1 Pour respecter l’objet du colloque et ses limites assumées. Limites un peu artificielles, en raison des multiples imbrications entre histoire, mémoire et usages du passé, spécialement quand il s’agit des comportements.
2 Il est vrai que les travaux spécifiques sur une analyse d’ensemble des comportements sont peu nombreux. Cf. Philippe Burrin, La France à l’heure allemande, Seuil, 1995, Points Histoire 1997 ; Jean Quellien, Opinions et comportements politiques dans le Calvados sous l’occupation allemande, 1940-1944, Presses universitaires de Caen, 2001. On trouve, indirectement, de multiples informations dans des approches plus restreintes qu’elles soient consacrées à des études régionales, attachées à l’analyse de tel ou tel groupe social, ou aux réactions de la population face au sort des juifs.
3 Robert Paxton, La France de Vichy, Seuil 1973, Points Histoire, 2003. Contrairement à ce qui est souvent avancé, le livre, dont on connaît l’importance décisive pour l’histoire du régime de Vichy et de la collaboration d’État, ne traite que de façon secondaire des comportements des Français. Le sujet est abordé, à propos de l’antisémitisme, dans l’ouvrage publié avec Michael Marrus, Vichy et les Juifs, Calmann-Lévy, 1981.
4 Énonciation évidemment dénoncée (et à juste titre) comme une imposture, selon un mécanisme caractéristique du fonctionnement de cette vulgate. Elle est reprise aussi bien dans des manuels scolaires que dans des médias consacrés à l’histoire ou dans des travaux de spécialistes. Pour nous en tenir à la période récente, cf. La Fabrique de l’histoire, France Culture, émission du 14 décembre 2012, et Olivier Wieviorka, Histoire de la résistance, Perrin, 2013. Pour cet historien, l’idée plusieurs fois répétée que « tous les Français avaient, fût-ce inégalement, participé à la lutte clandestine », est une des « consolantes certitudes » sur laquelle la France aurait vécu « jusqu’à l’orée des années 1970 ».
5 Notamment par le parti communiste et l’évocation de ses 75000 fusillés. Sa vision de l’histoire (la lutte contre le nazisme est un bloc, dénigrer l’URSS c’est dénigrer la Résistance) est de plus en plus fragilisée depuis les années 1950 par le débat sur les camps soviétiques, les ruptures spectaculaires de résistants compagnons de route, et les exclusions à l’intérieur du parti qui touchent des grands noms de la lutte clandestine comme Georges Guingouin ou Charles Tillon.
6 Entre de multiples citations du même type. En dépit de quelques voix discordantes, prestigieuses (Germaine Tillion, Simone Veil), mais inaudibles à ce moment-là. Cf. Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, Points Histoire, 1990, et Pierre Laborie, Le chagrin et le venin, Bayard, 2011.
7 Op. cit.
8 « Miroir impitoyable des Français tels qu’ils furent », Le Monde, 29 octobre 1981.
9 Il en a été à peu près de même lors d’une nouvelle rediffusion à la télévision en 2012. Le 10 juillet, la chaîne Arte présente le film comme un document exceptionnel qui évoque « sans fard les lâchetés et les compromissions ordinaires de la majeure partie de la population française ». Toujours à propos de cette projection, le magazine Télérama du 4 juillet 2012 publie une photo de deux hommes devant une vitrine de la LVF avec pour commentaire : « À Clermont-Ferrand, comme partout ailleurs, résistait-on tant que cela ? »
10 C’est sur cette vision ternaire que s’ouvre le film de Patrick Rotman, Été 1944, largement diffusé à la télévision et salué pour son approche rigoureuse. Le chiffre de 100 000 est avancé pour chacune des deux minorités.
11 Propos réitérés à d’autres occasions.
12 En particulier pour ses travaux sur Jean Moulin et la Délégation générale.
13 Jusqu’à l’apparition de l’autre marqueur que constitue aujourd’hui le sauvetage des juifs et spécialement le rôle des « Justes ». Voir plus loin.
14 Je renvoie évidemment, en m’y ralliant, à la conceptualisation établie par François Marcot qui distingue et relie à la fois Résistance-organisation et résistance-mouvement. Cf. sous sa direction, le Dictionnaire historique de la Résistance, Bouquins, Robert Laffont, 2006, travail collectif qui s’inscrit dans cette approche.
15 Sous la contrainte... (pour mémoire).
16 Le mot d’effondrement disparaît des usages. Ceux de défaite et d’exode résument ce que la majorité des contemporains vécurent comme La fin d’un monde (Julien Green).
17 Identification symbolique qui tient à de nombreux autres facteurs. Je me permets de renvoyer à Les Français des années troubles, Points Histoire, 2003.
18 Henry Rousso, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, op. cit.
19 10 % de 40 millions d’habitants ; 10 % de 25 millions, évaluation de la population adulte.
20 L’importance égale supposée entre résistants et collaborateurs donne évidemment des chiffres équivalents pour le nombre de collaborateurs.
21 Estimation proposée par les auteurs de la série télévisée « Un village français » pour clarifier leurs intentions.
22 Soit 2,5 % de 40 millions d’habitants, ou de 25 millions d’adultes.
23 Julian Jackson, La France sous l’Occupation, Flammarion, 2001, fait référence aux 260 919 cartes de Combattants Volontaires de la Résistance (CVR). Le chiffre actuel approche de 263 000. François Marcot, Dictionnaire historique de la Résistance, op. cit., accepte comme un ordre de grandeur plausible le chiffre de 500 000. On le retrouve dans l’estimation d’Olivier Wieviorka (de 300 000 à 500 000), cf. Histoire de la résistance, op. cit., 300 000 résistants représenteraient 0,75 % de la population.
24 La France sous l’Occupation, supra.
25 Sur l’origine du terme de résistantialisme, et la construction du concept de résistancialisme par Henry Rousso, cf. son ouvrage Le syndrome de Vichy, op. cit. Voir aussi Pierre Laborie, Le chagrin et le venin, op. cit.
26 François Marcot, « Les résistants dans leur temps », Dictionnaire historique de la résistance, Bouquins, Robert Laffont, 2006, p. 38-46. L’événement relaté est celui du sabotage effectué le 24 octobre 1943 à Rochefort-sur-Nenon, dans le Jura.
27 Ce n’est pas vrai partout et des membres du clergé catholique, parfaitement conscients de la situation, peuvent faire état de leurs problèmes de conscience auprès de leur hiérarchie. À une religieuse inquiète, directrice d’une maison d’enfants où elle cache des enfants juifs, l’archevêque de Toulouse Mgr Saliège, répond : « Je vous donne à l’avance toutes les absolutions. Mentez ! Mentez tant que vous pourrez ! » Cf. Patrick Cabanel, Histoire des Justes en France, Armand Colin, 2012.
28 La remarque vaut sans doute au-delà, pour les mécanismes de défense des sociétés face aux régimes d’oppression.
29 Eigensinn qui pourrait être traduit (approximativement) par une sorte de quant-à-soi, jusqu’à l’obstination têtue.
30 Alf Lüdtke, « Ouvriers, eigensinn et politique dans l’Allemagne du XXe siècle », in Actes de la recherche en sciences sociales, no 113, 1996, p. 91-101.
31 Denis Peschanski, « Résistance, résilience et opinion dans la France des années noires », in Psychiatrie française, no 2, 2005, p. 194-210 et Les années noires, 1938-1944, Hermann, 2012.
32 À propos des jugements sur les comportements collectifs, il y aurait à réfléchir sur la construction du « modèle » de référence et sur la transposition à l’ensemble des Français d’agissements socialement, culturellement et géographiquement marqués.
33 Mgr Saliège, (archevêque de Toulouse), Mgr Théas (Montauban), le cardinal Gerlier (Lyon), Mgr Moussaron (Albi), Mgr Delay (Marseille), tous à la tête de diocèses de la « zone libre ». Mgr Vansteenberghe (Bayonne) est le seul évêque de la zone occupée à protester publiquement dans son bulletin diocésain du 20 septembre 1942.
34 Cf. Pierre Laborie, « Sur le retentissement de la lettre pastorale de Monseigneur Saliège », in Bulletin de Littérature Ecclésiastique, CVIII/1, janvier-mars 2007, p. 37-50.
35 Hors débat sur la pertinence et l’emploi du terme.
36 Elle passe par un effort de clarification sur des critères discriminants. Quatre me semblent déterminants : la conscience de résister ; la volonté d’empêcher l’ennemi (occupants et complices) d’atteindre ses objectifs ; la transgression ; la relation entre acte, action, et identité des acteurs. Sur cette question, cf. ma contribution dans le Dictionnaire historique de la Résistance, op. cit., « La notion de Résistance à l’épreuve des faits : nécessité et limites d’une approche conceptuelle », in Résistances, insurrections, guérillas (Corentin Sellin, dir.), Les géopolitiques de Brest, PUR, 2010, p. 15-29, et « Les catholiques face à la persécution des juifs, quelle histoire écrire ? », in Patrick Cabanel, Philippe Joutard, Jacques Semelin, Annette Wieviorka (dir.), La Montagne refuge. Accueil et sauvetage des juifs autour du Chambon-sur-Lignon, Albin Michel, 2013, p. 199-212.
37 Environ 8 à 10 personnes si le blessé est transporté dans un hôpital.
38 Emprunt à François Marcot. Cf. sous sa direction et celle de Didier Musiedlak, « Résistance et autres comportements des Français sous l’Occupation », in Les Résistances, miroir des régimes d’oppression, Allemagne, France, Italie, Presses universitaires de Franche-Comté, 2006, p. 47-59.
39 Cf. Anne Simonin, Les Éditions de Minuit, 1942-1955, Le devoir d’insoumission, IMEC Éditions, 1994.
40 Notion empruntée à Jacques Semelin, Sans armes face à Hitler. La résistance civile, 1939-1943, Payot, 1989.
41 Dans l’avant-propos du livre qu’il a dirigé (La délation dans la France des années noires, Perrin, 2012), Laurent Joly rappelle, parmi d’autres, le jugement prêté à Michel Audiard : « On a quand même été le peuple d’Europe qui a le plus dénoncé. » Cf. les chiffres fantaisistes sur les 3 à 5 millions de dénonciations (André Halimi, La délation sous l’Occupation, Alain Moreau, 1983) longtemps repris. Éric Alary, « Le temps des corbeaux », in « La France sous l’Occupation », hors-série de Géohistoire, septembre-octobre 2011, reprend l’estimation qui situe entre 200 000 et 500 000 le nombre de lettres de dénonciation.
42 Du moins à mes yeux.
43 Cf. l’émission de Michelle Perrot sur France Culture le lundi 25 février 2013.