Chapitre XI. Instituts hospitaliers et autres instituts féminins
p. 189-197
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Texte intégral
Les Petites Sœurs des Pauvres
1Toute simple est l'origine des Petites Sœurs des Pauvres. Leur fondatrice, Jeanne Jugan, proclamée bienheureuse le 3 octobre 1982, naquit à Cancale en 1792, d'une pauvre famille de pêcheurs1. À vingt-cinq ans, sentant l'appel de Dieu à un don total d'elle-même, elle renonça au mariage et s'engagea comme aide-infirmière à l'hôpital du Rosais à Saint-Servan (aujourd'hui rattaché à Saint-Malo) ; puis elle se plaça comme servante chez une demoiselle Lecoq dont elle partagea la vie pieuse et bienfaisante. Elle approfondit sa vie intérieure par son engagement dans le Tiers-Ordre du Cœur de la Mère Admirable, fondé au xviie siècle par saint Jean Eudes, et très florissant alors, en particulier dans l'Ouest.
2À la mort de Mlle Lecoq en 1835, elle travailla en journées dans des familles de la région, et vers 1837, s'entendit avec Françoise Aubert, ancienne servante plus âgée qu'elle, pour louer, à l'étage d'une maison ouvrière, deux chambres surmontées d'un grenier.
3Le paupérisme qui régnait alors dans la plupart des villes sévissait durement à Saint-Servan. Un tiers des habitants étaient inscrits au Bureau de bienfaisance municipale. Au cours des visites qu'elle faisait aux malades, Jeanne Jugan trouvait souvent des vieillards plus ou moins abandonnés dans leurs mansardes. Ayant appris, au début de l'hiver de 1839, qu'une vieille femme aveugle et infirme, venait de perdre sa sœur, son seul appui, elle la transporta dans sa propre demeure, et résolut de pourvoir par elle-même à ses besoins. Puis d'autres vieillards furent accueillis pendant que de jeunes ouvrières de Saint-Servan venaient partager la vie de dévouement de Jeanne Jugan, formant avec elle une petite association qui s'achemina graduellement vers la vie religieuse. En 1842, les quatre premières Petites Sœurs des Pauvres2 prononcèrent des vœux - qui n'étaient pas encore à proprement parler des vœux de religion, puisque la congrégation ne sera reconnue officiellement par l'évêque de Rennes qu'en 1852 (elle deviendra de droit pontifical, le 9 juillet 1854).
4Mais déjà elles veulent vivre une vie religieuse, commencent à élaborer un règlement, choisissent comme supérieure Jeanne Jugan, qui prendra le nom de sœur Marie de la Croix.
Quatre ans après la naissance de l'œuvre, Jeanne fut victime d’immixions abusives et extérieures au groupe de ses premières compagnes. Elle se laissa dépouiller de sa charge de Supérieure, et un peu plus tard elle accepta de rentrer à la maison-mère pour une retraite qui durera vingt-sept années, sans la moindre protestation3.
5L'essor de sa congrégation fut extraordinaire. Les fondations hospitalières se multiplièrent avec rapidité, dans les principales villes françaises. Une dizaine d'années seulement après les humbles débuts de Saint-Servan, des Petites Sœurs des Pauvres portaient, hors de France, leur dévouement auprès de la vieillesse indigente. En Angleterre, où elles eurent comme introducteur auprès du public, le romancier Charles Dickens, elles ouvraient une maison à Londres dès 1851. En 1853, elles s'installaient en Belgique ; en 1863, elles s'implantaient en Espagne, où, vingt ans durant, elles fondèrent en moyenne deux maisons chaque année.
6Une centaine de maisons, ouvertes en Europe en moins de trente ans n'épuisaient pas les possibilités de dévouement des filles de Jeanne Jugan. En 1868, au premier appel de Lavigerie, elles débarquaient en Afrique du Nord. La même année, elles avaient pris pied aux États-Unis d'Amérique. Leur expansion dans ce pays fut particulièrement rapide. Un an après l'arrivée des premières Petites Sœurs venues de Bretagne, Brooklyn, Cincinnati, la Nouvelle-Orléans, Baltimore, Saint-Louis, Philadelphie, et Louisville, étaient dotées de maisons hospitalières pour les vieillards. Aujourd'hui, les États-Unis comptent 35 maisons de Petites Sœurs, dans 23 États.
7À partir de 1885, d'autres Petites Sœurs partaient pour l'Amérique du Sud, au Chili d'abord, puis pour la Colombie et pour l'Argentine. D'autres encore prenaient le chemin de l'Asie ou de l'Océanie. Elles étaient en Inde en 1882, au Sri Lanka (Ceylan) en 1887, en Birmanie en 1898, en Malaisie en 1900, en Chine en 1904. L'Australie les accueillait en 1884, la Nouvelle-Zélande en 1888, la Nouvelle-Calédonie en 1897.
8Une pareille extension géographique était conditionnée par un recrutement d'une abondance exceptionnelle. Quand on lit la biographie de l'abbé Ernest Lelièvre, on est saisi au récit des fondations faites hors de France par ce prêtre, qui mit sa belle intelligence et sa vie entière au service des Filles de Jeanne Jugan. L'abbé s'en va entreprendre une campagne de fondations dans un pays d'Europe, en Afrique du Nord ou aux États-Unis : il voit les évêques, leur propose les services des Petites Sœurs des Pauvres et, dès que l'ouverture d'une maison est décidée, il en prévient la supérieure générale qui lui envoie une douzaine de religieuses. Une dizaine de fondations peuvent se succéder en quelques mois, il y a toujours des Petites Sœurs disponibles.
9Pour comprendre pareilles possibilités, il faut se pencher sur les registres du noviciat de La Tour-Saint-Joseph en Saint-Pern (Ille-et-Vilaine). Ils nous apprennent que moins de vingt ans après sa fondation, l'institut comptait déjà plus de 600 membres, et que plusieurs années - la dernière fut 1891 – le nombre des professions de jeunes filles françaises dépassa la centaine. Cet afflux de vocations permettait de répondre aux nombreuses demandes de fondations qui provenaient d'évêques, d'ecclésiastiques, ou de laïcs.
10De plus, dans tous les pays où s'installaient les Petites Sœurs, le rayonnement de leur charité attirait des jeunes filles désireuses de se donner à Dieu dans le service des pauvres. Elles n'étaient pas aux États-Unis depuis un an que, déjà, plusieurs jeunes Américaines étaient arrivées au noviciat de la Tour Saint-Joseph. À Melbourne (Australie) un an après la fondation, on note six postulantes. À Shanghaï, deux postulantes se présenteront l'année même de l'arrivée des Petites Sœurs (1904).
11En 1900, les Petites Sœurs comptaient déjà dans leurs rangs 179 Américaines, 65 Petites Sœurs originaires d'Océanie, 7 d'Asie qui, en majorité, s'étaient formées en Bretagne à la vie religieuse. Mais déjà à cette date, la proportion de vocations d'origine française accuse une diminution qui, depuis, n'a fait que s'accentuer. Alors que plus de 700 jeunes religieuses françaises étaient sorties de La Tour-Saint-Joseph de 1881 à 1890, il n'en est sorti que 220 de 1931 à 1940. En 1900, sur un total de 5 493 Petites Sœurs, 3 415, soit 62 % étaient d'origine française. En 1939, les Françaises, réduites à 1 905 ne représentaient plus que 35 % de 5 393 religieuses ; en 1984, elles étaient 669 sur 4284, soit 15,67 %.
12Il faut noter que dès qu'il y eut des vocations d'autres pays, les communautés furent internationales. Cette caractéristique est pour les Petites Sœurs un héritage qu'elles s'efforcent de conserver dans la mesure du possible. L'expansion des Petites Sœurs des Pauvres dans les cinq parties du monde n'a pas modifié le charisme originel de leur humble fondatrice : partout, elles refont ce qu'a fait Jeanne Jugan : accueillir et entourer jusqu'à la mort des personnes âgées, pauvres ou de ressources modiques, quelle que soit leur nationalité ou leur croyance, dans des maisons de type familial, adaptées à leurs besoins et à leurs aspirations.
13Jeanne Jugan et ses premières compagnes avaient réussi, par un redoublement de travail, à entretenir leurs premiers vieillards Saint-Servantins mais, dès que le nombre de ceux-ci eût atteint la douzaine, la fondatrice se substitua à ses pauvres, elle se fit « chercheuse de pain ». Et depuis, les Petites Sœurs des Pauvres sont essentiellement des quêteuses. Elles veulent ainsi dépendre de la Providence ; leurs Constitutions refusent délibérément les fondations de lits ou les legs dont le capital serait placé à rentes perpétuelles ; et malgré l'existence de retraites-vieillesse en bien des pays, la quête demeure pour elles une nécessité vitale ; elle leur permet d'étendre en priorité leur service aux pays les plus défavorisés. Ainsi, de 1969 à 1982, sur 26 nouvelles fondations, 17 ont été réalisées en Afrique, Asie, Amérique Latine.
14La quête est une démarche apostolique, créant un réseau d'entraide et d'amitié, ouvrant les cœurs au sens du partage, et par là au cheminement de la grâce. Sous tous les cieux, les Petites Sœurs reçoivent un accueil bienveillant et généreux, de la part de personnes de toutes religions et conditions sociales. En 1994, les Petites Sœurs des Pauvres sont présentes dans 30 pays, au service de 32 000 personnes âgées, accueillies dans 258 maisons. Elles-mêmes sont de 49 nationalités différentes. Dans un monde où croît le nombre des personnes âgées, où la recherche de l'efficacité et du rendement l'emporte souvent sur les valeurs de la personne et le respect de la vie, la mission des filles de Jeanne Jugan apparaît aussi actuelle qu'il y a un siècle et demi : témoigner de l'amour du Christ pour les pauvres et les petits et, en même temps, aider le monde à redécouvrir les richesses du grand âge.
15La quasi totalité des premières Petites Sœurs des Pauvres, plus du tiers des Petites Sœurs françaises ayant fait profession avant la fin du xixe siècle, étaient des Bretonnes. Depuis 1900, l'apport breton a diminué plus rapidement encore que celui du reste de la France. De 1931 à 1940, il n'a été que de 50 religieuses soit moins de 23 % des Petites Sœurs françaises.
16Le nombre des départs hors d'Europe de religieuses bretonnes s'est évidemment ressenti de cette évolution : il y en avait eu cinq ou six par an de 1871 à 1900 ; mais il n'y en a eu que dix de 1931 à 1940 et dix seulement au cours du dernier demi-siècle. De 1868 à nos jours, 263 Petites Sœurs bretonnes ont été envoyées en pays de mission ; 193 étaient nées en Ille-et- Vilaine, 58 dans la Loire-Atlantique, 58 dans les Côtes-du-Nord, 35 dans le Morbihan et 19 dans le Finistère.
17Les Petites Sœurs originaires d’Ille-et-Vilaine et de Loire-Atlantique proviennent de toutes les régions de ces départements ; celles du Finistère, plus du pays de Léon que de la Cornouaille ; celles des Côtes-d'Armor et du Morbihan, presque uniquement du pays Gallo. Dans toute la province, elles proviennent de paroisses rurales dans une proportion supérieure à 90 %.
18La Tour-Saint-Joseph reste toujours la Maison-Mère des Petites Sœurs des Pauvres et la grande maison de formation qui leur assure cette remarquable unité d'esprit qui se constate chez elles, quel que soit leur nationalité ou leur champ d'apostolat.
19Il existe plusieurs maisons de noviciat, pour la première formation, avant les premiers vœux : France (à La Tour-Saint-Joseph), Espagne, Italie, Irlande, États-Unis, Colombie, Australie, Inde et Hong-Kong.
20Mais, avant leur profession perpétuelle, toutes les Petites Sœurs passent une année à La Tour Saint-Joseph pour s'y imprégner plus profondément de l'esprit de leur fondatrice, dans les lieux mêmes où elle vécut et mourut.
Les Filles de la Charité de Saint-Vincent de Paul
21La Compagnie des Filles de la Charité, fut établie à Paris, en 1633, par Saint-Vincent de Paul et par la bienheureuse Louise de Marillac. Les Filles de la Charité ne font que des vœux simples et annuels. Elles se vouent à toutes les œuvres de charité spirituelle et corporelle, particulièrement au soin des pauvres et des malades.
22Leur institut, très populaire, se propagea jusqu'en Bretagne avant même d'être officiellement approuvé (1655). Elles ouvrirent un hospice à Nantes dès 1646 et un hôpital à Hennebont en 1652. Quand vint la Révolution, elles se dévouaient dans des hôpitaux ou des maisons de charité à Saint-Méen-le-Grand (1670), à Rennes (1675), à Saint-Malo (1681), à Vannes (1682), à Morlaix (1752) et à Vitré (1787). Les communautés bretonnes se multiplièrent au cours du xixe siècle. Il y en avait 35 en 1900, dont 15 en Ille-et-Vilaine.
23Les Filles de la Charité débutèrent leur activité missionnaire à Constantinople en 1839. Elles s'établirent par la suite en divers pays de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique. La Bretagne leur a donné 245 missionnaires, 79 du diocèse de Rennes, 55 de celui de Saint-Brieuc, 44 de celui de Vannes, 40 de celui de Nantes et 27 de celui de Quimper. Pendant soixante ans (1850-1910), la moyenne des départs hors d'Europe était de 29 par décennie. La diminution du nombre des vocations l'a ramenée à 13 entre 1910 et 1940. Au cours du dernier demi-siècle, 25 religieuses seulement sont parties. 110 des Bretonnes de l'institut se sont dévouées en Amérique du Sud, 84 dans les pays d'Afrique du Nord ou du Proche-Orient, 30 en Extrême-Orient et 15 en Afrique Noire.
24Dans son ouvrage, Les Sœurs de la Charité en mission, le P. Baetman a consacré des notices à plusieurs Bretonnes. Voici ce qu'il dit de sœur Jeanne Monterrin (1866-1934), l'aînée d'une famille de quinze enfants :
À 25 ans elle entra en communauté et au lendemain de ses vœux, elle partit pour le Chili. Immédiatement, bien qu'elle fût jeune, on lui confia deux salles de marins hospitalisés à l'hôpital de Valparaiso. Ses malades la vénéraient comme une mère. Mais on construisit pour les marins un établissement spécial et Sœur Monterrin, après 30 ans passés à leur chevet, dut se séparer de ses chers malades. Les marins cependant n'oubliaient pas celle qu'ils continuaient à appeler leur mère : deux fois par an, une délégation venait l'assurer de la fidélité de leur souvenir. L'ascendant qu'elle conserva sur eux fut tel qu'au cours d'une révolte, sa présence gagna une soumission que les menaces n'avaient pu obtenir.
À la nouvelle de sa mort, les Officiers de la Marine demandèrent la faveur de se charger de ses funérailles. Ils n'épargnèrent rien pour lui témoigner leur reconnaissance, jusqu'à transporter son cercueil sur l'affût d'un canon, honneur réservé aux officiers supérieurs. C'était le 25 août 19344.
25Il convient de signaler aussi une Lorientaise, sœur Hermine Simon- Suisse, sœur de Jules Simon. Elle comptait déjà cinquante ans lorsqu'en 1856, elle put réaliser le désir qu'elle avait manifesté d'aller dans les missions. Envoyée au Pérou, elle se dévoua jusqu'à sa mort (1880) à l'asile des aliénés de Lima.
Les Augustines Hospitalières
26La fondation des Augustines Hospitalières de la Miséricorde de Jésus remonte au Moyen Âge. Dès le xiie siècle, elles étaient établies à l'Hôtel- Dieu de Dieppe. Au xviie siècle elles prirent un grand développement, fondèrent plusieurs hôpitaux en Bretagne et, en même temps que les Ursulines, envoyèrent des religieuses au Canada5. En 1940, les Augustines comptaient en France 23 maisons indépendantes les unes des autres ; 12 de ces maisons françaises étaient situées en Bretagne, dont les principales sont celles de Rennes, de Fougères, de Malestroit et de Pont-l'Abbé. La communauté de Pont-l'Abbé a été à l'origine de fondations d'hôpitaux et d'écoles en Afrique du Sud. En septembre 1885, Mgr Nouvel, évêque de Quimper, lui présenta Mgr Jolivet, vicaire apostolique du Natal et repartit pour sa ville épiscopale en disant qu'il laissait tous ses pouvoirs à l'évêque missionnaire « excepté celui d'enlever ses filles pour sa Mission ».
27Mgr Jolivet, dont la famille habitait Pont-l'Abbé, revint plusieurs fois. Le 8 septembre, après avoir célébré la messe dans la chapelle du monastère, il se rendit au parloir où toute la communauté était réunie. La conversation s'engagea avec entrain et animation. L'évêque parla des Cafres, de ses œuvres, de ses communautés religieuses. Il dit que des hospitalières lui faisaient défaut et qu'il serait heureux d'avoir au moins une communauté d'Augustines dans son vicariat. Il n'en fallait pas davantage pour faire naître dans le cœur de plusieurs de ses auditrices le désir de se rendre en Afrique du Sud. La fondation d'un hôpital au Natal était dès lors en germe et sa réalisation n'était qu'une affaire de temps. La communauté consentait volontiers à faire le sacrifice de quelques religieuses et Mgr Nouvel se disposait à donner son autorisation nécessaire quand la mort l'emporta en 1887.
28Mgr Lamarche, son successeur, ne fut pas aussi favorable au projet des Augustines. Il s'y opposa même fortement et laissa sans réponse plusieurs lettres de Mgr Jolivet. Depuis 1885, la perspective d'une fondation en Afrique « électrisait » la jeunesse du monastère et rendait parfois les récréations bien amusantes6. Le nouvel évêque de Quimper défendit aux religieuses de parler entre elles de cette fondation. « Cependant, malgré tous les obstacles suscités par les hommes, l'espérance restait au fond des cœurs7 ».
29En juillet 1891, Mgr Jolivet revint en France. À la suite de plusieurs rencontres avec Mgr Lamarche, il fut assez heureux pour lui arracher le consentement qu'il refusait depuis trois ans. Le 8 septembre, cinq moniales quittèrent Pont-l'Abbé. En traversant la Bretagne pour se rendre à Dieppe, leur port d'embarquement, elles visitèrent les communautés d'Auray, de Rennes, de Vitré et de Fougères. Partout, des religieuses leur manifestèrent un vif désir de les accompagner au Natal ; deux religieuses de Vitré et une de Fougères obtinrent immédiatement de se joindre à elles.
30Ce premier départ fut suivi de plusieurs autres. En 1897, les Augustines dirigeaient déjà en Afrique les hôpitaux d'Estcourt, de Durban, de Ladys-mith et de Maritzburg. Elles ouvrirent un noviciat au Natal. Plusieurs jeunes filles quittèrent la Bretagne pour y entrer. En 1940, les monastères d'Afrique du Sud avaient reçu 85 religieuses bretonnes. Beaucoup étaient décédées. Les survivantes, même renforcées par l'appoint d'un modeste recrutement indigène et de quelques sœurs canadiennes, étaient trop peu nombreuses pour suffire aux besoins de leurs cinq hôpitaux, de sept écoles et de deux orphelinats pour Indiens et gens de couleur. Pour assurer la relève, un noviciat d'Augustines missionnaires fut ouvert à Malestroit (Morbihan). De 1945 à 1962 une quinzaine de religieuses formées dans cet établissement sont parties au Natal.
Les Filles de Notre-Dame du Sacré-Cœur d'Issoudun
31La congrégation des Filles de Notre-Dame du Sacré-Cœur fut instituée à Issoudun en 1882, par le P. Chevalier, fondateur des missionnaires du Sacré-Cœur, et par la Mère Marie-Louise Hartzer, une pieuse veuve alsacienne. Elle a pour but l'éducation de la jeunesse et le soin des malades. Dès 1884, elle réserva aux missions d'Océanie une large part de son personnel.
32Des 84 sœurs envoyées dans les missions par cette petite congrégation de 1884 à 1940, 37 lui avaient été fournies par la Bretagne, 31 par le seul diocèse de Nantes. Le diocèse de Nantes avait donné en tout 81 Filles du Sacré-Cœur, originaires pour la plupart des cantons de Clisson et d'Aigre- feuille. Cet important recrutement et sa localisation doivent être attribués à l'abbé Ocques, curé de Saint-Hilaire de Clisson de 1881 à 1907. Très attaché aux Missionnaires du Sacré-Cœur, ce prêtre s'intéressa à la congrégation féminine fondée par le P. Chevalier. Il orienta une vingtaine de ses jeunes paroissiennes vers le noviciat d'Issoudun, déclenchant ainsi un mouvement de vocations qui s'étendit rapidement aux paroisses voisines. Des 8 religieuses bretonnes envoyées dans les missions depuis la Seconde Guerre mondiale, 6 sont originaires de la Loire-Atlantique.
Autres instituts
33En mars 1855, Mgr Timon, évêque de Buffalo (aux États-Unis), qui désirait doter son diocèse d'une maison pour le relèvement moral des filles repenties, s'adressa au monastère de la congrégation de Notre-Dame de la Charité connue à Rennes sous le nom de Saint-Cyr8. Trois mois plus tard, le couvent souhaité par Mgr Timon était fondé. Un noviciat lui fut aussitôt annexé qui permit à la petite colonie d'essaimer en divers diocèses des États-Unis et du Canada, de sorte que le couvent rennais de Saint-Cyr est à l'origine de tous les monastères de Notre-Dame de la Charité établis aujourd'hui en Amérique, dont les principaux sont ceux d'Ottawa (1866), d'Alleghany (1872), de Toronto (1875), de Green-Bay (1882), de New- Westminster (1890).
34La congrégation des Sœurs Marianites de Sainte-Croix fut instituée dans la ville du Mans, en 1841, par le P. Moreau, fondateur des Prêtres de Sainte- Croix. Dès 1843, elle pouvait envoyer quelques sujets aux États-Unis, où, sept ans plus tard, elle était déjà établie dans l’Indiana, le Michigan, le Kentucky et la Louisiane.
35Lorsqu' en 1859, les Pères de Sainte-Croix prirent la direction du collège Saint-Charles de Saint-Brieuc, les Sœurs Marianites se virent confier la sacristie, la lingerie, l'infirmerie et la cuisine de cet établissement. Elles commencèrent alors à se recruter en Bretagne. Aujourd'hui, environ 43 % des Marianites françaises sont des Bretonnes.
36Le nombre des religieuses bretonnes qui ont porté leur dévouement hors de l'Europe s'élève à 48 : 1 au Bengale, 4 au Canada, 43 aux États-Unis dans les écoles de Louisiane et surtout à New-York dans des œuvres : orphelinats, crèches, hôpitaux, créés exclusivement pour les Français émigrés aux États-Unis.
37Deux Bretonnes, originaires de Saint-Brieuc ont été portées au gouvernement général de la congrégation : sœur Marie-des-Archanges (Jeanne Gauvin), partie pour la Nouvelle-Orléans en 1859, supérieure générale de 1901 à 1913, et sœur Marie de Saint-Julien, pendant treize ans supérieure de l'hôpital français de New York, élue supérieure générale de l'institut en 1932.
38Une dizaine de congrégations féminines comptent des Bretonnes parmi leurs religieuses missionnaires. Les Sœurs de la Mère de Dieu en ont envoyé 24 en Égypte ; les Auxiliatrices des âmes du Purgatoire, 7 en Chine ; les Sœurs du Bon Pasteur d'Angers, 15 en Afrique du Nord, 24 à Ceylan ou en Amérique ; les Dominicaines de la Présentation de Tours, 14 à Mossoul ou en Syrie ; les Franciscaines de Sainte-Marie des Anges, 12 dans l'Inde ; les Sœurs de l'Immaculée-Conception de Castres, 10 au Sénégal ou au Gabon ; les Franciscaines de Calais, 10 à Djibouti ou en Éthiopie ; les Sœurs de Sion, en divers pays de l'Amérique ou de l'Orient méditerranéen ; les Trappistines, 6 en Chine ou au Japon ; les Dames de Saint-Maur, 3 au Japon.
39L'institut de l'Immaculée-Conception d'Annecy fut fondé en 1855 par Marie de Mélient, une Lorientaise. Sa maison-mère est à Annecy mais son premier berceau fut le domaine de Lanorgard situé sur la commune du Trévoux (Finistère). Elle est établie dans cinq diocèses de France dont ceux de Quimper et de Vannes.
40Le P. Oliviéri, prêtre du diocèse de Gennes, lui confia des fillettes qu'il avait rachetées sur les marchés de la Côte orientale d'Afrique. Marie de Mélient (sœur Marie de l'Immaculée-Conception), pensa bien faire en les réunissant dans une sorte d'orphelinat implanté dans sa province natale. De 1869 à 1877, 27 petites négresses furent accueillies à Lanorgard. Huit y moururent précocement. Celles qui résistèrent au climat breton furent dirigées vers Port-Saïd et prises en charge par les Sœurs du Bon Pasteur d'Angers établies dans cette ville9.
Notes de bas de page
1 Ch.-A. Halleu, Jeanne Jugan, (sœur Marie de la Croix) fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres (1792-1879), Rennes, 1938.
2 A. Leroy, Histoire des Petites Sœurs des Pauvres, 1902, p. 72.
3 Mgr Baunard, Ernest Lelièvre et les fondations des Petites Sœurs des Pauvres (1826-1889), Paris, 1923, pp. 348-369 et 393-412.
4 P. Baetman, Les Filles de la Charité en mission, Évreux, 1936.
5 R. Piacentini, Canada et Bretagne 1639-1939, Paris, 1939.
6 Lettre annuelle de la communauté de Pont-l'Abbé, du 18 décembre 1887. Archives de la communauté de Pont-l'Abbé.
7 Lettre du 1ermars 1893 adressée par la communauté d'Escourt (Natal) aux autres monastères d'Augustines. D'après l'exemplaire des archives de la communauté de Pont-l'Abbé.
8 Les monastères de cette congrégation fondée à Caen, en 1641, par saint Jean Eudes, sont indépendants les uns des autres. Celui de Rennes, le deuxième de la congrégation, fut fondé par saint Jean Eudes lui-même, en 1673.
9 Les petites fleurs sauvages transplantées à l'ombre de la Vierge Immaculée, Annecy, 1871. Brochure de 158 pages vendue « au profit de l'Orphelinat des petites négresses en Bretagne », lettre de l'abbé Breton, aumônier de l'Orphelinat de Lanorgard, 7 nov. 1945.
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