Chapitre VI. Sociétés et congrégations masculines spécifiquement missionnaires
p. 101-120
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Texte intégral
La Société des Missions Étrangères
1La Société des Missions Étrangères fut fondée, en 1658, par Mgr Pallu et Mgr Lambert de la Motte, mais elle n'aurait pas vu le jour sans le P. Bagot1, jésuite rennais, directeur à Paris de l'Association des Amis ou Aa Ce fut en effet parmi les membres de cette association secrète de piété, appelés Bagotiens par les libelles jansénistes que se trouvèrent les fondateurs et les premiers prêtres des Missions Étrangères.
2Au début du xixe siècle, un autre Rennais, le P. Langlois, dont nous connaissons déjà l'influence sur les origines de l'Œuvre de la Propagation de la Foi, eut une part prépondérante dans la restauration du séminaire de la Société (établi rue du Bac à Paris) dont, après douze ou treize ans passés au Tonkin, il fut nommé directeur. Lorsqu'en 1809, Napoléon Ier en ordonna la fermeture, il se retira à Rennes. Rentré à Paris en 1814, il obtint le rétablissement légal du séminaire et de la Société des Missions Étrangères et fit preuve d'une intelligente activité pour leur assurer des vocations apostoliques et des ressources matérielles. Par la publication de brochures, il s'efforça d'attirer sur les missions l'attention des catholiques français. Il édita en particulier, de 1818 à 1823, les Nouvelles Lettres édifiantes et curieuses de la Chine et des Indes Orientales (8 volumes)2 qui, à Lyon, à Rennes et dans plusieurs autres villes contribuèrent au développement de son Association de prières pour les missions, première ébauche de la Propagation de la Foi. En 1823, il fut élu supérieur du séminaire de la rue du Bac qu'il gouverna pendant vingt-huit ans3.
3De sa fondation à la fin du xviiie siècle, la Société des Missions Étrangères avait envoyé en Extrême-Orient 300 prêtres missionnaires dont 32 Bretons. De 1801 à 1940, le nombre des missionnaires français s'est élevé à 3 272 et celui des Bretons à 389.
4La courbe de recrutement des Missions Étrangères offre un intérêt particulier. Cette société fut une des premières sociétés religieuses reconnues par Napoléon Ier puis par le gouvernement de Louis XVIII. Jusqu'en 1840, elle fut la seule société vouée exclusivement à l'apostolat missionnaire. À la différence de presque tous les autres mouvements missionnaires, elle est connue dans l'ensemble de la France, et il n'est pas un seul diocèse qui n'ait contribué à son recrutement. La propagande, si profitable au clergé d'Haïti, au clergé des États-Unis et la plupart des instituts religieux, faite par des évêques ou par des missionnaires qui, lors de leurs séjours en France, passaient dans les collèges, les séminaires et les paroisses, n'a été pratiquée par elle que dans une mesure très restreinte car c'est sans esprit de retour que ses membres partent pour l'Extrême-Orient. Certains de ces évêques bretons ont passé cinquante et même soixante ans en Mandchourie ou au Tibet sans revenir une seule fois en Europe. Enfin, jusqu'en 1931, elle n'a pas ouvert d'écoles apostoliques et n'a voulu d'autres maisons de formation qu'un séminaire de philosophie et un séminaire de théologie. Elle peut donc être considérée comme le témoin du mouvement des vocations apostoliques en France depuis la Révolution. Or de 1801 à 1850, elle n'a reçu que 26 prêtres bretons (moyenne annuelle, 0,5) ; elle en a reçu 42 de 1851 à 1870 (moyenne annuelle, 2) ; 238 de 1871 à 1910 (moyenne annuelle, 6) ; 83 de 1911 à 1940 (moyenne annuelle, 2,7).
5Le diocèse de Rennes a fourni à lui seul 38 % des prêtres bretons. L'influence du P. Langlois n'est pour rien dans l'importance de cette proportion. Au cours de son supériorat, le séminaire de la rue du Bac reçut moins de Rennais que de Nantais ou de Briochins. Pendant les soixante- dix premières années du xixe siècle, douze Rennais seulement partirent pour les missions d'Extrême-Orient. Depuis 1860, le mouvement des vocations missionnaires s'était brusquement développé dans le diocèse, mais les Missions Étrangères en avaient moins profité que le clergé d'Haïti ou celui des États-Unis. De 1870 à 1880, elles furent mieux partagées puisqu'elles comptèrent quinze Rennais parmi leurs partants. Puis ce furent dix années de disette relative ; alors que de l'ensemble des diocèses de France, les vocations affluaient toujours plus nombreuses rue du Bac, neuf seulement viennent de celui de Rennes. Mais de 1891 à 1910, au moment même où le mouvement des départs pour les missions battait son plein, les Missions Étrangères se taillèrent la part du lion : elles reçurent soixante-cinq Rennais. C'est grâce à cet apport massif que le diocèse de Rennes a mérité d'être compté parmi les cinq grandes pépinières de la Société (après Lyon, Le Puy, Rodez et Besançon) car elle n'avait reçu que dix-sept Rennais de 1801 à 1911 et elle n'en a reçu que trente et un de 1911 à nos jours.
6Les Missions Étrangères ont reçu 121 prêtres du diocèse de Nantes dont 67 de 1860 à 1900, 92 du diocèse de Saint-Brieuc dont plus de la moitié de 1881 à 1910, 87 du diocèse de Quimper et 57 du diocèse de Vannes. Le courant des vocations vannetaises, qui ne prit une certaine importance qu'à partir de 1870, s'est maintenu à peu près régulier jusqu'en 1950. Le diocèse de Quimper sembla pendant longtemps ignorer l'existence de la Société ; depuis 1910, avec un apport de 63 missionnaires, il est envers elle le plus généreux des diocèses bretons.
7Dix-sept prêtres bretons des Missions Étrangères ont été élevés à l'épiscopat. Mgr Jean-François Ollivier, né à Pleurtuit (Ille-et-Vilaine) avait été vicaire à Miniac-Morvan avant de se faire missionnaire. Il fut le premier prêtre à quitter la Bretagne pour l'Extrême-Orient au début du xixe siècle. En 1825, il fut nommé vicaire apostolique du Tonkin occidental. Presqu'aussitôt après son sacre, sa chrétienté subit une violente persécution. Réduit à se cacher dans les forêts, il mourut dès 1828. Son successeur fut Mgr Joseph Havard, né à Thourie (Ille-et-Vilaine), ancien avocat stagiaire dans le cabinet de Corbière ministre de Louis XVIII. Il mourut en 1839 en essayant d'échapper aux persécuteurs des chrétiens. Mgr Étienne Charbonneaux, né à La Guerche (Ille-et-Vilaine), fut mis en 1847 à la tête du nouveau vicariat apostolique du Maïssour (Inde). Tout était à fonder dans sa mission. Quand il mourut en 1873, il laissa celle-ci dans une situation florissante.
8Mgr Félix Ridel, né à Chantenay (Loire-Atlantique), s'embarqua pour la Corée en 1860. En 1866, il fut chassé de cette région par une persécution qui coûta la vie à neuf de ses confrères ; il y rentra comme vicaire apostolique après avoir été sacré à Rome en 1870. Il fut arrêté en 1878, et ne fut libéré des prisons de Séoul et conduit en Chine que sur l'intervention du ministre de France à Pékin. La maladie l'obligea à rentrer en Europe en 1882.
9Mgr Laouënan fut une des gloires de la Société des Missions Étrangères. Il était dans l'Inde depuis 1846 lorsqu'en 1859 il fut choisi comme secrétaire par Mgr Bonnaud, chargé par Pie IX d'examiner l'état religieux de différents vicariats de l'Inde. Pendant trois ans, le P. Laouënan accompagna ce prélat. Il parcourut ainsi l'île de Ceylan et toutes les missions de l'Indous- tan, du Cap Comorin jusqu'à l'Himalaya. Au cours de ce long voyage, il nota une foule de remarques sur les habitants de l'Inde, leur histoire, leurs mœurs, leur religion qui, revues, complétées et comparées avec celles d'autres savants européens constituèrent la matière d'un ouvrage intitulé Du Brahmanisme et de ses rapports avec le Judaïsme et le Christianisme4.
10Il était vicaire apostolique depuis seize ans lorsqu'en 1884, il fut appelé à Rome. Léon XIII, convaincu de l'inanité du patronage accordé jadis au Portugal sur les Églises de l'Inde et affligé des troubles continuels dont cette survivance était la source, avait résolu d'y mettre un terme. Deux ans durant Mgr Laouënan prêta au pape le secours de son expérience pour la solution de cette épineuse question. En 1886, il fut nommé assistant au trône pontifical et archevêque de Pondichéry. Sous sa direction le nombre des chrétiens de sa mission passa de 120 000 à 217 000.
11Mgr Jean-Baptiste Budes de Guébriant, était né à Paris d'une vieille famille bretonne de Saint-Pol-de-Léon. Après vingt-cinq ans passés dans le Setchouen méridional (Chine), il se vit confier par la Propagande le nouveau vicariat apostolique de Kienchang ; puis, en 1916, celui de Canton. En 1919, il fut chargé par Benoît XV de visiter toutes les missions de Chine ; en 1921, l'assemblée générale des Missions Étrangères de Paris, réunie à Hong-Kong le choisit pour supérieur de la Société, charge qu'il exerça jusqu'à sa mort en 1935. Par sa puissante personnalité, son grand prestige et son inlassable activité, il s'est classé parmi les missionnaires les plus célèbres de l'époque contemporaine.
12Georges Goyau a surnommé le séminaire de la rue du Bac l'École polytechnique du martyre et il est vrai que tout candidat aux Missions Étrangères de Paris peut considérer la mort violente comme l'achèvement assez normal de sa carrière. Le martyrologe de la Société porte les noms de quatorze Bretons.
13François Mabilleau, né à Paimbeuf en 1829, fut envoyé dans le Setchouen oriental en 1858. Dans la soirée du 29 août 1865, des païens s'emparèrent de lui, le frappèrent et le précipitèrent dans le fleuve ; étonnés de constater qu'après plusieurs immersions il respirait encore, ils lui écrasèrent la tête avec une énorme pierre5.
14La conquête de l'Indochine par la France provoqua des persécutions contre le catholicisme. Le P. Louis Guyomard, né à Baud (Morbihan) en 1858, arrivé au Cambodge en 1823, y fut massacré en 1885. Les PP Louis Guégan, de Saint-Vran (Côtes-du-Nord), François-Xavier Barrat, de Rougé (Loire-Atlantique), et Jean-Marie Poirier, de Sainte-Colombe (Ille-et-Vilaine) furent massacrés la même année en Cochinchine. En 1884, le P. Poirier était tombé au pied de l'autel où il venait de dire la messe et de communier près de 400 chrétiens qui avaient péri avec lui.
15En 1900, trois missionnaires de Mandchourie : les PP. Jean-Marie Viaud, de Saint-Julien-de-Concelles (Loire-Atlantique), Auguste Le Guével, de Vannes, Louis Leray, de Ligné (Loire-Atlantique) furent tués par les Boxers. En 1905, le P. Pierre Bourdonnec, de Ploumilliau (Côtes-du-Nord), après une carrière apostolique de plus de vingt ans dans la dure mission du Tibet, eut le corps criblé de flèches et fut décapité. Trois missionnaires ont été tués en Chine par des soldats japonais : le P. Sonnefraud, de Saint-Briac (Ille-et-Vilaine) en 1940 ; Mgr Gouin et le P. Seznec, de Kerfeuntein (Finistère) en 1945. Le P. Chauvel, de Cancale (Ille-et-Vilaine), a été mis à mort à Saïgon en 19466.
La congrégation du Saint-Esprit
16Le fondateur de la congrégation du Saint-Esprit, Claude-François Poullart des Places, fils d'un avocat au Parlement de Bretagne, naquit à Rennes en 1679. Après de brillantes humanités au collège des jésuites, où il se lia d'amitié avec Louis-Marie Grignon de Montfort, il poursuivit ses études à Paris au collège Louis le Grand. N'étant encore que simple tonsuré, il groupa quelques jeunes clercs sans fortune en un séminaire de « pauvres escholiers » qu'il dédia au Saint-Esprit. Pour l'aider dans la direction de cet établissement, il fit venir de Rennes Michel Le Barbier, un jeune prêtre rennais de ses amis, et Jacques Garnier, un sous-diacre de Janzé. Il mourut dès 1709, et Jacques Garnier, son successeur, ne lui survécut que quelques mois. La fondation, dont l'existence était bien compromise par ces morts prématurées, fut sauvée par Louis Bouic, un diacre du diocèse de Saint-Malo et Pierre Caris, de Vern-sur-Seiche. Une collaboration de plus d'un demi- siècle et des qualités exceptionnelles permirent à ces deux Bretons de continuer l'œuvre de Poullart des Places et de porter à un très haut degré le prestige de son séminaire7.
17Les Messieurs du Saint-Esprit, comme on appelait alors les disciples de Poullart des Places, ne partaient pas pour les pays lointains mais, devenus prêtres, leurs pauvres escholiers s'attachaient aux ministères les plus pauvres et les plus délaissés soit en France, soit dans les missions. Tout au cours du xviiie siècle, le séminaire du Saint-Esprit reçut un fort contingent d'étudiants Bretons. De ceux-ci, sept au moins embrassèrent la vie apostolique dans la Société des Missions Etrangères8.
18En 1792, l'Assemblée législative supprima l'œuvre de Poullart des Places à la fois sous le nom de congrégation du Saint-Esprit et sous celui de congrégation des Bouics qui lui avait été donné par les jansénistes.
19Pendant la seconde moitié du xviiie siècle, cette société religieuse s'était orientée insensiblement vers la préparation d'un clergé colonial. Ce fut exclusivement en vue des missions coloniales qu'en 1816 elle reçut de Louis XVIII l'autorisation de reparaître9.
20Malgré la présence de quelques anciens élèves comme MM. Paradis et Longueville, les deux derniers préfets apostoliques de Saint-Pierre-et. Miquelon, qui vivaient retirés, l'un dans les Côtes-du-Nord, l'autre à Saint-Servan, une interruption d'un quart de siècle avait suffi pour faire oublier en Bretagne ses origines bretonnes et même l'existence de la congrégation du Saint-Esprit. Sa renaissance était du reste si modeste, ses membres si peu nombreux, qu'elle n'attirait pas l'attention. Il s'en était fallu de peu cependant que, sous le gouvernement de Charles X, elle n'ait été renouvelée par un Rennais. À Rennes, vers 1826, M. Blanchard s'efforçait lui- même de ressusciter la Société de Jésus et Marie fondée au xviie siècle par saint Jean Eudes. En quête de collaborateurs, il jetait les yeux sur le jeune René Bertin, l'un des plus brillants élèves du petit collège qu'il avait établi dans le faubourg du Pont-Saint-Martin. Mais les Eudistes n'avaient point de missions et c'était vers les missions que l'adolescent, ému par les Annales de la Propagation de la Foi se sentait irrésistiblement entraîné. On le dirigea vers le séminaire du Saint-Esprit. Il fut tout surpris d'y apprendre que la congrégation dirigeant cet établissement avait été fondée par son compatriote Poullart des Places et gouvernée pendant de longues années par toute une équipe de Bretons. Il s'y attacha dès lors comme à un bien de famille, souffrit de voir son existence en danger et, conseillé par M. Mollevaut, célèbre directeur du séminaire de Saint-Sulpice, il prépara sa restauration.
Je formai avec deux ou trois de mes condisciples, lisons-nous dans son autobiographie, une petite association de prières... Nous étions déjà vingt et quelques associés en 1830, décidés à nous incorporer à la congrégation du Saint-Esprit qui ne comptait alors que cinq ou six membres. Sans la Révolution de 1830 (qui dispersa le séminaire) cette congrégation se trouvait indubitablement rétablie par cette augmentation de sujets10.
21La suppression de tout subside au Séminaire colonial par Sébastiani, le premier ministre de la Marine et des Colonies de la monarchie de Juillet, eut en effet pour conséquence la dispersion des séminaristes.
22À son arrivée à Rennes, l'abbé Bertin se rendit près de M. Blanchard qu'il trouva à l'agonie. Cette visite inattendue fit renaître chez le vieillard un vif désir de voir son ancien élève entrer dans la Société des Eudistes qu'il venait enfin de remettre sur pied. L'abbé Bertin se laissa toucher par ses supplications. Au reste, la réalisation de son projet de restauration de la congrégation du Saint-Esprit lui semblait désormais impossible ; quand M. Blanchard l'eut assuré que, tout en se faisant eudiste, il pourrait être missionnaire, il se lia par serment à la Société de Jésus et Marie.
23Quant à la congrégation du Saint-Esprit, pendant dix-huit ans encore, malgré tous les efforts de ses supérieurs successifs, elle eut beaucoup de mal à survivre. Le salut lui vint du vénérable Libermann, fils d'un rabbin d'Alsace, qui reprit, sur un plan supérieur et avec plein succès, la tentative de l'abbé Bertin.
24En 1837, M. Louis de la Morinière, successeur de M. Blanchard à la tête des Eudistes, demanda à M. Mollevaut, son ancien directeur, de lui trouver un maître des novices pour les jeunes prêtres et les séminaristes de la société qu'il se proposait de réunir à Rennes, en un noviciat régulier. M. Mollevaut répondit : « Mais vous avez M. Libermann ». M. François- Xavier Libermann, encore simple minoré — empêché qu'il était, par des crises nerveuses d'avancer au diaconat - devait en effet quitter le séminaire d'Issy pour s'agréger à Rennes aux Eudistes11, où il arriva en août 1837.
25Au cours des dernières années de son séjour à Issy, il avait été éveillé à l'idée d'un apostolat près de la race noire par deux séminaristes créoles : Eugène Tisserand de Saint-Domingue et Frédéric Levavasseur de Bourbon. Frédéric Levavasseur passa ses vacances de 1838 au noviciat des Eudistes. Entre lui et le maître des novices, il fut de nouveau question du sort spirituel des pauvres Noirs. Ces conversations et leur prolongement dans une abondante correspondance eurent pour conclusion, en novembre 1839, la résolution de Libermann de quitter les Eudistes et de fonder pour l'évangélisation de la race noire cette congrégation du Saint-Cœur de Marie qui devait infuser une vie nouvelle à la congrégation du Saint-Esprit en s'unissant à elle en 1848. Ainsi, par deux coïncidences dignes d'être remarquées, la restauration de la congrégation du Saint-Esprit était partie de Rennes, ville natale de Poullart des Places et comme le berceau de son œuvre et de cette même maison des Eudistes où, en 1830, l'abbé Bertin en avait abandonné le dessein.
26En 1848, au moment de l'entrée des membres du Saint-Cœur de Marie dans la congrégation du Saint-Esprit, un seul Breton, le P. Mathurin Gaultier, faisait partie de cette dernière, tandis que la seconde comptait déjà près d'une vingtaine de prêtres ou frères coadjuteurs, originaires des cinq dioses de la province. Désormais le recrutement de la congrégation du Saint- Esprit ne sera que le développement normal de celui de la Société du Saint- Cœur de Marie.
27Les relations qu'avaient value à M. Libermann un séjour de dix ans (1827-1837) à Saint-Sulpice où de nombreux Bretons faisaient alors leurs études et la réputation d'éminent directeur d'âmes qu'il y avait laissée, avaient été, beaucoup plus que son passage à Rennes, à l'origine du rapide essor pris en Bretagne par la société missionnaire fondée par lui en 1840, puis par celle du Saint-Esprit, passée sous sa direction en 1848. Le P. Marcellin Collin, son premier disciple après les PP. Levavasseur et Tisserand, le P. Briot de la Mallerie, fils d'un armateur breton, futur procureur général de la congrégation du Saint-Esprit, le P. Barazer de Lannurien, un Morlaisien qui fondera en 1853 le Séminaire français de Rome, furent attirés dans son sillage par suite de leur passage à Saint-Sulpice. Plusieurs autres vocations lui furent adressées des séminaires de Nantes et de Quimper par des directeurs qui avaient été ses condisciples à Paris.
28Cependant, si depuis 1848, la congrégation du Saint-Esprit a bénéficié d'un tel courant de vocations bretonnes que, les Frères de Ploërmel mis à part, elle se place en tête de toutes les sociétés ou mouvements missionnaires avec un total de 900 religieux, il faut en chercher la cause principale dans l'établissement d'une communauté en Bretagne dès 1853.
29Le P. Libermann s'était vivement intéressé à la fondation de l'École des Missions entreprise à Nantes par M. Guibou. La tentative de cet ami lui avait montré l'utilité de maisons d'études classiques spéciales pour les aspirants à la vie apostolique ; son échec rapide lui avait fait conclure que, contrairement à sa première pensée, c'étaient les sociétés missionnaires elles- mêmes qui devaient fonder et diriger de pareilles écoles. Il écrivait dès janvier 1848 : « L'affaire malheureuse du bon Père Guibou m'a fait bien de la peine. Je ne désespère pas de former plus tard un établissement semblable en Bretagne ».
30Quelques mois plus tard, par l'intermédiaire du P. Briot de la Mallerie auquel ses relations de famille donnaient une grande influence en Bretagne, il sondait les dispositions des évêques et du clergé au sujet d'une fondation dans la province. Les premières démarches furent encourageantes. Ses préférences se fixèrent sur la ville de Saint-Brieuc. Mgr Le Mée se montra assez favorable mais l'entrée des membres du Saint-Cœur de Marie dans celle du Saint-Esprit et aussi les événements politiques de l'année 1848 firent diversion. Si la mort de Libermann, survenue le 2 février 1852, ne lui permit pas de reprendre son projet, ses disciples n'oublièrent pas ses intentions. Dès le 8 septembre 1852, le P. Levavasseur écrivait à Mgr Kobès :
Impossible de se faire connaître, de gagner la confiance et de recruter du monde en Europe sans maison d'études dans les régions qui peuvent donner des sujets. Nous sommes donc déterminés à faire tout ce que nous pourrons pour en avoir dans le Midi, en Bretagne, du côté de l'Alsace et en Allemagne et cela le plus tôt possible.
31On opta d'abord pour une fondation bretonne. Le P. Briot fut délégué une seconde fois dans sa province natale pour en préparer l'exécution. Le moment ne pouvait être plus favorable. La campagne menée depuis longtemps par les catholiques pour la liberté de l'enseignement secondaire avait obtenu gain de cause en 1850. La loi Falloux donnait au clergé la possibilité d'ouvrir des collèges de plein exercice mais il était plus facile d'ouvrir un collège que de constituer un corps professoral compétent. Les évêques, destinant jusqu'alors presque tout leur clergé au ministère paroissial, ne disposaient que d'un petit nombre de prêtres préparés à l'enseignement ; les congrégations enseignantes elles-mêmes, sollicitées de toutes parts, étaient loin de pouvoir répondre à toutes les demandes.
32À Ploërmel, l'abbé J.-M. de La Mennais, l'instituteur des Frères de l'Instruction chrétienne, avait fondé, en 1851, un petit collège qui, deux ans plus tard, comptait une cinquantaine d'élèves répartis de la sixième à la quatrième. L'abbé Alexis Guilloux, le futur archevêque de Port-au-Prince, en était le supérieur mais les professeurs, des prêtres des diocèses de Vannes, de Rennes et de Saint-Brieuc, changeaient continuellement. J.-M. de La Mennais était, depuis plusieurs années, en rapport avec les Pères du Saint- Esprit, par suite des relations qu'ils avaient eux-mêmes avec ses Frères au Sénégal. Quand le P. Briot lui fit part de leur désir de prendre pied en Bretagne, il leur offrit en même temps la direction de son petit collège et la direction spirituelle du noviciat des Frères de l'Instruction chrétienne. Dès la rentrée d'octobre 1853, arrivèrent à Ploërmel cinq spiritains, dont deux Morbihannais : le P. Colin, qui devenait le supérieur du collège, et le P. Le Strat. Cette petite ville s'annonça dès la première année comme un bon centre de recrutement.
33Les professeurs exerçaient leur influence non seulement sur leurs propres élèves, trop jeunes encore pour décider définitivement de leur vocation, mais encore et surtout sur ceux du petit séminaire de Sainte-Anne-d'Auray ; le P. Le Strat, qui avait l'avantage d'être un ancien élève de cet établissement, attira facilement quelques rhétoriciens vers le noviciat spiritain. Mais les Spiritains s'apercevaient qu'il leur serait difficile de réaliser à Ploërmel le dessein qui les avait amenés en Bretagne : la création d'une école apostolique. Ils n'y étaient pas chez eux car le collège restait la possession de M. de La Mennais et ils prévoyaient que l'établissement de cette école apostolique, tout près du noviciat des Frères, n'irait pas sans susciter des difficultés. Ils profitèrent donc d'une occasion qui leur fut offerte de s'installer ailleurs.
34L'abbé Maupied, grand ami de M. de La Mennais et du P. Briot, avait fondé lui-même un petit collège à Gourin, tout au nord-ouest du diocèse de Vannes. Il était en pourparlers avec le gouvernement pour acheter l'ancienne abbaye de Langonnet et rêvait d'y transporter son école. L'instabilité de son corps professoral lui donnant de grands soucis et ayant du mal à boucler son budget, il fit appel aux Pères du Saint-Esprit qui lui prêtèrent des professeurs pour la rentrée de 1854. L'année suivante, il leur permit d'ouvrir dans son collège une section spéciale sous le nom de « petit séminaire des colonies ». En 1856, il leur céda son collège et tous ses droits sur l'abbaye de Langonnet où les œuvres de Gourin furent transportées en 1858.
35L'abbaye de Langonnet, fondée au xiie siècle par des moines cisterciens, est située au nord-ouest du Morbihan, à proximité des Côtes-du-Nord et du Finistère. Favorisée par sa position géographique, elle devint pour les Pères du Saint-Esprit un important centre de rayonnement. Le collège, qui compta 150 étudiants, fut fermé en 1889 mais de nombreux anciens élèves, devenus prêtres dans les diocèses de Vannes et de Quimper, dirigèrent de préférence vers les Spiritains les vocations missionnaires rencontrées par eux au cours de leur ministère.
36À Langonnet, le petit séminaire des colonies prit le nom de petit scolasticat. Il survécut au collège mais il dut être supprimé en 1903, sous le ministère Combes. Il ne fut rétabli qu'en 1920 et seulement pour les premières classes de latin. Dans l'intervalle, un groupe de petits scolastiques avaient été placés à Rostrenen, sous la tutelle du collège N.-D. de Campostal.
37En 1940, le petit scolasticat de Langonnet avait donné leur première formation à plus de 200 prêtres missionnaires ; il avait formé aussi un grand nombre de frères. En effet, parmi les élèves qui, faute d'aptitudes intellectuelles suffisantes, étaient obligés de renoncer au sacerdoce, beaucoup, restant fidèles à leur idéal apostolique, ne quittaient le petit scolasticat que pour entrer dans un postulat de Frères où ils rejoignaient d'autres aspirants venus directement de leur famille.
38La présence des Pères du Saint-Esprit à Langonnet ne fut pas la seule raison du succès de leur recrutement en Basse-Bretagne. On a vu, dans un précédent chapitre, quel enthousiasme pour les missions avait suscité, chez plusieurs jeunes prêtres vannetais l'entrée de l'abbé Le Berre, en 1845, dans la congrégation du P. Libermann et comment plusieurs de ces prêtres furent par la suite des éveilleurs de vocations apostoliques dont les principaux bénéficiaires furent les Pères du Saint-Esprit.
39Ce qu'étaient à Vannes les abbés Le Vulgos et Mary, l'abbé Le Borgne l'était à Quimper. Il avait vu quelques-uns de ses meilleurs amis d'enfance ou de séminaire entrer chez les Pères du Saint-Esprit et avait même failli les suivre. Ses fonctions de maître de chapelle de la cathédrale lui laissant des loisirs, il réunissait des enfants et des jeunes gens pauvres désireux d'embrasser l'état ecclésiastique ; leur vocation éprouvée, il les dirigeait, selon leur attrait, soit vers le petit séminaire de Pontcroix, soit vers une congrégation qui souvent, on le devine, fut celle du Saint-Esprit.
40Toutefois, si le Morbihan et le Finistère ont fourni les trois-quarts des Spiritains bretons, c'est que la congrégation du Saint-Esprit a bénéficié, dans une proportion avantageuse, des vocations apostoliques écloses dans les petits séminaires de Sainte-Anne-d'Auray et de Pontcroix et dans les grands séminaires de Vannes et de Quimper.
41Les Pères du Saint-Esprit connurent une telle faveur à Sainte-Anne- d'Auray que cet établissement leur donna pendant longtemps plus de sujets originaires du diocèse de Vannes que le petit scolasticat de Langonnet. Nous avons déjà signalé l'influence exercée à Sainte-Anne, dès 1853, par le P. le Strat. L'année suivante, une prédication du P. Collin sur les Noirs d'Afrique y suscita de nouvelles vocations. Un départ en entraînant un autre, ce fut bientôt une tradition de voir presque chaque année un ou plusieurs élèves entrer chez les Pères du Saint-Esprit. De 1890 à 1900, le courant spiritain reçut une nouvelle impulsion grâce aux conférences données par des missionnaires tels que Mgr Augouard, Mgr Le Roy et Mgr Buléon. Au cours de ses séjours en France, ce dernier vint souvent au petit séminaire où son frère Jérôme était professeur. Ancien élève de la maison, orateur plein d'humour, il avait encore l'avantage d'être l'auteur d'un livre très curieux intitulé : De Sainte-Anne-d'Auray au Fernan-Vaz que les petits séminaristes se disputaient. L'abbé Jérôme Buléon était lui-même un fervent promoteur de l'idée missionnaire ; nombreux furent, parmi ses pénitents, ceux dont il encouragea la vocation apostolique.
42Au grand séminaire de Vannes, les anciens élèves de Sainte-Anne créaient tout naturellement une ambiance favorable à la congrégation du Saint-Esprit. Plusieurs, du reste, déjà décidés à se faire spiritains, n'y entraient, pour quelques années, que sur les instances de leur famille.
43Le P. Libermann avait des amis au grand séminaire de Quimper, M. Goujon, le supérieur et M. Kervoal, ses anciens condisciples de Saint- Sulpice. Par eux il trouva quelques missionnaires. M. du Cosquer, futur archevêque d'Haïti, fit lui-même les démarches préparatoires à l'entrée de quelques séminaristes dans la congrégation du Saint-Esprit. À Pontcroix, les meilleurs propagandistes de cette congrégation furent deux anciens élèves de ce petit séminaire, le P. Limbour (1841-1915) qui y prêcha plusieurs retraites et le P. Lejeune (1828- ?) l'un des prédicateurs les plus renommés de la Cornouaille.
44Avant 1940, la congrégation du Saint-Esprit n'avait reçu que 38 prêtres du diocèse de Saint-Brieuc où, même après que Libermann et ses religieux se soient joints à elle, elle fut connue surtout comme chargée du séminaire colonial. Parmi les nombreux Briochins que recevait ce séminaire, beaucoup n'y rentraient pas par suite d'un grand attrait pour le ministère dans les colonies, mais parce que, en un temps où les vocations sacerdotales étaient très nombreuses, ils étaient obligés de chercher un champ d'apostolat autre que leur diocèse natal. Le clergé des colonies formait un corps tout à fait distinct de la congrégation du Saint-Esprit, mais comme celle- ci dirigeait le Séminaire colonial, elle ne s'en trouva pas moins dépréciée aux yeux des séminaristes de Saint-Brieuc désireux de se dévouer dans de vraies missions.
45En Loire-Inférieure, elle ne bénéficia d'un courant de vocations assez important que de 1896 à 1910, grâce aux liens d'amitié qui unissaient Mgr Le Roy son supérieur général et M. Mauviel, son supérieur du grand séminaire de Nantes. Vers le même temps, l'action de Mgr Le Roy lui valait aussi en Ille-et-Vilaine un recrutement modeste mais qui, depuis, eut tendance à progresser. Depuis 1928, elle s'est établie dans ce département à Piré-sur-Seiche.
46En 1940, dans le classement des diocèses de France d'après le nombre de prêtres fournis par chacun d'eux à la congrégation du Saint-Esprit, le diocèse de Vannes tenait le deuxième rang, celui de Quimper le troisième, Nantes le septième, Saint-Brieuc le neuvième et Rennes le dixième. Ces cinq diocèses réunis avaient donné 22 % des spiritains français.
47Les Pères du Saint-Esprit ont connu en Bretagne un recrutement des plus réguliers. De 1850 à 1880 ils recevaient une moyenne de 23 prêtres par décennie ; cette moyenne doubla de 1881 à 1890 et tripla de 1891 à 1900 parce que ces missionnaires étaient déjà très connus au moment où, en France, les vocations se multiplièrent. L'extraordinaire c'est que — les années correspondant à la guerre de 1914-1918 exceptées — la moyenne des dernières décennies du xixe siècle ait été sensiblement maintenue jusqu'à 1950. Les vocations venues directement des séminaires diocésains avaient beaucoup diminué mais leur diminution avait été compensée par un effort soutenu pour peupler les petits et les grands scolasticats. Des cinq diocèses de Bretagne, la congrégation du Saint-Esprit a reçu 610 prêtres dont 440 avant la Première Guerre mondiale ; elle en a reçu aussi plus de 300 frères coadjuteurs dont 260 avant 1940. Onze spiritains bretons ont été élevés à l'épiscopat.
48Mgr Le Berre, un des premiers disciples du P. Libermann, arriva au Gabon en 1846. Il connut toutes les difficultés des débuts de la vie missionnaire en Afrique équatoriale et vit mourir presque tous ses premiers compagnons d'apostolat. Sa robuste santé et son énergie lui permirent de réaliser une œuvre considérable : constructions de maisons et d'églises, plantations de caféiers, de cocotiers, etc. ; fondations d'écoles, création d'ateliers d'où sortirent des menuisiers, des maçons, des forgerons, des tailleurs. Pendant plus de quarante ans, tous les interprètes et les « écrivains » utilisés au Gabon par l'administration coloniale et par les commerçants avaient été formés par lui. Il travailla avec une grande habileté à l'abolition de la traite, c'est à lui surtout que revient la gloire d'avoir presqu'entièrement empêché ce honteux trafic à Libreville. Grâce à sa connaissance de la langue indigène, il put faire paraître un catéchisme et une grammaire et collaborer à l'élaboration d'un dictionnaire français.
49Parmi les autres spiritains, signalons seulement le P. Arsène Mell, un Quimpérois, missionnaire en Guinée française de 1906 à 1921, qui laissa, parmi ses confrères comme parmi ses chrétiens, une réputation de héros et de saint, et le P. Henri de Maupeou, missionnaire au Cameroun, tué en 1932 pour la défense de la morale chrétienne.
Les Missionnaires d'Afrique ou Pères Blancs
50Il n'y avait pas deux ans que Mgr Lavigerie avait pris possession du siège épiscopal d'Alger quand, en octobre 1868, il réunit cinq jeunes clercs, premier noyau de la Société des Missionnaires d'Afrique plus connus sous le nom de Pères Blancs. Le professeur de théologie de ces séminaristes, le sulpicien Gillet, qui venait directement du grand séminaire de Nantes, fut le premier lien du nouvel institut avec la Bretagne.
51L'évêque d'Alger était un merveilleux propagandiste. Tout au long de son épiscopat, pour intéresser la France chrétienne à ses initiatives, il saura donner à celles-ci une très habile publicité. Au moment de la fondation des Pères Blancs, il était déjà connu en Bretagne. La grande famine de 1867, dont l'Algérie souffrait encore, venait de lui fournir l'occasion d'adresser aux évêques des demandes de secours qui avaient été insérées dans les Semaines religieuses et lues au prône dominical en même temps que l'annonce d'une souscription. La générosité avec laquelle la province répondit à son appel - le seul diocèse de Nantes lui adressa plus de 30 000 francs — aurait pu lui faire deviner son esprit apostolique s'il ne l'avait déjà connu par la présence dans son clergé d'Alger de prêtres comme l'abbé Le Mauff, qu'il saura utiliser pour le recrutement de ses premières Sœurs Blanches, et surtout comme l'abbé Gillart, son homme de confiance, dont il avait fait son secrétaire et dont il ne tarderait pas à faire son vicaire général en attendant de le proposer à Léon XIII, en 1880, pour le siège de Constantine et d'Hippone.
52Parmi ses tous premiers missionnaires, Mgr Lavigerie eut la chance de rencontrer un jeune prêtre plein d'allant, le P. Charmetant. Il s'empressa de l'expédier en France pour y faire connaître son institut dans les grands séminaires. Lorsqu'en 1872, ce brillant conférencier passa en Bretagne, il entraîna à sa suite quatre Nantais, trois Rennais et deux Vannetais qui s'embarquèrent aussitôt pour l'Afrique du nord. La ville de Nantes s'intéressa tout particulièrement aux œuvres de Lavigerie. Un petit orphelin arabe, recueilli par lui à la suite de la famine de 1867, fut adopté par la conférence de Saint-Vincent de Paul de la paroisse Saint-Nicolas. Quand cet enfant fut baptisé, il eut pour parrain le président de cette association. En 1878, le P. Huguenot, accompagné d'un jeune Kabyle, parla dans presque toutes les églises de la ville sur l'esclavage africain. Ce missionnaire qui, ainsi que son petit protégé, logeait au grand séminaire, suscita un vif intérêt parmi les séminaristes. En 1879, nouvelle prédication par le P. Ganachaud, un jeune missionnaire nantais ; Mgr Lavigerie l'avait envoyé dans sa ville natale recueillir des fonds pour l'expédition anti-esclavagiste qu'il s'apprêtait à lancer dans le centre africain12.
53Cette même année, l'archevêque d'Alger vint lui-même en Bretagne. Il venait d'entrer en possession de l'antique basilique de Sainte-Anne de Jérusalem. Pour restaurer ce sanctuaire abandonné depuis longtemps, pour lui adjoindre un séminaire de rite grec, il fallait beaucoup d'argent. Sous l'inspiration de l'abbé Gillart, l'organisateur de cette fondation, Mgr Lavigerie conçut l'idée d'y intéresser les Bretons. Le 26 juillet 1879, il était au grand pèlerinage de Sainte-Anne d'Auray. Sa parole suscita d'ardentes et généreuses sympathies qu'il s'efforça d'entretenir par la publication d'une brochure intitulée : Sainte-Anne de Jérusalem et Sainte-Anne-d'Auray et dédiée à l'évêque de Vannes, Mgr Bécel. En 1889, il vint à Rennes où, « mendiant vêtu de pourpre », il prononça dans la cathédrale un grand discours dans lequel il évoqua le rôle des Bretons dans les missions d'Afrique. Il visita le grand séminaire où il déchaîna un enthousiasme extraordinaire.
54Ces sermons de charité, ces visites de propagande dans les séminaires contribuèrent à faire connaître les Pères Blancs en Bretagne. Plus efficace encore cependant fut l'action du P. Louail, une des recrues du P. Charme- tant lors de son passage à Rennes en 1872. Chargé de faire vivre un orphlinat arabe et un juvénat fondés dans l'Aveyron vers 1875, il circula dans les cinq diocèses bretons, spécialement dans ceux de Rennes et de Nantes, glanant les aumônes de porte en porte. Il s'occupait en même temps de chercher des recrues, tant pour l'école dont il était l'économe que pour le grand scolasticat de Maison-Carrée (près d'Alger). Il avait coutume de demander au parloir des séminaires les élèves qu'il avait déjà rencontrés et chez lesquels il avait cru discerner un désir de vie missionnaire. Un grand nombre de Pères Blancs bretons lui durent leur vocation. Le P. Louail ne cantonna pas son influence en Bretagne, mais joua un rôle de premier plan dans le développement de son institut en France. À Lille, en 1883, il fonda une maison de formation qui contribua à faire du Nord la principale pépinière française des Pères Blancs. Vers 1885, il devint Provincial de France. Grâce surtout à son impulsion, les nouvelles promotions de Missionnaires d'Afrique, de plus en plus nombreuses cependant, renfermèrent jusqu'en 1920 une proportion toujours plus grande de Bretons. De 14 % qu'elle était de 1871 à 1880, elle passa à 17 % de 1891 à 1900 et atteignit 27 % de 1911 à 1920.
55Les Pères Blancs n'avaient malheureusement aucune maison en Bretagne. En 1891, l'abbé Pinel avait offert « pour le bénéfice des missions des Pères Blancs » un petit collège qu'il avait fondé à Hennebont en 1864. L'immeuble et les terrains attenants se seraient prêtés à merveille à l'installation d'une école apostolique, mais l'on était au lendemain du célèbre Toast d'Alger (12 novembre 1890) au cours duquel, pour obéir au désir de Léon XIII, Lavigerie avait conseillé aux catholiques français de se rallier à la République. Mal accueilli par ceux qui demeuraient attachés à la monarchie, le Toast eut pour conséquence une notable diminution du budget du cardinal qui, quinze mois plus tard, par besoin d'argent, demanda au P. Louail de vendre la propriété d'Hennebont.
56L'ouverture d'établissements en Bretagne apparut, après la guerre de 1914-1918, comme la condition du maintien d'un abondant recrutement dans cette province. En 1920, le séminaire de philosophie de la province de France fut établi à Kerlois, près d'Hennebont. En 1924, une maison de quête et de recrutement fut ouverte à Guingamp ; un certain nombre d'enfants y furent réunis qui suivaient les cours du collège Notre-Dame. Les résultats s'avérant trop minimes, cette communauté fut fermée en 1937. Par contre, cette même année vit deux fondations nouvelles, l'une à Saint- Quay-Portrieux, l'autre à Nantes. Des missionnaires attachés à ces maisons circulaient dans tout l'Ouest pour y susciter aumônes et vocations.
57Jusqu'à la Première Guerre mondiale, le diocèse de Rennes présenta le type presque idéal de ce qu'on peut appeler le recrutement boule de neige : 4 départs au cours de la première décennie, 9 pendant la deuxième, 17 pendant la troisième, 24 au cours de la quatrième, 11 de 1911 à 1914. Mais depuis 1920, alors que la France a fourni plus de Pères Blancs qu'elle ne l'avait jamais fait, le diocèse de Rennes s'est montré beaucoup moins généreux. Il avait donné 25 des 271 Missionnaires d'Afrique ordonnés de 1901 à 1910 ; sur les 310 ordonnés de 1931 à 1940, il n'y avait plus que 6 Rennais.
58Presque tous les Pères Blancs rennais proviennent de la partie orientale de l'Ille-et-Vilaine. Après avoir fait leurs études secondaires à Saint-Martin de Rennes ou à Saint-Augustin de Vitré ils passèrent, la plupart du moins, quelques années au grand séminaire. Plusieurs ne quittèrent le diocèse qu'après quelques années de ministère paroissial.
59En 1940, malgré la faiblesse de son apport depuis 1915, le diocèse de Rennes, avec un total de 88 missionnaires, tenait le deuxième rang dans la liste des diocèses de France établie par ordre de générosité envers les Missionnaires d'Afrique. Il avait donné à lui seul autant de vocations que les 40 diocèses les moins généreux. Ce classement est d'autant plus remarquable que le diocèse de Lille, d'ailleurs beaucoup plus peuplé, qui arrivait en tête, et ceux de Strasbourg et de Rodez qui occupaient le troisième et le quatrième rang possédaient depuis longtemps des maisons de formation.
60Dans le diocèse de Nantes, les Pères Blancs semblaient pouvoir connaître le même succès que dans celui de Rennes, mais l'installation aux portes de Nantes, en 1890, de l'école apostolique des prêtres de Missions Africaines de Lyon, dont le champ d'apostolat était semblable au leur, contribua à ruiner ces espérances. Cependant, en 1940 le diocèse de Nantes tenait le sixième rang dans le classement des Pères Blancs par diocèse d'origine.
61Dans le Morbihan, les Côtes-du-Nord et le Finistère, de puissants mouvements missionnaires : clergé d'Haïti, Pères du Saint-Esprit, Oblats de Marie, Maristes, clergé colonial, étaient déjà bien lancés lors de la fondation des Missionnaires d'Afrique. Ceux-ci n'ont jamais reçu beaucoup de vocations de ces trois départements. Depuis 1920 cependant, le diocèse de Quimper, en nette progression, a donné à plus de Pères Blancs (44) que ceux de Rennes (35) ou de Nantes (34).
62En plus du P. Louail, plusieurs Bretons ont joué un rôle important dans l'histoire de la Société des Missionnaires d'Afrique. Le P. Travers, longtemps missionnaire au Nyassa, quitta ce pays en 1912 pour se soustraire à l'épiscopat. Il fut alors chargé d'établir les Pères Blancs en Angleterre ; dans cette difficile mission il fit preuve de belles qualités d'organisation, d'adaptation et de persévérance. Le P. Cébron, dont toute la carrière sacerdotale s'écoula dans des maisons de formation : séminaires, collèges ou noviciats, joua un rôle de premier plan dans l'organisation de la Province du Canada. Mgr Gullemé parti au Nyassa en 1884 connut les abominations de l'esclavage et de la traite des Noirs. Il adressa à Lavigerie des renseignements que celui-ci utilisa dans sa campagne anti-esclavagiste. Mgr Hippolyte Bazin, né à Saint- Aubin du Cormier (Ille-et-Vilaine) était depuis une dizaine d'années supérieur du grand scolasticat de Carthage lorsqu'en 1901 il fut nommé vicaire apostolique du Soudan français, mission qu'il gouverna jusqu'en 1910.
63Le P. Gorju avait été conquis aux Missions d'Afrique par l'appel que le cardinal Lavigerie avait adressé aux séminaristes de Rennes en 1889. En 1895, après deux ans de professorat à Sainte-Anne de Jérusalem, il partit pour l'Ouganda. Son ouvrage Entre le Victoria, l'Albert et l'Édouard13 où il étudiait l'origine, l'histoire, la religion et les coutumes des divers peuples de l'Ouganda, révéla son goût pour l'ethnographie. En 1921, il fut nommé vicaire apostolique de l'Urundi. Lorsqu'il donna sa démission en 1936, il avait vu son vicariat progresser de 14 000 à 254 000 baptisés. Il nous a laissé le récit de ses tournées épiscopales dans son livre En zigzags à travers l'Urundi.
64Plusieurs Pères Blancs bretons moururent tragiquement. L'abbé Colliaux ne quitta le grand séminaire de Rennes, en 1872, que pour s'inscrire en tête du nécrologe de la Société. Moins d'un an après son arrivée à Alger, il trouva la mort au cours d'une promenade dans les environs de cette ville. Le P. Giraud mourut dans les eaux du lac Nyanza en 1887, un hippopotame ayant fait chavirer la barque qui le portait, il put surnager assez longtemps pour baptiser un de ses catéchumènes victime du même accident14.
65Des dix Pères Blancs massacrés en Afrique, quatre étaient des Bretons. Vers la fin de 1875, Mgr Lavigerie donna l'ordre à trois de ses missionnaires de se rendre à Tombouctou ou d'y laisser leur vie. L'un des trois était un Nantais : le P. Ménoret, qui fut tué dans le Sahara avec ses compagnons en janvier 187615. En 1880, le P. Dioré, du diocèse de Vannes, fut tué aux Attaffs dans l'arrondissement d'Orléansville. En 1881, le P. Richard, un Nantais, auteur de la première carte un peu détaillée du Sahara tripolitain16, et deux autres Pères Blancs furent massacrés en 1881, par une bande de Touareg dans laquelle se trouvaient un certain nombre des assassins du Lieutenant-colonel Flatters et de sa caravane17. La même année, le P. Deniau, un Nantais encore, un des premiers missionnaires envoyés aux Grands Lacs, qui se dévouait à l'éducation de jeunes Noirs arrachés à l'esclavage, eut le corps criblé de flèches par une bande d'esclavagistes18.
La Société des Missions Africaines
66La Société des Missions Africaines de Lyon fut fondée en 1854 par Mgr de Marion Brésillac19, ancien membre de la Société des Missions Étrangères de Paris. Trente-quatre ans après sa fondation, elle n'avait encore reçu qu'une vingtaine de Bretons, nantais pour la plupart. Presque tous n'avaient quitté leur diocèse natal qu'après y avoir commencé leur grand séminaire ou même après quelques années de ministère paroissial. Ce recrutement peu important et très irrégulier ne pouvait pas inspirer grand espoir pour l'avenir ; mais la fondation d'une école apostolique près de Nantes, en 1890, lui donna plus de régularité et une ampleur sans cesse croissante.
67C'est au P. Gaston Desribes, l'homme d'action de la Société à ses débuts, que cet établissement dut son existence. Vers 1873, ce prêtre avait déjà fondé une première école apostolique à Chamalières, dans le canton de Clermont-Ferrand. Pour la soutenir, il s'efforçait de créer dans quelques grandes villes l'Œuvre des Missions Africaines de Lyon. À Nantes, ses démarches rencontrèrent un succès particulier. Il y groupa facilement, en une petite association, un certain nombre de Dames patronnesses qui se réunissaient à intervalles réguliers au monastère de la Visitation.
68Cette Œuvre, commencée vers 1880, était parfaitement organisée cinq ans plus tard. En 1890. Les associés invitèrent le P. Desribes à fonder à Nantes une école apostolique semblable à celle de Chamalières, lui promettant à la fois des ressources plus abondantes et des vocations. Parmi les immeubles alors à vendre dans l'agglomération nantaise, elles lui en désignèrent cinq qui leur semblaient susceptibles d'être transformés en maison d'études. Le missionnaire arrêta son choix sur la propriété des Naudières située dans la paroisse Saint-Paul de Pont-Rousseau et, poussé par la chaude sympathie qu'il rencontrait à Nantes pour la cause des missions, il en fit l'acquisition, quoique sans argent pour la payer. L'Œuvre des Missions Africaines de Lyon comptait parmi ses membres deux sœurs, jeunes encore, dont l'une était aveugle. Ayant appris l'embarras du P. Desribes, elles se demandaient ce qu'elles pourraient faire pour lui venir en aide ; la jeune aveugle proposa à sa sœur : « Si nous donnions notre fortune... Au ciel, je verrai des phalanges de missionnaires sortir de cette école pour convertir l'Afrique ». Grâce à cette générosité, l'École Notre-Dame des Missions put ouvrir ses portes à de jeunes aspirants missionnaires en novembre 1890.
69Le P. Desribes fut pendant quelques années le supérieur titulaire de ce petit séminaire ; il n'en assuma jamais personnellement la direction effective. Il confia celle-ci à des Bretons d'Ille-et-Vilaine, d'abord au P. Hyacinthe Bricet, futur préfet apostolique du Dahomey, puis au P. Victor Moi- son. Celui-ci, par un dévouement de près de quarante ans, mérita d'être considéré comme le second fondateur de l'établissement.
70L'œuvre des Dames patronnesses s'était recrutée presque uniquement dans la bourgeoisie nantaise. Il ne fut pas donné au P. Moison de la maintenir. Alors, pour faire vivre son école, il parcourut la Bretagne, spécialement le diocèse de Nantes et le Sud de celui de Rennes, cherchant en même temps des aumônes et des élèves. Il lui arrivait de rencontrer des jeunes gens qui, sans vouloir être prêtres, désiraient consacrer leur vie aux missions. À l'école de Pont-Rousseau, il annexa une œuvre de formation de frères coadjuteurs qu'il transporta, en 1919, à Martigné erchaud, sa petite ville natale.
71Quand l'œuvre de Pont-Rousseau eut pris trop d'importance pour lui permettre de continuer ses visites dans les familles, les écoles et les presbtères, il se fit remplacer dans cette tâche qu'il savait pénible mais qu'il jugeait nécessaire, par des « pères propagandistes ». Il voyait juste puisqu'en 194082 des 100 derniers prêtres fournis par la Bretagne aux Missions Africaines, avaient fait, en partie tout au moins, leurs études secondaires à Pon tous seau20.
72Le nombre total des prêtres bretons de cette société s'élevait alors à 158.Voici leur répartition par diocèse d'origine et d'après la date de leur ordination sacerdotale ou de leur départ pour les missions.
Prêtres des Missions Africaines

73Avant 1940, grâce à l'influence des PP. Desribes et Moison et à la présence sur son territoire de l'école apostolique de Pont-Rousseau, le diocèse de Nantes avait donné 73 prêtres aux Missions Africaines. Ce chiffre, qui représentait près de la moitié des prêtres bretons et 12 % des prêtres français de la Société, lui valait le deuxième rang dans le classement des diocèses de France. Le quatrième rang revenait au diocèse de Rennes (37 prêtres), le septième au diocèse de Saint-Brieuc (17 prêtres), le huitième au.diocèse de Quimper (16 prêtres) et le neuvième au diocèse de Vannes (15 prêtres). Dans le diocèse de Rennes, le recrutement est surtout localisé au sud d'une ligne joignant les villes de Rennes et de Vitré. Cette localisation tient moins à la communauté de Martigné-Ferchaud, de fondation récente, qu'aux fréquents passages du P. Moison dans cette région, l'une des plus religieuses du diocèse.
74Depuis la fondation de l'École de Pont-Rousseau, le recrutement breton des Missions Africaines a progressé avec régularité. Au cours de la décennie 1931-1940, la diminution des vocations originaires des diocèses de Nantes et de Rennes a été plus que compensée par l'apport de ceux de Quimper et de Saint-Brieuc. La seule discordance sensible entre la courbe du recrutement breton et celle du recrutement français correspond à la désorganisation, par suite de la guerre de 1914-1918, des maisons de formation d'Alsace. En temps normal, cette province fournissait, à elle seule près de 40 % des jeunes prêtres français de la Société.
75La Bretagne n'a donné aux Missions Africaines que 24 frères coadjuteurs. Le postulat de Frères, fondé par le P. Moison à Martigné-Ferchaud recevant trop peu de sujets, fut remplacé par un petit séminaire de vocations tardives. Cinq prêtres bretons des Missions Africaines ont été élevés à l'épiscopat.
76Depuis 1941, les Missions Africaines ont reçu 163 prêtres bretons, presque tous formés dans leurs propres séminaires ; 97 d'entre eux sont nés en Loire-Atlantique. Fait sans analogue dans le recrutement des autres mouvements missionnaires, ce département leur a donné plus de prêtres en trente ans (1941-1970) qu'au cours des huit décennies précédentes.
77Mgr Auguste Duret, fut le fondateur de la mission du Delta du Nil. Son influence en Égypte où, trente-sept ans durant, de 1877 à 1914, il exerça son apostolat, fut considérable.
Il était au Caire, écrivait-on au lendemain de sa mort, celui que l'on consultait toujours et pour toutes les questions. Latins, Orientaux, Catholiques, Protestants, Schismatiques, Musulmans, tous s'adressaient à lui ; sa sagesse et sa prudence consommée le faisaient apprécier et aimer de tous.
78En 1914, ses confrères lui confièrent le supériorat général de leur Société, charge qu'il assuma jusqu'en 191921.
79Mgr Ferdinand Terrien, protonotaire apostolique, oncle du vicaire apostolique du Bénin, dont il a été fait mention, fut, de 1889 à 1901, délégué de l'Œuvre de la Propagation de la Foi dans l'Amérique du Sud. Il publia en 1903 Douze ans dans l'Amérique latine, relations pittoresques de ses longs voyages du Mexique à la Terre-de-Feu. Plusieurs autres missionnaires doivent être signalés. Le P. Alexandre Dorgères (1856-1900), un Nantais missionnaire au Dahomey, fut chargé par l'amiral de Cuverville, en août 1890, d'une mission officielle auprès du roi Béhanzin et prépara avec celui-ci la conclusion du traité connu sous le nom de Convention de Ouidah (octobre 1890).
80Le P.J.-M. Coquard (1886-1933) de Mesquer (Loire-Atlantique) arriva au Nigéria en 1890. L'importante agglomération d'Abeokuta bénéficia de ses talents de médecin-chirurgien et d'habile organisateur. Il la dota de plusieurs dispensaires, d'un hôpital, d'une maternité et d'une léproserie. Cette ville lui a élevé une statue.
81Le P. Pierre Pichaud (1869-1902), de Montbert, missionnaire au Dahomey, fut un grand défricheur. Créateur d'un grand orphelinat agricole à Zagnonado, il fit planter un grand nombre d'arbres à caoutchouc et les 15 000 premiers cacaoyers de la colonie. Il importa aussi au Dahomey des manguiers, des ananas, des vanilliers et plusieurs espèces de bananiers22.
82Le P. Francis Aupiais, né à Saint-Père-en-Retz (44) en 1877 fut missionnaire au Dahomey pendant vingt-quatre ans. Autant que cela est possible à un Européen, il se fit Africain avec les Africains. Il fut un grand éducateur. Il sut voir que les Dahoméens avaient des traditions plus que respectables et un art de grande valeur, que par des conférences, des expositions et des films il fit connaître en France et en Belgique. En 1928, il fut élu provincial par ses confrères français. Il adressa au Bureau International du Travail, organisme de la Société des Nations, un rapport sur le travail forcé en AOF qui fut publié par la Revue apologétique (août 1929). Ce rapport déplut au gouvernement ; au cours d'un entretien avec le P. Chabert, supérieur général des Missions Africaines, Gaston Doumergue, Président de la République s'étonna qu'un missionnaire français ait pu traîner sa patrie devant une instance internationale. Après trois années de provincialat, le P. Aupiais devint professeur de sixième et de cinquième dans une petite école apostolique des Landes. En 1934, il redevint provincial. En 1945, les Dahoméens l'élurent député à l'Assemblée constituante. Sa mort suivit de près son entrée au Palais Bourbon. Elle fut une immense perte tant pour l'Église que pour l'Afrique.
Notes de bas de page
1 Sur cette société, cf. A. Launay, Histoire générale de la Société des Missions Étrangères, Paris, 1894.
2 Il ne faut pas confondre cette publication avec les rééditions des Lettres édifiantes et curieuses des anciens missionnaires de la Compagnie de Jésus.
3 Sur M. Langlois, cf. A. Launay, Mémorial de la Société des Missions Étrangères, 2e partie, Paris, 1916, p. 359-361
4 Deux volumes, 1884.
5 P. Gaborit, Vie de M. François Mabilleau, Painbœuf, 1867
6 Sur tous ces martyrs, cf. les comptes rendus annuels de la Société des Missions Étrangères.
7 J. Michel, Claude-François Poullart des Places, Paris, 1962 et L'influence de l'Aa, Association secrète de piété sur Claude-François Poullart des Places, Paris, 1992.
8 A. David, Les missionnaires du Saint-Esprit à Québec et en Acadie au xviiie siècle.
9 Janin, Le clergé colonial de 1815 à 1850, Paris, 1936.
10 R. Bertin, Autobiographie, conservée aux Archives des Eudistes.
11 J. Michel, « De Poullart des Places à Libermann », dans P. Coulon et Paule Brasseur, Libermann, 1802-1852, Paris, 1988, p. 693.
12 SRN, 1876, p. 412
13 Rennes, (Oberthur).
14 SRN, 1887.
15 Missions catholiques du 19 mai 1876.
16 Carte du Sahara tripolitain pour servir à l'intelligence du voyage chez les Touareg Azhers. Hors- texte des Missions catholiques du 1er avril 1881
17 Sur le massacre des PP. Richard, Muret et Pouplard, voir les Missions catholiques, 1882, p. 205-209.
18 Missions catholiques, 1881, p. 541-542.
19 L. Le Galle, La vie de Mgr Marion Brésillac, Lyon, 1910, SRN ; 1885, p. 62-63.
20 Nous sommes redevables de plusieurs renseignements sur la fondation de l'école de N.-D. des Missions et sur l'action du P. Moison au P. Louis Jobif, né à Andouillé-Neuville (I.-et-V.) qui fut, pendant quarante ans professeur à Pont-Rousseau.
21 Missions catholiques, 1920, p. 430-431
22 Écho des Missions d'Afrique, 1902, p. 215-220.
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Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008