Vivre en Touraine au xviiie siècle
|Première partie. Famille, démographie, mentalités
La Topographie médicale de Pierre-François Linacier, médecin des Lumières1
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Géographique :
FranceTexte intégral
- 1 Publication : Bulletin de la société des Amis du vieux Chinon, t. X, n° 2, 1998, p. 161-176.
- 2 M. Foucault, Naissance de la clinique, Paris, PUF, 1988 (1e édition : 1963).
- 3 F. Lebrun, Les Hommes et la mort en Anjou aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Mouton, 1971, p. 212 (...)
1Les médecins de province au xviiie siècle ont encore mauvaise réputation et ils passent toujours pour des Diafoirus, ne pensant qu’à saigner et à purger : une évolution est cependant sensible grâce à quelques fortes personnalités et le monde des chirurgiens, encore considérés comme inférieurs aux médecins, connaît les progrès les plus nets2. Bien que peu nombreux, les médecins sont cependant presque les seuls représentants du monde des sciences dans de nombreuses régions, par exemple en Touraine, province qui n’a pas d’Université ni d’Académie et où la vie intellectuelle reste atone. Cela, d’ailleurs, importe peu à la majorité de la population, les ruraux, puisque ceux-ci ne connaissent du monde médical que les chirurgiens les plus malhabiles et les matrones qui sont responsables de bien des accidents obstétricaux. Pourtant, portés par le courant des Lumières, la croyance au progrès et le développement de la philanthropie, le gouvernement royal et les principaux représentants de la « monarchie éclairée » en province, les Intendants attachent une grande importance à la lutte contre la maladie et la mort et s’appuient pour mener cette politique sur quelques personnalités d’exception qu’ils trouvent parmi les médecins et les chirurgiens. Dans la généralité de Tours, Du Cluzel, Intendant de 1766 à 1783, organise pour la formation des sages femmes de la campagne le séjour de Madame Du Coudray puis les suites de cet enseignement en désignant le chirurgien angevin Chevreul comme inspecteur des « cours d’accouchement3 ». Il continue à employer, à l’instar de Lescalopier, le docteur Dupichard comme « médecin des épidémies » pour coordonner les secours aux malades et convalescents, dans ces temps difficiles où se multiplient dysenteries, maladies pulmonaires ou intestinales, au cours des deux dernières décennies de l’Ancien Régime, en particulier entre 1779 et 1785. Cette action est possible grâce à la présence dans les petites villes de la Généralité de collaborateurs efficaces en la personne des meilleurs chirurgiens et de médecins qui font partie des élites sociales, comme le docteur Linacier à Chinon, dont les qualités médicales et humaines ont été reconnues et ont permis très tôt son intégration dans la Société Royale de Médecine.
La Société Royale de Médecine
- 4 J. Meyer, « Une Enquête de l’Académie de Médecine sur les épidémies (1774-1794) », Annales ESC, 19 (...)
2À la demande d’un petit groupe de médecins est fondée à Paris en 1776, grâce à l’action de Turçot puis de Necker, la « Société Royale de Médecine », qui a pour but ambitieux de parvenir à une véritable politique nationale de santé ; pour cela la Société, parisienne dans son origine mais provinciale par son rayonnement, souhaite avoir une connaissance précise de la situation sanitaire et de l’histoire médicale de chaque région. Son secrétaire, Vicq d’Azyr, met donc sur pied un réseau d’informateurs en nommant dans tout le territoire des « correspondants régnicoles » que la SRM désigne après avoir demandé aux Intendants de lui faire « connaître les médecins […] auxquels vous avez donné votre confiance et en les engageant à nous communiquer toutes leurs observations » au nom du bien public4.
3La circulaire envoyée aux Intendants trace le programme de la SRM : obtenir des rapports sur
« 1) la description topographique et médicale des différents cantons de la France ; 2) l’exposition des maladies endémiques dans une contrée ; 3) celle des maladies des artisans de toute espèce ; 4) la description des maladies auxquelles les bestiaux sont sujets dans les différentes provinces ou cantons ; 5) les observations météorologiques ; 6) enfin les travaux chimiques relatifs aux eaux minérales, ou aux autres objets de la médecine ».
4Dans ce texte, la référence à Hippocrate est explicite ; à propos des Topographies médicales il est note : « C’est proprement pour employer les expressions d’Hippocrate, un Traité de Aëre, aquis et locis d’un canton ». Le rythme des saisons, la nature de l’air et des eaux apparaissent comme des facteurs décisifs de la santé. De plus, cette correspondance régulière avec la Société doit permettre de rompre l’isolement dont souffrent les médecins de province et leur offrir conseils et aide dans les moments difficiles.
- 5 Tous les écrits de Linacier se trouvent dans les archives de la Société Royale de Médecine, dont a (...)
5En Touraine stricto sensu un seul médecin, le docteur Linacier qui exerçait à Chinon, fut nommé « correspondant régnicole ». Ce fut un des tout premiers puisque sa nomination fut effective dès août 1776, peut être grâce à la promptitude apportée par Du Cluzel dans sa réponse. Il est le cinquième médecin désigné, juste après le docteur Gallot, qu’il connaît d’ailleurs, de Saint-Maurice le Girard en bas Poitou ; un peu plus tard, ce fut le tour du docteur Ayrault, de Mirebeau, le centunième médecin désigné comme correspondant régnicole. En octobre 1776, le docteur Dupichard, de Tours, fut nommé « associé régnicole », titre supérieur à celui de correspondant régnicole, sans doute en récompense des services rendus comme « médecin employé pour les épidémies ». À son niveau, Linacier a dû remplir un rôle identique puisqu’il nous a laissé différents rapports sur les épidémies en Chinonais dans la décennie 1760 et sa nomination est certainement la reconnaissance de ses capacités ; il les prouve à nouveau à partir de 1776 en envoyant très régulièrement à la SRM, dont il fut un des plus fidèles correspondants, des relevés météorologiques (températures, pressions, vents, pluviométrie…) précis, des rapports mensuels sur les « maladies régnantes » qui figurent dans les Mémoires publiés chaque année par la SRM. Les archives de la SRM contiennent aussi des descriptions détaillées des maladies observées ainsi que la topographie médicale de Chinon, qui éclairent le lecteur non seulement sur les conceptions scientifiques dans l’élite médicale du temps mais aussi sur certains aspects de la vie régionale5.
Repères biographiques
6Pierre François Linacier est un enfant du pays ; il est né, en effet, le 20 août 1736 à Couziers, dans cette zone située au carrefour de l’Anjou, de la Touraine et du Poitou, mais sa famille est de Fontevrault. Les registres paroissiaux gardent la trace de nombreux actes concernant des Linacier, qui sont marchands, fermiers généraux de seigneurie ; ils font donc partie d’une petite élite rurale plus aisée que la masse des paysans. Son père est lui-même fermier du prieuré de Couziers, comme l’avait été son propre père mort en 1725, et sa mère, Jeanne Nau, est d’une famille de petits officiers royaux (notaires par exemple) ou seigneuriaux. Il est l’avant dernier enfant d’une famille nombreuse où le rythme des naissances est rapide (au moins huit enfants, dont six filles, entre novembre 1729 et novembre 1738), ce qui laisse présumer que ces enfants étaient mis en nourrice, preuve supplémentaire d’une relative aisance.
- 6 Dr E. H. Tourlet, Documents pour servir à l’histoire de la botanique en Touraine, Tours : Pericat, (...)
7Nous ne savons pas où il a fait ses études ; ce n’est certainement pas à Tours qui ne possédait pas d’Université. Son nom ne figure pas non plus sur la liste des étudiants reçus à la faculté de Montpellier, la plus prestigieuse, ni à celle d’Angers : quant à celle de Poitiers, à cette date elle ne délivrait plus de grades. Il s’installe vers 1761 à Chinon. Sa clientèle ne suffit sans doute pas à l’occuper bien que la concurrence médicale y soit faible ; il a ainsi le temps d’herboriser…6
- 7 On ignore quel est le montant de ses honoraires ; dans d’autres villes on sait qu’ils s’élèvent à (...)
- 8 Archives départementales d’Indre et Loire, H 56.
- 9 R. Mercier, Le Monde médical de Touraine sous la Révolution, Tours, Arrault, 1936, p. 94.
8Comme beaucoup de ses confrères, il ne peut vivre seulement de ses honoraires7, puisqu’à la mort de son père il prend en colocation avec une de ses sœurs et un beau frère, notaire et contrôleur des actes, l’exploitation de la seigneurie du Petit Bourgueil à Couziers pour une somme annuelle de 150 livres8 ; ainsi garde-t-il des attaches terriennes. Il se marie sans doute en janvier 1768. En 1789, il rédige avec Jean Séverain le cahier de doléances des médecins de Chinon, dans lequel la profession expose ses idées sur les mesures à prendre pour assurer l’hygiène et la salubrité dans la ville mais aussi pour fournir des secours en travail aux plus pauvres afin d’éviter la mendicité9. Il semble avoir traversé sans encombre la Révolution. Sans doute a-t-il été fort occupé, en particulier au moment de l’épisode « vendéen » de l’histoire de Chinon, puisqu’il était médecin de l’hôpital. Il meurt en 1810, en laissant un fils, né en 1772, qui exerce aussi la médecine dans la ville.
Conceptions et pratiques médicales de Linacier
- 10 Archives départementales d’Indre et Loire, C 403. Il prend en charge le traitement de la grave épi (...)
- 11 F. Lebrun, Se soigner autrefois. Médecins, saints et sorciers aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, (...)
- 12 Archives départementales d’Indre et Loire, C 354.
- 13 C. Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine et Loire, t. II, Paris/Ang (...)
9Linacier a sans doute eu très vite bonne réputation puisqu’il est le correspondant privilégié de l’Intendant pour l’action en temps d’épidémie. Selon un système bien établi, lorsqu’un curé avertit qu’une maladie se développe dans une paroisse, le subdélégué prévient à son tour l’Intendant, qui donne mission à un médecin de se rendre sur place, de faire le diagnostic de la maladie (d’où l’intérêt d’avoir des rapports sur les maladies qui ont sévi antérieurement ou sont en train de se développer dans la région) et d’établir le traitement qu’un chirurgien fera appliquer10. Linacier est, de plus, médecin des pauvres de l’Hôpital où il s’occupe aussi des soldats malades. Il est appelé en consultation à l’extérieur ; ainsi, à la fin de 1786, il séjourne plusieurs jours dans un château du Poitou pour s’occuper de deux malades. Bien qu’il utilise un vocabulaire traditionnel dans lequel abondent les « fièvres », qu’elles soient « intermittentes, putrides, vermineuses, éruptives, malignes », il a adopté les conceptions modernes sur différents problèmes : pour traiter certaines maladies comme la petite vérole, il n’est pas d’accord avec le recours à la saignée. Dans une région où cette maladie est répandue, même si elle est rarement mortelle, il est partisan de l’inoculation qu’il n’a pas encore pu, en 1776, pratiquer, ce qu’il se dit prêt à faire. Il développe les théories « aéristes » très à la mode : il se plaint de ce que dans de nombreux cas les malades s’enferment chez eux, s’enfouissent sous des couvertures et se soignent avec des remèdes chauds, « du vin et de la rôtie », alors qu’il préconise « la nécessité de renouveler l’air et de maintenir la fraîcheur », donc d’aérer les maisons grâce à des courants d’air, de respecter une diète légère… Les cures thermales sont très en vogue à cette époque et la SRM se soucie d’en reconnaître les spécificités comme le prouve un passage du questionnaire qu’elle a établi ; le surintendant des eaux minérales du royaume a sous ses ordres les intendants qui s’occupent des quelque 478 sources recensées11. Linacier a été nommé intendant des eaux minérales de Jouannette à Martigné Briant en Anjou, de Bilharzay et de Candé en Poitou12, entre autres. Pour celles de Martigné Briant, très fréquentées à l’époque13, il éprouva quelques déconvenues car il dut céder son titre à un jeune médecin, dont toutefois la mort prématurée en 1782 lui permit de retrouver sa fonction ; il réalisa différentes analyses de ces eaux.
- 14 Archives départementales d’Indre et Loire, C 356, Selon le corps de ville de Chinon qui le recomma (...)
- 15 J.P. Desaive, J.P. Goubert et al., Médecins, climat et épidémies à la fin du XVIIIe siècle, Paris, (...)
- 16 Au contraire, à Tours le Docteur Duvergé, alors sans doute à la retraite, fait publier un Mémoire (...)
10Mais surtout il se montre très attentif aux enquêtes demandées par la SRM à qui il est reconnaissant de le sortir d’un isolement intellectuel qui lui pèse, même s’il est déjà en correspondance avec différents médecins d’Anjou ou du Poitou, comme Ayrault à Mirebeau, ou Gallot. À Chinon, qui compte alors entre 4500 et 5000 habitants, on trouve en 1785 deux médecins (tandis que la campagne n’en a aucun) et sept chirurgiens, dont Challuau. Ce dernier semble être le meilleur – Linacier l’apprécie – puisqu’il révèle une réelle habileté pour opérer les hernies fréquentes dans la région, selon Linacier, et qu’il a été désigné pour assurer les cours de formation des sages femmes après le passage à Tours de Madame Du Coudray14. Linacier s’intéresse aux instruments de mesure des températures et des pressions et sait critiquer thermomètre et baromètre : il réclame qu’on le prévienne quand des instruments plus fiables seront disponibles. Ses relevés, à la différence de bien d’autres, sont de bonne qualité et ont le grand mérite de la régularité et de la continuité puisqu’ils couvrent dix années ; leur validité a été reconnue15. Mais les rapports sur les épidémies et la topographie médicale de Chinon sont les textes qui évoquent le mieux aussi bien les conditions d’existence des Chinonais à la fin du XVIIIe siècle que les conceptions et les pratiques d’un praticien de province, dont la formation scientifique est sans doute médiocre mais qui ne s’étend pas sur des considérations théoriques néohippocratiques aux dépens de l’évocation des réalités humaines16.
- 17 Elle fut lue aussitôt lors d’une séance de la SRM.
11La description de Chinon a été rédigée en deux temps, fin novembre et début décembre 177617 mais elle n’a jamais été imprimée ; ce texte présente donc un caractère spontané qui se traduit, malgré l’existence d’un schéma de composition tracé par le questionnaire de la SRM, par une rédaction assez maladroite et décousue mais très vivante. En en citant de nombreux passages, nous allons essayer de montrer comment une lecture au « premier degré » de ce texte nous fournit des indications tout à fait intéressantes sur la ville de Chinon et sa campagne, mais aussi, et surtout, au « second degré » nous montre en action un humble médecin du temps des Lumières.
La Topographie médicale de Chinon
Les « conditions naturelles »
12Selon les règles du genre, Linacier commence par décrire la situation et le site géographiques de Chinon, qu’il juge favorables puisque la ville est sur un coteau, et il met l’accent sur la circulation de l’air et des eaux comme facteur essentiel des conditions sanitaires dans lesquelles vivent les habitants : la ville s’étend sur la pente d’un coteau allongé d’est en ouest sur environ quatre lieues ; sur la rive gauche ce coteau a un symétrique et tous deux limitent la vallée de la Vienne dont les « débordements forment dans quelque temps une étendue d’eau d’une côte à l’autre. Ce sont ces débordements qui ont donné lieu à cette vaste étendue de marais située plus au-dessous qu’au dessus de notre ville » ; mais ces eaux s’écoulent assez facilement.
« Notre ville située […] au pied d’un coteau élevé et très étendu dans tous les points du nord, nous sommes privés des influences des vents favorables de cet aspect et le mal serait peut être bien plus grand si quelques vallons en dessus et en dessous de nous ne favorisaient des courants d’air qui entraînent une partie des exhalaisons sur la côte opposée où l’on observe aussi de très larges vallons qui se perdent dans de vastes plaines. »
- 18 Selon Linacier, l’hôpital de Chinon est sain parce que les murs sont percés au nord et au sud d’ou (...)
13Le pays est « couvert » au nord-ouest et « coupé de petits fossés, où les eaux croupissent le plus souvent, en pourrissant les feuilles des arbres, nombre d’autres plantes et d’insectes ; aussi le pays est-il exposé aux épidémies dont les retours sont assez constants de sept en huit ans ». Vers le sud et le sud-est, s’étend une « plaine immense […] bordée de marais dont le sol est fangeux ; mais comme le pays n’est pas couvert, on n’a pas observé que les exhalaisons fussent préjudiciables aux habitants des plaines ». On le voit, le problème qui retient le plus l’attention est celui de la circulation de l’air et de la dissipation des « exhalaisons », mot souvent écrit et toujours connoté péjorativement, le coteau de la rive droite de la Vienne empêchant le plus souvent les vents du nord de balayer la ville ; le même problème se retrouve d’ailleurs à Tours18.
- 19 D’après différents relevés accomplis dans la seconde moitié du siècle, on peut constater que le no (...)
14On peut donc dire de la position de Chinon « que d’accord avec l’expérience clinique elle était assez avantageuse19 », sauf quand des conditions météorologiques défavorables sont conjuguées comme en 1767 :
« 1) Une situation particulière au pied d’un coteau élevé au nord ; 2) l’influence des exhalaisons fixées sur toute cette position par les vents du sud-ouest, sud et sud-est, plus fâcheuses après les inondations, et nous en avons éprouvé de très grandes et d’assez fréquentes dans le mois de novembre et beaucoup de brouillards épais et très humides dans le mois de décembre […]. »
15L’autre question majeure selon les médecins est celle de l’alimentation en eau : Limacier lui accorde peu de place dans ses développements car ce n’est pas pour Chinon un problème grave. Linacier est d’ailleurs aussi démuni que les savants de son temps pour réaliser l’analyse de l’eau et il ne peut en définir les caractères que selon les observations traditionnelles : dissout-elle bien le savon ? Cuit-elle bien les légumes ? Contient-elle des substances qui se déposent après repos ? Selon l’opinion répandue à l’époque, l’eau qui est claire et qui bouge ne peut être mauvaise ; c’est pourquoi il faut préférer les eaux des rivières à celle des puits et même des sources en dépit des préjugés populaires qui préfèrent ces dernières : l’eau de la Vienne et de ses affluents est très bonne à boire, sauf quand le niveau est bas, alors que « les eaux de puits de notre ville sont comme dans bien des endroits d’un goût fade. Elles dissolvent mal le savon, cuisent difficilement les légumes et rougissent un peu les viandes » ; elles sont en effet « imprégnées d’un sel nitreux à base terreuse ». L’eau des fontaines de la ville n’est pas meilleure « trop chargée en sel marnotuffeux », mais le peuple continue à la boire.
16Linacier note à une autre occasion les effets ambigus de la situation de la ville au bord d’une rivière à la fois bienfaisante par l’activité économique qu’elle suscite mais néfaste par l’humidité dans laquelle elle fait vivre les bas quartiers :
« […] la rivière de Vienne qui baigne les murailles de la ville en procurant de grands avantages pour le commerce entretient une humidité préjudiciable à toutes les habitations qui dans la basse ville y sont d’autant plus fréquemment exposées qu’il manque des quais ou levées qui pourraient les en préserver […]. »
17De ce fait, dans les temps d’inondations se produisent fréquemment des « fluxions, des douleurs anomales, des fièvres lentes à la suite d’éruptions de différentes espèces, des gonflements avec œdème, plus ou moins étendus ».
18L’eau est un fluide qui pénètre, circule dans les corps et en est évacué :
« […] la lésion constante de la transpiration peut être rapportée aux intempéries pluvieuses, aux brouillards épais, enfin à une température peu froide qui a maintenu trop longtemps le relâchement général de la fibre bien plus marqué chez les enfants du premier âge et chez le sexe. »
19Mais Linacier ne partage pas totalement les opinions qui voient dans l’humidité de l’air l’origine de la plupart des maux et évoque à leur sujet des causes sociales comme les problèmes de nourriture et plus généralement des conditions de vie : « c’est donc autant au genre de vie qu’à l’intempérie particulière que nous devons rapporter les maux d’estomac, la goutte, les affections rhumatismales » observés en 1769.
La production agricole et l’alimentation
20Après avoir brossé le tableau des « conditions naturelles », Linacier donne une description vivante de l’activité agricole de la région de Chinon qui contraste avec l’image traditionnelle d’une agriculture routinière et soumise à « la tyrannie des blés ». Au contraire, l’agriculture chinonaise est largement ouverte sur les débouchés commerciaux que lui offre la proximité de la Loire et ceci grâce à « l’industrie », c’est-à-dire l’activité et l’ingéniosité des habitants qui cultivent un terrain
« dans sa majeure partie composé d’un sable léger plus ou moins rouge suivant qu’il reçoit plus ou moins de cette terre végétale qui dans quelques endroits fait des terrains excellents […] celui-ci n’est pas le plus commun, au contraire ; le premier est cependant devenu depuis quelques années l’objet le plus important puisqu’il leur procure les principaux moyens de subsistance. »
21L’agriculture est fondée sur une polyculture intensive associant cultures variées et élevage :
- 20 Le « blé de Turquie » désigne le maïs.
« […] on cultive partout le seigle, l’orge, les pois de toute espèce, le blé de Turquie, le sarrasin, les lentilles, les fèves, les pommes de terre, les citrouilles et malgré que le terrain ne paraisse qu’un sable allié à une très petite quantité de terre le cultivateur est suffisamment dédommagé de ses travaux surtout depuis que les engrais lui ont été plus faciles à acquérir à raison de la cavalerie qui depuis bien des années en fournit abondamment dans le pays20 ».
- 21 En effet Chinon reçoit très régulièrement des troupes, en particulier des dragons, en quartier d’h (...)
- 22 J.M. Moriceau, Les Fermiers d’Ile de France, Paris, Fayard, 1994, p. 660661. Peut être n’en a-t-on (...)
22Le paysan chinonais se conduit donc comme les gros fermiers de la région parisienne qui savent acheter le fumier des nombreuses écuries parisiennes pour augmenter leurs rendements21. De plus le pays est couvert d’arbres fruitiers : amandiers, cerisiers, pêchers, pruniers de Sainte Catherine, poiriers, pommiers, sans compter les groseillers sauvages, quelques cormiers et néfliers ; par contre très peu de noyers22. La vigne, bien sûr, est présente partout mais n’occupe le plus souvent que des parcelles et aucune exploitation ne lui consacre d’importantes superficies, au contraire des « closeries » de la région de Tours. Les vins rouges, qui pourraient être améliorés, sont cependant un objet essentiel du commerce ; les blancs restent médiocres. L’élevage de bovins est abondant, en particulier dans les prairies de la vallée de la Vienne qui sont des communaux dans bien des endroits et permettent l’élevage de vaches qui sont souvent prises en location par les à la subsistance des vignerons ou les manouvriers à « moitié croît, perte et profit » à un habitant de Chinon : bourre et fromage sont vendus en grande quantité sur les marchés de Chinon et de Bourgueil, tout comme les volailles ou les œufs.
23Dans la gamme des productions agricoles utiles pour la subsistance ou le commerce, seul manque le froment cultivé seulement sur « une très petite surface au-dessus de la ville », mais la ville peut en faire venir par route du Loudunais ou du Poitou, ou en recevoir par eau de Nantes. De toute façon, seuls les plus riches peuvent acheter du pain blanc, la majorité des habitants se contente d’un pain « fait des farines de seigle et d’orge pour la plupart ».
- 23 Linacier évoque ici le poids de la gabelle ; la région de Chinon est en effet soumise au régime le (...)
- 24 Linacier critique la consommation de viande d’oison « qui est lourde » et provoque des digestions (...)
« C’est la seule qui compose leur pain, il est bien cuit, peu ou pas salé, cette denrée étant à un prix très haut dans le pays surtout depuis quelques années où l’on n’en reçoit plus la quantité de livres à la mesure fixée23. Les farineux de toute espèce, surtout les pois rouges, les pommes de terre des espèces variées, les navets, les racines de betteraves rouges, les carottes, les choux, les citrouilles, les fruits de toute espèce de chacune des saisons […] leur servent de variété, ainsi que les sardines sèches salées, les harengs, l’ail, les oignons, les cives. Ils mangent très rarement de la viande si ce n’est celle de mouton, de cochon, d’oison, dans les temps où elles sont à bas prix24 ».
- 25 Ce fut le cas en 1771.
24Par contre, la consommation de lait est faible ; on lui préfère le fromage. Les habitants boivent de l’eau ou de la « boisson » faite avec de l’eau passée sur les marcs de raisin ou des fruits sauvages pressés, d’où découlent parfois, « dans les temps où la corruption a lieu » des maladies comme des « coliques, des fièvres vermineuses, putrides… ». La forêt toute proche offre ses ressources aux plus pauvres lors des années de disette, car on y trouve « le petit houx dont les grosses racines fournissent aux plus malheureux des moyens de subsistance lors du trop haut prix des premières denrées25 ».
- 26 B. Maillard, Les Campagnes de Touraine au XVIIIe siècle. Étude d’histoire économique et sociale, t (...)
- 27 La culture des « patates » n’est pas considérée comme un progrès puisque c’est la nourriture des p (...)
25Cette polyculture n’a pas d’équivalent dans le reste de la Touraine26. Le Chinonais est la première région dans cette province à avoir vraiment adopté les cultures nouvelles comme celle du maïs ou de la pomme de terre27 ; de plus au nord de Chinon, dans la vallée de la Loire, du côté de Restigné, donc au début de la zone qui constitue la Vallée angevine, on produit coriandre, réglisse, ail, oignons, échalotes en bonne quantité. Ces vins, ces légumes et fruits secs, ces différentes plantes et graines aromatiques sont expédiés vers le port de Nantes où ils sont chargés sur les navires en partance.
La hiérarchie sociale et la vie quotidienne
- 28 C’est le mot employé par le questionnaire de la SRM ; il faut le comprendre au sens le plus large (...)
26Ce tableau pourrait laisser penser que la petite patrie du docteur Linacier est un pays de cocagne ; mais la lecture des passages de son rapport où il évoque les différentes « classes » de la population permet de nuancer cette vue optimiste par l’étude de la situation sociale. Linacier y parle avec grande « sympathie des paysans en particulier ; par là il est bien dans l’air du temps puisqu’il leur oppose les citadins dont le courage au travail n’est pas la principale qualité. Mais il attache aussi une grande importance à la situation des femmes et des enfants ; ainsi, dans ses relevés mensuels sur les problèmes sanitaires et de santé, il note souvent « les suites de couches », et il est bien le seul des correspondants de la SRM à y attacher autant d’importance. Selon lui, la société à Chinon et dans sa région peut être divisée en trois groupes : « les gens aisés », la classe des « artisans28 sédentaires de la ville » et « la classe des artisans occupés des travaux de la terre ».
« [Cette dernière] n’offre pas une espèce d’hommes vigoureux ; leur stature comme celle des femmes est généralement moyenne, leur teint est assez bon, on en voit peu de basanés, leur genre de vie est assez actif mais on ne peut pas dire qu’ils l’étendent aux travaux les plus pénibles, ils les supporteraient difficilement […] une première éducation des plus vicieuses ne permet pas à leur organe d’acquérir les conditions nécessaires pour les supporter. D’ailleurs la population assez nombreuse dans cette première catégorie en diminue bien l’aisance ». […] [Les habitants de la campagne sont vêtus] très légèrement même dans les froids rigoureux, il n’est pas rare de voir leurs enfants aller nuds pieds ou au plus avec des sabots sans bas, une culotte de toile grise, une veste quelquefois doublée de la même étoffe fait le reste de leur vestiture. »
- 29 Il veut certainement parler de la syphilis.
27Les « artisans » de la ville sont mieux vêtus et mieux nourris, mieux logés, même si c’est dans des « caves » car elles sont mieux orientées et aérées. Ils ont plus de mal à se chauffer car ils doivent acheter leur bois aux habitants de la campagne qui vont le chercher dans la forêt pour le vendre en ville. Ils « n’offrent pas une classe d’hommes plus vigoureuse dans les deux sexes » que les paysans mais la débauche y est un peu plus fréquente ». De plus, on voit s’y répandre une maladie dont Linacier n’écrit pas le nom29 mais
« qui était on ne peut plus rare avant le séjour des troupes depuis la paix ; on ne peut pas dire qu’elle s’y soit très multipliée, néanmoins on la voit déjà se transmettre à une nouvelle postérité ce qui fait bien craindre sa propagation, à raison que ses symptômes en sont plus supportables que par le passé et que le peuple ne s’en fait point guérir. »
28On peut reprocher à cette classe
- 30 Ce goût pour les maisons de campagne est largement répandu en Touraine : selon Duvergé, la plupart (...)
« un défaut d’activité dans son travail. Les femmes n’en font point ; elles sont la plupart occupées de la vente de petites denrées étrangères et de celles du pays.
[Enfin] les gens aisés […] sont généralement sobres, assez bien constitués dans les deux sexes, d’une stature un peu plus grande, d’un beau teint. On remarque en général peu d’activité dans leur vie si ce n’est lors de leur séjour à la campagne qui a lieu la plus grande partie de l’année […]30 ».
29Le « médecin des Lumières » a non seulement une tâche professionnelle mais aussi un rôle social à jouer ; il est le médecin des individus mais il doit aussi être celui du « corps social ». Il doit en particulier participer à l’éducation de la population en luttant, par exemple, contre des conduites traditionnelles mais de plus en plus considérées comme néfastes. Parmi celles ci, Linacier fait figurer au premier plan – et il insiste bien dessus en y revenant à plusieurs reprises – toutes celles qui concernent les enfants, l’enfance ne devant pas peser sur l’âge adulte par les conséquences néfastes d’une première éducation « vicieuse ».
30Ainsi il s’élève, tout en les comprenant, contre les habitudes des femmes, en particulier celles des nourrices à la campagne ; les mères qui allaitent leurs enfants, « devoir naturel », mais aussi des nourrissons de la ville,
« [les] gorgent d’une bouillie grossière mal cuite avant de leur donner à têter l’habitude fâcheuse en ce que la plupart rejettent aussitôt le lait de leur mère tout caillé, avec une odeur d’aigre qui les frappe mais ne leur fait pas changer cette mauvaise habitude ; [cette bouillie est] faite avec la farine, l’huile de noix et l’eau au lieu de lait, je connais plusieurs paroisses où le procédé est généralement suivi, le lait y étant très rare ; il est bien plus commun dans celles qui nous avoisinent, ainsi que dans notre ville, les bouillies y sont faites avec la farine et le lait même ; comme on n’admet aucune précaution pour le choix et la préparation de la farine il en résulte une nourriture grossière, indigeste pour l’enfant, il est exposé on ne peut plus fréquemment à des coliques outre le vomissement dont j’ai parlé. »
31Dans les familles les plus pauvres, l’enfant est sevré dès l’âge de six mois et on lui donne « la plupart des aliments propres à l’adolescence ».
32Linacier n’a pas de rôle officiel et il ne peut agir qu’individuellement auprès des familles ; c’est pourquoi il multiplie les conseils et tente d’éduquer mères et nourrices mais son action est limitée par la pauvreté de la majorité ; il le reconnaît quand il parle de l’habitude de donner de la bouillie aux tout petits :
« Je suis bien venu à bout de la corriger en partie dans la classe des nourrices pour les enfants des gens les plus aisés, mais je crains bien qu’elle ne subsiste toujours pour toute l’autre classe, »
33celle de la campagne où la tradition est plus fortement enracinée. Patience et persévérance sont sans doute deux « vertus » qui ne doivent pas lui faire défaut…
34L’autre souci de Linacier porte sur le développement physique des enfants. En s’occupant de leurs enfants, les mères devraient être « plus attentives à leur procurer non seulement plus d’aisance dans l’emmaillotement mais aussi plus de propreté ». On retrouve donc sous la plume de Linacier le souci de la propreté ou l’hostilité de plus en plus répandue envers le « maillot » qui est censé redresser le corps de l’enfant et lui permettre de pousser droit. Plus tard, les « corps baleinés », c’est-à-dire les corsets, que l’on fait porter un peu aux garçons mais surtout aux filles provoquent « des difformités dans la taille […] et des suites bien fâcheuses après les couches ». Linacier constate :
« […] les hernies sont plus fréquentes dans notre ville qu’aux environs, elles sont propres indistinctement à toutes les classes de citoyens, il passe peu d’années sans en voir des suites fâcheuses. Heureusement nous possédons un homme de l’art on ne peut plus versé, plus expert dans toutes les grandes opérations. J’entends parler de Mr Challuau chirurgien ordinaire de notre hôtel Dieu. »
35En cherchant les explications de cet état de fait, Linacier se refuse aux explications traditionnelles comme celle du relâchement général des fibres, conséquences « de l’air trop humide » que l’on respirerait à Chinon puisque ce mal s’observe aussi dans « nombre de positions assez élevées où l’air est le plus souvent sec » ; il pense plutôt aux « abus de l’éducation dans les premiers âges », en particulier les coliques de la petite enfance que l’on tente de soigner avec de l’huile d’olive ou de noix :
« […] les douleurs n’en sont que plus vives à raison des mauvaises qualités que peuvent acquérir les huiles dans des estomacs forcés. Les cris se continuent jour et nuit, l’enfant est blessé, on veut y remédier par un bandage comme toutes les nourrices, comme il est mal fait il procure le plus souvent une compression malfaite et la hernie en devient plus considérable, plus difficile à réduire dans un autre âge, raison qui la fait abandonner presque toujours aux soins de la nature parce qu’on n’ose plus en parler aux gens de l’art. »
36Cet intérêt porté aux enfants inspire à Linacier des observations qui sont un témoignage sur la nouvelle attitude envers eux puisque, parmi les éléments de son diagnostic lors de l’épidémie de variole de 1770, il note :
« les enfants paraissaient moins gais qu’à l’ordinaire, leurs yeux étaient larmoyants […] ils refusaient presque tous les aliments […] ils avaient un sommeil interrompu et la plupart éprouvaient des rêves effrayants qui donnaient les plus vives inquiétudes à leurs parents. »
37Toutes ces notations montrent que Linacier reconnaît une réelle spécificité à l’enfance.
38Sans être très visible, la critique sociale est sous jacente dans les écrits de Linacier. Il n’est certes pas question pour lui de remettre en cause l’organisation de la société mais il met en évidence le contraste entre la richesse et la variété de la production agricole d’une part, la situation des habitants les plus laborieux, les paysans, d’autre part. À propos de la dysenterie de 1767, il note : « cette maladie […] on l’observait chez le peuple (car je dois observer qu’il était très rare de la rencontrer chez les plus aisés) ». L’absence de tout dossier de papiers personnels ou de journal empêche que nous en sachions plus sur « l’histoire de vie » de ce médecin et sur sa pratique médicale. Cependant, Linacier partage toutes les idées du temps et s’inscrit dans le courant philanthropique quand, non content de soigner les malades qui peuvent le payer, il participe à la grande enquête de la SRM destinée à permettre une meilleure lutte contre les épidémies, et ce de façon désintéressée puisqu’il n’eut même pas l’honneur de voir ses travaux récompensés par l’attribution d’une des médailles que la SRM décernait chaque année. Ses écrits, comme bien d’autres encore, renfermés dans les archives de la SRM, témoignent cependant de la pénétration des idées nouvelles jusque dans les petites villes de province, par des voies qu’il reste à mettre en évidence ; leur impact a sans doute été à l’origine d’une multitude de petits progrès qui, cumulés, ont permis à la mortalité d’amorcer une baisse encore mal assurée à la fin du xviiie mais qui put se prolonger au xixe siècle.
39Sources manuscrites
40Archives départementales d’Indre-et-Loire :
41C 354 (tableau des médecins et chirurgiens de l’élection de Chinon vers 1785) et
42C 403 (rapport sur les épidémies de 1783) ; H 56 (registres paroissiaux de Couziers).
43Archives départementales du Maine et Loire : registres paroissiaux de Fontevraud. Archives de la Société Royale de Médecine (SRM) conservées à l’Académie de Médecine à Paris ; la référence du dossier qui contient la « topographie médicale » de Chinon par Linacier est : SRM 165, dossier 10.
44Sources imprimées
45Bibliothèque du Museum d’histoire naturelle : Histoire de la société royale de médecine… avec les Mémoires de Médecine et de Physique Médecinale… publiés à Paris à partir de 1779 (C’est le titre de Mémoires de la SRM).
46Bibliographie particulière
47R. Mercier, Le Monde médical de Touraine sous la Révolution, Tours, Arrault, 1936.
48E.H. Tourlet, Documents pour servir à l’histoire de la botanique en Touraine, Tours, Pericat, 1905.
Notes
1 Publication : Bulletin de la société des Amis du vieux Chinon, t. X, n° 2, 1998, p. 161-176.
2 M. Foucault, Naissance de la clinique, Paris, PUF, 1988 (1e édition : 1963).
3 F. Lebrun, Les Hommes et la mort en Anjou aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Mouton, 1971, p. 212-217.
4 J. Meyer, « Une Enquête de l’Académie de Médecine sur les épidémies (1774-1794) », Annales ESC, 1966, n° 4, p. 229-249.
5 Tous les écrits de Linacier se trouvent dans les archives de la Société Royale de Médecine, dont a hérité l’Académie de Médecine (référence : SRM, 165, dossier 10) ; quelques rares pièces figurent dans les archives de l’intendance de Tours. Dans les citations, l’orthographe a été modernisée et la ponctuation restituée pour faciliter la compréhension ; mais ces retouches sont peu nombreuses.
6 Dr E. H. Tourlet, Documents pour servir à l’histoire de la botanique en Touraine, Tours : Pericat, 1905, p. 15. Il semble qu’il n’ait pas été dénué de connaissances mais il commet de nombreuses erreurs en pensant avoir identifié dans la région chinonaise certaines plantes rares.
7 On ignore quel est le montant de ses honoraires ; dans d’autres villes on sait qu’ils s’élèvent à une livre par visite, soit plus que le salaire quotidien d’un journalier. En temps d’épidémie, le docteur Dupichard touche 10 livres par jour quand il est en déplacement.
8 Archives départementales d’Indre et Loire, H 56.
9 R. Mercier, Le Monde médical de Touraine sous la Révolution, Tours, Arrault, 1936, p. 94.
10 Archives départementales d’Indre et Loire, C 403. Il prend en charge le traitement de la grave épidémie qui ravage en 1783 trois paroisses au sud de la Vienne (Thizay, Cinais et Saint-Germain sur Vienne).
11 F. Lebrun, Se soigner autrefois. Médecins, saints et sorciers aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Temps actuels, 1983, p. 80.
12 Archives départementales d’Indre et Loire, C 354.
13 C. Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine et Loire, t. II, Paris/Angers, Lachèse, 1876, p. 410. Ces sources ferrugineuses avaient un grand renom et étaient très fréquentées ; il semble que Linacier ait contribué à cette réputation.
14 Archives départementales d’Indre et Loire, C 356, Selon le corps de ville de Chinon qui le recommande en 1779, il « jouit de la plus grande réputation ». Malheureusement, il ne put trouver d’élèves dans les premières années puis, frappé d’hémiplégie, il ne fut plus en mesure d’exercer son métier.
15 J.P. Desaive, J.P. Goubert et al., Médecins, climat et épidémies à la fin du XVIIIe siècle, Paris, Mouton, 1972, p. 23-134.
16 Au contraire, à Tours le Docteur Duvergé, alors sans doute à la retraite, fait publier un Mémoire topographique, physique et médecinal ou traité sur la situation de la ville de Tours, sur la nature de son sol, sur les qualités de l’eau et de l’air, sur la nourriture, le tempérament, le caractère, les maladies de ses habitants, et des troupes qui y sont en garnison, suivi d’observations sur l’année 1767. Le titre résume fidèlement le plan du texte.
17 Elle fut lue aussitôt lors d’une séance de la SRM.
18 Selon Linacier, l’hôpital de Chinon est sain parce que les murs sont percés au nord et au sud d’ouvertures qui permettent de faire des courants d’air et donc d’aérer ; on n’y connaît qu’en temps de surpeuplement la fièvre des hôpitaux.
19 D’après différents relevés accomplis dans la seconde moitié du siècle, on peut constater que le nombre des naissances l’emporte généralement sur celui des décès ; même si on tient compte des décès de nourrissons dans les paroisses de la campagne, le mouvement naturel de la population à Chinon doit être positif.
20 Le « blé de Turquie » désigne le maïs.
21 En effet Chinon reçoit très régulièrement des troupes, en particulier des dragons, en quartier d’hiver car la région peut pourvoir totalement à la subsistance des hommes et des chevaux.
22 J.M. Moriceau, Les Fermiers d’Ile de France, Paris, Fayard, 1994, p. 660661. Peut être n’en a-t-on pas replanté après les ravages du « grand hiver » de 1709 qui a tué une grande partie des arbres fruitiers.
23 Linacier évoque ici le poids de la gabelle ; la région de Chinon est en effet soumise au régime le plus draconien de la gabelle. Comme elle se trouve à proximité du Poitou, province « rédimée » de gabelle, la contrebande y est répandue.
24 Linacier critique la consommation de viande d’oison « qui est lourde » et provoque des digestions douloureuses et des « cours de ventre ».
25 Ce fut le cas en 1771.
26 B. Maillard, Les Campagnes de Touraine au XVIIIe siècle. Étude d’histoire économique et sociale, thèse de doctorat d’État, Université de Rennes 2, 1992, p. 755-805.
27 La culture des « patates » n’est pas considérée comme un progrès puisque c’est la nourriture des plus pauvres et des cochons ; les réticences n’ont pas disparu.
28 C’est le mot employé par le questionnaire de la SRM ; il faut le comprendre au sens le plus large de travailleurs.
29 Il veut certainement parler de la syphilis.
30 Ce goût pour les maisons de campagne est largement répandu en Touraine : selon Duvergé, la plupart des habitants de Tours ne pense qu’à se rendre à la campagne à chaque veille de dimanche ou de fête.
© Presses universitaires de Rennes, 2003