1 Cette idée est un postulat que l’on retrouve dans la plupart des travaux universitaires, manuels ou monographies, proposés jusqu’à ces dernières années. Alain Bergounioux et Gérard Grunberg l’ont d’une certaine manière consacrée en définissant justement un « cycle d’Épinay » dans Le long remords du pouvoir. Le Parti socialiste français, 1905-1992, Paris, Fayard, 1992. Mais d’autres travaux l’ont également contestée ; ainsi, les auteurs de l’Histoire documentaire du Parti socialiste expliquent en introduction de leur dernier volume : « Tenir Épinay en rupture fondatrice procède d’une lecture arc-boutée sur le rôle d’un “homme providentiel” pour le socialisme français et tait les processus de renouvellement entamés dès 1969 » (V. Chambarlhac, M. Dury, T. Hohl, J. Malois, La France socialiste, Histoire documentaire du Parti socialiste, 1969-2005, tome 4, Éditions universitaires de Dijon, 2006). Dans la seconde édition de leur synthèse (L’ambition et le remords : les socialistes français et le pouvoir 1905-2005, Fayard, 2005), Alain Bergounioux et Gérard Grunberg abandonnent eux-mêmes l’expression de « cycle d’Épinay » tout en estimant toujours que le congrès de 1971 reste le temps d’une refondation.
2 Nous renvoyons en particulier à Laurent Jalabert, La restructuration de la gauche socialiste en France des lendemains de mai 1968 au congrès de Pau du Parti socialiste de janvier 1975, mémoire HDR, IEP Paris, 2008. Dans l’introduction, l’auteur explique que l’idée d’un congrès fondateur à Épinay s’impose rapidement grâce à l’élaboration d’une « histoire officielle » qui s’exprime dans des ouvrages émanant de jeunes militants socialistes, souvent proches de François Mitterrand ou appartenant à la majorité issue d’Épinay. Citons également la thèse de Mathieu Fulla, Le Parti socialiste face à la question économique (1945-1981) : une histoire économique du politique, sous la direction de Marc Lazar, IEP de Paris, 2012.
3 Nous reprenons ici l’analyse d’Alain Bergounioux et de Gérard Grunberg qui estimaient qu’à Épinay « la nouveauté… provenait de la part d’étrangeté que présentaient, dans le socialisme français la personnalité et l’approche politique de François Mitterrand » (Le long remords du pouvoir, op. cit.).
4 Trois courants sont issus directement de la SFIO. À la gauche du parti, le CERES est emmené par Jean-Pierre Chevènement, Didier Motchane et Georges Sarre. Pierre Mauroy maintient, de manière informelle, avec ses amis, le réseau du Cedep mis en place dans les années 1960. Et les « molletistes » s’organisent à partir de 1972 dans la « Bataille socialiste ». Les nouveaux venus conservent bien souvent une activité propre : c’est ainsi le cas de l’Eris de Jean Poperen ou du « courant des Assises » qui se place derrière la figure de Michel Rocard. L’histoire interne du PS est alors en grande partie celle des rapprochements ou, au contraire, des conflits avec François Mitterrand qui bénéficie du réseau de la CIR, mais aussi de l’allégeance de nombreux nouveaux adhérents en raison de son double statut de Premier secrétaire et de candidat « naturel » à l’élection présidentielle. Notons, enfin, que l’ancien Premier secrétaire, Alain Savary, n’a pas voulu, lui, organiser une véritable sensibilité malgré les soutiens dont il pouvait bénéficier et que les opposants au programme commun qui n’ont pas quitté le parti en 1972 ont, quelque temps, cherché à affirmer, derrière Éric Hintermann, leur présence mais sans aucune audience.
5 Cette majorité formée autour de François Mitterrand, élu Premier secrétaire lors de cette réunion, et de ses compagnons de la CIR rassemble le CERES et les amis de Pierre Mauroy et de Gaston Defferre.
6 La minorité est alors constituée de trois sensibilités : les « molletistes », les « savarystes » et les « poperenistes ». Les deux dernières intègrent la majorité à l’occasion du congrès de Grenoble en 1973. Les molletistes, dont l’audience décline au point de perdre toute représentation dans les instances nationales après 1975, profitent de l’opposition entre François Mitterrand et Michel Rocard en 1979 pour rejoindre la majorité en signant la motion du Premier secrétaire au congrès de Metz.
7 Centre des Archives Socialistes (CAS) : Fonds Françoise Carle, PV du comité directeur du 16 juin 1971.
8 Le Poing et la Rose, 38, février 1975.
9 Le Poing et la Rose, 39, mars 1975.
10 La réunion du comité directeur a lieu tous les mois jusqu’en 1975, puis tous les deux mois.
11 Note de François Mitterrand à Gilles Martinet du 29 mai 1975, CAS, 1PS 147.
12 Lettre de Gilles Martinet à François Mitterrand du 2 juin 1975, CAS, 1 PS 147.
13 « Le comité directeur n’a à voter que pour l’accession au secrétariat, pas pour les attributions qui sont de mon ressort. Je donne seulement une indication, on verra » déclare-t-il au comité directeur des 4 et 5 octobre 1975 au moment des désignations de Michel Roca0rd et Roger Fajardie, CAS, Fonds Françoise Carle, compte rendu du comité directeur des 4 et 5 octobre 1975.
14 Pierre Joxe est néanmoins chargé de gérer la transition au siège du Parti.
15 En effet, grâce à leurs attributions au secrétariat national, Georges Sarre et Jean-Pierre Chevènement ont respectivement en charge, après 1971, les sections d’entreprise, au cœur de l’entreprise de rénovation du PS. Voir Carole Bachelot, Les socialistes en entreprise : une histoire des sections et groupes socialistes d’entreprise (1969-1981), TER Histoire, Paris 1, 1997.
16 Ce secrétariat est confié à Pierre Bérégovoy.
17 Il fut secrétaire national du PSU aux entreprises.
18 Déléguée aux organismes centraux en 1975, secrétaire nationale adjointe en 1978.
19 Quelques exemples illustrent cette répartition des attributions. Dominique Taddéi, « savaryste » en 1971, est secrétaire national à l’action culturelle de 1973 à 1979. Gilles Martinet, qui a adhéré en 1972, est délégué général aux questions idéologiques de 1973 à 1975, puis secrétaire national aux études jusqu’en 1979. Mais son influence est en partie limitée par la composition de commissions nationales et par les structures informelles que met en place le Premier secrétaire. Michel Rocard est délégué national au Plan en 1975 avant de s’occuper, avec le titre de secrétaire national, de la réflexion sur le secteur public. Jean Poperen est délégué général à l’énergie après 1973, puis secrétaire national à la propagande, mais il doit accepter une presse socialiste indépendante de son secteur et l’émergence d’une communication politique autonome autour de François Mitterrand. Néanmoins, sa fidélité lors du congrès de Metz est récompensée par le secteur des élections après 1979.
20 Voir Frédéric Cépède, « Le Poing et la Rose, la saga d’un logo », Vingtième siècle, Revue d’histoire, 49, 1996.
21 Cette citation est extraite de la brochure « Pour le renforcement de la ligne de gauche : la motion plus l’amendement », qui présente l’amendement à la motion alors défendue par François Mitterrand (Archives Martinet, MR 11, Centre d’histoire de Sciences-po). Cet amendement intitulé « Pour le renforcement d’une ligne de gauche », mais qui devient très vite dans le Parti « l’amendement Martinet », est l’occasion d’affirmer l’identité des nouveaux adhérents des Assises du socialisme d’octobre 1974.
22 Bien que le groupe n’ait pas d’existence statutaire, ses travaux sont reconnus dans le Parti. Mais le Premier secrétaire n’hésite pas également à constituer des commissions ad hoc. Ainsi, en 1977, il prend contact avec différents scientifiques pour constituer un comité d’étude « des problèmes d’environnement et de civilisation liés à l’utilisation de l’énergie nucléaire ». Ce dernier doit « prendre la mesure des problèmes soulevés par le recours à l’énergie nucléaire » et « préciser la place qui doit revenir à cette énergie dans une France socialiste ». Pour cela, François Mitterrand lui demande de préparer un rapport destiné à être rendu public et qui doit alimenter la réflexion du PS. Le caractère indépendant de ce comité et le lien direct qu’il entretient avec le Premier secrétaire sont clairement définis dans la présentation des participants : « [E] xperts indépendants ayant accepté de conseiller le Premier secrétaire du PS… » Lettre de François Mitterrand aux scientifiques du 15 mars 1977, CAS, 1PS 44.
23 Dans d’autres cas, la délégation générale, sans attribution particulière, donne une légitimité à celui qui la reçoit qui peut alors s’exprimer et agir au nom du Premier secrétaire.
24 Note manuscrite détaillant les nouvelles fonctions après le congrès de Pau, CAS, archives Mauroy, boite 76. Les rapporteurs spéciaux sont chargés de rapports et d’études portant sur des affaires générales.
25 Outre Alain Rannou délégué général aux entreprises, les anciens responsables nationaux du PSU, Robert Chapuis et Jean Le Garrec, deviennent délégués nationaux, à l’énergie pour le premier, chargé de la question des immigrés pour le second. André Acquier, de la CFDT, est délégué national à l’industrie et Jacques Delors, issu de la troisième composante des Assises, délégué national aux relations économiques internationales. En 1977, deux autres proches de Michel Rocard, Pierre-Yves Cosse et Monique Vignal, obtiennent à leur tour des délégations nationales. Ces nominations concernent également les anciens « savarystes » : Jacques-Antoine Gau (santé), André Boulloche (Plan), Jean-Pierre Cot (CEE) et Robert Verdier apparaissent également dans l’organigramme des délégués nationaux. Enfin, parmi les amis de Jean Poperen, Christiane Mora est désignée déléguée nationale à l’environnement en 1976 et Colette Audry est déléguée générale aux publications de la formation après 1978.
26 L’expression est utilisée par Robert Chapuis, Si Rocard avait su… Témoignage sur la deuxième gauche, Paris, L’Harmattan, 2007.
27 Rappel des décisions du comité directeur du 27 juin 1973, OURS.