Chapitre I. Premières expériences et échec rochelais (XIXe siècle)
p. 21-53
Texte intégral
1« Bien que l’utilisation de la vapeur qui a révolutionné l’industrie des pêches ne soit pas chose très ancienne, son origine est déjà très obscure. Français et Anglais se disputent le mérite de l’invention1. » Des historiens considèrent que c’est en Grande-Bretagne, à partir des années 1880, que naquit la pêche industrielle, grâce à l’utilisation de chalutiers à vapeur et du réseau ferroviaire pour l’acheminement rapide du poisson2 : or, bien avant cette date, la France armait des chalutiers à vapeur. C’est en effet à Arcachon, en 1836, qu’est expérimenté le premier chalutier à vapeur et que se développe la pêche industrielle à partir de 1863. La Rochelle connaît aussi une première expérience de chalutage à vapeur dans les années 1870. Mais, à partir de 1882, l’Angleterre reprend cette innovation du navire à vapeur, mû non plus par des roues à aubes mais par une hélice, tirant le nouveau chalut ottertrawl. Elle développe rapidement une grande flotte de pêche industrielle qui devient la première du monde. Les Anglais vont nous « dépasser à pas de géants3 ».
Arcachon, berceau du chalutage à vapeur
2Traditionnellement, en France comme dans les autres pays, la pêche se pratiquait avec des embarcations en bois, naviguant à la voile. C’était le cas pour la pêche traditionnelle dans le bassin d’Arcachon, exploitant chalutiers à voile, canots non pontés*, lougres très similaires à un deux-mâts, cotres ou sloop pontés, employant le chalut à perche* ou à pierre*4. Il accueillit au XIXe siècle une innovation majeure pour le monde : le chalutage à vapeur.
3Véritable petite mer intérieure, le bassin est la seule zone maritime accessible et bien protégée de la houle sur les 160 km de côtes inhospitalières du golfe de Gascogne. Il débouche dans l’Atlantique par une coupure située sur la côte rectiligne des Landes à mi-distance entre la Gironde et l’embouchure de l’Adour. Au Moyen Âge déjà, les activités maritimes y étaient importantes pour alimenter en marée fraîche Bordeaux située à une soixantaine de kilomètres, approvisionnée régulièrement, à pied, par les femmes et filles des marins testerins ou gujanais5. Au XVIIIe siècle, ce bassin était considéré par Le Masson du Parc (1727) comme « un des plus poissonneux que l’on puisse voir ». La côte extérieure était elle aussi une des plus poissonneuses de l’Europe. Les ports de Gujan-Mestras et de La Teste comptaient vingt-et-une chaloupes qui servaient à la pêche du poisson frais en hiver et au commerce l’été6. De 1814 à 1834, les pêcheurs du bassin étaient plus nombreux que ceux des autres ports, de Noirmoutier à l’Espagne, atteignant l’effectif de 687 en 18347. En 1841, les localités bordant le bassin recevaient une puissante impulsion vers la prospérité, par la mise en service du chemin de fer de Bordeaux à la Teste.
Allègre, promoteur du premier chalutier à vapeur
4Le 28 mars 1836, venant du large, six chaloupes de pêche font naufrage dans les passes du bassin par une mer très mauvaise. Elles se brisent, 78 marins pêcheurs périssent8. Cette tragédie entraîne D.-L. Allègre, officier de marine en retraite et conseiller général, invité à participer à la commission d’enquête sur ce drame, à proposer de substituer des bateaux à vapeur aux chaloupes. Il rédige un mémoire en ce sens, en date du 30 avril 18369.
5Mais, devant les réticences que suscitent ses idées, il en est réduit à faire construire lui-même, avec le concours de collègues du conseil général et de personnalités bordelaises, le premier vapeur de pêche au monde, francisé le 26 novembre 1836. Il s’agit d’un chalutier en bois, à moteur à vapeur actionnant deux roues à aubes, le Turbot, bateau d’environ 60 tjb* et d’une puissance de 125 CV. Sa première marée, en 1837, tirant un chalut à perche, comble les vœux du nouvel armateur. Les essais sont repris l’année suivante avec un chalut à perche et à patins de fer* qui donne de bons résultats.
6D.-L. Allègre décide alors de faire l’acquisition d’un second vapeur, l’Entreprise aussitôt rebaptisé la Sole, et se met à rêver d’une flottille de douze unités. Un autre chalutier en bois, à vapeur et à aubes, est construit par Legallais, le Testerain, jaugeant 64 tjb. Ce navire fait des pêches aussi miraculeuses que celles d’Allègre10. Cependant les conditions d’exploitation des vapeurs sont très onéreuses et les débouchés faibles de par le peu de transports vers Bordeaux11. Leurs exploitations étant déficitaires, Allègre abandonne en 1839 et Legallais en 184312. « Pourtant, après une absence de dix-huit heures du port, écrit Allègre, le chalutier rentre souvent avec 7 500 kg de poisson. Mais nos machines étaient mal faites, elles manquaient de puissance et de solidité ; notre procédé était nouveau, il devait faire naître des jalousies et des rivalités ; nous venions garantir du naufrage les populations et nous les avons trouvées coalisées contre nous. […]. Une liquidation est devenue nécessaire13. » Ces navires à roues à aubes sont mal adaptés à la pêche. Echec technique. Echec aussi à cause des mentalités locales, d’autant que Marcellin Tardit, de Gujan-Mestras, signe une lettre au nom des pêcheurs du Bassin qui met en avant « l’importante découverte » des frères Laporte, directeurs de l’École des mousses et novices de Bordeaux : la chaloupe insubmersible. L’annonce est pour le moins prématurée et insensée. Mais Allègre a perdu la partie14.
Arcachon : les premiers chalutiers à hélice dès 1863
7C’est seulement sous le Second Empire que la pêche à la vapeur s’est réellement installée sur le bassin, avec, à partir de 1863, le lancement de l’Émile Pereire, petit chalutier en bois muni d’une machine à vapeur construit à Bordeaux. Appartenant à la Compagnie des pêcheries de la Gironde, dont le gérant est Castillon15, il est attaché au port d’Arcachon. Ce petit navire réussissant très bien, Johnston, membre de la Maison Johnston and Sons, négociants en vins à Bordeaux et ami de Castillon, conçoit l’idée de créer en 1865 à Arcachon, une compagnie de chalutage à vapeur, la Société des pêcheries de l’Océan. La pêche est alors très active16. Grâce au chemin de fer, une clientèle locale importante, en particulier celle de Bordeaux, favorise cette activité. En 1866, l’hélice l’emporte comme propulseur17. La pêche hauturière se développe à Arcachon. Johnston fait construire par John Elder and Cie à Glasgow deux chalutiers en fer, les premiers de leur espèce, le Cormoran et le Héron. Jaugeant 80 tjb, ils possèdent des moteurs d’une puissance de 192 CV. Johnston les arme et fait venir des équipages bretons et leurs familles18. En 1867, trois autres navires les rejoignent, équipés de glacières dès 1898. 39 chalutiers exploitent ces fonds en 1910, 28 en 1911, 37 vers 1925. La Société des pêcheries de l’Océan a le monopole de la pêche chalutière à vapeur jusqu’en 1888, date à laquelle les frères Larroque de Gujan-Mestras mettent en service le Ville d’Arcachon. En 1896, sont fondées les Pêcheries Françaises. Les difficultés financières des frères Larroque les contraignent à céder une partie de leur flottille, en 1899, à la Société normande des bateaux à vapeur originaire du Havre, qui s’implante à Arcachon19. La flotte arcachonnaise se développe avec la création de la Société des pêcheries du golfe de Gascogne au milieu de l’année 1900. Enfin, en mai 1901, la Société nouvelle des pêcheries à vapeur reprend l’essentiel de la flottille de la société normande. Elle s’installe à la jetée d’Eyrac à Arcachon le 1er janvier 1904. Après la Grande Guerre, les affaires reprennent et de nouvelles unités viennent renforcer les deux sociétés d’armement qui ont survécu : les Pêcheries de l’Océan et la Société nouvelle des pêcheries à vapeur.
8On peut s’étonner que de grandes innovations aient pris forme à Arcachon. Mais le bassin, traditionnellement le théâtre d’une petite pêche active, était le seul abri entre la pointe de Grave et le Pays basque, le long d’une côte désolée, désavantagée par ses erratiques bancs de sable. Le négoce de vins bordelais, en mal de reconversion, a investi à Arcachon, port de pêche de la capitale girondine. Arcachon, commune indépendante depuis 1857, devenait aussi la cité balnéaire de la bourgeoisie bordelaise.
9Cela n’a cependant pas suffipour y créer un véritable pôle de pêche moderne. Plusieurs raisons l’expliquent, à commencer par la dangerosité de la passe d’accès au bassin qui figure parmi les plus redoutées des côtes de France. Les chaloupes ne franchissent la barre que si la mer inspire confiance, mais il arrive fréquemment que les plus expérimentés se fassent surprendre20. Les embarcations pénètrent, en effet, dans le bassin par cette passe qui ne manque pas de profondeur, bien qu’une lame énorme s’y brise dans les gros temps, mais que la mobilité des sables et la violence des courants rendent dangereuse21. En cas de tempête ou de mauvaises conditions météorologiques, la houle peut devenir considérable et des vagues de cinq mètres déferler22. Les chaloupes à voiles et à rames subissent, ainsi, nombre de drames ; la dernière sombre en 1880. Mais les gros chalutiers paient, eux aussi, un lourd tribut, tel le Pélican qui coule au large en février 1863, l’Albatros coupé en deux par une lame en décembre 1891, le Paul Larroque qui sombre en 1900 ainsi que le Héron le 25 janvier 1902. Enfin, l’Otarie et le Saint Georges disparaissent au large des passes en mars 1906. Outre ces naufrages, le nombre de jours d’exploitation perdus du fait de l’impraticabilité de la passe accentue les difficultés23. De plus, Arcachon, à la différence de La Rochelle, ne dispose pas d’un port aménagé mais d’une simple baie de mouillage et de la jetée d’Eyrac pour accoster, ni d’une criée publique pour la vente du poisson24. Ce sont les sociétés d’armement elles-mêmes qui vendent leur pêche, réalisent tous les aménagements, appontements comme locaux de mareyage. Trois sociétés dominent : la Société anonyme des pêcheries du golfe de Gascogne (dix-neuf chalutiers), la Société immobilière du Moulleau et des pêcheries de l’Océan (dix chalutiers) et la Société nouvelle des pêcheries à vapeur (douze chalutiers). Contrairement à La Rochelle à cette époque, ces grands armements sont constitués en société anonyme, car les capitaux nécessaires à leur fondation sont trop importants pour qu’un seul homme soit propriétaire et armateur. Alors qu’à La Rochelle, la pêche est vendue à la criée municipale au cours du jour, les pêcheurs arcachonnais doivent vendre leur poisson aux pêcheries des sociétés, sans garantie de prix rémunérateur. C’est donc à La Rochelle, voire à Lorient, que le petit armateur arcachonnais envoie son chalutier25.
10Enfin, dès la moitié du XIXe siècle, les premiers signes de surexploitation des fonds se font sentir dans le bassin26. Les marins vont alors capturer le poisson en mer, de plus en plus profondément au fur et à mesure de la baisse des rendements. Après une vingtaine d’années d’utilisation du chalut à perche par quelques bateaux, ces rendements inquiètent professionnels et scientifiques. Vers la fin du XIXe siècle apparaissent les premières crises. La désertification progressive du plateau continental Sud-Gascogne provoque le déclin du port mal adapté à un développement de pêches plus au large. Arcachon connait son activité maximale en 1910 avec 20 000 t d’apports. C’est alors le deuxième port de pêche français, le premier de l’Atlantique27. La Société des pêcheries du golfe de Gascogne, qui armait vingt-trois chalutiers, le plus gros armement de France, fait faillite en 1911. Cela marque le début du déclin rapide de la pêche industrielle arcachonnaise. La Rochelle va supplanter Arcachon. Le port aunisien est alors un havre où peuvent se réfugier les voiliers qui pêchent sur le plateau de Rochebonne au large de l’île de Ré, fort dangereux par gros temps28. Car « où fuir ? Royan, Arcachon, Bayonne sont devenus inaccessibles derrière leur barre de brisants. Coûte que coûte, on s’efforce de gagner La Rochelle, le grand port de refuge et de vente. […], c’est la magnifique rade, abritée par ses deux grandes digues, Oléron et Ré, que l’équipage entrevoit au terme de cette course terrible » écrit Auguste Dupouy, parlant des marins de l’île de Groix, nombreux à venir à La Rochelle29.
La percée décisive de la Grande-Bretagne
11C’est en France, à Arcachon en 1836, qu’a été inventé le chalutage à vapeur, actionnant des roues à aubes, et créée la première société de chalutage en 1863. Mais c’est en Angleterre, puis en Allemagne, qu’est lancé de manière décisive le chalutage à vapeur et à hélice fin XIXe siècle. L’Angleterre tire le plus rapidement profit de l’application des navires à vapeur au chalutage. Elle perfectionne les procédés de la pêche, transforme l’outillage, construit des navires d’un grand tonnage, acquiert bientôt une forte avance sur la France30. Elle construit des bateaux à vapeur pour son commerce et sa pêche hauturière, en exporte aussi beaucoup.
12Le marché du poisson se développe. Les salariés, qui travaillent dans l’industrie et les mines, constituent une part croissante de la population active, près de 30 % en 1801, près de 50 % en 188131. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les villes anglaises, qui regroupent 45 % de la population contre 19 % seulement en France, deviennent les principaux marchés de biens de consommation32. Les gouvernants font le choix de la production à bas prix de ces biens pour les milieux populaires urbains. C’est le cas pour le pain, bon marché grâce à l’importation de blé étranger moins coûteux, enjeu de l’abolition des Corn Laws en 184633. C’est aussi l’incitation à la consommation de la pomme de terre et du poisson frais avec l’apparition, dès 1865, dans le Lancashire (dont font partie les grandes villes industrielles de Liverpool et Manchester) du commerce de fish and chips, le plat de poisson-frites, constitutif de la culture ouvrière britannique à la fin du XIXe siècle34. Sa large consommation provoque une augmentation de la demande de poisson frais, stimulant la pêche industrielle.
De grands ports de pêche britanniques
13Les compagnies de chemin de fer jouent un rôle essentiel. Grimsby est l’exemple par excellence d’un port exploité directement par une compagnie, la Great Central Railway. À son initiative, les armateurs de Hull détachent une partie de leurs navires à Grimsby et transforment la bourgade en une cité active et prospère à la fin du XIXe siècle35. Elle forme des trains spéciaux pour l’expédition de la marée, utilise aussi les trains de voyageurs. Les taxes de transport sont très réduites, ce qui lui permet de concurrencer le transport du poisson à Londres par les chalutiers eux-mêmes. Les bateaux ont intérêt à débarquer leur pêche à Grimsby36. La compagnie se rembourse de toutes ses dépenses uniquement au moyen de ses prix d’expédition. En 1881, se constitue l’armement North Sea Steam Trawling Company, qui exploite le Zodiac et l’Ariès, dont les premières sorties sont un succès. Insensibles au calme comme au vent, ils peuvent pêcher dans des profondeurs dépassant cinquante brasses. S’avançant jusqu’à deux cents milles et même au-delà sur la déclivité du plateau continental dans le golfe de Gascogne, ils peuvent aller plus loin que les voiliers. Ils ramènent au port quatre fois plus de poissons, dans un état de fraîcheur remarquable37.
14En 1912, les plus grands ports de chalutage sont britanniques, tels Grimsby le premier avec 177 000 t d’apports de poissons, Aberdeen, Hull et Lowestoft qui dépassent les 80 000 t, loin devant Ijmuiden en Hollande, Boulogne en France ou Geestmünde en Allemagne38. La plupart de ces grands ports de pêche sont situés sur les côtes de la mer du Nord, dans des pays qui s’industrialisent. Cette mer est alors riche en poissons divers, dominés par le hareng et le maquereau. En 1912, Grimsby arme 530 chalutiers à vapeur. À lui seul, il représente plus que les quantités débarquées dans les ports allemands et hollandais réunis. L’augmentation du nombre de navires et l’accroissement de leur tonnage rendent indispensable et urgent un agrandissement du port. La North Sea Steam Trawling Company, qui possède les bassins et les quais, s’y décide à la demande des armateurs de chalutiers en 1912. Les bassins, quais et terrepleins vont couvrir environ 137 ha. Les deux bassins affectés à la flottille de pêche ont un plan d’eau de 12 ha. Les quais ont 1 200 m de longueur. Les sociétés de pêche sont au nombre de 40 à 50, employant en majorité des chalutiers à vapeur. Ces derniers sont groupés en flottes et restent plusieurs jours sur les lieux de pêche, l’un d’eux ralliant le port à tour de rôle pour rapporter le poisson et assurer le réapprovisionnement. Les fonds exploités sont surtout ceux de la mer du Nord. Grimsby se trouve placé à proximité d’eux et à sept heures de Londres, où les quantités de poisson nécessaires pour satisfaire à l’alimentation de la population sont telles que les apports journaliers doivent être en moyenne de 700 tonnes39. La Great Central Railway, à qui incombe la charge d’expédier jusqu’à 300 wagons dans les fortes journées, prend des dispositions aussi simples qu’ingénieuses. On amène le long du quai, sur lequel s’ouvrent les magasins des mareyeurs, trois trains de wagons vides disposés sur trois voies parallèles et les agents du chemin de fer, prenant devant ces magasins les colis préparés, chargent le train le plus éloigné en traversant sur des ponts mobiles les deux trains vides. Un train est ainsi chargé en trois quarts d’heure ou en une heure. Le port est doté de toutes les installations nécessaires : fabriques de glace, usines à conserves, ateliers de réparations, dock flottant, etc. Pour l’exécution des menus travaux d’entretien des navires pouvant s’effectuer dans les 24 heures, deux cales sèches ont été disposées pour accueillir, chacune, dix navires sur deux lignes. Des compagnies rivales, constatant que les arrivages de poisson sur la côte Ouest du Royaume-Uni ne dépassent pas 40 millions de livres, contre 220 sur la côte Est, choisissent le port de Fleetwood, fort bien situé sur l’embouchure de la rivière Wyre, pour alimenter en poissons les centres populeux du Lancashire et du Yorshire. Le petit port de pêche existant est agrandi grâce au financement de la compagnie Lancashire and Yorkshire Railway. Le port d’Aberdeen, spécialisé dans le hareng, développe lui aussi le débarquement du poisson frais. Les premiers chalutiers y apparaissent en 1886-188740. En 1913, l’Angleterre compte plus de 2 000 chalutiers à vapeur, la Hollande 500 à 600, l’Allemagne plusieurs centaines. La France n’en compte que 40041.
Des avancées techniques majeures du chalutage
15Des techniques nouvelles favorisent le chalutage. La propulsion à vapeur des navires à coque de bois puis en fer permet des pêches plus importantes et plus éloignées des ports. La réfrigération à bord permet des marées plus longues et un élargissement du marché du poisson frais. Enfin, l’emploi à partir de 1894 du chalut ottertrawl favorise des pêches plus abondantes.
16La vapeur constitue un des éléments centraux du développement du chalutage. Le moteur doit attendre la fin du XVIIIe siècle pour apparaître comme une solution alternative à la voile42. C’est à cette époque que l’on songea à appliquer l’invention à la navigation maritime, dès qu’une machine à vapeur efficace devint disponible sur le marché, c’est-à-dire dès que l’on eut trouvé le moyen de produire une énergie mécanique en continu. Le monde de la navigation maritime a immédiatement vu dans le nouveau convertisseur d’énergie, réglable à volonté, le moyen de s’affranchir des caprices du vent et de la mer. Pour les pêcheurs, cette propulsion permet la maîtrise des lieux de pêche. Ce sont des considérations économiques plus que sécuritaires qui font adopter la vapeur au transport maritime, puis à la pêche43.
17Ce n’est que dans ces années 1860-1870 que prend naissance la pêche à la vapeur, écrit J.-L. Lenhof. Le monde de la pêche, avec retard et non sans hésitation et insuccès, s’approprie alors la technologie des navires à coque en fer, propulsés par la vapeur44. Il faut attendre la fin des années 1870 pour, qu’à Boulogne, on généralise les cabestans* à vapeur pour relever les filets dérivants. Ces retards sont dus d’abord aux autorités navales, tout particulièrement en France. Les petits pêcheurs côtiers formaient la piétaille nécessaire au recrutement des équipages de la flotte de guerre. C’est pourquoi, au lendemain de la guerre navale de 1793-1815 avec la Grande-Bretagne, l’État français contribua à la relance de la grande pêche à Terre-Neuve et entendit favoriser la survie des petits pêcheurs. Les lois réglementant l’Inscription maritime* réservaient l’exercice de la pêche en mer aux inscrits et celui de la pêche à pied sur le littoral à leurs familles. Les pêcheurs qui vendaient eux-mêmes le produit de leur travail étaient exemptés de l’impôt de la patente pesant sur toute forme de commerce. Cette politique rejoignait les attentes sociales du monde des gens de mer ; tant que la pêche traditionnelle durait, un pêcheur habile et chanceux, après avoir été à la grande pêche dans sa jeunesse, pouvait devenir patron de sa propre chaloupe donc propriétaire-exploitant, s’il n’était pas déjà le fils aîné d’un artisan pêcheur. Des perspectives d’ascension sociale subsistaient donc. Sur le plan économique, du fait des lourdes mises de fonds initiales, l’introduction de la vapeur dans le secteur commercial a été délicate et a dû bénéficier de l’aide gouvernementale, malgré l’évidence des avantages techniques. Des résistances sociales se sont exprimées auprès des autorités navales contre l’introduction de la vapeur, comme de la coque en fer. Enfin, cette révolution de la vapeur et du fer, au commerce, n’a touché d’abord que les activités les plus rentables, à savoir le transport du courrier et des passagers et bien plus difficilement le transport de marchandises où, de surcroît, la voile s’est défendue. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner de l’absence d’une véritable révolution de la vapeur et du fer en ce qui concerne la pêche avant 188045. C’est alors que la Grande-Bretagne, puis l’Allemagne, adoptent le bateau de pêche à vapeur. En 1890, Arcachon possède cinq vapeurs : le Héron, le Cormoran, le Pingouin, le Pétrel, le Courlis. Mais il est réservé à Boulogne d’offrir, à la fin de 1894, avec le Ville de Boulogne de 195 tjb*, le premier navire à grand rendement et le premier vapeur en Europe qui soit aménagé pour toutes les formes de pêches. C’est d’après son modèle que l’on construit et lance deux vapeurs de pêche hollandais. « L’impulsion était donnée : le chalutage à vapeur était né viable, mais sa place n’était pas encore conquise46. »
18En 1912, apparaît un nouveau chalutier à moteur diesel qui offre des performances supérieures pour des coûts moins élevés47. Pour la France, ces chalutiers sont 375 en 1914, 689 en 1920, remplaçant progressivement les vapeurs. Les flottes n’abandonnent que lentement la chaudière, car la machine à vapeur présente des avantages : qualité incontestable de souplesse, de fonctionnement et de facilité de manœuvre, modicité de ses frais d’entretien et de réparation et avantages non moins importants qu’elle présente pour la conduite du treuil du chalut qui requiert une sécurité et une robustesse absolues48. Mais le moteur diesel, en supprimant la chaudière, laisse un espace disponible sensiblement supérieur et surtout, grâce à la réduction considérable du poids du combustible consommé à égalité de puissance, assure un rayon d’action nettement supérieur à celui d’un chalutier à vapeur d’importance analogue. La conduite du treuil, question sensible pour relever le chalut, se résout par l’adoption d’un appareillage entièrement électrique.
19Une deuxième avancée majeure est celle du chalut anglais dit ottertrawl, chalut de fonds à panneaux. L’origine du chalut doit être récherchée dans la senne à poche. Dans le golfe de Gascogne, la grande senne* à jet, employée jusqu’à la fin du XIXe siècle, était un filet encerclant les poissons, manœuvré par deux filins fixés à ses extrémités pour le halage et le rabattage des poissons. Ce filet était long de 200 à 300 m, manœuvré à bord de chaloupes à voiles qui le remorquaient sur le fond. En dérivant, le bateau traînait l’engin sur le fond. Les marins pêcheurs le relevaient en le halant du bord49. Le gangui, quant à lui, est constitué, non par un filet uniforme mais par une nasse, plus ou moins grande, prolongée de chaque côté par une aile ou jambe garnie de plomb à la ralingue* inférieure et de lièges à la ralingue supérieure, de façon à se maintenir verticalement dans l’eau. La nasse, elle-même, est maintenue largement ouverte par un ou plusieurs cercles de bois. Ce chalut « bœuf » peut être traîné par deux bateaux. Le filet se compose d’une poche de 36 à 47 m50 (fig. 1).

Schéma 1. – Le Gangui et le gangui bœuf (Duhamel de Monceau, pl. XLIV, fig. I, chap. VI).
Source : Belloc G, Desbrosses P., Le Gall J., « Le chalutage », Manuel des pêches maritimes françaises, art. cit, p. 22.
20Les premiers chalutiers à vapeur utilisent le chalut à perche*. L’armature de ce filet poche, en forme de sac, se compose d’une longue perche dont chaque extrémité est soutenue par deux pièces en fer forgé appelées patins ou étriers51. La perche d’un diamètre de 10 à 12 cm peut atteindre jusqu’à 14 et 15 m de long suivant la puissance du chalutier. Elle est composée de deux pièces taillées en bec de flûte et ajustées à l’aide de deux forts anneaux en fer. Les patins ont la forme d’un étrier dont une des branches est munie d’une semelle large et plate pour glisser sur le fond, tandis que l’autre reçoit une des extrémités de la perche qu’il maintient ainsi élevée à une certaine hauteur au-dessus du fond. Chaque patin pèse une centaine de kilogrammes, pour les engins de grand modèle. Le filet a la forme d’une grande poche à ouverture rectangulaire dont la base supérieure est fixée sur la perche par des filières (schéma 2). On ne grée qu’un seul chalut par bateau, relevé toujours du même côté pour les chalutiers à pêche latérale52. La manœuvre est pénible. Un tel chalut ne se prête pas à une pêche à fort rendement et impacte le repeuplement des fonds en recueillant une quantité considérable de jeunes poissons immatures qui ne survivent pas une fois pêchés53.

Schéma 2. – Le chalut à perche. Source : Le Gall J., « Le chalut », Manuel des pêches maritimes françaises, art. cit., p. 27.
21C’est en Grande-Bretagne que naît l’idée de remplacer cette lourde pêche par le chalut à plateau qui évolue sous l’eau comme un cerf-volant. Il se compose de deux plateaux en bois fixés sur les côtés de la poche. Ceux-ci forment un angle ouvert avec la traction du bateau ce qui tend à les écarter l’un de l’autre et permet ainsi de maintenir plein ouvert la poche. L’emploi de ce dispositif est appelé ottertrawl* en anglais, mot intégré depuis dans le vocabulaire français courant (schéma 3).

Schéma 3. – Chalutier à vapeur utilisant le chalut ottertrawl en pêche. Source : Le Gall J., « Le chalut », Manuel des pêches maritimes françaises, art. cit., p. 31.
22Son emploi progresse réellement à partir de 1894. Pouvant mesurer jusqu’à 50 m de profondeur et d’envergure, il est latéralement prolongé par deux courtes ailes dont les mailles se rétrécissent progressivement en allant vers le fond. Son ouverture est assurée par deux panneaux rectangulaires en bois mesurant 2 à 3,50 m de base et 1,05 à 1,40 m de hauteur, destinés à être traînés verticalement sur le fond. Les câbles de remorques ou funes en acier sont enroulés sur un treuil à deux bobines mû à la vapeur.
23Avec la vapeur et le chalut ottertrawl, le troisième progrès important est l’utilisation de la glace à bord des chalutiers. Car la pêche au poisson frais ne peut se développer qu’avec la possibilité de le conserver et de le débarquer en état de fraîcheur. C’est en 1893 que Georges Roché relate l’emploi de la glace à bord pour conserver le poisson, grâce à « des timbres », sortes de caisses en bois fort épais et divisées intérieurement par des lames de tôles horizontales54. La glace est fabriquée à terre, emportée à bord sous forme de blocs volumineux, concassée, voire pulvérisée. La quantité dépend de la saison – l’été, la dépense de glace est nécessairement plus considérable et il faut surveiller avec soin sa fusion lente –, de la durée de la marée et de l’isolement plus ou moins sommaire de la cale. La quantité de glace peut varier entre 30 et 50 % de la quantité de poisson à rapporter55. À bord, aussitôt après sa capture, le poisson, débarrassé de ses viscères puis lavé, est placé sur les étagères compartimentées de la cale glacière et recouvert d’un petit lit de glace pilée. Celle-ci subit un phénomène du regel et emprisonne les animaux qu’elle conserve à basse température, à l’abri de tout contact de l’air. On peut alors placer le poisson dans des caisses avec de la glace. Les armements peuvent aussi employer des appareils frigorifiques utilisés par les pêcheurs américains, constitués essentiellement par des boîtes à double paroi entre lesquelles on entasse des blocs de glace. Cette méthode fournit d’assez bons résultats quand on ne veut garder le poisson que deux ou trois jours à bord, mais elle est fort défectueuse pour une plus longue conservation. À l’arrivée au port, le poisson est débarrassé de sa couche de glace, puis lavé de nouveau avant de le remettre en glace. Ce procédé présente des inconvénients, ceux de délaver et parfois meurtrir le poisson56. Mais il constitue un réel progrès.
24Toutes ces avancées dans les domaines de la navigation, du chalutage et de la conservation, permettent le développement de la pêche hauturière et la création de grands armements industriels. Mais leurs limites expliquent aussi la lenteur du développement de ces armements jusqu’aux années 1920.
L’expansion de la pêche industrielle en France, fin XIXe siècle
25La pêche française connaît un certain retard et un essor limité dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Lorient et Boulogne se lancent dans le chalutage industriel à vapeur, mais ses premières remises en cause, en lien avec le dépeuplement des fonds, apparaissent.
Retard et lenteur de la pêche française
26Jusqu’en 1894, les chalutiers du bassin d’Arcachon constituent l’unique flotte de pêche à vapeur française. Pour toute la France, 93 000 pêcheurs réalisent alors des prises d’une valeur de 100 millions de francs grâce à trois types de pêche : la morue, le hareng et la sardine57. En 1900, 95 682 pêcheurs en bateaux réalisent 102,7 millions de francs, 100 000 en 1913 pour 157 millions58. Globalement, les pêches sont bien loin de connaître le dynamisme de la plupart des secteurs de l’économie nationale dans la deuxième moitié du XIXe siècle59. La France n’occupe que la quatrième place parmi les grands pays producteurs de poissons, largement dépassée par l’Angleterre, les États-Unis et même la Norvège. Le retard français est ancien, il date du XVIIIe siècle. C’est à cette époque que le fossé se creuse60. Entre 1894 et 1913, les effectifs de pêcheurs ne progressent que de 7 %, la valeur des prises augmente de 57 % confirmant un certain essor provenant surtout de la naissance de la pêche industrielle utilisant le chalut ottertrawl61. En 1907, sur 6 000 bateaux, seules quelques unités sont dotées de propulsion mécanique ; en 1920 sur 769 embarcations de pêche munies de moteur seulement 28 utilisent des moteurs à huile lourde62.
27À la veille de la Première Guerre mondiale, les ports français peinent à tenir la comparaison. Seul Boulogne, avec 46 000 t débarqués en 1912, rivalise avec les ports de pêche anglais de tonnage moyen (tableau 1).
Nom du port |
Poissons débarqués en tonnage |
Poissons débarqués en valeur (F) |
Nature de la pêche pratiquée |
Boulogne |
46 387 |
26 000 000 |
Chalutage, morue |
Fécamp |
18 321 |
8 988 000 |
Morue, hareng |
Saint-Malo |
12 565 |
9 045 000 |
Grande pêche morue |
La Rochelle |
8 064 |
8 040 000 |
Chalutage |
Arcachon |
6 843 |
6 752 070 |
Chalutage |
Lorient |
9 925 |
4 148 000 |
Chalutage |
Tableau 1. – Principaux ports de pêche français (1912). Source : Kerzoncuf J., La pêche maritime, son évolution en France et à l’étranger, op. cit., p. 14.
28L’armateur lorientais Émile Marcesche donne un ensemble de raisons à ce retard français63. La première réaction des marins pêcheurs français est souvent négative. Ainsi, à Concarneau, en 1899, le chalutier Kérino de la Société des chalutiers de l’Ouest veut vendre sa pêche à des mareyeurs du port, mais ne peut la débarquer et doit reprendre le large sous les menaces et les huées des marins64. Le congrès de Saint-Brieuc des marins pêcheurs demande l’abolition du chalut ottertrawl. En 1898, les pêcheurs à la voile de presque tout le littoral atlantique adressent une véhémente protestation au ministère de la Marine. La même année, les marins de Trouville saccagent la cargaison d’un chalutier à vapeur. Les parlementaires bretons portent à la tribune du Parlement les doléances des pêcheurs bretons. « Ceux-ci, propriétaires de leurs bateaux pour la plupart, ne peuvent plus lutter contre les gros armateurs : le chalut ottertrawl, à panneaux, jette sur le marché des quantités colossales de poisson ; les prix sont avilis ; les fonds se dépeuplent et beaucoup de petits pêcheurs restent inoccupés65. » Le congrès professionnel de Douarnenez réclame, pour les inscrits maritimes, le monopole exclusif de la pêche : « le droit de pêche est réservé aux Inscrits maritimes et c’est seulement en vertu d’une simple tolérance injustifiée que les compagnies des chalutiers à vapeur, formées par les capitalistes, exercent leur industrie ». En 1910, le congrès des inscrits bretons réclame l’interdiction de l’accès des petits ports aux chalutiers « qui débarquent trop de poisson et coupent avec leur moulin à poivre [l’hélice] les filets des pêcheurs ». Mais les progrès techniques s’imposent malgré tout, grâce à la facilité de leur emploi et les plus rebelles finissent par s’y soumettre par nécessité. La campagne des armateurs, opposée à celle des pêcheurs, finit par l’emporter en offrant à ceux-ci une existence moins dure, une pêche plus facile, des salaires élevés et la perspective d’explorer durant la saison de pêche, une étendue de mer beaucoup plus vaste66. Cette hostilité nuit un peu au début à la formation des équipages. « Il fallut les recruter en grande partie à Boulogne, à Dieppe, à Arcachon ; c’était d’ailleurs des enfants de la maritime et prolifique Bretagne qu’on lui ramenait le plus souvent. Et puis on fit la queue pour s’embarquer, on s’inscrivit à l’avance, on fit retenir sa place par le maire de son village. C’est que la place était bonne, le salaire appréciable » note A. Dupouy67.
29En second lieu, la politique tarifaire des compagnies ferroviaires freine aussi l’essor du chalutage industriel. En effet, le tarif français pour une même distance est de 36 % plus élevé qu’en Angleterre68. Ainsi, en France, on peut presque dire que Paris seul consomme du poisson frais, car sur 136 000 t transportées en 1903 par les compagnies de chemin de fer, la capitale en reçoit 50 000. La province consomme proportionnellement dix fois moins de poisson et pourtant le poisson, qui est débarqué dans un grand état de fraîcheur, peut être expédié et arriver dans d’excellentes conditions dans toute la France. Or après la signature des conventions entre les compagnies et l’État en 1883, ces compagnies prennent des décisions arbitraires. Le système de tarification est poussé jusqu’aux limites de l’absurde, engendrant dès l’origine une tendance à la diversification et à la multiplication des tarifs qui contredisent à la fois la recherche de la simplicité et celle de l’égalité de traitement69. Le débat politique s’ouvre dans les années 1880 sur le rôle de l’État. La procédure législative ne débouche pas. La réforme générale des tarifs intérieurs est réalisée entre 1886 et 1889, compagnie par compagnie. Après la réforme des tarifs généraux, achevée en 1890, a lieu celle des tarifs spéciaux qui correspondent à 90 % du tonnage total de la petite vitesse. Elle apporte, comme pour les autres tarifs, une très sensible simplification et des réductions non négligeables qui concernent, entre autres, le transport des poissons frais. Mais les niveaux des tarifs restent différents d’un réseau à l’autre70.
30Par-delà les tarifs, se pose aussi la question de l’adaptation des wagons au transport de la marée. Les chemins de fer français accumulent, dans ce domaine, un retard considérable. À la veille de la guerre, 360 wagons frigorifiques seulement sont en service en France : 149 de type isotherme sont utilisés pour le transport de la bière, 211 sont « de types divers ». Le Réseau de l’État est le plus actif dans ce transport. Il possède 33 wagons frigorifiques et fait rouler les unités affrétées par des coopératives laitières, dont celle des Charentes71. À la fin de la Grande Guerre, l’administration militaire rend au réseau civil les wagons à ossature bois qu’elle a fait aménager en vue du transport de viandes congelées pour nourrir les hommes au front72 ; 1 500 wagons réfrigérés de l’armée des États-Unis sont aussi récupérés et répartis entre les réseaux de Paris-Orléans (PO), de l’État et de Paris-Lyon-Méditerranée (PLM). Ce sont des wagons en très grande majorité isothermes73. Ils forment le premier parc de wagons frigorifiques français. L’administration des chemins de fer de l’État décide d’abord d’exploiter directement les wagons mis à sa disposition, tandis que les autres réseaux, privés, préfèrent les confier à des sociétés spécifiques sous-traitantes. Ainsi, en 1919, le réseau PO crée la Compagnie de transports frigorifiques tandis que les réseaux PLM, du Nord et de l’Est, auxquels se joint par la suite le réseau d’Alsace-Lorraine, contribuent à la constitution, en 1920, de la Société française de transport et entrepôts frigorifiques (STEF). En 1920, le parc de wagons frigorifiques atteint 2 200 unités.
31Le retard pris par la France dans l’industrie du chalutage peut, enfin, s’expliquer par la faiblesse du marché intérieur, particulièrement le marché urbain de consommation. Il ne se développe que dans les dernières années du XIXe siècle pour les classes moyennes du commerce et de l’industrie74. Les dépenses de logement des classes populaires augmentent à partir des années 1840, avec le gonflement de la main-d’œuvre secondaire et tertiaire urbaine qui accroît la demande de logements bon marché dans les villes où la construction porte surtout sur des immeubles bourgeois. Les conséquences se font sentir sur les autres postes de dépense, dont les dépenses de consommation alimentaires75. La consommation de poisson frais dans les milieux populaires ne peut progresser, comme c’est le cas en Grande-Bretagne avec le fameux fish and chips anglais76.
Boulogne et Lorient : le bénéfice de la technique anglaise
32C’est à partir des années 1890-1894 que Boulogne arme des grands navires à vapeur77. Bénéficiant d’une situation favorable à proximité de l’Angleterre, ce port est aussi très bien situé à l’extrémité nord du Pas-de-Calais pour alimenter en poisson frais Paris, toute la région de l’Est et une partie du Midi. Il est, de plus, tout proche des fonds de pêche de la Manche et de la mer du Nord, autre raison essentielle de son développement.
33Des travaux, décidés et financés par l’État en 1829 et 1835, transforment le port. La ligne de chemin de fer Boulogne-Amiens est inaugurée le 17 avril 1848. Elle favorise le développement du commerce maritime et le passage transmanche des voyageurs. Depuis 1848, le chemin de fer relie Boulogne à Paris. Dans les années 1860, de nouveaux équipements portuaires sont décidés par l’État, dotant le port d’un quai Bonaparte reconstruit, alors que sont entrepris les travaux du bassin à flot. Une jetée au large est décidée en 1877. Le 4 juin 1889, le port en eaux profondes est inauguré par le Président de la République.
34Les chalutiers apparaissent. En 1894, l’armateur boulonnais Louis Bouclet vend ses voiliers pour faire construire à Hull, en Angleterre, le premier chalutier à vapeur, le Ville de Boulogne78. Avec une provision de 75 à 90 t de charbon et 12 à 15 t de glace, ce navire peut faire des marées de deux semaines L’expérience ouvre une ère nouvelle pour la pêche fraîche. La même année, A. et G. Vidor Frères francisent La Diane, construit à Beverley près de Hull. Les progrès de la flotte boulonnaise sont rapides. Dès 1902, elle compte quatre unités de plus de 250 tjb et au total 30 navires de pêche à vapeur. En 1906, un pas est franchi avec le lancement aux Chantiers de France à Dunkerque d’un grand chalutier-harenguier, le Pierre, pour le compte des armateurs Delpierre. Capable de faire toutes les pêches, il mesure 44 m.
35Boulogne ne cesse d’affirmer sa prééminence. En 1914, sa flotille compte 138 grands voiliers et 134 vapeurs79. Sa modernisation est, comme le dit Georges Oustric, le fait « d’entrepreneurs capitalistes ». À l’instar des armateurs britanniques, en particulier à Grimsby, les armateurs boulonnais constituent des sociétés de pêche. La construction des navires à vapeur exige des investissements beaucoup plus considérables, le recours à des capitaux étrangers à la pêche et extérieurs à la région : banquiers parisiens, industriels du Nord et de l’Est, rentiers en quête d’un bon placement80. Apparaissent alors les diverses formes d’associations, de sociétés qui accompagnent le développement du capitalisme industriel81. À partir de 1894, avec l’acquisition des chalutiers à vapeur, la création de sociétés devient fréquente. Un phénomène de concentration se produit dans le temps. En 1913, il n’y a plus que 22 compagnies d’armement exploitant 72 vapeurs, 19 voiliers et 1 navire à pétrole. Boulogne devient le premier port de pêche de France. Ses ventes à la halle à marée sont multipliées par plus de deux en dix ans82. Il possède tous les moyens pour ravitailler rapidement sa flottille de pêche : maisons produisant de la glace artificielle et commerce d’importation de glace naturelle provenant des lacs norvégiens ; proximité du stockage du charbon ; usines de conserves de poissons ; école d’hydrographie pour la formation des capitaines de navires et pour le personnel marin, école pratique de formation des enfants83.
36Lorient connaît un peu plus tardivement, à partir de 1900, la création de sa flotte industrielle. Le port est situé au fond d’une large rade bien protégée et d’accès facile à toute heure de marée, à proximité des fonds de pêche. Il existe, en effet, à quelques milles au large de la côte sud de Bretagne et presque tout le long de cette côte, des hauts-fonds d’une étendue immense sur lesquels les chalutiers ne mettent jamais leurs dragues à l’eau sans profit. Lorient se trouve à une dizaine d’heures des plus éloignés de ces bancs. Et pendant la moitié de l’année, ses chalutiers travaillent au large des Glénan sur un banc situé à trente-deux milles environ dans l’ouest de Groix, soit à cinq heures du port. Aussi les chalutiers lorientais peuvent-ils rentrer deux fois par semaine84. Lorient possède donc un avantage sur d’autres ports : le poisson y est toujours pêché avec plusieurs jours de moins, puisque les chalutiers des autres ports ne rentrent que tous les huit ou dix jours et sont obligés d’éviscérer leurs poissons en mer pour en assurer la conservation85. Mais, en 1895, Lorient est encore un petit port qui ne compte que 80 pêcheurs pour 18 bateaux et un produit annuel de 203 072 F86. Le port de pêche proche, Port-Louis, connaît une activité plus importante avec 2003 pêcheurs pour 353 unités et un produit de 565 220 F. Deux autres ports proches, Étel et Auray, sont eux aussi plus importants : 2 152 pêcheurs et 351 navires pour le premier, 729 pêcheurs et 195 unités pour le second. C’est en 1900 que Raymond Dufilhol et son fils Charles se lancent les premiers en achetant un premier chalutier à vapeur en provenance de Newcastle, l’Éclaireur, puis un second en 1901, le Lorientais87. À quelques exceptions près, il y a peu de heurts dans ce port entre marins pêcheurs et nouvelles compagnies de chalutiers qui s’ignorent mutuellement. Le chemin de fer joue, comme à Boulogne, un rôle moteur avec la compagnie Paris-Orléans. Émile Marcesche, négociant en charbon, créateur en 1904 d’une compagnie de pêche, joue lui aussi un rôle déterminant88. En 1916, les mareyeurs et le président de leur syndicat Joseph Bigenwald, directeur de la Cie Marcesche, multiplient leurs efforts auprès des compagnies de chemin de fer, obtiennent des transits plus rapides et des tarifs moins élevés89.
37Ainsi, en 1912, Lorient se situe au sixième rang derrière La Rochelle et Arcachon en valeur du produit de la pêche (4 148 000 F), mais au quatrième devant ses deux concurrents pour la quantité de poisson pêché (9 925 t). En 1920, Lorient compte un plus grand nombre de marins pêcheurs, 264 contre 80 en 189590. Les trois autres ports locaux, Port-Louis, Groix et Étel, ne disposent d’aucun vapeur. Le port de Groix se distingue des deux autres par l’importance du nombre de ses armateurs qui font naviguer des voiliers, dont nombre d’entre eux viennent vendre leur pêche à la criée de La Rochelle. Sur vingt ans, on peut mesurer l’impact du tournant industriel de Lorient sur les ports voisins. Alors qu’en 1895, Étel, Groix et Port-Louis assuraient ensemble 95,2 % du chiffre d’affaires de la pêche du secteur, en 1915 cette valeur cumulée est tombée à 54 % contre 46 % au tout nouveau port de Lorient91.
38Ce développement du chalutage lorientais provoque, en effet, un accroissement rapide du tonnage du poisson pêché ; le poisson débarqué passe de 1 200 t en 1903 à 10 000 t en 1913 et, dès 1909, le trafic lorientais égale celui des trois vieux ports de Douarnenez, Pont-l’Abbé et Concarneau réunis. Ainsi en dix ans, le chalutage à vapeur fait de Lorient le grand port de pêche de la côte sud de Bretagne92. Mais cette croissance rapide de la flotte de chalutiers engorge, dès 1906, l’avant-port, sans compter le passage des navires de guerre et de commerce93. Un appontement est réalisé en 1911, une cale de carénage est en construction en 191494. En mars 1918, J. Kerzoncuf95 visite les importants travaux du quai de Kergroise96. Il annonce que le gouvernement lui a confié la mission de rechercher un emplacement pour construire un vaste frigorifique, qui devrait faciliter l’expédition régulière d’une grande quantité de poissons congelés sur les marchés intérieurs, ainsi qu’au service de ravitaillement aux armées. L’agent commercial de la compagnie des chemins de fer Paris-Orléans met en circulation, dès 1918, les trains de marée. En avril 1918, la commission spéciale du port demande la nomination d’un ingénieur pour étudier l’emplacement d’un port de pêche, à l’écart des activités commerciales et militaires97.
Les premières remises en question du chalutage industriel
39Le dépeuplement des ressources halieutiques apparaît vite comme une réalité que personne ne nie. Pour autant, le débat sur les causes n’est pas tranché. Il n’est pas nouveau, mais il rebondit avec le développement du chalutage industriel.
40Des évolutions inquiétantes se font sentir dès la fin du XIXe siècle. Dans les années 1870, les chaloupes jaugeant au maximum quatorze à quinze tonneaux pêchaient au chalut à des profondeurs qui ne dépassaient jamais 45 brasses* d’eau et prenaient de grandes quantités de poissons. Mais dans les années 1890, les pêcheurs furent obligés d’aller plus au large exploiter des parages plus profonds. Cela se traduisit par de nouvelles contraintes, celles de disposer de bateaux plus volumineux qui puissent tenir devant les grosses houles, résister aux violentes tempêtes, permettre un retour aussi rapide que possible au port pour assurer une vente profitable du poisson pêché98.
« De vieux pêcheurs nous ont dit qu’en 1864, lorsqu’on posait les filets dormants avec le premier chalutier à vapeur en bois, l’Émile-Péreire, au large du cap Ferret, la pêche était tous les deux jours de 500 à 700 merlus. Maintenant [en 1911], les chalutiers munis de l’ottertrawl s’éloignent de la côte, vont pêcher par 100 brasses et rentrent souvent au port avec une petite pêche. Dès 1880, on constatait la rareté du poisson dans le quartier de Roscoff, Marennes, Cap-Breton. […]. Depuis cette date jusqu’à nos jours, partout la situation a empiré99. »
41Le premier congrès des pêches et industries maritimes, en 1896, est le cadre d’une approche contradictoire de la question. Un représentant du commissariat de la Marine de Trouville, P. Bauer, défend l’utilisation du chalut ottertrawl, affirmant que la reproduction des poissons est nulle là où le chalut n’est plus traîné. Ce chalut, dit-il, est moins ravageur que le petit chalut à crevettes à petites mailles. Si le poisson est rare sur les côtes françaises depuis la prohibition du chalut à moins de trois milles de la laisse de basse mer*, il reste en revanche plus abondant sur les côtes anglaises où l’usage du chalut demeure libre à toute distance. En effet, la reproduction est, selon lui, nulle là où le chalut n’est plus traîné et elle est très active sur les bancs ameublis par le passage de cet engin employé en dedans de trois milles marins, pour la pêche à la crevette. Si le sable contenant les œufs n’est pas remué et tamisé par le chalut à crevettes, il finit fatalement par subir un tassement et par se couvrir de détritus végétaux et animaux qui ont pour conséquence l’étouffement des œufs et la mort ou un arrêt de développement de l’embryon. Les règlements interdisent, à moins de trois milles de la laisse de basse mer, l’emploi du grand chalut à mailles de moins de vingt-cinq millimètres, mais permettent l’emploi du petit chalut à crevettes dont les mailles sont inférieures à dix millimètres (mm). Certes, le chalut, surtout le petit, détruit une grande quantité de fretin. Mais cette quantité, bien que considérable, doit être vue comme négligeable en présence de la puissante fécondité des espèces en cause : elle ne mérite pas qu’on y attache de l’importance, puisque, sans ce massacre, il n’y aurait plus trace de reproduction, conclut P. Bauer. Il propose au congrès une résolution pour demander de porter les mailles des chaluts de 10 à 25 mm de côté, voire à 30 mm, et de fixer une taille minima à chaque espèce de poisson100. Cependant un autre participant au congrès, Lavieuville, expose une thèse tout à fait opposée. Considérant le chalut ottertrawl comme très nuisible à la reproduction du poisson, il propose de le remplacer par tout autre procédé de pêche. Il se fait ainsi l’interprète des doléances des pêcheurs et des armateurs des ports du littoral compris entre Valéry-en-Caux et le Tréport inclusivement101.
42Le chalutage à vapeur exploitant l’ottertrawl est mis en accusation partout par la pêche artisanale. En 1898, une lettre signée par plus d’un millier de pêcheurs du sous-arrondissement de Rochefort, dont des Rochelais, affirme leur opposition au nouveau chalut car son utilisation dévaste les fonds halieutiques, ruine la pêche à la voile et donc, argument de poids vis-à-vis de l’État, réduit le nombre de marins pour la Marine nationale :
« Nous soussignés, armateurs, patrons de pêche et matelots, délégués par nos collègues et par les marins pêcheurs des Sables-d’Olonne, de La Rochelle, Rochefort, Saint-Gilles-Croix-de-Vie et de l’île d’Yeu, avons l’honneur de vous exposer ce qui suit : les marins pêcheurs voient avec inquiétude leur industrie gravement menacée par l’emploi d’un filet de pêche dit à panneaux ou ottertrawl, destructeur outre mesure, dont se servent les bateaux à vapeur chalutiers. L’emploi de ce filet est préjudiciable à tous points de vue :
1° Il dévaste les fonds de la mer par suite de son développement exagéré et il capture une quantité de poissons telle que ces fonds seront bientôt épuisés.
2° Il ruine la pêche à la voile puisque les marins, n’ayant pas de ressources suffisantes, ne peuvent supporter cette concurrence, il ruinera par conséquent toutes les industries se rattachant à la pêche à voile.
3° L’emploi du filet destructeur dit “ottertrawl” ruinant ainsi la pêche à voile, entraîne fatalement la désertion des marins qui s’y livrent et qui vont abandonner une profession ne leur procurant plus les ressources nécessaires pour vivre ; abandon qui portera un grave préjudice à la marine de l’État102. »
43La recherche scientifique manque de matériaux pour permettre une analyse rigoureuse des causes103. En 1850, une mission est confiée au laboratoire de biologie marine du Muséum d’histoire naturelle et au Collège de France. Paul Fabre-Domergue et son équipe sont sollicités dans les années 1880 pour donner une réponse scientifique à la disparition des sardines des côtes bretonnes. Les hommes de sciences et les spécialistes s’interrogent, leurs avis peuvent diverger. Ainsi, dès 1892, le Dr Georges Roché, inspecteur général des Pêches Maritimes, part du constat que les chalutiers se plaignent de l’appauvrissement zoologique des fonds sur lesquels ils traînent leurs engins104. Déjà, il leur faut renoncer à travailler à de faibles profondeurs et gagner le large. Mais à quelle cause attribuer cet appauvrissement de nos eaux marines ? Dans la Manche, comme dans le golfe de Gascogne, les chalutiers affirment que les frayères du littoral sont dévastées par les pêcheurs de crevette dont les engins sont promenés dans les estuaires et les baies côtières où les poissons de fonds viennent se reproduire et passer les premiers stades de leur développement. Ils disent aussi que l’extension de la pêche au grand chalut qui bouleverse les fonds marins ne saurait subsister longtemps, faute des éléments nécessaires à son exercice. D’autre part, poursuit le Dr Roché, on pense à une modification des conditions physiques, chimiques et dynamiques du milieu océanique. Mais les connaissances spéciales sont sur ce point si obscures que les scientifiques ne peuvent cesser d’émettre des conjectures en pareille matière. C’est, en somme, une étude entière à entreprendre que d’établir les relations des poissons comestibles avec le milieu ambiant, problème dont presque tous les termes manquent puisque les chercheurs ne connaissent d’une façon précise ni les courants superficiels ou profonds, ni les degrés de salinité, ni la distribution des températures dans la masse des eaux qui recouvrent le plateau continental. Nous ne savons pas non plus exactement les espèces zoologiques que pâturent plus spécialement les poissons comestibles et dont la distribution sur les fonds océaniques règle celle des poissons eux-mêmes. Leur ignorance est presque aussi grande en ce qui touche les migrations périodiques ou irrégulières de ceux-ci, du moins en ce qui concerne les causes de ces montées ou de ces migrations, conclut-il105. Il affirme qu’il est temps de faire intervenir une réglementation protectrice, sous forme de cantonnements* empêchant la destruction abusive pratiquée alors.
44Un autre scientifique, C. Bénard, président de la Société d’océanographie du golfe de Gascogne pointe, en 1902, la double responsabilité des chalutiers à vapeur et des petits chaluts à crevettes. Beaucoup de pêcheurs, beaucoup de savants, voire des océanographes, accusent nettement le chalutage à vapeur de dépeupler les eaux106. Selon lui, il est incontestable que les chaînes de chalut à perche et les plateaux du chalut ottertrawl labourent les fonds sur lesquels ils sont traînés absolument comme une charrue laboure un champ. Mais ce qui est plus regrettable encore, c’est qu’à certaines époques les poches de chalut reviennent remplies d’une quantité incalculable de petits poissons étouffés par les plus gros et que l’on rejette à la mer. Et ces ravages s’exercent surtout quand le chalut est pratiqué trop près de la côte, dans les petits fonds propres à la végétation sous-marine et à la stabulation des alevins ou des petits poissons. Dans ce cas, la destruction est très grave. Toutefois il convient, dit-il, de ne pas rejeter seulement sur les chalutiers à vapeur la responsabilité du dépeuplement des eaux, car il est des engins du même genre plus meurtriers qu’eux quoique plus petits, ce sont les chaluts à crevettes ; les ravages sont effrayants parce qu’ils s’exercent directement dans les eaux côtières, avec des mailles trop petites. Ces filets capturent des poissons que leur petite taille rend invendables. Et de fait, presque tous les recoins ou pertuis ou bras de mer dragués par les crevettières sont épuisés aujourd’hui. Il convient, conclut l’auteur, d’organiser une réglementation et une surveillance internationale rationnelle des fonds de pêche, d’interdire de façon absolue dans toutes les eaux territoriales l’usage des chaluts à crevettes, qui détruisent toutes les réserves des frayères et une grande partie du naissain et des alevins. Il faudrait empêcher rigoureusement les chalutiers à vapeur de draguer en dedans de trois milles des côtes et au-dessus de cinquante mètres de profondeur107.
45Enfin, Marcel Hérubel, docteur ès sciences et professeur à l’Institut maritime, est plus catégorique. Lors d’une conférence donnée le 25 février 1911, il exprime une analyse résolument favorable à la pêche intensive108. Ce n’est pas d’aujourd’hui, dit-il, que la côte se plaint de la pénurie des poissons. Il en analyse les causes. La nature d’abord : il lui arrive souvent de détruire ce qu’elle a édifié avec peine durant des siècles ; tel fond se modifie sous l’influence de facteurs océanographiques ou géologiques, poussant des poissons à partir. Mais il y a une seconde série de causes d’ordre humain, les pêcheurs pris en flagrant délit de destruction par l’utilisation de cartouches de dynamite ou l’enduit des filets avec du chlorure de chaux. Il met en cause plus encore l’utilisation des sennes* le long des côtes, qui ramènent pêle-mêle poissons adultes et petits poissons, ou encore le filet-bœuf ou grand gangui*. Le chalut ottertrawl est « parfois – je dis parfois – très meurtrier109 ». Il n’est dangereux que pour les espèces de fonds et encore pour quelques espèces seulement. La preuve en a été administrée scientifiquement. Les Anglais ont entouré la poche de ce chalut d’un autre filet à mailles très petites. « On a pu déterminer que l’ottertrawl ne retenait guère dans sa poche que 19 pour 100 des poissons pris par lui. […] Vous voyez bien que tous les méfaits dont on accusait l’ottertrawl ne sont pas fondés. […] [Alors que] les méfaits du filet à chevrettes, appelé aussi filet à crevettes ou petit chalut, sont énormes. Il est responsable des hécatombes d’alevins et de jeunes », dit-il. Les terrains de pêche ne s’étendent pas au-delà de profondeurs de 450 à 500 mètres et la plupart du temps la profondeur commune est de 200 à 250 mètres. Par ailleurs, dit-il, les poissons sont soumis à des « habitudes héréditaires à peu près fixes ». Au moment du frai, c’est-à-dire au moment de la ponte, ils se mettent en mouvement. Ils suivent une route à peu près fixe et ils recherchent des eaux particulières. En général, ils mettent le cap sur les estuaires, sur les baies donc sur la côte. Tous les poissons arrivent « en bande » à la côte pour pondre et se nourrir. Cette affluence régulière est la condition primordiale de la pêche industrielle qui doit se porter sur le plateau continental. « Vous trouverez partout sur les terrains de pêche des eaux chaudes et froides, des apports d’eaux saumâtres, des courants riches en plankton […]. Avec des indications de cette nature, il est permis de trouver de nouveaux terrains de pêche. » On pourrait très bien instituer une pêche en navette, en alternant les lieux de pêche neufs et ceux qu’il faut laisser se reposer110.
46La question de la surpêche demeure entière, objet de points de vue tranchés. Elle ne débouche pas sur des mesures de protection ou d’interdiction. L’implantation de la pêche à vapeur et au chalut se poursuit et gagne La Rochelle en 1871.
La première tentative rochelaise (1871-1875)
47Alors qu’en 1863, sur le bassin d’Arcachon, l’armateur Johnston crée les Pêcheries de l’Océan, un bateau à vapeur est signalé à La Rochelle en 1870. Il s’agit du Pélican, mais son rôle se borne à ramener le poisson capturé par les flottilles rochelaises de pêche traditionnelle regroupées sur les zones de pêche dans le golfe de Gascogne111. En 1871, est créée à La Rochelle la Société des pêcheries de l’Ouest, ouvrant l’ère de la pêche industrielle.
La pêche rochelaise traditionnelle (1815-1870)
48Les guerres de la Révolution et du Second Empire ont mis à mal l’économie rochelaise. L’indépendance d’Haïti (l’ancienne Saint-Domingue), en 1804, obligeait la ville à rompre définitivement avec son passé antillais (traite des noirs, investissement dans les cultures coloniales d’exportation). Les répercussions furent immédiatement catastrophiques pour la cité, le trafic maritime s’effondra, les faillites se multiplièrent112. La guerre avec l’Angleterre maintenait sur les côtes une inquiétude permanente et justifiée, le blocus paralysait le trafic. Le port périclitait et le mécontentement était grand lorsque les décrets réglementant le blocus continental obligèrent à jeter au feu les marchandises de provenance anglaise, afin de les détruire113.
49L’inauguration, en 1808, d’un bassin à flot à côté du havre d’échouage n’a pas suffià relancer les échanges maritimes. En 1857, la ville était reliée à Paris par le train.
50De son côté, le commerce du poisson connaissait quelques évolutions notables. Le nouveau marché au poisson, dont la gestion était concédée à un particulier, ouvrait ses portes le 2 août 1847 dans l’ancien cloître des Carmes, près du vieux port. Tous les poissons y étaient vendus, sauf la sardine, la chaudrée de petits poissons*, les coquillages et les crabes114. En 1884, la municipalité décidait la construction d’un petit encan au pied de la tour de la Chaîne, à l’entrée du vieux port, pour ces catégories de poissons et crustacés115. La Rochelle était surtout un port de vente de poisson avant d’être un port d’armement, situé au cœur du golfe et favorisé par un accès protégé quel que fût le vent. C’est pourquoi se côtoyaient dans le vieux port différents types de voiliers venant pour la plupart de la côte sud de Bretagne ou de Vendée116. La chaloupe était l’embarcation traditionnellement utilisée pour la pêche à La Rochelle mesurant 10 à 15 m de long, jaugeant 16 à 18 tjb, réputée pour sa solidité. Vers 1830, elle était pontée*, ce qui lui permettait d’effectuer des marées plus lointaines, mais son gréement au tiers* ne facilitait pas les manœuvres.
51La Rochelle pratiquait plusieurs autres types de pêche au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, en particulier le thon, la morue, la sardine et la pêche côtière des autres poissons et des crustacés. Ainsi, pour la pêche au thon, La Rochelle armait 60 voiliers, ce qui en faisait le quatrième port de France117. La Rochelle pratiquait aussi la grande pêche à la morue qui débuta au XVIe siècle avec la découverte des bancs de Terre-Neuve et se développa également un siècle plus tard sur les bancs d’Islande. « En 1559, sur quarante-neuf terre-neuvas recensés [en France], plus de la moitié était rochelais ou saintongeais118. » La présence de marais salants à proximité permettait de disposer de sel pour la conservation du poisson et favorisait l’industrie morutière locale.
52Par ailleurs, La Rochelle pratiquait la pêche à la sardine sur les côtes de Vendée et de Charente-Inférieure, de Loire Inférieure, du Morbihan et du Finistère. Depuis les années 1820, cette pêche a connu un fort développement grâce à la mise en conserve des sardines à l’huile augmentant considérablement la consommation, limitée auparavant à la sardine pressée et salée. Ainsi, entre 1822 et 1864, le nombre de bateaux employés à la pêche à la sardine entre La Rochelle et Douarnenez a doublé, passant de 1 000/1 200 unités environ à 2 000/2 500. À partir de la fin 1863, des commerçants en gros profitèrent de l’ouverture de la voie du chemin de fer de la Compagnie Paris-Orléans pour expédier de grandes quantités de sardines dans toute la France. La sardine suit les côtes d’Espagne et du Portugal, arrive par bancs immenses sur les côtes de France, vers La Rochelle et les Sables-d’Olonne en mai, sur les côtes de Loire-Inférieure et du Morbihan en juin119. À La Rochelle, cette pêche à la sardine occupa une place importante. Philibert Schnell y créa une conserverie en 1827, s’associant en 1834 avec ses deux beaux-frères Joseph et Alexis Chatelain. En 1836, un an après la mort du fondateur, Benjamin Basset, apparenté aux Chatelain, rentrait dans la société qui devint en 1852 la maison Basset. Au milieu du XIXe siècle, quatre fabricants de conserves étaient installés dans la cité : B. Basset, A. Camus, Guillemot fils aîné, Coniée et Martin qui implantaient une usine en 1851 rue de la Monnaie. Selon un rapport de la chambre de commerce de 1857, les quatre usines employaient une main-d’œuvre importante : 200 ouvriers, apprentis et manœuvres occupés toute l’année à la fabrication des caisses en bois, des boîtes en fer-blanc ou au transport des matières premières et objets fabriqués ; 150 portefaix et manœuvres pour le transport des sardines aux usines et autres gros travaux pendant la campagne ; 30 compteuses des sardines dans les barques : enfin 300 femmes, 15 emballeurs et 25 enfants pour la préparation des conserves dans les usines. Cela représentait un total de 520 personnes travaillant pendant 175 jours par an environ. Selon ce rapport, la production des usines oscille entre 1,2 et 2 millions de boîtes par an. Au total, les quatre usines faisaient vivre près de 1 000 familles, ce qui concernait au moins 4 000 personnes120.
53L’industrie des conserves, née en France, s’exportait bien jusqu’à la fin des années 1860. Mais la production étrangère, en particulier celle du Portugal et de l’Espagne où les industriels français ont fait connaître les procédés de fabrication, commençait à concurrencer la production nationale. Dans les années 1860, La Rochelle connaissait une grave crise de la ressource en sardines qui désertaient les côtes de l’Aunis, ce qui entraîna de graves difficultés pour les sardineries locales. En 1861, la ville ne comptait plus que deux usines, les autres ayant fermé ou étant transférées en Bretagne. On assista alors à une concentration des entreprises : B. Basset racheta l’usine Camus en 1864 et la maison Coniée et Martin implantée aux Sables-d’Olonne. Cet industriel resta fidèle à l’Aunis, y conserva son unité de production, à laquelle il associe ses deux fils, Charles et Albert, en 1870121. Cette industrie de la conserverie exigeait des apports importants de sardines pêchées. Ainsi, du 20 avril au 1er novembre 1857, selon la Douane, il est entré dans le port 834 bateaux, montés de 3 336 hommes portant 55 126 350 sardines salées au sel blanc, dont la préparation a nécessité 2 200 t de sel. Sur cette quantité, les trois quarts environ ont été affectés à la fabrication de conserves122.
54Enfin, la pêche côtière artisanale en chaloupes traquait les autres poissons dans les coureaux en été, le pétoncle et la coquille Saint-Jacques en automne. Le port accueillait un nombre assez régulier de navires affectés à cette pêche dans les années 1860-1870, entre 90 et 130 selon les années123. Des navires d’autres ports, entre 20 et 30 chaque année, venaient y faire relâche pour vendre leur produit à la criée des Carmes, réputée pour ses cours attractifs du poisson.
55Cependant, la pêche hauturière, plus au large, existe et à partir du milieu du XIXe siècle utilise un nouveau type de chalut, le chalut à perche*. C’est cette pêche qui connaît, à La Rochelle, une première expérience de chalutage à vapeur avec l’Anglais Craggs.
L’initiative de l’Anglais Craggs et son échec
56En 1871, le négociant anglais en denrées coloniales Henri Craggs crée la Société des pêcheries de l’Ouest, avec deux associés Fourcaud et Petitpain124. Il s’agit d’une société en nom collectif* dont la raison sociale est Fourcaud, Craggs, Petipain et Cie. Le siège est à Paris. Craggs est sujet anglais, mais il demeure officiellement à La Rochelle. Louis Petitpain est rochelais, Cyrille Fourcaud parisien125. Pour obtenir un acte de francisation des navires, H. Craggs ne doit pas, selon la loi française, détenir une majorité du capital de ces navires126. Aussi ne détient-il que 49 % du chalutier le Rochelais dont les trois hommes sont propriétaires par l’intermédiaire de leur société, « conjointement et par indivis ». Celle-ci a pour but d’exploiter trois petits chalutiers à vapeur : outre le Rochelais, elle arme le Normand et le Breton. Ce sont des navires munis d’un moteur modeste, qui peuvent traîner un chalut de 12 à 15 m d’ouverture. Construit en 1872 à Londres, dans les Chantiers Westwood Baillie and C°, le Rochelais est un vapeur à hélice, gréé en goélette pour permettre une navigation utilisant les vents. Sa coque en fer mesure 29,74 m de long, jauge 58 tjb. Il dispose d’un moteur de 40 CV127. Le Normand, construit dans le même chantier en 1873, a un tonnage un peu plus important (61,40 tjb) et un moteur à vapeur de 40 CV.
57Les chalutiers sortent pêcher ensemble dans le golfe, entre le phare de Chassiron sur la pointe de l’île d’Oléron et l’embouchure de la Gironde. Ils pratiquent la traîne de chaluts à perche*, au maniement pénible et de faible rendement, et sont dépourvus d’installation frigorifique. Leurs marées sont limitées à trois ou quatre jours. À tour de rôle, l’un des trois ramène la pêche fraîche, non vidée, et repart avec de l’approvisionnement. Une fois à quai, le poisson est rangé dans des caisses en bois garnies de glace que l’armement fait venir de Norvège. L’un de ces navires est commandé par un capitaine au cabotage, le patron Bouteleux, qui pêchait auparavant la morue à Terre-Neuve. Un autre est commandé par le patron Pillette, originaire de l’île d’Yeu. Contrairement à ce qui s’est passé lors de l’introduction de la vapeur dans d’autres industries, il n’y a ni violence, ni sabotage, de la part des pêcheurs artisans128. La société acquiert, par la suite, deux autres chalutiers à vapeur : le Mariette et le Verdon. Elle dispose de magasins dans le quartier de La Ville-en-Bois à proximité du bassin extérieur mis en service en 1862, d’où elle expédie le poisson. Elle ne passe pas par le marché aux poissons officiel, implanté aux Carmes depuis 1847129. Cette nouvelle forme de gestion génère donc des frais d’exploitation importants. Enfin, la navigation à vapeur exige des équipages formés qui ne peuvent venir que de la pêche artisanale et sont alors très attachés à leur pêche traditionnelle, d’autant qu’elle les fait vivre. Enfin, le chalut à perche alors employé est d’une manœuvre laborieuse et pénible, avec la lourde perche garnie des lourds étriers. Chaque étrier, ou patin, pèse une centaine de kilogrammes dans les engins de grand modèle130.
58Au bout de dix-huit mois, en février 1874, H. Craggs et ses associés cèdent leur société et ses navires à la maison de navigation rochelaise d’Orbigny et Faustin Fils, qui arme au commerce et importe du charbon131. C’est une société en nom collectif associant une vingtaine de financeurs, Rochelais pour les deux tiers, mais aussi Lyonnais et Parisiens. Elle exploite ces chalutiers huit années sous l’appellation des Pêcheries de l’Ouest. C’est durant cette période que le Rochelais fait naufrage et sombre le 11 février 1875.
59L’évolution des quantités et de la valeur du poisson vendu à La Rochelle montre l’impact des chalutiers à vapeur. Les quantités débarquées (hors maquereaux) passent de 957 tonnes en 1874 à plus de 1 200 tonnes de 1875 à 1877132. Les commentaires annexés aux statistiques des pêches maritimes soulignent que l’augmentation des résultats généraux de la pêche pendant l’année 1874 est due à l’accroissement du nombre de bateaux à vapeur ayant pratiqué la pêche au poisson frais, car le produit de la pêche effectuée par les bateaux à voile diminue assez sensiblement. En 1876, les résultats de la pêche sont satisfaisants et ses produits dépassent ceux de 1875 de 128 540 F. Cela est dû aux bénéfices réalisés par les quatre bateaux à vapeur attachés à La Rochelle133. Ces résultats permettent de mesurer l’importance des poissons « nobles » à chair blanche pêchés dans le golfe, parmi lesquels figurent soles et merlus, raies et grondins. Les soles représentent plus de 50 % du produit de la vente à la criée, les grondins 21,2 %, les merlus 10,6 %, les raies 12 % (tableau 2).
Types de poissons |
Produit de la vente (F) |
Paires de soles |
190 000 |
Merlus |
40 000 |
Grondins |
80 000 |
Dorades |
2 000 |
Barbarins |
10 000 |
Turbots |
2 000 |
Raies |
45 000 |
Saint-Pierre |
5 000 |
Maigres |
2 500 |
Total |
376 500 |
Tableau 2. – Types de poissons débarqués par les chalutiers à vapeur attachés à La Rochelle (1876). Source : AD 17, 41 ETP 933, CCI La Rochelle, Statistiques des pêches maritimes.
60Cependant, l’activité de ces chalutiers à vapeur basés à La Rochelle ne dure pas. En 1877, « la diminution dans les produits de la pêche s’explique par le départ des bateaux à vapeur de la Compagnie des pêcheurs de l’Ouest qui ont quitté le port de La Rochelle en août dernier pour aller s’installer au Verdon (dans l’embouchure de la Gironde), à l’effet de se rapprocher des lieux de pêche, afin de réduire les temps de retour au port pour ramener le poisson dans les meilleures conditions de fraîcheur possibles. Il existe encore deux bateaux à vapeur faisant actuellement la pêche dans les eaux du quartier [de La Rochelle]134 ». La baisse des apports est sensible dans les années qui suivent. En 1881, cette compagnie cesse son activité de pêche. Elle est vendue à une société d’Arcachon135. La maison d’Orbigny et Faustin frères décide de ne plus se consacrer qu’au commerce maritime.
61D’autres tentatives ont lieu à La Rochelle. Le Père et la mère de famille, un petit chalutier en bois venant de Trouville navigue jusqu’en 1880 sous la conduite du patron Legris. Le Vauban appartenant à Perrin et Allier du Havre, navigue pendant huit ans à La Rochelle avec son patron Bouteleux. Le Emma-Henriette, un vapeur de 31 tx, est construit à Fécamp pour Tornade qui l’exploite jusqu’à son naufrage en 1886. En 1885 est créée, sous la gérance de Bouteleux, une société de pêche qui arme le Hyacinthe, construit à Nantes. Bouteleux gère trois autres navires construits au Havre : le Jeanne, le Robert et l’Amy136. En 1898, un chalutier à vapeur, le Stella, vient à plusieurs reprises vendre sa pêche. La concurrence faite par ce navire aux voiliers suscite en juin une petite émeute des marins qui voient là une catastrophe pour l’emploi, la disparition de la flotte de voiliers137.
La persistance de la pêche traditionnelle
62La pêche à la Rochelle retombe pour l’essentiel dans son cadre traditionnel, celui de la pêche utilisant des navires à voile. En 1874, le port accueille 321 navires de pêche jaugeant au total 2 457 tx, soit une moyenne de 7 tjb, embarquant 749 hommes138, 2 à 3 équipiers par embarcation139. Le produit de la vente de la morue débarquée ne représente que 32 500 F, contre 882 000 F pour les autres poissons pêchés dans le Golfe, surtout le maquereau frais, la sardine et l’anchois. Par ailleurs, 4 249 personnes sont déclarées pêcheurs à pieds, activité prioritairement réservée aux familles de marins pêcheurs140. La Rochelle attire toujours des navires immatriculés dans d’autres ports : « Les embarcations des ports de Dieppe, Fécamp, Trouville et Groix sont allées en grand nombre, comme les années précédentes, faire la pêche à La Rochelle, et l’on peut évaluer à 1 200 000 F les produits qu’elles ont réalisés et qui ne figurent point au présent état141 », preuve de l’attrait de la criée.
63Avec deux morutiers jaugeant 68 tjb en 1874, l’armement pour la grande pêche hauturière est marginal. En 1897, cependant, une grosse maison de Bordeaux, Lagarde et Cie, s’installe à La Rochelle, quai Valin, où accostent les navires, crée de vastes sécheries à l’air libre au sud de La Rochelle. Entre 1884 et 1905, les importations de morue oscillent entre 1 000 et 4 000 t par an débarquées par une trentaine de navires142. Après l’ouverture, en 1890, du bassin à flot de La Pallice, deux grosses sociétés de grande pêche s’y implantent : la Morue Française et Sécheries de Fécamp en 1910, puis les Pêcheries de France.
64Dans le domaine de la pêche côtière et hauturière, l’évolution est plutôt négative. En 1895, La Rochelle compte 977 pêcheurs embarqués sur 228 bateaux, contre 321 en 1874, pour une pêche annuelle d’une valeur de 2 048 900 F équivalente à celle de 1874 (tableau 3).
Quartier de La Rochelle |
1874 |
1895 |
Nombre de bateaux de pêche |
321 |
228 |
Nombre de marins pêcheurs |
749 |
977 |
Tonnage jauge brute |
2 457 |
4 873 |
Valeur des apports (francs) |
2 018 150 |
2 048 900 |
Tableau 3. – Évolution de l’activité du port de pêche de La Rochelle (1874-1895).
Source : AD 17, 41 ETP 933, CCI La Rochelle, Statistiques des pêches maritimes
65En 1895, alors qu’il n’y a plus aucun chalutier à vapeur immatriculé, le port de La Rochelle se situe ainsi derrière Les Sables-d’Olonne qui comptent 2 220 marins embarqués sur 440 bateaux et Arcachon qui dispose de 2 532 marins pêcheurs pour 1 695 bateaux. Il devance Lorient avec 80 pêcheurs embarqués sur 18 bateaux143. En comparaison, toujours pour 1895, le port de La Cotinière sur l’île d’Oléron embarque 218 hommes sur 93 navires, soit 22,3 % des marins pêcheurs de La Rochelle, mais 40 % de la flotte et 47 % de la valeur de ses apports. L’île de Ré compte 475 pêcheurs embarqués pour 165 navires, soit 48 % du nombre de pêcheurs rochelais, 72 % des navires de pêche144. L’écart entre La Rochelle et les ports des deux îles ne marque pas une rupture d’échelle (tableau 4).

Tableau 4. – Comparaison de l’activité de pêche les ports du quartier de La Rochelle (1895).
Source : AD 17, 41 ETP 933, Statistiques des pêches maritimes, année 1895, ministère des TP.
*
66En France, Arcachon est, dès 1836, le berceau du chalutage à vapeur, avec des navires en bois propulsés par des roues à aubes, puis crée les premiers armements industriels utilisant des chalutiers à hélice dès 1865. Mais c’est en Angleterre, en peine révolution industrielle, que se développent de grands ports de pêche exploitant des chalutiers hauturiers. Ceux-ci bénéficient des avancées techniques de leur pays dans le domaine de la pêche : la construction de chalutiers métalliques à vapeur, l’invention du chalut d’origine anglaise l’ottertrawl.À partir de 1882, l’Angleterre dépasse la France à pas de géants. L’utilisation de la glace à bord permet des marées plus longues et l’apport de poissons de meilleure qualité de conservation. La pêche française et la pêche rochelaise demeurent très artisanales et traditionnelles. C’est plus tard que la pêche industrielle française s’implante réellement à Boulogne-sur-Mer à partir des années 1890-1894, puis à Lorient à partir de 1900. À La Rochelle, la première tentative d’implantation d’une flottille de chalutiers hauturiers dès les années 1871-1875 est un échec. Le port aunisien retourne à la pêche traditionnelle et demeure à la marge de ce grand bouleversement européen que constitue le chalutage à vapeur qui se développe dans les ports britanniques, à Boulogne à la fin du XIXe siècle.
67Mais trente ans plus tard, à partir de 1904, de nouveaux armements industriels prennent naissance et se développent avec succès.
Notes de bas de page
1 Le Gall J., « Le chalutier à vapeur », Manuel des pêches maritimes françaises, f. 2, Paris, OSTPM, 1935, p. 39.
2 Fournet P., « Les pêches maritimes britanniques : une activité en crise », Poitiers, Norois, no 99, 1978, p. 319.
3 Vauclare C., « Les pêcheries contemporaines », Histoire des pêches maritimes en France, Paris, Privat, 1987, p. 246.
4 Cochin J., Manuel des pêches maritimes françaises, op. cit., p. 35-37.
5 Originaires des deux principaux ports de pêche du bassin : La Teste et Gujan-Mestras.
6 Poussou Jean-Pierre, Le Fur Jean Joël, Bassin d’Arcachon, Luçon, Sud Ouest, 2010, p. 51.
7 Bouchet Jean Marie et al., Etude intégrée du Bassin d’Arcachon, Brest, 1997, Ifremer, t. 5, p. 6.
8 Boyé Michel, Histoire inédite d’Arcachon 1857-2007, Pau, Cairn, 2007, p. 36-42.
9 Allègre D.-L., De la pêche dans le Bassin et sur les côtes extérieures d’Arcachon, op. cit. p. 38-39.
10 Boyé M., Histoire inédite d’Arcachon, op. cit., p. 41.
11 Bouchet J.-M. et al., Étude intégrée du bassin d’Arcachon, op. cit., p. 16.
12 Quero J.-C., Cendrero O., Historique de la raréfaction des poissons pêchés, op. cit., p. 18.
13 Allègre D.-L., De la pêche dans le Bassin et sur les côtes extérieures d’Arcachon, op. cit. p. 617.
14 Boyé M., Histoire inédite d’Arcachon, op. cit., p. 41.
15 AD 17, 41 ETP 928, rapport non daté de la CCI de La Rochelle, p. 2.
16 Poussou J.-P., Le Fur J.-J., Bassin d’Arcachon, op. cit., p. 65.
17 Lenhof J.-L., Les hommes en mer, De Trafalgar au Vendée Globe, Paris, A. Colin, 2005, p. 335.
18 Bouchet J.-M. et al., Étude intégrée du Bassin d’Arcachon, op. cit., p. 8.
19 Boyé M., Histoire inédite d’Arcachon, op. cit., p. 127.
20 Quero J.-C., Cendrero O., Historique de la raréfaction des poissons pêchés, op. cit., p. 17.
21 Allègre D.-L., De la pêche dans le bassin et sur les côtes d’Arcachon, op. cit, p. 606.
22 Poussou J.-P., Le Fur J.-J., Bassin d’Arcachon, op. cit., p. 26.
23 Bouchet J.-M. et al., Etude intégrée du bassin d’Arcachon, op. cit., p. 23.
24 Perrotin R., Le chalutage à vapeur à Arcachon, Bordeaux, Y. Cadoret, 1911, p. 121.
25 Perrotin R., Le chalutage à vapeur à Arcachon, op. cit., p. 124.
26 Quero J.-C., Cendrero O., Historique de la raréfaction des poissons pêchés, op. cit., p. 116.
27 Arcachon est en 1910 le deuxième port de pêche de France derrière Boulogne, le premier de la côte Atlantique.
28 Le plateau de Rochebonne, traditionnellement riche en poissons, est situé à 35 milles marins à l’ouest de l’île de Ré, face au port de La Rochelle.
29 Dupouy Auguste, Pêcheurs bretons, Paris, De Boccard, 1920, p. 142.
30 AD Morbihan, 5 ETP 787, Émile Marcesche, Rapport sur le développement et l’avenir du chalutage à vapeur à Lorient, Lorient, Imprimerie Centrale G. Le Bayon, 1906, p. 369.
31 Ibid., p. 388.
32 Ined, L’urbanisation du monde, rapport, p. 12-13.
33 Verley P., L’échelle du monde, op. cit., p. 398-399.
34 Hobsbawm Eric John, « Working class heroes », Collections Histoire, no 35, 2007.
35 Boisson P., « Le chalutage à vapeur à Lorient (1880-1939) », PUPS, Revue d’histoire maritime, 2012, p. 121.
36 Kerzoncuf J., La pêche maritime son évolution en France et à l’étranger, op. cit., p. 49.
37 AD 17, 41 ETP 928, Dossier Pêches et produits de la mer, rapport non daté de la CCI de La Rochelle, p. 2.
38 Kerzoncuf J., La pêche maritime son évolution en France et à l’étranger, Paris, Challamel, 1917, p. 12.
39 Kerzoncuf J., La pêche maritime, son évolution en France et à l’étranger, op. cit., p. 18.
40 Ibid., p. 21-23.
41 AD 17, 41 ETP 928, Dossier Pêches et produits de la mer, op. cit.
42 Duron Maurice, Le dictionnaire des bateaux, Toulouse, Ed. Milan, 2 000, p. 77.
43 Lenhof J.-L., « La révolution de la vapeur et du fer au commerce », Les hommes en mer, op. cit., p. 72.
44 Ibid., p. 214.
45 Ibid., p. 215
46 Commandant COCHIN, loc. cit.
47 Duron M., Le dictionnaire des bateaux, loc. cit.
48 Belloc G., Desbrosses P., Le Gall J., « Le chalutage », E. Le Danois (dir.), Manuel des pêches maritimes françaises, fasc. 2, Paris, OSTPM, 1935-1936, p. 46.
49 BELLOC G., DESBROSSES P., Le Gall J., art. cit., p. 19-22.
50 Ibid., p. 23.
51 Ibid., p. 26-27.
52 Adam P., « Les chaluts », Michel Mollat, Histoire des pêches maritimes en France, op. cit., p. 388.
53 Villiers P., Pfister C., « La pêche en Manche et mer du Nord, XVIIIe-XIXe », Cahier du littoral, Boulogne-sur-Mer, Ifremer, 1995, p. 289.
54 Roché G., « Etude générale sur la pêche au grand chalut dans le Golfe de Gascogne », Paris, Annales des sciences naturelles, zoologie et paléontologie, no 15, 1893, p. 31-32.
55 Schvinte J., « L’application du froid à l’industrie de la pêche », E. Le Danois (dir.), Manuel des pêches maritimes françaises, fasc. 4, op. cit., p. 39.
56 Ibid., p. 40.
57 Cabantous A. et al., Les français la terre et la mer, XIIIe-XXe siècle, Fayard, 2005, p. 483.
58 Vauclare C., Histoire des pêches maritimes françaises, op. cit., p. 279.
59 Turgeon L., « Le temps des pêches lointaines », Histoire des pêches maritimes françaises, op. cit., p. 48.
60 Ibid., p. 149.
61 AD 17, 41 ETP 933, CCI La Rochelle, Statistiques des pêches maritimes 1913, Rapport de Kerzoncuf J., chef du service des Pêches Maritimes, ministère des Travaux publics, p. 5-6.
62 Lecourbe, 10e Congrès des pêches et industries maritimes, op. cit, p. 4.
63 Boisson P., Émile Marcesche (1868-1939) : une trajectoire entrepreneuriale, op. cit., p. 289.
64 Dupouy A., Pêcheurs bretons, op. cit., p. 159.
65 Commandant Cochin, « L’entrée du chalutier à vapeur. L’évolution de la pêche française » Conclusions », E. Le Danois (dir.), Manuel des pêches maritimes françaises, fasc. 1, Paris, OSTPM, 1935, p. 79-80.
66 Commandant Cochin, loc. cit.
67 Dupouy A., Pêcheurs bretons, op. cit., p. 159.
68 Boisson P., « Le chalutage à vapeur à Lorient (1880-1939) », Revue d’histoire maritime, no 15, 2012, p. 290-293.
69 Caron F., Histoire des chemins de fer en France, 1883-1937, t. 2, Paris, Fayard, 2005, p. 211.
70 Ibid., p. 221.
71 Ibid., p. 234.
72 Delaire E., Le rôle structurant du froid dans le milieu de la pêche en France : 1850-1960, thèse de doctorat en histoire des sciences et techniques, 2008, université de Nantes, p. 143-153.
73 Kerzoncuf J., La pêche maritime, son évolution en France et à l’étranger, op. cit., p. 232.
74 Verley P., L’échelle du monde, op. cit., p. 433.
75 Ibid., p. 431-432.
76 Hobsbawn Eric John, « Working class heroes », Histoire, no 35, 2007.
77 Oustric Georges, Le port de Boulogne-sur-Mer au XIXe siècle, Valenciennes, Le Téméraire, 1995, p. 203.
78 Ibid., p. 210-211.
79 Vauclare C., Histoire des pêches maritimes françaises, op. cit., p. 261-262.
80 Ibid., p. 262.
81 Ibid., p. 213.
82 Kerzoncuf J., La pêche maritime, son évolution en France et à l’étranger, op. cit., p. 57-58.
83 Ibid., p. 60.
84 AD Morbihan, 5 ETP 787, E. Marcesche, Rapport sur le développement et l’avenir du chalutage à vapeur à Lorient, Lorient, Imp. Centrale G. Le Bayon, 1906, 12 p.
85 Kerzoncuf J., La pêche maritime, son évolution en France et à l’étranger, op. cit., p. 296.
86 AD 17, 41 ETP 933, Statistiques des pêches maritimes, année 1895.
87 Chaumel L., « Abrégé d’histoire de Lorient de la fondation (1666) à nos jours (1939) », Annales de Bretagne, 1939, no 46, p. 81.
88 Boisson P., Le chalutage à vapeur à Lorient (1880-1939), Revue d’histoire maritime, no 15, op. cit., p. 295. Et le Bouëdec G., Le Brigand G., Lorient-Keroman, Rennes, Infomer, 2014, p. 30.
89 Dupouy A., Pêcheurs bretons, op. cit., p. 166.
90 AD 17, 41 ETP 934, Statistiques des pêches maritimes, année 1920, p. 82-83.
91 Le Bouëdec G., Les Bretons sur les mers, Rennes, Ouest France, 1999, p. 162.
92 Chaumel L., loc. cit.
93 Boisson P., Le chalutage à vapeur à Lorient (1880-1939), Revue d’histoire maritime, no 15, art. cit., p. 134.
94 Ibid., p. 300.
95 Kerzoncuf J. est alors chef de service au sous-secrétariat à la Marine marchande au ministère des Travaux Publics.
96 Les Nouvelles du Morbihan, 6 mars 1918, cité par J. Boisson, « Le chalutage à vapeur à Lorient (1880-1939) », Revue d’histoire maritime, no 15, art. cit, p. 300.
97 Boisson P., ibid., p. 298.
98 Perrotin R., Le chalutage à vapeur à Arcachon, Bordeaux, Imp. de l’Université, 1911, p. 26-32.
99 Ibid., p. 26-32.
100 Bauer P., « Notice sur l’influence du chalut dans la reproduction des espèces sédentaires », 1er Congrès des pêches et industries maritimes, Les Sables-d’Olonne, 1896, OSTPM, p. 304-311.
101 Ibid., p. 311.
102 Lettre signée par plus d’un millier de pêcheurs du sous-arrondissement de Rochefort et envoyée en juin 1898 au ministre de la Marine. Citée par R. Vaché, La pêche maritime : La Rochelle, premier port de pêche français sur l’Atlantique, op. cit. p. 41-42.
103 Chappé François, « Entre traditions et innovations », A Cabantous et al., Le français la terre et la mer XIIIe-XXe siècle, art. cit., p. 597.
104 Roché G., « Sur la recrudescence des rendements de la grande pêche du poisson frais au large de nos côtes du sud-ouest », Association française pour l’avancement des sciences, 21e session, p. 501-502.
105 Ibid., p. 495.
106 Benard C., « Le chalutage à vapeur et le dépeuplement des fonds sous-marins », Revue philomatique de Bordeaux et du Sud-Ouest, no 5, 1902, p. 145-169.
107 Ibid., p. 159.
108 Hérubel M.-A., « Le dépeuplement des terrains de pêche », M. Dubois et al., L’exploitation de la mer, Paris, Ligue maritime française, 1870, p. 156-172.
109 Ibid., p. 161.
110 Ibid., p. 163.
111 Mahé J.-L., Petite histoire de la pêche rochelaise, La Rochelle, à compte d’auteur, 2003, p. 35.
112 Augeron M., Mahé J.-L., Histoire de La Rochelle, op. cit., p. 146.
113 Delafosse M. (dir.), Histoire de La Rochelle, Paris Privat, 1985, p. 243.
114 Mahé J.-L., Petite histoire de la pêche rochelaise, op. cit., p. 45.
115 Ibid., p. 47.
116 Ibid., p. 37.
117 Grandbesancon P., « “La pêche au thon dans le golfe de Gascogne” ou “la fortune de mer” à la fin du XIXe siècle », 1re partie, Équinoxe no 20, p. 40.
118 Bertaud C., « La grande pêche à La Rochelle », Aunis Eco, CCI La Rochelle, décembre 2004.
119 Ibid., p. 9 et 17.
120 41 ETP 927, Chemise pêche à la sardine, Rapport de la chambre de commerce de La Rochelle : conserves de sardines à l’huile, 14 novembre 1957, p. 2-3.
121 Ibid., p. 2. Le fils, C. Basset, crée une usine à Concarneau en 1891, pour se rapprocher des lieux de pêche.
122 41 ETP 927, Rapport de la chambre de commerce de La Rochelle : conserves de sardines à l’huile, op. cit., p. 1.
123 AD 17, 41 ETP 933, Tableau des mouvements des ports maritimes, Ponts et chaussées Charente-Inférieure.
124 AD 17, sous-série 5 P, Douanes de La Rochelle, art. 2309, Dossier du navire le Rochelais.
125 Ibid., art. 2309, op. cit, Demande de francisation du navire le Rochelais, 12 octobre 1872.
126 Loi du 9 juin 1845.
127 AD 17, sous-série 5P, art. 2309, op. cit., Acte de francisation signé le 16 décembre 1872.
128 Biard Vaillant, « Querelle de chaluts à La Rochelle », Chasse-Marée no 52, 1990, p. 11.
129 Camenen J., Regards sur une vie de marin pêcheur, Arras, Pen Duick, 1979, p. 224.
130 Belloc G. et al., « Le chalutage », Manuel des pêches maritimes françaises, fasc. 2, op. cit, p. 26-27.
131 AD 17, Sous-série P 5, op. cit., art. 2296 Normand et art. 2309 Rochelais.
132 AD 17, 41 ETP 933, C, Statistiques des pêches maritimes annuelles.
133 Ibid., année 1876.
134 AD 17, 41 ETP 933, CCI La Rochelle, Statistiques des pêches maritimes, année 1877.
135 Camenen J., Regards sur une vie de marin pêcheur, op. cit., p. 224.
136 Biard V., « Querelle de chaluts à La Rochelle », Chasse-Marée no 52, art. cit., p. 11.
137 Vaché R., La Rochelle premier port de pêche français sur l’Atlantique, Paris, thèse, université, 1931, p. 9.
138 Ce chiffre comprend marins pêcheurs de poissons, mais aussi pêcheurs de crustacés et mytiliculteurs.
139 AD 17, 41 ETP 933, Statistiques des pêches maritimes 1874, p. 77.
140 Mahé J.-L., Petite histoire de la pêche rochelaise, op. cit., p. 39.
141 AD 17, 41 ETP 933, loc. cit.
142 Ibid., p. 2.
143 AD 17, 41 ETP 933, Statistiques des pêches maritimes, 1895, p. 6.
144 AD17, 41 ETP 933, Statistiques des pêches maritimes, 1895, p. 18.
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