elle seule pouvant déboucher sur la Grande Révolution que les anarchistes appellent de leurs vœux.

Notes

1 Kropotkine P., La Morale anarchiste. La Loi et l’Autorité (1889 ; 1913), éd. l’Escalier, septembre 2008, 112 p.

2 Voir Bianco R., Un Siècle de presse anarchiste d’expression française, 1880-1983, doctorat d’État, 1987, Aix-Marseille I., 7 vol., 3493 p.

3 Bouhey V., Les Anarchistes contre la République, Rennes, PUR, 2008, p. 229 sq.

4 « L’homme est-il mauvais ? », La Révolte, no 40, 6-12 juillet 1888.

5 Ibid.

6 Ibid.

7 Ibid.

8 La Révolte, no 8, 14-20 novembre 1891.

9 « Le Principe anarchiste », ibid., no 9, 12-18 novembre 1892.

10 « La morale », Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.

11 « Influence du milieu », La Révolte, no 20, 5-11 février 1892.

12 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 6.

13 « L’homme est-il mauvais ? », La Révolte, no 40, 6-12 juillet 1888.

14 « Encore la morale », ibid., no 11, 5-11 décembre 1891.

15 « Influence du milieu III », ibid.., no 22, 20-26 février 1892.

16 Ibid.

17 « L’État malfaiteur », ibid., no 25, 4-10 mars 1893.

18 « Influence du milieu III », ibid., no 22, 20-26 février 1892.

19 « L’homme est-il mauvais ? », ibid., no 40, 6-12 juillet 1888.

20 « Influence des milieux », ibid., no 20, 5-11 février 1892.

21 « La morale », Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.

22 « L’idée anarchiste et ses développement », La Révolte, no 6, 31-6 novembre 1891.

23 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 7.

24 Bianco R., Le Mouvement anarchiste à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, 1880-1914, 1977, volume 1, p. 262.

25 « Encore la morale », La Révolte, no 11, 5-11 décembre 1891.

26 Grave J., Le Mouvement libertaire sous la IIIe République, Paris, Les Œuvres représentatives, 1930, p. 110.

27 « L’Action », Le Révolté, no 22, 25 décembre 1885.

28 Voir Bouhey V., « Le discours sur le vol dans la presse anarchiste française de 1880 à 1914 », F. Chauvaud et A.-D. Houte (dir.), Au voleur ! Images et représentations du vol dans la France contemporaine, Paris, Publications de la Sorbonne, 2014, p. 229-240.

29 Voir par exemple Merriman J., Dynamite club. L’invention du terrorisme à Paris, Paris, Tallandier, 2009, 255 p.

30 « La postiche de Barbapoux », Le Père Peinard, no 5, 24 mars 1889.

31 Voir Bouhey V., « Les ressorts du terrorisme anarchiste en France et aux marges du territoire national à la fin du xixe siècle », en français sur le site raforum [http://sssraforum.info/spip.php?article6367] et à paraître en anglais dans C. Dietze et C. Verhoeven (dir.), The Oxford Handbook of the History of Terrorism, Oxford, Oxford University Press, 2014.

32 Bouhey V., Les Anarchistes contre la République, op. cit., p. 222 sqq.

33 Bouhey V., « Le discours sur le vol », op. cit.

34 « Encore la morale », La Révolte, no 11, 5-11 décembre 1891.

35 « Encore la morale II », ibid., no 12, 12-18 décembre 1891.

36 Grave J., « Anarchisme et individualisme », Les Temps Nouveaux, no 31, 20 décembre 1912.

37 Voir Bouhey V., « Le discours sur le vol dans la presse anarchiste », op. cit.

38 « Les Grèves », op. cit., no 3, 27 septembre-3 octobre 1890.

39 Bouhey V., Les Anarchistes contre la République, op. cit., p. 225 sqq.

40 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 42.

41 « La morale », Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.

42 Ibid.

43 Ibid.

44 « L’État malfaiteur », La Révolte, no 25, 4-10 mars 1893.

45 « La morale », Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.

46 Ibid.

47 Ibid.

48 Ibid.

49 « Encore la morale », La Révolte, no 11, 5-11 décembre 1891.

50 Bouhey V., « Le discours sur le vol dans la presse anarchiste », op. cit.

51 La Révolte, no 12, 12-18 décembre 1891.

52 Ibid.

53 « Encore la morale III », La Révolte, no 13, 19-25 décembre 1891.

54 Ibid.

55 Ibid.

56 Le Révolté, no 41, 24 janvier-4 février 1887.

57 « Les voleurs », ibid., no 6, 21 juin-4 juillet 1885.

58 « L’évolution de la morale. Le vol et les voleurs », ibid., no 22, 10-16 février 1889.

59 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 46.

60 Ibid., p. 47.

61 Ibid.

62 Ibid.

63 Ibid.

64 Ibid.

65 Ibid.

66 Ibid., p. 41.

67 Ibid., p. 35. Pour Kropotkine, ce livre a été écrit par Adam Smith alors qu’il était encore « libre de tout préjugé religieux » (ibid., p. 36).

68 La Morale anarchiste, op. cit., p. 9.

69 Le Révolté, no 9, 2-15 août 1885.

70 « Influence du milieu III », La Révolte, no 22, 20-26 février 1892.

71 « Influence des milieux », ibid., no 20 du 5 au 11 février 1892.

72 Ibid.

73 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 29.

74 Ibid., p. 38.

75 Ibid., p. 39.

76 Ibid., p. 36.

77 Ibid., p. 38.

78 Ibid.

79 Ibid., p. 41.

80 Ibid.

81 Ibid.

82 Ibid., p. 43.

83 Ibid.

84 Ibid., p. 55.

85 Ibid., p. 56.

86 Ibid., p. 50.

87 « Influence du milieu III », La Révolte, no 22, 20-26 février 1892.

88 Kropotkine P., La Morale anarchiste, op. cit., p. 57-58.

89 Ibid., p. 62.

90 Kropotkine P., L’Entr’aide, un facteur d’évolution, Paris, Hachette, 1906, 39 p.

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