Les Vénéneuses
| , ,Première partie. Mises en scène
Les connotations littéraires et caricaturales de l’affaire des empoisonneuses de Marseille (1868)
Texte intégral
- 1 L’Éclipse, journal hebdomadaire, dessins d’A. Gill, 1re année 26 janvier 1968, ill. en couleur, in (...)
- 2 Cf. C. Nainville, Les Trois empoisonneuses, Marseille, J. Doucet, 1878, 1 vol. , 228 p., in 4°, p. (...)
- 3 André Gill (1840-1885) débuta au Journal Amusant de Philipon. La Lune lui apporta la célébrité et l (...)
1Le 20 décembre 1868 parut à la une du numéro 48 de L’Éclipse un dessin d’André Gill accompagné d’un texte en vers. Celui-ci était intitulé « La Grrrande complainte des Empoisonneuses de Marseille ». Le sous-titre mentionnait « Sur l’air célèbre de Fualdès1 ». L’image traitait en fait d’une série d’événements dramatiques qui venaient de défrayer la chronique dans toute la France. Le 8 décembre, après un procès retentissant, la Cour d’assises des Bouches-du-Rhône donnait son verdict sur l’affaire des empoisonneuses de Marseille2. Comme la plupart des journaux de l’époque, L’Éclipse se fit, par l’intermédiaire de son plus célèbre dessinateur, l’écho de cette actualité à sensation. Toutefois, compte-tenu de la spécificité du périodique et de la réputation de l’artiste, on était en droit de s’attendre à une interprétation humoristique du sujet traité et à quelque distanciation critique. L’hebdomadaire lui-même fondé par François Polo le 26 janvier de cette même année 1868 entendait assurer la relève de La Lune en arborant le même esprit frondeur, en particulier grâce au jeune talent d’André Gill3. Or, durant le Second Empire les journaux étant suivis de près par la Censure, les grandes affaires politiques laissèrent progressivement place à des questions de société, parmi lesquelles on peut compter précisément l’affaire de Marseille. Toutefois, Gill donne de ces spectaculaires faits divers une interprétation a priori surprenante, dépourvue de toute anecdote. L’image plante deux personnages encadrant le texte proprement dit et représentés de semi profil. À gauche, une femme du peuple, les mains sur les hanches, gouailleuse et rieuse, se penche avec la plus grande désinvolture vers son comparse masculin. À droite, celui-ci vêtu comme un notable, tourne le dos au spectateur, le visage en partie dissimulé, lançant par dessus son épaule un regard inquiétant à son interlocutrice.
- 4 A. Dominique, Les empoisonneuses de Marseille, grand drame en 7 actes et 11 tableaux, Marseille, T. (...)
- 5 Verdict : 4 condamnations aux travaux forcés à perpétuité, une condamnation de 20 ans de travaux fo (...)
2Les deux personnages sont unis par un gigantesque vase, intermédiaire entre le trophée et l’urne funéraire, sur lequel est inscrit le mot arsenic et d’où jaillit une potion bouillonnante. Alors que la femme semble aller au devant du spectateur, l’homme au contraire ne songe qu’à s’évanouir dans les profondeurs de la pénombre. D’emblée cette caricature frappe par l’évidente dualité entre l’évocation du mystère et du complot d’une part, le sans-gêne et la provocation au grand jour d’autre part. Cette femme décontractée serait-elle l’une de ces fameuses empoisonneuses ? Sur ce point la complainte de Gill est à même de donner des éclaircissements. Il est significatif par ailleurs que l’affaire de Marseille ait été à l’origine de genres littéraires variés, des complaintes tout d’abord, parmi lesquelles celles de Coupe-Forte et d’Henry Buguet publiées la même année, ensuite un grand drame en sept actes en onze tableaux de Dominique, paru à Marseille en 1869, enfin d’un pseudo roman intitulé « Les Trois empoisonneuses » dû à la plume de Constant Nainville et qui sera édité en 18784. Si le procès fut si célèbre, ce n’est pas tant à cause de la notoriété des coupables ou de la sévérité du verdict que du caractère curieux d’une affaire qui ne devait pas manquer de rappeler les fictions littéraires et qui révélait des éléments burlesques susceptibles de plaire aux caricaturistes et aux humoristes5.
3Offrant des analogies avec le mélodrame, les crimes des empoisonneuses ont été à l’origine d’œuvres parodiques, sous la forme de complaintes notamment. La valeur morale de celles-ci a été également détournée de manière satirique, dévoilant par la même occasion un arrière-plan social et politique.
Quand la réalité dépasse la fiction ou les clichés du mélodrame
- 6 J. Moinaux, « Revue comique des tribunaux », Le Charivari, 7 décembre 1868, p. 2. Jules Moinaux, (1 (...)
4Dans la rubrique du Charivari du 7 décembre 18686 intitulée « Revue comique des tribunaux », Jules Moinaux évoque, non sans une certaine condescendance, l’affaire de Marseille, selon lui, parsemée de poncifs :
- 7 . Ibid., p. 2.
« En vérité, quand on lit le procès des empoisonneuses de Marseille, on se croit encore au moyen âge. Ce qui me gâte un peu mon moyen âge, c’est le prix de vertu accordé à l’une des empoisonneuses, la veuve Gabriel, il y a quatre ou cinq ans (elle avait seize ans alors) mais à cela près tout y est : cet herboriste tireur de cartes, sorcier, ce Ruggieri aux petits pieds, qui va chercher dans les cimetières des os de morts dont il fait une poudre vénéneuse qu’il vend aux femmes désireuses de se débarrasser de leurs maris ; des cierges brûlés en l’honneur de la bonne mère pour qu’elle protège les empoisonneuses ; ce malade qui a l’estomac tombé et sur lequel on fait le signe de la croix, ces sorts que l’on jette sur les personnes qu’on veut faire mourir ; cette fille qui va confier à sa mère son intention d’empoisonner son mari ; cette mère encourageant sa fille dans ce projet et ajoutant qu’elle-même a de pareils projets sur son propre mari ; ce sombre herboriste disant à l’amant de la femme au prix de vertu : “es-tu un homme... Ce n’est pas moi qui ai tué M. Ville, c’est cette tripoteuse de Lambert qui est assez bonne pour tirer les cartes et qui veut se mêler de ce qu’elle ne sait pas (faire mourir les gens), et... tout cela ne semble-t-il pas légendaire”7 ? »
5Il est vrai que cette série d’empoisonnements revêt des aspects rocambolesques évoquant à bien des égards des clichés du roman gothique et surtout du mélodrame.
6Le compte-rendu des événements dressé à l’occasion du procès en assises dont les audiences se tinrent les 3, 5 et 8 décembre 1868 est en lui-même explicite : les empoisonnements se déroulèrent en plusieurs étapes :
-
La série fut inaugurée par l’empoisonnement du dénommé Antoine Ville. Déterminée à tuer son mari, Marie Autrand, épouse Ville, alla trouver Françoise Lambert, épouse Capello. Un compère, Jean-François Joye, herboriste de son état, remit à Lambert les poisons pour la femme Ville. Le mari de celle-ci tomba malade et après de longues et atroces souffrances, finit par mourir le 19 mai 1868.
-
Le deuxième épisode de l’affaire est constitué par le meurtre de Jean Salvago. Pendant que la femme Ville mettait son projet à exécution, l’épouse Salvago, dite Rosine, faisait rapidement passer son conjoint de vie à trépas. Elle avait l’intention en réalité d’écourter la vie de son mari, malade depuis de longs mois et s’entendit avec Fanny Lambert qui décida que sur les « substances malfaisantes » que Joye lui délivrait pour la dame Ville, elle en prélèverait une certaine quantité à son intention. La femme Salvago précipita les choses et obtint sans tarder le résultat escompté : son mari expira, en effet, le 5 février de la même année.
-
- 8 Factum, empoisonneuses de Marseille, 1868, Titre : Cour d’assises des Bouches-du-Rhône, jugement re (...)
C’est alors que se produisit un troisième empoisonnement, celui du sieur Gabriel. Âgée de vingt ans, Joséphine Antoinette Duguet avait épousé Joseph Gabriel, mécanicien qui allait devenir bientôt propriétaire d’une buvette. Peu satisfaite de son sort, elle s’attacha à un jeune homme qui, à son grand dépit, n’avait pas à son endroit de semblables ardeurs. Afin de le ramener à elle, la jeune femme allait, en compagnie d’un acolyte, la peu recommandable Flayol, consulter les cartes chez Joye qui passait pour expert en ce domaine. Celui-ci lui proposa sans façon de se débarrasser de son époux. Après quelques hésitations, Joséphine se laissa convaincre par sa mère, la femme Dye qui comptait agir de même avec son propre conjoint. Par l’intermédiaire de Flayol, la femme Gabriel se fit à plusieurs reprises délivrer le poison nécessaire à l’accomplissement du crime et au terme d’une huitaine de jours (du 30 juillet au 8 août 1868) celui-ci était pleinement accompli. La police mit à jour cette sombre histoire, suite à des indiscrétions et aveux. Le 20 août, Lambert alla avertir la femme Marino que la maîtresse de son mari, la veuve Ville, voulait, avec le concours de Joye, l’empoisonner. Marino, alerté, non sans avoir au préalable cherché à parlementer avec les comploteurs, décida le 29 août de se rendre au commissariat. Le jour même étaient arrêtés Joye et Fanny, les veuves Ville, Salvago et Gabriel, les femmes Dye et Fayol, toutes deux complices de la veuve Gabriel8.
- 9 Fl. Fix, Le Mélodrame, la tentation des larmes, Paris, Klincksieck, 2011, p. 150, 89 et 152.
7L’affaire de Marseille est donc fondée sur une série d’empoisonnements entraînant autant de rebondissements, à l’instar du scénario classique du mélodrame mettant précisément en exergue la notion de répétition. D’après Florence Fix, le mélodrame qui revient constamment sur lui-même, présente une structure en quelque sorte sinusoïdale : tension, dénouement, nouvelle tension, nouveau dénouement alternent selon un schéma quasi immuable9.
- 10 On trouve les têtes de chapitres suivantes : A. Dominique, op. cit., 1er tableau, « La tireuse de c (...)
8Or, le rapport de la Cour d’assises classe les événements en différentes rubriques évoquant les têtes de chapitres d’un roman (une tireuse de cartes, un herboriste sorcier, aveux, détails sordides et affreux). On ne saurait donc s’étonner que Dominique dans son drame et Constant Nainville dans son ouvrage aient repris des titres similaires10.
9De la même façon les protagonistes de « l’action » s’identifient volontiers à des personnages types. C’est une véritable galerie de portraits qui est ainsi dressée par le rapport de justice : la veuve Ville est une femme mûre : « dans la plénitude des charmes que Balzac prête aux femmes de cet âge, elle a le sang et l’esprit portés à la passion. Sa figure maigre, pincée, respire une certaine ardeur, et son air accuse une nature impétueuse ». La Salvago, d’origine italienne, appartient à cette catégorie de femmes connues à Marseille sous le nom de porteuses :
« Ces femmes, presque toutes génoises, sont vêtues de robes d’indiennes aux dessous voyants, elles portent des fichus de couleurs éclatantes, mouchoir, où le rouge et le jaune abondent, s’enroulant autour de leurs cheveux. Elles ont aux oreilles des anneaux d’or d’une grosseur démesurée. »
- 11 Factum, 1868, description de l’affaire. Selon Fl. Fix, op. cit., p. 36 les héros des mélodrames son (...)
- 12 Le théâtre de Dumas père serait entre le drame et le mélodrame (Dolorès Jimenez citée dans l’ouvrag (...)
- 13 Factum, 1868, op. cit. L’auteur du compte rendu consacre un chapitre aux portraits des accusés. La (...)
10La veuve Salvago est encore jeune, trente ans, mais elle a le visage ravagé autant par le travail que par la passion. « La veuve Gabriel » est toute petite, toute mignonne, jolie jusqu’à la bêtise... Cette tête aux joues roses, aux lèvres colorées, aux yeux clairs est sans expression aucune. On dirait une poupée de carton d’un sou. » Flayol est une alsacienne déclassée. Quant à la dame Dye : « C’est un type que l’on retrouve dans les œuvres de Gavarni, quand il met en scène une mère d’actrice. » Lambert est très grande, raide et osseuse. « Je ne détaillerai pas sa figure. Je n’ai vu que son nez, une planète au milieu d’un visage », confie l’auteur du texte. Joye, l’herboriste, a la physionomie d’un sorcier médiéval : « Il est petit et ramassé sur lui-même : cheveux courts et grisonnants, front bossu, lèvre défectueuse et visage grêlé et couleur de cendre, avec une figure hideuse, une véritable figure patibulaire11. » Ces portraits traduisent bien des images archétypales. Le chroniqueur ne fait d’ailleurs pas mystère de ses références, descriptions littéraires ou gravures telles qu’on pouvait en voir à l’époque en illustration des romans d’Alexandre Dumas par exemple12. Il est possible de discerner également des allusions indirectes à l’art de la physiognomonie, alors fort en vogue dans la caricature, sensible dans l’évocation du nez de Lambert par exemple, ou à la marionnette13.
- 14 Fl. Fix, op. cit., p. 36.
- 15 Ibid., p. 67. Selon Florence Fix les héros des mélodrames ont été souvent marqués par leur enfance.
- 16 Gill, op. cit., couplet I.
11Surtout, cette affaire est tout à fait conforme à l’esprit du mélodrame. D’après les conventions de celui-ci le clan des méchants et des scélérats, Joye l’herboriste, Fanny Lambert, et dans une certaine mesure la veuve Marino s’oppose à celui des commères, pitoyable au demeurant. Tout mélodrame est construit sur une opposition entre une victime, plutôt féminine, jeune et jolie, naïve, et un bourreau, homme expérimenté, calculateur14. La première ayant eu souvent dans son enfance des parents déficients est généralement conditionnée par son milieu15. Toutes proportions gardées, Joséphine pourrait correspondre à ce stéréotype. Abandonnée par sa mère, elle a été confiée aux bons soins d’un couple sans enfant. Mariée à seize ans, elle a connu la débauche. Néanmoins, cette douce femme, véritable créature du ciel dit Gill, non sans ironie, reste une victime16.
- 17 Fl. Fix, op. cit., p. 87, 126 et 127.
- 18 Ibid., p. 62, p. 121. Le langage du corps est, selon Florence Fix, lié au langage émotionnel du mél (...)
- 19 Factum, 1868, op. cit. Dans le compte-rendu du procès la femme Marino pleure. À l’annonce de la con (...)
- 20 Fl. Fix, op. cit., p. 62.
12Par ailleurs, la crédulité et l’émotion religieuses sont convoquées à tout moment par les « empoisonneuses » : les femmes Ville et Salvago consultent les tireurs de cartes, Joséphine et Flayol font brûler les cierges en l’honneur de la protectrice de Marseille, avant d’accomplir leur funeste projet. Comme dans le mélodrame ces femmes qui ne sont pas dénuées de foi ou, à défaut, de superstition se laissent guider par la Providence. Celle-ci se substitue volontiers au hasard dans le mélodrame et favorise les rencontres, éclaire les dénouements, égare les méchants et sauve les bons17. Même si leur pratique religieuse ou leur morale personnelle s’est relâchée, les personnages vertueux du mélodrame se distinguent par les valeurs que l’imaginaire collectif assure à la foi. Mais par l’émotion ils se laissent aller facilement aux larmes et au langage de leur corps18. À chaque coup du sort ils s’effondrent. Le rapport de justice révèle justement qu’à l’issue du procès les accusées pleurèrent, tandis que la Salvago s’évanouit à l’audition du verdict19. De même, dans le mélodrame les larmes semblent unir tous les personnages dans « l’idéologie fondatrice de l’émotion vraie20 ». C’est la leçon que l’on peut tirer de ce couplet de Coupe-Forte :
- 21 Coupe-Forte, op. cit., couplet XXI, p. 7.
« Ayant à la cour d’assise
Ces braves gens comparu,
Après s’être défendus
D’une si grande sottise,
Ont écouté, tous pleurant,
Ce qu’a dit le Président21. »
De la parodie à l’autodérision
- 22 Fl. Fix, op. cit., p. 122, p. 156.
- 23 A. Dominique, op. cit. L’auteur a ajouté dans son drame d’autres personnages (buveurs, gendarmes, f (...)
13L’esthétique du mélodrame s’inscrit par nature en dehors du circuit de la dérision22. Et pourtant c’est certainement à cause de sa proximité avec le mélodrame que l’affaire de Marseille prête à sourire en dépit de la gravité de la situation. Les humoristes l’ont bien compris. Aussi, ont-ils volontiers recours à la surenchère. Même la très sérieuse pièce de Dominique adopte à l’occasion le mode parodique en substituant par exemple au nom de M. Joye, celui de Monsieur Jovial23. Mais c’est surtout la complainte, genre très en cours dans le domaine judiciaire, qui a été soumise à la loi du détournement. Est-il besoin de rappeler que les complaintes sont des chansons qui, sur un ton plaintif, racontent les affaires criminelles en déformant souvent les faits pour les rendre plus pathétiques ?
- 24 Les plus célèbres complaintes sont celles de Mandrin, bandit exécuté à Valence en 1755, et celle de (...)
- 25 Gill avait fait un portrait-charge de Napoléon III sous les traits de Rocambole en novembre 1867. E (...)
- 26 Balzac et Flaubert entre autres firent également allusion à l’affaire Fualdès. Après un premier pro (...)
14Gill reprend la tradition de l’hommage en plaçant sa complainte sur l’air de Fualdès, magistrat égorgé à Rodez en 181724. Ce n’était pas la première fois que le dessinateur faisait allusion à ce personnage qu’il avait associé quelques mois auparavant à une caricature qui lui occasionna quelques déboires25. Fualdès ayant été accusé d’être bonapartiste, alors que ses agresseurs étaient au contraire dans la mouvance royaliste, cet assassinat fut à l’origine de l’une des plus célèbres affaires politiques du XIXe siècle. Victor Hugo en parla en particulier dans Les Misérables26. Il n’est à cet égard pas étonnant que Gill, grand admirateur de l’écrivain, ait à son tour évoqué Fualdès, victime de l’intolérance et de violence. Toutefois, la parodie fait glisser le genre quelque peu grandiloquent de la complainte sur la pente de l’humour. L’affaire met en scène des femmes du peuple et les empoisonnements se déroulent à Marseille, fait non anodin selon l’auteur de la complainte incluse dans le dossier de justice :
- 27 Factum, 1868, op. cit., complainte, 2e page.
« Écoutez, gens de Marseille, filles et femmes des environs, ce que le Luxe conseille quand on en fait un dieu d’amour. L’histoire que je vais vous raconter s’est passée il y a trois mois, le fâcheux et le pire, c’est que ce fait est marseillais27. »
- 28 Véritable complainte/Arrivée de Toulouse/Au sujet du crime affreux commis à Rodez, sur la personne (...)
15Le texte de Gill, pour sa part, tout comme celui des autres complaintes, reprend les normes du genre : exhortation, couplets, morale finale. Dans le cas de Fualdès l’annonce était la suivante : « Véritable complainte arrivée de Toulouse au sujet d’un crime affreux commis à Rodez en la personne de l’infortuné Fualdès28... » L’auteur interpelle l’humanité entière :
- 29 Ibid., air « De la complainte du Maréchal de Saxe », p. 5.
« Écoutez, peuples de France,
Du royaume de Cheli,
Peuples de Russie aussi,
Du cap de Bonne-Espérance
Le mémorable accident
D’un crime très conséquent29. »
16Apparemment plus modeste, Gill adapte son ambition à ses intentions malicieuses en annonçant :
- 30 Gill, op. cit., couplet I (exhortation).
« Apprenez tout’s femmes d’Europe,
Femm’s de Marseille et d’Paris30. »
17L’appel à la gent féminine place d’emblée le récit sur le terrain de la quotidienneté et de la domesticité. Dans un registre sensiblement identique, les deux autres complaintes à caractère parodique expriment une émotion feinte sur un ton volontairement emphatique. Voici l’exhortation de celle de Coupe-Forte :
- 31 Coupe-Forte, op. cit., couplet I (exhortation), p. 2.
« Écoutez, messieurs, mesdames
De grands crimes le récit,
Affreusement accomplis
Par un homme et quatre femmes,
Ça vous remue le cœur,
Si vous avez d’l’honneur31. »
18Henry Buguet n’a pas de peine à adopter un style théâtral propre à « racoler » le passant ou le lecteur :
19Au fil des couplets l’ironie va de pair ça et là avec le genre parodique. Coupe-Forte par exemple a l’art de ménager le suspense, d’alerter les âmes sensibles tout en faisant mine d’être horrifié par le contenu des révélations :
- 33 Coupe-Forte, op. cit., couplet VII, p. 3.
« Ce fut un conseil atroce,
Et la Ville en profita.
Mais voici qui n’est pas rose,
Tremblez, femmes et enfants,
Les faits sont si dégoûtants, Que c’est à peine si j’ose
Raconter la vérité
De tant d’immoralité33. »
20Gill pour sa part se plait, non sans hypocrisie, à dévoiler la sollicitude toute maternelle de la femme Dye envers Joséphine. L’absurdité de la situation n’en est ainsi que plus évidente :
- 34 Gill, op. cit., couplet III.
« Tiens pour toi j’ me fendrai...
Du plus tendr’ conseil de mère
J’crois qu’ ton mari
Comme le mien a besoin d’un bon pharmacien34. »
- 35 Fl. Fix, op. cit., p. 86.
- 36 Ibid., p. 128, p. 129. Selon Florence Fix le mélodrame aime les ruines, les souterrains, les caves.
- 37 A. Dominique, op. cit., 5e tableau, p. 43, 10e tableau, p. 96, 11e tableau, p. 108.
- 38 Factum, 1868, op. cit., (chapitre « Empoisonnement d’Antoine Ville »).
21Les empoisonnements, induisant le mystère et les sombres complots, ont été à l’origine de nombreux récits romanesques et de pièces de théâtre. Ainsi, le mélodrame s’accompagne, selon Florence Fix, du goût pour les romans gothiques, les romans noirs peuplés de fantômes, de châteaux hantés et de crimes35. Le mélodrame proprement dit affectionne les décors spectaculaires qui ménagent néanmoins des cachettes obscures, la scénographie privilégiant souvent une axiométrie verticale36. Or, deux scènes du drame de Dominique se situent précisément dans une cave profonde et dans un cimetière37. Sans brosser un décor aussi explicite, les complaintes mettent en valeur une ambiance médiévale, spécifique aux contes et légendes. Deux personnages jouent à cet égard un rôle clé, l’herboriste Joye et Fanny Lambert, entremetteuse et tireuse se cartes. Tel un alchimiste ou un sorcier, Joye fabrique sa propre mixture avec de l’arsenic et de la belladone38. C’est avec la plus grande complaisance que les auteurs des complaintes évoquent le caractère ésotérique des pratiques de ces deux personnages aux pouvoirs littéralement maléfiques. Gill semble s’effrayer du caractère iconoclaste d’un acte efficace et qui pourrait relever de la magie :
- 39 Gill, op. cit., couplet IX.
« Après tout, c’la, vous dirai-je
Comme on peut (l’monde en a ri !)
Tuer ainsi son mari
Par cet affreux sortilège :
Un Pater, un bout d’ruban
Avant l’Ave, l’mari... vlan39 ! »
22Coupe-Forte s’attarde, quant à lui, sur le portrait de l’herboriste :
- 40 Coupe-forte, op. cit., couplet XI, p. 4.
« C’était un fameux spirite
Un medium très voyant,
Sans doute un esprit méchant
Peut-être bien l’Antéchrist
Lui procurant à foison
Des bouteilles de poison40. »
23Henry Buguet, plus prolixe encore, cherche à susciter chez le lecteur-auditeur l’effroi par l’évocation d’une ambiance des plus sulfureuses :
- 41 H. Buguet, op. cit., couplets X, XI, 3e page.
« L’herboriste diabolique
Tir’les cartes en disant :
Neuf de trèfle, as de pique,
C’est un enterrement ! ! !
[...]
Je vends un maléfice
Qui vaut son pesant d’or
C’est du bon pain d’épice,
Fait avec des os d’mort...
[...]
D’la gente empoisonneuse
La perle est la Lambert
Horrible entremetteuse
Échappée de l’enfer41... »
- 42 Cf. Mélodrames et romans noirs 1750, 1890, op. cit. Selon Jean Segard (p. 7-8) le mélodrame et le r (...)
- 43 P. Ginisty, Le Mélodrame, Paris, Louis Mihlaud, s. d., p. 11.
24Il apparaît donc que la responsabilité du forfait est imputée aux deux manipulateurs, Joye et Lambert. Or, le mélodrame et le roman noir ont en commun de présenter des connotations de mauvais goût à travers quelques figures de cauchemar42. Ainsi la parodie reprend l’une des spécificités de ce genre qui est, selon Paul Ginisty, d’être une forme dévoyée du drame sentimental43. Les humoristes ne manquent pas, par la même occasion de tourner en dérision les « ficelles » du roman gothique, genre fort en vogue à l’époque.
25Pour autant, l’affaire de Marseille frappe par son caractère populaire. Les personnages évoluent dans un milieu domestique. Les références sentimentales sont en conséquence des plus imagées, voire triviales. Dans la même ville de Marseille, nous dit Gill, existait :
« Un’ madam’Ville
Par qui l’ maçon Marino
Était app’lé : « Mon coco ! »
26Quant au garçon du café chantant, il s’exclame :
- 44 Gill, op. cit., couplets V et X.
« Avec un’voix d’la si do :
Cett’ Gabriel me sciait le dos44 ! »
- 45 Flaubert a commencé son roman en 1851 et y travailla jusqu’en 1856. L’écrivain avait été inspiré pa (...)
- 46 H. Buguet, op. cit., couplet VI, 3e page.
27Le petit monde de Marseille, dévalue par la même occasion le drame de l’empoisonnement des grands récits romanesques, tels que Madame Bovary45. Sous la plume de Buguet, la femme Ville confie « que son cœur, vrai réchaud, ne pouvant se payer un comte », s’enticha de Marino à qui elle fournit « pas mal de fonds, voire même ceux des culottes de son mari ». Plus loin nous apprenons qu’elle assassine son mari avec une eau que celui-ci dans l’ignorance « Aval’ pour du cacao46 ». Le père Dye, pour sa part, incrimine son épouse, en avançant des arguments dignes des légendes des caricatures :
- 47 Ibid., couplet XIV, 4e page.
« J’ai voyagé dans l’Afrique
J’ai même habité Yedo,
Mais je n’ai, cela s’explique,
Jamais vu pareil chamau47. »
28Pris par leur propre verve les humoristes multiplient les jeux de mots et les calembours tels que :
« Il aval’ra comm’ un gomme
Pas lard sain de l’arsenic. »
29et encore :
- 48 Ibid., couplets II et XVII, 4e page.
« Pardonnez moi mon p’tit tic s’exclame Joye
Ou condamnez chaque artiste
Qui s’adonne à l’art scénique48 ! »
30La question du contexte culturel est d’ailleurs explicitée par Henry Buguet qui note à propos de Fanny Lambert :
- 49 Ibid., couplet XIII, 3e page.
« C’est c’t affreuse Sibylle
Qui prétendait guérir
D’la Salvago, la fille,
En lui jouant le Roi Lear (prononcer “lir49”). »
- 50 Fl. Fix, op. cit., p. 32.
31Ainsi, par le subterfuge de la parodie et du calembour, les humoristes retrouvent spontanément l’esprit du mélodrame qui, par définition, est l’art du recyclage50. En revanche, l’humour étant absent généralement du mélodrame et de la complainte traditionnelle, la parodie permet opportunément à ces genres, et par là même à l’affaire de Marseille elle-même, d’accéder à l’autodérision.
Satire de l’éthique traditionnelle et morale sociale
- 51 Complainte de Fualdès, op. cit., p. 1.
32Les complaintes se situent en général dans le cadre de l’édification du peuple. Celle de Fualdès présente à cet égard une exhortation des plus magnanimes : « Puisse cet affreux exemple détourner du sentier du vice des jeunes gens inexpérimentés, et leur faire envisager les dangers qui suivent toujours les passions funestes, tels que la soif de l’or et le mépris des conventions de la société51. » De même, au terme de cette histoire dramatique, Jausion, meurtrier de Fualdès, adresse des paroles consolatrices à sa femme, avant de monter sur l’échafaud :
- 52 Ibid., p. 12.
« Épouse sensible et chère,
[...]
Élève nos chers enfans
Dans tes nobles sentimens52. »
33En contrepoint, la morale de Gill, plus ambiguë associe le pragmatisme à l’absurde :
- 53 Gill, op. cit., Morale.
« O vous, femm’s à sentiments
Qui sentez l’besoin d’amants
Pour n’pas avoir l’humeur noire,
N’prenez pas. C’est un’ leçon :
Garçon d’café ni maçon53 ! »
- 54 Fl. Fix, op. cit., p. 46, p. 47.
- 55 Ibid., p. 87, p. 90. Selon Florence Fix la fatalité est du registre de la tragédie (p. 51). Mais le(...)
- 56 Ibid., p. 93.
34À travers cette curieuse alternative, Gill se joue de la morale ordinaire. Là encore, le caricaturiste s’inscrit en faux par rapport aux conventions du toujours vertueux mélodrame54. Fatalisme plutôt que fatalité régit le mélodrame dont l’intrigue s’en remet volontiers à la Providence pour rétablir un ordre menacé55. Il en résulte, selon Florence Fix, qu’au terme de multiples contradictions et déboires, le héros doit recouvrer l’honneur et la dignité sociale56.
35Coupe-Forte, non sans malice, n’oublie pas cette dimension éthique, tout en donnant aux femmes un conseil fondé sur le bon sens et l’intérêt bien compris :
- 57 Coupe-Forte, op. cit., Morale, p. 7.
« Pleurez, ah ! femmes sensibles,
Qui n’en ferez pas autant.
Un mari, c’est embêtant,
Mais dans les choses possibles,
Il vaut mieux le caresser
Que d’sen débarrasser57. »
36Henry Buguet, lui, fait mine de prendre le parti des maris, à qui il conseille de rester prudents :
- 58 H. Buguet, op. cit., couplet XIX, 4e page.
« De c’ procès mémorable
La moral » la voici :
Si l’sexe l’ plus aimable,
S’conduit toujours ainsi,
Ne contract’ront plus mariage
Que les hommes qui voudront
Avec cett’vie de passage,
En finir par le poison58. »
37Le dernier couplet est une invite au suicide du coupable, forme de Justice immanente :
- 59 Ibid., couplet XX, 4e page.
« De plus les herboristes
Qui sont très mal notés
Depuis que tous ces tristes
Débats sont commencés,
Devront comme des stratégies
Aller recourir céans
En s’ administrant eux-mêmes
Tous leurs... médicaments59. »
38Tel est pris qui croyait prendre semble conclure Henri Buguet. En réalité, les satiristes ne manquant pas de relever le caractère amoral de l’affaire de Marseille. Au fil du récit en effet, le lecteur ne peut qu’être frappé par la désinvolture et le manque de scrupule apparent de ces femmes qui cherchent à se débarrasser d’un mari gênant comme d’un objet encombrant. Sur ce point Fanny Lambert est l’entremetteuse « idéale ». Elle conseille à l’une de ses comploteuses :
- 60 Ibid., couplet X, 3e page.
« Si vous voulez ma chérie,
D’un époux fort embêtant, Je vais par sorcellerie
Vous débarrasser sur le champ60. »
- 61 Coupe-Forte, op. cit., couplet XVII, p. 6.
39Chez Coupe-Forte, le forfait est lié à l’attitude infantile d’une des commères qui commet un meurtre pour dissimuler une faute vénielle61. De manière plus cynique la perspective du plaisir et de la fête suffit à justifier le meurtre :
- 62 Ibid., couplet VII, p. 3.
« Ce fut un conseil atroce,
Et la Ville en profita
En redisant : c’ est cela,
Enfin je ferai la noce,
Sans craindre que mon époux
De Marino soit jaloux62. »
40De son côté la mère Dye donne ce conseil sibyllin à sa fille, la femme Gabriel :
- 63 Ibid., couplet XVI, p. 5.
« Libre, tu t’amuseras
Sans craindre et sans embarras63. »
- 64 A. Dominique, op. cit., 4e tableau, scène V, p. 40.
- 65 Fl. Fix, op. cit., p. 99, p. 100.
41Cette absence de scrupules a été également relevée par Dominique dans son drame et serait intrinsèquement liée pour lui à la nature féminine. Jovial fait en effet remarquer qu’il connaît bien les femmes et que lorsque le premier pas est effectué, celles-ci sont impatientes « d’en finir64 ». Les auteurs insistent sur l’aspect amoral d’une affaire qui s’oppose aux valeurs véhiculées, non seulement par la complainte traditionnelle, mais ainsi par le mélodrame. Dans celui-ci en particulier, la Justice immanente finit par triompher, la véritable autorité étant la conscience intérieure des héros du Bien et du Mal65.
42Contrairement au monde manichéen du mélodrame qui oppose les Bons aux Méchants et où tout semble aller de soi, les satiristes ont une opinion moins tranchée et plaident pour les circonstances atténuantes à l’égard des coupables. Gill ne cache pas son vœu de tolérance en faveur notamment de l’une ou l’autre de ces proscrites :
- 66 Gill, op. cit., couplet VII.
« D’la Flayol j’n dis rien, mesdames,
Ni d’la Salvago non plus !
Si c’n’est pas tout’s les vertus,
Y a d bon dans les deux femmes66. »
43Et il ironise sur l’issue du procès :
- 67 Ibid., couplet XI.
« Quoiqu’la plupart de ces dames,
D’amour aient beaucoup donné
On n’leur a pas pardonné
(Tous ces jurés sont sans âmes !)
Rigaud, plein d’férocité,
Prononc’la perpétuité67. »
44Coupe-Forte se veut lui aussi compatissant, en particulier à l’égard de la Salvago, punie selon lui avec une trop grande sévérité :
- 68 Coupe-Forte, op. cit., couplet XXII, p. 7.
« Dye et Flayol, acquittées,
En sort quittes pour la peur,
C’est avoir bien du bonheur :
Salvago, pour vingt années,
Aura le temps de gêmir
Et puis de se repentir68. »
45Buguet lui-même fait preuve d’un certain attendrissement devant le spectacle de « ces petites dames de Marseille » bien fragiles lors du procès :
- 69 H. Buguet, op. cit., couplet XVI, 4e page.
« Devant la cour d’assises
Qui s’tient souvent debout,
On les vit tout’ s assises
Ces femm’s de ren du tout69... »
- 70 Cf. Factum, 1868, op. cit., (« Portraits des accusés »). La veuve Ville a 42 ans. La veuve Salvago (...)
- 71 Ibid. Fl. Fix, op. cit., p. 179. Selon Florence Fix, le mélodrame semble entériner l’injustice soci (...)
46En réalité, on devine, derrière cette remise en cause des normes de l’éthique conventionnelle, un intérêt plus manifeste des auteurs pour des considérations sociales. De milieu modeste, aucune de ces « empoisonneuses » n’est en effet oisive. Ces femmes sont marchande de faïence, « porteuse », tailleuse, tenancière de buvette, femme de ménage70. Elles appartiennent aux quartiers populaires de Marseille, ainsi Fanny Lambert était domiciliée rue du Panier. À cet égard, le contexte est bien éloigné de celui des mélodrames marqué par le conformisme bourgeois71. De plus, la douloureuse question du bagne est évoquée avec une cruelle ironie sous l’angle du travail. Voici le dernier couplet de Coupe-Forte avant la morale :
- 72 Coupe-Forte, op. cit., couplet XXIII, p. 7.
« Monsieur François, la Lamberte,
Dame Ville et Gabriel,
Ont d’un instant bien cruel Échappé, sauvé leur tête ;
Mais, pour la vie, les travaux
Sont d’épouvantables maux72. »
47L’humour d’Henry Buguet est tout aussi cynique :
- 73 H. Buguet, op. cit., couplet XVIII, 4e page.
« Marino n’a cessé d’ dire :
Qu’à la mode il est l’maçon
Et qu’au bagne on peut construire
Car on y trouve les mois longs73. »
- 74 Fl. Fix, op. cit., p. 160.
48En mentionnant ainsi l’issue dramatique du procès, les satiristes remettent implicitement en cause le mélodrame qui glorifie un bonheur, excluant le travail74. Ils suivent en revanche davantage les caractéristiques de la complainte judiciaire.
- 75 Coupe-Forte, op. cit., couplet XIV, p. 5.
49Certes, issues d’un milieu artisanal ou commerçant, les empoisonneuses ne connaissent guère le besoin. Toutefois, Coupe-Forte se plait à souligner la situation pécuniaire difficile de la femme Dye qui « dans la dèche, trouva opportun d’abandonner sa fille75 ». Dominique dans sa pièce évoque amplement le problème de la condition de vie du petit peuple. Les réflexions de Jovial prennent sur ce point l’allure d’un véritable réquisitoire : « Ne pas souffrir du froid et de la faim... Pour tout cela, j’ai tué... pour être riche, j’ai tué encore. » Et l’herboriste de déplorer l’injustice sociale qui absout ceux qui volent les autres en toute impunité :
- 76 A. Dominique, op. cit., 4e tableau, scène 3, p. 35.
« Ont-ils des remords, ceux qui, abrités derrières la légalité élastique, tuent moralement leur semblable – banquiers qui, par vos banqueroutes, enlevez le morceau de pain d’un vieillard, d’une veuve... avez-vous des remords ?... Non, parce que vous ne craignez rien. Vos livres sont bien tenus76. »
- 77 Ibid., p. 41. (4e tableau scène 6). Les héroïnes de Dominique sont cependant prêtes à tout par amou (...)
- 78 Coupe-Forte, op. cit., couplet XX, p. 6.
- 79 Ibid., couplet XII, p. 3.
- 80 Gill, op. cit., couplet VI.
50Parallèlement à ces questions sociales, les satiristes s’intéressent aussi à la condition féminine, régie par la loi du mariage obligé. Celui-ci apparaît comme un enfermement, le mari devenant un obstacle à la liberté des femmes hautement revendiquée dans le drame de Dominique77. De fait, selon les auteurs des complaintes le sort de ces femmes n’est pas enviable et les époux sont peu recommandables. Pour Coupe-Forte, Marino est un scélérat78. Quant à Salvago qui expédia ce mari n’ayant pas une conduite parfaite elle est « excusable à moitié » selon Coupe-Forte qui ajoute : « Cette femme fait pitié79. » Gill qualifie aussi le même Marino de brutal80. Henry Buguet souligne que la femme Salvago était brutalisée. Il raille la société machiste en faisant semblant de condamner ces empoisonneuses dont le but était de s’attaquer à d’innocentes victimes :
- 81 H. Buguet, op. cit., couplet I, 2e page.
« Six épouses bien indignes
De porter ce tendre nom,
A leurs mains doux comm’cygnes
On fait prendre d’la poison81. »
51Ce faisant, on perçoit que la condition féminine, qui interdit aux conjointes de se défendre contre un mari tyrannique, aboutit à une situation sans issue :
- 82 Ibid., couplet IV, 2e page.
« Mon époux, répond la gueuse (la femme Ville)
De son cercl’ n’aimait qu’ les jeux
Et ma vie était affreuse
A caus’ de c’cercle vicieux82. »
- 83 Ibid., couplet VIII, 3e page.
- 84 Coupe-Forte, op. cit., couplet XVIII, p. 6. La femme Gabriel prend cependant ses précautions auprès (...)
52Dès lors, lorsqu’elles sont aveuglées par la passion – la femme Ville est libertine et jalouse, Salvago ne veut pas reconnaître qu’elle entretient son amant, Joséphine se pâme devant un jeune homme de l’Alcazar qui « comparaît sans cesse son cœur au plus grand bazar83 ! », la seule échappatoire au destin est de se débarrasser du mari84. Pour arriver à leurs fins, les commères nouent des liens de solidarité : Flayol est la compagne de Joséphine qui de son côté se confie à sa mère. Salvago et la femme Ville se retrouvent chez Fanny Lambert et décident de partager le poison. En d’autres termes, dans la conscience de leur infortune, ces femmes forment une communauté unie par des liens d’intérêts et de solidarité, alors que le monde des hommes apparaît au contraire régi par l’égoïsme et la veulerie. Ainsi que dans le mélodrame ces personnages font intimement partie de leur milieu, le meurtre par le poison étant ici présenté comme le mode privilégié et pervers des revendications féminines.
- 85 Fl. Fix, op. cit., p. 53, p. 161.
- 86 Gill ne cache pas ici qu’il entend parodier l’emphase de la complainte traditionnelle.
- 87 Jules Vallès (1832-1845) (cf. Mélodrames et romans noirs, op. cit., p. 513). Les feuilletons de Val (...)
- 88 Flaubert, cité par J.-Ph. Saint-Gérand, Mélodrames et romans noirs, op. cit., p. 13.
53Le public de l’époque a trouvé dans les femmes incriminées moins des êtres ordinaires que des personnages à l’image des héroïnes de la littérature populaire, feuilleton, roman gothique. Le récit du drame ne se conformait-il pas à une sorte de mise en spectacle du réel à l’instar de celui du mélodrame ? On est en droit en outre de se demander dans quelle mesure la fiction fait intimement partie du tissu social ; Jean-Baptiste-Louis Camel n’a-t-il pas écrit en 1822 un ouvrage ayant pour titre De l’influence des théâtres et particulièrement des théâtres secondaires sur les mœurs du peuple85 ? En même temps le contexte, celui du petit peuple de Marseille, invitait à la parodie, dévalorisant de facto tout effet visant à l’exagération, au pathos et à la grandiloquence, spécificité de la complainte judiciaire. Aussi n’est-ce pas un hasard si Gill évoqua, dans un esprit de surenchère, la « grrrande complainte des empoisonneuses86 », lui qui fut l’ami de Jules Vallès, écrivain journaliste, engagé comme lui et maître du roman noir87. Par ailleurs, l’affaire se situe dans le monde des femmes, tenu à bien des égards par les humoristes du temps comme l’envers parodique de l’univers masculin. La succession un peu extraordinaire et inattendue des empoisonnements banalise l’acte criminel et semble autoriser une distanciation humoristique que caricaturistes et chansonniers n’ont pas manqué d’exploiter. À cet égard, l’affaire de Marseille pourrait illustrer parfaitement cette phrase de Flaubert à propos du mélodrame : « De l’emphase la plus extravagante à la platitude la plus académique88. »
- 89 Le sous-titre de la complainte est le suivant : « Complainte empoisonnée éclose dans les Bouches... (...)
54Mais la complainte présente un point commun avec la satire : la morale. Par le biais du détournement, les artistes et les auteurs pouvaient exprimer leur opinion et leur engagement en faveur de l’injustice sociale et de la liberté de la femme au sein du couple, de la famille ou sur le lieu de travail. Contrairement au mélodrame qui respecte les conventions et l’ordre social bourgeois, cette littérature évoque les « misérables des grandes villes ». Si la complainte empoisonnée de Buguet est éclose dans les Bouches-du-Rhône, elle a été recueillie « sur celle d’un Gavroche parisien89 ». Même si elle met en scène des femmes désabusées, peu épanouies dans le mariage, l’affaire de Marseille ne peut être associée à un bovarysme bourgeois tel qu’a pu le décrire Flaubert. Car les femmes dont les états d’âme sont limités, loin d’être isolées, se regroupent et complotent en concoctant des douteuses recettes de cuisine.
- 90 On sait qu’Emma Bovary était tombée dans la dépression. Menacée par une saisie de ses biens et plus (...)
- 91 Cf. à ce sujet, J. de Maleissye, Histoire du poison, François Bourin, Paris, 1991 ; B. de Castelbaj (...)
55Accoutumé à jouer avec la censure, Gill a habitué plus particulièrement les lecteurs des journaux à des interprétations cachées de ses dessins et à une lecture à plusieurs degrés de ses textes90. Aussi la complainte et le dessin du 20 décembre 1868 invitent-ils à une réflexion approfondie. En contrepartie, les humoristes entendent rappeler qu’à côté de quelques affaires retentissantes, existe également le meurtre ordinaire, plus occulte, au fond des campagnes ou des villes. L’empoisonnement particulièrement prisé par les femmes devient à cet égard un fait divers presque banal dans les dernières décennies du XIXe siècle91. C’est sans doute la leçon que nous pouvons tirer du refrain quelque peu désinvolte de la complainte d’Henry Buguet :
- 92 H. Buguet, op. cit., refrain, 2e page.
« Qui donc nous délivrera
De l’horrible mort aux rats
Qui détruit plus d’ma, plus d’ris
De maris
Que de rats
Ah ! Ah ?92. »
Notes
1 L’Éclipse, journal hebdomadaire, dessins d’A. Gill, 1re année 26 janvier 1968, ill. en couleur, in fol. Et in 4°. Rédacteur en chef F. Polo, républicain, antiroyaliste et anti-bonapartiste. Ce journal a pris la suite de La Lune (octobre 1865 – janvier 1868), périodique qui avait été interdit.
2 Cf. C. Nainville, Les Trois empoisonneuses, Marseille, J. Doucet, 1878, 1 vol. , 228 p., in 4°, p. 288.
3 André Gill (1840-1885) débuta au Journal Amusant de Philipon. La Lune lui apporta la célébrité et la consécration. Il fut un provocateur talentueux qui excella dans le portrait charge. Selon Émile Cohl, il était débordant de gouaillerie parisienne, (cf. Ch. Fontaine, Un Maître de la caricature, préface de Ch. Léandre, lettre, Émile Cohl, Paris, Éditions de l’Ibis, s. d., p. IV.
4 A. Dominique, Les empoisonneuses de Marseille, grand drame en 7 actes et 11 tableaux, Marseille, T. Samat, 1969, 112 p., in 8°. C. Nainville, op. cit.. Coupe-Forte, Complainte sur les empoisonneuses de Marseille, Lyon, Imp. Brunettière et Rougier, 1868, 7 p., in 16. H. Buguet, Ces petites dames de Marseille, ou Les Empoisonneuses, complainte, par H. 13 et C. D, 1868, Paris, Madre, in 4°, 4 p.
5 Verdict : 4 condamnations aux travaux forcés à perpétuité, une condamnation de 20 ans de travaux forcés et 2 acquittements.
6 J. Moinaux, « Revue comique des tribunaux », Le Charivari, 7 décembre 1868, p. 2. Jules Moinaux, (1825-1895) était écrivain, dramaturge, chroniqueur, librettiste. Il fut rendu célèbre par ses chro-niques judiciaires rédigées avec verve pour La Gazette des tribunaux et Le Charivari. Il fut le père de Georges Courteline.
7 . Ibid., p. 2.
8 Factum, empoisonneuses de Marseille, 1868, Titre : Cour d’assises des Bouches-du-Rhône, jugement rendu le 8 décembre 1868 contre les empoisonneuses marseillaises (avec complainte en provençal et en français). Texte imprimé signé : Marius Decard fils, Marseille, imp. J. Doucet, 1868, 10 p.
9 Fl. Fix, Le Mélodrame, la tentation des larmes, Paris, Klincksieck, 2011, p. 150, 89 et 152.
10 On trouve les têtes de chapitres suivantes : A. Dominique, op. cit., 1er tableau, « La tireuse de cartes », 2e tableau, « La Belle Liquoriste »..., 11e tableau, « La Confrontation ». C. Nainville, op. cit., Le Contre-poison (p. 117), La Comédie infâme (p. 139), L’argent fait tout (p. 144), Le poison (p. 176).
11 Factum, 1868, description de l’affaire. Selon Fl. Fix, op. cit., p. 36 les héros des mélodrames sont reconnaissables à leur apparence physique. C’est le cas ici de la Salvago.
12 Le théâtre de Dumas père serait entre le drame et le mélodrame (Dolorès Jimenez citée dans l’ouvrage, S. Bernard Griffiths, J. Segard (dir.), Mélodrames et romans noirs 1750-1890, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2000, p. 183. Il n’est pas indifférent de noter que Le Comte de Monte-Cristo a été illustré par Gavarni et Tony Johannot (Paris, Bureau de l’Écho des feuilletons, 1846, 2 vol.). Dans la réédition de 1856 (Paris, Dufour, Mulat et Boulanger, t. 2), une gravure de Johannot présente de manière théâtrale « L’empoisonnement » (p. 450).
13 Factum, 1868, op. cit. L’auteur du compte rendu consacre un chapitre aux portraits des accusés. La physiognomonie de Lavater fut diffusée en France au cours du XIXe siècle (le nez dans la caricature a une place privilégiée). La marionnette était aussi fort en vogue. On y fait allusion fréquemment dans la caricature.
14 Fl. Fix, op. cit., p. 36.
15 Ibid., p. 67. Selon Florence Fix les héros des mélodrames ont été souvent marqués par leur enfance.
16 Gill, op. cit., couplet I.
17 Fl. Fix, op. cit., p. 87, 126 et 127.
18 Ibid., p. 62, p. 121. Le langage du corps est, selon Florence Fix, lié au langage émotionnel du mélodrame.
19 Factum, 1868, op. cit. Dans le compte-rendu du procès la femme Marino pleure. À l’annonce de la condamnation les condamnés fondent en larmes et poussent des cris perçants. La femme Salvago s’évanouit.
20 Fl. Fix, op. cit., p. 62.
21 Coupe-Forte, op. cit., couplet XXI, p. 7.
22 Fl. Fix, op. cit., p. 122, p. 156.
23 A. Dominique, op. cit. L’auteur a ajouté dans son drame d’autres personnages (buveurs, gendarmes, fossoyeurs). Florence Fix note que le mélodrame tout en étant tautologique aime la surenchère ; Fl. Fix, op. cit., p. 122, 132, 151.
24 Les plus célèbres complaintes sont celles de Mandrin, bandit exécuté à Valence en 1755, et celle de Fualdès. Le corps de Fualdès, égorgé à Rodez, fut jeté dans les eaux de l’Aveyron.
25 Gill avait fait un portrait-charge de Napoléon III sous les traits de Rocambole en novembre 1867. En 1868, éclata l’affaire du melon qui était un lointain écho de la poire de Philipon, cf. B. Tillier, André Gill, Correspondance et Mémoires d’un caricaturiste, 1840-1885, Paris, Champ Vallon, 2006, p. 19-20. Cf. Le Melon de Gill, complainte en 33 couplets sur l’air de Fualdès, Platant et Roy, Paris, 1868.
26 Balzac et Flaubert entre autres firent également allusion à l’affaire Fualdès. Après un premier procès en 1817, l’affaire fut rejugée en mars 1818 en Cour d’assises du Tarn.
27 Factum, 1868, op. cit., complainte, 2e page.
28 Véritable complainte/Arrivée de Toulouse/Au sujet du crime affreux commis à Rodez, sur la personne de l’infortuné Fualdès, par Bastiste, Jausion et ses complices, par M. J., limonadier à Toulouse, chez tous les marchands de complainte, de Paris et de l’étranger, 1818.
29 Ibid., air « De la complainte du Maréchal de Saxe », p. 5.
30 Gill, op. cit., couplet I (exhortation).
31 Coupe-Forte, op. cit., couplet I (exhortation), p. 2.
32 H. Buguet, op. cit., couplet I, 2e page. Henry Buguet (1845-1920) fut auteur dramatique, publiciste et chansonnier. Il collabora à de nombreux journaux.
33 Coupe-Forte, op. cit., couplet VII, p. 3.
34 Gill, op. cit., couplet III.
35 Fl. Fix, op. cit., p. 86.
36 Ibid., p. 128, p. 129. Selon Florence Fix le mélodrame aime les ruines, les souterrains, les caves.
37 A. Dominique, op. cit., 5e tableau, p. 43, 10e tableau, p. 96, 11e tableau, p. 108.
38 Factum, 1868, op. cit., (chapitre « Empoisonnement d’Antoine Ville »).
39 Gill, op. cit., couplet IX.
40 Coupe-forte, op. cit., couplet XI, p. 4.
41 H. Buguet, op. cit., couplets X, XI, 3e page.
42 Cf. Mélodrames et romans noirs 1750, 1890, op. cit. Selon Jean Segard (p. 7-8) le mélodrame et le roman noir ont en commun d’impliquer une connotation de mauvais goût. Ce ne sont pas des genres nobles. Ils se sont développés à des périodes voisines, de la fin du XVIIe siècle au Romantisme et traduisent les mêmes tendances sociales. Le mélodrame cependant est une action théâtrale organisée en tableaux, visant à des effets violents de surprise ou d’effroi « Figures de cauchemar », p. 299.
43 P. Ginisty, Le Mélodrame, Paris, Louis Mihlaud, s. d., p. 11.
44 Gill, op. cit., couplets V et X.
45 Flaubert a commencé son roman en 1851 et y travailla jusqu’en 1856. L’écrivain avait été inspiré par l’affaire Lafarge (1840).
46 H. Buguet, op. cit., couplet VI, 3e page.
47 Ibid., couplet XIV, 4e page.
48 Ibid., couplets II et XVII, 4e page.
49 Ibid., couplet XIII, 3e page.
50 Fl. Fix, op. cit., p. 32.
51 Complainte de Fualdès, op. cit., p. 1.
52 Ibid., p. 12.
53 Gill, op. cit., Morale.
54 Fl. Fix, op. cit., p. 46, p. 47.
55 Ibid., p. 87, p. 90. Selon Florence Fix la fatalité est du registre de la tragédie (p. 51). Mais le fatum mélodramatique est moins métaphysique que politique et social (p. 93).
56 Ibid., p. 93.
57 Coupe-Forte, op. cit., Morale, p. 7.
58 H. Buguet, op. cit., couplet XIX, 4e page.
59 Ibid., couplet XX, 4e page.
60 Ibid., couplet X, 3e page.
61 Coupe-Forte, op. cit., couplet XVII, p. 6.
62 Ibid., couplet VII, p. 3.
63 Ibid., couplet XVI, p. 5.
64 A. Dominique, op. cit., 4e tableau, scène V, p. 40.
65 Fl. Fix, op. cit., p. 99, p. 100.
66 Gill, op. cit., couplet VII.
67 Ibid., couplet XI.
68 Coupe-Forte, op. cit., couplet XXII, p. 7.
69 H. Buguet, op. cit., couplet XVI, 4e page.
70 Cf. Factum, 1868, op. cit., (« Portraits des accusés »). La veuve Ville a 42 ans. La veuve Salvago a 30 ans. Duguet, 20 ans, Femme Dye 45 ans. Lambert : 33 ans. Joye : 46 ans.
71 Ibid. Fl. Fix, op. cit., p. 179. Selon Florence Fix, le mélodrame semble entériner l’injustice sociale, les héros étant souvent de riches héritiers. De plus, le mélodrame prône l’inamovible (p. 118) et l’autosatisfaction de la bourgeoisie.
72 Coupe-Forte, op. cit., couplet XXIII, p. 7.
73 H. Buguet, op. cit., couplet XVIII, 4e page.
74 Fl. Fix, op. cit., p. 160.
75 Coupe-Forte, op. cit., couplet XIV, p. 5.
76 A. Dominique, op. cit., 4e tableau, scène 3, p. 35.
77 Ibid., p. 41. (4e tableau scène 6). Les héroïnes de Dominique sont cependant prêtes à tout par amour. Madeleine n’aspire quant à elle qu’au mariage (p. 75, 8e tableau, scène 1).
78 Coupe-Forte, op. cit., couplet XX, p. 6.
79 Ibid., couplet XII, p. 3.
80 Gill, op. cit., couplet VI.
81 H. Buguet, op. cit., couplet I, 2e page.
82 Ibid., couplet IV, 2e page.
83 Ibid., couplet VIII, 3e page.
84 Coupe-Forte, op. cit., couplet XVIII, p. 6. La femme Gabriel prend cependant ses précautions auprès du notaire.
85 Fl. Fix, op. cit., p. 53, p. 161.
86 Gill ne cache pas ici qu’il entend parodier l’emphase de la complainte traditionnelle.
87 Jules Vallès (1832-1845) (cf. Mélodrames et romans noirs, op. cit., p. 513). Les feuilletons de Vallès sont alors marqués d’un grand pessimisme, les noirceurs du drame social étant de nature foncièrement mélodramatique. Gill a caricaturé (avec bienveillance) à plusieurs reprises Vallès (B. Tillier, op. cit., p. 385).
88 Flaubert, cité par J.-Ph. Saint-Gérand, Mélodrames et romans noirs, op. cit., p. 13.
89 Le sous-titre de la complainte est le suivant : « Complainte empoisonnée éclose dans les Bouches... ; du Rhône et recueillie sur celle d’un Gavroche parisien par H.B. et L.D. (prix 10 centimes) ».
90 On sait qu’Emma Bovary était tombée dans la dépression. Menacée par une saisie de ses biens et plus seule que jamais, elle se suicida en absorbant de l’arsenic. B. Bertrand, op. cit., p. 11. Gill concevait la caricature comme un art des sous-entendus et de la complicité pour faire face aux interdits politiques. Certains de ses dessins suscitèrent les spéculations les plus insensées.
91 Cf. à ce sujet, J. de Maleissye, Histoire du poison, François Bourin, Paris, 1991 ; B. de Castelbajac, Histoires d’empoisonneuses d’hier et d’aujourd’hui, Michel de Maule, Paris, 2010.
92 H. Buguet, op. cit., refrain, 2e page.
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.