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Les Vénéneuses

 | 
Frédéric Chauvaud
, 
Lydie Bodiou
, 
Myriam Soria

Deuxième partie. Célèbres et ordinaires

Valentine Visconti ou le venin de la biscia

Laurent Hablot

Texte intégral

« Génération mauvaise et adultère ! elle réclame un signe, et de signe, il ne lui sera donné que le signe de Jonas » (Mt 16 1-2).

  • 1 É. Collas, Valentine de Milan, duchesse d’Orléans, Paris, Plon, 1911, p. 226.

« Ces histoires d’envoûtement et d’empoisonnement plaisaient trop aux imaginations du Moyen Âge, même du Moyen Âge finissant, pour n’avoir pas le succès que l’on en attendait. Les personnages qui avaient la garde du dauphin saisirent cette occasion de montrer leur zèle pour l’accomplissement de leur mission : ils empêchèrent désormais l’enfant (le dauphin) d’entrer dans les appartements de Valentine. Là peut-être, à la Cour, gardait-on encore un demi-silence sur les causes de cette méfiance. Mais dans le peuple, il en allait différemment. On accusait nettement Valentine. Le peuple n’a pas besoin de preuves, ni de vraisemblance pour croire à une accusation, surtout si elle flatte sa jalousie contre ceux qui sont au-dessus de lui, et plus encore, si elle met en jeu son goût pour l’inconnu, son attrait pour le mystérieux. Les Visconti n’avaient-ils pas pour armes une couleuvre engloutissant un enfant ? Voilà une preuve, s’il en était besoin1. »

  • 2 « Il n’est guère besoin de préciser que Valentine Visconti, femme, princesse et Lombarde, présenta (...)
  • 3 Sur ces accusations, outre l’article d’Alain Marchandisse et les rappels de la présente étude, F. (...)

1Ces quelques lignes extraites de la biographie passionnée qu’Émile Collas consacre à Valentine Visconti en 1911 et relatives à des accusations portée contre la duchesse soupçonnée d’avoir tenté d’empoisonner son neveu le dauphin Louis, suggèrent une piste très stimulante à l’héraldiste. Piste dont Alain Marchandisse, auteur du dernier article de référence sur cette princesse, s’est lui aussi fait le relais2. Dans quelle mesure les armoiries portées par Valentine Visconti, l’épouse du frère du roi Charles VI, Louis, duc d’Orléans, ont-elles pu relayer voir susciter les accusations d’empoisonnement qui la contraignent à quitter la cour entre 1396 et 14073 ? Cette assertion n’est-elle que le fruit de l’imagination prolifique du biographe ou au contraire le reflet des sources, a tout le moins celui de l’esprit du temps ? Il convient d’abord de revenir sur les faits et de souligner dans quelle mesure les contextes culturel, politique et emblématique étaient tout à fait propices à des raccourcis de cette nature. L’analyse de la portée politique de l’emblématique de la princesse, à défaut de donner raison aux auteurs, le confirme clairement.

Les faits

  • 4 B. Guenée, La folie de Charles VI, roi Bien-Aimé, Paris, Perrin, 2004 ; F. Autrand, Charles VI. La (...)

2Les faits sont bien connus. À compter du célèbre épisode du Mans, le 5 août 1392, le roi Charles VI se voit atteint de crises récurrentes d’une maladie qui s’apparente à la schizophrénie et qui le frappera par intermittence jusqu’à sa mort en 14224. Les conséquences de ces « absences royales » sont aussi dramatiques que déterminantes dans l’écriture de l’histoire du royaume. Après la discorde des oncles et parents qui dégénère en crise civile, la guerre Armagnacs-Bourguignons (1405-1435), l’invasion anglaise permise par la victoire d’Azincourt (1415) ouvre les portes du territoire à la conquête d’Henry V et conduit à la proclamation de la double monarchie par le traité de paix finale signé à Troyes en 1420. Cette occupation anglaise ne s’achèvera que trente-trois ans plus tard à l’issue victorieuse de la bataille de Castillon (1453) qui marque le terme d’une longue guerre de reconquête et qui va permettre la laborieuse reconstruction économique, politique, religieuse et morale d’un royaume exsangue.

3Le frère du roi, Louis de Touraine, est directement impliqué dans ces évènements. Frère unique et véritable double de Charles VI dont il a toujours été très proche, il est pourtant la cible de la furie meurtrière du roi lors de la crise du Mans. D’abord supplanté par ses oncles, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, Louis d’Anjou et Jean de Berry, trop heureux de reprendre la main sur les affaires abandonnées en 1388, Louis va progressivement s’imposer au Conseil et mettre à profit sa brillante formation rhétorique reçue au collègue de Navarre. Sa vision politique du royaume, directement issue de la pensée des « Marmoursets » de Charles V, s’oppose rapidement aux projets de « réforme » du duc de Bourgogne.

  • 5 É. Collas, « Valentine de Milan », op. cit., p. 164.

4C’est sur ce fond de tensions que le Conseil et la cour essayent de guérir le roi de sa terrible maladie. Tous les moyens sont tentés : prières, pèlerinages, invocations sont très vite doublés de moyens plus scientifiques ou moins orthodoxes. Après les soins du savant médecin Guillaume de Harcigny, des sorciers et magiciens sont sollicités et les Juifs sont expulsés du royaume en 1394. Rien n’y fait, loin de s’apaiser, la folie du souverain semble même s’accentuer dans les années qui suivent. Seuls les plaisirs, les fêtes et... la présence de Valentine Visconti, semblent apaiser l’esprit dérangé du roi. Devant l’inexplicable, la possibilité de l’empoisonnement ne tarde pas à être proposée et des coupables recherchés. On avait d’ailleurs envisagé cette piste du poison dès les jours qui avaient suivi la crise du Mans5. Quelques mois plus tard, les frères de Charles V tournent leurs soupçons contre les conseillers de Charles VI qui les avaient contraints à leur abandonner le pouvoir en 1388. Ces Marmousets sont notamment accusés d’avoir surmené le roi et contribué à sa fragilité mentale. Ces accusations ne sont pas tout à fait dénuées de fondements tant la politique de communication publique mise en œuvre par ces proches du souverain avait conduit le jeune roi de fêtes en cérémonies et voyages diplomatiques dont le rythme soutenu, entretenu par les goûts personnels du prince pour les réjouissances de tous ordres, avait déjà révélé une santé fragile. Dans les mois qui suivent la crise du Mans, les oncles du roi s’acharnent sur l’entourage de Charles VI et contraignent plusieurs de ses membres à fuir la cour au péril de la vie. L’accusation d’empoisonnement est un bon moyen de se débarrasser des plus gênants et il faudra tout le courage de la jeune duchesse de Berry pour sauver Bureau de la Rivière.

  • 6 Ibid., p. 97 sq.

5Cette affaire révèle d’ailleurs combien ce type d’accusation demeure une des grandes obsessions de ce temps. Plusieurs affaires avaient déjà secoué la cour du jeune Charles VI, notamment celle de l’ermite empoisonneur soupçonné d’avoir voulu attenter à la vie du roi et de son frère en 13906. À partir de 1394, c’est vers la belle-sœur du roi, la princesse à la guivre, que se détournent ces accusations.

  • 7 L’union de la fille de Jean-Galéas Visconti avec le jeune et unique frère du roi, Louis de Tourain (...)

6Valentine Visconti, fille du seigneur de Milan, Jean-Galéas Visconti, avait épousé le frère du roi en août 1389, au terme de longues tractations7.

  • 8 E. Jarry, La vie politique de Louis de France, duc d’Orléans : 1372-1407, Paris, Alphonse Picard, (...)
  • 9 É. Collas, « Valentine de Milan », op. cit., p. 164.

7Cette union ouvrait pour la France de nouveaux horizons méridionaux en même temps qu’elle resserrait les liens familiaux entre l’étoile montante de la politique italienne et la première dynastie d’Europe, la première épouse de Jean-Galéas, Isabelle de Valois († 1372), étant en effet la propre sœur du roi Charles V et donc la grand-tante de Louis d’Orléans. Portant, quand l’union des deux princes est scellée, l’espoir d’un héritage milanais pour Louis est déjà dans les limbes en raison de la postérité issue du second mariage de son beau-père. Toutefois les incertitudes du temps, les engagements pris et la beauté de la promise suffisent à valider ce mariage. Valentine intègre donc la cour de France où elle ne tarde pas à gagner l’affection de son royal beau-frère et, en apparence, celle de sa belle-sœur et cousine, la reine Isabeau de Bavière, petite-fille de l’infortuné Barnabé Visconti († 1385), co-seigneur de Milan avant sa fin dans les geôles du père de Valentine. Cette querelle familiale, longtemps dissimulée, s’ouvre de nouveau avec les absences du roi, le règlement des affaires italiennes et le soutien apporté par la France à la ville de Florence farouchement opposée à l’expansion milanaise8. Le conflit éclate notamment à l’occasion de l’expédition conduite par le comte d’Armagnac contre le Milanais au nom de la défense des intérêts de son beau-frère, Carlo Visconti, fils évincé de Barnabé et donc oncle de la reine. Louis et Valentine s’impliquent personnellement dans la défense de Jean-Galéas9. Faire peser sur Valentine l’accusation d’envoutement et d’empoisonnement fut donc d’abord un moyen efficace pour l’écarter du pouvoir et laisser le champ libre aux intérêts anti-milanais.

  • 10 Jean Froissart, Chroniques, J.B.M.C. Kervyn de Lettenhove (éd.), Osnabrück, Biblio Verlag, 1967 (r (...)
  • 11 Sur ces critères, A. Marchandisse, « Milan, les Visconti », op. cit., p. 20 citant F. Collard.

8Il est fort probable que les armoiries à la guivre de Valentine aient pu servir de support aux calomnies mais c’est d’abord une habile campagne de rumeurs qui permet d’atteindre la princesse, campagne dont Froissart se fait le complaisant rapporteur : « commune renommée courait parmi le royaume de France qu’elle jouait de tels arts, et que tant qu’elle serait près du roi, que le roi la verrait et l’entendrait parler, il n’en aurait autre chose10. » Femme, lombarde11, favorite du roi et blasonnée d’un serpent, Valentine Visconti avait en main tous les atouts pour jouer le rôle de la parfaite empoisonneuse.

In cauda venenum. La guivre et le poison, une vieille histoire

  • 12 Voir le remarquable et récent travail de P. Zaninetta P. Il potere raffigurato. Simbolo, mito e pr (...)
  • 13 La guivre est en effet une possible figuration de la baleine de Jonas, longtemps qualifiée par les (...)
  • 14 Mt 12, 38-41 et Mt 16, 1-4.
  • 15 C’est l’hypothèse proposée par Michel Pastoureau qui suggère que ce choix a été motivé par la rela (...)
  • 16 Je remercie Matteo Ferrari pour cette observation fondée sur les travaux de Paolo Zaninetta.
  • 17 C’est la version de Bonvesin da la Riva en 1288, voir P. Zaninetta, Il potere raffigurato, op. cit (...)
  • 18 On retrouve ici un motif courant dans le légendaire des origines des armoiries à la fin du Moyen  (...)
  • 19 Il rapporte l’épisode d’un chevalier nommé Azo qui, ayant ôté son heaume pour se reposer, s’endorm (...)
  • 20 Au XVIe siècle, Paul Jove et André Alciat, s’inspirant des auteurs médiévaux (cf. P. Zaninetta P.,(...)

9 Cetus, vipère, couleuvre ou guivre ? Il faut reconnaître que l’emblème héraldique porté par les Visconti se prête assez bien aux interprétations négatives. Attesté depuis la fin du XIIIe siècle comme armoirie de cette maison12, il se compose d’un écu blanc chargé d’un serpent-dragon bleu avalant un petit personnage rouge, d’argent à la guivre d’azur posée en pal engoulant un enfant de gueules. Ce motif s’inspire très probablement à l’origine d’une réinterprétation de la figuration paléochrétienne du Cetus recrachant Jonas13. Considération importante dans la mesure où cette figure est dans ce cas positive. Ce n’est pas un enfant sanguinolent en passe d’être dévoré qu’il faut alors reconnaître dans la gueule du monstre mais bien Jonas, nu et transfiguré par la conversion qu’il vient d’opérer dans le ventre du monstre qui l’a sauvé de la noyade. Dans l’Évangile de saint Matthieu, le Christ lui-même met deux fois en exergue ce « signe de Jonas14 » que l’exégèse interprète comme une métaphore de la Résurrection et un avertissement aux païens en référence à la conversion de Ninive. Il est fort possible que les Visconti aient retenu ce « signe », alors associé à une symbolique chrétienne et positive mais aussi à un message politique fort, au moment de leur prise de pouvoir sur la ville durant l’archiépiscopat d’Ottone Visconti († 1295) en 1277. Un signe formant peut-être aussi une figure « parlante » en rapport avec leur fief d’Angera ou à leur patronyme Visconti/vipera15. Quoiqu’il en soit l’armoirie n’est connue qu’à partir de cette période. Il est intéressant de souligner que, de façon assez exceptionnelle, l’assomption de ce signe héraldique s’accompagne aussitôt d’interprétations légendaires dont le réservoir ne cessera de s’étoffer jusqu’à la fin du Moyen Âge16. Le cetus de Jonas est oublié au profit d’une vipère – c’est le terme retenu par les sources – sur laquelle se greffent plusieurs légendes. Il s’agit d’abord d’une bannière prise aux Sarrasins et concédée par la ville au seigneur Visconti auquel Milan délègue son autorité militaire17. À mesure que la puissance du lignage s’affirme, cette armoirie devient le produit d’une saisie armoriale : l’appropriation par un ancêtre des Visconti de l’emblème d’un chef sarrasin vaincu18. Au XIVe siècle, Pétrarque détourne la légende en faveur de son mécène, Azzone Visconti, seigneur de Milan de 1327 à 1339, et fait de la guivre un véritable serpent ayant épargné sa morsure à un ancêtre Visconti19. La légende s’étoffe encore à la fin du XVe siècle, comme en témoignent les Mémoires d’Olivier de La Marche qui décrivent l’aventure de Boniface, comte de Pavie marié à l’héritière de Milan. Alors qu’il était parti en croisade contre les Musulmans, un « serpent de merveilleuse grandeur » terrorisa la Lombardie et tua son fils. Revenu de croisade, Boniface retrouva cette « beste » qui emportait alors un enfant dans sa gueule et la tua au terme d’un combat acharné20. Ces différentes versions ont pour point commun d’identifier l’animal des armes comme un serpent et plus spécifiquement une vipère, bien connue pour la dangerosité de son venin.

  • 21 A. Marchandisse, « Milan, les Visconti », op. cit., p. 21 et notes.
  • 22 Jean Froissart, Chroniques, Kervyn de Lettenhove (éd.), op. cit., vol. VII, p. 246-247, 251-252 ; (...)
  • 23 Sur l’auteur voir Autour d’Eustache Deschamps, D. Buschinger (dir.), Amiens, Presses de l’universi (...)

10Le venin de la biscia. Comment ne pas imaginer en effet que les contemporains aient associé cette vipera des sources médiévales à la sinistre réputation de la Lombardie et de ses maîtres en matière de poisons ? Bien avant l’arrivée de Valentine à la cour de France et la folie du roi, les Lombards en général et les Visconti en particulier se taillaient déjà une solide réputation dans ce domaine vénéneux. Comme l’a montré Alain Marchandisse, ce discours avait déjà atteint Matteo Visconti21. Il éclate au grand jour quand les auteurs contemporains prennent position au sujet du père de Valentine et des affaires italiennes. Ainsi Froissart qui accuse le seigneur de Milan de la mort de son beau-frère Lionel de Clarence ou encore le Religieux de Saint-Denis qui, dans sa Chronique, reproche à plusieurs reprises et ouvertement à Jean-Galéas d’avoir fait empoisonner son oncle Barnabé et qui parle de ces Lombards sournois qui n’agissent que par la ruse22. Même le fidèle Eustache Deschamps, officier de la cour des Orléans, ne peut s’empêcher, lorsque Valentine arrive en France, d’évoquer cette réputation des Lombards dans sa ballade : En Orient servent de tel beuvrage23.

  • 24 Jean Froissart, Chroniques, Kervyn de Lettenhove (éd.), op. cit., vol. XV, p. 260-261, 353. Alain (...)
  • 25 Comme par exemple un des tableaux de l’entrée de Lyon où deux arbres de la Connaissance autour des (...)
  • 26 Jean Froissart, Chroniques, Kervyn de Lettenhove (éd.), op. cit., vol. XV, p. 260. Sur « l’exil » (...)

11La réputation d’empoisonneurs attachée aux Visconti finit par atteindre Valentine et concerne d’abord un épisode dans lequel il est difficile de ne pas reconnaître le motif héraldique de la princesse : l’empoisonnement par la duchesse d’un jeune enfant, le dauphin de France. Froissart et Monstrelet se font les rapporteurs complaisants de cette rumeur selon laquelle la duchesse, gardant dans sa chambre son fils aîné Louis et le jeune dauphin, aurait fait rouler aux pieds de ce dernier une pomme empoisonnée dont, par mégarde, son propre fils s’empara et mourût. Comme toute légende, cette rumeur porte pour fond de vérité la mort, en septembre 1395, du fils aîné des Orléans né le 26 mai 1391. Rien n’indique toutefois qu’il soit mort empoisonné24. De façon implicite cette pomme maléfique associe encore Valentine et sa guivre héraldique au serpent d’Éden, un thème que l’on retrouvera dans l’iconographie politique du règne de Louis XII25. Ces rumeurs, potentiellement entretenues par les adversaires de Louis, justifièrent en tous cas que l’on éloigne la duchesse de la cour et de la capitale. Le Religieux de Saint-Denis et Froissart évoquent que « couroit sur elle fame et escandèle général », ainsi que de « grans murmurations à Paris et ailleurs aussi », doublés de menaces de mort qui mettent en péril la duchesse d’Orléans et imposent son exil dès avril 1396, par mesure de protection26. Froissart rapporte également la colère de Jean-Galéas en apprenant le sort réservé à sa fille.

12Les longues années d’exil tiennent un temps Valentine à l’écart des rumeurs mais sa réputation d’empoisonneuse est de nouveau évoquée, après l’assassinat de son époux, plus particulièrement dans la Justification du duc de Bourgogne par Jean Petit qui multiplie les parallèles entre tyran et poison et tyran et serpent. Cette détestable renommée s’accompagne, dans la propagande bourguignonne d’une intense campagne de diffamation fondée sur l’image emblématique du prince, à commencer par sa devise du loup qui fournit à ses adversaires un support idéal à leur argumentation.

La guivre, le lis et le loup. Emblématique, symbolique médiévale et rumeurs politiques

  • 27 On distingue alors deux systèmes de signes, les armoiries et les devises qui sont des emblèmes per (...)

13Dans ces temps troublés et tendus des prémices de la guerre civile, l’emblématique joue à l’évidence un rôle prépondérant27. Les témoignages sont nombreux qui attestent de la culture visuelle et emblématique des contemporains, qu’ils soient de la Cour ou du Commun. Armoiries et devises des princes sont connues de tous et leur exposition publique est d’autant plus commentée que ces signes sont pour la plupart d’entre eux les supports d’une efficace communication politique. L’« affaire Valentine Visconti » nous situe au cœur de ces pratiques qui dépassent très largement les plaisirs d’initiés.

  • 28 C. Weber, Signs of Order and Revolt. Heraldic Communication in Communal Italy, Vienne, 2011.
  • 29 Sur le sujet se reporter à L. Hablot, « Aux origines de la dextre héraldique. Écu armorié et latér (...)
  • 30 Sur ce dossier L. Hablot, « La mémoire héraldique des Visconti dans la France du XVe siècle », à p (...)
  • 31 Ces « augmentations d’armoiries » existent presque depuis les origines de l’héraldique pour soulig (...)
  • 32 Dans les principes du blason le port d’armoiries pleines ou brisées équivaut à l’appartenance à un (...)
  • 33 L. Hablot, « La sacralisation des armoiries royales en Europe au Moyen Âge », dans M. Aurell (dir. (...)
  • 34 Ce droit pourrait avoir été concédé avant à Azzone, se reporter à P. Zaninetta il potere raigurato (...)

14Si le fait que l’armoirie des Visconti a pu être adoptée à des fins de communication politique reste une supposition, il est en revanche assuré que, dans l’Italie du XIVe siècle, elle est un des outils essentiels de l’expansion des seigneurs de Milan et un sujet fréquent de diffamation28. En France, l’emblématique de Valentine semble également propice à susciter l’intérêt. Comme toute princesse de son temps, elle porte un écu qui expose pour moitié – à dextre29, la partie la plus honorable – les armes de son époux –, et à senestre, celles de son père. Dans le cas de Valentine, un parti des lis de France distingué par la brisure attribuée à Louis d’Orléans, un lambel d’argent, et de Visconti, les fameuses armes au serpent (figure 1). Ces armoiries Visconti ont fait l’objet, en 1394, d’une modification importante. À la demande expresse de la diplomatie milanaise depuis 1393, Charles VI concède à son oncle et allié Jean-Galéas, une augmentation d’armoiries composée d’un écartelé de France à la double bordure d’argent et de gueules et de Visconti30 (figure 2). En raison d’une pratique encore relativement rare en France31, cette revendication a dû paraître exorbitante aux ennemis du seigneur de Milan qu’elle fait virtuellement entrer dans la maison capétienne. Ces armes écartelées sont associées dans les sources à son titre de comte de Vertus en Champagne, douaire de sa première femme Catherine de Valois32. Dans cette composition pourtant, les lis prennent hiérarchiquement le pas sur la guivre. Mettant aux places d’honneur le sang de France ils permettent aux Visconti de s’approprier le légendaire capétien symbolisé par la présence des anges aux côtés de l’écu33. Du côté milanais, à cette augmentation s’ajoute bientôt la concession accordée par le roi des Romains Wenceslas du titre ducal assorti du droit d’écarteler les armes Visconti aux aigles impériaux et de couronner la guivre34.

Fig. 1. – Les armes de Valentine Visconti, parti de France Orléans et de Milan. Honoré Bovet, Apparicion maistre Jehan de Meun, Paris, BnF, Fr. 811, fol. 1.

Fig. 2. – Les armoiries écartelées concédées par Charles VI à Jean-Galéas Visconti, comte de vertus, en 1394. Paris, an, JJ 147, no 147, fol. 68.

  • 35 Honoré Bovet, L’apparition de Jean de Meun, Paris, BnF, Ms. Fr. 811, fol. 1.
  • 36 Voir par exemple le Codex trivulziano 1390, fol. 1 et C. Maspoli, « arme e imprese visconte e sfor (...)
  • 37 U. Robert, « Colart de Laon, documents inédits », nouvelles archives de l’art français, t. viii, 1 (...)
  • 38 Sur le dernier tableau de l’entrée parisienne de 1498 exposé devant la Chambre des comptes qui sou (...)
  • 39 Alain Marchandisse recense les griefs des auteurs contre « cette femme, qui a tout de son père et (...)

15Valentine Visconti, après son union avec Louis, porte naturellement les armes parties Orléans/Visconti telles que l’on peut encore les voir sur la marge d’un manuscrit réalisé pour elle35, mais aussi parfois, comme ses frères plus tard36, ce parti Orléans écartelé vertus/Visconti parfois mentionné dans ses comptes qui évoquent de la vaisselle armoriée, telle cette aiguière en forme de guivre vomissant un enfant ou une nef sur roue avec figurines portant des bannières aux armes des époux ou encore la description comptable d’une litière à ses armes et devises37. Cet usage des lis de France a pu fournir des arguments aux ennemis de Valentine. En conformité avec les principes héraldiques, la guivre est en effet tournée vers la gauche et peut sembler menacer les lis, thématique que l’on retrouve encore un siècle plus tard dans l’emblématique de Louis XII (figure 3)38. Par ailleurs, la possible présence de la couronne sur la tête de la guivre portée par Valentine a également pu nourrir les accusations relatives aux ambitions royales de la duchesse d’Orléans. Ce thème de la captation de la couronne se retrouve à plusieurs reprises dans les critiques formulées contre Valentine39.

Fig. 3. – La guivre et le porc-épic, des relations ambigües. Détail du grand sceau équestre de Louis XII. (Paris, AN).

  • 40 J. Roman, « inventaires et documents relatifs aux joyaux et tapisseries des princes d’Orléans-Valo (...)
  • 41 Joursanvault Baron de, Catalogue des archives, Paris, 1838, t. I, p. 120-141, article 742 : « 2 ne (...)
  • 42 C’est en effet l’oncle du roi, Jean de Berry, qui après son investiture comme comte de Poitiers en (...)

16Ces motifs du serpent et de la couronne se retrouvent alors fréquemment dans les objets de luxe réalisés pour les Orléans ou pour le roi40. S’agit-il pour autant de l’emblème héraldique des Visconti ? Il n’est pas aisé de l’assurer mais cela reste fort probable. Le « serpent volant » et couronné est alors associé aux armes de France, à l’emblème de la branche de genêt porté par le roi, à la rose d’Isabeau de Bavière, à celui du loup retenu par son époux comme par exemple sur ces deux nefs (grands plats en forme de navire pour ranger la vaisselle) dont les bords sont décorés pour l’une de loups colleté d’une clochette – devise du duc – et pour l’autre de serpents, cette dernière ayant été offerte par la duchesse à la reine en 139441. Comment les courtisans de ce temps n’auraient-ils pas établi un lien entre ce serpent emmêlé aux devises royales, l’affection du roi pour sa belle-sœur et l’histoire légendaire de la guivre enjôleuse, Mélusine, qui connaît un succès renouvelé depuis l’accession de Jean de Berry au comté de Poitiers et les romans de Jean d’Arras (vers 1393) et de Couldrette (vers 1401)42 ?

  • 43 L. Laborde comte de, Les ducs de Bourgogne, étude sur les lettres, les arts et l’industrie pendant (...)

17Ces exploitations « publicitaires » de l’héraldique de la duchesse sont encore plus notables en ce qui concerne ses emblèmes ou devises. Par leur essence même, ces signes sont destinés à faire parler ou deviser et donc à entretenir la fama de leur utilisateur. Le contrôle sur ces figures, le plus souvent polysémiques, est toutefois malaisé et l’on constate régulièrement des détournements symboliques d’emblèmes pourtant censés garantir la renommée du prince. Comme pour ses armoiries, Valentine Visconti s’associe aux deux emblématiques de son père et de son époux. Elle reprend notamment à son compte les devises paternelles de la colombina, de la radia magna et du tizonne. La colombina est une tourterelle sur une branche associée au mot A Bon Droit. En renvoyant au discours des bestiaires sur la tourterelle, toujours en couple et image de l’amour conjugal parfait, cette devise qui cette fois figure l’oiseau seul évoque la légitimité de la prise de pouvoir de Jean-Galéas et l’éviction de son oncle Barnabé. Elle est fréquemment posée sur la devise du soleil rayonnant ou Radia Magna qui introduit une dimension spirituelle à l’emblème et souligne le soutien divin accordé à l’action du duc en même temps que cette étoile renvoie peut-être à l’ordre éponyme fondé par le beau-père de Jean Galéas, l’ordre de l’Étoile de Jean le Bon. De la part de Valentine, exposer cette devise à la cour de France comme elle le fait par exemple avec son char peint en novembre 1394 ou sur d’autres supports43, sous les yeux de la reine Isabeau, propre petite-fille de Barnabé, spoliée par cette action politique, apparaît bien comme une provocation.

  • 44 L. Mirot, « Paiement et quittances de travaux exécutés sous le règne de Charles VI (1380-1422) », (...)
  • 45 F.M. Graves, Deux inventaires, op. cit., inventaire après décès de 1408, articles 352, 355, 773, 8 (...)
  • 46 Eustache Deschamps, Ballade inédite, Paris, BN, Ms. fr 7219, fol. CCIIII., cité dans A. Champollio (...)

18La duchesse d’Orléans introduit d’ailleurs une variante à la colombina, la tourterelle s’appuie désormais sur une branche de ronce44, végétal que l’on retrouve associé au vert et au chiffre VVS (Valentine ViSconti ?) dans les inventaires de 1389 et 140845. Écho à la devise de l’ortie de son époux mais aussi peut-être allusion à l’infidélité de Louis d’Orléans ou aux difficultés faites à Jean-Galéas par la diplomatie française ? Quand Eustache Deschamps prendra la plume pour défendre sa bienfaitrice, c’est précisément sur ce motif emblématique du mot A BonDroit qu’il construira sa ballade46 :

« A bon droit doit de tous estre louée/Celle quitant à des biens de nature,/De sens, d’onour, de bonne renommée,/De doulx maintien, l’exemple et la figure/d’umilité. Celle qui met sa cure/A honorer un chacun en droit li ;/Qui gent corps a, jeune, fresche, joly,/De hault atour, de lignié royal,/Celle n’a pas à manière failly :/A bon droit n’est elle un cuer plus loyal. »

19Reflet de la culture de cour, cette ballade confirme s’il le fallait que l’emblématique est bien alors un langage politique.

  • 47 À ce sujet L. Hablot, « La devise, un signe pour les princes de la fin du Moyen Âge », dans É. Tab (...)

20Reste la question du Tizzone, cette branche écôtée et enflammée à laquelle pendent deux seaux et que l’on interprète comme un symbole de la tempérance, vertu essentiel du prince renaissant. Elle pourrait être à l’origine du fameux bâton noueux que l’on prête pour devise à Louis d’Orléans et dont on fait l’habituel pendant de la devise du rabot de Jean sans Peur, en dépit de l’imprécision des sources à ce sujet47.

  • 48 S. Slanicka, Slogans und Zeichen, Burgundische Propaganda in Paris zu Beginn des XV Jahrunderts, B (...)

21On l’a vu, Valentine associera à l’occasion ses devises et armoiries à l’un des emblèmes retenus par son époux, le loup colleté d’une clochette. S’il n’y a pas de relation directe entre la guivre et cet animal, la devise du loup de Louis est toutefois un bon exemple de l’impact des emblèmes dans le discours politique du temps. Cet animal, sans doute d’abord adopté pour ses fonctions parlantes (Loup/louis) comme le confirme le mot associé – IL EST (sous-entendu : Louis est le loup) –, mais rendu positif par le port d’une clochette – c’est un loup domestiqué, dont on ne retient que les vertus – devient pourtant, et sans surprise, la cible et le support de la propagande bourguignonne pendant plus de vingt ans (figure 4). Louis y devient le loup sauvage, infidèle, avide et cruel, impatient de s’emparer de la couronne, menaçant les brebis de la bergerie dont le berger est invalide, comprendre les sujets du royaume dont le prince est fou48.

  • 49 Ainsi l’inventaire des biens de Valentin en 1389 mentionne « une pièce de licorne à faire assay », (...)
  • 50 Sur les mentions de licorne dans l’emblématique de Valentine Visconti voir les Comptes de l’Argent (...)
  • 51 C. Beaune, « Costume et pouvoir en France à la fin du Moyen Âge : les devises royales vers 1400 »,(...)
  • 52 Sur cette devise, L. Hablot, « L’ordre de la Cosse de genêt de Charles VI, la mise en scène d’une (...)

22Dès 1393, Valentine a complété ce discours emblématique d’une devise pour le moins symbolique compte-tenu du contexte : une licorne. Animal dont la corne a, comme tout le monde alors le sait, des vertus antivénéneuses et dont on tire des « pierres de touche », type d’objet dans lequel figurent également les « langues de serpent », sans doute des fragments de corail49. Cette devise se retrouve mentionnée dans les comptes et inventaires de Charles VI et de Louis d’Orléans50, parfois associée au chiffre V et à la couleur verte. Colette Beaune l’attribue en tous cas à la duchesse et prétend qu’entre 1391 et 1394, le roi adopte fréquemment des devises dédiées à Valentine Visconti, nœuds d’amour, V, licorne blanche à V, licorne couchée sur du genêt et mot Jaimais la plus belle51. Il est d’ailleurs possible que le genêt, en plus de sa symbolique de vie éternelle liée à la théorie politique de la royauté immortelle, ait été retenu pour ses vertus antivénéneuses bien connues au Moyen Âge52. Ce discours n’a rien de surprenant. La plupart des nombreuses devises de Charles vi font écho à celles de ces proches, à l’exemple de l’hirondelle, retenue entre 1392 et 1406 et qui suscite la devise du nid chez Louis d’Orléans, refuge du roi, et celle de la branche de mouron, nourriture préférée des oiseaux, chez la reine.

Fig. 4. – La Justification de Jean Petit, un modèle de communication par l’emblème. Chantilly Musée Condé, Ms 878, fol. 2 r°, 1408.

23Langage du sous-entendu et de l’indicible, la devise joue habilement sur les analogies, les pratiques et la culture commune pour transmettre un certain nombre d’idées qui alimentent la communication politique. Compte-tenu du contexte, la guivre de Valentine n’a certainement pas échappé à cette réalité des usages de cour.

24Au terme de cette démonstration, on ne peut que se sentir frustré de n’avoir pu citer une seule évidence textuelle ou iconographique donnant raison aux intuitions passionnées d’Émile Collas ou à celles raisonnées d’Alain Marchandisse. Hélas, jusqu’à preuve du contraire, aucun auteur n’est venu coucher noir sur blanc le lien pourtant si évident entre la guivre héraldique des Visconti et la réputation d’empoisonneuse de Valentine Visconti. Pudeur d’auteur ? Auto-censure ? Il est évident que les auteurs médiévaux n’ont pas souvent ce type de réserves. Ce qui pourrait plus probablement expliquer ce silence des sources tient plutôt des principes même de la culture emblématique de la fin du Moyen Âge. Les gloses et explicitations dont se pourlècheront les auteurs modernes sont bien loin des mentalités médiévales qui semblent avoir déjà intégré toutes les subtilités de la communication publicitaire. Non-dits, sous-entendus et petits dessins sont souvent bien plus efficaces que de longs discours. À la fin du XIVe siècle tout le monde sait que la vipère est dangereuse et sa morsure... fatale !

Notes

1 É. Collas, Valentine de Milan, duchesse d’Orléans, Paris, Plon, 1911, p. 226.

2 « Il n’est guère besoin de préciser que Valentine Visconti, femme, princesse et Lombarde, présentait véritablement tous les critères pour être clouée au pilori, à la cour de France comme dans la population du royaume, et par tous ceux qui en racontaient l’histoire. Et ce d’autant plus qu’elle devait apparaître comme la digne représentante d’un lignage dont le blason comportait une vouivre, une vipère », A. Marchandisse, « Milan, les Visconti, l’union de Valentine et de Louis d’Orléans, vus par Froissart et par les auteurs contemporains », dans P. Moreno et G. Palumbo (dir.), Autour du XVe siècle. Journée d’étude en l’honneur d’Alberto Varvaro. Communications présentées au Symposium de clôture de la Chaire Francqui au titre étranger (Liège, 10-11 mai 2004), Genève, 2008, p. 93-116. Je remercie vivement Alain Marchandisse de l’aide qu’il m’a apportée pour la rédaction de cet article qui doit beaucoup à son excellent travail, en particulier à ses riches notes.

3 Sur ces accusations, outre l’article d’Alain Marchandisse et les rappels de la présente étude, F. Collard, Le Crime de poison au Moyen Âge, Paris, PUF, 2003, parle bien sûr, aux p. 167-168, 223, 266, de Valentine empoisonneuse « Venenosa mulier coronata », voir aussi, du même auteur, « Variations sur la figure de la reine empoisonneuse dans l’Occident médiéval », Reines et princesses au Moyen Âge. Actes du cinquième colloque international de Montpellier, vol. I, Cahiers du CRISIMA, V, 2001, p. 303-322 ; « Une arme venue d’ailleurs. Portrait de l’étranger en empoisonneur », L’étranger au Moyen Âge. XXXe Congrès de la SHMESP (Göttingen, juin 1999), Paris, Publications de la Sorbonne, 2000, p. 95-106, spécialement p. 97, 102-103.

4 B. Guenée, La folie de Charles VI, roi Bien-Aimé, Paris, Perrin, 2004 ; F. Autrand, Charles VI. La folie du roi, Paris, Fayard, 1986.

5 É. Collas, « Valentine de Milan », op. cit., p. 164.

6 Ibid., p. 97 sq.

7 L’union de la fille de Jean-Galéas Visconti avec le jeune et unique frère du roi, Louis de Touraine, bientôt duc d’Orléans, a été l’objet de longues tractations qui illustrent autant les intérêts du royaume au-delà des Alpes que la destinée politique d’un genre nouveau imaginée pour le cadet de Charles V. Rappelons brièvement que Valentine est fille et héritière de Jean-Galéas Visconti, seigneur de Milan et d’Isabelle de France, fille de Jean le Bon. Les nécessités de la rançon de Poitiers, dont le seigneur de Milan acquitta 600 000 florins, expliquent en grande partie cette mésalliance qui permit à un « modeste » seigneur italien d’épouser une princesse des lis. À la mort d’Isabelle en 1372, Valentine demeurait la seule survivante des quatre enfants du couple et l’héritière des biens de son père. Celui-ci ne tarda pas à se remarier avec sa cousine Catherine Visconti, fille de son oncle Barnabé qui partageait avec lui la seigneurie de Milan. En 1385 pourtant Jean-Galéas fait assassiner son oncle et devient maître de toute la Lombardie. Des tractations sont alors conduites par la cour de France pour marier cette princesse des lis au mieux des intérêts du royaume. On songe d’abord à Louis d’Anjou puis, très rapidement à Louis de Touraine le jeune frère du roi alors âgé de 13 ans. Les premiers contrats, signés en janvier 1387 n’aboutissent pas. Cet échec s’explique sans doute en partie à cause de la grossesse annoncée de la seconde épouse du seigneur de Milan et de son manque de liquidité pour régler la dot. En dépit de ces coups de canifs dans le contrat – remise en cause des droits des époux sur Milan et du montant de la dot – le roi Charles VI, à peine libéré de la tutelle de ses oncles, s’empresse avec ses Marmousets, de solder ce mariage dès décembre 1388. M. Faucon, Le mariage de louis d’Orléans et de Valentine Visconti. La domination française dans le Milanais. 1387-1450, Paris, 1882 ; E. Jarry, « La « Voie de fait » et l’alliance franco-milanaise (1386-1395) », Bibliothèque de l’école des Chartes, 1892, tome 53. p. 213-253 et 505-570 ; E. Jarry, « Actes additionnels au contrat de mariage de Louis d’Orléans et de Valentine Visconti », Bibliothèque de l’école des Chartes, 1901, tome 62, p. 25-51 ; L. Mirot, La Politique française en Italie de 1380 à 1422, I. Les préliminaires de l’alliance florentine, Paris, Picard, 1934.

8 E. Jarry, La vie politique de Louis de France, duc d’Orléans : 1372-1407, Paris, Alphonse Picard, 1889. A. Lanza, Firenze contro Milano. Gli intellettuali fiorentini nelle guerre con i Visconti (1390-1440), Anzio, De Rubeis, 1991.

9 É. Collas, « Valentine de Milan », op. cit., p. 164.

10 Jean Froissart, Chroniques, J.B.M.C. Kervyn de Lettenhove (éd.), Osnabrück, Biblio Verlag, 1967 (réimpr. anast. de l’éd. Bruxelles, 1867-1877), vol. XV, p. 353 : « commune renommée couroit parmi le royaulme de France qu’elle jouoit de tels ars ».

11 Sur ces critères, A. Marchandisse, « Milan, les Visconti », op. cit., p. 20 citant F. Collard.

12 Voir le remarquable et récent travail de P. Zaninetta P. Il potere raffigurato. Simbolo, mito e propaganda nell’ascesa della signoria viscontea, Milan, Franco Angeli, 2013, p. 141-208.

13 La guivre est en effet une possible figuration de la baleine de Jonas, longtemps qualifiée par les sources de Cetus c’est-à-dire de monstre marin. Voir sur le sujet la belle thèse d’A.-S. Traineau-Durozoy, Le petit prophète jonas dans l’occident médiéval. Étude iconographique, École des Chartes, 2004, et pour la thèse d’université, École pratiques des Hautes Études, 2011. Se reporter aussi A. Blanchet, Notes sur la guivre de Milan, Cogliati, 1908. Ce motif héraldique a donné naissance à plusieurs légendes, en dernier lieu P. Zaninetta, Il potere raffigurato, op. cit., « La Vipera », p. 141-208.

14 Mt 12, 38-41 et Mt 16, 1-4.

15 C’est l’hypothèse proposée par Michel Pastoureau qui suggère que ce choix a été motivé par la relation parlante entre le fief d’Angera possédé par cette famille et le terme latin désignant le serpent anguis, M. Pastoureau, L’Art héraldique, Paris, Seuil, 2011, p. 145.

16 Je remercie Matteo Ferrari pour cette observation fondée sur les travaux de Paolo Zaninetta.

17 C’est la version de Bonvesin da la Riva en 1288, voir P. Zaninetta, Il potere raffigurato, op. cit., p. 142-143.

18 On retrouve ici un motif courant dans le légendaire des origines des armoiries à la fin du Moyen Âge. Voir sur la question le mémoire de Master I de B. Fromentin, Les légendes héraldiques au Moyen Âge, sous la direction de L. Hablot, université de Poitiers-EPHE, 2011.

19 Il rapporte l’épisode d’un chevalier nommé Azo qui, ayant ôté son heaume pour se reposer, s’endormit alors qu’un serpent se glissait à l’intérieur. Sans se rendre compte de la présence de l’animal, il remit le casque sur sa tête et le serpent retomba le long de sa joue sans chercher à le mordre.

20 Au XVIe siècle, Paul Jove et André Alciat, s’inspirant des auteurs médiévaux (cf. P. Zaninetta P., Il potere raffigurato, op. cit., p. 158 sq.), situèrent la légende en Terre Sainte, pendant la première croisade. Othon, vicomte de Milan, aurait, pendant le siège de Jérusalem, combattu un redoutable Sarrasin, un géant nommé Volux. Ce dernier portait sur son casque un cimier représentant un serpent dévorant un enfant, afin d’effrayer ses ennemis. Ayant obtenu la victoire, Othon aurait alors repris le cimier en signe de trophée, et placé la figure du serpent sur son écu.

21 A. Marchandisse, « Milan, les Visconti », op. cit., p. 21 et notes.

22 Jean Froissart, Chroniques, Kervyn de Lettenhove (éd.), op. cit., vol. VII, p. 246-247, 251-252 ; Michel Pintoin (Le Religieux de Saint-Denis), Chronique contenant le règne de Charles VI, de 1380 à 1422, L. Bellaguet et B. Guenée (dir.), Paris, Éditions du CTHS, 1994, vol. I, t. I, p. 710-719 : « Quod tamen Lombardi astute consultaverant, qui clam et non in aperto consueverunt certare, et qui semper in agendis negociis dolum addunt » (p. 714) « et, tandem, quod in patria commune est, intoxicaverat veneno » (p. 130, 132).

23 Sur l’auteur voir Autour d’Eustache Deschamps, D. Buschinger (dir.), Amiens, Presses de l’université de Picardie-Jules Verne, 1999. Eustache Deschamps, Œuvres complètes, A.H.E. de Queux de Saint-Hilaire et G. Raynaud (éd.), Paris, Firmin Didot, 1878-1903, vol. III, p. 282-283, Balades amoureuses, 465. Voir aussi J.-P. Boudet et H. Millet (éd.), Eustache Deschamps en son temps, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, p. 243-244 et p. 262-263.

24 Jean Froissart, Chroniques, Kervyn de Lettenhove (éd.), op. cit., vol. XV, p. 260-261, 353. Alain Marchandisse précise que Jean Petit, lorsqu’il dénonce ce crime, substitue Louis d’Orléans à son épouse (Enguerran de Monstrelet, Chronique, vol. I, p. 239). Il ajoute que, l’épisode ayant lieu avant le départ de Valentine en avril 1396, le dauphin en question ne peut être que Charles, second fils de Charles VI et d’Isabeau de Bavière, né le 6 février1392 et décédé le 13 janvier 1401 (Louis de Guyenne ne naît que le 22 janvier 1397). Le petit Louis d’Orléans mourut bien en bas âge, entre le 29 août et le 8 octobre 1385. Cette mort, évoquée par Jean Petit a donc fait l’objet d’une contestation lors de la réfutation de la Justification. Ce document précise qu’une dysenterie fut la cause du décès. Cet épisode est mentionné dans les chroniques (Michel Pintoin (Le Religieux de Saint-Denis), Chronique, vol. II, t. IV, p. 125 ; Enguerran de Monstrelet, Chronique, vol. I, p. 331) et repris dans F. Collard, « Ouvrir pour découvrir. Réflexions sur les expertises de cadavres empoisonnés à l’époque médiévale », dans F. Collard et É. Samama (dir.), Le corps à l’épreuve. Poisons, remèdes et chirurgie : aspects des pratiques médicales dans l’Antiquité et au Moyen Âge, Langres, Dominique Guéniot, 2002, p. 188. Voir encore A. Coville, Jean Petit. La question du tyrannicide au commencement du XVe siècle, Paris, Picard, 1932, p. 328-330.

25 Comme par exemple un des tableaux de l’entrée de Lyon où deux arbres de la Connaissance autour desquels s’enroulent deux guivres avec leur engoulant, encadrent le jardin d’Éden alias Milan. Voir N. Hochner, « Le Trône vacant du roi Louis XII. Significations politiques de la mise en scène royale en Milanais », P. Contamine, J. Guillaume (dir.), Louis XII en Milanais. XIIe colloque international d’études humanistes, 30 juin-3 juillet 1998, Paris, Champion, 2003, p. 227-244 et R.W. Scheller, “Ensigns of Authority : French Royal Symbolism in the Age of Louis XII”, Simiolus. Netherlands Quarterly for the History of Art, 13, 2, 1983, p. 75-141.

26 Jean Froissart, Chroniques, Kervyn de Lettenhove (éd.), op. cit., vol. XV, p. 260. Sur « l’exil » de Valentine, voir E. Collas, « Valentine de Milan », op. cit., chapitre XVI et B. Guenée, Un meurtre, une société. L’assassinat du duc d’Orléans, 23 novembre 1407, Paris, Gallimard, 1992, p. 146.

27 On distingue alors deux systèmes de signes, les armoiries et les devises qui sont des emblèmes personnels, librement figurés pour lesquels une figure, la devise à proprement parler, est parfois associée à une sentence ou mot, à des couleurs et à un monogramme ou lettres. Sur ce système emblématique voir ma thèse à paraître La devise, mise en signe du prince, mise en scène du pouvoir. Les devises et l’emblématique des princes en Europe à la fin du Moyen Âge, Turnhout, Brépols, 2014 et le site consacré à ces devises recensant mon corpus d’annexe de thèse la Base Devise [http://base-devise.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=1670].

28 C. Weber, Signs of Order and Revolt. Heraldic Communication in Communal Italy, Vienne, 2011.

29 Sur le sujet se reporter à L. Hablot, « Aux origines de la dextre héraldique. Écu armorié et latéralisation au Moyen Âge », Cahiers de civilisation médiévale, juillet-septembre 2013, p. 281-294.

30 Sur ce dossier L. Hablot, « La mémoire héraldique des Visconti dans la France du XVe siècle », à paraître. Parmi les arguments de la négociation d’une alliance franco-milanaise en vue du rétablissement de Clément VII sur le siège romain, discutée entre la fin de l’année 1392 et le début de l’année 1393, figure l’octroi au seigneur de Milan d’une concession des armes de France (sans brisure) à porter écartelées aux siennes en signe de protection du roi (Ibid., p. 249, article 8 des propositions détaillées dans E. Jarry, La vie politique de Louis de France, op. cit., p. 419 sq.). En mai 1393, après quelques atermoiements, de nouveaux accords sont proposés à Jean Galéas, dans lesquels la concession est modifiée puisque les armes de France octroyées sont désormais brisées d’une bordure endentée de gueules et d’argent (E. Jarry, « La voie de fait », op. cit., p. 510. On notera que cette brisure, bientôt abandonnée au profit de la double bordure d’argent et de gueules, sera finalement concédée à Niccolo III d’Este par Charles VII en 1431). Cette concession est à nouveau amendée fin janvier 1394 par Charles VI qui accorde enfin les lettres patentes concédant à Jean Galéas Visconti le droit de porter, lui et ses héritiers, leurs armes écartelées à celles de France brisées d’une double bordure de gueules et d’argent (Lettres données à Saint-Germain le 27 janvier 1394. Paris, AN, JJ 145, fol. 197. Ces armoiries, semblent avoir été confirmées une seconde fois par une lettre patente du 29 janvier 1395. J. Meurgey de Turpigny, « Une concession des armes de France aux Visconti en 1395 », Nouvelle revue héraldique, historique et archéologique, 1934 : Paris, AN, JJ 147, no 147, fol. 68. En tous cas l’accord des oncles et frère du roi semble avoir été nécessaire pour obtenir cette concession, cf. E. Jarry, « La voie de fait », op. cit., p. 518).

31 Ces « augmentations d’armoiries » existent presque depuis les origines de l’héraldique pour souligner la parenté virtuelle des seigneurs sur leurs vassaux ou des parrains en chevalerie sur les adoubés. La pratique s’amplifie à la fin du Moyen Âge et devient un véritable outil de gouvernement. Sur ce sujet voir mon mémoire d’habilitation à paraître : Affinités héraldiques. Concessions, augmentations et partages d’armoiries en Europe au Moyen Âge.

32 Dans les principes du blason le port d’armoiries pleines ou brisées équivaut à l’appartenance à un lignage. La concession des armes de France brisées reconnaît « héraldiquement parlant » le sang de France qui coule dans leurs veines des Visconti. À ce titre, Henry VI reprochera à Jeanne d’Arc l’usage d’armoiries concédées par Charles VII et augmentées des lis de France dont il prétend réserver l’usage à la famille capétienne.

33 L. Hablot, « La sacralisation des armoiries royales en Europe au Moyen Âge », dans M. Aurell (dir.), Medieval and Early Modern Political Theology : Theory and Practice, à paraître.

34 Ce droit pourrait avoir été concédé avant à Azzone, se reporter à P. Zaninetta il potere raigurato, op. cit., « La vipera », p. 160 sq.

35 Honoré Bovet, L’apparition de Jean de Meun, Paris, BnF, Ms. Fr. 811, fol. 1.

36 Voir par exemple le Codex trivulziano 1390, fol. 1 et C. Maspoli, « arme e imprese visconte e sforzesche Ms. Trivulziano no 1390 », AHS, 1996, Ier partie, p. 132-158 et 2nde partie, p. 27-37.

37 U. Robert, « Colart de Laon, documents inédits », nouvelles archives de l’art français, t. viii, 1880-1881, p. 12 à 23. 7 novembre 1394 : « Pour avoir peint une lictière et un curre (chariot) et doiez (dais) de in or et par les carrefours a compas de elles poinçonnées dehors et dedens, et dedens yceulx compas deux lozanges armoiées des armes poinçonnées, c’est assavoir la moitié des armes dudit seigneur et l’autre partie des armes du sire de Milan, conte de Vertuz, lesquelles sont escartelées de France et de une guivre... »

38 Sur le dernier tableau de l’entrée parisienne de 1498 exposé devant la Chambre des comptes qui soutient financièrement les projets de reconquête du Milanais, les armes de France sont tenues par deux cerfs volants et surmontent un porc-épic. Elles sont accostées de deux guivres engoulantes enlaçant des lis et accostées de deux écus aux armes Visconti. Une sentence précise que le porc-épic projette ses épines sur ses ennemis et mord ceux qu’il a manqué. Voir n. Hochner, « Le trône vacant du roi Louis XII. Significations politiques de la mise en scène royale en Milanais », op. cit., et r. W. Scheller, “ensigns of authority : French royal Symbolism in the Age of Louis XII”, op. cit.

39 Alain Marchandisse recense les griefs des auteurs contre « cette femme, qui a tout de son père et rien de Catherine de France, est présentée comme dévorée d’ambition et obnubilée par la couronne de France », d’après Jean Froissart, chroniques, Kervyn de Lettenhove (éd.), op. cit., vol. Xv, p. 260.

40 J. Roman, « inventaires et documents relatifs aux joyaux et tapisseries des princes d’Orléans-Valois (1389-1481) », recueil d’anciens inventaires, comité des travaux historiques et scientifiques, section d’archéologie, I, Paris, 1896, p. 77-314, article 431 : « Item, une autre nef d’or, esmaillée de petiz esmaulx aux armes de France, et à chacun des boux d’icelle nef a un serpent tenant un annelet en sa bouche », article 765 : « a lui deux lacons d’or, en façon de coquilles de Saint Jacques, et une ance chacun tenant au corps, de deux serpens volans couronnés », et dans L. Douët dArcq, nouveau recueil de comptes de l’argenterie des rois de France, Paris, 1874, article 113 : « item, un autre dragouer d’argent doré, que a fait faire ledit Jehan Parent, haché à rosectes et bestes serpentelles, et ou bacin un escu esmaillé de France, autour duquel a branches de geneste », article 162 : « item, une autre celle de parement couverte de veloux vermeil, toute brodée à couronnes et autres bestes en guise de serpents volens, es tasses un K couronné » et articles 117, 120, 121.

41 Joursanvault Baron de, Catalogue des archives, Paris, 1838, t. I, p. 120-141, article 742 : « 2 nefs dorées dont l’une a sur les bords deux loups d’argent doré, un collier au cou auquel est un petit dandin, qui sont assis sur une autre terrasse émaillée, l’autre à un serpent sur chacun des bords, assis sur une autre terrasse ; cette dernière nef, donnée par la duchesse à la reine Isabeau de Bavière » (1394).

42 C’est en effet l’oncle du roi, Jean de Berry, qui après son investiture comme comte de Poitiers en 1356, la reconquête du comté et la prise de Lusignan, fait rédiger la légende de Mélusine par Jean d’Arras (1393), thème bientôt repris par Coudrette Jean d’Arras, Mélusine ou la noble histoire de Lusignan, roman du XIVe siècle. Nouvelle édition critique d’après le manuscrit de la bibliothèque de l’Arsenal avec les variantes de tous les manuscrits, traduction, présentation et notes par J.-J. Vincensini, Paris, Librairie générale française, 2003.

43 L. Laborde comte de, Les ducs de Bourgogne, étude sur les lettres, les arts et l’industrie pendant le XVe siècle, Paris, 3 vol. , 1849-1851, Inventaire des joyaux de Mme de Touraine, A.N., K.K. 264 : 8 et 9 septembre 1389 : article 5452 : « un collier d’or à dix neuf turterelles blanches, esmaillées, et sur la plus grant a un rubis... » et article 5458 : « un petit fermeillet d’or, à une turterelle, esmaillée dedens un soleil, qui tient un rolet », c’est sans doute le même dont il s’agit dans l’inventaire de 1408, décrit avec plus de précisions : Inventaire dressé à Blois en 1408, après la mort de Valentine : article 6094 : « Ung soleil d’or à une tourterelle blanche et ung rolet, escript A bon droit.. », voir aussi l’article 6082 : ung fermeillet d’or, un arbret et une tourterelle blanche à trois troches... » Même inventaire article 130 : « premièrement une chambre de satin en graine semée de cerfs et a un souleilz d’or de Chippre, a une turterelle ou milieu qui tient un rollet disant, a bon droit, en laquelle a ciel et dossier qui s’entretiennent et une couste pointe de meesme, et trois courtines de satin en graine... » (on retrouve ici deux devises du roi cerf et soleil, et celle de Valentine), cité dans F.M. Graves, Deux inventaires de la maison d’Orléans, 1389 et 1408, Paris, 1926.

44 L. Mirot, « Paiement et quittances de travaux exécutés sous le règne de Charles VI (1380-1422) », extrait de la Bibliothèque de l’École des Chartes, année 1920, t. LXXXI., Paris, 1921. U. Robert, « Colart de Laon, documents inédits », Nouvelles archives de l’art français, t. VIII, 1880-1881, p. 12-23 : 7 novembre 1394 : « pour avoir peint une lictière et un curre (chariot) et doiez (dais) de fin or et par les carrefours a compas de elles (lire LL) poinçonnées dehors et dedens, et dedens yceulx compas deux lozanges armoiées des armes poinçonnées, c’est assavoir la moitié des armes dudit seigneur et l’autre partie des armes du sire de Milan, conte de Vertuz, lesquelles sont escartelées de France et de une guivre, et, par dehors le chariot, les deux boux dudit chariot sont à compas de elles, poinçonnées et couronnées comme dit est, et par en costé à teurtres (tourterelles) séans sur un rainceau d’un ronce et autour dudit rainceau un rolet, ouquel est escript le dit de Madame, et y a : A bon droit, et aux deux costez des diz lictière et curre a pilliers champtournez, et dedens les cavèz entre les pilliers a un soleil rayent, poinçonné et ou milieu d’icelui soleil a un ront où est une petite teurtre qui a un rolleau où est le mot dessus dit, et en l’autre quartier a une losange armoyée des armes dessus dictes, et a la champaigne des diz lictière et curre diaprée de fin or, et ou tiers quartier a une turterelle, assavoir sur un rinceau a un rolet tout autour où est le mot dessus dit. Item, entre lesdiz compas des sarcèles et des lances, y a un petit soleil ou milieu, accompaigné de deux losanges, dont en l’une a une L et en l’autre un V environnés de quatre branches geutens (jettant) feuilles de ronces en manière de mentes, et sont les champaignes de ladicte besoingne fin sinope en façon de rouge cler, le coffre qui est derrière le chariot avec les eschamaux (escabaut) sont peints de la dicte divise avec les telles (toiles) des colliers des chevaux et les coliers et ont... elles, les solaux armoié et les compaz tout poinçonnez... »

45 F.M. Graves, Deux inventaires, op. cit., inventaire après décès de 1408, articles 352, 355, 773, 891, 892, 894).

46 Eustache Deschamps, Ballade inédite, Paris, BN, Ms. fr 7219, fol. CCIIII., cité dans A. Champollion-Figeac, Louis et Charles, duc d’Orléans, leur influence sur les arts, la littérature et l’esprit de leur siècle, Paris, 3 vol., 1844, p. 103.

47 À ce sujet L. Hablot, « La devise, un signe pour les princes de la fin du Moyen Âge », dans É. Taburet-Delahaye (dir.), La création artistique en France autour de 1400, Paris, École du Louvre, 2006, p. 177-192.

48 S. Slanicka, Slogans und Zeichen, Burgundische Propaganda in Paris zu Beginn des XV Jahrunderts, Bâle, 1993.

49 Ainsi l’inventaire des biens de Valentin en 1389 mentionne « une pièce de licorne à faire assay », c’est-à-dire à toucher la nourriture (Graves, notice 391).

50 Sur les mentions de licorne dans l’emblématique de Valentine Visconti voir les Comptes de l’Argenterie, AN, KK, fol. 98v°, 101, 111v°, 124, 127, 131v°, 136-138. A. Champollion-Figeac, Louis et Charles, duc d’Orléans, leur influence sur les arts, la littérature et l’esprit de leur siècle, Paris, 3 vol., 1844, 3e partie, planches, article 35 : 8 février 1398 paiement pour la vente d’une chambre verte à licorne du duc et tapis à l’arbre de vie. Et C. Billaud, Comptes de l’Écurie du roi Charles VI, vol. 2, (1399-1404 et 1411-1413), Paris, 1996. Inventaire décembre 1411-mars 1412, article 1415 : « deux targes en l’une desquellez a une licorne et un V en l’espaule doré et l’autre a un champ vert de lettres par dessus ».

51 C. Beaune, « Costume et pouvoir en France à la fin du Moyen Âge : les devises royales vers 1400 », Revue des Sciences humaines, 138, 1981, p. 144.

52 Sur cette devise, L. Hablot, « L’ordre de la Cosse de genêt de Charles VI, la mise en scène d’une devise royale », revue française d’héraldique et de sigillographie, 69, 2002, p. 132-148.

Table des illustrations

Légende Fig. 1. – Les armes de Valentine Visconti, parti de France Orléans et de Milan. Honoré Bovet, Apparicion maistre Jehan de Meun, Paris, BnF, Fr. 811, fol. 1.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/94665/img-1.jpg
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Légende Fig. 2. – Les armoiries écartelées concédées par Charles VI à Jean-Galéas Visconti, comte de vertus, en 1394. Paris, an, JJ 147, no 147, fol. 68.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/94665/img-2.jpg
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Légende Fig. 3. – La guivre et le porc-épic, des relations ambigües. Détail du grand sceau équestre de Louis XII. (Paris, AN).
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/94665/img-3.jpg
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Légende Fig. 4. – La Justification de Jean Petit, un modèle de communication par l’emblème. Chantilly Musée Condé, Ms 878, fol. 2 r°, 1408.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/94665/img-4.jpg
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