Chapitre V. Mouvements de prêtres séculiers
p. 81-100
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Index géographique : France
Texte intégral
1Les prêtres peuvent se répartir en deux grandes classes : les séculiers et les réguliers. Ceux qui relèvent du clergé régulier sont membres d'un ordre, d'une congrégation ou d'un institut religieux. Les prêtres séculiers se mettent directement à la disposition d'un chef de mission dont ils dépendent uniquement. Trois mouvements missionnaires de prêtres séculiers se sont recrutés abondamment en Bretagne : le clergé des États-Unis, le clergé colonial et le clergé d'Haïti.
Le clergé breton des États-Unis
2Aussi longtemps qu'elles furent colonies anglaises, les quelques chrétientés catholiques des États-Unis d'Amérique dépendirent du Préfet apostolique de Londres et toute propagande leur fut pratiquement interdite. Après la guerre d'Indépendance, il fut possible d'y créer un premier évêché confié à Mgr Carroll. L'Église romaine ne comptait dans cette immense région qu'une vingtaine de prêtres et guère plus de 25 000 fidèles. Depuis la fin du xviiie siècle, le catholicisme y a pris un magnifique développement. Avec soixante millions de fidèles il est devenu la plus importante des Églises chrétiennes du pays.
3C'est surtout dans l'immigration qu'il faut chercher la cause de cet accroissement. Toutefois, alors que l'apport des Irlandais, des Allemands, des Italiens, des Tchèques, des Polonais, sans oublier celui des Canadiens et des Mexicains, se chiffre par millions, l'apport des Français a toujours été médiocre. Et cependant, dans l'organisation et le progrès de l'Église catholique aux États-Unis, ce sont les Français qui ont tenu longtemps la plus large place. Sur les centaines de prêtres qui passèrent de France en ce pays, trente-quatre y furent élevés à l'épiscopat1 Sept de ces évêques étaient nés en Bretagne. Ce chiffre laisse entrevoir l'importance du rôle joué par les prêtres bretons dans le succès des missions catholiques dans la grande république américaine.
4C'est la persécution religieuse de la Révolution qui orienta vers les États- Unis leurs premiers apôtres bretons. La nouvelle république était bien connue en Bretagne par les récits des nombreux gentilshommes qui, aux côtés de La Fayette et de la Rouerie, avaient combattu pour son indépendance. Elle apparut à plusieurs prêtres à la fois comme un refuge et un champ d'apostolat.
5L'abbé Breteau de la Guéretterie qui devait, en 1808, présider au rétablissement du grand séminaire de Rennes, et le P. Picot de Closrivière, le futur restaurateur de la Compagnie de Jésus, alors recteur de Paramé, formèrent le dessein d'aller prêcher l'Évangile en Amérique, mais ils en furent dissuadés l'un et l'autre par leur directeur respectif.
6En 1792, deux sulpiciens, David et Flaget, un Nantais et un Auvergnat, ancien économe du grand séminaire de Nantes, quittèrent leur cachette et passèrent à Baltimore où ils participèrent à la fondation du premier séminaire américain. En 1810, lors de l'érection du siège de Bardstown, M. Flaget fut mis à la tête de ce diocèse deux fois grand comme la France. M. David fut le bras droit du nouvel évêque ; il construisit un séminaire près de la ville épiscopale tout en s'occupant des populations catholiques les plus proches. Au cours de son ministère il trouva des enfants sans instruction, des malades, des vieillards pauvres et délaissés qui lui firent sentir la nécessité de religieuses. Des filles de pionniers s'offrirent, et dès 1812, dans une cabane de troncs d'arbres, il jetait les premiers fondements des Sœurs de la Charité de Nazareth qui se rangent de nos jours parmi les principaux instituts religieux féminins du Nouveau Monde. En 1818, il devint le coadjuteur de Mgr Flaget et fut le premier à introduire parmi les fidèles des États-Unis la pratique des retraites spirituelles. Tout comme son grand ami surnommé « le saint du Kentucky », Mgr David est compté parmi les Pères de l'Église d'Amérique au service de laquelle il travailla pendant près d'un demi-siècle2.
7Sous la Terreur, un autre Nantais, l'abbé Olivier, las d'attendre en Espagne la fin de la persécution, traversa l'Atlantique et se mit à la disposition de Mgr Carroll. La Louisiane, jusque-là colonie française, ayant été vendue aux États-Unis en 1804, il fut envoyé à la Nouvelle-Orléans muni des pouvoirs les plus amples et du titre de vicaire général3. Devant les besoins de leurs frères d'Amérique, ces prêtres forcés à l'exil par la persécution religieuse ne songèrent pas un seul instant à les abandonner une fois la paix rendue à l'Église de France.
8L'histoire de l'abbé Picot de Limoëlan est plus romanesque. Tout jeune homme au début de la Révolution, il s'exila d'abord en Angleterre. Le désir de venger son père, guillotiné à Paris pour avoir participé au complot de la Rouërie, le ramena en France sous les ordres de Georges Cadoudal et, pendant quelque temps, il commanda les Chouans du pays de Fougères. Pas plus que son chef, il ne désarma devant Bonaparte. Il rejoignit à Paris Saint- Régent, autre lieutenant du terrible partisan breton, et fut son complice dans la préparation de la fameuse machine infernale qui, dans la pensée des conspirateurs, devait tuer le Premier Consul mais qui en fait n'atteignit qu'une pauvre fillette et quelques passants inoffensifs4. Pour échapper aux poursuites de la police il passa l'Atlantique quelques jours seulement avant la date fixée pour son mariage avec Julie d'Albret, une jeune Versaillaise. Une fois rendu en Amérique, il invita sa fiancée à l'y rejoindre. Elle lui répondit que, pendant qu'il était traqué par les émissaires de Fouché, pour obtenir du ciel la sauvegarde de sa vie et de sa liberté elle avait promis de se consacrer à Dieu par le vœu de virginité.
9Limoëlan ne se maria donc pas. Il vécut d'abord en exploitant son talent de portraitiste dont il aurait déjà fait preuve en Bretagne en fixant les traits de Lucile de Chateaubriand, et en 1808, âgé de quarante ans, il frappa à la porte du séminaire de Baltimore. Quatre ans plus tard, il était nommé curé de Charleston. Sa vie sacerdotale fut celle d'un prêtre plein de zèle et de charité. Il ne revint qu'une seule fois en France, après la chute de Napoléon. Il y vendit tous ses biens et, de retour aux États-Unis, il en consacra le produit à la construction d'une église, des premières écoles catholiques de la Caroline-du-Sud et d'un couvent de religieuses pour lequel Charles X, son ami, lui fit don d'un bel autel5.
10L'abbé Picot de Limoëlan avait eu pour professeur de théologie un Rennais, l'abbé Bruté de Rémur, d'une dizaine d'années plus jeune que lui. Au temps où, dans les campagnes bretonnes, Limoëlan bataillait contre les « Bleus », à Rennes, le jeune Bruté qui habitait le palais même du Parlement, assistait de très près aux jugements et aux exécutions des victimes de la Révolution et, sous le déguisement d'un garçon boulanger, se glissait dans les prisons portant sur sa poitrine la sainte Eucharistie. Il venait de passer brillamment son doctorat en médecine quand, en 1803, il entra à Saint-Sulpice. Il enseignait la théologie à Rennes lorsque, sept ans plus tard, Mgr Flaget s'assura son concours pour le grand séminaire de Baltimore.
11Jusque-là, les départs de prêtres bretons pour les États-Unis avaient été des départs individuels. L'abbé Bruté allait déclencher un vrai courant. Il essaya d'abord d'entraîner sur ses traces ses deux grands amis Jean-Marie et Félicité de La Mennais qui, de leur côté, tentèrent de le ramener au service de l'Église de France. Pendant vingt ans, malgré ses lettres, malgré un voyage en Europe, il dut se contenter de jouer le rôle de pierre d'attente. Ce rôle cessa en 1834, quand il fut choisi comme premier titulaire de l'évêché de Vincennes, dans l'Indiania.
12Dès qu'il eût terminé la visite de son diocèse, un territoire comprenant tout l'Indiana et une partie de l'Illinois, s'étendant depuis l'Ohio jusqu'au nord de Chicago (plus de 500 km), il s'embarqua pour la France. En décembre 1836 il écrivait à la Propagation de la Foi : « J'ai pris pour plan d'amener et de répandre d'abord le plus de missionnaires que je pourrai pour prendre un peu partout possession de mon diocèse. » Sans tarder, ce plan fut réalisé par l'évêque de Vincennes qui se révéla recruteur hors ligne. Il rejoignit sa mission avec plus de vingt missionnaires dont, entre autres Bretons, l'abbé Benjamin Petit, son fils de prédilection, avocat du barreau de Rennes qu'il ordonna trois ans plus tard et qui mourut, dès 1839 au service des Indiens, et l'abbé Guynemer de la Hailandière6, ancien juge au tribunal de Redon, dont il fit son vicaire général puis son coadjuteur. Il emmenait aussi avec lui quelques eudistes du collège Saint-Martin de Rennes pour fonder une école secondaire dans sa ville épiscopale.
13Quatre ans plus tard, il renvoya en France Mgr de la Hailandière y recruter de nouveaux missionnaires. Une deuxième vague d'apôtres bretons, plus forte que la première, prit le chemin du Nouveau Monde : cinq eudistes, plusieurs prêtres séculiers dont un futur évêque, le chanoine Martin, aumônier du Collège royal de Rennes7 et les abbés Dupontavice et Guéguen, constructeurs de la première église de pierre de Chicago. Mgr de la Hailandière obtint aussi quelques religieuses qui, sous la direction de sœur Théodore, originaire d'Étables, fondèrent aux États-Unis l'importante congrégation de la Providence de Sainte-Marie-des-Bois. Mgr Bruté mourut dès 1839. En sa personne, la Bretagne avait fait don à l'Église d'Amérique d'un homme de très grande valeur. Non seulement l'organisation d'un grand diocèse, mais sa science théologique, son zèle, un don exceptionnel de directeur d'âmes et plus encore le prestige d'une très grande vertu ont fait de son nom l'un des plus grands de l'histoire religieuse des États-Unis8.
14Mgr de la Hailandière lui succéda à la tête du diocèse de Vincennes. C'était un évêque plein d'ardeur et d'énergie mais d'un caractère trop autoritaire. Il s'aliéna la plus grande partie de son clergé et contribua à l'échec du petit séminaire-collège fondé par les Eudistes. Il dut donner sa démission. Il rentra en Bretagne en 1848, mais le courant de vocations bretonnes, créé par Mgr Bruté et dirigé jusque-là vers Vincennes, prit une autre direction : la Louisiane. Ceux qui contribuèrent le plus à lui imprimer cette nouvelle orientation furent les Eudistes et surtout le chanoine Martin.
15Le collège de Vincennes n'avait jamais été prospère. Les rentrées étaient si faibles qu'il avait fallu chercher des élèves jusqu'à la Nouvelle-Orléans. Ces voyages avaient mis les Eudistes en relation avec Mgr Blanc, évêque de la Louisiane, et avec Mgr Chanches, évêque de Natchez, dans l'État du Mis- sissipi. En 1848, quand ils durent quitter Vincennes, ces évêques leur ouvrirent toutes grandes les portes de leur diocèse ; Mgr Chanches et le P. Ber- tin, leur supérieur, vinrent en France et firent ensemble, dans les principales villes de Bretagne, une grande campagne de propagande qui leur amena des aumônes et des vocations9.
16Le chanoine Martin avait été dans sa jeunesse le protégé de J.-M. de La Mennais qui l'avait introduit à la grande Aumônerie de France. En 1839, il avait quitté l'aumônerie du Collège royal de Rennes pour le diocèse de Vincennes où Mgr de la Hailandière fit de lui son vicaire général mais, au début de 1846, après un séjour de quelques mois en Bretagne, au lieu de retourner à Vincennes, il se dirigea vers la Nouvelle-Orléans. En 1853, il fut choisi pour diriger le nouveau diocèse de Natchitoches créé dans la Haute-Louisiane. Ce diocèse, grand comme la Bretagne, de communications très difficiles, était habité par des peuples très divers : Noirs, Mexicains et surtout Acadiens. Pour le desservir, Mgr Martin ne disposait que d'un seul prêtre, originaire du pays. Il dut donc se constituer un clergé comme Mgr Bruté l'avait fait pour Vincennes.
17Il se mit aussitôt à l'œuvre, s'adressant uniquement à sa Bretagne natale. Du Havre, le 12 octobre 1854, il détaillait les résultats de ses efforts :
Me voici en présence de l'embarquement avec toute cette excellente jeunesse... trois jeunes prêtres : la fleur du séminaire de Nantes, un diacre, un sous-diacre, un minoré et un tonsuré des séminaires de Saint-Brieuc et de Rennes, deux jeunes séminaristes dont un a pris les devants et deux domestiques qui se donnent à la mission ; l'un, fort intelligent et très pieux, menuisier, musicien et habitué au service d'église ; l'autre, ancienne et habile lingère. Je laisse en France deux excellents sujets pour y terminer leurs études.
18Avant de quitter la Bretagne, il avait donné canoniquement les pouvoirs de grand vicaire-procurateur du diocèse de Natchitoches à l'abbé Charles de Lesquen, chanoine titulaire de la cathédrale de Rennes, et l'avait spécialement chargé de l'admission et de l'embarquement de nouveaux missionnaires.
19Dès l'année suivante, il fut rejoint en Haute-Louisiane par toute une communauté de Filles de la Croix, venues de Tréguier, qui ouvrirent un noviciat, firent l'école aux enfants et soignèrent les malades. Son voyage en Europe pour le Concile du Vatican lui donna l'occasion de tenter un nouveau recrutement d'ouvriers apostoliques pour sa mission. Comme il l'écrivait de Saint-Servan le 8 mai 1870, il n'eut que l'embarras du choix :
Tel a été l'entrain et la spontanéité avec lesquels nos séminaires de Bretagne ont répondu à mon appel que, sur le nombre de ceux qui se sont présentés, j'ai pu, aidé des indications des directeurs, choisir ceux qui, sous tous les rapports, m'offrent plus de garanties d'avenir. J'emmènerai donc douze jeunes prêtres ou séminaristes dans les ordres pour la mission de Natchitoches au commencement du mois d'août.
20En 1875, à l'âge de soixante-treize ans, Mgr Martin se vit obligé par les vides creusés par la fièvre jaune dans les rangs de ses missionnaires de faire appel une dernière fois à la générosité du jeune clergé breton. Neuf prêtres ou séminaristes s'engagèrent à le suivre. Il mourut presque aussitôt après son retour à Natchitoches. Depuis le début de son épiscopat, il avait attiré dans son diocèse, sans parler de nombreuses religieuses, une quarantaine de ses compatriotes.
21À Mgr Martin succéda un autre Breton, Mgr François-Xavier Leray, fils d'un fabricant de toile de Châteaugiron. Il venait tout juste de quitter les bancs du collège Saint-Martin de Rennes lorsqu'en 1843, il était allé renforcer les eudistes du collège de Vincennes. Après quatre années de professorat, puis de solides études théologiques au séminaire de Baltimore, il se mit à la disposition de Mgr Chanches évêque de Natchez. Sa conduite au cours de multiples épidémies de fièvre jaune et dans ses fonctions d'aumônier des armées confédérées, lors de la guerre de Sécession lui valurent dans les États du Sud une réputation d'héroïsme qui touchait à la légende. Bien préparé par sa formation théologique, il se lança avec vigueur dans les discussions doctrinales que suscitèrent, en Amérique comme en Europe, les prétentions du libéralisme religieux. Sacré dans la cathédrale de Rennes par le cardinal Brossays-Saint-Marc il ne resta que deux ans à Natchitoches car, en 1879, il devint le coadjuteur de Mgr Perché, archevêque de la Nouvelle-Orléans auquel il succéda en 1883. Il mourut quatre ans plus tard laissant la réputation d'un excellent administrateur10.
22Le dernier prêtre breton de Louisiane élevé à l'épiscopat fut Mgr Gustave Rouxel, un Redonnais qui était parti, en 1863, aux États-Unis à l'appel de Mgr Odin. En 1855, il devint auxiliaire de Mgr Chapel, archevêque de la Nouvelle-Orléans.
23Tous ces dignitaires attirèrent près d'eux de nombreux compatriotes, mais plusieurs autres évêques des diocèses du sud des États-Unis firent aussi appel au dévouement des séminaristes bretons. Mgr Chanches, évêque de Natchez, et Mgr Odin, archevêque de la Nouvelle-Orléans, suscitèrent des courants de vocations qui leur survécurent11. Vers 1885, Mgr Salpointe, vicaire apostolique de l'Arizona recruta plusieurs prêtres du diocèse de Rennes dont l'abbé Gérard, de Bruz, qui fut élevé à la prélature romaine.
24Les diocèses de l'État de Louisiane et celui de Natchez avaient reçu plus de 115 missionnaires bretons lorsque, vers 1910, les départs pour cette région cessèrent à peu près totalement.
25Parmi les plus marquants de ces prêtres, il faut citer cinq prélats romains, tous originaires du diocèse de Rennes, Mgr Ménard (1854-1929), Mgr Mahé (1853-1920), Mgr Frain (1831-1916), Mgr Racine, et Mgr Barbier. En 1940, ces deux derniers exerçaient encore leur apostolat en Louisiane. Une mention spéciale est due à un Cancalais, le P. Giraud de la Corgnais, « l'une des figures les plus pittoresques du clergé américain, le roi sans couronne de tous les habitants des marais de la Louisiane » appelé encore par les journaux de la Nouvelle-Orléans « le personnage le plus marquant de la Louisiane ». Il est mort en 1927, après vingt-trois ans d'apostolat. Bien que la nature de son ministère l'obligeât à une vie des plus mouvementées, il avait trouvé le moyen de bâtir quatre églises et trois collèges pour les Noirs12.
26À un double point de vue, l'influence de tous ces missionnaires, doublée par celle de la congrégation bretonne des Filles de la Croix, a été considérable. La Louisiane fut longtemps terre française : on estime que près d'un million de Louisianais aujourd'hui sont d'ascendance française et les descendants des premiers planteurs constituent encore l'élite de certaines villes. Beaucoup plus nombreux sont les descendants des Acadiens qui forment, en plusieurs districts, la majorité de la population rurale. En 1804, ces derniers étaient 4 000 dont beaucoup avaient séjourné quelques années en Bretagne13. Ils sont aujourd'hui 600 000. C'est surtout parmi ces frères de race et de langue que les prêtres bretons ont exercé leur apostolat.
27Quand au milieu du siècle dernier, Mgr Martin était arrivé en Haute- Louisiane il avait trouvé les Acadiens dans le délaissement religieux le plus complet. La plupart n'avaient vu de prêtre qu'à l'occasion d'un baptême, d'un mariage ou d'un enterrement. Beaucoup avaient grandi sans recevoir d'enseignement religieux ; de la religion catholique, ils savaient seulement qu'elle était celle de leurs ancêtres et qu'ils n'en voulaient pas d'autre14. Les missionnaires bretons furent accueillis comme des sauveurs. Ils ranimèrent la foi de ces pauvres chrétiens et réorganisèrent la vie religieuse par la fondation de nombreuses paroisses pendant que les Filles de la Croix, venues des Côtes-du-Nord et du Finistère, ouvraient des écoles.
28Au point de vue français, ils ont contribué dans une large mesure à la conservation de notre langue et rendu possible ce mouvement de renaissance de la culture française qui, depuis quelques années, s'affirme si nettement en Louisiane et dont la manifestation la plus importante fut, en 1938, la reconnaissance officielle du bilinguisme scolaire.
29D'autres prêtres bretons ont joué un rôle analogue près des Canadiens émigrés en Nouvelle-Angleterre. À partir surtout du premier tiers du xixe siècle, les Canadiens-Français arrivaient chaque année aux États-Unis par milliers, puis par dizaines de mille. Ils arrivaient dans des paroisses catholiques déjà constituées ; la place leur était mesurée dans des églises qu'ils n'avaient point bâties et que leur nombre, toujours croissant, rendait trop petites. Non seulement le clergé, presque tout entier d'origine irlandaise, ne prêchait qu'en anglais, mais, pour être admis à la première communion, les enfants canadiens devaient réciter en anglais leurs prières et leur catéchisme.
30Mgr de Goesbriand, un Finistérien, fut nommé évêque de Burlington, dans le Vermont, lors de l'érection de ce siège en 1853. Il travaillait en Amérique du Nord depuis de longues années déjà et connaissait bien la situation des Canadiens français. Dès le début de son épiscopat, il proclama qu'ils avaient besoin de paroisses séparées. N'ayant trouvé que deux prêtres pour desservir son diocèse, il fit un voyage au Canada pour y chercher des auxiliaires mais les Canadiens, qui voyaient d'un mauvais œil leurs compatriotes émigrés dans les États et refusèrent de s'y intéresser. Il se tourna alors vers la Bretagne. Cette fois, ses espérances ne furent pas déçues ; il repassa l'Atlantique avec sept prêtres finistériens.
Aussitôt, écrit le P. Hamon dans son ouvrage sur les Français de la Nouvelle-Angleterre, ces hommes dévoués se mirent à parcourir les vallées et les montagnes du Vermont, rassemblant les catholiques dans les granges, les maisons, n'importe où, confessant, ranimant la foi à demi-morte dans les cœurs et organisant des centres qui sont devenus ensuite autant de paroisses florissantes. L'évêque était à leur tête, travaillant comme eux, parfois plus qu'eux, car son zèle était sans limite15.
31Ces prêtres, Finistériens pour la plupart, reçurent le renfort d'autres prêtres bretons ; ils ne pouvaient cependant suffire à la tâche et la vraie solution du problème devait venir du Canada lui-même. Avec une ténacité toute bretonne, Mgr de Goesbriand entreprit dans ce pays voyage sur voyage pour y plaider la cause des émigrés ; il fit des conférences, écrivit dans les journaux, publia des brochures, fit tant et si bien qu'il eut enfin raison des défiances et des préjugés. Sa campagne déborda son diocèse et il devint le champion de la cause des Franco Américains. Le P. Hamon reconnaît en ces termes la portée de son œuvre :
C'est à Mgr de Goesbriand que les Canadiens du Vermont doivent d'avoir conservé leur foi et de posséder aujourd'hui de belles et nombreuses paroisses. C'est à lui encore que les autres États de l'Est, où se trouvent maintenant des Canadiens par centaines de mille, doivent en grande partie l'avantage d'avoir enfin des prêtres de leur pays pour les desservir.16
32Mgr de Goesbriand ne s'inspirait d'ailleurs dans son activité d'aucune arrière-pensée de prestige national ; il allait au plus pressé et n'envisageait le problème des Franco-Américains que sous son aspect religieux. Il eut la satisfaction de voir le résultat de ses efforts car lorsqu'il mourut, en 1899, après quarante-cinq ans d'épiscopat, le diocèse de Burlington, si dénué de tout lorsqu'il en avait reçu la charge, comprenait grâce à ses soins ininterrompus, à sa charité, à son admirable dévouement 86 églises, 70 prêtres, un séminaire, 3 collèges de garçons et 5 de filles, 18 écoles paroissiales, un orphelinat et deux hôpitaux17.
Le clergé colonial
33On désignait au xixe siècle, sous le nom de clergé colonial l'ensemble des prêtres chargés de l'administration spirituelle des « Vieilles Colonies » : Martinique, Guadeloupe, Guyane, St-Pierre-et-Miquelon, Sénégal, Réunion et Comptoirs des Indes. Ces prêtres dispersés en Amérique, en Afrique et en Asie ne formaient ni une congrégation ni même un institut les réunissant sous la dépendance d'un même supérieur et dans l'observance d'un même règlement, mais seulement un corps spécial de fonctionnaires de l'État, comparable au corps des aumôniers de troupe. Tous étaient censés sortir du séminaire colonial tenu à Paris par les Pères du Saint-Esprit ; cette présomption était loin de répondre toujours à la réalité ; surtout pendant la première moitié du xixe siècle, un grand nombre de prêtres quittèrent directement leur diocèse d'origine pour les colonies18.
34Depuis 1815, date de la réorganisation du culte dans les « Vieilles Colonies », celles-ci ont bénéficié du ministère de près de 300 prêtres bretons. L'importance numérique de ce contingent place le clergé colonial au quatrième rang des grands mouvements missionnaires qu'a connus la Bretagne, aussitôt après le clergé d'Haïti, les Pères du Saint-Esprit, et les Missions Étrangères de Paris.
35La grande irrégularité des départs de prêtres vers les « Vieilles Colonies » conduit à distinguer quatre périodes. La première, qui s'étend de 1815 à 1850, est caractérisée par la faiblesse du recrutement (39 départs seulement en 35 ans) et par la prépondérance des clercs briochins qui constituent alors les deux tiers de l'effectif breton. Le petit nombre des partants s'explique suffisamment par le fait que les diocèses bretons manquaient eux-mêmes de prêtres. L'apport exceptionnel de Saint-Brieuc résulte de circonstances particulièrement favorables. Mgr Le Groing de la Romagère, qui gouverna ce diocèse de 1819 à 1841, portait un très vif intérêt à l'avenir religieux des colonies. Il eut même l'idée de fonder un séminaire spécial pour la formation d'aumôniers de vaisseau et de missionnaires pour les colonies. Il racheta dans ce but l'ancien palais épiscopal de Tréguier. Le marquis de Clermont- Tonnerre, le comte de Chabrol et Hyde de Neuville, qui se succédèrent au ministère de la Marine et des Colonies de 1821 à 1828, l'encouragèrent dans son projet, mais comme il ne rencontra pas la même bienveillance de la part des ministres de Louis-Philippe et qu'il se heurtait de leur part à une fin de non recevoir, il finit par suspendre ses démarches19.
36Il continua cependant de favoriser les vocations coloniales. Il avait quatre-vingt-trois ans quand il décida, en 1839, de faire donner des leçons de natation à ses petits séminaristes de Dinan et de Tréguier parce qu'il considérait comme très important « que les aumôniers, soit de Terre-Neuve, soit des autres contrées de l'Afrique et de l'Amérique, acquièrent de bonne heure ce talent de la natation20 ».
37À défaut de l'établissement rêvé par Mgr de la Romagère, les jeunes gens désireux d'entrer dans les rangs du clergé colonial devaient se rendre à Paris, au séminaire du Saint-Esprit. En 1837, le P. Mathurin Gaultier, un ancien élève de ce séminaire, originaire de Saint-Brieuc, y devint professeur de morale ; c'était un prêtre de grande valeur, qui joua un rôle considérable dans le triomphe des doctrines et des coutumes romaines comme dans la lutte contre les restes encore vivaces du gallicanisme et du jansénisme21. Son prestige, immense dans son diocèse natal, et ses démarches personnelles favorisèrent l'orientation de nombreux lévites briochins vers le séminaire des colonies. Son influence se trouva encore renforcée, à partir de 1842, par celle de M. Texier, ancien vicaire à la cathédrale de Saint-Brieuc, qui l'avait rejoint à Paris pour y enseigner le dogme.
38Pendant la seconde période, qui va de 1850 à 1890, 177 prêtres bretons s'embarquèrent pour les colonies. La moyenne annuelle des départs se trouva quadruplée par rapport à celle de la première moitié du siècle (4,4 au lieu de 1,1). La surabondance des vocations sacerdotales en Bretagne et l'exceptionnelle générosité du gouvernement impérial, tant pour le séminaire du Saint-Esprit que pour le clergé des colonies, rendent raison de ce brusque accroissement. Les évêques bretons se montraient plus exigeants dans l'admission définitive des candidats au sacerdoce dans les cadres de leur clergé diocésain. De nombreux séminaristes, invités à chercher un autre diocèse, s'orientèrent alors vers les Églises coloniales.
39À partir de 1885, la IIIe République, qui jusque-là avait suivi à l'égard du séminaire du Saint-Esprit les traditions du Second Empire, diminua le nombre des bourses allouées à cette pépinière du clergé colonial et les ramena en quelques années de 70 à 38. Les départs pour les colonies diminuèrent dans les mêmes proportions : de 1890 à 1910, la Bretagne ne leur envoya que 49 prêtres alors qu'elle leur en avait donné 91 au cours des vingt années précédentes.
40Par ses conséquences la loi de séparation de l'Église et de l'État, promulguée en décembre 1905, marqua la fin du clergé colonial tel qu'il existait depuis 1815. Depuis la Grande Guerre les évêques de Bretagne se plaignent de manquer de prêtres. Le ministère dans les diocèses coloniaux représentait une voie mixte entre le ministère paroissial ordinaire et la vie de missionnaire. Il n'exerce plus, dès lors, un grand attrait sur les séminaristes. Ceux qui préfèrent le ministère paroissial restent en France ; ceux qui sont attirés vers les missions entrent dans des instituts religieux exerçant leur apostolat en pays païens. De 1910 à 1940, une quinzaine seulement de clercs bretons ont opté pour le ministère dans les « Vieilles Colonies » et moins encore au cours du dernier demi-siècle.
41Si tous les diocèses de France, sauf celui de St-Jean-de-Maurienne, donnèrent des prêtres aux colonies, seuls ceux qui connurent une surabondance de vocations cléricales leur en envoyèrent des contingents notables. Le diocèse de Saint-Brieuc, grâce surtout à l'influence du P. Gaultier, s'assure nettement la première place avec 139 prêtres ; Vannes vient en second lieu avec 66, Quimper tient le septième rang avec 37, Rennes le onzième avec 28 et Nantes le quarante-deuxième avec 9. La Bretagne a donc fourni aux colonies 281 prêtres, soit plus du cinquième des membres du clergé colonial issu de la France métropolitaine.
42Seule de toutes les colonies, Saint-Pierre-et-Miquelon eut pendant la plus grande partie du xixe siècle un clergé entièrement breton, ce qui s'explique avant tout par les relations traditionnelles des pêcheurs d'Ille-et- Vilaine et des Côtes-du-Nord avec ces petites îles. Lorsqu'en avril 1816, plusieurs bâtiments étaient sur le point de reconduire à Saint-Pierre-et- Miquelon 700 colons qui en avaient été chassés quelques années auparavant par les Anglais, un vicaire de La Fresnais, l'abbé Olivier, se présenta spontanément pour accompagner la petite colonie. Il reçut, trois ans plus tard, les pouvoirs officiels de préfet apostolique. À partir de 1835, il fut aidé dans l'administration de sa petite chrétienté par l'abbé Chariot, un ancien aumônier de Terre-Neuve devenu recteur de Saint-Julien, dans le diocèse de Saint-Brieuc, qui le remplaça dans ses fonctions de préfet lorsqu'il prit sa retraite en 184122.
43M. Chariot (1841-1851) eut lui-même comme successeurs deux prêtres également originaires du diocèse de Saint-Brieuc : l'abbé Helloco (1851- 1866), originaire de Saint-Julien, qui avait suivi là-bas son ancien recteur et l'abbé Le Tourneur, de Plouescat (1866-1892).
44Parmi les autres prêtres bretons, qui exercèrent leur ministère dans les colonies, trois méritent une mention particulière : l'abbé Delacroix, Mgr Maupoint et Carméné.
45M. Julien Delacroix, ancien principal du collège de Dol, fut déporté à la Guyane en 1797. En 1802, alors que ses compagnons d'infortune s'empressaient de rentrer en France, il se refusa la joie du retour pour s'occuper des chrétiens de Cayenne. Il n'était pas curé de cette ville depuis un an qu'il mourait épuisé par les privations et les souffrances de la déportation.
46Mgr Amand Maupoint était vicaire général de Mgr Brossays-Saint-Marc lorsque, en 1857 il accepta le siège épiscopal de Saint-Denis de la Réunion. Angevin de naissance, le nouvel évêque était Rennais d'adoption. Il fut sacré par l'archevêque de Rennes, et plusieurs prêtres rennais le suivirent dans son île. Pendant les quatorze ans de son épiscopat (1857-1871) Mgr Maupoint se donna corps et âme au bien de son diocèse. Non content de fonder une vingtaine de paroisses à la Réunion, il fit commencer l'évangélisation de la côte orientale d'Afrique. Par sa sainteté, son zèle, son activité intellectuelle, il fut l'une des plus belles figures de l'épiscopat colonial23.
47Mgr Julien Carméné, originaire de Trébry, diocèse de Saint-Brieuc, fut évêque de la Martinique de 1875 à 1897. Lors de sa promotion à l'épiscopat, il avait passé déjà une vingtaine d'années à la Réunion où, en 1870, Mgr Maupoint l'avait choisi comme vicaire général. Tant à la Réunion qu'à la Martinique, il mérita la réputation d'un saint prêtre et d'un excellent administrateur24.
Le clergé d'Haïti
48La partie haïtienne de l'île Saint-Domingue, appelée jadis la France Noire et considérée comme la plus belle des colonies française, avait proclamé son indépendance politique en 1804. Sous la domination française, la religion catholique y était assez florissante, mais les anciens missionnaires capucins, carmes et dominicains, avaient été chassés au cours de la Révolution ou sous le gouvernement du président Dessalines. Pendant un demi-siècle, le pays ne compta qu'un petit nombre de prêtres séculiers venus pour la plupart de l'Amérique latine, de la Corse ou du Royaume de Sardaigne, trop souvent en rupture avec la discipline et même avec la hiérarchie catholique25.
49Lorsqu'en 1860, après de multiples tentatives du Saint-Siège, un concordat fut enfin signé, la situation religieuse de la République d'Haïti était devenue lamentable. Le pays était catholique par le baptême et certaines traditions mais en réalité, selon le mot de Mgr Guilloux, ces pauvres chrétiens, à part une très minime partie qui remplissait ses devoirs religieux, n'étaient que des « païens baptisés26 ». Encore tous n'avaient pas reçu le baptême et l'on constatait dans les mornes la survivance du paganisme africain, usage de fétiches et même, dit-on, le meurtre rituel d'enfants27.
50Le rétablissement de la hiérarchie catholique prévue par le concordat ne suffisait donc pas ; c'était tout un clergé capable de rechristianiser une population d'environ 900 000 âmes qu'il fallait trouver. Dans ces conditions, la désignation du premier chef religieux prenait une très grande importance. S'il faut en croire le témoignage de Mgr Hillion, le pape Pie IX aurait eu, dès le début l'idée de recruter en Bretagne le clergé de l'Église haïtienne. Quoi qu'il en soit, c'est un Breton de Lesneven, Mgr Testard du Cosquer, qu'il choisit comme premier archevêque de Port-au-Prince, et ce choix eut pour conséquence de faire pour longtemps de la République d'Haïti une fille spirituelle de la Bretagne. Sacré à Rome le 18 octobre 1863, Mgr du Cosquer se mit aussitôt à parcourir les diocèses de France, à la recherche de collaborateurs. Il ne trouva nulle part meilleur accueil que dans sa province natale : la Bretagne lui fournit en effet la moitié des trente ecclésiastiques qui l'accompagnèrent en Haïti au printemps de 186428. Ces Bretons venaient des diocèses de Rennes, de Saint-Brieuc, de Vannes et surtout de Quimper où le nouveau prélat avait exercé son ministère pendant treize ans, d'abord comme professeur au grand séminaire, puis à Brest, comme curé-fondateur de la paroisse de Notre-Dame du Carmel.
51Au milieu de ces prêtres qui, pour la plupart, n'avaient pas atteint la trentaine, se distinguait un des collaborateurs les plus intimes de J.-M. de La Mennais dans la direction de ses frères de l'Instruction chrétienne, l'abbé Alexis Guilloux. Après avoir été pressenti pour occuper lui-même l'un des cinq sièges épiscopaux prévus par le Concordat, ce supérieur du collège de Ploërmel, désireux depuis longtemps déjà de consacrer sa vie aux missions lointaines, avait accepté d'être, en qualité de vicaire général, le principal auxiliaire de Mgr du Cosquer. Il était destiné à jouer bientôt un rôle capital dans l'histoire de l'Église d'Haïti29.
52Par la « convention organique » de 1862, le gouvernement haïtien s'était engagé à fournir 20 000 francs chaque année pour l'entretien d'une vingtaine de séminaristes. Au cours de ses visites dans les grands séminaires de France, un certain nombre d'élèves avaient promis à Mgr du Cosquer de le suivre en Haïti, sitôt terminées leurs études théologiques. Il les groupa à Paris, au Séminaire du Saint-Esprit dont ils constituèrent une section spéciale sous le nom de « Séminaire Saint-Martial ».
53Le prélat ne s'était pas contenté de chercher des prêtres : pour ses écoles de garçons, il avait obtenu le concours des Frères de Ploërmel ; pour ses écoles de filles et le soin des malades, celui des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny, une congrégation qui, sans être née en Bretagne, y recrutait bon nombre de ses membres.
54Des qualités brillantes, une éloquence majestueuse lui valurent un grand prestige près de l'élite intellectuelle de Port-au-Prince et du président Geffrard. Ces avantages lui facilitèrent la solution de nombreuses difficultés qui surgissaient inévitablement de la mise en branle du concordat et lui permirent même d'exercer une certaine influence sur la politique haïtienne30.
55Mgr du Cosquer mourut dès 1869. L'abbé Guilloux, son vicaire général, fut désigné pour lui succéder. Le grand souci du nouvel archevêque fut aussitôt le recrutement de son clergé. Il ne fallait pas compter d'ici longtemps sur un clergé indigène tant soit peu important. Par contre, les épidémies avaient fait de nombreux ravages dans les recrues de Mgr du Cosquer : plus du quart des 80 prêtres français partis en Haïti depuis 1864 étaient morts à la fin de 1870. Plusieurs autres, malades ou découragés, avaient quitté une île si meurtrière. Le clergé de l'archidiocèse se trouvait réduit à 43 prêtres31.
56De plus, depuis 1864, le gouvernement haïtien était devenu incapable de payer les pensions des élèves du séminaire Saint-Martial. En prenant sur ses propres ressources, Mgr du Cosquer leur avait permis l'achèvement de leurs études mais la fermeture du séminaire, qui s'annonçait comme fatale, fut hâtée par le siège de Paris et les troubles de la Commune. Il n'y restait que deux séminaristes, tous les deux originaires d'Haïti.
57Si toutes ces circonstances étaient défavorables au recrutement de nouveaux missionnaires, ce n'était pas un mince avantage pour Mgr Guilloux d'avoir été le premier supérieur d'un collège devenu petit séminaire diocésain. L'affectueuse amitié de l'évêque de Vannes, Mgr Bécel, lui était acquise depuis longtemps. Il fut invité à lancer dans la Semaine religieuse en faveur de son Église, un appel qu'il put terminer en assurant les prêtres désireux de le suivre que le « cœur apostolique » de leur évêque ne mettrait aucun obstacle à leur généreux dessein32. Cet appel et de nombreuses autres démarches furent couronnés de succès. De retour en Haïti, il avait pu écrire, en novembre 1871 :
Depuis le 20 mai de l'année dernière la mort m'a enlevé 10 prêtres sur 43... Heureusement la bonne Bretagne est venue à mon secours. J'ai eu la consolation d'emmener avec moi une vingtaine de nouveaux auxiliaires presque tous pris au sein de son vaillant clergé33.
58Une dizaine de ces missionnaires lui avaient été donnés par le seul diocèse de Vannes. Ce n'étaient pas seulement de jeunes prêtres sans expérience ; plusieurs vicaires avaient quitté leur paroisse pour le suivre et un recteur, qui comptait trente ans de ministère, s'était offert en lui disant : « Me voici ! Si vous me croyez bon à quelque chose, je suis à vous34 ». En passant au petit séminaire de Sainte-Anne-d'Auray, l'archevêque de Port- au-Prince en avait détaché deux futurs évêques : un jeune professeur, l'abbé Kersuzan, et le supérieur, l'abbé Hillion.
59Sous l'épiscopat de Mgr Guilloux, le courant missionnaire, qui devait porter vers Haïti des centaines de prêtres français, allait prendre les caractères qu'il a conservés depuis. Mgr du Cosquer avait recruté presque la moitié de ses missionnaires en dehors de la Bretagne ; les Bretons formèrent les trois-quarts de ceux qui s'attachèrent à Mgr Guilloux et leur prédominance ne devait que s'accentuer par la suite. Parmi les facteurs de cette évolution, il faut compter l'influence de Mgr Hillion, premier évêque du Cap-Haïtien qui, dans ses discours et ses écrits, s'attacha à mettre en relief l'intention expresse de Pie IX de faire de l'Église haïtienne une mission bretonne. Le fait capital fut cependant le transfert en Bretagne du séminaire ouvert à Paris par Mgr du Cosquer.
60Cet établissement, disparu pendant la Commune faute d'argent, Mgr Guilloux ne put le rouvrir, il obtint de placer dans les séminaires de Rennes et de Vannes, les quelques clercs qui n'avaient pas encore terminé leur théologie. Dès que le gouvernement haïtien put faire face à ses obligations, Mgr Guilloux décida de rétablir une institution si nécessaire pour l'avenir de sa mission. Renonçant définitivement à Saint-Martial de Paris, c'est en Bretagne qu'il voulut créer le nouveau séminaire d'Haïti. Il voyait à ce changement un double avantage : réduire les frais de pension, moins élevés en province que dans la capitale, et surtout faciliter le recrutement de séminaristes bretons qui pourraient désormais achever le cycle de leurs études sans avoir à quitter leur province natale.
61Ne pouvant songer à prélever un corps professoral sur son propre clergé déjà trop peu nombreux, il caressa l'idée de confier ses aspirants aux Pères du Saint-Esprit, qui avaient alors leur grand scolasticat à l'abbaye de Langonnet, dans son diocèse natal. Ce projet n'ayant pas abouti, c'est dans le diocèse de Nantes que, sous la direction des Pères montfortains, le séminaire apostolique de Saint-François-Xavier fut inauguré, le 3 décembre 1872, avec 20 séminaristes dont 18 Bretons.
62Ce séminaire allait devenir l'angoissante préoccupation de l'épiscopat haïtien. Le nombre des prêtres, vicaires ou recteurs, qui abandonnaient leur paroisse pour se mettre au service des diocèses d'Haïti, assez considérable dans les débuts, diminuait de plus en plus. En Haïti, la mort ou la maladie décimait le clergé presque chaque année. Pour ces deux raisons, il était absolument nécessaire de maintenir vers Pontchâteau un courant continuel de vocations. Mgr Guilloux a raconté ses multiples démarches pour atteindre ce but. Dans une brochure35 il a souligné combien était difficile et délicate, pour lui et ses suffragants, cette partie si importante de leur tâche, combien de courses, de correspondances, de fatigues, de soucis de toutes sortes elle leur causait chaque fois qu'ils venaient en Europe. Son biographe nous le montre débarquant à Saint-Nazaire le 9 juin 1881 et visitant, avant la fin du mois, les petits et grands séminaires de Nantes, de Vannes, de Ploërmel, de Saint-Méen, de Saint-Brieuc et de Quimper36. Presque chaque année, l'un des évêques d'Haïti devait prendre le bateau pour essayer de combler les vides créés dans les rangs des séminaristes de Pontchâteau par le départ des nouveaux prêtres. Ces évêques ne s'en tenaient pas du reste aux clercs bretons mais saisissaient l'occasion de leur visite ad limina ou d'un pèlerinage à Lourdes pour jeter leurs filets dans les séminaires de Besançon, de Lyon, du Puy, de Rodez, de Mende, de Tarbes etc.
63Il ne suffisait pas de réunir des aspirants, il fallait payer leur pension et rétribuer leurs professeurs. Or des crises financières très fréquentes empêchaient le gouvernement haïtien de tenir ses engagements concordataires. Ce n'était d'ailleurs pas un séminaire de vingt théologiens qui pouvait suffire pour augmenter ou seulement maintenir un clergé qui succombait toujours sous la tâche. Pour remplacer ou suppléer les subventions gouvernementales, fonder de nouvelles bourses, créer une école apostolique, qui leur semblait indispensable pour assurer le recrutement du séminaire Saint-François-Xavier, les évêques d'Haïti sollicitèrent la charité de leurs fidèles, imposèrent leurs prêtres, recoururent à la Propagation de la Foi et au Saint-Siège. En 1879, au plus fort de leurs difficultés financières, Mgr Guilloux écrira : « Malgré tout, il faut que nous maintenions notre séminaire, dussé-je aller tendre la main en Europe ou en Amérique... Il y va de l'avenir de la mission ».
64Le nombre des grands séminaristes passa de 24 en 1873 à 40 en 1878. L'école apostolique annexée au séminaire Saint-François-Xavier ne fut jamais prospère. En 1878, deux ans après sa fondation, elle ne groupait que 16 élèves répartis de la sixième à la rhétorique. Pour ne pas multiplier les professeurs, il fallut se résoudre à ne conserver que les deux classes supérieures.
65La maison de Pontchâteau n'était pas reconnue comme séminaire diocésain ; la loi du 15 juillet 1889 astreignit donc ses élèves à trois années complètes de service militaire. Le caractère congréganiste des directeurs étant un obstacle à l'heureux aboutissement de démarches tentées près du gouvernement français par le gouvernement haïtien, le séminaire Saint- François-Xavier ferma ses portes en 1893. Mme de Kérouartz, dame de la Retraite de Lannion, offrit alors aux évêque d'Haïti une propriété située en Lampaul-Guimiliau (Finistère) où, en 1894, fut inauguré le séminaire Saint-Jacques d'Haïti. Le supérieur et les professeurs de ce nouvel établissement furent fournis par les diocèses de Saint-Brieuc et de Quimper.
66Il avait fallu ces maisons de formation pour permettre à la mission d'Haïti de se maintenir et de se développer. Le climat brûlant des Antilles, les épidémies de fièvre jaune, un ministère très absorbant dans des paroisses de quinze ou même vingt kilomètres de rayon avaient vite raison des constitutions les plus fortes. On s'en était aperçu dès le début : certains missionnaires étaient morts quelques semaines seulement après leur arrivée ; le seul mois d'août 1865 en avait emporté cinq. « C'est vraiment effrayant, avait écrit Mgr Guilloux en 1876, en moins de douze ans j'ai vu mourir plus de 50 prêtres à mes côtés. Je reste seul avec Mgr Ribault, mon secrétaire, des 24 arrivés en 186437. » Vingt ans plus tard, prononçant l'éloge funèbre de Mgr Gentet, Mgr Kersuzan donnait ces précisions à son auditoire :
472 ecclésiastiques, dont 7 évêques, sont venus exercer le saint ministère en Haïti depuis l'établissement de la hiérarchie catholique, en juin 1864. Notre nécrologe, depuis cette époque, compte 3 archevêques, 1 évêque et 177 prêtres ou diacres. Et parmi ceux qui ont quitté le champ de bataille, combien sont absolument hors de combat ! La moyenne de la vie du missionnaire d'Haïti dépasse à peine six ans. Nous comptons aujourd'hui, tant dans l'exercice du saint ministère que dans l'enseignement, 145 prêtres ; après trente-deux ans, le chiffre de nos morts dépasse de près d'un quart celui de nos survivants !38.
67Le séminaire de Pontchâteau avait beau envoyer une dizaine de prêtres, chaque année, cette mortalité extraordinaire rendait très lente la progression des effectifs du clergé. Les prêtres séculiers étaient 43 en 1870, 70 en 1877, 95 en 1896. L'augmentation beaucoup plus rapide qui se manifesta à partir de cette dernière date et qui porta le nombre des missionnaires à 150 en 1906, puis à 197 en 1914, trouve sa seule explication dans une longévité plus grande, due surtout à la rareté des épidémies. Car si le séminaire Saint-Jacques fournissait en moyenne deux prêtres de plus chaque année que celui de Pontchâteau, cette légère supériorité était contrebalancée par la rareté des départs de prêtres déjà engagés dans le ministère des diocèses français.
68L'avenir restait sombre, le séminaire Saint-Jacques n'échappant pas à la crise de recrutement que subissaient, depuis quelques années, tous les grands séminaires de France, quand la mobilisation de 1914 arracha 85 prêtres aux diocèses haïtiens, réduisant ainsi d'un seul coup de 43 % l'effectif de leur clergé. Pendant cinq années, alors que plusieurs missionnaires trouvaient la mort sur les champs de bataille, ceux qui mouraient en Haïti ne purent être remplacés. En 1921, les mobilisés survivants une fois rentrés, les évêques ne disposèrent plus que de 143 prêtres.
69Malgré la fondation, au lendemain de la guerre, d'une nouvelle école apostolique à Saint-Pol-de-Léon, il a été impossible de retrouver la prospérité relative du recrutement d'avant-guerre. Alors qu'au cours de ses vingt premières années (1894-1914), le séminaire Saint-Jacques avait envoyé en Haïti 232 missionnaires, de 1920 à 1940, il n'a pu en envoyer qu'une centaine.
70La prépondérance des Bretons dans le clergé d'Haïti s'était affirmée dès 1864. Elle ne fit que s'accroître jusqu'en 1920, sans qu'aucune autre région de France n'ait jamais été source d'un courant secondaire tant soit peu important. Des 53 curés ou vicaires desservant les paroisses en mars 1872, 36 étaient originaires de Bretagne et les 17 autres venaient de 17 diocèses différents. Des 159 prêtres sortis du séminaire Saint-Jacques de 1900 à 1920, 11 seulement n'étaient pas bretons.
71À part Mgr Tonti, délégué apostolique d'origine italienne, titulaire du siège de Port-au-Prince de 1893 à 1903, les 4 archevêques et les 12 évêques d'Haïti avaient tous été choisis parmi ces Bretons. En 1940, la Bretagne avait donné à l'Église d'Haïti 564 prêtres séculiers, 30 montfortains, 16 spiritains, plus de 400 frères de Ploërmel, 250 filles de la Sagesse et 85 soeurs de Saint-Joseph de Cluny.
72Si la Bretagne tout entière contribua à faire du mouvement d'Haïti le plus grand mouvement de prêtres bretons vers l'étranger, les cinq diocèses ne montrèrent, dans leur apport, ni la même générosité, ni la même constance. Le diocèse de Nantes a donné 39 prêtres. Sauf pendant une quinzaine d'années, il est resté pratiquement à l'écart du mouvement d'Haïti. Le séminaire Saint François-Xavier de Pontchâteau n'a pas exercé d'influence sur les jeunes clercs nantais. L'importance des contingents fournis par les diocèses de Rennes et de Saint-Brieuc (93 et 109 prêtres) s'explique par les visites répétées des évêques haïtiens dans les grands séminaires et par l'influence de l'abbé Legaignoux, directeur de l'école de vocations tardives de Chantepie qui dirigea vers Haïti de nombreux jeunes gens qui, sans lui, auraient cherché un autre champ d'apostolat. Dans les trois diocèses de Saint-Brieuc, de Rennes et de Nantes, par suite de la crise des vocations sacerdotales provoquée par la séparation de l'Église et de l'État, l'année 1910 marqua la fin d'un effort considérable d'un demi-siècle. Il y a eu 101 départs de prêtres quimpérois. Nombreux sous l'épiscopat de Mgr du Cosquer, ils diminuèrent brusquement dès la nomination d'un archevêque vannetais pour lui succéder. Il fallut l'ouverture, dans le Finistère, du séminaire Saint-Jacques (1895) pour ramener une nouvelle période de prospérité.
73Le diocèse de Vannes, principal soutien de la mission d'Haïti, (222 prêtres sur un total de 464) mérite une étude spéciale. Sur les 45 premiers prêtres bretons de cette mission, le Morbihan n'en avait donné que 6, mais la promotion de Mgr Guilloux à l'archevêché de Port-au-Prince modifia cette proportion à l'avantage de son diocèse d'origine puisque 55 des 128 missionnaires bretons qui se mirent à sa disposition étaient des Vannetais.
74Des dix évêques d'Haïti originaires du Morbihan, plusieurs avaient occupé des postes importants dans leur diocèse natal. Mgr Guilloux avait été supérieur du collège de Ploërmel, Mgr Hillion avait été sous-directeur du même établissement, puis supérieur du petit séminaire de Sainte-Anne- d'Auray où Mgr Kersuzan avait été lui-même professeur. Ils étaient très connus et très estimés du clergé vannetais qui leur témoigna toujours la plus grande sympathie. Ils bénéficièrent de la bienveillante amitié de Mgr Bécel qui considérait l'Église d'Haïti comme sa fille adoptive et qui, loin de se lasser de voir une partie de son jeune clergé le quitter pour elle, saisit plusieurs occasions pour dire à ses séminaristes qu'il était toujours prêt à faire de nouveaux sacrifices en sa faveur39.
75Même en considérant la mission d'Haïti comme un lointain prolongement du diocèse de Vannes, on est étonné de la place qui lui fut réservée dans la Semaine religieuse. Dans presque chaque numéro, surtout de 1871 à 1886, plusieurs pages lui étaient consacrées. Aux récits, parfois très détaillés, des tournées pastorales des évêques d'Haïti, de leurs voyages, de leurs visites, de leurs passages dans les séminaires de Bretagne, s'ajoutait la publication d'extraits de leurs discours, de leurs lettres pastorales ; leurs rapports sur la mission, des nouvelles du séminaire de Pontchâteau, l'annonce des départs de prêtres du diocèse, faisaient de cette revue un excellent bulletin de propagande pour la « Bretagne Noire ».
76Sauf celui de Carentoir, tous les cantons du Morbihan ont donné des prêtres à l'Église d'Haïti ; dans l'ensemble, cependant, le Nord-Est du département, correspondant à la zone de recrutement du petit séminaire de Ploërmel, s'est montré particulièrement généreux : le canton de Mauron a donné 8 prêtres, celui de Ploërmel 12, celui de Rohan 13, celui de Josselin 20. L'influence de Mgr Kersuzan s'est exercée particulièrement sur le canton de Grandchamp, qui a donné 7 missionnaires ; celle de Mgr Conan, sur ceux de Pontivy et de Baud qui ont donné respectivement 14 et 16 missionnaires.
77Depuis l'arrivée de Mgr du Cosquer à Port-au-Prince en 1864, l'Église d'Haïti s'est complètement réorganisée par la création d'un archevêché et de 4 évêchés, la multiplication des paroisses, la construction de cathédrales, d'églises et de chapelles rurales, la fondation d'établissements hospitaliers, d'écoles primaires, d'un séminaire-collège à Port-au-Prince, d'un collège ecclésiastique au Cap-Haïtien et d'un grand séminaire qui, en 1940, avait déjà formé plusieurs dizaines de prêtres haïtiens.
78Aucun missionnaire français ne put s'embarquer pour Haïti pendant la Seconde Guerre mondiale. Des 133 prêtres séculiers qui y sont arrivés de 1946 à 1970, 125 étaient Bretons (54 Quimpérois, 46 Vannetais, 12 Brio- chains, 8 Rennais et 4 Nantais). De ces 125 Bretons, 81 (60 %) y sont arrivés de 1946 à 1950, 33 de 1951 à 1960, 17 seulement de 1961 à 1970. La faiblesse de ce dernier chiffre demande explication. En 1960, Duvallier (Papa Doc) expulsa Mgr Poirier, archevêque de Port-au-Prince, fondateur et premier supérieur général de l'institut Saint-Jacques dont le but était de regrouper dans une société de vie commune les prêtres du clergé d'Haïti. En trois ans, le dictateur expulsa une vingtaine de missionnaires dont Mgr Robert, évêque des Gonaïves40. Les plus âgés de ces expulsés exercèrent leur ministère en France ou en Guadeloupe ; les 14 plus jeunes fondèrent une mission au Brésil. Des 24 prêtres sortis du séminaire Saint- Jacques entre 1964 et 1970, 17 optèrent pour cette nouvelle mission.
79En 1971, les prêtres de Saint-Jacques étaient 190 ; 90 d'entre eux exerçaient leur ministère en Haïti, 53 en France, 26 au Brésil, 7 aux USA, 5 en Guadeloupe. En 1980, sans avoir reçu de renfort, ils étaient encore 74, tous Bretons à deux exceptions près.
Notes de bas de page
1 Sur le rôle joué par les prêtres français aux États-Unis, voir J.-B. Piolet, Les Missions catholiques françaises au xixe siècle, Paris, 1903, t. VI, chap. V, p. 165-293.
2 The Catholic Encycloptedia, t. x, art. Nazareth, p. 274-275 ; t. IX, art. Diocese of Louisville, p. 387. Voir aussi sur Mgr David, Briand, Les confesseurs de ta foi, t. II, p. 283-301 et SRN, 1886, p. 444- 448 ; 466-472.
3 Mgr Baunard, Histoire de Madame Duchesne, Paris, 1182, p. 225. Voir aussi sur ce missionnaire, Annales de la Propagation de la Foi, t. XI, p. 337 ; Briand, Confesseurs de la foi..., op. cit., t. II, p. 615-622.
4 Jusqu'à quel point Limoëlan trempa-t-il dans ce complot ? G. Lenôtre a écrit en parlant de Saint-Régent : « Bien que Limoëlan, à qui ce procédé faisait horreur, s'efforçât de l'en détourner, il prépara en quelques jours la machine meurtrière », Georges Cadoudal, Paris, 1929, p. 36.
5 Terrien, Histoire du R.P. de Closrivière, op. cit., p. 436-447 ; The Catholic Encycloptedia, art. Char-lestown ; Revue de Bretagne et de Vendée, 1860, p. 348-355.
6 Sur Mgr de la Hailandière, cf. Notice par l'abbé Delafosse, Sem. religieuse du diocèse de Saint-Brieuc, 1882, p. 282.
7 Le curriculum vitae de Mgr Martin, avant son départ pour l'Amérique en 1839, n'a jamais été bien établi. Il naquit à Saint-Malo le 2 février 1803. Il fut réellement professeur au collège de Saint-Malo comme le note Mgr Laveille (Jean-Marie de La Mennais, Paris, 1912, p. 400) mais il était alors très jeune et sans doute continuait-il en même temps ses études. II suivit J.-M. de La Mennais à Saint- Brieuc et fit ses études théologiques au grand séminaire de cette ville. (SRSB, 1873, p. 450). Il était encore séminariste quand il accompagna son protecteur à la Grande Aumônerie de France. Prêtre en 1825, il fut recteur de Bléruais (diocèse de Rennes).
8 Bruté de Rémur, Monseigneur Bruté de Rémur, Paris, 1887 ; Mme de la Corbinière a écrit une autre vie en français de Mgr Bruté dans l'Indiana, Paris, 1886, p. 1 à 105. Plusieurs biographies ont été publiées, en anglais par Lady Herbert ; James Bayley, évêque de New-York, sœur Mary-Salesia Godec- ker. Voir surtout Ch. Lemarié, Monseigneur Bruté de Rémur, premier évêque de Vincennes aux États- Unis (1834-1839), Paris, Klincsieck, 1974.
9 L. Bertin, Autobiographie, Mss des Archives des Eudistes, p. 72-73.
10 The Catholic Encycbptedia, t. X, art. Natchitoches, p. 710-711 et t. XI, art. New-Orleans, p15
11 SRR, 1927, p. 320.
12 SRR, 1927, p. 320.
13 E. Lauvriere, La tragédie d'un peuple : Histoire du peuple acadien de ses origines à nos jours, 1923.Tome II, chap. XXIII, « Les groupes acadiens en France », p. 263-289.
14 Lettre de Mgr Martin (3 décembre 1858) à la Propagation de la Foi.
15 E. Hamon, Les Canadiens français de la Nouvelle-Angleterre, Québec, 1891, p. 120.
16 Hamon, op. cit., p. 135.
17 Sur l'œuvre de Mgr de Goesbriand, en plus de l'ouvrage de E. Hamon cité plus haut, voir abbé D.M.A. Magnan, Histoire de la race française aux États-Unis, Paris, 1912, p. 249-257.
18 Sur le clergé des colonies voir J. Janin, Le clergé colonial de 1815 à 1850, Paris, 1936 ; Les diocèses coloniaux ( 1850-1912) Paris, 1938 ; Les Églises créoles françaises : Histoire religieuse des vieilles colonies 1912-1938, Paris, 1940.
19 D'après plusieurs lettres adressées, en 1835, par Mgr Le Groing de la Romagère à la Mère Javou- hey, fondatrice des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny et conservées à la Maison-Mère de cette congrégation, rue Méchain à Paris.
20 Ordonnance du 10 août 1839.
21 Notice sur le R. P. Gaultier, Paris, 1859 ; B. Noel, « Mathurin Gaultier, professeur au séminaire du Saint-Esprit, Jacques-Paul Migne et la lutte contre les idées gallicanes », dans P. Coulon et P. Brasseur (dir.), op. cit., Paris, 1988, p. 744-764
22 Sur ces deux préfets apostoliques, cf. Janin, Les diocèses coloniaux, op. cit., p. 98-99.
23 Sur l'épiscopat de Mgr Maupoint, cf. Janin, Les diocèses coloniaux, p. 69-72.
24 Ibidem, p. 38-44.
25 A. Cabon, Notes sur l'histoire religieuse d'Haïti, de la Révolution au concordat, 1789-1860, Port-au-Prince, 1933.
26 Lettre du 17 janvier 1870. Propagation de la Foi, F. 236.
27 Lettre de Mgr Monetti, Délégué apostolique en Haïti, du 9 déc. 1860. Arch. Propagation de la Foi.
28 SRV, 1887, p. 335.
29 A. Cabon, Mgr Alexis-Jean-Marie Guilloux, deuxième archevêque de Port-au-Prince, Port-au-Prince, 1929, Appendice III : Liste des ecclésiastiques venus en Haïti depuis juin 1864 jusqu'à novembre 1885, p. 598-623
30 Cabon, op. cit., p. 77.
31 SRV, 1871, p. 36.
32 SRV, 1871, p. 36 et suivantes.
33 Arch. Propagation de la Foi, F 236.
34 SRV, 1895, p. 138.
35 Mgr Guilloux, Le Concordat d'Haïti : ses résultats, Rennes, Oberthur.
36 A. Cabon, Monseigneur A.-J.-M. Guilloux, Port-au-Prince, 1929, p. 90, 341, 357, 412
37 Arch. Propagation de la Foi, F 2362.
38 Cité par Cabon, Monseigneur Guilloux, op. cit., p. 572.
39 SRV, 1875, p. 597
40 Furent expulsés d'Haïti, de 1958 à 1963, 23 prêtres du clergé d'Haïti, 18 jésuites et 10 spiritains.
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