Chapitre XII. Le destin missionnaire des religieuses victimes du combisme
p. 199-206
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Index géographique : France
Texte intégral
1Les mesures prises en France contre les congrégations à partir de 1881 et spécialement sous le gouvernement d'Émile Combes, provoquèrent l'expatriation de plusieurs milliers de religieuses, sept instituts féminins d'origine bretonne - les Filles de Jésus, les Sœurs de Saint-Jacut, les Filles du Saint-Esprit, les Sœurs de la Charité de Saint-Louis, les Sœurs des Saints-Cœurs de Jésus et de Marie, les Filles de la Providence de Saint-Brieuc, les Filles de Sainte-Marie de la Présentation, — qui jusqu'alors n'avaient encore envoyé aucun de leurs membres au-delà des mers décidèrent d'ouvrir des maisons en Amérique du Nord.
Les Filles de Jésus de Kermaria
2L'institut des Filles de Jésus fut institué à Bignan (Morbihan) en 1834, par l'abbé Coeffic, recteur de la paroisse et par une pieuse fille nommée Perrine Samson. Il a pour but l'enseignement et le soin des malades. Vers 1867, la maison-mère fut transférée à Kermaria près de Locminé. En 1897, le P. Le Texier, oblat de Marie, délégué de Mgr Jolivet, demanda des Filles de Jésus pour la mission du Natal, il en obtint sept qui s'embarquèrent en novembre. Il y eut d'autres départs en 1901, 1903 et 1904, mais en 1912, les vingt-trois religieuses émigrées en Afrique du Sud furent rappelées en France.
3En juillet 1902, plusieurs centaines de sœurs institutrices expulsées de leurs écoles affluèrent à Kermaria. L'encombrement de la maison-mère, l'incertitude de l'avenir imposaient la découverte de nouveaux champs d'apostolat. Sœur Marie-Elisabeth Le Gallo, de Quistinic (Morbihan) et sœur Marie-Zénaïde Ganche, de Mordelles (Ille-et-Vilaine), furent désignées pour cette tâche.
4Par l'intermédiaire du P. Jan, un oblat morbihannais, Mgr Le Gall demanda des religieuses pour son diocèse d'Edmonton (Canada). Une dizaine de Filles de Jésus arrivèrent dans l'Alberta à la fin de 1902. En octobre de cette même année, sœur Marie-Elisabeth et sœur Marie-Zénaïde avaient débarqué à New-York. Les démarches qu'elles entreprirent en différents diocèses des États-Unis demeurant sans résultat, elles se dirigèrent vers le Canada où Mgr Cloutier, évêque de Trois-Rivières (Province de Québec), leur permit de s'installer dans sa ville épiscopale. Dans une lettre pastorale du 25 mars 1903, ce prélat présentait les Filles de Jésus à ses diocésains. La cause des « Sœurs françaises », comme on les appela là-bas était gagnée.
5Trois-Rivières, ville située en plein pays francophone, à peu près à mi- chemin entre Québec et Montréal, était une situation pleine de promesse pour le développement d'un institut de religieuses ; elle devint le Kermaria du Canada, berceau, dès 1903, du second noviciat de la congrégation.
6Sœur Marie-Elisabeth continua ses courses jusque dans l'Ouest Canadien et dans le Nord-Ouest des États-Unis. Au mois de décembre, de la Nouvelle-Écosse au Montana, près de 150 religieuses venues de Bretagne dirigeaient 27 établissements scolaires ou hospitaliers. Les années suivantes, grâce à l'arrivée de nouvelles immigrantes, puis à l'apport du recrutement indigène, ces établissements se multiplièrent avec rapidité.
7En 1910, 221 sœurs bretonnes s'étaient rendues en Amérique du Nord, une quarantaine y sont allées depuis. Les maisons du Canada et des États-Unis étaient groupées en deux provinces, celle de l'Est et celle de l'Ouest. La première, dont le centre est Trois-Rivières, comptait une cinquantaine de maisons et plus de 600 religieuses ; la seconde, qui relevait de la Communauté de Morinville (Alberta), compte 10 maisons et un peu plus de 200 religieuses.
8Au début du siècle, la persécution avait conduit les Filles de Jésus à chercher refuge en Angleterre, en Belgique et au Canada. En 1994, elles étaient près de 1 800, Bretonnes pour 55 %, Canadiennes pour 30 %. Elles avaient 16 communautés en Amérique latine (Colombie, Chili, Honduras), 8 aux Antilles (Dominique, Jamaïque, Haïti), 10 en Afrique (Cameroun, Zaïre). Au cours des dernières décennies, 92 Bretonnes sont parties au Cameroun, au Zaïre ou en Amérique.
9L'institut de Kermaria ne se contentait pas de diriger des écoles et de desservir des hôpitaux au service des Canadiens français de la Province de Québec, parmi les Acadiens des Provinces Maritimes, au pied des Rocheuses et dans le Montana ; il envoyait des religieuses jusqu'au Lac-la-Biche, c'est- à-dire en vrai pays de mission.
Les Sœurs du Sacré-Cœur de Saint-Jacut
10Une pieuse fille de Saint-Jacut (Morbihan), Angélique Le Sourd qui, pendant la Révolution, s'était dévouée pour cacher les prêtres fidèles et leur facilité l'exercice de leur ministère, conçut le projet de se consacrer à l'instruction des petites filles pauvres ou orphelines et à la visite des malades de la paroisse. Elle s'en ouvrit à trois de ses amies qui voulurent se joindre à elle. Sur le conseil de l'abbé Barbé, leur recteur, elles se réunirent dans une maison du bourg le 25 avril 1816. Dans la pensée des fondatrices, la communauté ne devait pas sortir des limites de la paroisse. L'article Ier des statuts ne visait en effet que « les malades indigents de la commune de Saint-Jacut » et « les enfants pauvres de cette commune ». Une ordonnance de Charles X, en date du 29 janvier 1828, donna l'autorisation légale à la petite congrégation qui se mit sous le patronage de Saint-Jacut1 Au cours du xixe siècle, l'institut franchit non seulement les limites de la paroisse qui avait été son berceau, mais celles du diocèse de Vannes, de la Bretagne et de la France. Mgr Guilloux, archevêque de Port-au-Prince sollicita leur concours mais l'évêque de Vannes, Mgr Bécel, leur refusa l'autorisation de passer en Haïti2.
11Les premières expulsions de religieux ordonnées par la IIIe République leur firent craindre de se voir, à leur tour, chassées de leurs communautés et donnèrent à plusieurs sœurs l'occasion de manifester leur désir d'apostolat en pays lointains. Le P. Sachot, oblat de Marie, qui circulait alors beaucoup dans le Morbihan, mit les supérieures de Saint-Jacut en relation avec les évêques oblats du Canada. En 1896, Mgr Langevin, archevêque de Saint-Boniface demanda quelques religieuses à l'évêque de Vannes, mais celui- ci, qui était toujours Mgr Bécel, accueillit trop froidement ces ouvertures pour leur permettre d'aboutir.
12En 1898, Mgr Latieule ayant succédé à Mgr Bécel, un autre évêque oblat, Mgr Gaughren, vicaire apostolique de Kimberley, dans l'État d'Orange, renouvela en faveur de la mission de Saint-Paul-de-Taung qui venait d'être fondée sur le territoire de son vicariat, la démarche de son confrère de Saint- Boniface. Il obtint gain de cause et six sœurs de Saint-Jacut s'embarquèrent aussitôt pour l'Afrique du Sud où elles se consacrèrent à l'enseignement des enfants indigènes et européens. Un groupe de quatre nouvelles missionnaires leur fut envoyé en renfort en 1901.
13En 1902, les Sœurs de Saint-Jacut furent appelées au scolasticat des Pères Oblats établis à Montréal. Dans ce premier poste au Canada, elles n'eurent à s'occuper que de travaux matériels : cuisine, lingerie, etc., mais elles ne tardèrent pas à être à même de prendre des écoles et, suivant les besoins, de nouvelles religieuses arrivèrent de France. En 1903, toujours sous l'égide des Pères Oblats, l'institut prit pied aux États-Unis où la première maison fut ouverte à San-Antonio (Texas).
14Les sœurs de l'Afrique du Sud, furent rappelées en France en 1911. Les communautés du Texas, érigées en province en 1916, ne se développèrent que très lentement. En 1940, elles comprenaient une cinquantaine de religieuses dont 27 Mexicaines ou Américaines. En 1964, les communautés du Texas comptaient plus d'une centaine de religieuses (américaines ou mexicaines), celles du Canada, 479. Les provinces nord-américaines constituaient la moitié des effectifs de la congrégation.
15Depuis 1960, des sœurs canadiennes, mexicaines et bretonnes ont fondé plusieurs communautés au Pérou, autour de la Cordillère des Andes, et ouvert un noviciat à Lima. Dès 1956, à l'appel de Mgr Plumey, un OMI morbihannais évêque de Garoua, des Sœurs du Sacré-Cœur s'étaient rendues au Nord-Cameroun où elles comptent maintenant quelques dizaines de religieuses (françaises, canadiennes et aussi camerounaises). Quant à la province canadienne, grâce à ses écoles de la région d'Ottawa à ses maisons de formations, juvénats et noviciats bien alimentés en vocations, elle a pris un très bel essor. Elle compte actuellement près de 200 religieuses et vient en aide à la province du Texas.
16L'émigration en Amérique des Sœurs de Saint-Jacut a provoqué le changement du vocable de leur institut. Au Canada, on fut surpris du patronage dont se réclamaient ces sœurs bretonnes. Après une recherche vaine dans le martyrologe, Mgr Duhamel, archevêque d'Ottawa, conclut à l'identité de saint Jacut et de saint Jacques. Pour lui donner un nom moins étranger aux oreilles canadiennes, Mgr Gouraud, évêque de Vannes, décida, en 1909, que la congrégation des Sœurs de Saint-Jacut se dénommerait désormais « congrégation des Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus ».
La congrégation des Filles du Saint-Esprit
17La congrégation des Filles du Saint-Esprit date de 1706. Elle fut fondée à Plérin, près de Saint-Brieuc. Elle fait remonter sa fondation à 1706, année qui vit Marie Balavenne et Renée Burel, deux pieuses filles de Plérin, s'unir pour l'enseignement des enfants et le soin des malades de leur paroisse. Elles étaient trois quand en 1714, Allenou de la Ville-Angevin, ancien élève de Poullart des Places, fut nommé recteur de Plérin. De ce petit noyau, il fit sortir une vraie congrégation qu'il voua au Saint-Esprit et à l'Immaculée-Conception3. En 1791, elle avait enregistré 118 professions et s'employait, en 19 communautés réparties dans les différents diocèses bretons, à l'éducation des enfants et au soin des malades.
18Le xixe siècle ouvrit pour l'institut, reconstitué en 1810, une ère de rapide développement. Lors des décrets contre les religieuses enseignantes, 256 Filles du Saint-Esprit passèrent en Angleterre, et 180 en Belgique ou en Hollande. Entre 1902 et 1910, par les soins de Mgr Morelle, évêque de Saint-Brieuc, qui comptait parmi ses anciens condisciples du séminaire parisien de Saint-Sulpice, plusieurs membres de l'épiscopat américain, plus de 200 religieuses émigrèrent en différents états de la Nouvelle-Angleterre où elles se dévouèrent au service des Franco-américains comme garde- malades à domicile, directrices de crèches enfantines ou de pensions de famille pour jeunes filles, et surtout comme institutrices4.
19Jusqu'en 1939, toutes les jeunes Américaines qui sollicitaient leur admission dans la congrégation passaient quelques mois dans un postulat établi dans le Connecticut puis elles traversaient l'Atlantique pour faire leur noviciat à la maison-mère de Saint-Brieuc5. Bien que l'institut comptât plus de 220 religieuses d'origine américaine, des Bretonnes, de moins en moins nombreuses cependant, avaient continué de passer en Nouvelle-Angleterre. En 1940, le nombre total de celles qui y avaient été envoyées approchait de 300. Dans tous les établissements scolaires des Filles du Saint-Esprit, une « école lithuanienne » mise à part, l'étude du français est obligatoire.
20En 1936, les Filles du Saint-Esprit avaient pris rang parmi les congrégations missionnaires. À la demande de Mgr Gaspais, vicaire apostolique de la Mandchourie septentrionale, morbihannais et parent de l'une d'entre elles, elles avaient envoyé huit religieuses à Kirin, chef-lieu d'une immense province située entre la Sibérie et la Corée. Seuls les événements politiques avaient fait échouer cette audacieuse tentative d'implantation en Asie.
21Quelques années avant l'Encyclique Fidei donum, un autre Morbihannais, Mgr Plumey, préfet apostolique de Garoua (Nord-Cameroun), fit appel aux Filles du Saint-Esprit ; depuis 1954, année du premier départ, près de cent religieuses se sont dévouées dans cette région d'Afrique. La province des États-Unis envoie des missionnaires au Chili depuis 1962 ; celle d'Angleterre, au Nigéria depuis 1964 ; à la requête de la vice-province du Chili, quelques communautés ont été fondées au Pérou en 1979. Les Bretonnes (finistériennes pour près de 70 %, morbihannaises pour 30 %) sont présentes surtout au Cameroun mais on en trouve aussi au Chili, au Pérou et au Nigéria.
Les Sœurs de la Charité de Saint-Louis
22La congrégation des Sœurs de la Charité de Saint-Louis fut fondée à Vannes, en 1803, par Marie-Louise de Lamoignon, veuve d'Édouard Molé, comte de Champlatreux, guillotiné pendant la Révolution. L'instruction des enfants et l'établissement d'ateliers de dentelles pour jeunes filles pauvres fixèrent l'activité du nouvel institut qui, en 1880, comptait dix maisons réparties dans le Morbihan et l'Ille-et-Vilaine.
23Divers établissements ayant été fermés par décret du 19 juillet 1902, les supérieures déléguèrent deux sœurs en Amérique du Nord à la recherche d'un apostolat et envoyèrent trois religieuses à Halifax pour s'y familiariser avec la langue anglaise. En 1903, 22 religieuses se rendirent au Canada, dans la province de Québec, puis aux États-Unis, dans l'État de New-York en 1907 ainsi que dans l'Ouest canadien. Les années suivantes, l'émigration continua ; 117 religieuses bretonnes quittèrent ainsi la France.
24En 1939, les Sœurs de la Charité de Saint-Louis dirigeaient en Amérique, 40 établissements scolaires : 32 dans la province de Québec, 4 dans la Saskatchewan, 1 dans l'Alberta et 3 dans l'État de New-York. Grâce surtout à son implantation au Canada, leur modeste institut a connu une belle extension internationale : en 1920, il comptait plus de 1 100 religieuses de 7 nationalités différentes dont 300 Françaises (morbihannaises à 70 %) et plus de 700 Canadiennes. Des fondations ont été faites par les Françaises à Madagascar (956), par les Canadiennes du Québec en Haïti (1945), au Mali (1966), à la Martinique et au Sénégal (1972).
Les Sœurs des Saints-Cœurs de Jésus et de Marie (ou de Notre-Dame des Chênes)
25La congrégation des Saints-Cœurs de Jésus et de Marie fut fondée à Paramé (en Ille-et-Vilaine) par Marie-Amélie Fristel6, sous les auspices du P. Louïs de la Morinière, supérieur général des Eudistes. L'unique but que s'était proposé la fondatrice était le soin de vieillards mais, sur l'ordre de Mgr Saint-Marc, archevêque de Rennes, elle accepta en 1854, l'œuvre des écoles qui devint prépondérante7.
26La congrégation resta toujours en union très étroite avec celle des Eudistes. Ce fut un eudiste, le Père Blanche, futur vicaire apostolique de la Côte-Nord du Saint-Laurent, qui l'introduisit au Canada en lui confiant, en 1891, les services domestiques du collège de Church-Point (Nouvelle- Écosse) dont il était le supérieur. Les Sœurs de Notre-Dame du Chêne furent appelées par la suite à remplir le même office dans d'autres établissements créés par les Eudistes en faveur des Acadiens. Elles arrivèrent au séminaire de Halifax en 1895 et au collège de Caraquet en 1896.
27En 1903, elles s'établirent à Jolliette dans le diocèse de Montréal et, en 1904, dans celui de Saint-Hyacinthe. À Jolliette, devenu entre-temps le siège d'un nouvel évêché, elles fondèrent, en 1905, un noviciat qui reçoit depuis les postulantes canadiennes. En 1913, 67 religieuses, toutes originaires d’Ille-et-Vilaine, étaient passées en Amérique du Nord : 46 au Canada et 21 aux USA. En 1980, l'institut comptait 238 Canadiennes. Depuis 1957, il a envoyé des religieuses bretonnes en Côte d'Ivoire (13 de 57 à 1979).
Les Filles de la Providence de Saint-Brieuc
28La congrégation des Filles de la Providence fut fondée à Saint-Brieuc, en 1818, par l'abbé J.-M. de La Mennais, alors vicaire capitulaire du diocèse. Son unique but était l'enseignement. Sans connaître le succès des Frères de Ploërmel, elle se répandit en plusieurs paroisses des Côtes-du- Nord et de Ille-et-Vilaine.
29M. Bodard, colon de la Saskatchewan, dont les filles avaient reçu leur éducation à Saint-Malo dans le pensionnat des Sœurs de la Providence, attira celles-ci au Canada. Six religieuses partirent en avril 1897 pour l'évêché de Prince-Albert, cinq autres les suivirent peu après. Un petit noviciat fut ouvert à Howell. Grâce à cette institution, les Filles de la Providence comptaient, en 1940, cinq communautés canadiennes, toutes établies au Saskatchewan. Depuis 1924 elles dirigent l'école à Saint-Brieuc-Viscount, centre catholique formé surtout par des familles bretonnes8.
Les Filles de Sainte-Marie de la Présentation
30La congrégation des Filles de Sainte-Marie de la Présentation fut fondée à Broons, en 1828, par l'abbé Joachin Fleury, curé de cette petite paroisse du diocèse de Saint-Brieuc et par les deux sœurs Laurence et Louise Lemarchand, pour l'enseignement des enfants et le soin des malades. Au cours du xixe siècle, elle s'étendit dans les Côtes-du-Nord, en Ille-et-Vilaine et dans la région parisienne.
31Par suite des décrets d'expulsion portés contre les religieuses enseignantes, elle s'implanta au début du xxe siècle en Belgique, en Hollande, en Angleterre et en Amérique du Nord. Elle fut attirée au Canada par l'abbé Gaire, missionnaire de l'archevêché de Saint-Boniface, promoteur de la colonisation par des catholiques de la partie septentrionale du Manitoba9. A l’automne de 1902, six Sœurs de Broons arrivaient à Rat-Portage, sur les bords du Lac-des-Bois, où Mgr Langevin voulait leur confier un hôpital. Comme elles étaient institutrices et non infirmières et qu'elles supportaient mal les rigueurs du climat, elles quittèrent le Manitoba en 1903 pour passer aux États-Unis où, à Wild-Rice, dans le Nord-Dakota, elles ouvrirent un pensionnat.
32L'année suivante, répondant favorablement à la demande du Père Français, supérieur général des prêtres de Saint-Croix qui réclamait leur concours pour un établissement de Saint Joseph's Farm et pour ses collèges de Port-land, d'Austin et de Washginton, les Filles de Sainte-Marie s'introduisirent dans les États de l’Indiana, du Maine, du Texas et dans la capitale fédérale de l'Union américaine. Presque en même temps, d'autres religieuses fondaient un hôpital à Spring-Valley, dans l'Illinois. Depuis 1903, l'institut de Broons a envoyé trente-sept sœurs bretonnes aux États-Unis. Grâce à son recrutement américain - une centaine de religieuses - il dirigeait en 1940, douze pensionnats dans le Dakota septentrional et quatre hôpitaux dans l'Illinois.
33Depuis 1967, une dizaine de religieuses bretonnes sont parties au Cameroun.
34Compte tenu des Filles de la Sagesse dont l'implantation au Canada a déjà été signalée, le nombre des religieuses bretonnes qui participèrent au début du siècle à cet exode vers l'Amérique du Nord s'élève à 1 055. Tant en lui-même que par ses conséquences, l'arrivée de ce millier de religieuses fut loin d'être sans conséquence sur l'essor du catholicisme en Amérique du Nord. Dès 1940, plus de 2 000 religieuses américaines faisaient partie de congrégations bretonnes. Les Sœurs de la Charité de Saint-Louis ont pris au Canada une extension qu'elles n'ont jamais connue en Bretagne. Enfin, c'est grâce à leurs provinces canadiennes ou américaines que plusieurs congrégations bretonnes doivent d'être présentes dans de nombreux pays de mission.
35Sur cent de ces religieuses émigrées en Amérique du Nord au début du siècle, 43 étaient nées dans le Morbihan, 27 dans le Finistère, 15 en Ille- et-Vilaine, 10 dans les Côtes-d'Armor et 5 dans la Loire-Inférieure. L'écart entre ces pourcentages mériterait une étude qui serait d'un grand intérêt.
36En 1969, les effectifs mondiaux de ces sept congrégations bretonnes s'élevaient à plus de 10 000 religieuses. En 1985, leurs effectifs hors d'Europe étaient de l'ordre de 2 600 religieuses dont à peine sept sur cent étaient françaises. Du millier des Sœurs de la Charité de Saint-Louis, 700 sont nord-américaines. La majorité des 400 Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie sont des canadiennes.
Notes de bas de page
1 La Congrégation des Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus de Saint-Jacut, Vannes, 1921.
2 A. Cabon, Mgr Alexis Guilloux, op. cit., p. 218.
3 J. Michel, Claude-François Poullart des Places, Paris, 1964, chap. XXII et appendice II.
4 Congrégation des Filles du Saint-Esprit, 1931, p. 15-19.
5 En 1940, 24 se trouvaient à Saint-Brieuc lors de l'invasion allemande.
6 M. Ponphily, La servante de Dieu Marie-Amélie Fristel, fondatrice de ta congrégation des Saints-Cœurs de Jésus et de Marie, Vannes, 1925.
7 A. Leroy, Histoire des Sœurs des Saints-Cœurs de Jésus et de Marie, Rennes, 1918, p. 101-102.
8 Sur ces communautés canadiennes, cf. Les Filles de la Providence de Saint-Brieuc, 1818-1926,1926.
9 Sur l'abbé Gaire et son entreprise, cf. M. Lagrée, Religion et cultures en Bretagne, op. cit., p. 353-354.
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