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La pêche industrielle de La Rochelle

 | 
Henri Moulinier

Chapitre VI. Le déclin précoce et rapide des armements rochelais (1966-1994)

Texte intégral

1À partir de 1966, les pêches maritimes donnent des signes d’arrêt de l’essor des pêches maritimes en France, faisant place à un plafonnement qui se prolonge jusqu’en 1983 et La Rochelle subit un déclin précoce et rapide de sa pêche industrielle. Le port se trouve confronté à des évolutions nationales qui prennent un écho plus aigu localement. Une nouvelle législation fiscale constitue, en 1965, une rupture dans un port particulièrement marqué par une forte présence de sociétés quirataires. Les progrès des techniques de pêche et l’augmentation de la flotte provoquent un appauvrissement des fonds du golfe, alors qu’aucune mesure de protection de la ressource n’est prise réellement jusque dans les années 1970, obligeant des chalutiers rochelais à aller pêcher sur des lieux toujours plus éloignés. Enfin, la création des zones économiques exclusives étendues à 200 milles, la réalisation progressive du marché commun et l’instauration d’une politique européenne des pêches au sein de la CEE, créent une situation nouvelle. La décision de réaliser un nouveau port de pêche rochelais à Chef-de-Baie ne contrarie pas le déclin rochelais. La pêche industrielle locale disparaît en 1994, année de la mise en service de ce nouveau port.

Le plafonnement des pêches françaises (1966-1983)

  • 1 . Direction des pêches maritimes, Statistiques des pêches maritimes.
  • 2 Meuriot Éric, Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, OAI, 1985, p (...)

2La période d’essor des pêches maritimes françaises s’achève au milieu des années 1960. Les quantités de poissons frais débarqués atteignent un niveau maximum en 1966 avec 457 982 t. Depuis 1967, ce tonnage tend à stagner autour de 420 000-450 000 t selon les années. Ce n’est pas à proprement parler une crise, d’autant que la valeur globale de ces apports continue à croître1. Selon Éric Meuriot, cette phase de stagnation dure jusqu’en 1983. Globalement les débarquements de produits frais plafonnent autour de 460 000 t. Le nombre de navires passe à 42 400 en 1966, 30 000 en 1979, 21 000 en 1982. Cette réduction est liée à la baisse du nombre de chalutiers appartenant à des petits patrons propriétaires2.

Un ensemble de raisons

3Ces raisons tiennent à la raréfaction des stocks de pêche et à un nouveau contexte international marqué à la fois par la création de la CEE, l’extension des zones de souveraineté sur les mers aux 200 milles et la crise pétrolière.

  • 3 Ibid., p. 70.

4Les stocks de poissons se réduisent. Les zones côtières sont exploitées de manière intensive par une flotte en augmentation, aux techniques de pêche toujours plus productives. L’appauvrissement des fonds littoraux entraîne soit la recherche de nouvelles zones de pêche, soit la mise au point de nouvelles techniques de capture et de conditionnement du poisson pour aller chercher le poisson au-delà des zones côtières. La moyenne des débarquements de poissons frais au cours de la période 1969-1972 est inférieure de 5 % à celle de la période 1964-1967, alors que la puissance moyenne installée progresse de 21 % entre ces deux périodes, tandis que la jauge totale de la flotte de pêche stagne (- 2 %). Ainsi une augmentation de l’intensité de pêche n’est pas de nature à accroître durablement les captures pour la majorité des stocks exploités. La réduction de l’effort de pêche sur plusieurs stocks exploités par les navires hauturiers à la fin des années 1970 et au début des années 1980, avec la revente de chalutiers à la suite de la crise pétrolière et la politique européenne de la pêche à partir de 1971 limitant les prises, se fait sentir3.

  • 4 La France a quatre fois plus de marins pêcheurs à la même époque.
  • 5 AD 17, série J 253, Fonds syndicat des marins LR, Résolution du 46e congrès de la FNSM, Paris, avr (...)
  • 6 Meuriot É., Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, op. cit., p. 7 (...)
  • 7 Ibid., La flotte de pêche française de 1945 à 1983, p. 77.
  • 8 Ibid., p. 58-59.
  • 9 Ministère de l’Écologie, La politique commune de la pêche, 26 février 2014.
  • 10 AD 17, PER 406, CCI La Rochelle, « TAC et quotas, un gâteau à partager », Aunis-Éco, no 90, 1994, (...)

5Des marins mettent en cause la réalisation du marché commun. La Fédération nationale des syndicats maritimes (FNSM), lors de son 46e congrès en 1966, critique la « dure concurrence dans le cadre du marché commun » décidée par le Traité de Rome de 1957. L’union douanière, avec un tarif extérieur commun et une libre-circulation des marchandises entre pays membres, est totale le 1er juillet 1968. Certes, la flotte de pêche française est passée de 251 000 tonneaux en 1961 à 281 000 tonneaux fin 1964. Mais ces chiffres ne doivent pas porter à un optimisme excessif affirme la Fédération. En effet, la flotte de pêche industrielle de Boulogne, premier port de pêche de France, a diminué de moitié par rapport à 1939, passant de 120 chalutiers à une soixantaine dans le début des années 1960. Les flottilles de Fécamp et de Dieppe sont en voie de disparition et les commandes de grands chalutiers pour la pêche fraîche sont limitées. Les pêches françaises sont confrontées à la concurrence avec la Hollande pour le poisson fin et l’Allemagne pour le gros poisson, les filets frais et congelés. La structure des pêches allemandes est très différente de la nôtre ; elle emploie moins de 9 000 pêcheurs4 pour une production supérieure à la production française, offrant des coûts et des prix plus réduits5. Les importations françaises dépassent 200 000 t en 1968, farine de poisson exclue, bien que les exportations, en quantité et en valeur, augmentent plus vite dans les années 1960-19706. Elles croissent au rythme annuel moyen de + 6,6 % en volume de 1970 à 1981, contre + 2,5 % par an de 1963 à 19707. En comparaison, le rythme annuel moyen de croissance de la consommation est de + 1,6 % en volume à partir de 1970. C’est dans ce contexte européen que sont décidées les premières mesures d’une politique commune des pêches qui entre en vigueur en mars 1971. Une politique de limitation des prises part du constat de l’appauvrissement des fonds de pêche traditionnels, contrainte majeure à laquelle il faut adapter la pêche européenne. Les mesures portent sur l’organisation des marchés et l’aide à l’investissement. Les perspectives d’entrée de la Grande-Bretagne, du Danemark et de l’Irlande dans le marché commun n’atténuent en rien les incertitudes liées à l’accès aux zones de pêche. Ces incertitudes sont en faible partie levées, après 1973, avec l’élargissement de la CEE. Ce n’est qu’avec la signature de l’accord des pêches du 25 janvier 1983 et les textes d’octobre de la même année sur les structures que s’achèvent les premières phases de la politique commune des pêches8. L’accord du 25 janvier porte sur l’adoption d’un règlement de base instaurant un régime communautaire de la pêche et de l’aquaculture. Acte fondateur de « l’Europe bleue », il veut communautariser les ressources et prévenir les différends entre les États membres quant au partage des ressources, en confiant la gestion du secteur halieutique à la Commission européenne. Cette politique entend garantir la durabilité des pêches maritimes en définissant des règles de pêche pour limiter le prélèvement dans les stocks halieutiques : limitations de l’effort de pêche en restreignant le tonnage de la flotte autorisée à naviguer et le temps passé à pêcher ; limitation des captures en fixant des quantités maximales de poisson qui peuvent être prélevées ; mesures techniques qui réglementent les engins de pêche et les zones accessibles aux pêcheurs9. Les limitations des captures passent par l’instauration de totaux admissibles de capture (TAC) par zone de pêche et de quotas de pêche par pays. Les TAC, fixés par la Commission européenne, répartissent entre pays de l’Europe bleue les limites maximales de leurs prises chaque année. Les quotas par zones de pêche et par pays sont fixés pour la première fois par un règlement européen du 20 décembre 1983. Ces limitations sont fixées sur la base d’un avis de scientifiques membres du Conseil international pour l’exploitation des mers (CIEM) auquel adhèrent dix-neuf États10.

  • 11 Meuriot É., Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, op. cit., p. 7 (...)

6Enfin, la hausse très forte du prix du carburant à la fin de 1973 et 1974 qui s’ajoute à la chute des cours du poisson en 1975, a des répercussions sensibles sur les constructions neuves des années 1976-1980. Ces hausses du prix du carburant alourdissent très nettement les charges des comptes d’exploitation des armements, d’autant que le choc pétrolier a aussi un impact sur le coût des autres consommations intermédiaires comme les filets en matière synthétique. Une aide directe de l’État, fixée à six centimes par litre de carburant, est accordée en 1974 aux navires de pêche fraîche. Le choc pétrolier pèse sur les frais d’exploitation de la pêche industrielle, à un moment où le niveau d’endettement et les charges financières des entreprises sont élevés en raison de l’importance des investissements récemment effectués. Certaines des entreprises de pêche hauturière doivent revendre leurs navires à l’étranger. Ils sont au nombre de vingt-deux entre 1975 et 1980. Ce mouvement de revente et le niveau peu élevé des constructions nouvelles de navires se traduisent par une baisse de 14 % de la jauge totale de la flotte et de 8 % de la puissance de la motorisation entre 1975 et 1978. Le niveau moyen des captures de poissons frais pour la période 1975-1979 est inférieur de 12 % à celui de la période 1964-1967 et inférieur de 7,3 % à celui de la période 1969-1972. La diminution relativement soudaine des capacités de capture de 1975 à 1980 semble bien avoir entraîné pour partie celle des captures, car l’effet potentiel d’une diminution du nombre de chalutiers n’a d’effet qu’après un délai de réaction pour permettre l’augmentation de la ressource11.

  • 12 Adam P., « Les bouleversements des pêches contemporaines (1945-1985) », dans Mollat M., Histoire d (...)

7Enfin, le mouvement d’extension des juridictions dans les zones maritimes, qui s’accélère dans les années 1976-1977, entraîne une modification sensible des possibilités d’accès aux ressources. Une décision internationale s’impose face à la tendance croissante de nombreux pays à étendre unilatéralement leurs zones de pêche à 200 milles, sans attendre les conclusions de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. C’est le cas de l’Islande, du Mexique, du Sénégal, mais aussi des États-Unis au 1er mars 1976. L’Islande, victime de surpêche sur son pourtour, est la première à réagir en proclamant ses droits à réglementer les pêches sur une zone de 50 milles au large de ses côtes, zone qui correspond à peu près à la largeur du plateau continental autour de l’île. Le Royaume Uni considère cette décision comme inacceptable et en contradiction formelle avec le principe de la liberté des mers ; les navires britanniques continuent la pêche, protégés par des frégates de la Royal Navy, provoquant une « guerre de la morue ». Mais il est prouvé que les prises totales faites dans la zone islandaise pendant une année sont d’un poids supérieur au stock de morues matures capables de se reproduire, donc d’un stock en danger certain de destruction. La Norvège emboîte le pas. La conférence internationale sur le droit de la mer des Nations Unies, à New York du 15 mars au 7 avril 1976, décide de créer des zones de 200 milles12.

  • 13 L’Espagne, qui possède une grande flotte de pêche, n’intègre la Communauté européenne qu’en 1985. (...)
  • 14 AD 17, 164 J, Dossier CEE, Communication de la Commission au Conseil européen, 23 septembre 1976, (...)

8Les conséquences prévisibles en sont un développement des activités de pêche des États tiers dans leurs zones de 200 milles et une réduction importante des possibilités de captures pour les pêcheurs de la CEE, dont la France, qui y opèrent traditionnellement13. C’est pourquoi la CEE adopte le principe d’une action concertée selon laquelle les États membres pourraient être conduits à porter les limites de leurs zones de pêche respectives à 200 milles, la pêche dans ces limites devant être régie par les principes et les dispositions de la politique commune en la matière. Pour permettre sans tarder une protection des fonds de pêche, la conservation et la reconstitution des stocks, la CEE entend réduire les activités de pêche. Il y a lieu, propose la Commission, d’intensifier dans les années qui suivent l’effort d’adaptation des flottes aux possibilités de capture et de prévoir des financements européens pour encourager cette réduction des flottes. Une réglementation des engins de capture, la mise en place de zones interdites à certaines pêches saisonnières ou de longue durée, une limitation des prises par la fixation d’un total annuel de captures permises (TAC) et de quotas sur une première période de cinq ans sont nécessaires14.

  • 15 Huret J., La pêche dans les perspectives économiques de la France, Institut du littoral, 18 novemb (...)
  • 16 « Le principe d’une zone économique de 200 milles aux larges des côtes adopté », Sud Ouest, 17 jui (...)

9Cette extension des zones de pêche à 200 milles constitue un enjeu important pour la pêche française, tant au sud du plateau continental atlantique sur les côtes ibériques, qu’au nord sur les côtes des îles britanniques. En 1975, la pêche fraîche française provient pour 80 à 90 % des fonds de pêche qui entourent ces îles et qui seraient inclus dans leur zone de 200 milles ou à l’intérieur de la médiane tracée avec le littoral européen le plus proche, affirme le président de l’Union des armateurs à la pêche de France. Inutile, ajoute-t-il, d’insister sur « l’importance littéralement vitale » pour la pêche française et continentale de maintenir à tout prix le principe de non-discrimination entre pavillons des États membres de la Communauté15. Le conseil des ministres français du 16 juin 1976 approuve un projet de loi créant « une zone économique de 200 milles nautiques au large des côtes de la République, zone sur laquelle la France exercera des droits souverains en ce qui concerne l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux sur-jacentes ». Cette initiative a pour but de permettre à la France, le cas échéant, de se prémunir contre les décisions de certains États d’étendre unilatéralement leurs propres zones économiques et, en premier lieu, de protéger les droits de pêche des départements et territoires d’outre-mer. L’armateur rochelais F.-J. Castaing pense que cette décision concerne surtout les DOM-TOM, mais pourrait être appliquée, après accord communautaire, aux côtes hexagonales « ne serait-ce que pour refouler les flottes russes (30 à 40 bateaux-usines en permanence à la Petite et Grande Sole) qui détruisent et dévalisent nos fonds pour faire de la farine de poisson ! Sans parler des Roumains, des Japonais qui pointent le bout de leurs thoniers-ligneurs, ni des gigantesques et destructrices “charrues” de quelques partenaires nordiques, etc.16 ». L’accélération du mouvement d’extension des zones de 200 milles nationales ou communautaires entraîne, en 1976-1977, une modification sensible des possibilités d’accès aux ressources. L’effet d’éviction des eaux communautaires de flottilles de pays non-membres de la CEE ne peut, dans un premier temps, compenser l’éviction des flottilles françaises des eaux étrangères.

Les politiques d’intervention sélective de l’État

10La compétition internationale pour l’exploitation des ressources passe par l’adoption des dernières innovations technologiques pour accroître l’efficacité des chalutiers, en particulier les navires de pêche arrière. Cela implique des investissements plus coûteux, nécessitant de consolider et d’élargir la surface financière des armements et d’encourager leur concentration. L’intervention de l’État et de la CEE s’inscrit dans cette logique.

  • 17 Meuriot É., La flotte de pêche française de 1945 à 1983, politiques et réalités, op. cit., p. 55-5 (...)

11Le Ve plan national, pour la période 1966-1970, entend améliorer le réseau de transformation et de distribution du poisson par l’extension progressive des fonds régionaux d’organisation des marchés aux principales régions de pêche et toutes les espèces de poisson sujettes à des variations de cours brutales. Il s’agit donc de mettre en place une organisation nationale du marché. La commission des pêches auprès du commissariat au plan met aussi l’accent sur la question des disparités des aides financières entre secteurs économiques, la pêche étant un secteur beaucoup moins soutenu en France que dans d’autres pays européens. Proposition est faite, non pas de suivre les méthodes étrangères de soutien aux exploitations par des subventions directes, mais d’agir pour développer et stabiliser le marché du poisson. Le comité des pêches considère que « l’appauvrissement naturel des fonds » est considéré comme une donnée exogène, qui s’impose et limite singulièrement l’effort de pêche, sauf pour les crustacés17.

  • 18 Meuriot É., Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, op. cit., p. 7 (...)
  • 19 Meuriot Éric, La flotte de pêche française de 1945 à 1983, politiques et réalités, op. cit., p. 57 (...)

12En décembre 1966, l’État institue un programme sélectif d’interventions pour la construction et la modernisation des navires de pêche industrielle. Leur construction doit ainsi s’inscrire dans le cadre de séries-type de bateaux. Le choix des dimensions et des techniques est réalisé en fonction de la rentabilité, des besoins du marché et des lieux d’exploitation. Le nombre minimum de navires exploités par armement est fixé à trois unités de moins de quinze ans pour la pêche hauturière (et à deux pour la grande pêche). Enfin, une sélection entre armements doit s’effectuer à partir d’une comparaison des résultats d’exploitation entre unités d’un même port. Il s’agit de favoriser la concentration horizontale des armements dans le cadre coopératif des sociétés interprofessionnelles ou de sociétés de capitaux afin d’accroître leur assise financière. La subvention se monte à 10 % du coût de l’investissement à la condition que le navire non équipé de la congélation puisse l’être sans modification de structures. S’y ajoutent des primes complémentaires d’incitation au chalutage arrière, à la congélation à bord et à l’automatisation, leur montant total étant plafonné à 15 %. Ce dispositif sélectif ne suffit pas à éviter une chute des commandes de navires en 1968 et 1969, alors même qu’entre 1965 et 1968 la flotte de navires compris entre 100 et 500 tjb a déjà perdu près de 20 000 tjb, soit 124 unités. La baisse du chiffre d’affaires de la pêche fraîche est la conséquence de la baisse du prix du poisson de 1962 à 1969 et de la réduction des apports à partir de 196718. La baisse simultanée des prix au débarquement et des quantités apparaît à la suite de la suppression pour les catholiques de l’abstinence du vendredi et de l’accident du pétrolier Torrey-Canyon19.

13La nécessité de la reconversion de la flotte implique des navires plus chers, une dégradation du rapport jours de route/jours de pêche imposant des navires plus rapides en même temps que le chalutage profond implique des moteurs plus puissants. L’accroissement d’efficacité des chalutiers ne compense cependant pas les augmentations de coûts, les prix de la construction navale et l’accroissement des consommations de carburant croissant beaucoup plus vite que le prix du poisson.

  • 20 Le Fiom, établissement public à caractère industriel et commercial créé le 30 décembre 1975, a pou (...)
  • 21 AD 17, J 253, Fonds syndicat des marins, ministère des Transports, Programme de mesures en faveur (...)
  • 22 Meuriot É., Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, art. cit., p.  (...)

14En janvier 1981, les difficultés de la pêche nationale liées à la création des zones exclusives des 200 milles, à la surexploitation de la ressource, au renchérissement brutal du coût des facteurs de production, notamment de l’énergie, poussent le ministère des Transports à lancer un programme de mesures en faveur des pêches maritimes. Il se propose de « sauvegarder l’essentiel de l’outil de production pendant la période de reconstitution des stocks halieutiques et de préparer l’avenir en tenant compte des changements qu’impose l’évolution du droit de la mer et du coût de l’énergie ». Déjà à deux reprises, en avril et en mai 1980, les pouvoirs publics ont arrêté des mesures pour encourager la modernisation de la flottille. Des mesures financières sont destinées à assurer l’adaptation des exploitations et, pour les plus grands chalutiers de pêche fraîche, le maintien en flotte de l’essentiel des navires. Le Fonds d’Intervention et d’Organisation des Marchés des produits de la mer (Fiom)20 est intervenu plus fortement pour compenser partiellement l’écart constaté entre l’évolution des recettes et celle des charges d’exploitation. Ces mesures, note le ministère des Transports ont permis d’éviter une dégradation irréversible de la situation, mais l’évolution montre la nécessité de mettre en place un programme d’ensemble21. C’est pourquoi, parallèlement aux négociations menées sur le plan européen pour mettre en place une politique communautaire garantissant les intérêts de la pêche française, le gouvernement décide d’un plan de relance. Le budget du Fiom est augmenté de manière très importante, passant de 36 millions de F à 120 millions au budget initial. Les dotations budgétaires pour les subventions à l’investissement naval sont aussi en augmentation et un crédit est spécialement affecté à l’aide au maintien de la flotte de chalutiers de 800 à 1 500 CV. Par ailleurs, les aides à la pêche artisanale sont étendues aux navires de moins de douze mètres22.

  • 23 Ibid., p. 75-79.

15Ces mesures prises aussi en faveur de la pêche artisanale confirment l’orientation nouvelle de la politique maritime de l’État français prise dans le cadre du VIIe plan (1976-1980). É. Meuriot parle alors d’une véritable « découverte » de cette pêche artisanale dans le contexte de crise énergétique de 1974-1975. La promotion de la pêche artisanale, plus précisément celle des bateaux de plus de 19 m ou de la flotte semi-industrielle, devient une orientation majeure pour éviter de créer une surcapacité de capture et compléter la palette de production par des apports d’espèces fines afin de prendre davantage en considération les besoins du marché, affirment les rapporteurs des groupes de travail ad hoc du VIIe plan. La méconnaissance de la pêche artisanale amène la direction des Pêches Maritimes à lancer une enquête sur la pêche artisanale en envoyant des questionnaires aux quartiers des Affaires maritimes. Le VIIe plan voit ainsi l’émergence des aides des collectivités territoriales en complément des dispositions nationales, particulièrement avec les régions créées par la loi du 5 juillet 197223.

16Durant la période de 1945 à 1975, la politique menée en France donne la priorité à la pêche industrielle. La crise qui frappe la pêche industrielle rebat les cartes en faveur de la pêche artisanale. À La Rochelle, cette crise de la pêche industrielle apparaît très tôt.

L’éclatement de la crise rochelaise (1965-1966)

17Dès la fin des années 1950 apparaissent des difficultés. En 1965, le tonnage et la valeur des apports diminuent. En 1966, le nombre de chalutiers baisse de manière sensible. Ce sont autant de signes de la crise forte qui frappe de manière précoce le port aunisien.

Les premiers signes

  • 24 AD 17, J 253, Fonds du syndicat des marins, Lettre du président du Syndicat des armateurs à la pêc (...)
  • 25 AD 17, PER 406, Aunis Éco, no 43, décembre 1963, p. 43-44.

18La surexploitation des fonds se fait dès la fin des années 1950. Dès 1959, le président Babinet du Syndicat des Armateurs à la Pêche Hauturière fait état, auprès du syndicat des marins CGT de La Rochelle de son inquiétude, constatant que « les quantités de poisson pêchées sont actuellement bien souvent faibles et mettent de nombreux armements en difficulté24 ». Certes, cet argument lui permet de déclarer inopportune la demande de la CGT d’augmenter l’indemnité de nourriture pour répondre à la hausse du coût de la vie. Mais il est vrai le tonnage de poisson frais débarqué à La Rochelle diminue, passant de 24 535 t en 1958 à 23 490 t en 1959, après une hausse forte de 1956 à 1958. Dans les années 1958-1962, les apports stagnent entre 24 000 t et 25 000 t, sauf en 1963, année de la grande grève des marins pêcheurs (annexe 6). Le merlu est en baisse forte, passant de 3 964 t en 1957 à 1 157 t en 1962, les apports de merluchons compensent, passant de 3 230 t à 7 750 t pour la même période, au prix de la pêche de ces petits animaux qui n’ont pas atteint la taille adulte et ne se sont pas reproduits, hypothéquant l’avenir25.

  • 26 AD 17, PER 406, CCI, Aunis Éco, no 12, novembre 1966, p. 4-5.

19Le 25 novembre 1966, l’AG de la chambre de commerce rochelaise constate une double baisse. Le tonnage débarqué, 25 249 t en 1964, stagne en 1965 et descend à 23 432 t en 1966, alors que la valeur du poisson diminue de 75 895 076 F en 1965 à 65 233 108 F (tableau 56). Les difficultés, affirme le rapport, tiennent assurément au fait que les fonds traditionnellement fréquentés par les chalutiers rochelais se dépeuplent. Situation connue de longue date, elle aurait dû entraîner la réalisation de cantonnements, mais aucune décision n’a été prise par les pouvoirs publics26.

Années

Tonnage débarqué (t)

Valeur (F)

1961

24 669

55 383 200

1962

24 830

60 355 103

1963

22 200

61 515 567

1964

25 249

71 460 134

1965

25 050

75 895 076

1966

23 432

65 233 108

1967

23 004

64 451 460

1968

19 611

59 717 423

1969

19 525

60 938 552

Tableau 56. – Tonnage et valeur du poisson frais débarqué à La Rochelle (1956-1975). Source : AD 17, 164 J, From Sud-Ouest.

20Un autre signe est la réduction de la flotte de chalutiers rochelais. De 76 unités au début 1965, leur nombre descend à 74 à la fin de l’année et cette chute s’accentue pour atteindre 43 unités fin 1969, soit - 43,5 % en 4 ans. Les entrées de nouveaux chalutiers dans le port, constructions neuves ou achats d’unités, se tarissent dès 1970 (tableau 57).

Tableau 57. – État de la flotte de chalutiers mis en exploitation à La Rochelle (1965-1969).
Source : AD 17, 164 J, Extrait du Rapport « Flotte et production du comité des pêches maritimes du VIeplan », séance du 2 juin 1970, p. 94.

  • 27 AD 17, 41 ETP 897, Classement des chalutiers rochelais, janvier à juillet 1966.
  • 28 Gaubert Y., « André Auger, armateur à La Rochelle », Histoires maritimes rochelaises, 2 mars 2014.
  • 29 AD 17, J 253, Fonds syndicat de marins LR, Note de l’administrateur des Affaires maritimes, 16 jan (...)
  • 30 Ibid., Rapport pêche industrielle du comité des pêches et du groupe flotte et production du VIe pl (...)

21Dans les 7 premiers mois de 1966, 24 chalutiers quittent définitivement le port. Ainsi 12 unités sont vendues, dont 3 à Étel, alors que 2 sont désarmées, 2 autres arrêtées. Ces décisions sont le fait d’une dizaine d’armateurs, dont les frères Gaury (3 navires concernés), Castaing et Horassius (2 unités chacun), Onfroy, Lebon, Sauvet et l’ARPV (1 chacun)27. En 1967, l’armateur A. Auger décide, à son tour, de vendre le Varne à un patron de La Rochelle, puis le Jalène et le Chantaco à Abidjan. Un an après, un Ivoirien d’Abidjan achète le Corino. Le Charles Letzer et le Simone-Marie sont vendus en Sicile à l’armateur Di Maoro28. La réduction des effectifs de marins pêcheurs suit. Entre 1966 et 1967, leur nombre passe de 440 à 380, soit - 14 % en un an29. Plus de quinze chalutiers risquent d’être désarmés d’ici 1972. Le rapport pour le VIe plan prévoit que le développement des pêches maritimes à La Rochelle est subordonné à la préservation des ressources biologiques, ce qui suppose la mise en application stricte de la réglementation concernant les maillages et les tailles marchandes, mais aussi la mise en œuvre de cantonnements. Dans ces conditions, il estime, compte tenu de la disparition d’encore une vingtaine de chalutiers classiques (sur les quarante-trois restants), qu’il serait nécessaire de construire dix-sept chalutiers pêche arrière qui s’ajouteraient aux six existants et aux deux en construction30.

  • 31 Morlier Michel, Entretien, déjà cité, 10 décembre 2012.
  • 32 Menu J.-C., ancien directeur de l’ARPV, Déclaration, site de la Caisse rochelaise d’entraide aux f (...)

22Mais la flotte de pêche industrielle accélère son déclin. En 1970, en un seul mois entre le 1er janvier et le 2 février 1970, cinq chalutiers sont désarmés ou quittent La Rochelle, ce qui réduit la flotte à 38 chalutiers, soit une chute de presque la moitié de la flotte depuis le début de l’année 1965. L’armement Jean Gaury illustre cette dégradation et le retrait des capitaux. En 1969, selon Michel Morlier31, un des gros actionnaires de l’armement, La Redoute de Roubaix, décide de se retirer, provoquant le déclin de l’armement. Jean-Claude Menu, ancien armateur de l’ARPV, confirme ce retrait : « En effet, dès 1971-1972, J. Gaury, pressé par son principal actionnaire, La Redoute, dut vendre les trois chalutiers. Il en conçut une certaine amertume32. » Dans cette période, La Redoute ambitionne d’être leader sur le marché de la vente par correspondance. Elle a besoin de capitaux. La vente des chalutiers pêche arrière de l’armement J. Gaury, de construction très récente et à la pointe du progrès technique, à un pays nordique, l’Islande, rapporte plus que leur coût initial, dit-on.

  • 33 AD 17, J 253, Fonds du syndicat des marins, Dossier comité local des pêches, Rapport pêche industr (...)

23Dans le même temps, au cours de la période du 1er janvier 1965 au 1er janvier 1970, 16 chalutiers sont mis en exploitation dont 8 chalutiers classiques, à pêche latérale, et 8 chalutiers pêche arrière. Ces derniers sont longs de 32 à 36 m, effectuent des essais de chalut pélagique en 1970, disposent de la réfrigération, mais non de la congélation, prévue mais non installée. Ils effectuent 18 à 23 rotations par an, variant de 8 à 15 jours33.

  • 34 Fournet P. « Les pêches maritimes charentaises-Leurs problèmes », Poitiers, Norois, no 100, 1978, (...)

24Alors que la flottille industrielle immatriculée au port de La Rochelle s’effondre, la flottille artisanale armée localement connaît une stabilisation au-dessus de quarante unités, voire une augmentation en 1975 profitant de la disparition de nombreux chalutiers industriels. C’est aussi le cas pour les unités artisanales provenant d’autres ports qui, après une chute entre 1966 et 1971 (- 72,5 %), connaissent une stabilisation avec plus de cinquante unités. C’est bien la flotte industrielle qui s’écroule rapidement à La Rochelle, plus particulièrement la flottille des chalutiers classiques qui pêchent par le côté, alors que la flottille de pêche arrière récente, plus moderne et plus efficace, résiste (tableau 58). Malgré tous les aléas de la conjoncture, la flottille formée de navires polyvalents de 5 à 30 tx se maintient à La Rochelle comme dans les autres ports, comptant 147 unités de 5 à 30 tx en 1977 contre 148 en 197034.

Tableau 58. – Évolution de la flottille rochelaise par types de pêche (1966-1975). Source : AD 17, 164 J, Fonds du Syndicat des armateurs à la pêche, Dossier From Sud-Ouest.

25Alors que la pêche maritime française plafonne dans les années 1967-1983, la flotte industrielle rochelaise connaît une crise très forte dès 1965-1966. Deux séries de causes frappent plus particulièrement le port rochelais et sa flottille industrielle : la réforme de la fiscalité des sociétés quirataires en 1965 remet en cause brutalement l’intérêt des placements financiers dans les armements locaux, alors que le port, situé au cœur du golfe, subit directement l’appauvrissement des fonds lié à la surpêche, objet de tensions avec les pêcheurs espagnols, et les coûts supplémentaires dus à l’éloignement des lieux de pêche.

La fin des avantages fiscaux des sociétés quirataires

  • 35 AUGER A., ancien armateur, Entretien, 29 septembre 2011.

26En 1965, les avantages fiscaux des investissements dans le capital des sociétés quirataires sont remis en cause par la loi du 12 juillet. Jusqu’alors, les quirataires peuvent déduire de leur revenu imposable, sur une période de cinq ans, le montant total de leur apport dans une telle société, soit 30 % la première année, 20 % la deuxième année et le solde sur les trois autres années. Ce système fiscal permet de compenser rapidement la mise financière des quirataires en allégeant leurs impôts. Certes lorsque le navire est revendu à une valeur supérieure à celle de l’acquisition, amorti en totalité, les quirataires doivent acquitter un impôt sur la plus-value mais celui-ci est forfaitaire, ce qui permet de ne pas intégrer cette plus-value dans le revenu déclaré35.

27À La Rochelle les sociétés quirataires sont particulièrement nombreuses, constituant encore en 1970 au moins un tiers des sociétés propriétaires de chalutiers du port, disposant de près de la moitié de la flotte (annexe 5).

  • 36 Loi no 65-566 du 12 juillet 1965, JO du 13 juillet 1965.

28La loi de 1965 modifie l’imposition des capitaux mobiliers36. Un nouveau système fiscal est mis en place instaurant l’avoir fiscal sur les dividendes des actions, un mode de calcul linéaire de l’amortissement et l’imposition en totalité des plus-values nettes réalisées lors d’opérations de liquidation ou de transformation d’une société. Le système de l’avoir fiscal est destiné à favoriser le développement du marché des actions à la Bourse des valeurs. L’amortissement d’un investissement doit être calculé suivant le mode linéaire impliquant un montant identique chaque année et non plus un mode accéléré les premières années pratiqué jusqu’alors sur 5 ans. Enfin, les plus-values nettes réalisées lors de ces opérations peuvent être imposées en totalité suivant les règles applicables aux plus-values à long terme.

  • 37 AD 17, PER 406, « Compte-rendu de l’assemblée générale des délégués consulaires », CCI de La Roche (...)
  • 38 AD 17, 164 J, Chemise J.-C. Menu – ARPV, Lettre au président de la SACDIP, 26 septembre 1968.
  • 39 « Malaise des pêches, un armateur rochelais s’interroge », La Pêche maritime, 20 mars 1967, p. 147

29La suppression du régime favorable concernant les plus-values « a eu pour effet immédiat la cessation presque totale des constructions neuves » souligne le rapport précité de l’AG de la chambre de commerce du 2 décembre 196837. Pour les délégués consulaires, c’est cette décision fiscale qui remet en cause de manière décisive l’intérêt des placements financiers dans les sociétés de pêche, d’autant que les armements qui semblaient en pleine expansion entrent dans une période de crise, conjuguant réduction des avantages fiscaux et réduction des apports de poissons frais à La Rochelle en 1966, après avoir atteint un record. Cela conduit J.-C. Menu, directeur de l’ARPV de La Rochelle, à demander que ce « régime fiscal de taxation des plus-values qui a été récemment modifié en ce qui concerne les entreprises d’armement soit à nouveau réexaminé dans un sens favorable aux entreprises d’armement ou tout au moins aux entreprises d’armement désireuses de réinvestir dans le matériel naval ». Et de préciser, dans le même courrier, les effets de cette réforme fiscale : « Par le jeu de la taxation des plus-values, les sommes résiduelles laissées à la disposition des entreprises deviennent ridicules et ne permettent en aucun cas de faire face aux financements d’unités modernes38. » C’est bien à partir du moment où ces mesures fiscales favorables aux capitaux investis dans ces sociétés quirataires sont supprimées que les sources d’investissement se tarissent et que certains promoteurs montrent à quel point la pêche ne représente absolument pas pour eux une fin en elle-même en ne prenant même pas livraison de chalutiers sur cale et en se débarrassant au mieux le plus vite possible de ces chalutiers « fiscaux », construits grâce à des capitaux absolument étrangers à la pêche dans le seul but de bénéficier des avantages fiscaux, affirme J.-C. Menu39.

  • 40 Loi no 67-5 du 3 janvier 1967, publiée au JO du 4 novembre 1967, p. 106-111.
  • 41 Pierronnet F.-X., « La loi du 5 juillet 1996 instituant le quirat-aide d’État à l’investissement m (...)
  • 42 Décret no 67-967 du 27 octobre 1967, portant statut des navires et autres bâtiments de mer, JO 4 n (...)

30Une autre loi, votée le 3 janvier 1967, accentue la défiance des capitaux extérieurs à la pêche en touchant plus particulièrement la constitution de nouvelles sociétés quirataires et impliquant une plus grande rigidité de forme pour leur déclaration40. Jusqu’alors, les conditions de déclaration publique sont réduites au minimum et les personnes qui forment une société quirataire demeurent inconnues du public, à l’exception du gérant seul connu des tiers. La nouvelle loi introduit l’obligation d’un acte écrit de quirat et un certain formalisme publicitaire41. Une publicité réglementaire doit porter sur l’existence d’un ou plusieurs gérants à la connaissance des tiers ; faute de celle-ci tous les copropriétaires du navire sont réputés gérants (art. 15). En application de cette loi, le décret du 27 octobre 1967 institue une publicité transcrite sur la fiche matricule du navire en douane et reproduite sur l’acte de francisation42. Les bureaux des douanes tiennent des fichiers d’inscription des navires (art. 88). Doivent être inscrits sur ces fichiers tous les navires francisés et tous les navires en construction sur le territoire de la République française, dont la déclaration est obligatoire (art. 89). Chaque fichier comprend, entre autres, le nom du propriétaire et, s’il y a plusieurs copropriétaires, tous leurs noms figurent, avec l’indication du nombre de leurs parts ou de leurs quotas (art. 91).

  • 43 Fournet P., « L’évolution récente de la pêche rochelaise », art. cit., p. 444.

31Ces textes mettent en cause le caractère lucratif et discret des placements financiers dans les sociétés quirataires qui se retirent presque aussi vite qu’ils sont venus ; les commandes de nouveaux chalutiers s’écroulent. La crise s’approfondit d’autant plus que la surpêche dans le golfe oblige les chalutiers rochelais à s’éloigner toujours plus du port pour ceux qui le peuvent, en particulier les nouveaux chalutiers de type pêche arrière43.

L’appauvrissement des fonds du golfe et l’éloignement des lieux de pêche

  • 44 AD 17, J 253, Rapport sur la pêche industrielle VIe plan, Port de La Rochelle, séance de commissio (...)

32La deuxième grande cause des difficultés rochelaises est, en effet, liée à l’appauvrissement des fonds de pêche du golfe. Dès 1965, l’ISTPM constate un déclin rapide des apports de merlus à La Rochelle, espèce la plus recherchée du port. Pendant trop longtemps, les navires rochelais se sont cantonnés dans l’exploitation des seules pêcheries du golfe, dans les secteurs Nord-Ouest et Nord Espagne, Nord et Sud Gascogne. Ainsi, parmi les 43 chalutiers qui sont encore armés à La Rochelle au 1er janvier 1970, sept seulement pêchent au nord du 48e parallèle et de la Bretagne, recherchant la langoustine et les espèces communes (merlan, morue, maquereau, etc.). Six chalutiers partagent leur temps entre la pêche traditionnelle et la pêche au nord (morue, lieu noir, etc.). Trente chalutiers pêchent au sud du 48e parallèle dans le golfe et vers les côtes ibériques et marocaines ; ils pratiquent la pêche hauturière traditionnelle du poisson de fond, principalement le merlu et la dorade44. L’accroissement de leur tonnage et de leur puissance et le perfectionnement technique des équipements de détection et des engins de pêche, en particulier le chalutage à l’arrière, ne pouvaient que déboucher sur un appauvrissement des fonds du golfe.

33Depuis le milieu des années 1950, l’unanimité des scientifiques se fait pour dénoncer cet appauvrissement des fonds chalutables de l’Atlantique européen. L’ISTPM attire l’attention sur la dégradation de certains stocks depuis 1951, notamment celui du merlu, et préconise des mesures conservatoires effectives en matière de respect du maillage et de création de cantonnements. En 1966, sa première étude statistique porte sur les pêches des navires français dont les captures effectuées au large des côtes européennes sont vendues à La Rochelle, pour le merlu et la dorade, les deux principales espèces locales. En trois ans, de 1966 à 1968, la production de dorade augmente de 11 %, tandis que celle du merlu diminue de 20 % (tableau 59).

Années

Apport en merlus Tonnage ( % du total)

Apport en dorade Tonnage (% du total)

Valeur totale des marées (frs)

1966

7 654 (30,6)

2 124 (8)

64 803

1967

7 400 (31,8)

2 248 (9,6)

61 602

1968

6 112 (29,2)

2 367 (10,8)

59 472

Tableau 59. – Importance du merlu et de la dorade dans les apports rochelais (1966-1968). Source :Guichet R., Guéguen J., Guillou A., « La pêche du merlu et de la dorade à La Rochelle », Revue des travaux de l’ISTPM, no 35, 1971, p. 244.

  • 45 Guichet R., Guéguen J., Guillou A., « La pêche du merlu et de la dorade à La Rochelle – Analyse de (...)
  • 46 Chaussade J., « La pêche artisanale vendéenne et ses problèmes », Poitiers, Norois, no 78, 1973, p (...)

34Ainsi, alors qu’il n’y a pas de surexploitation inquiétante de la dorade, les tonnages restant toujours supérieurs à 2 000 t, il en va tout autrement pour le merlu. En 1965 et 1966, malgré une nouvelle augmentation de l’effort de pêche, le tonnage débarqué commence à décroître ; la diminution de la capture totale est typique d’une pêche excessive du merlu, compte tenu des maillages utilisés. Au cours des années suivantes les rendements et les captures de merlus ne ré-augmentent pas45. Ainsi, cette pêche excessive ne menace pas toutes les catégories de poissons, mais affecte les espèces les plus recherchées comme le merlu46.

  • 47 Fournet P., « L’évolution récente de la pêche rochelaise », op. cit., p. 445.

35Cet appauvrissement n’est pas uniquement imputable aux Rochelais. Il résulte également de la présence importante de chalutiers des autres ports du golfe, bretons, vendéens, charentais ou cantabriques. Ainsi à Lorient, la flotte des gros chalutiers de plus de 100 tx passe de 105 à 146 unités entre 1965 et 1969. Encore plus significatif est le développement de la flotte basque pêchant directement dans le golfe. Fontarabie arme, pour la pêche au merlu à la ligne, 62 bateaux de 12 à 160 CV en 1962 ; dix ans plus tard, ce nombre s’élève à 121 pour des puissances variant entre 120 et 400 CV. À Pasajes, il n’y a aucun chalutier en 1962 ; en 1972, on en compte 40 dotés de moteurs de 800 à 1 400 CV. À Ondarroa, 100 bateaux travaillent au filet-bœuf en 1972 contre 40 en 196247.

  • 48 AD 17, J 253, Lettre de l’administrateur en chef du quartier de La Rochelle au président du syndic (...)
  • 49 AD 17, 164 J, Dossier courrier du Comité central des pêches maritimes, Lettre du Syndicat des Arma (...)

36La présence de plus en plus massive de grands chalutiers espagnols dans le golfe ne va pas sans tensions et sans nombreuses tentatives de conciliation aux résultats limités et tardifs. Ainsi, du 26 septembre au 6 octobre 1963, se tient à Madrid une réunion pour étudier la réglementation des pêches dans le golfe. Elle débouche sur l’adoption d’un principe de respect réciproque des cantonnements établis ou à établir par accord entre les deux pays dans les eaux adjacentes à leurs eaux territoriales du golfe. Les infractions doivent être sanctionnées et, dans ce but, les procès-verbaux établis par les bâtiments garde-pêche doivent être transmis aux autorités compétentes de la nation dont le navire porte le pavillon. Une harmonisation des sanctions applicables dans les deux pays doit être étudiée. Le maillage minimum de 60 m/m alors en vigueur en France au sud du 48e parallèle doit être également appliqué en Espagne. Une liste des espèces protégées et les dimensions minima du maillage autorisé pour la pêche de ces espèces doivent être fixées d’un commun accord entre les deux pays. Enfin les tailles marchandes de la sole et du merlan sont établies réciproquement à 21 et 23 cm au sud du 48e parallèle. La taille marchande du merlu, alors de 24 cm dans cette zone, doit le plus tôt possible être portée à 30 cm dans les réglementations des deux pays48. Mais, sur la mer, les chalutiers espagnols viennent pêcher dans les eaux territoriales françaises et ne respectent pas les maillages minima des chaluts. Ainsi, le 8 novembre 1968, deux chalutiers ibériques sont arraisonnés par une vedette des Affaires maritimes à huit milles au large des côtes, à l’intérieur des eaux territoriales françaises. L’un de ces chalutiers utilise des maillages de 35 m/m et l’autre de 40 m/m. Le Nuevo-nino-de-Belem et le Luna-y-sol débarquent et vendent leur pêche, mais des merluchons hors taille, saisis, sont dénaturés et enfouis. Ces poissons de trop petite taille représentent plus de 50 % des quantités de poissons de taille réglementaire. Les calculs effectués par l’ISTPM donnent une idée « des destructions vraiment dramatiques » qu’entraîne le non-respect des maillages, puisqu’on obtient un total de 140 t de merlus qu’auraient donnés les merluchons en les laissant grandir. Cependant, dit l’administrateur en chef, cette pratique existe également en France, probablement sur une moins grande échelle49. Le chalutier rochelais Manuel-Joël est arraisonné dans les eaux territoriales espagnoles. Il aurait pêché à un mille des côtes avec un chalut à mailles de 40 m/m.

  • 50 Ibid., Dossier courrier du CCPM, Note du Comité central des pêches maritimes au sujet des maillage (...)
  • 51 Ibid., Dossier courrier du CCPM, Lettre du Comité central des pêches maritimes au secrétaire génér (...)

37Au cours d’une autre réunion entre professionnels des deux pays tenue à Bayonne le 17 novembre 1969, les Espagnols déclarent qu’il leur est impossible d’appliquer la réglementation sur le maillage minimum des chaluts à 60 m/m et subordonnent la mise en vigueur d’un cantonnement dans le golfe à un accord entre professionnels sur un maillage inférieur. Les contrôles, effectués au cours des mois de septembre et octobre 1969 par la vedette René de La Rochelle dans les eaux territoriales françaises, prouvent cependant que la surveillance exercée amène les chalutiers espagnols à se plier à la réglementation50. D’autres réunions franco-espagnoles sur la pêche dans le golfe se tiennent, telle celle du 16 novembre 1970 à Paris. La surveillance des cantonnements y est évoquée et pourrait être faite par des unités espagnoles, déclare la partie espagnole sans plus d’engagement, tandis que les maillages font l’objet de progrès importants, les Espagnols acceptant que la maille de 50 m/m s’applique indistinctement à tous les chaluts. Enfin, les professionnels des deux pays demandent que les administrations françaises et espagnoles « veuillent bien effectuer une étude approfondie sur le niveau actuel de l’effort de pêche dans le golfe et examinent ensemble les mesures à prendre pour ramener cet effort de pêche à un niveau compatible avec les ressources51 ». Les choses cependant n’avancent pas et le dépeuplement s’accentue.

  • 52 Ibid., Lettre du Syndicat des armateurs à la pêche de La Rochelle au secrétaire général de la Fédé (...)

38Pourtant, la proposition de réaliser des cantonnements est ancienne comme le rappelle, en février 1962, l’administrateur en chef de l’Inscription Maritime de La Rochelle. Il rappelle que La Rochelle a demandé depuis longtemps la création de cantonnements qui, pour des raisons internationales, n’ont pas encore vu le jour. Jacques Babinet, président du syndicat des armateurs à la pêche hauturière de La Rochelle souligne la nécessité de sauvegarder les lieux traditionnels de pêche et précise, à ce propos, que ces fonds traditionnels du port de la Rochelle dans le golfe sont dévastés par un nombre considérable et excessif de chalutiers. Le 22 avril 1965, réuni en assemblée générale, le syndicat des armateurs à la pêche hauturière de La Rochelle rappelle le constat du dépeuplement des fonds de pêche et réaffirme sa préconisation de cantonnements, mais constate l’opposition des autres ports. Le 22 mai 1967, le même syndicat vote une motion adressée aux pouvoirs publics affirmant que face au dépeuplement des fonds du golfe qui est « dangereusement surexploité, il faut absolument qu’un cantonnement vaste et efficace, tel que la Grande Vasière, préconisé par l’ISTPM, soit institué ». Il émet le vœu que les chalutiers espagnols, qui prélèvent, ainsi qu’il est officiellement reconnu, les deux tiers des ressources en poisson du golfe, soient contraints de respecter les conventions internationales auxquelles ils ont adhéré. D’une part, ils doivent respecter le maillage minimum des chaluts à 60 m/m, alors que tous leurs chalutiers pêchent avec des maillages de 40 m/m ou en dessous, ce qui a été constaté plusieurs fois par l’Inscription Maritime. Mais dans l’état actuel des choses, cette dernière ne peut prendre aucune sanction. D’autre part, les chalutiers espagnols ne respectent pas la taille marchande du merlu et du merluchon, capturant des « quantités énormes de merluchons d’environ 10 cm, très appréciés en Espagne, mais de taille absolument illégale et contraire aux conventions internationales que l’Espagne a ratifiées52 ». Le 18 avril 1969 se tient une nouvelle réunion franco-espagnole à San Sébastian, à laquelle assistent plusieurs armateurs rochelais. La délégation française a pour objectif de faire admettre aux Espagnols le projet de cantonnement élaboré par l’ISTPM, modifié et accepté par les ports français de l’atlantique au cours de leur rencontre à Nantes le 18 février précédent (carte 3).

Carte 3. — Projet ISTPM des cantonnements à merluchons dans le golfe de Gascogne (1969). Source : Fournet Ph., « L’évolution récente de la pêche rochelaise », Norois, no 87, 1975, p. 451.

  • 53 Chauchet F., « Est-ce la fin de la Grande-Vasière ? », Sud Ouest, 10 octobre 1972, p. 9.
  • 54 Dardignac J., « Le cantonnement de la Grande-Vasière, une grossière erreur car trop petit et mal p (...)

39Enfin, lors de la réunion franco-espagnole de Fontarabie du 14 novembre 1969, les deux accord pour demander à leurs gouvernements respectifs la mise en place, à partir du 1er janvier 1970, du cantonnement tel qu’il a été défini lors de la conférence de Bayonne le 22 septembre 1969. Le délégations se mettent d’cantonnement de la Grande vasière voit, enfin, le jour le 1er janvier 1970. Il doit servir de nursery à merlus et contribuer au repeuplement du golfe de Gascogne. Mais déjà des pêcheurs du littoral s’interrogent sur l’utilité de cette réserve53. Les pêcheurs artisans bretons et vendéens demandent une dérogation pour y pêcher la langoustine. La conférence franco-espagnole du 28 novembre 1972 approuve cette demande, mais, à la suite d’une réunion du Comité Central des Pêches Maritimes, la mesure est reportée sine die par la direction des pêches du secrétariat général de la Marine Marchande qui prolonge, en décembre 1972, la durée des deux cantonnements du golfe jusqu’au 31 décembre 1973. Cependant, en avril 1973, Jean Dardignac, directeur de l’ISTPM, fait état d’une étude conjointe des laboratoires de l’Institut de La Rochelle et de Lorient, qui ne peut mettre en évidence aucune preuve que le cantonnement de la Grande-Vasière a une quelconque action sur les stocks de merlu. Il affirme, au contraire, que celui-ci ne sert absolument à rien, car « la réserve est constamment violée, aussi bien par les pêcheurs français, principalement artisans, que par les Espagnols. Son contrôle nécessiterait la mise en place d’un gendarme tous les kilomètres carrés. Ce serait d’ailleurs une action tout à fait inutile puisque le cantonnement ne sert absolument à rien » ! Le rapport affirme en effet que le cantonnement est à la fois trop petit et mal placé. Le plateau de Rochebonne, par exemple, n’est pas intégré au cantonnement comme le proposait le projet primitif de l’ISTPM, alors que c’est là où le merlu se reproduit, commence à grandir. Depuis sa création en 1970, le cantonnement existant « n’a jamais été respecté. Pour y parvenir, il eût fallu sévir et punir les contrevenants de la mer pour ne pas dire les braconniers ». « Les artisans bretons utilisent des maillages de 38 m/m, les Rochelais de 40 à 43 m/m, alors que le maillage officiel est de 50 m/m. Les Espagnols, que l’on accuse un peu trop vite, utilisent pour leur part des filets de 55 m/m. […]. Par des maillages trop petits, on décime les bancs de merluchons et automatiquement les futurs adultes54 ! »

  • 55 Maurin Claude, « La valeur des cantonnements et leur implantation », Sud Ouest, 8 novembre 1974.
  • 56 AD 17, Fonds Marins LR, Comité central des pêches maritimes, Compte rendu de la réunion tenue à Na (...)

40En novembre 1974, l’ISTPM, qui a effectué une importante étude sur les merlus du golfe à la fin de l’année 1973 et au printemps 1974, considère que le cantonnement situé au large des côtes landaises est bien situé au cœur d’un secteur riche en merluchons. Mais du fait de sa taille réduite, il ne protège qu’une faible proportion des merluchons de l’ensemble du golfe : 1,6 % des merlus d’un an, 10,1 % de ceux de deux ans et 4,8 % de ceux de trois ans en novembre 1973. Dans le cantonnement nord de la Grande-Vasière, cette protection varie selon les saisons de 13 à 23 % pour les merluchons d’un an, 15 à 21 % pour ceux de deux ans, 9 à 18 % pour ceux de trois ans. Ces chiffres ne peuvent être atteints que si le cantonnement est totalement et rigoureusement respecté. « Si ces chiffres sont loin d’être nuls, ils n’en sont pas moins incontestablement insuffisants pour assurer une protection satisfaisante du stock, compte tenu de l’état actuel de l’effort de pêche et de la dimension des maillages employés. En effet, pour assurer cette protection et rétablir la situation d’un niveau normal d’exploitation, il faudrait éviter totalement la pêche des individus de 1, 2, 3 et peut-être même 4 ans, c’est-à-dire éviter de détruire et pas seulement de débarquer tout merlu de taille inférieure à 35 ou 40 cm, ce que nous savons inapplicable dans la situation actuelle. » Ainsi, conclut le nouveau directeur de l’ISTPM, Claude Maurin, « le cantonnement n’est pas une mesure suffisante pour assurer la protection totale du stock ». D’autres mesures seraient nécessaires, tel le contrôle de l’effort de pêche et l’augmentation des maillages. Il préconise aussi de modifier l’implantation du cantonnement nord et d’étendre le cantonnement sud notamment vers l’ouest55. Cependant, lors d’une réunion tenue à Nantes le 12 septembre 1975, les représentants des professionnels des ports de la côte atlantique souhaitent unanimement conserver le cantonnement nord actuel, que tous proposent de reconduire pour trois ans à compter du 1er janvier 1976. Ils souhaitent aussi l’ouverture de la pêche à la langoustine du 1er mai au 31 août de chaque année et demandent que, « de toute manière, la surveillance sur le cantonnement soit considérablement renforcée56 ». Le débat rebondit à nouveau en le 16 juillet 1976 lors d’une réunion à Nantes :

« Il est temps de sortir de l’hypocrisie en ce qui concerne le cantonnement nord, affirme Guillevic [au nom des artisans bretons], appuyé par les représentants du port de Guilvinec. Chacun sait que ce cantonnement n’est pas respecté, ni par les professionnels français, ni par les pêcheurs espagnols. La police se montre tout à fait insuffisante ; les vedettes garde-pêche n’y font que des incursions isolées, d’ailleurs très rares, et s’il leur arrive de dresser des procès-verbaux, c’est de préférence aux bateaux français et non aux bateaux espagnols. D’autre part, le cantonnement n’est pas implanté dans la zone la plus efficace et son implantation n’a jamais donné satisfaction à l’ISTPM. Par-dessus tout, enfin, les pêcheurs soviétiques et hollandais qui ne sont pas tenus de la respecter y pêchent librement. Quel intérêt peut bien présenter une réserve dans laquelle chacun puise presque à sa guise ? »

  • 57 Ibid., Comité central des pêches maritimes, Réunion tenue à Nantes sur la pêche dans le golfe de G (...)

41L’armateur rochelais F.-J. Castaing, présent à cette réunion, déplore cette prise de position des artisans bretons. Certes, dit-il, « le cantonnement n’est pas parfait, mais il constitue une dissuasion importante pour un effort de pêche exagéré des immatures ». Il rappelle d’ailleurs que l’ISTPM assure que le cantonnement protège de 15 à 20 % le stock de merlu, ce qui n’est pas négligeable57. Ces mesures de protection de la ressource dans le golfe arrivent cependant trop tardivement et ne sont pas suffisamment respectées et contrôlées. Elles n’enrayent pas la crise rochelaise, qui s’avère plus précoce que dans les autres ports.

La précocité de la crise rochelaise

42La crise rochelaise frappe dès 1965-1966, après avoir connu un plafonnement entre 20 000 et 25 000 t. Les autres ports résistent.

  • 58 Le Bouëdec G., Le Brigand D., Lorient-Keroman, op. cit., p. 52-63.
  • 59 Annexes 6 et 7.
  • 60 Le Bouëdec G., Le Brigand D., Lorient-Keroman, op. cit., p. 64-65.
  • 61 Ibid., p. 62.
  • 62 Fournet Ph., « Lorient, port de pêche industrielle », Poitiers, Norois, no 102, 1979, p. 194-199.

43Lorient a connu un renouveau très rapide entre 1952 et 196358. Le port breton poursuit sa progression jusqu’en 1974, atteignant 38 000 t en 1953, 57 000 t en 1963 et 78 169 t en 1973 alors que La Rochelle n’est plus qu’à 18 000 t59. Il dispose, fin 1978, d’une flotte industrielle forte de trente-quatre unités exploitées par une quinzaine de sociétés, dont dix sociétés anonymes, une SARL et quatre sociétés quirataires. Ce dernier type d’armement est aussi présent à Lorient au cours des années 1950-1960, mais de manière bien moins importante qu’à La Rochelle. Le seul armement coopératif lorientais, PECOSUB, fait faillite en 1976. Les sociétés d’armement sont presque toutes de petite taille et ne possèdent en moyenne que deux ou trois unités. Un armement émerge cependant, le groupe Jégo-Quéré, avec une quinzaine d’unités. Lorient a une stratégie assumée de reconversion de sa flottille, délaissant les chalutiers classiques à pêche latérale pour faire construire des chalutiers à pêche arrière de 52-58 m. Ainsi, sur les trente-quatre chalutiers en activité à la fin de l’année 1978, trente sont des chalutiers pêche arrière, soit 88 %, contre seulement 25 % à La Rochelle en 1976, qui ne dépassent pas les 38 m et permettent seulement d’aller pêcher en mer d’Irlande. Les résultats du port breton sont édifiants : en 1969, les dix meilleurs chalutiers industriels, essentiellement des classiques, débarquent 6 952 t de poisson pour 244 marées, soit 29 t par marée ; en 1976, les chalutiers pêche arrière monopolisent toutes les premières places et leur apport s’élève à 18 118 t pour 236 marées, soit 77 t par marée60. Les chalutiers industriels lorientais n’ont jamais été aussi productifs qu’en 1979. Certes, la surpêche dans le golfe de Gascogne et la mer Celtique réduit les prises de merlus et de dorades. Mais, dès les années 1960, les chalutiers bretons se dirigent vers les eaux plus septentrionales dans les secteurs Nord et Ouest-Écosse, vers l’Islande, les îles Shetland et Féroé, d’où ils tirent la majeure partie de leurs captures (77 % en 1972-1973)61. Très peu de chalutiers rochelais le font à la même époque, d’autant qu’ils sont plus éloignés des lieux de pêche au Nord que ceux de Lorient ce qui exige plus de temps et plus de frais de carburant pour s’y rendre62.

  • 63 Chaussade J., « Les difficultés de la pêche industrielle en France : l’exemple du port de Lorient  (...)
  • 64 Canévet C., « Les pêches bretonnes : crise et redéploiement », Poitiers, Norois, no 107, 1980, p.  (...)

44La baisse du trafic annuel du port de pêche de Lorient ne se fait sentir qu’à partir de 1974, huit ans après La Rochelle. Les grosses difficultés apparaissent en 1977. Les 23 grands chalutiers de pêche arrière de 46 à 55 m, lancés entre 1972 et 1976 et non encore amortis, connaissent un déficit chronique. Celui-ci est lié à l’envolée des prix des fournitures de pêche et du gazole tout particulièrement dont le coût unitaire a subi deux fortes accélérations en moins de dix ans (+ 106 % en 1973-1974 et + 60 % en 1979-1980), auquel s’ajoute un accroissement sensible des dépenses d’équipage (+ 4 à 5 % entre 1973 et 1982). Une désaffection des marins pour cette pêche hauturière vient compromettre le maintien du potentiel de pêche. Des causes structurelles frappent Lorient comme les autres ports, avec la création en 1976 des zones économiques exclusives étendues aux 200 milles qui poussent les chalutiers appartenant aux pays de la CEE au repli dans les parages des îles britanniques. Le mareyage de Lorient est affaibli par la diminution drastique des apports saisonniers de mai jusqu’à l’hiver suivant. Le secteur de la transformation est déficient, frappé par l’irrégularité saisonnière des apports63. Plusieurs navires lorientais presque neufs sont vendus à l’étranger. Le principal armement du port, le groupe Jego-Quéré crée des bases avancées en Écosse. Au lieu de revenir tous les quatorze jours débarquer leurs prises à Lorient, ses chalutiers déchargent dans un port écossais et font deux campagnes successives de pêche, soit pratiquement vingt-huit jours consécutifs de mer avant de regagner Lorient. Le poisson débarqué en Écosse est acheminé par camion frigorifique vers Lorient64.

  • 65 CCI Quimper, « Les ports du Sud-Finistère gérés par la CCI de Quimper », 1986.
  • 66 Canévet C., « Les pêches bretonnes : crise et redéploiement », art. cit., p. 454.

45Sur la côte atlantique, les autres ports bretons sont eux-aussi frappés par la crise plus tardivement que La Rochelle, à la même époque que Lorient. C’est le cas de Concarneau. Certes celui-ci connaît une diminution de son tonnage de pêche fraîche débarqué dès 1966, comme La Rochelle, traduction de l’appauvrissement des fonds de pêche dans le golfe. Mais il ne subit une baisse de sa flotte qu’à partir de 197765. De nombreux chalutiers sont alors désarmés ou vendus à l’étranger ; treize sont ainsi vendus au Sénégal et en Afrique du Sud en 1977 et 1978, onze sont désarmés. Alors que Concarneau comptait 82 chalutiers industriels en 1974 et une centaine en 1970, il n’en compte plus que 47 en 198066. Cependant, en 1985, Concarneau conserve encore une flotte de 36 chalutiers de pêche hauturière de 30 à 38 m, 16 chalutiers semi-hauturiers de 16 à 24 m.

  • 67 Laborde S., Les pêches maritimes basques entre déclin et recompositions, thèse de géographie, univ (...)
  • 68 Ibid., p. 115-117.

46Sur les côtes espagnoles du golfe, l’armement du port basque de Pasajes n’entre en crise qu’à partir des années 1990, période de la disparition des derniers grands chalutiers rochelais. C’est à partir de 1997 que les débarquements en criée de Pasajes reculent en tonnage et en valeur. En valeur, ces apports sont divisés par quatre en sept ans entre 1997 et 2003, passant de 20 000 t à moins de 6 000 t67. La flottille de pêche de Pasajes, qui compte encore 118 unités en 1990, n’en compte plus que 59 en 2000, soit une diminution de moitié en une décennie. La pêche hauturière d’Ondarroa, entre Irun et Bilbao, résiste mieux et sa flotte hauturière devient plus importante que celle de Pasajes. En 2004, sur 51 navires basés au Pays basque espagnol, 47 sont à Ondarroa (contre 72 en 1977) et seulement 4 à Pasajes68.

  • 69 L’Hostis D., « La consommation des produits de la mer en Espagne », Dossier, Nantes, Ifremer, 1986 (...)

47En Espagne, dans les années 1980, les produits de la mer occupent toujours une place privilégiée dans l’univers alimentaire des consommateurs. Ils représentent environ 15 % des dépenses alimentaires contre 28 % pour les produits carnés, la part de leur budget alimentaire dans le budget des dépenses totales des ménages est très supérieure à celle rencontrée dans les pays de l’Europe du nord. Elles représentent au moins le double de celles de la France. Toutes les catégories de la population consomment beaucoup de poissons. Trois espèces représentent la majorité de la consommation en frais : les merlus, les sardines et les chinchards. Les poissons bleus représentent la première catégorie de poissons consommés ; sardines, thonidés, anchois, maquereaux représentent 300 000 t en 1984, soit 7,9 kg par personne et par an. Le pays dispose d’une densité très élevée de vendeurs détaillants, car les produits de la mer sont un produit alimentaire de base à la fréquence d’achat élevée. L’Espagne dispose donc d’une flotte de pêche importante qui lui permet de couvrir les trois-quarts de sa consommation. Les Français viennent vendre leur pêche en Espagne69. C’est le cas des Rochelais à Pasajes. Cette place importante de la consommation des produits de la mer explique la résistance de la flotte de pêche espagnole et le caractère tardif de la crise de ses armements, subissant eux aussi, au final, l’appauvrissement des fonds.

  • 70 Fournet Ph., « Les pêches maritimes britanniques : une activité en crise », Poitiers, Norois, no 9 (...)

48Les pêches maritimes britanniques, enfin, connaissent la crise dans les années 1970. Depuis 1974, la flotte de pêche industrielle diminue très rapidement. Un total de 110 unités de plus de 24 m, soit le quart de l’effectif total, sont désarmées entre le 31 décembre 1974 et le 31 décembre 1976. Les flottes des principaux ports de pêche industrielle sont décimées. Grimsby perd 38 unités sur 115, Hull 29 sur 91, Aberdeen 21 sur 91 et Fleetwood 11 sur 40. Les navires les plus anciens sont mis à la ferraille ; les plus récents, notamment des chalutiers de pêche arrière, sont vendus à l’étranger (Canada, Afrique du Sud, etc.) ou convertis en navires ravitailleurs des plates-formes pétrolières de la mer du Nord. Les unités de pêche fraîche de plus de 42 m, souvent trop gourmandes en combustible et conçues pour la pêche dans les eaux lointaines interdites avec la mise en place des zones économiques exclusives des 200 milles, souffrent énormément de la crise. Près de 46 % d’entre elles sont déjà désarmées. Par contre les gros chalutiers-congélateurs lancés plus récemment sont, dans la mesure du possible, maintenus en exploitation même lorsqu’ils ne sont pas rentables. La gamme des chalutiers de 24 à 42 m résiste mieux ; elle n’a perdu que 17 % de ses effectifs. Contrairement aux précédents, ces navires sont adaptés à l’exploitation des 200 milles européens. Face à cette situation, les armateurs s’efforcent de restructurer et de redéployer leur flottille. Ils pensent qu’il faut construire des unités plus petites. Il leur est également impératif de trouver de nouveaux lieux de pêche hors de l’Atlantique. Ainsi l’aménagement d’une base de pêche aux îles Falkland, situées dans l’archipel des Malouines au large de l’Argentine, dans l’une des dernières possessions britanniques d’outre-mer, permet aux chalutiers-congélateurs d’exploiter les pêcheries du sud-ouest atlantique70.

  • 71 Sénat, Mariani P., Rapport sur les actions menées en faveur de la politique maritime et littorale (...)

49Globalement, la pêche industrielle se confronte au dépeuplement des fonds de pêche et à la hausse du prix de gazole et autres fournitures à partir de 1974. La flotte des grands chalutiers, qui connaît un renouvellement récent avec le remplacement des navires classiques par des navires pêche arrière, recule partout. Dans les années 1980-1995, le nombre de chalutiers français recule de 11 660 en 1983 à 6 593 en 1995, soit - 43,5 %. Les grands chalutiers français de plus de 38 m ne sont plus que 112 en 1983 et 75 en 1995, soit - 33 %71. À La Rochelle, la flotte industrielle poursuit sa chute et disparaît au début des années 1990, malgré des phases d’espoir.

La pêche industrielle rochelaise entre déclin et espoirs de reprise

50En 1971-1972, des signes d’améliorations se font jour, mais le fort renchérissement du prix des produits pétroliers en 1973-1974 précipite la crise des armements rochelais. En 1983, pourtant, un plan de relance de la pêche se traduit par l’arrivée au port d’une série de bateaux neufs.

Un espoir de reprise en 1971-1972

  • 72 AD 17, 164 J, Lettre de J.-C. Menu, président du Syndicat des armateurs à la pêche de La Rochelle, (...)
  • 73 AD 17, J 253, Lettre du secrétaire du syndicat au président du comité local des pêches, 15 octobre (...)
  • 74 Ibid., Procès-verbal de la réunion du comité local des pêches maritimes de La Rochelle, 4 novembre (...)
  • 75 Ibid., Vœu émis par le comité local des pêches maritimes de La Rochelle, 17 novembre 1969.

51En 1969, les qualificatifs de la crise sont tous plus durs les uns que les autres et tous les protagonistes s’inquiètent. Le 1er octobre, J.-C. Menu, président du syndicat des armateurs à la pêche, lance « un cri d’alarme » en s’adressant à un ministre présent à La Rochelle. Les chalutiers classiques relativement anciens, encore qu’en bon état, désarment les uns après les autres et les plus modernes d’entre eux ont une exploitation de plus en plus difficile. Quant aux chalutiers pêche arrière, bien qu’ayant des conditions d’exploitation plus favorables dues à leur conception, ils ne dégagent pas un profit suffisant72. Le Syndicat des marins de La Rochelle, quinze jours après, exprime la nécessité de sauver le port qu’il dit menacé de « faillite économique », demande une réunion du comité local des pêches et exige des crédits pour construire des bateaux modernes73. Ce comité se réunit le 4 novembre 1969 en présence de nombreuses personnalités politiques et des représentants de toutes les professions de la pêche. L’armateur F.-J. Castaing y évoque le « caractère dramatique » que revêt la situation du port, confronté aux apports insuffisants et aux charges qui vont sans cesse en augmentant. Il insiste sur l’urgence de créer des réserves, d’allèger les charges de gazole, de patente et d’équipage, de revaloriser les produits par des prix garantis et enfin de limiter les importations. La crise frappe gravement les marins, affirme le secrétaire du syndicat CGT qui rappelle, qu’en 1963, 900 officiers et marins naviguaient sur 70 chalutiers alors que six ans plus tard ils ne sont plus que 500 embarqués sur 41 navires, soit une chute de 44 % des hommes et de 41,5 % des navires. J.C. Menu constate que rien n’est fait par les pouvoirs publics. La réunion ne peut que dresser un constat et débouche sur la fixation d’une autre réunion74. Celle-ci émet un vœu demandant aux pouvoirs publics de prendre des mesures : subvention exceptionnelle de 20 % de la valeur des produits débarqués pendant deux ans ; exigence d’une loi-cadre affirmant la volonté des pouvoirs publics de poursuivre enfin une politique des pêches ; volonté que des mesures soient prises pour mettre un terme aux abus, en particulier dans le maillage des chaluts et la taille marchande des poissons pêchés75.

  • 76 AD 17, Jx 262, « La pêche rochelaise et son avenir : de 24 500 t en 1965, les apports sont tombés (...)
  • 77 Ibid., « La pêche rochelaise et son avenir : 1972 marquera-t-il un essor nouveau ? », 12 février 1 (...)
  • 78 Ibid., Chauchet F., « La pêche à l’heure des choix : un certain optimisme à La Rochelle », Sud Oue (...)

52En 1971, le recul des apports de poisson se poursuit. De 24 500 t en 1965, ils tombent à 18 500 t, alors que leur valeur marchande se réduit de 73 316 500 F à 69 208 200 F, soit une baisse de 25 % des apports et de 6 % de leur valeur. Le nombre d’officiers et de marins n’est plus que de 400 hommes embarqués sur 32 chalutiers de pêche industrielle et 35 bateaux de pêche artisanale. Les marins s’exilent dans d’autres ports, en Bretagne notamment dont nombre d’entre eux sont originaires, sur les plates-formes offshore ou se reconvertissent à terre à l’usine Chrysler qui vient d’ouvrir à La Rochelle-Périgny sur la nouvelle zone industrielle. Le nouveau maire, M. Crépeau, propose d’étudier l’implantation éventuelle d’une usine de transformation des produits agricoles et de ceux de la mer. J.-C. Menu, du syndicat des armateurs, déclare qu’une telle proposition ne se justifie pas car l’originalité de la pêche rochelaise réside dans le fait qu’elle est depuis toujours spécialisée dans des espèces nobles qui se consomment sans transformation et que leurs apports diminuent76. Cependant, la même année, Jacques Bobinec, le secrétaire de la CGT des marins du port, perçoit une certaine amélioration. Malgré la diminution des apports prévisible après le départ de nombreuses unités industrielles, les cours du poisson à l’encan sont plus équilibrés et plus stables, à la différence des années précédentes77. En 1972, quatre nouvelles unités de type classique, à pêche latérale, arrivent au port : le Cap-Saint-Jean, le Térékie, le Nicolas-Copernic et le Jules-Verne, en provenance de Boulogne et Lorient. En début 1973, deux autres chalutiers de type classique et assez âgés, le Notre-Dame Panetière et le Shamrock-IV, arrivent eux aussi de Boulogne et Lorient. Courant 1974, les chantiers espagnols Luzureaga de Pasajes livrent deux chalutiers de pêche arrière commandés par l’ARPV. Cependant, les futurs propriétaires de ces unités s’interrogent sur l’avenir, telle Marguerite Onfroy : « Nous voulons bien faire un acte de foi pour La Rochelle qui a besoin de bateaux. Quant aux équipages, ils aspirent à de nouvelles conditions de travail. Mais avant toute décision prématurée, il nous faut savoir ce que seront les primes d’incitation. » En octobre 1972, des primes de 15 % de l’État et de 10 % du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) sont promises. Mais, affirme M. Onfroy, les primes du FEOGA vont vers la grande pêche à la morue. La pêche rochelaise n’est pas sortie d’embarras ; tout au plus peut-on parler de reprise. Un certain courant d’optimisme s’est cependant installé à La Rochelle78. Mais la crise pétrolière le réduit à néant.

Renchérissement du pétrole et rebondissement de la crise de la pêche

  • 79 Fournet Ph., « Les pêches maritimes charentaises et leurs problèmes », Poitiers, Norois, no 100, 1 (...)
  • 80 AD 17, 164 J, Syndicat des armateurs à la pêche, Courriers divers 1971-1973, Lettre de J.-C. Menu (...)
  • 81 Ibid., Courriers divers 1971-1973, Note de J.-C. Menu au secrétaire d’État aux Transports lors de (...)

53Après cette courte période de répit, la crise rebondit en 1973-1974 avec la hausse brutale des cours de l’énergie et des matières premières. En cinq ans, le prix de l’hectolitre de gazole augmente de 390 %, en passant de 10,60 F en début 1972 à 52 F au début de 1977. La part du poste combustible qui ne représente que 4 à 8 % du produit des ventes en 1972 atteint 15 à 20 % en 197779. Les conséquences de la crise pétrolière se font sentir dès août 1973 sur le prix du gazole, mais aussi sur d’autres fournitures qui utilisent le pétrole comme matière première. À La Rochelle, entre juillet 1972 et juillet 1973, les hausses des prix sont très sensibles. Ainsi, l’hectolitre de fuel-oil domestique passe de 11,82 F à 20,90 F soit une hausse de + 76,8 % ; le chalut caillou mixte en polyéthylène de 25 m/25 m passe de 30,90 F à 36,52 F soit une hausse de 18,1 % ; la tresse nylon de 280 m de long et de 60 m/m de section passe de 14,20 F le kg à 22,44 F soit + 58, 02 %. Ces hausses sont à mettre en parallèle avec celle du prix moyen du poisson à La Rochelle qui n’augmente que de 4,76 F à 5,40 F le kg, soit + 13,4 %, ce qui est loin de compenser les hausses des charges80. Le prix du poisson entre le 1er semestre 1975 et le 1er semestre 1974 n’augmente que de 6,13 % et de 49 % depuis le 1er semestre 1971, hors intervention du From (Fonds régional d’organisation des marchés). Le soutien des cours par le From améliore un peu ces hausses : + 12,43 % depuis le 1er semestre 1974 et + 58 % depuis le 1er semestre 1971. Cette compensation du From, rendue possible grâce à la dotation spéciale de l’État aux From sous forme de prêts, permet d’augmenter le prix moyen du poisson de 5,53 %, chiffre à rapprocher de l’augmentation du prix du gazole du 1er janvier 1971 à 1975, de 350 à 470 %. Dans la même période, le prix du matériel de pêche subit une hausse de 100 à 200 %, celui des patentes de plus de 100 %81.

  • 82 Fournet Ph., « Les pêches maritimes charentaises et leurs problèmes », loc. cit., p. 626.

54Les coûts de construction s’accroissent considérablement à cause de la hausse des salaires, des cotisations sociales et du prix de l’acier. Le Saintonge II, chalutier de pêche arrière de 38 m lancé en 1966, coûte 2,3 millions de F à son armateur ; son homologue le Gascogne III, lancé en 1974, représente un investissement de 4,5 millions de F et un navire de ce type est estimé en 1978 à 8 millions de F82. Dans ces conditions, il devient très difficile d’obtenir des comptes d’exploitation positifs du fait de l’importance des annuités d’amortissement qui s’ajoutent aux coûts d’exploitation. L’enquête réalisée à La Rochelle en 1976 met en évidence des résultats négatifs pour onze des quinze chalutiers pour lesquels les armements répondent. Parmi ces onze, sept sont à pêche arrière, ce qui confirme le poids des annuités d’amortissement de ces chalutiers coûteux et récents, construits entre 1967 et 1975, donc non encore amortis (tableau 60).

  • 83 Fournet Ph., « Les pêches maritimes charentaises et leurs problèmes », Poitiers, Norois, no 100, 1 (...)

55La généralisation, dans ces années, des zones économiques exclusives (ZEE) de 200 milles porte un autre coup à la flotte de pêche industrielle qui se voit éliminée des eaux cantabriques, d’où elle tirait une grande partie de ses captures en dorades et en merlus ; en outre, elle doit respecter une réglementation draconienne relative aux maillages dans les eaux territoriales britanniques et irlandaises. Depuis le milieu de la décennie 1960, les apports débarqués par les chalutiers de plus de 100 tx régressent inexorablement. L’effondrement des apports est tel depuis 1976 que le chiffre d’affaires des mareyeurs connaît lui aussi un net fléchissement et inquiète les professionnels de la criée83. Les lieux de pêche des chalutiers industriels rochelais, entre 1973 et 1975, se déplacent vers le nord, des zones allant des côtes espagnoles et du golfe de Gascogne au sud de la Bretagne vers celles qui longent les îles britanniques au sud et en mer d’Irlande.

Tableau 60. – Résultats d’exploitation de quinze chalutiers rochelais (1er semestre 1976). Source : AD 17, 164 J, Dossiers divers, Enquête sur les résultats d’exploitation des chalutiers de La Rochelle, SACDIP, 1er semestre 1976. (15 questionnaires reçus sur 19 envoyés), Synthèse des fiches.

  • 84 Chalutiers J 3 : les définitions varient, mais la plus fréquemment donnée est celle qui correspond (...)

56À la fin de l’année 1974, les 43 grands chalutiers de type J384 encore armés dans le port appartiennent à 17 sociétés, dont les plus importantes sont au nombre de 8, mais cette importance est toute relative car la plus grande, la Société maritime de pêche (SMP), n’arme que 6 bateaux. L’ARPV et J. Laurent en ont 5 et les autres 3 à 4. Les premiers armements, Dahl et Cie, Les Chalutiers de La Rochelle et l’ARPV, s’affaiblissent encore. L’armement Horrassius a disparu. N’apparaissent plus que 2 unités de sociétés quirataires (tableau 61).

Armements

Nombre de chalutiers

Société maritime de pêche

6

ARPV (J.-C. Menu)

5

Dahl et Compagnie

4

Auger André

4

CAPA

4

Laurent Jacques

4

Chalutiers de La Rochelle (F.-J. Castaing)

3

Société Aunisienne

3

Hédant

1

Onfroy-Frezouls

1

Maurice Onfroy

1

Le Formal

1

Société quirataire

1

Société quirataire Le Clapotis

1

Sevellec

1

Piremi

1

Borget

1

Le Jolif

1

Total

43

Tableau 61. – Les armements de chalutiers J 3 à La Rochelle (31 décembre 1974).
Source : Sud Ouest, 17 janvier 1975.

  • 85 La Société maritime de pêche (SMT) est créée le 1er janvier 1971 pour reprendre la gestion des tro (...)

57En janvier 1975, selon le Syndicat des armateurs, La Rochelle compte encore douze armements embarquant 631 marins85. Les plus importants sont la Société de gérance d’armement à la pêche (Sogerap), qui regroupe les chalutiers de l’armement A. Auger avec 126 marins. L’ARPV avec 115 marins, la Société Dahl et Cie et les Chalutiers de La Rochelle n’en comptent que 61 chacune. Ces trois armements historiques du port sont toujours là ; ils emploient 37,5 % des équipages, mais ne jouent plus un rôle déterminant (tableau 62). Les douze armements font travailler 1 356 personnes à terre, dont 101 au service de la halle à marée ; pendant que 565 sont employés par les entreprises de mareyage et de traitement du poisson, 50 le sont par le Groupement d’armateurs à la pêche pour le déchargement des chalutiers et 9 travaillent pour le compte du From et du Syndicat des armateurs.

Armements (dont l’adresse est à La Rochelle – LR-ou à proximité)

Emplois

Association rochelaise de pêche à vapeur (ARPV) – LR

115

Compagnie d’armement à la pêche de l’Atlantique (CAPA) – LR

45

Société Dahl et Cie – LR

61

Hédant Adolphe – LR

15

Laurent Jacques – LR

70

Le Formal René (patron de pêche) – Sainte-Soulle près de La Rochelle

10

Les Chalutiers de La Rochelle (F.-J. Castaing) – LR

61

Onfroy-Frezouls – LR

15

PI-RE-MI – LR

10

Société maritime de pêche (Maurice Géneaudeau) – LR

78

Société de gérance d’armement à la pêche, SOGERAP (A. Auger) – LR

126

Société aunisienne de pêche – LR

23

631

Tableau 62. – Emploi dans les armements industriels rochelais (janvier 1975). Source : AD 17, 164 J, Lettre de J.-C. Menu président du Syndicat des armateurs à la pêche de La Rochelle au trésorier-payeur général de la cité, 14 janvier 1975.

  • 86 AD 17, 164 J, Lettre de J.-C. Menu président du Syndicat des Armateurs à la pêche de La Rochelle a (...)

58D’autres emplois, liés à la pêche, sont au nombre de 500 (fabrique de glace, réparation, avitaillement, transport, etc.). Les armements de pêche artisanale représentent 250 personnes. Au total, la pêche emploie 2 106 personnes86.

  • 87 AD 17, 41 ETP 897, Marine marchande, Lettre de la CCI de La Rochelle à M. le préfet de Charente-Ma (...)
  • 88 Fournet Ph., « Les pêches maritimes charentaises et leurs problèmes », loc. cit.

59Le déclin de la pêche industrielle se poursuit. Sur les neufs premiers mois de 1977, douze chalutiers J 3 sont désarmés ou vendus. Il ne reste plus en activité que vingt-deux navires J 3 ; encore faut-il préciser que cinq de ceux-ci sont « susceptibles d’être désarmés ou vendus dans un proche avenir ». Les vingt-deux qui restent en activité appartiennent à 9 armements, le plus important étant ceux d’André Auger et Jacques Laurent avec 4 unités. Les grandes sociétés de la première moitié du XXe siècle sont réduites à quelques unités : Les Chalutiers Rochelais de F.-J. Castaing avec 3 unités, l’ARPV avec 2 et Dahl avec une seule87. Les unités encore en activité sont de moins en moins nombreuses ; les chalutiers désarmés, en instance de vente, ne se comptent plus. Même les armements les plus anciens comme O. Dahl et l’ARPV sont contraints de se débarrasser de la majorité, sinon de la totalité de leurs navires. En 1977, il ne reste plus que 16 chalutiers de pêche industrielle ; la flottille a diminué de 78 % depuis 196588. Lors d’une réunion du comité local des pêches maritimes, le 2 mars 1978, l’administrateur en chef des Affaires maritimes fait état de chiffres des années 1976-1977 qui confirment l’accentuation rapide de la « grave crise » qui frappe la pêche locale, particulièrement la pêche industrielle. Entre le 31 décembre 1976 et le 31 décembre 1977, le nombre de chalutiers de pêche industrielle est passé de 30 unités à 16, quasiment divisé par deux. La situation n’est pas aussi grave pour la pêche artisanale (moins de 100 tx) qui, pour la même période, passe de 49 à 44 unités. La baisse des apports est uniquement imputable à la pêche industrielle, alors que la pêche artisanale augmente ses ventes (tableau 63).

Production

Tonnage 1976

Valeur 1976 (F)

Tonnage 1977

Valeur 1977 (F)

P. industrielle

8 200

57 000 000 F

63 00

50 000 000 F

P. artisanale

4 400

40 000 000 F

4 800

50 000 000 F

Total

12 600

97 000 000 F

11 100

100 000 000 F

Tableau 63. – Activité de pêche industrielle et artisanale à La Rochelle (1976-1977). Source : Bataille, administrateur des Affaires maritimes, Rapport au comité local des pêches maritimes de La Rochelle, 2 mars 1978.

  • 89 AD 17, Fonds syndicat des marins LR, Réunion du comité local des pêches maritimes, 2 mars 1978, p. (...)

60La part de cette pêche artisanale s’accroît notablement, passant de 32 % du tonnage total en 1973 à 43 % en 1977, de 31 à 50 % dans la même période en valeur. Les pêcheurs artisans, conscients de constituer une famille professionnelle ayant des intérêts spécifiques à défendre, s’organisent au sein de la Société coopérative de crédit maritime qui effectue leur comptabilité, mais envisagent d’aller plus loin dans la coopération. La pêche côtière, qui s’exerce dans le Pertuis, s’accroît elle aussi. Son activité constitue, dit le représentant des Affaires maritimes « un risque sérieux pour la protection des stocks de poisson. En effet, la zone des Pertuis constitue un lieu de prédilection pour la reproduction et le séjour des jeunes de certaines espèces (sole, merluchon, merlan, rouget) ». L’ISTPM, qui a procédé avec les pêcheurs côtiers à une étude approfondie, montre que « la proportion de produits de taille non marchande est alarmante », traduisant la destruction d’immatures89.

  • 90 Ibid., p. 6.

61Le comité local des pêches confirme qu’en 1977 douze chalutiers en activité sont vendus : Shamrock IV, Luc Bernard, Gascogne III, Saintonge III, Valois, Flandre, Oriane, Nord-Caper, Hurlevent, Symphémie, Terekie et Roussillon. À ces ventes, il faut ajouter celles de navires déjà désarmés : Isbe, Bigorre et Chassiron. Enfin fin décembre 1977, les armateurs souhaitent désarmer trois autres unités : Yves du Manoir, Kresala, Antioche III. Ce dernier est cependant remis en activité par la Sarma, la Société anonyme rochelaise de mareyage et d’armement, qui vient de se constituer à l’initiative de mareyeurs90.

  • 91 AD 17, 164 J, Lettre du From Sud-Ouest, 13 février 1976.

62Selon le Syndicat des armateurs à la pêche, six armements exploitent l’essentiel de la flottille industrielle rochelaise. Les plus importants sont ceux de l’ARPV et d’A. Auger. L’ARPV arme 5 unités datant de moins de 10 ans, de plus de 32 à 38 m, tous des chalutiers de pêche arrière. A. Auger en arme aussi 5 de même longueur, un peu plus anciens et pour 4 d’entre eux des chalutiers classiques à pêche latérale. La Société des chalutiers de F.-J. Castaing n’en compte plus que 3 dont 2 navires de pêche arrière. Deux autres sont réduits à 2 unités : Onfroy-Frezouls avec 1 classique et 1 pêche arrière et la CAPA (ex-Frédéric) 2 classiques. L’armement Dahl n’a plus que l’Antioche III, un classique de 42 m (tableau 64). Les équipages continuent aussi à diminuer. De 1 300 marins à la pêche au large en fin 1966, elle passe à 600 en 1970, 326 en 1976, 170 en 1978. Ainsi, un relevé du From de février 1976 fait état des 35 navires de plus de 100 tx embarquant encore 378 hommes91.

Tableau 64. – Principaux armements industriels rochelais (mai 1977). Source : AD 17, 164 J, Syndicat des armateurs à la pêche, Statistiques des différents ports de France, 1977-1978.

  • 92 AD 17, Jx 262, « Les marins pêcheurs défilent jusqu’à la préfecture où une délégation est reçue »,(...)
  • 93 Chauchet F., « La pêche rochelaise en 1976 : une véritable catastrophe », Sud Ouest, 14 janvier 19 (...)

63Cette situation inquiète vivement marins pêcheurs et armateurs encore en activité. Pour la première fois, en février 1975, ils manifestent ensemble, défilant jusqu’à la préfecture de Charente-Maritime. Des armateurs, dont Castaing et Laurent, les accompagnent. Ils sont reçus par le chef de cabinet du préfet92. La situation devient une « véritable catastrophe » en 1976. « Si la situation ne s’améliore pas rapidement, nous sommes tous condamnés. Nous ne pourrons pas survivre longtemps avec toutes les difficultés qui depuis plusieurs années nous assaillent de toutes parts. Cette fois, nous avons atteint je crois le point de non-retour, affirme J.-C. Menu, […]. Nos exploitations ne sont pas rentables et je vois mal comment nous pourrons nous sortir de cette passe. » Les mareyeurs-expéditeurs, au nombre de soixante-dix représentant un effectif global de quatre-cents personnes avec leurs employés, commencent eux aussi à désespérer. Ils travaillent avec du poisson provenant de Bretagne pour compenser la réduction des apports rochelais. Les personnels de la chambre de commerce employés à la halle à marée expriment leur crainte de subir des licenciements. La crise de la pêche rochelaise atteint, pour tous les professionnels, un point de non-retour. Même si des aides étaient allouées elles ne pourraient résoudre le dépeuplement des fonds, d’autant que « des unités russes, pour ne citer qu’elles, pêchent au filet pélagique, détruisant aussi bien les adultes que les petits poissons » soulignent armateurs et patrons-pêcheurs93.

  • 94 Chauchet F., « M. Cavaillé, secrétaire d’État aux transports : aucune solution miracle dans les po (...)
  • 95 « Une aumône pour la pêche », Sud Ouest, 21 janvier 1976.
  • 96 Chauchet F., « Le débat sur la pêche au conseil général », Sud Ouest, 7 février 1977.
  • 97 « Une aide du conseil général de la Charente-Maritime », Le Marin, 11 février 1977.

64Les pouvoirs publics se préoccupent de cette situation mais les mesures apparaissent limitées. Marcel Cavaillé, secrétaire d’État aux transports, vient à La Rochelle en septembre 1975, écoute le monde de la pêche, insiste sur la nécessité d’une harmonisation des politiques des pêches à l’échelle européenne tout en reconnaissant que l’on n’en est pas encore là, mais affirme que « la CEE constitue un atout considérable pour la sauvegarde des pêches maritimes françaises ». Il est conscient que la profession souffre et, dit-il, « même si je suis venu ici avec les poches vides, je repars confiant en l’avenir94 ». En janvier 1976, Jacques Chirac, premier ministre, en visite à Lorient, annonce un doublement de la subvention versée aux armements pour l’approvisionnement en gazole pour le premier semestre 1976, mais affirme que la France est « en économie libérale », ce qui sous-entend que l’État ne peut tout régler et que les armements doivent se prendre en charge. Cela ne satisfait pas J.-C. Menu qui considère cette annonce comme une « aumône95 ». Le conseil général de Charente-Maritime, en février 1977, organise un débat sur l’avenir de la pêche. Sa commission des pêches présidée par Michel Crépeau se comporte comme une commission parlementaire et entend toutes les voix autorisées. L’accent est mis sur la nécessité que l’État donne aux Affaires maritimes les moyens d’assurer sa mission et notamment de surveiller de façon efficace le respect de la réglementation des pêches, de prendre des mesures pour maîtriser les importations de poisson et éviter l’effondrement des cours. Enfin, il propose d’encourager les initiatives des gens qui, pour la première fois, veulent investir dans la pêche, en particulier dans des navires plus petits de 20 à 24 m96. Le conseil général décide d’accorder une aide financière d’un million de F, dont 520 000 F à la chambre de commerce pour réduire l’incidence des taxes perçues sur certaines espèces de poisson débarquées à la halle à marée, 111 000 F pour aider au développement de la coopérative de pêche artisanale, 81 300 F pour la formation professionnelle et 287 000 F pour l’aquaculture afin de financer, plus particulièrement, une opération de réensemencement des pertuis en pétoncles97.

  • 98 Morlier Michel, Entretien, déjà cité, 26 janvier 2013.
  • 99 AD 17, J 253, Fonds Syndicat des marins de La Rochelle, communiqué du syndicat, 2 septembre 1966.

65Un autre problème se fait de plus en plus sentir : le manque d’équipage, de patrons comme de marins pêcheurs. « Combien de chalutiers sont restés en attente d’un ou plusieurs hommes. J’ai connu jusqu’à huit jours. Combien de kilomètres avons-nous parcouru pour trouver un marin » affirme Michel Morlier98. Dès 1966, avec l’éclatement de la crise rochelaise, la CGT des marins du port affirme que « depuis trois mois le port de pêche de La Rochelle manque d’effectif pour armer ses chalutiers99 ». Elle dénonce les raisons de cette pénurie d’effectif de marins : la dégradation des recettes de vente des marées à l’encan liée à l’appauvrissement des fonds de pêche, en particulier du merlu, et à des prix de vente trop bas :

  • 100 Ibid.

« Certains armements disent que c’est dû aux congés payés. La véritable raison, affirme le syndicat, provient d’une défection de plus en plus massive. Les marins rochelais qui quittent la pêche pour se reclasser à terre ne veulent plus aller en mer pour 5 ou 10 F par jour et travailler de 15 à 20 h par 24 h de mer. Travailler, ils n’ont jamais refusé, mais ils veulent un salaire qui corresponde au travail fourni. Ce salaire, ils ne l’ont pas même en ramenant de gros tonnages de poisson variés, mais de moindre valeur que le merlutriage. La pêche au merlu ne rendant plus ce qu’elle a donné, que faire ? Aller en Mauritanie ? Aller dans le nord de l’Écosse ? Pêcher du tonnage, c’est possible, mais le vendre à quel prix ? Trop de profiteurs vivent du travail des pêcheurs, les pêcheurs en ont assez ; c’est pour cela que de plus en plus ils quittent le métier100. »

  • 101 Chaucher F., « Pour remédier au manque de main-d’œuvre, les armateurs créent un service de recrute (...)
  • 102 Ibid.
  • 103 AD 17, 164 J, dossier EAM, Conseil de perfectionnement de l’école d’apprentissage maritime de La R (...)

66En 1973, les armateurs créent un service de recrutement pour tenter de remédier au manque de main-d’œuvre. En effet, à chaque marée, les chalutiers doivent pallier au tout dernier moment l’absence d’un ou plusieurs équipiers. Ils font appel aux « marins occasionnels qui hantent jour et nuit les quais du port » note Sud Ouest101. Mais parfois, surtout dans la période des congés, l’effectif par trop décimé oblige le bateau à rester à quai, entraînant une perte sèche pour l’armateur et les marins. Sous l’égide du From Sud-Ouest, les armateurs créent un bureau du personnel navigant avec « un sergent recruteur » qui attire une trentaine de Boulonnais et une dizaine de Malouins et Vendéens102. Cette crise de recrutement est évoquée lors d’une réunion du conseil de perfectionnement de l’école d’apprentissage maritime de La Rochelle en novembre 1973. L’action engagée semble porter ses fruits constate le conseil, car quarante à cinquante marins de l’extérieur sont arrivés à La Rochelle. « Mais la majorité est repartie. D’autre part, la qualité de ces marins est parfois douteuse » précise le compte rendu du conseil. « Quant aux mousses sortis de l’école, seuls 25 ont embarqué à la pêche au large au début de l’été, sur un effectif total de 64. Mais un nombre important ont débarqué. Il en restait 15 au 1er octobre [1973]. » L’armateur Frézouls, président de la commission emploi de La Rochelle, présent à cette réunion, affirme que « 15 à 18 % du personnel actuel a plus de 45 ans et devra donc être remplacé dans les 10 ans, soit 163 personnes ». La crise de vocations pour la pêche rochelaise se traduit aussi par l’embarquement d’élèves sortant de l’EAM au commerce, à la grande pêche et en d’autres ports que La Rochelle103.

Plan de relance de 1980 et rebond des années 1983-1984

  • 104 Meuriot É. La flotte de pêche française de 1945 à 1983, politique et réalité, op. cit., p. 86.
  • 105 AD 17, 164 J, Courrier du Comité central des pêches maritimes, Réunion de bureau, 24 janvier 1980.

67Les années 1980 voient l’implication de l’État dans un nouveau plan de relance de la pêche mis en place en janvier 1981. L’argumentation présentée repose sur la réflexion menée lors de la préparation du VIIIe plan : le plan de relance vise à assurer la sauvegarde de l’essentiel de l’outil de pêche pendant la période de reconstitution des stocks de poisson ; il cherche aussi à augmenter les résultats d’exploitation des armements par des économies sur les coûts de production et par une meilleure valorisation des captures au premier stade de leur commercialisation. De nombreuses dispositions sont envisagées pour améliorer le fonctionnement du marché et accroître le rôle des organisations de producteurs. En pratique, le budget du Fonds d’intervention et d’organisation des marchés (Fiom) est augmenté et atteint 120 millions de F contre 36 millions au budget initial ; les dotations budgétaires pour les subventions à l’investissement naval sont en augmentation et un crédit est spécialement affecté à l’aide au maintien de la flotte de chalutiers de 800 à 1 500 CV. Par ailleurs, les aides à la pêche artisanale dans le cadre du plan de relance sont étendues aux navires de moins de douze mètres, ce qui donne satisfaction à des revendications formulées par les petits artisans pêcheurs104. Les taux de l’aide du plan de relance font l’objet d’une réunion du comité central des pêches maritimes (CCPM) en date du 29 novembre 1979. L’un des participants, Guenais, s’étonne des fortes différences constatées dans le taux de l’aide ; certains bateaux de 20 m bénéficient d’une aide de 5 % pendant que des unités plus petites se voient octroyer jusqu’à 25 % et qu’une prime de 15 % est attribuée à un navire de 27 m. Le président du comité central affirme qu’en raison de la pauvreté des crédits figurant sur les lignes budgétaires qui approvisionnent le plan de relance, une réfaction générale est proposée pour l’ensemble des dossiers par la direction des Pêches. Décision est prise d’émettre une protestation par un courrier du président adressé au directeur des pêches105.

  • 106 Archives privées GAUBERT Y., journaliste, « Le crédit maritime », article France-pêche, 23 mai 198 (...)
  • 107 Ibid., « Le Scapiria 1 va renforcer la pêche industrielle rochelaise », article pour France-pêche,(...)
  • 108 Scapir, Société coopérative anonyme de la pêche industrielle rochelaise, fondée en pleine période (...)
  • 109 Archives privées Gaubert Y., « Le Scapiria I prend le bon départ », article France-pêche, 16 octob (...)

68En 1983, la pêche rochelaise est à l’heure de ce plan. Six nouveaux bateaux sont lancés, alors qu’avec 8 182 t le port enregistre une baisse des apports de 4,64 % par rapport à 1982 pour une valeur de 101 436 560 F, en baisse de 3,70 %106. En juin 1984, le Scapiria I, premier chalutier de 30 m, est construit par les Ateliers du Bastion aux Sables-d’Olonne. C’est un événement car il est le premier chalutier neuf de pêche industrielle à revenir à La Rochelle, alors qu’il n’en reste plus que six : le Kresala, l’Angoumois, l’Antiochus, l’Antioche IV, le Credo du Pêcheur et le Koros qui est en voie d’être vendu. La Sarma, Société d’armement et de mareyage, est le dernier armement industriel créé, en 1978, par les mareyeurs rochelais pour tenter de sauver la pêche industrielle. Elle réunit trente-trois mareyeurs et un transporteur. Son objectif est de poursuivre l’exploitation des chalutiers restant à La Rochelle. Cet armement négocie l’achat du Péoria107. En octobre 1984, celui-ci sort pour sa première marée le 24 septembre pour le compte de la Scapir108, dont le président, l’armateur A. Auger, constate que cette première marée est satisfaisante. Le bateau a une bonne tenue de route et sa vitesse correspond à ce qui était espéré. Il ramène 26 t de poisson, des espèces d’hiver (lotte, raie, morue, merlan, un peu de merluchon, etc.), ce qui compte tenu du mauvais temps rencontré est plutôt encourageant. L’équipage est formé de huit hommes, un nombre plus limité que dans les unités plus anciennes, facteur de réduction des coûts d’exploitation109. En novembre 1984, Le Grand Schelem est baptisé pour le compte de Paul Quilbeuf. Chalutier de pêche arrière à pont couvert, il mesure 20,60 m de long et jauge 49 tjb. Équipé d’un moteur Poyaud de 500 CV et d’un moteur auxiliaire Perkins de 180 CV, il dispose de deux treuils scindés de 1 500 m. Un treuil supplémentaire muni d’un câble électrique permet le branchement d’une sonde pour le filet pélagique. La passerelle possède un équipement électronique très complet, dont un radar, un radar couleur, un sondeur couleur, un sondeur papier, deux récepteurs de navigation, un sonar, un loch économètre*, deux VHF, un pilote à microprocesseur, un decca avec traceur*, deux goniomètres*, un interphone et un système de surveillance vidéo. Le coût du bateau s’élève à 4,8 millions de F, dont le financement est assuré à hauteur de 20 % par une subvention de l’État, de 9 % par une avance remboursable du département et de la région et le reste par un apport personnel et des prêts bancaires sur 12 ans. La Rochelle attend encore trois 17,50 m sur le programme de l’année 1964 et pour 1985 sont prévus un 17,50 m, un 20,50 m et un 24 m. Ainsi, fin novembre, un nouveau chalutier pêche arrière, le Kingfisher, effectue sa première marée. Il mesure 17,50 m, mais il est puissant, avec un poste très confortable, disposant d’un carré spacieux et d’une cuisine bien équipée. La passerelle est conçue pour diminuer le poids dans les hauts du navire. Cinq hommes embarquent. Son équipement électronique n’a rien à envier au Grand Schelem.

  • 110 Ibid., « Le Grand Schelem, un nouveau 20,60 m pour La Rochelle », article pour France-Pêche, 9 nov (...)
  • 111 Ibid., « La Rochelle : le Kresala en tête », article pour France-pêche, 26 février 1985.

69Depuis 1982, le plan de relance s’est donc traduit par l’arrivée d’une série de bateaux neufs, qui a permis de maintenir les apports, mais pas de les augmenter car parallèlement les vieilles unités industrielles continuent à disparaître110. Les résultats de l’année 1984 sont marqués par un léger retrait du tonnage des apports (8 049 t, contre 8 181 t en 1983, soit - 1,63 %. Le chiffre d’affaires connaît cependant une petite progression, atteignant 105 061 807 F, soit + 3,57 %. « Ce n’est pas merveilleux, mais depuis deux ou trois ans les résultats du port sont stabilisés », écrit Y. Gaubert, qui note que la flotte industrielle continue de s’amenuiser. En 1984, le Monique-André, le Roussillon et le Koros quittent le port. En compensation, l’armement Auger rapatrie le Kresala de Lorient. Mais, construit en 1977, c’est une unité très gourmande en fuel, ce qui est un désavantage quand il vient vendre à La Rochelle, car sa route est allongée de 40 h par rapport aux navires basés en Bretagne. Souvent, d’ailleurs, il vend à Concarneau ou à Douarnenez, surtout si la pêche ne comporte pas beaucoup de merlus et de merluchons, poissons toujours très appréciés à La Rochelle, mais surtout des poissons divers. Le nouveau 24 m de la Sarma tient les espoirs mis en lui. À la pêche artisanale, c’est le Boomerang III de Bernard Mancell qui arrive nettement devant le Lui II du patron Michel Gaboriau111.

70Mais les résultats du port continuent à baisser, passant sous la barre des 8 000 t d’apports et diminuent en 1985, 1986 et 1987 : 7 622 t, 7 532 t et enfin 7 465 t (annexe 6). Le maintien d’une flotte de chalutiers industriels devient aléatoire. En 1985, avec un apport de pêche fraîche de 7 625 t, soit 30 % du chiffre record de 1964, La Rochelle se retrouve au dixième rang national derrière les Sables-d’Olonne, Penmarc’h et Loctudy, deux ports de pêche artisanale de Bretagne. Le déclin est patent aussi si l’on compare ces apports rochelais à ceux de son principal concurrent sur la côte atlantique, Lorient. Avec 72 068 t en 1985, ce dernier enregistre un tonnage presque dix fois supérieur à celui de La Rochelle (tableau 65).

Ports

Tonnages (en t)

Valeurs (en F)

Boulogne

85 692

544 722 000

Lorient

72 068

630429 000

Concarneau

34 420

408 000 000

Le Guilvinec

18 058

260 442 000

Douarnenez

16 804

184 488 000

Dieppe

14 752

151 869 000

Penmarc’h

11 978

160 352 000

Les Sables-d’Olonne

11 552

201 313 000

Loctudy

9 205

14 2567 000

La Rochelle

7 625

106 290 000

Tableau 65 – Apports de pêche fraîche des dix premiers ports de pêche français (1985). Source : CCI Quimper, Les ports de pêche, 1986.

Les derniers soubresauts de la pêche industrielle rochelaise (1987-1994)

  • 112 Ibid., « Le Nord Caper quitte La Rochelle pour le Pirée », Le Marin, 22 mai 1985.
  • 113 Ibid., « Marguerite Onfroy-Frézouls : la seule femme armateur en France », article pour le « Journ (...)

71Dans les années 1980 se produit un dernier sursaut. Mais la chute reprend très vite. Les derniers chalutiers industriels disparaissent au début des années 1990. En mai 1985, le Nord-Caper, chalutier de pêche arrière de 38 m de l’armement Castaing, désarmé depuis sept ans, est vendu à un armateur chypriote qui l’acquiert pour le faire naviguer sous pavillon grec. Remis en état en quinze jours, il rejoint Le Pirée le 17 mai pour être transformé en chalutier-congélateur et aller pêcher sur la côte ouest de l’Afrique112. En décembre 1985, le dernier chalutier de l’armement Auger, le Kresala, est vendu et quitte la France pour l’Argentine, pour aller pêcher le merlu au large de Mar del Plata. Agé de dix ans, ce navire pêche arrière de 40 m n’est pas très vieux, mais sa rentabilité n’est plus assurée. Des problèmes mécaniques, l’éloignement des zones de pêche, le manque de motivation ou d’intérêt des associés de l’armement, toutes ces raisons conduisent à la vente. Ce sont les mêmes arguments que développe Marguerite Onfroy, la seule femme armateur en France, pour expliquer sa décision de vendre son dernier bateau en février 1986, l’Antiochus. C’est un pêche arrière de 41 m qu’elle possède depuis trois ans et qui n’est plus rentable, d’autant qu’il est trop gourmand en fuel, dispose d’une cale trop petite et ne peut fabriquer de la glace à bord, alors que les lieux de pêche sont éloignés, comme les Shetlands au nord de l’Écosse113.

  • 114 Ibid., « Le Boomerang IV », article pour les Cahiers de la pêche, novembre 1987.
  • 115 Charles Y., « La Rochelle, le port a la pêche », La France, 5 avril 1989.

72Certes, en octobre 1987, survient un événement avec la mise en service du Force 17, le premier chalutier de 38 m neuf depuis de longues années et le premier de cette taille jamais construit en Charente-Maritime puisqu’il sort du chantier IMC (Ingénierie marine et commercialisation) de Rochefort. Commandée par la Sarma, cette unité vient renforcer la flotte des trois chalutiers de 38 m de cet armement industriel, l’Angoumois, l’Antioche IV et le Péoria114. Avec une certaine stabilisation autour de 7 500 t de poisson débarqué dans les années 1985-1987, le port semble s’en sortir, « ça va mieux, nettement mieux […]. C’est un score flatteur, révélateur du bon état de santé de la flotte rochelaise » écrit un journaliste de Sud Ouest. « Le port récolte les fruits de la série d’investissements engagés ces dernières années », commente Gérard Cognacq, directeur de la halle à marée. Pour lui, la progression est significative dans la catégorie des moins de 100 tx et plus encore des chalutiers côtiers qui multiplient leurs apports par deux. Ils sont de plus en plus nombreux à éviter de vendre directement aux mareyeurs et passent leur marée par la criée115.

  • 116 Cognacq Gérard, ancien directeur de la halle à marée, Entretien, 9 mars 2014.

73Les chiffres des années 1988 et 1989 confortent cet optimisme, en franchissant la barre des 9 000 t : 9 198 t en 1988, 9 120 t en 1989 (annexe 6). Ce regain d’activité est lié à la mise en exploitation de nouvelles unités modernes, à l’utilisation de chaluts aux fils plus fins, offrant moins de résistance à l’eau donc d’un traict plus économe en gazole, et à des techniques permettant une meilleure navigation ; plus rapide et plus économe, telle la peinture auto-lissante des coques et l’installation d’un bulbe d’étrave* du navire116.

  • 117 « La pêche a pris un coup de neuf », Sud Ouest, 8 mars 1989.
  • 118 « Flotte de pêche : les lancements de la relance », La France, 25 août 1989.

74Après le Sainte-Anne de la Palud en février 1989, un autre chalutier de pêche artisanale, le Claudies Soraya, est baptisé le 7 mars. Long de 24,90 m, il coûte 7,5 millions de F et embarque un équipage de neuf hommes, dont huit matelots jusqu’alors au chômage. C’est le dernier bateau du programme d’investissement de l’année 1987. Les trois navires déjà programmés dans le cadre du budget 1988 sont en construction117. En août 1989, deux chalutiers artisanaux sont baptisés, le Paphido 2 long de 18,50 m, et le Stémiric de 22,80 m. Ils ont été commandés avant la décision de la CEE qui exige que tout lancement d’unité nouvelle s’accompagne de la réforme d’un autre bateau. Cet été 1989, six chalutiers supplémentaires sont en construction ; trois d’entre eux remplacent des unités désarmées et trois autres la réduction de puissance consentie par d’autres ports118. Ces chalutiers en construction sont des navires d’un type nouveau, ne dépassant pas 25 m de long. En 1990, 41 navires armés à La Rochelle mesurent de 14,20 m pour le plus petit La Vague, à 24,90 m pour le Boomerang IV ou le Toutatis de la Sarma.

  • 119 Decamps Ph., Forest A., Les pêches maritimes en Poitou-Charentes, Ifremer L’Houmeau, 1975, p. 6.

75Cette éclaircie ne dure pas et la chute reprend plus fortement dès 1990 pour atteindre près de 60 % entre 1989 et 2001 (annexe 5). La pêche industrielle affronte ses derniers soubresauts. La réduction de la flotte des chalutiers de plus de 25 m se prolonge jusqu’en 1994, date de la disparition du dernier navire de pêche industrielle du port119.

  • 120 Andrieu C., « La pêche industrielle larguée », Charente-Maritime, 20 juillet 1994, p. 5.

76Seuls quatre chalutiers de plus de 30 m subsistent encore : l’Angoumois (38,20 m) qui appartient à l’ARPV, le Force 17 (38,80 m) et le Péoria (38,80 m) qui relèvent de la Sarma, enfin le Scapiria I (30,33 m) copropriété de l’armement Auger et de la Société anonyme coopérative Scapir. Fondée en 1981 pour assurer la transition entre les subventions du premier plan de restructuration de la pêche industrielle de 1980 et les entreprises, la Scapir redistribue les aides sous forme de travaux120.

  • 121 Durand J.-L., Gueguen J., Catanzano J., « Efficacité d’un outil de politique structurelle dans le (...)
  • 122 Archives privées Gaubert Y., « Arrêt définitif de l’Angoumois : au titre du plan Mellick », articl (...)
  • 123 Ibid., « Subvention pour le plan Mellik : le Poitou-Charentes double la mise », article Le Marin, (...)
  • 124 L’Angoumois a subi un incendie accidentel le 12 juillet 2012. Il demeure à flot auprès du musée ma (...)

77L’Angoumois finit sa vie au musée maritime de La Rochelle. En effet, en 1982, J.-C. Menu de l’ARPV décide de s’en séparer. Il veut le vendre à un armateur grec, mais le gouvernement refuse le visa et subventionne la Sarma pour le racheter. Cette société le prend en charge le 15 février 1983. Le chalutier tombe en panne de moteur en avril 1991. Sa remise en service nécessite des travaux trop onéreux et difficilement rentabilisables, étant donné l’âge de ce bâtiment. La Sarma décide de s’en séparer. En septembre 1991, la société désarme l’Angoumois et dépose une demande pour que le bateau puisse bénéficier d’une subvention de l’État pour sortie de flotte dans le cadre du plan Mellick de 1983 qui a pour objectif prioritaire la sortie rapide de la flotte de pêche de près de 100 000 kW, soit 10 % de la puissance motrice de la flotte de pêche française. Près de 1 000 navires sont candidats, soit 85 % de l’objectif de réduction de la puissance121. Une subvention de 1,4 millions de F est attribuée à la Sarma pour le désarmement de l’Angoumois122. Elle est abondée par le conseil régional et le conseil général d’un montant égal, soit 700 000 F de chaque collectivité territoriale123. Pour éviter la démolition du chalutier, Patrick Schnepp et Yves Gaubert, co-fondateurs du musée maritime de La Rochelle, se mobilisent alors pour sauver ce témoin du patrimoine maritime rochelais. Le chalutier est offert au musée maritime qui le fait classer Monument historique en 1993. Il est, depuis, un des navires du musée à flot124.

  • 125 Ibid., liste alphabétique de navires.
  • 126 Ibid., dossier du Péoria, Marine Marchande, procès-verbal de visite de mise en service du navire : (...)
  • 127 MMLR, dossier Péoria, Permis provisoire de navigation, Concarneau, 13 juin 1985.
  • 128 AD 17, Jx 262, Baroux Philippe, « L’infortune du Péoria », Sud Ouest, 9 février 1994.
  • 129 Ibid., Charente-Maritime, 15 juillet 1994.

78Le Péoria est un navire en acier de type pêche arrière, il est construit à Pasajes de San Juan au Pays basque espagnol et mis en service le 17 décembre 1974125. C’est le même modèle que l’Angoumois126. En 1974, il est immatriculé au port de Concarneau et appartient à l’armement Gérard Villiers. Il mesure 38,80 m de long et dispose d’une cale à poisson réfrigérée de 200 m3. Son équipage est de douze hommes. En juin 1985, il est acheté par la Sarma et ramené à La Rochelle127. Sa période d’activité du navire est brève : un peu plus de sept années, du 21 août 1985 au 20 janvier 1993. Il cesse de naviguer, victime de la crise de la pêche industrielle rochelaise. Le Péoria fait partie de ces navires rochelais qui montent pêcher vers le Nord, en raison de la raréfaction des prises dans les fonds du golfe de Gascogne. Entre 1985 et 1993, il fréquente les zones de pêche comprises entre les 51e et 54e parallèles et de longitudes 7 à 10°, au large des côtes d’Irlande et d’Angleterre, vers le Canal Saint-Georges. Il quitte La Rochelle le samedi 5 décembre 1992 pour sa dernière marée qui dure 16 jours et 15 nuits et pêche pendant 8 jours. Le patron évoque la « fatigue générale du navire – bruit anormal à la turbo soufflante ». Mais il rentre à La Rochelle sans incident. Sa dernière sortie en mer des 19 et 20 janvier 1993 ne dure que deux jours. Il rallie Lorient pour remorquer vers La Rochelle une autre unité de l’armement. Il cesse alors de naviguer. Il coule dans le port de La Rochelle le 8 février 1993. « Accident ou acte criminel ? » s’interroge un journaliste local : « Peut-on croire au hasard dans le port de La Rochelle ? Si oui, le naufrage du Péoria, ce chalutier de 38 m découvert hier matin couché sur le flanc gauche, amarré au quai bordant l’encan, est sans lien avec la crise qui agite le monde de la pêche maritime. Sinon, l’acte criminel n’est pas à exclure128. » Le Force 17, armé par la Sarma, tombe en panne de moteur fin 1992. Il reste à quai. Son moteur est réparé grâce à la prise en charge des travaux par l’assurance. Fin juillet 1993, il est en état de reprendre la mer. Il rejoint Conakry, en Guinée, travailler pour le compte d’une société mixte franco-guinéenne dont la Sarma est partenaire129.

  • 130 Arocena J., « Le Celeiro, navire rochelais », Sextan. com, 13 février 2014.
  • 131 AD 17, Jx 264, Andrieu C., « La pêche industrielle larguée », Charente-Maritime, 20 juillet 1994, (...)

79Enfin, en 1994, la Scapir vend le dernier chalutier industriel du port, le Scapiria 1, à un armement franco-espagnol basé en Galice, pour être transformé en fileyeur sous le nom de Celeiro130. Il part pêcher dans les eaux d’Hendaye. Pourtant, ce bateau, construit en début de l’année 1984, devait être le premier d’une série de navires. Mais précise Élian Castaing, directeur de la Scapir, « après avoir perdu un million et demi de francs au bilan, nous ne pouvions pas continuer de travailler à perte131 ».

  • 132 AD 17, Jx 264, Menu J.-C., « Protection de la ressource. J.-C. Menu : la flottille vers un désarme (...)

80Si la pêche française est malade, le port de La Rochelle est très souffrant. Les tentatives de renouveau des années 1980 « se soldent par des situations financières à désespérer un banquier ». La chute se poursuit, les apports passent sous la barre des 6 000 t en 1993 et sous celle des 4 000 t à partir de 1999 (annexe 6). J.-C. Menu, président du syndicat des armateurs à la pêche, met l’accent sur l’épuisement de la ressource. « Localement, le fait que vingt-deux bateaux aillent vendre régulièrement leur pêche dans le port basque espagnol de Pasajes n’arrange pas les choses, dit-il. Tant que l’on ne fera pas respecter les réglementations, ça continuera à se détériorer132. » La flottille rochelaise ne disparaît pas, mais son importance diminue régulièrement entre 1970 et 1994. A cette date, 43 chalutiers hauturiers continuent à pêcher contre 83 en 1971, soit – 48 %. Ce sont tous des chalutiers artisanaux de 20 à 22 m. Les pêcheurs côtiers sont encore 110 en 1994, contre 259 en 1977, soit – 58 %. Ce sont les armements à la pêche industrielle et leurs grands chalutiers qui disparaissent comme le titre Charente Maritime le 20 juillet 1994 : « La pêche industrielle désarmée. » L’année 1994 marque la fin de cette époque. Pourtant, le nouveau port de pêche de Chef-de-Baie se prépare à réaliser sa première criée le 24 octobre.

Un transfert hypothétique du port de pêche (1994)

  • 133 AMLR, La Rochelle information, bulletin municipal de La Rochelle, déc. 1991, no 22, Dossier spécia (...)
  • 134 Menillo J., Rapport, mai 1984, archives privées de G. Cognacq, ancien directeur de la halle à maré (...)

81Les installations en ville n’étant pas conformes aux nouvelles normes européennes, la chambre de commerce, dès septembre 1987, décide de créer un nouveau port, rejointe en 1988 par les collectivités territoriales – ville, Sivom, conseil général et conseil régional133. En mai 1984, un audit commandé par le Fiom et le From, réalisé par Jacques Menillo, considère que la halle à marée aux bâtiments sombres et tristes n’est pas conforme aux normes sanitaires, ne possède aucun générateur de glace, n’a pas de bassin de décantation des eaux usées et les caisses de poisson restent plusieurs heures alignées à température ambiante, sans glace, entre triage et mise en vente. Les navires industriels n’annoncent pas leur pêche, alors que les artisans commencent à le faire. Les apports diminuant, le nombre d’heures effectuées par le personnel de la halle, dont l’effectif est demeuré constant, augmente, pesant sur les taxes perçues par la CCI. Les ententes de mareyeurs sur un même lot permet de faire pression sur les prix. Le rapport met en évidence une augmentation des espèces industrielles au détriment des espèces fines, à chair blanche, qui stagnent. La qualité est globalement médiocre, car le travail d’étripage est mal fait à bord des navires et le poisson s’altère rapidement. Les marées sont trop longues, 85 % sont de quatorze jours et plus. L’irrégularité des apports provoque un effondrement des cours dès qu’ils sont trop importants. Pour compenser les problèmes de coût d’exploitation, les pêcheurs jouent sur la quantité et non sur la qualité, travaillent pour faire du tonnage. Quant aux mareyeurs, au nombre de 60, 25 ont une activité importante compte tenu des apports de poisson venant d’autres ports, l’interport, et des divers aspects de commercialisation des produits de la mer. Les mareyeurs les plus importants s’approvisionnent à moins de 50 % à La Rochelle134.

  • 135 G. Cognacq met en cause certaines allégations du rapport. Ainsi par exemple, dit-il, les chalutier (...)
  • 136 Archives privées Gaubert Y., article pour France-pêche, 27 novembre 1984.

82Le tableau est sombre135, mais pour l’auteur c’est l’occasion de mettre en place une « structure rigoureuse, bien adaptée au marché actuel, capable de promouvoir un centre de distribution du poisson provenant soit de la pêche, soit de l’interport ou de l’importation ». Il propose une nouvelle organisation, une politique de promotion institutionnelle et la création d’un outil coopératif. Pour améliorer la production dont tout le reste dépend, il faut une flottille suffisante de bateaux de 24 à 30 m apportant un poisson de qualité par des marées de 13 jours au maximum, triant le poisson à bord et le mettant dans des caissettes d’identification pour économiser le tri au port et conserver la qualité du poisson pêché. La halle à marée doit être aménagée pour éviter une rupture de la chaîne de froid. Cela passe par l’automatisation de la criée. Un tapis roulant amènerait les caisses de poisson jusqu’à une chambre froide où elles seraient stockées en attendant la mise en vente. Les cours devraient être transparents et la qualité valorisée. La création d’une vente en criée vers 16 heures pourrait être intéressante pour les coureauleurs. Les locaux des bureaux devraient être complètement remodelés. Alors devrait intervenir une autre étape de valorisation du poisson avec la création d’une unité écologique de filetage, transformation, conditionnement, surgélation. Il pourrait être envisagé la création d’un outil coopératif de mareyage, pour occuper le créneau commercial des grandes surfaces délaissé par les mareyeurs136.

  • 137 Ibid., « Un projet ambitieux : la construction d’un nouveau port de pêche à La Pallice », article (...)
  • 138 Ibid., « Phase active pour le transfert du port de pêche à La Pallice », article pour la radio ani (...)
  • 139 AD 17, Jx 264, Andrieu C., « La pêche industrielle larguée », Charente Maritime, art. cit.

83Deux solutions sont envisagées : le réaménagement de la halle à marée sur place ou la construction d’un nouvel encan sur le quai vis-à-vis, qui longe La Ville-en-Bois. Mais, déjà en septembre 1985, l’initiative de rentrée de M. Crépeau fait quelque bruit dans les milieux de la pêche puisqu’il propose de transférer purement et simplement les installations de pêche au port de commerce de La Pallice. Cette déclaration est accueillie avec un certain scepticisme, car on parle de ce transfert depuis 1922. Les arguments du maire en faveur sont forts : le port actuel avec son bassin à flot accessible uniquement quelques heures par marée est un handicap et les installations de la halle sont vétustes et inadaptées, ce que souligne l’audit Menillo137. Après deux ans de réflexion, la chambre de commerce prend sa décision en septembre 1987. Elle choisit la solution la plus coûteuse, celle de la construction d’un nouveau port pour 258 millions de F138. Les atouts d’un nouveau port sont nombreux, selon la chambre de commerce : possibilité de décharger le poisson immédiatement après la pêche, accès 24 heures sur 24 pour les chalutiers, chambre froide maintenue à 0° C, bâtiments construits aux normes européennes, aides techniques à la manutention et au tri du poisson, zone de réparation navale, élévateur à bateaux de 300 t avec terre-plein pour cinq bateaux. La CCI y croit139.

  • 140 AM La Rochelle, Crépeau M., Lettre du maire, décembre 1985.
  • 141 AD 17, Jx 264, Andrieu C., « La pêche industrielle larguée », art. cit.
  • 142 « Pour enrayer le déclin de son activité La Rochelle transporte son port de pêche à La Pallice », (...)

84Des avis critiques sont émis. Michel Crépeau ne partage pas cette solution, trop chère : « L’optimisme excessif, je le trouve dans la démarche de ceux qui confondent la proposition que j’ai faite de reconstruire l’encan à La Pallice, avec la création d’un nouveau port de pêche à Chef-de-Baie. C’est tout à fait déraisonnable ; parce que beaucoup trop coûteux140… » Le 20 juillet 1994, Élian Castaing, directeur de la Scapir, émet publiquement quelques doutes : « Bien sûr, certains chalutiers de pêche artisanale sont assez importants pour pêcher dans des proportions quasi industrielles, mais c’est quand même différent. Je ne pense pas qu’il y ait à nouveau un chalutier industriel à La Rochelle avant longtemps. Même à Chef-de-Baie. » Beaucoup de patrons-pêcheurs sont également pessimistes pour leur activité artisanale. Pour Thierry Raffegeau, de la Sogesmat, « le nouveau port apportera sans doute quelques améliorations des conditions de travail, mais il ne réglera pas les problèmes financiers des nombreux bateaux en difficulté141 ». Gérard Cognacq, directeur de la halle à marée affirme : « Soyons réalistes, dit-il, nous n’avons pas les moyens de faire le port le plus moderne d’Europe. Beaucoup de mareyeurs ne pourront assumer l’augmentation de la location et les taxes supplémentaires. Il y aura aussi des compressions de personnel. Il fallait choisir de rénover, moderniser la criée… » Il ajoute : « Tout ça, c’est une histoire politique. En centre-ville, le port gêne l’aménagement et le tourisme… » M. Crépeau ne le conteste pas : « Le départ du port va en effet nous permettre de poursuivre l’aménagement, notamment de libérer les bassins pour le Grand Pavois [salon de la plaisance à flot]142. »

  • 143 Renard R., « Le transfert du port de pêche de La Rochelle à Chef-de-Baie », Poitiers, Norois, no 1 (...)

85Le projet de nouveau port est basé sur des apports attendus de 10 000 t annuelles. L’État assure la maîtrise d’ouvrage pour les infrastructures pour un coût s’élevant à 112 millions de F et participe à l’ensemble des travaux à hauteur de 11,2 %, soit 29 millions de F. La CEE apporte 18 %, soit 46 millions de F. Conseil régional, conseil général et communauté de villes apportent chacun 14,6 %, soit 37,5 millions de F. L’ensemble couvre 25 000 m ². La CCI, concessionnaire, assure la maîtrise d’ouvrage pour les superstructures publiques et coordonne l’ensemble du chantier. Les deux digues de 200 et 500 m de longueur, qui ménagent une entrée de 90 m de largeur, sont achevées en décembre 1991. Le nouveau plan d’eau occupe dix hectares, plus du double du bassin des chalutiers du centre-ville. Pour le stationnement des navires avant déchargement, trois appontements en béton de 7 m de large sont accessibles aux camions. À l’écart, la base de réparation navale située dans le bassin à flot de La Pallice est achevée en 1994. Les superstructures – hall de tri, ateliers de mareyage, gare routière, etc. – sont terminées en janvier-février 1994. Enfin, la CCI viabilise une zone de douze hectares, Agrocéan, qui se situe à proximité de l’aéroport et du port de commerce et qui se trouve desservie par une voie ferrée et la rocade routière. Un pôle agro-alimentaire est envisagé, qui ne voit pas le jour143.

  • 144 Ibid., p. 732.

86Chef-de-Baie entre en service le 24 octobre 1994. Il est le seul port de pêche atlantique répondant aux normes de qualité de la CEE. L’espoir est, qu’à terme, il devienne le port de débarquement pour de nombreux bateaux pêchant leurs quotas dans les zones qui quadrillent le plateau continental du golfe, de la Bretagne à la frontière espagnole, car il est placé au cœur de ce secteur. Mais l’appauvrissement des fonds oblige à des mesures de réduction des capacités de pêche, alors que l’éloignement des lieux de pêche vers le nord impose la mise en place d’une base avancée au Royaume-Uni (Milford Haven) et l’expédition des poissons vers La Rochelle par conteneurs routiers. L’irrégularité des apports est un facteur de baisse avec de grosses ventes les lundis et mercredis. Les pêcheurs rochelais rentrent souvent au port en même temps après des campagnes de 15 jours, alors que les Espagnols sortent pour 24 ou 48 heures et proposent un poisson plus frais. Depuis l’automne 1992, la chute des prix atteint la France jusqu’à 40 % en raison des importations sauvages provenant de Russie, de Pologne ou du Chili, parfois en liaison directe avec les grandes surfaces qui représentent 45,5 % du marché du poisson frais. L’attrait du marché espagnol avantage le port de Pasajès qui, outre ses qualités nautiques et techniques – criée informatisée, chaîne de froid ininterrompue –, offre des prix de vente sur le marché supérieurs de 40 % aux cours moyens rochelais malgré la dévaluation de la peseta. Si bien que les Rochelais, en plus des 7 000 t de la criée locale, débarquent 1 300 t en Espagne et 500 t dans d’autres ports français. Enfin, les criées vendéennes résistent et concurrencent le potentiel rochelais144.

  • 145 AD 17, Jx 262, Lemaire P.-M., « Au fond du gouffre », Sud Ouest, 14 septembre 1995.
  • 146 Les mareyeurs « s’entendent en cours de criée pour pouvoir disposer d’un assortiment de nombreuses (...)
  • 147 AD 17, Jx 262, Lemaire P.-M., « Au fond du gouffre », art. cit.

87Dès septembre 1995, le nouveau port est « au fond du gouffre » titre Sud Ouest. Un audit pointe un montage financier mal ficelé, de multiples erreurs de conception et surtout un surdimensionnement. Le déficit prévisionnel est 13,5 millions en 1994 et de 18 millions de F pour 1995145. Le rapport souligne « l’évasion croissante » de la pêche rochelaise au profit des ports bretons et surtout espagnols. À Pasajes, en juin 1995, on peut observer des écarts de prix importants : + 38 % pour la langoustine, + 135 % pour le merlu vidé, + 147 % pour la sardine. La Rochelle n’offre des cours supérieurs que sur la sole, + 19 %, ou le bar, + 17 %. Les mêmes experts épinglent aussi le comportement des acheteurs, « les grossistes plus que les mareyeurs », accusés de généraliser les rétrocessions et d’acheter « au plus près du prix de retrait146 ». Certains pêcheurs aussitôt vont débarquer dans d’autres ports147. Le déclin se poursuit pour passer de 5 416 t d’apports à la criée en 1994 à 2 715 t en 2013 (tableau 66).

Tableau 66. – Évolution du tonnage débarqué en criée du port de pêche de La Rochelle, 1994-2013. Source : Syndicat mixte du port de pêche de La Rochelle, novembre 2014.

  • 148 Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, ministère de l’Équipement, des Transports et du Logemen (...)

88En 2000, un rapport officiel affirme qu’« au taux actuel des taxes portuaires (et il n’est pas souhaitable de les augmenter pour ne pas faire fuir les utilisateurs actuels), il manque au bas mot 3 200 tonnes de poisson pour assurer l’équilibre financier du port. Compte tenu du contexte national et international dans lequel baigne la pêche française, un tel objectif paraît hors de portée. Le port de La Rochelle n’est plus que marginalement un port de navires hauturiers en raison de son éloignement des zones de pêche des navires d’une certaine taille et des facilités offertes par le très proche marché espagnol. Il a peu de chance de le redevenir148 ».

  • 149 Syndicat mixte du port de Chef-de-Baie, 20 ans et après, les projets du port de pêche de La Rochel (...)

89Cependant, un syndicat mixte est créé en 2001 associant chambre de commerce et communauté d’agglomération. La criée est informatisée en 2004. La zone Agrocéan accueille des activités nouvelles. Les responsables du syndicat mixte, lors du vingtième anniversaire du port, expriment des raisons d’espérer, grâce aux apports d’une flotte locale de 59 coureauleurs et 13 hauturiers de type artisanal dont 6 franco-espagnols, alors que 100 navires extérieurs utilisent le port de service, débarquant 2 724 t. Un réseau de 83 acheteurs anime la criée (surtout des mareyeurs, 64,5 % des achats, et des poissonniers, 22,12 %, les grandes et moyennes surfaces commerciales ne représentant que 6,55 % contrairement à Lorient où domine la Scapêche d’Intermarché et enfin les grossistes 6,37 %)149.

*

90Dès 1965-1966, le poisson débarqué diminue. La flotte de grands chalutiers décline très rapidement, chutant de 69 % entre 1965 et 1970. Les autres ports de pêche ne connaissent une crise qu’à partir des années 1970. La précocité et la profondeur de la crise rochelaise mettent en évidence les caractéristiques particulières du port qui se transforment en autant de faiblesses : forte présence de sociétés quirataires en quête de placements rentables à court terme, dont les avantages fiscaux sont remis en cause dès 1965, situation au cœur du golfe riche en poissons nobles, que la baisse des rendements pousse les quelques chalutiers pêche arrière à aller pêcher plus loin au sud vers les côtes africaines et au nord vers les îles britanniques, ce qui alourdit les frais d’exploitation. Des espoirs de reprise se font jour en 1971-1972, et le plan de relance de 1980 permet la construction de nouveaux navires plus modernes. Mais des raisons plus générales accentuent la crise rochelaise : ouverture plus grande à la concurrence européenne et aux importations de poisson, extension des zones des 200 milles, mise en place d’une politique européenne restrictive à partir de 1983 avec l’instauration de TAC et de quotas. La crise pétrolière de 1973-1974, avec la forte hausse du prix du gazole, touche plus encore la flottille rochelaise obligée d’aller pêcher plus loin. Alors que de nouveaux chalutiers, plus petits et artisanaux, gagnent le port, la flottille industrielle continue à décliner. La Sarma, créée en 1978 par des mareyeurs pour tenter de sauver la pêche industrielle, ne résiste pas longtemps. Un à un ses navires sont désarmés puis vendus. L’année 1994 marque la fin de la pêche industrielle à La Rochelle. La mise en service du nouveau port de pêche n’enraye pas ce déclin. Sa criée n’est plus que la vingt-deuxième de France en 2010. Son équipe dirigeante se bat pour que le port vive et attire navires et activités.

Notes

1 . Direction des pêches maritimes, Statistiques des pêches maritimes.

2 Meuriot Éric, Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, OAI, 1985, p. 69.

3 Ibid., p. 70.

4 La France a quatre fois plus de marins pêcheurs à la même époque.

5 AD 17, série J 253, Fonds syndicat des marins LR, Résolution du 46e congrès de la FNSM, Paris, avril 1966.

6 Meuriot É., Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, op. cit., p. 75.

7 Ibid., La flotte de pêche française de 1945 à 1983, p. 77.

8 Ibid., p. 58-59.

9 Ministère de l’Écologie, La politique commune de la pêche, 26 février 2014.

10 AD 17, PER 406, CCI La Rochelle, « TAC et quotas, un gâteau à partager », Aunis-Éco, no 90, 1994, p. 9.

11 Meuriot É., Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, op. cit., p. 71.

12 Adam P., « Les bouleversements des pêches contemporaines (1945-1985) », dans Mollat M., Histoire des pêches maritimes en France, op. cit., p. 347.

13 L’Espagne, qui possède une grande flotte de pêche, n’intègre la Communauté européenne qu’en 1985. Elle peut donc protéger ses zones de pêche nationales de ses concurrents en instaurant une zone de 200 milles.

14 AD 17, 164 J, Dossier CEE, Communication de la Commission au Conseil européen, 23 septembre 1976, p. 1-6.

15 Huret J., La pêche dans les perspectives économiques de la France, Institut du littoral, 18 novembre 1975.

16 « Le principe d’une zone économique de 200 milles aux larges des côtes adopté », Sud Ouest, 17 juin 1976.

17 Meuriot É., La flotte de pêche française de 1945 à 1983, politiques et réalités, op. cit., p. 55-56.

18 Meuriot É., Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, op. cit., p. 73.

19 Meuriot Éric, La flotte de pêche française de 1945 à 1983, politiques et réalités, op. cit., p. 57-58.

20 Le Fiom, établissement public à caractère industriel et commercial créé le 30 décembre 1975, a pour mission de réguler les marchés des produits de la mer par l’acquisition d’une meilleure connaissance des apports, de la consommation et des mouvements d’importation et d’exportation, par la promotion de la consommation des produits de la mer. Il agit aussi pour moderniser et orienter la production, la transformation et la commercialisation.

21 AD 17, J 253, Fonds syndicat des marins, ministère des Transports, Programme de mesures en faveur des pêches maritimes, janvier 1981.

22 Meuriot É., Tendances à long terme de la production de la pêche maritime en France, art. cit., p. 86.

23 Ibid., p. 75-79.

24 AD 17, J 253, Fonds du syndicat des marins, Lettre du président du Syndicat des armateurs à la pêche hauturière au secrétaire du Syndicat des marins, 3 septembre 1959.

25 AD 17, PER 406, Aunis Éco, no 43, décembre 1963, p. 43-44.

26 AD 17, PER 406, CCI, Aunis Éco, no 12, novembre 1966, p. 4-5.

27 AD 17, 41 ETP 897, Classement des chalutiers rochelais, janvier à juillet 1966.

28 Gaubert Y., « André Auger, armateur à La Rochelle », Histoires maritimes rochelaises, 2 mars 2014.

29 AD 17, J 253, Fonds syndicat de marins LR, Note de l’administrateur des Affaires maritimes, 16 janvier 1968.

30 Ibid., Rapport pêche industrielle du comité des pêches et du groupe flotte et production du VIe plan, op. cit., 2 juin 1970.

31 Morlier Michel, Entretien, déjà cité, 10 décembre 2012.

32 Menu J.-C., ancien directeur de l’ARPV, Déclaration, site de la Caisse rochelaise d’entraide aux familles des marins péris en mer » [www.crefmpm.com], juin 2013.

33 AD 17, J 253, Fonds du syndicat des marins, Dossier comité local des pêches, Rapport pêche industrielle du comité des pêches et du groupe flotte et production du VIe plan, séance du 2 juin 1970.

34 Fournet P. « Les pêches maritimes charentaises-Leurs problèmes », Poitiers, Norois, no 100, 1978, p. 629.

35 AUGER A., ancien armateur, Entretien, 29 septembre 2011.

36 Loi no 65-566 du 12 juillet 1965, JO du 13 juillet 1965.

37 AD 17, PER 406, « Compte-rendu de l’assemblée générale des délégués consulaires », CCI de La Rochelle, 2 décembre 1968, Aunis Eco, no 57, p. 4-5.

38 AD 17, 164 J, Chemise J.-C. Menu – ARPV, Lettre au président de la SACDIP, 26 septembre 1968.

39 « Malaise des pêches, un armateur rochelais s’interroge », La Pêche maritime, 20 mars 1967, p. 147.

40 Loi no 67-5 du 3 janvier 1967, publiée au JO du 4 novembre 1967, p. 106-111.

41 Pierronnet F.-X., « La loi du 5 juillet 1996 instituant le quirat-aide d’État à l’investissement maritime français : chronique d’une vie écourtée », CDM, Université de Nantes, 1999, volume 5, p. 5.

42 Décret no 67-967 du 27 octobre 1967, portant statut des navires et autres bâtiments de mer, JO 4 novembre 1967, p. 10836-10841.

43 Fournet P., « L’évolution récente de la pêche rochelaise », art. cit., p. 444.

44 AD 17, J 253, Rapport sur la pêche industrielle VIe plan, Port de La Rochelle, séance de commission du 2 juin 1970.

45 Guichet R., Guéguen J., Guillou A., « La pêche du merlu et de la dorade à La Rochelle – Analyse des statistiques d’effort de pêche et des productions », Revue des travaux de l’ISTPM, no 35, 1971, p. 239-247.

46 Chaussade J., « La pêche artisanale vendéenne et ses problèmes », Poitiers, Norois, no 78, 1973, p. 287.

47 Fournet P., « L’évolution récente de la pêche rochelaise », op. cit., p. 445.

48 AD 17, J 253, Lettre de l’administrateur en chef du quartier de La Rochelle au président du syndicat des marins de La Rochelle, 29 octobre 1963.

49 AD 17, 164 J, Dossier courrier du Comité central des pêches maritimes, Lettre du Syndicat des Armateurs à la Pêche de La Rochelle au secrétaire général de la marine marchande, 8 novembre 1968.

50 Ibid., Dossier courrier du CCPM, Note du Comité central des pêches maritimes au sujet des maillages utilisés par les chalutiers espagnols contrôlés dans le golfe de Gascogne, 12 novembre 1969.

51 Ibid., Dossier courrier du CCPM, Lettre du Comité central des pêches maritimes au secrétaire général de la Mmarine marchande, 16 novembre 1970.

52 Ibid., Lettre du Syndicat des armateurs à la pêche de La Rochelle au secrétaire général de la Fédération des syndicats d’armateurs à la pêche et motion aux pouvoirs publics en annexe, 22 mai 1967.

53 Chauchet F., « Est-ce la fin de la Grande-Vasière ? », Sud Ouest, 10 octobre 1972, p. 9.

54 Dardignac J., « Le cantonnement de la Grande-Vasière, une grossière erreur car trop petit et mal placé », Sud Ouest, 17 avril 1973, p. 10.

55 Maurin Claude, « La valeur des cantonnements et leur implantation », Sud Ouest, 8 novembre 1974.

56 AD 17, Fonds Marins LR, Comité central des pêches maritimes, Compte rendu de la réunion tenue à Nantes le 12 septembre 1975. La Rochelle n’y était pas représentée.

57 Ibid., Comité central des pêches maritimes, Réunion tenue à Nantes sur la pêche dans le golfe de Gascogne, 16 juillet 1976.

58 Le Bouëdec G., Le Brigand D., Lorient-Keroman, op. cit., p. 52-63.

59 Annexes 6 et 7.

60 Le Bouëdec G., Le Brigand D., Lorient-Keroman, op. cit., p. 64-65.

61 Ibid., p. 62.

62 Fournet Ph., « Lorient, port de pêche industrielle », Poitiers, Norois, no 102, 1979, p. 194-199.

63 Chaussade J., « Les difficultés de la pêche industrielle en France : l’exemple du port de Lorient », Poitiers, Norois, no 121, 1984, p. 142-149.

64 Canévet C., « Les pêches bretonnes : crise et redéploiement », Poitiers, Norois, no 107, 1980, p. 454.

65 CCI Quimper, « Les ports du Sud-Finistère gérés par la CCI de Quimper », 1986.

66 Canévet C., « Les pêches bretonnes : crise et redéploiement », art. cit., p. 454.

67 Laborde S., Les pêches maritimes basques entre déclin et recompositions, thèse de géographie, université de Nantes, 2007, p. 115.

68 Ibid., p. 115-117.

69 L’Hostis D., « La consommation des produits de la mer en Espagne », Dossier, Nantes, Ifremer, 1986, p. 16-21.

70 Fournet Ph., « Les pêches maritimes britanniques : une activité en crise », Poitiers, Norois, no 99, 1978, p. 332-334.

71 Sénat, Mariani P., Rapport sur les actions menées en faveur de la politique maritime et littorale de la France, 6 mars 1998, p. 1.

72 AD 17, 164 J, Lettre de J.-C. Menu, président du Syndicat des armateurs à la pêche de La Rochelle, à Philippe Dechartre, secrétaire d’État auprès du ministre de Travail, 1er octobre 1969.

73 AD 17, J 253, Lettre du secrétaire du syndicat au président du comité local des pêches, 15 octobre 1969.

74 Ibid., Procès-verbal de la réunion du comité local des pêches maritimes de La Rochelle, 4 novembre 1969.

75 Ibid., Vœu émis par le comité local des pêches maritimes de La Rochelle, 17 novembre 1969.

76 AD 17, Jx 262, « La pêche rochelaise et son avenir : de 24 500 t en 1965, les apports sont tombés à 18 500 t en 1971 », Sud Ouest, 9 février 1972.

77 Ibid., « La pêche rochelaise et son avenir : 1972 marquera-t-il un essor nouveau ? », 12 février 1972.

78 Ibid., Chauchet F., « La pêche à l’heure des choix : un certain optimisme à La Rochelle », Sud Ouest, 7 février 1973, p. 5.

79 Fournet Ph., « Les pêches maritimes charentaises et leurs problèmes », Poitiers, Norois, no 100, 1979, p. 626.

80 AD 17, 164 J, Syndicat des armateurs à la pêche, Courriers divers 1971-1973, Lettre de J.-C. Menu au président de la Fédération des syndicats d’armateurs à la pêche de l’Atlantique, 21 août 1973.

81 Ibid., Courriers divers 1971-1973, Note de J.-C. Menu au secrétaire d’État aux Transports lors de sa visite à La Rochelle le 29 septembre 1975, 27 septembre 1975.

82 Fournet Ph., « Les pêches maritimes charentaises et leurs problèmes », loc. cit., p. 626.

83 Fournet Ph., « Les pêches maritimes charentaises et leurs problèmes », Poitiers, Norois, no 100, 1979, loc. cit.

84 Chalutiers J 3 : les définitions varient, mais la plus fréquemment donnée est celle qui correspond aux grands chalutiers de plus de 100 tjb.

85 La Société maritime de pêche (SMT) est créée le 1er janvier 1971 pour reprendre la gestion des trois chalutiers du beau-père de Maurice Génaudeau, gérant de la SARL. La CAPA est la société de Concarneau qui reprend l’armement Frédéric.

86 AD 17, 164 J, Lettre de J.-C. Menu président du Syndicat des Armateurs à la pêche de La Rochelle au trésorier-payeur général de la cité, 14 janvier 1975.

87 AD 17, 41 ETP 897, Marine marchande, Lettre de la CCI de La Rochelle à M. le préfet de Charente-Maritime, 27 septembre 1977.

88 Fournet Ph., « Les pêches maritimes charentaises et leurs problèmes », loc. cit.

89 AD 17, Fonds syndicat des marins LR, Réunion du comité local des pêches maritimes, 2 mars 1978, p. 4.

90 Ibid., p. 6.

91 AD 17, 164 J, Lettre du From Sud-Ouest, 13 février 1976.

92 AD 17, Jx 262, « Les marins pêcheurs défilent jusqu’à la préfecture où une délégation est reçue », Sud Ouest, 27 février 1975.

93 Chauchet F., « La pêche rochelaise en 1976 : une véritable catastrophe », Sud Ouest, 14 janvier 1977, p. B.

94 Chauchet F., « M. Cavaillé, secrétaire d’État aux transports : aucune solution miracle dans les poches, seulement le souci de réconforter le monde de la pêche », Sud Ouest, 1er octobre 1975.

95 « Une aumône pour la pêche », Sud Ouest, 21 janvier 1976.

96 Chauchet F., « Le débat sur la pêche au conseil général », Sud Ouest, 7 février 1977.

97 « Une aide du conseil général de la Charente-Maritime », Le Marin, 11 février 1977.

98 Morlier Michel, Entretien, déjà cité, 26 janvier 2013.

99 AD 17, J 253, Fonds Syndicat des marins de La Rochelle, communiqué du syndicat, 2 septembre 1966.

100 Ibid.

101 Chaucher F., « Pour remédier au manque de main-d’œuvre, les armateurs créent un service de recrutement », Sud Ouest, 1er octobre 1973.

102 Ibid.

103 AD 17, 164 J, dossier EAM, Conseil de perfectionnement de l’école d’apprentissage maritime de La Rochelle, 6 novembre 1973.

104 Meuriot É. La flotte de pêche française de 1945 à 1983, politique et réalité, op. cit., p. 86.

105 AD 17, 164 J, Courrier du Comité central des pêches maritimes, Réunion de bureau, 24 janvier 1980.

106 Archives privées GAUBERT Y., journaliste, « Le crédit maritime », article France-pêche, 23 mai 1984.

107 Ibid., « Le Scapiria 1 va renforcer la pêche industrielle rochelaise », article pour France-pêche, 27 juillet 1984.

108 Scapir, Société coopérative anonyme de la pêche industrielle rochelaise, fondée en pleine période de déclin de la pêche hauturière, pour tenter de l’aider.

109 Archives privées Gaubert Y., « Le Scapiria I prend le bon départ », article France-pêche, 16 octobre 1984.

110 Ibid., « Le Grand Schelem, un nouveau 20,60 m pour La Rochelle », article pour France-Pêche, 9 novembre 1984.

111 Ibid., « La Rochelle : le Kresala en tête », article pour France-pêche, 26 février 1985.

112 Ibid., « Le Nord Caper quitte La Rochelle pour le Pirée », Le Marin, 22 mai 1985.

113 Ibid., « Marguerite Onfroy-Frézouls : la seule femme armateur en France », article pour le « Journal de la pêche » de la radio Animation Pêche de Quimper, 12 février 1986.

114 Ibid., « Le Boomerang IV », article pour les Cahiers de la pêche, novembre 1987.

115 Charles Y., « La Rochelle, le port a la pêche », La France, 5 avril 1989.

116 Cognacq Gérard, ancien directeur de la halle à marée, Entretien, 9 mars 2014.

117 « La pêche a pris un coup de neuf », Sud Ouest, 8 mars 1989.

118 « Flotte de pêche : les lancements de la relance », La France, 25 août 1989.

119 Decamps Ph., Forest A., Les pêches maritimes en Poitou-Charentes, Ifremer L’Houmeau, 1975, p. 6.

120 Andrieu C., « La pêche industrielle larguée », Charente-Maritime, 20 juillet 1994, p. 5.

121 Durand J.-L., Gueguen J., Catanzano J., « Efficacité d’un outil de politique structurelle dans le secteur des pêches : le plan Mellick », Ifremer, 1992, p. 4.

122 Archives privées Gaubert Y., « Arrêt définitif de l’Angoumois : au titre du plan Mellick », article pour Le Marin, 2 septembre 1991.

123 Ibid., « Subvention pour le plan Mellik : le Poitou-Charentes double la mise », article Le Marin, 22 juillet 1991.

124 L’Angoumois a subi un incendie accidentel le 12 juillet 2012. Il demeure à flot auprès du musée maritime de La Rochelle. Sa coque a été repeinte, mais l’intérieur, ravagé, mérite reconstitution.

125 Ibid., liste alphabétique de navires.

126 Ibid., dossier du Péoria, Marine Marchande, procès-verbal de visite de mise en service du navire : « Peoria. cc. 244151 », 17 décembre 1974.

127 MMLR, dossier Péoria, Permis provisoire de navigation, Concarneau, 13 juin 1985.

128 AD 17, Jx 262, Baroux Philippe, « L’infortune du Péoria », Sud Ouest, 9 février 1994.

129 Ibid., Charente-Maritime, 15 juillet 1994.

130 Arocena J., « Le Celeiro, navire rochelais », Sextan. com, 13 février 2014.

131 AD 17, Jx 264, Andrieu C., « La pêche industrielle larguée », Charente-Maritime, 20 juillet 1994, p. 5.

132 AD 17, Jx 264, Menu J.-C., « Protection de la ressource. J.-C. Menu : la flottille vers un désarmement massif », Charente Maritime, 2 janvier 1993.

133 AMLR, La Rochelle information, bulletin municipal de La Rochelle, déc. 1991, no 22, Dossier spécial.

134 Menillo J., Rapport, mai 1984, archives privées de G. Cognacq, ancien directeur de la halle à marée.

135 G. Cognacq met en cause certaines allégations du rapport. Ainsi par exemple, dit-il, les chalutiers annonçaient leur arrivée pour permettre une organisation de leur déchargement ; les poissons ne restaient pas « plusieurs heures alignés à température ambiante, sans glace, entre triage et mise en vente », car ce n’étaient pas les mêmes poissons, les débarquements des chalutiers se succédant.

136 Archives privées Gaubert Y., article pour France-pêche, 27 novembre 1984.

137 Ibid., « Un projet ambitieux : la construction d’un nouveau port de pêche à La Pallice », article pour France-Pêche, 10 octobre 1985.

138 Ibid., « Phase active pour le transfert du port de pêche à La Pallice », article pour la radio animationpêche de Quimper, 4 novembre 1987.

139 AD 17, Jx 264, Andrieu C., « La pêche industrielle larguée », Charente Maritime, art. cit.

140 AM La Rochelle, Crépeau M., Lettre du maire, décembre 1985.

141 AD 17, Jx 264, Andrieu C., « La pêche industrielle larguée », art. cit.

142 « Pour enrayer le déclin de son activité La Rochelle transporte son port de pêche à La Pallice », Le Monde, 23 septembre 1990.

143 Renard R., « Le transfert du port de pêche de La Rochelle à Chef-de-Baie », Poitiers, Norois, no 164, p. 728-729.

144 Ibid., p. 732.

145 AD 17, Jx 262, Lemaire P.-M., « Au fond du gouffre », Sud Ouest, 14 septembre 1995.

146 Les mareyeurs « s’entendent en cours de criée pour pouvoir disposer d’un assortiment de nombreuses espèces pour faire face aux demandes des poissonniers et restaurateurs, les lots de 300 kg de merlus, merluchons, dorades, lottes, merlans,, étant trop importants pour certains, le partage leur permettant d’avoir les 50 ou 100 kg dont ils ont besoin » (Note de Michel Drillaud, qui a dirigé une entreprise de mareyage de 1967 à 1990 à La Rochelle, 11 novembre 2014).

147 AD 17, Jx 262, Lemaire P.-M., « Au fond du gouffre », art. cit.

148 Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, La situation des ports de pêche, 30 mai 2000, p. 19.

149 Syndicat mixte du port de Chef-de-Baie, 20 ans et après, les projets du port de pêche de La Rochelle, 7 novembre 2014.

Table des illustrations

Légende Tableau 57. – État de la flotte de chalutiers mis en exploitation à La Rochelle (1965-1969).Source : AD 17, 164 J, Extrait du Rapport « Flotte et production du comité des pêches maritimes du VIeplan », séance du 2 juin 1970, p. 94.
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Légende Tableau 58. – Évolution de la flottille rochelaise par types de pêche (1966-1975). Source : AD 17, 164 J, Fonds du Syndicat des armateurs à la pêche, Dossier From Sud-Ouest.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/91699/img-2.jpg
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Légende Carte 3. — Projet ISTPM des cantonnements à merluchons dans le golfe de Gascogne (1969). Source : Fournet Ph., « L’évolution récente de la pêche rochelaise », Norois, no 87, 1975, p. 451.
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Légende Tableau 60. – Résultats d’exploitation de quinze chalutiers rochelais (1er semestre 1976). Source : AD 17, 164 J, Dossiers divers, Enquête sur les résultats d’exploitation des chalutiers de La Rochelle, SACDIP, 1er semestre 1976. (15 questionnaires reçus sur 19 envoyés), Synthèse des fiches.
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Légende Tableau 64. – Principaux armements industriels rochelais (mai 1977). Source : AD 17, 164 J, Syndicat des armateurs à la pêche, Statistiques des différents ports de France, 1977-1978.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/91699/img-5.jpg
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Légende Tableau 66. – Évolution du tonnage débarqué en criée du port de pêche de La Rochelle, 1994-2013. Source : Syndicat mixte du port de pêche de La Rochelle, novembre 2014.
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