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Étrange Bretagne

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Jean-Yves Le Disez

Première partie. Savoir : la Bretagne des savants

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Géographique :

France

Texte intégral

1Savoir, faire et voir : naturellement, ces catégories ne sont pas parfaitement étanches. Ce qui est si emmêlé chez Trollope ne sera jamais parfaitement démêlé. En partie parce que ces catégories sont les nôtres, un moyen de réduire, sans la déformer outre mesure, la complexité du champ. En partie aussi parce que le propre du récit de voyage est de brouiller les définitions génériques et de mêler les types de discours.

2Notre première famille d’auteurs est la moins nombreuse mais aussi la plus hétéroclite. Cela tient essentiellement à deux facteurs. Le premier est que ces auteurs sont savants autant par défaut que par choix. En effet, si la motivation première de leur voyage est l’acquisition ou l’exercice d’un savoir, ils se ressemblent aussi par leur peu d’intérêt pour le faire et le voir. Le deuxième facteur est que la Bretagne semble offrir relativement peu de prise au discours des clercs, de ceux qui savent. De Thomas Price à Matilda Betham Edwards, nous verrons comment ce discours devra, pour se donner un espace où il puisse exister, se déplacer de la simple tentative de cerner son objet à la réflexion sur les modalités d’acquisition et de mise en forme d’une telle connaissance que sont, entre autres, la comparaison, l’exégèse, l’enquête et l’introspection ; combien il est souvent difficile à ces auteurs de faire la part entre savoir et croire, entre vérité et mensonge, entre connaissance de l’Autre et connaissance de soi ; comment, enfin, chaque texte se dote d’une intrigue, explicite ou implicite, qui brouille les frontières entre le factuel et le fictif.

3Autant dire que l’exploration de cette première constellation discursive est aussi celle du savoir victorien, ou à tout le moins de l’une de ses provinces, une façon de mieux connaître à notre tour le contexte intellectuel qui demeurera celui de ceux, plus nombreux, qui, se défendant d’être savants, préféreront soumettre la Bretagne à l’épreuve ou de l’action ou de l’observation et acquérir, chemin faisant, un savoir d’un autre type.

© Presses universitaires de Rennes, 2002

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