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La forme de la ville

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Stéphane Bourdin
, 
Michel Paoli
, 
Anne Reltgen-Tallon

Cinquième partie. Limites du concept

Formes et déformations de la ville égéenne. Akrotiri et les villes minoennes au prisme de l’historiographie récente

Raphaël Orgeolet e Maia Pomadère

Testo integrale

1Esquisser la « forme de la ville » est un exercice d’autant plus périlleux pour les périodes très anciennes que les sources manquent et que nous n’avons pas le loisir de croiser différents supports : nos données sont essentiellement archéologiques ; l’iconographie est peu abondante, tandis que les textes font défaut. Les lacunes de la documentation posent à la fois la question de l’objectivité de la forme que l’on reconnaît à la ville, mais aussi, et dans une dimension plus essentielle, celle de sa définition.

  • 1 Garmy P., Villes, réseaux et systèmes de villes. Contribution de l’archéologie, Paris/Arles, Erranc (...)
  • 2 Ibid., p. 21; Osborne R., « Urban Sprawl: What is Urbanization and Why does it Matter? », Osborne R (...)

2Dépourvus de sources textuelles, nous ne pouvons aborder la question de la ville protohistorique que munis des concepts et des définitions modernes, aux risques d’un travers téléologique et de l’anachronisme. Cela peut être aggravé, dans le cas des recherches menées dans le monde égéen, par le poids de la culture classique, qui impose ses modèles : la ville grecque classique est souvent la référence à l’aune de laquelle on mesure le degré d’urbanité des agglomérations plus anciennes1. Cela n’interdit pas de réfléchir à la ville protohistorique, surtout si l’on prend comme point de départ le plus petit dénominateur commun : la ville comme concentration de population2. Il est alors possible de hiérarchiser plusieurs types d’agglomérations dont les plus importantes peuvent raisonnablement, on le verra, être qualifiées d’urbaines.

  • 3 Childe V. G., « The Urban Revolution », Town Planning Review, no 21, 1950, p. 3-17.
  • 4 On doit ainsi contester l’idée selon laquelle la « révolution urbaine » ne daterait que du Ier mil (...)
  • 5 Par exemple Boissinot P., L’Archéologie comme discipline, Paris, Éditions du Seuil, 2011, p. 11 ; (...)
  • 6 L’histoire et les pratiques de l’archéologie égéenne répondent sur ce plan au diagnostic dressé pa (...)

3Poser la question de la ville dans l’âge du Bronze égéen, c’est s’inscrire dans une longue tradition historiographique ouverte en Orient par Gordon Childe, dont la « révolution urbaine » accompagnait la naissance de l’État3. Ce modèle fut pendant longtemps celui qui expliquait le phénomène urbain dans la Crète de l’âge du Bronze. On s’accorde donc traditionnellement sur l’existence de villes dans le bassin égéen4, parvenues à maturité au IIe millénaire après une première phase de « proto-urbanisation » caractérisée par de premières concentrations de populations. Nous ne nous appesantirons pas ici sur ce concept vague de « proto-urbanisation » ni sur les difficultés qu’il entraîne, déjà soulignées par d’autres auteurs5. Dans le cas de la Crète minoenne comme auparavant en Orient, le développement urbain semble aller de pair avec celui de l’État, incarné par l’émergence des palais, au Bronze Moyen I-II (vers 2000-1700). Parmi les différents types d’agglomérations mis au jour, c’est la ville palatiale qui a suscité le plus d’intérêt. Par ailleurs, à l’intérieur de ces villes, l’archéologie égéenne a concentré l’essentiel de ses efforts sur les palais après la découverte de celui de Cnossos par Arthur Evans en 1900, qui marque alors véritablement l’invention de la civilisation minoenne6. Par la suite et jusqu’au milieu du XXe siècle au moins, les archéologues se sont principalement employés à découvrir et explorer des palais de plan analogue sur d’autres sites, à Phaistos, Malia et Zakros (fig. 1). La primauté des recherches sur ces bâtiments s’explique et se justifiait par leur centralité et leur importance, sur le plan autant spatial qu’historique, comme lieu de pouvoir et de gestion économique. La même grille d’interprétation a conduit à s’intéresser ensuite à des édifices à « caractère palatial » considérés comme des centres administratifs secondaires (traditionnellement qualifiés de « villas » ou de « petits palais » en fonction de leurs caractéristiques).

Figure 1. Carte de situation des villes citées dans le texte.

  • 7 Lafon X., Marc J. Y. et Sartre M., op. cit., p. 8.
  • 8 Orgeolet R. et Pomadère M., « La nature des premiers États en Crète : réactions à l’historiographie (...)

4Toutefois, cet emballement archéologique a eu pour conséquence un relatif abandon des recherches dans et sur les villes, dont rares sont celles qui ont été fouillées de façon extensive hors du secteur du palais. La ville, considérée pour elle-même et comme un « phénomène total7 », n’a en effet pas été constituée en objet d’étude de premier plan en protohistoire égéenne. Cette approche globale, que l’on défendra ici, a en outre été victime de la focalisation de l’historiographie de la dernière décennie sur les facteurs symboliques et religieux dans l’analyse de la civilisation minoenne, au détriment des mécanismes économiques et politiques, ce qui a entraîné une nouvelle lecture de la ville8.

5Poser la question de la « forme de la ville » minoenne implique donc en premier lieu de reconsidérer les formes et les fonctions successivement attribuées à la ville minoenne dans l’historiographie contemporaine : centre administratif et politique palatial, arène de la compétition sociale entre les élites locales, lieu dédié aux rituels religieux et sociaux. Il s’agit ici, dans le cadre d’un travail historiographique plus large, de critiquer ces approches souvent trop exclusives les unes des autres pour tenter d’envisager les villes minoennes dans la pluralité de leurs manifestations, du moins telles qu’elles se donnent à voir dans la documentation archéologique, épigraphique et iconographique.

Que savons-nous des villes minoennes ? L’exemple crétois et la cousine Akrotiri

  • 9 On utilisera dorénavant dans le texte les abréviations suivantes : BM pour Bronze Moyen (vers 2100 (...)
  • 10 Waterhouse H., « The Knossos “Town Mosaic” Reconsidered », Cretan Studies, no 4, 1994, p. 165-174.
  • 11 En dernier lieu, voir Poursat J.-C., L’Art égéen. I. Grèce, Cyclades, Crète jusqu’au milieu du IIe(...)
  • 12 L’identification du complexe architectural représenté comme une ville ou un palais est discutée, H (...)
  • 13 Marinatos S. et Himer M., Kreta und das mykenische Hellas, Munich, Hirmer Verlag, 1959, pl. 174.
  • 14 Palyvou C., Akrotiri Thera: An Architecture of Affluence 3500 Years Old, Philadelphie, Instap Acade (...)
  • 15 La rareté des images de villes dans le répertoire iconographique grec d’époques archaïque et class (...)

6Les données archéologiques et iconographiques sur les villes datent surtout de la deuxième et, le plus souvent, dernière phase des palais minoens, au Bronze récent I (période néopalatiale, vers 1600-1450 avant notre ère)9 car les premières villes protopalatiales, détruites en grande partie à la fin du BM II, furent généralement recouvertes par de nouvelles constructions. La documentation iconographique n’est pas abondante, mais elle se manifeste sur des supports variés : les plaquettes en faïence formant la Mosaïque de la ville de Cnossos (datée du BM IIIA)10 ; les représentations peintes sur les fresques, et tout particulièrement la frise miniature dite de la « Parade navale » de la maison Ouest d’Akrotiri11 montrant cinq villes successives (voir pl. XXIII) ; quelques scènes gravées sur des sceaux, parfois uniquement conservées par une empreinte comme la « Master Impression » de La Canée12 (voir infra et fig. 2) ; le rhyton en argent de Mycènes, attribué à des artisans minoens, portant la scène d’une ville assiégée13. Ces représentations, moins rares qu’au Ier millénaire, témoignent d’une certaine homogénéité dans la forme de la ville minoenne, entendue à la fois dans sa forme réelle et dans la perception qu’en avaient les populations en Crète et à Akrotiri. Cette ville, qui est située sur l’île de Santorin, montre à côté de traits proprement cycladiques une forte influence crétoise14, même si chacune des deux entités géographiques et culturelles conserve ses caractères propres. Elles semblent ainsi traduire la formation d’un stéréotype iconographique de la ville dans la sphère culturelle minoenne à la période néopalatiale au moins. Cette disposition des artistes à reproduire des paysages urbains est en outre remarquable et assez originale, en comparaison avec ce que l’on observe dans d’autres cultures méditerranéennes antiques15.

Figure 2. Empreinte dite de la « Master Impression », La Canée (CMS VS I, 142. Dimensions : long. 2,75 cm, larg. 2 cm).

  • 16 Palyvou C., op. cit., p. 25.

7Sur le plan archéologique, Akrotiri constitue l’exemple de ville le mieux conservé, grâce aux cendres issues de l’éruption du volcan de Santorin qui ont recouvert et « scellé » le site dans une phase avancée du BR IA. Bien que situés hors de la Crète, ses restes ont ainsi souvent valeur de référence pour ceux qui s’intéressent aux villes minoennes (fig. 3). Les vestiges laissent penser que le voyageur arrivant sur l’île avant sa destruction devait avoir sous les yeux une ville comparable à celles qui furent représentées à l’époque, mais aussi, dans ses grands traits, aux habitats égéens actuels, soit une concentration dense de maisons cubiques, à étage(s), construites en terrasse sur une colline16. Toutefois, d’Akrotiri comme des villes crétoises, nous ne connaissons qu’une infime partie. Nous avons déjà mentionné les lacunes parfois énormes dans les plans urbains en raison du dégagement partiel de la plupart des agglomérations, et nous ne reviendrons pas sur un autre problème répandu en archéologie urbaine, celui de la ville-palimpseste : la confusion chronologique est grande entre les différents secteurs mis au jour, les plans publiés associant souvent des bâtiments ou des quartiers appartenant à des phases distinctes ou dont la contemporanéité peut être mise en doute.

  • 17 Rackham O. et Moody J., The Making of the Cretan Landscape, Manchester, Manchester University Press (...)

8Malgré ces lacunes et l’homogénéité ressortant des sources iconographiques, on peut distinguer plusieurs types d’agglomérations dans la Crète de l’âge du Bronze. C’est de la confrontation interne de ces différents types que l’on peut faire émerger une définition de l’urbanité spécifique à la civilisation minoenne. Nous pouvons nous appuyer sur les travaux de plusieurs auteurs qui ont déjà proposé un classement des agglomérations crétoises en trois ou quatre niveaux, dont les deux supérieurs sont qualifiés de villes17. Pour la Crète, on peut distinguer un premier niveau composé de grandes villes (plus de 20 hectares) caractérisées par une différenciation sociale lisible dans le bâti (Cnossos, Malia, Palaikastro). Il s’agit de villes que l’on peut qualifier de palatiales, bien qu’aucun palais n’ait encore été mis au jour à Palaikastro (fig. 4) : les vestiges urbains et le mobilier archéologique recueilli rendent tout à fait vraisemblable la présence d’un centre de pouvoir important dans cette ville. Viennent ensuite des villes secondaires (Zakros, Gournia, Mochlos), comprenant également pour certaines un palais, mais dont l’extension ne dépasse pas 10 hectares et dont la diversité sociale semble plus limitée.

  • 18 Les résultats de ces prospections ne sont pas encore publiés. Pour des rapports préliminaires, voi (...)
  • 19 Comme l’ont bien montré les récent colloques consacrés aux relations entre les hommes, les villes (...)
  • 20 Branigan K., Urbanism in the Aegean Bronze Age, op. cit. Malgré son titre et trois contributions su (...)

9La production scientifique actuelle sur la Crète minoenne est de plus en plus variée, à de nombreux égards. Par exemple, si les recherches dans les sites palatiaux se sont concentrées pendant longtemps sur les palais eux-mêmes (voir infra), les dernières années ont vu se multiplier des programmes aux ambitions territoriales plus vastes, avec notamment des prospections à Cnossos et à Malia, mais aussi plus récemment à Palaikastro18. Parallèlement, les fouilles de sites secondaires, qu’il serait trop fastidieux d’énumérer ici, se multiplient et contribuent à la consolidation de nos connaissances sur l’organisation sociale, politique et économique de l’habitat minoen. Par ailleurs, les études plus nombreuses consacrées à l’espace rural et à sa mise en valeur témoignent d’un regain d’intérêt significatif envers ces questions19. Néanmoins, si nous mettons de côté un volume consacré à l’urbanisme égéen20, rares sont les publications récentes qui envisagent la ville et ses fonctions autrement qu’au travers d’une grille de lecture essentiellement ritualiste et culturelle. La diffusion considérable de cette approche parmi les archéologues de l’âge du Bronze égéen nous semble appeler quelques nuances, avant que nous ne nous consacrions à l’examen des formes urbaines et à leurs caractéristiques matérielles.

Figure 3. Plan d’Akrotiri (d’après Wikipedia).

Figure 4. Plan de Palaikastro (d’après MacGillivray J. A., Driessen J. et Sackett L. H. [éd.], The Palaikastro Kouros: A Minoan Chryselephantine Statuette and its Aegean Bronze Age Context, Londres, British School at Athens, 2000, fig. I.I).

L’historiographie récente : la ville monumentum comme « arène » de rituels, ou le triomphe du discours officiel

  • 21 VanEffenterre H. et VanEffenterre M., Fouilles exécutées à Mallia. Le centre politique. I. L’agora (...)

10À l’exception peut-être des travaux d’un Henri Van Effenterre, qui lisait dans le plan de Malia les premières étapes de la naissance de la cité grecque21, une hypothèse que personne n’a reprise à son compte depuis, la question de la nature des villes minoennes est rarement abordée, si ce n’est au prisme du religieux.

11Depuis une dizaine d’années, ce phénomène s’est accentué et la littérature relative aux villes palatiales minoennes est désormais marquée par le retour en force de modèles où les aspects symboliques et rituels font figure d’éléments moteurs indépendants, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas envisagés comme les instruments d’un discours idéologique fabriqué par le groupe social dominant. Ces théories ont été élaborées parallèlement à une relecture de l’émergence de l’État, selon laquelle le facteur religieux est également considéré comme facteur principal du changement.

12Ces modèles font des sites palatiaux et donc des villes palatiales des centres mémoriels, voire cosmologiques, à dimension régionale pour les uns (Malia, Phaistos, Zakros), à l’échelle de l’île entière dans le cas de Cnossos. Ces villes auraient eu pour vocation d’accueillir les populations alentour venant régulièrement y réaffirmer leur identité, à l’occasion de pèlerinages mémoriels marqués notamment par l’organisation de cérémonies intégratrices (les feastings ou banquets rituels).

  • 22 Nous avons déjà abordé cet aspect dans Orgeolet R. et Pomadère M., op. cit., p. 27-42.

13À l’appui de ces théories, on trouve d’une part une lecture contestable et à tout le moins orientée d’une partie de la documentation archéologique (notamment les assemblages mobiliers interprétés comme les témoignages de cérémonies impliquant la consommation collective et rituelle de boissons22), d’autre part une interprétation certainement trop littérale des formes de la ville palatiale qui nous sont données à voir.

  • 23 Driessen J., « Daidalos’ Designs and Ariadne’s Threads: Minoan Towns as Places of Interaction », Ow (...)
  • 24 Evans A., The Palace of Minos, vol. II, 2, Londres, Macmillan, 1928, p. 577.
  • 25 Sur ces nuances, voir Darcque P. et Van de Moortel A., « Special, Ritual, or Cultic: A Case Study (...)

14Parmi les rares manifestations d’une relative monumentalisation dans l’urbanisme figurent des chaussées dallées. Il s’agit, le long de l’axe longitudinal de certaines rues ou au sein de places revêtues d’un pavage ordinaire et irrégulier, de la matérialisation d’un tracé que l’on a ainsi voulu distinguer du reste du réseau viaire, sous la forme de dalles surélevées et soigneusement disposées. Comme l’a rappelé Jan Driessen, cette particularité se retrouve dans la totalité des sites palatiaux, mais aussi dans certains sites non palatiaux, qu’ils soient considérés comme des centres urbains majeurs (Palaikastro) ou comme des sites secondaires (Nirou Chani par exemple)23. En contexte palatial, ces chaussées dallées ont été révélées à proximité des palais où du reste elles aboutissent. Depuis leur mise en évidence par Arthur Evans, qui les dénommait « Raised Causeways », leur interprétation religieuse24 n’a guère été questionnée et l’hypothèse de voies processionnelles est récemment revenue sur le devant de la scène. Elles ont ainsi été incorporées aux théories faisant des centres urbains et palatiaux des lieux cérémoniels, mémoriels et intégrateurs : elles seraient les « fils d’Ariane » indiquant aux pèlerins le chemin à suivre. À l’arrivée se trouve le palais, théâtre des cérémonies intégratrices. En renfort de cette interprétation, Driessen convoque la fresque miniature du Bois sacré (fig. 5), découverte au nord de la cour centrale du palais de Cnossos. Elle serait le témoignage de l’une de ces cérémonies organisées à proximité du palais, si l’on en juge par l’évocation des chaussées dallées visible sur cette image. Il n’est pas question ici de proposer pour ce document une autre interprétation que celle communément admise. Simplement, il conviendra de rappeler que, si la fresque représente bien une cérémonie, il sera toujours difficile d’en préciser la nature exacte et de distinguer entre ce qui pourrait relever de l’événement, de la réunion rituelle ou enfin du rassemblement religieux25. Enfin, la fonction de l’espace ouvert représenté sur ce document, parfois identifié à l’esplanade occidentale qui borde le palais, ne saurait se limiter à celle définie par l’image : cette dernière, rappelons-le, procède d’une commande dont les motivations dépassaient probablement le seul souci esthétique. En d’autres termes, elle ne nous indique que l’une des fonctions attachées à ce type d’espace ; les voies distinguées par des chaussées surélevées ont pu avoir une fonction rituelle et accueillir des processions. Néanmoins, cela ne suffit pas à réduire l’ensemble de la ville, pas plus que le palais du reste, à cette seule fonction symbolique.

Figure 5. Fresque miniature du « Bois sacré », palais de Cnossos (Dessin D. Riccardi-Percy, d’après Driessen J., dans Owen S. et Preston L. [dir.], Inside the City in the Greek World: Studies of Urbanism from the Bronze Age to the Hellenistic Period, Oxford, Oxbow Books, 2009, fig. 4.6).

  • 26 Vlachopoulos A., « L’espace rituel revisité : architecture et iconographie dans la Xestè 3 d’Akroti (...)

15Cette prédilection pour une interprétation religieuse de l’urbanisme touche également les villes non palatiales : c’est notamment le cas des places d’Akrotiri à Théra où Andreas Vlachopoulos restitue processions et cérémonies, mais aussi de très minoennes acrobaties taurines sur la foi d’un graffito au motif de toréador dans une cage d’escalier et de l’abondance de ce thème dans la glyptique minoenne, très présente à Santorin26. Plus particulièrement, il propose d’identifier la place dallée à l’est du grand édifice de la « Xestè 3 » comme le lieu de cérémonies sportives masculines, en s’appuyant sur le caractère supposément religieux (lieu de rites de passage à l’âge adulte) de ce bâtiment (fig. 3). Ce fragile échafaudage intellectuel repose sur un raisonnement circulaire (la place serait dédiée à des cérémonies parce que le bâtiment voisin l’est, ce qui reste à prouver) témoignant une nouvelle fois de l’attraction puissante exercée par la religion comme principal facteur d’explication de l’organisation humaine.

  • 27 Voir par exemple Platon N., « Περί το πρόβλημα των χώρων των μινωικών ταυρομαχιών », ΚΕΡΝΟΣ, Τιμητ (...)
  • 28 Driessen J., « The Central Court of the Palace at Knossos », Cadogan G., Hatzaki E. et Vasilakis A. (...)

16Il est bien sûr tout à fait envisageable, sinon hautement probable, que les espaces publics urbains du monde minoen aient servi de décor à des rassemblements réguliers et rituels, dont certains avaient une dimension religieuse27. Néanmoins, la ville palatiale minoenne est encore trop souvent considérée seulement comme une « arène sociale », pour reprendre un terme à la mode chez les auteurs dont il est question ici, un gigantesque décor dont la raison de vivre serait le palais, voire uniquement sa cour dévolue aux rituels, et lui-même décor à l’intérieur du décor28.

  • 29 Voir dernièrement Darcque P., Fotiadis M. et Polychronopoulou O. (dir.), Mythos. La préhistoire ég (...)
  • 30 Pour les époques classique et hellénistique, Prost F., « Les villes de la Grèce égéenne : mutation (...)

17Nous sommes là, semble-t-il, à la croisée de deux illusions documentaires qui s’additionnent. La première est archéologique : le principal espace fouillé dans la ville palatiale étant en général le palais lui-même ou une zone restreinte autour de celui-ci, l’empreinte qu’il laisse dans la forme urbaine que nous connaissons est nécessairement démesurée. La seconde illusion est iconographique et procède d’une lecture trop littérale des images, selon une habitude qui remonte là encore aux origines de la discipline. Evans concevait en effet le programme iconographique minoen comme un livre d’images dans lequel il suffisait de puiser pour accéder directement à la société minoenne et à son essence. C’est ainsi que, frappé par l’importance des motifs renvoyant à la nature (animaux comme végétaux), il avait restitué une Crète minoenne idyllique et largement idéalisée. Si, depuis une trentaine d’années, on est revenu sur bien des mythes élaborés par le fouilleur de Cnossos29, peut-être n’a-t-on pas suffisamment examiné les ressorts intellectuels à l’origine de ces constructions. Or, qu’il s’agisse de celles véhiculées par les sceaux ou de celles que présentent les peintures murales, les images, faut-il le rappeler ?, sont produites à la demande et à la destination des commanditaires. Si les commanditaires d’Akrotiri ne sont pas les mêmes que ceux des édifices plus étroitement liés aux palais en Crète, le programme iconographique de ces élites privilégie, comme souvent, « les fêtes religieuses ou les activités de plaisir et de loisir30 », et ce choix n’est pas anodin. Ces images ont été conçues pour délivrer un message et ne peuvent certainement pas être considérées comme des sources neutres. Singulièrement, l’iconographie égéenne et particulièrement l’iconographie minoenne sont réputées obéir à des codes difficiles à lire, mais cette question n’est le plus souvent posée qu’en termes de codes iconographiques dont le déchiffrement n’aurait pour but que d’éclairer le sens interne de ces images, lequel ne s’impose pas immédiatement. Celles-ci ne sont généralement pas questionnées en fonction de leur contexte : l’identité et les motivations des commanditaires et des premiers usagers, propriétaires de sceaux ou locataires des palais, ne sont pas suffisamment prises en compte.

  • 31 Hallager E., op. cit.
  • 32 Ibid.

18L’image connue sous l’appellation de « Master Impression » de La Canée, malgré sa très petite taille et sa lecture difficile puisqu’elle est le résultat de l’impression d’une bague-cachet sur un nodule d’argile brûlé dans un incendie (fig. 2), figure certainement parmi les plus célèbres des représentations de la ville du monde égéen protohistorique31. Or, à plusieurs égards, elle rend bien compte de cette « fabrique des images ». Certains éléments, comme la présence d’une muraille, n’ont le plus souvent pas été révélés par les fouilles (voir infra), tandis que l’ensemble témoigne d’un souci évident de mise en scène, la ville servant de décor destiné à mettre en valeur le personnage central. La posture comme les attributs de celui-ci ont conduit à s’interroger sur son essence, divine ou humaine32, la seule certitude portant sur le sentiment d’autorité qu’il dégage. Nous avons donc bien là la figuration d’un personnage extraordinaire qui utilise la ville comme arène de la mise en scène de son pouvoir, exactement selon les termes et le mode véhiculés par le discours archéologique actuel dominant. Or, s’il ne faut pas nier cette réalité, il ne faut pas pour autant laisser opérer sur nous le pouvoir de ces images, qui avaient justement pour objet la transmission d’une idéologie au service d’intérêts spécifiques. Les villes, comme les images, sont à cet égard également des objets de manipulation.

19Une assimilation trop littérale de ces images, qui ne tiendrait pas compte des conditions de leur élaboration, conduirait à négliger d’autres clefs de lecture telles que les problématiques sociales, économiques ou culturelles, pourtant inhérentes à l’histoire des villes, et en premier lieu la définition même de celles-ci.

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Définir la ville d’époque minoenne ?

  • 33 Childe proposait dix critères de l’urbanité, parmi lesquels la taille et la densité de population, (...)
  • 34 Prost F., op. cit., p. 237-238, s’appuyant sur une définition de nature géographique, voir Brunet R (...)
  • 35 En particulier la variété importante des activités artisanales concentrées dans les villes, voir i (...)
  • 36 Lafon X., Marc J.-Y. et Sartre M., op. cit., p. 30.

20À défaut de disposer de textes susceptibles de nous renseigner sur le développement d’une « culture urbaine » distinguant les Crétois des villes des populations rurales, nous sommes contraints de nous fonder sur quelques critères plus formels manipulés par les géographes, mais dont l’usage remonte aussi en partie à Childe33 et que l’on retrouve ensuite chez la plupart des historiens de la ville, même si ces derniers s’en méfient. Partant de la définition conventionnelle des géographes, « une agglomération d’immeubles qu’habite une population non engagée principalement dans la production de sa propre nourriture, et qui à ce titre, se distingue de la campagne34 », nous avons retenu trois critères de nature quantitative, sociologique et économique, qui nous semblent autoriser, d’une part, à qualifier de façon indubitable de véritables villes une partie des agglomérations connues pour la Crète dès le BM et apportent, d’autre part, un éclairage sur la nature de l’urbanisation pendant cette période. L’insuffisance de ce type de critère est aujourd’hui couramment admise et l’on se gardera d’en faire un modèle figé et immuable ; le fait urbain égéen a un caractère protéiforme, et la forme de la ville minoenne, comme celle de ses cousines égéennes, se décline au pluriel ; en outre, d’autres critères pourraient venir les compléter35. Il est toutefois vraisemblable qu’une partie au moins d’entre eux contribuait à la formation d’une « conscience de la différence entre la ville et la campagne36 » et permettent d’attester le fait urbain.

  • 37 Müller-Celka S., « Terroir et territoire à Malia à l’époque protopalatiale », Pomadère M. et Zurbac (...)

21 La concentration et la densité de population. La recherche s’est d’abord concentrée sur cette question démographique, particulièrement risquée pour la Crète de l’âge du Bronze et que l’on n’abordera qu’avec la plus grande prudence. Selon les auteurs, les estimations de densité urbaine varient considérablement pour la Crète de l’âge du Bronze, entre 150 et 450 individus par hectare, ce qui peut correspondre aux données extrêmes du peuplement du noyau central (jusque à 450 habitants par hectare proposés pour Malia et Cnossos) et celui de la périphérie (150 habitants par hectare)37. Les chiffres faramineux longtemps évoqués pour Cnossos (plus de 100 000 habitants !) ont néanmoins été ramenés à 20-25 000 habitants, ce qui représenterait également un maximum pour Malia (dans son extension maximale, au BM II). Il s’agit là d’une concentration de population remarquable.

  • 38 Les quelques puits répertoriés dans les villes minoennes datent presque tous de la fin de la pério (...)
  • 39 VanEffenterre H. et VanEffenterre M., op. cit., p. 23-47.

22 Aménagements d’un espace public. Les rues et les places des villes crétoises et d’Akrotiri sont soigneusement pavées, pourvues de trottoirs et de caniveaux pour l’évacuation de l’eau de pluie et/ou des eaux usées. En revanche, on trouve peu de grandes constructions utilitaires dans ces mêmes villes : des silos et greniers de contenance impressionnante ont été aménagés en secteur limitrophe des palais et de la ville, mais les puits et les citernes sont extrêmement rares38. Le seul bâtiment « public » récurrent et commun à plusieurs villes, et ainsi immédiatement identifiable, est le palais. Toutes les villes n’étaient cependant pas organisées autour d’un édifice palatial. La façade occidentale des trois palais de Cnossos, Phaistos et Malia était en outre bordée d’une grande esplanade pavée, comprenant dans deux cas une « aire de théâtre » formée de gradins en pierre, dont la fonction est inconnue, mais dans laquelle on restitue habituellement des cérémonies. Malia offre en outre un aménagement urbain exceptionnel, qualifié d’agora par son inventeur Van Effenterre, qui pourrait constituer un type d’aire « théâtrale » plus monumentale, du fait de ses dimensions (40 × 30 mètres) ; des gradins auraient été bâtis sur trois côtés, permettant à une assistance nombreuse de s’y rassembler39. Ailleurs, en dehors des places ou des esplanades occidentales des palais, on distingue peu d’espaces propices à des activités collectives.

  • 40 Il existe aussi des « villas » rurales qui constituent des centres de gestion locaux de l’économie (...)

23 Concentration du pouvoir politique et économique, avec le palais et d’autres bâtiments à caractère palatial témoignant de pratiques administratives (contrôle et centralisation de certaines productions agricoles, artisanales, textiles), dans des villes de premier ou de second rang. Ces fonctions économiques témoignent du contrôle d’un territoire et de son exploitation au profit d’une élite souvent urbaine40.

24En revanche, les fonctions religieuses ne semblent pas particulièrement concentrées dans les villes. Les sanctuaires principaux identifiés en Crète, en particulier pour le BM, sont des lieux de culte ruraux situés dans des sites naturels remarquables (sanctuaires de sommet, en zone montagneuse, ou grottes) à l’écart des villes. Il n’y a pas dans les villes minoennes de grands temples ou de secteur religieux séparé, comme dans les villes du Proche-Orient de la même époque. La ville minoenne ne concentrait donc pas toutes les fonctions religieuses, même si des lieux de culte s’y trouvaient aussi (des sanctuaires ont été mis au jour surtout à Malia), notamment dans les palais, avec certainement des lieux de rassemblement religieux importants, susceptibles d’accueillir une population venant du territoire environnant. On peut en outre supposer que l’autorité religieuse résidait en ville, peut-être dans le palais.

  • 41 Des vestiges de murs épais observés sur certains sites et datés du Protopalatial n’ont pour le mom (...)

25Hormis ces limites, l’aspect et les fonctions urbaines semblent distinguer nettement la ville de la campagne. L’habitat, formé principalement de maisons mitoyennes au sein d’îlots délimités par des rues ou des venelles, présente un aspect urbain bien marqué : ces bâtiments ont été conçus pour s’intégrer dans ce plan urbain. Pourtant, les frontières spatiales entre les deux territoires ne paraissent pas délimitées de façon claire : on ne connaît pas de murailles entourant ces villes41, ni de portes marquant le passage entre l’extérieur et l’intérieur et limitant ainsi leur accès, aux hommes comme aux bêtes. Les agglomérations d’Akrotiri et de Crète contrastent ainsi avec celles, de dimensions plus réduites, qui se développent dans certaines îles des Cyclades (Phylakopi à Mélos, Ayia Irini à Kéos) au début du BR ou, au cours du BR III, sur le continent (Mycènes, Tirynthe). Cela semble être le signe d’une certaine perméabilité entre ville et campagne et, comme on l’a souvent souligné, de l’absence de menace extérieure. Il est toutefois curieux que ces enceintes apparaissent sur les représentations figurées de villes, par exemple sur la « Master Impression » de La Canée (voir supra) : comme on l’a souligné plus haut, sur ce point, la forme iconographique de la ville ne semble pas correspondre à sa forme réelle, ou au moins à sa forme archéologique, y compris si l’on restitue une enceinte formée de maisons entrecoupées de portes monumentales.

L’organisation spatiale et fonctionnelle des villes

Organisation spontanée ou programmée ?

  • 42 Branigan K., « Minoan Settlements in East Crete », Ucko J., Tringham R. et Dimbleby G. W. (dir.), M (...)
  • 43 Warren P., « The Minoan Roads of Knossos », Evely D., Hughes-Brock E. et Momigliano N. (dir.), Knos (...)
  • 44 Branigan K., « Minoan Settlements in East Crete », art. cit., p. 754-755; Cunningham T., « Variatio (...)
  • 45 VanEffenterre H., op. cit., p. 265-279.
  • 46 Les trois bâtiments semblent réunis au cours du BR I, voir Pomadère M. et Gomrée T., « Building Pi (...)

26La question d’un parcellaire et d’un plan d’urbanisme a rarement été posée car la plupart des villes semblent disposer d’un plan non régulier, dans lequel l’aménagement résulterait davantage d’une adaptation aux conditions topographiques et à des axes de circulation naturels que d’une action publique et d’une planification concertée42. En effet, les villes d’époque palatiale ne sont pas des créations ex nihilo mais se développent à partir d’agglomérations du Bronze Ancien (« proto-urbaines ») qui pouvaient déjà couvrir une superficie notable (Malia). Toutefois, si l’on considère les « villes palatiales », il est peu vraisemblable que l’autorité locale ait laissé la ville se développer de façon autonome, en fonction d’initiatives uniquement privées à partir du BM. La qualité des rues et des espaces publics, leur orientation, laissent penser qu’une autorité, un programme public et planifié doivent être recherchés derrière ces aménagements, qui peuvent généralement être datés du début de la période protopalatiale43 : il s’agissait non seulement d’entretenir et d’améliorer le système de voirie et les espaces publics qui pouvaient parfois déjà exister, comme cela est généralement relevé44, mais aussi de hiérarchiser la voirie et, au-delà, de réorganiser les terrains urbains. La (re)construction d’un grand palais à Malia au BM II aurait ainsi modifié le schéma urbain dans le centre de la ville45. En outre, l’étude architecturale récente d’un quartier de Malia (secteur Pi) a fait apparaître une régularité remarquable dans la distribution des trois bâtiments contigus d’un îlot urbain, qui semble indiquer un parcellaire régulier au BM II46. À Palaikastro, Akrotiri comme à Zakros, des îlots de deux à quatre maisons (rassemblant plus rarement six édifices) ont été observés, de façon plus ou moins régulière. Le mode de répartition des terrains et leur gestion, tout comme la nature de la propriété des sols, nous échappent en revanche complètement du fait de l’absence de textes. L’organisation de ces îlots s’appuyait sur des axes de communication anciens, ce qui explique la diversité de leurs orientations. On peut cependant s’interroger sur l’éventualité d’une redistribution des terrains urbains qui aurait pu intervenir au cours du développement des villes, sous le contrôle d’une autorité locale alors suffisamment puissante et légitime. Une observation minutieuse de la stratigraphie urbaine et la poursuite d’opérations archéologiques dans les villes pourraient apporter une réponse partielle, du moins à la première partie de la question.

Zonation urbaine et sociologie

27Qui habite en ville ? Bien entendu, pas seulement l’élite, comme pourraient le laisser penser certaines publications, produit d’un cercle vicieux : les maisons les plus grandes et les plus « riches » sont favorisées lors de la fouille et de la publication par leurs inventeurs, elles occupent par la suite plus de place dans la littérature, et finissent par occulter presque complètement les autres bâtiments.

28En raison de nos connaissances archéologiques encore limitées, le modèle urbain qui a été le plus souvent dessiné est en partie fantasmé. Il a été d’abord développé par Arthur Evans pour la ville de Cnossos (voir pl. XXIV) selon un schéma tripartite aux forts accents de modernité : dans un rayon de 400 mètres autour du palais, il reconnaissait les maisons individuelles de bonne facture et, au-delà de ce périmètre concentrant l’élite sociale, une zone de maisons plus modestes. Le premier noyau constituait la « true Minoan “City” », ce dernier terme renvoyant bien sûr consciemment ou inconsciemment au quartier central de Londres ; la seconde ceinture s’apparentait à une sorte de banlieue. Le tout formant une ville tripartite et concentrique : le palais, le quartier central et monumental, et au-delà la « banlieue ».

  • 47 Par exemple Whitelaw T., « From Sites to Communities: Defining the Human Dimensions of Minoan Urba (...)
  • 48 Driessen J., « History and Hierarchy… », art. cit., p. 43.

29Aujourd’hui, que reste-t-il de ce schéma esquissé par Evans ? Si l’urbanisme cnossien semble bien correspondre à une zonation de ce type, les lacunes toujours énormes dans le plan de la ville invitent à la plus grande prudence sur le caractère définitif de ce schéma. Il est donc problématique qu’il ait été érigé en modèle et souvent repris dans les publications plus récentes47, certainement influencées par ailleurs par les théories de la sociologie urbaine des années 1930, maintenant l’idée d’une zonation des villes fondée sur la hiérarchie sociale, telle qu’elle semble apparaître aussi à Palaikastro. Toutefois, les exemples de Cnossos, Zakros ou de Malia mettent en doute l’existence d’un modèle unique48 : à Malia, à l’époque protopalatiale, les bâtiments monumentaux du quartier Mu voisinent avec des « maisons-ateliers » aux dimensions limitées (voir pl. XXIV). À Zakros, la même diversité architecturale a été mise en évidence. Ces exemples témoignent donc d’une certaine différenciation sociale au cœur même de la ville et de l’absence d’une zonation sociologique claire et organisée sur le modèle d’Evans.

La ville comme lieu de production : activités agricoles et artisanales dans les villes minoennes

  • 49 Kopaka K. et Platon L., « Ληνοί Μηνωικοι. Installations minoennes de traitement des produits liquid (...)
  • 50 Py M., Lattara, Lattes (Hérault). Comptoir gaulois méditerranéen entre Étrusques, Grecs et Romains,(...)

30Les maisons modestes sont largement dominantes dans les petites villes, mais leur nombre est certainement sous-estimé dans les villes palatiales connues. Plusieurs de ces maisons devaient être habitées par des paysans exploitant les terres alentour. C’est ce que laissent supposer certains aménagements découverts dans les maisons urbaines, qui montrent qu’une partie au moins de la population exploitait le terroir environnant : dans plusieurs villes (Zakros, Gournia, Palaikastro), des pressoirs à vin ou à huile ont été découverts dans de nombreuses maisons49. De ce point de vue, la différenciation fonctionnelle entre la ville et le monde rural n’était probablement pas aussi tranchée qu’on l’attendrait dans une ville « moderne », ou du moins selon l’acception moderne de la ville. On ne peut qu’être interpellé par la remarque de Michel Py à propos de la ville antique de Lattara (Lattes) : « Les agglomérations de ce temps fonctionn[aient] à la fois comme ville et campagne. » Cette idée, si elle doit encore être vérifiée par d’autres découvertes de structures de production vivrière dans les villes de Crète, mériterait toute l’attention des archéologues50.

  • 51 La spécialisation artisanale n’est pas déterminante pour distinguer la ville de la campagne, mais (...)
  • 52 Watrous L. V. et Heimroth A., « Household Industries of Late Minoan IB Gournia and the Socioeconomi (...)
  • 53 Platon L., « Ateliers palatiaux minoens : une nouvelle image », Bulletin de correspondance helléniq (...)
  • 54 Soles J. et Davaras C. (dir.), Mochlos IA. Period III, Neopalatial Settlement on the Coast: The Art (...)

31Les citadins investis dans l’exploitation des terres environnantes cohabitaient certainement avec des artisans spécialisés, dont la présence est bien établie dans plusieurs villes, palatiales et non palatiales51. Dès le BM II, la ville de Malia apparaît parsemée de petits ateliers de production d’artisanats spécialisés implantés dans des zones également résidentielles (quartier Mu, secteur Pi) (fig. 6). Les « maisons-ateliers » du quartier Mu seraient celles d’un fondeur, d’un graveur de sceaux et d’un potier. La même configuration apparaît dans la petite ville de Gournia pour le BR IA, où de petits ateliers de potiers, bronziers ou fabricants de vases en pierre ont été identifiés dans la plupart des secteurs fouillés, au sein d’îlots à dominante résidentielle, même s’ils semblent plus nombreux au nord du palais52. Toutefois, aucun des fours indispensables à la fabrication de la céramique et des objets de bronze n’a été mis au jour dans ces villes, où les secteurs artisanaux repérés ne concentraient qu’une partie des restes de fabrication (moules et outils du fondeur, tour de potier et moules pour la fabrication d’objets en terre cuite). Il n’est pas exclu que les fours se soient trouvés à proximité immédiate et n’aient pas été reconnus, dans un secteur non fouillé ou très arasé ; ou bien faudrait-il imaginer que les fours aient été implantés dans des secteurs séparés, selon une volonté consciente d’éloigner ces activités plus nuisibles et menaçantes (risque d’incendies) pour les habitants ? Une séparation spatiale entre les principales étapes de la fabrication céramique (le façonnage ou le tournage des objets en argile et leur cuisson) est, pour des raisons pratiques (transport des objets, risques accrus d’endommager les objets non cuits), difficilement envisageable, et l’hypothèse d’ateliers disséminés dans la ville semble mieux fondée. Des fours attribués à la production de métal, de poterie ou de chaux ont d’ailleurs été mis au jour dans le secteur central d’autres villes, voire à proximité immédiate ou dans le palais lui-même (Cnossos, Phaistos, Zakros)53. L’exemple de Mochlos pourrait néanmoins refléter un processus de différenciation spatiale de certaines fonctions artisanales, en particulier la fabrication de terres cuites et d’objets en bronze qui impliquent l’usage de fours : la ville de Mochlos connaît un développement important au BR I et s’étend vers le sud, dans une zone à laquelle l’île était alors reliée par un isthme étroit : quatre à cinq bâtiments auraient formé là un « quartier artisanal » (maisons-ateliers de potiers, métallurgistes ou producteurs de vases en pierre)54 ; d’autres lieux de production artisanale (mais pas de production céramique ou métallurgique) sont néanmoins attestés dans la zone d’habitat principal, sur l’île mais peut-être alors plutôt dans le cadre de l’autoconsommation. Là encore, on ne peut pas proposer un modèle unique de production (pour l’autoconsommation, rattaché à l’élite locale, au palais ou au marché) ou de zonation fonctionnelle, d’autant moins que l’on envisage ces questions sur une longue période, pendant laquelle l’organisation urbaine a évolué.

Figure 6. Secteur central de la ville de Malia.

32En outre, la majorité des villes connues par l’archéologie sont littorales et comprenaient un port, Cnossos et Phaistos constituant deux exceptions notables. Toutefois, l’organisation du secteur du port, les infrastructures éventuellement liées et la place de la pêche dans l’économie locale sont encore largement méconnues.

  • 55 Pour un marché artisanal sur une place de Gournia, voir Watrous L. V. et Heimroth A., art. cit., p (...)
  • 56 Nakassis D., Galaty M. L. et Parkinson W. A., « State and Society », Cline E. H. (dir.), The Oxford (...)
  • 57 Bosanquet R. C. et Dawkins R. M., « Excavations at Palaikastro II », Annual of the British School a (...)

33Enfin, on l’a vu, l’interprétation rituelle des espaces ouverts à caractère public domine la littérature archéologique. Mais, si processions et rites pouvaient se tenir sur les places reconnues, ces espaces pouvaient également être destinés aux échanges, puisqu’une partie au moins de la population des villes (les artisans spécialisés notamment) devait acquérir sa subsistance sur le marché, si l’on considère que sa nourriture n’était pas fournie dans sa totalité par ses commanditaires dans le cadre de rations alimentaires. Il est également parfaitement envisageable que ce marché ait été l’un des lieux, pour ces mêmes artisans, de la distribution de leur production55. Les chercheurs s’accordent aujourd’hui sur le fait que l’ensemble de l’économie et des échanges n’était pas administré par une autorité centrale56. Pourtant, la ville comme marché, lieu de circulation de biens, n’occupe qu’une place secondaire dans les publications, peut-être par crainte d’une approche jugée trop moderniste, mais surtout en raison de la « tendance ritualisante » soulignée précédemment. Si les publications les plus anciennes n’hésitaient pas à proposer d’identifier certains bâtiments largement ouverts sur la rue comme des boutiques (à Palaikastro surtout57), ce type d’hypothèse, fondé principalement sur la disposition architecturale des pièces et la présence de conteneurs de stockage, est aujourd’hui rare dans la littérature archéologique.

Conclusions

34L’historiographie des villes de l’âge du Bronze égéen est encore singulièrement limitée et partielle ; c’est une histoire qui reste en grande partie à écrire. Certains chapitres risquent de demeurer vides en raison d’une documentation trop lacunaire : on ne peut ainsi mesurer le degré d’urbanisation de la Crète au BM ou au BR, ni saisir les spécificités des sociabilités urbaines. Mais les données existent pour répondre à d’autres questions, à condition d’adopter une méthode historique suffisamment critique et libérée de modèles théoriques et idéologiques pesants. Il demeure ainsi nécessaire de rappeler que, en l’absence de textes déchiffrés, le corpus iconographique n’offre qu’une image déformée, encore insuffisamment critiquée pour le monde minoen. Miroir déformant, décor de théâtre, écran de projection : l’illusion du palais fait encore mouche aujourd’hui et a contaminé l’image de la ville qui l’accueille. Tout concourt à la distorsion : souvent seul élément connu de la ville ou peu s’en faut, le palais est en quelque sorte un trou noir de l’archéologie minoenne. Par ailleurs, la forme des villes palatiales, pour ce que l’on en connaît, est décodée de manière trop littérale, sans peut-être suffisamment de conscience des enjeux idéologiques qui ont donné naissance à sa représentation ancienne. Les palais en eux-mêmes, le réseau viaire – qu’il soit pourvu ou non de marques de distinction telles qu’un dallage rehaussé –, l’iconographie : tout cela procédait du discours idéologique et alimentait la manipulation politique. En d’autres termes, la forme que l’on reconnaît à la ville minoenne est bien souvent celle que les détenteurs et producteurs du discours officiel voulaient imprimer dans les consciences (il ne fait guère de doute en effet que les bâtisseurs des palais, les initiateurs de l’urbanisme et les commanditaires des images étaient les mêmes personnes).

35La religion ou la présence de palais ne suffisent pas comme ingrédients, et il faut autre chose pour « faire » une ville. À côté, sinon à l’intérieur même des villes formelles, façonnées par l’urbanisme du pouvoir, il existait une ville plus informelle, une population aux prises avec les nécessités du quotidien. Un retour aux données archéologiques est donc plus que jamais nécessaire, ainsi que le développement par les protohistoriens de réflexions et de problématiques, notamment économiques et sur la relation entre les villes et leur territoire, qui nourrissent plus amplement d’autres secteurs de l’histoire ancienne.

Note

1 Garmy P., Villes, réseaux et systèmes de villes. Contribution de l’archéologie, Paris/Arles, Errance, 2012, p. 19.

2 Ibid., p. 21; Osborne R., « Urban Sprawl: What is Urbanization and Why does it Matter? », Osborne R. et Cunliffe B. (dir.), Mediterranean Urbanization 800-600 B.C., Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 8.

3 Childe V. G., « The Urban Revolution », Town Planning Review, no 21, 1950, p. 3-17.

4 On doit ainsi contester l’idée selon laquelle la « révolution urbaine » ne daterait que du Ier millénaire, voir par exemple Lafon X., Marc J.-Y. et Sartre M., La Ville antique. Histoire de l’Europe urbaine (2003), I, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points Histoire », 2011, p. 19. Si les auteurs reviennent sur cette idée plus loin (p. 26-28), on peut s’étonner que les agglomérations crétoises soient totalement éludées au profit des cas cycladiques ou du continent mycénien, au caractère urbain moins affirmé.

5 Par exemple Boissinot P., L’Archéologie comme discipline, Paris, Éditions du Seuil, 2011, p. 11 ; voir aussi Stéphane Bourdin, ici même.

6 L’histoire et les pratiques de l’archéologie égéenne répondent sur ce plan au diagnostic dressé par I. Morris à propos d’une archéologie classique se consacrant essentiellement à l’étude des centres monumentaux et cérémoniels : Morris I., « Archaeologies of Greece », id. (dir.), Classical Greece: Ancient Histories and Modern Archaeologies, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 8-47.

7 Lafon X., Marc J. Y. et Sartre M., op. cit., p. 8.

8 Orgeolet R. et Pomadère M., « La nature des premiers États en Crète : réactions à l’historiographie récente », Garcia D. (dir), L’Âge du bronze en Méditerranée. Recherches récentes, Paris, Errance, coll. « Les Hespérides », 2011, p. 27-42.

9 On utilisera dorénavant dans le texte les abréviations suivantes : BM pour Bronze Moyen (vers 2100-1600 avant notre ère), BR pour Bronze Récent (vers 1600-1100 avant notre ère).

10 Waterhouse H., « The Knossos “Town Mosaic” Reconsidered », Cretan Studies, no 4, 1994, p. 165-174.

11 En dernier lieu, voir Poursat J.-C., L’Art égéen. I. Grèce, Cyclades, Crète jusqu’au milieu du IIe millénaire av. J-C., Paris, Picard, 2008, p. 182-183 ; des fresques miniatures décorées de paysages urbains, mais dans un état plus fragmentaire, sont attestées sur d’autres sites égéens pour le BR I, voir en particulier Abramowitz K., « Frescoes from Ayia Irini, Keos. Parts II-IV », Hesperia, n ° 49, 1980, p. 57-60, pl. 3.

12 L’identification du complexe architectural représenté comme une ville ou un palais est discutée, Hallager E., The Master Impression : A Clay Sealing from the Greek-Swedish Excavations at Kastelli, Khania, SIMA, 69, Göteborg, 1985.

13 Marinatos S. et Himer M., Kreta und das mykenische Hellas, Munich, Hirmer Verlag, 1959, pl. 174.

14 Palyvou C., Akrotiri Thera: An Architecture of Affluence 3500 Years Old, Philadelphie, Instap Academic Press, 2005, p. 17.

15 La rareté des images de villes dans le répertoire iconographique grec d’époques archaïque et classique a pu être associée à la lenteur de l’émergence d’une conscience du fait urbain au Ier millénaire, Lafon X., Marc J.-Y. et Sartre M., op. cit., p. 72, 97. L’association aussi directe de la figuration d’une réalité à sa conscience claire est cependant contestable : on ne peut interpréter un « vide » dans le corpus iconographique comme la preuve de son absence réelle, puisque l’iconographie résulte de choix conscients, liés à l’idéologie des commanditaires.

16 Palyvou C., op. cit., p. 25.

17 Rackham O. et Moody J., The Making of the Cretan Landscape, Manchester, Manchester University Press, 1996, p. 89; Branigan K., « Aspects of Minoan Urbanism », id. (dir.), Urbanism in the Aegean Bronze Age, Londres /New York, Sheffield Academic Press, 2001, p. 38-41; Driessen J., « History and Hierarchy: Preliminary Observations on the Settlement Pattern of Minoan Crete », Branigan K. (dir.), Urbanism in the Aegean Bronze Age, op. cit., p. 41-54.

18 Les résultats de ces prospections ne sont pas encore publiés. Pour des rapports préliminaires, voir Chronique des fouilles en ligne, [http://chronique.efa.gr/index.php/] et les rapports publiés annuellement pour Malia dans le Bulletin de correspondance hellénique.

19 Comme l’ont bien montré les récent colloques consacrés aux relations entre les hommes, les villes et l’environnement dans le monde égéen protohistorique : « Physis », 14e rencontre égéenne internationale, 11-14 décembre 2012, Paris, INHA, actes à paraître dans la série Aegaeum ; « La campagne dans la ville. Formes et fonctions des activités agropastorales dans la ville pré-classique », Marseille, Mucem, 16-17 octobre 2014, Actes à paraître chez Oxbow books.

20 Branigan K., Urbanism in the Aegean Bronze Age, op. cit. Malgré son titre et trois contributions sur la Crète, on ne trouve aucune étude générale d’urbanisme minoen dans Owen S. et Preston L. (dir.), Inside the City in the Greek World: Studies of Urbanism from the Bronze Age to the Hellenistic Period, Oxford, Oxbow Books, coll. « University of Cambridge Museum of Classical Archaeology Monographs », 1, 2009.

21 VanEffenterre H. et VanEffenterre M., Fouilles exécutées à Mallia. Le centre politique. I. L’agora (1960-1966), Paris, P. Geuthner, coll. « Études crétoises » XVII, 1969, p. x-xi ; VanEffenterre H., Le Palais de Mallia et la cité minoenne. Étude de synthèse, Rome, Edizioni dell’Ateneo, 1980.

22 Nous avons déjà abordé cet aspect dans Orgeolet R. et Pomadère M., op. cit., p. 27-42.

23 Driessen J., « Daidalos’ Designs and Ariadne’s Threads: Minoan Towns as Places of Interaction », Owen S. et Preston L., op. cit., p. 46-50.

24 Evans A., The Palace of Minos, vol. II, 2, Londres, Macmillan, 1928, p. 577.

25 Sur ces nuances, voir Darcque P. et Van de Moortel A., « Special, Ritual, or Cultic: A Case Study from Mallia », D’Agata A. L. et Van de Moortel A. (dir.), Archaeologies of Cult: Essays on Ritual and Cult in Crete in Honor of Geraldine C. Gesell, Princeton, The American School of Classical Studies at Athens, coll. « Hesperia Suppl. », 42, 2009, p. 31-41.

26 Vlachopoulos A., « L’espace rituel revisité : architecture et iconographie dans la Xestè 3 d’Akrotiri, Théra », Boehm I. et Müller-Celka S. (dir.), Espace civil, espace religieux en Égée durant la période mycénienne. Actes des journées d’archéologie et de philologie mycéniennes tenues à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux les 1er février 2006 et 1er mars 2007, Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, coll. « Travaux de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée », 54, 2010, p. 173-200.

27 Voir par exemple Platon N., « Περί το πρόβλημα των χώρων των μινωικών ταυρομαχιών », ΚΕΡΝΟΣ, Τιμητική Προσφόραστον κ. Γ. Μπακαλάκη, Thessalonique, Tsibanakès, 1972, p. 134-148 ; Vasteenhuyse K., « Minoan Courts and Ritual Competition », Driessen J., Schoep I. et Laffineur R. (dir.), Monuments of Minos : Rethinking the Minoan Palaces. Proceedings of the International Workships « Crete of the hundred Palaces? » held at the Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, 14-15 December 2001, Aegaeum, no 23, 2002, p. 235-246.

28 Driessen J., « The Central Court of the Palace at Knossos », Cadogan G., Hatzaki E. et Vasilakis A. (dir.), Knossos: Palace, City, State, Londres, British School at Athens, coll. « British School at Athens Studies », 12, 2004, p. 75-82 : il y présentait le palais comme un décor dont la seule raison d’être était la cour centrale, espace cérémoniel dévolu à des rassemblements intégrateurs rituel.

29 Voir dernièrement Darcque P., Fotiadis M. et Polychronopoulou O. (dir.), Mythos. La préhistoire égéenne du XIXe au XXIe siècle après J.-C. Actes de la table ronde internationale d’Athènes (21-23 novembre 2002), Athènes, École française d’Athènes, coll. « Bulletin de correspondance hellénique. Supplément », 46, 2006. Sur la question des Minoens et de la nature, voir notamment Starr C. G., « Minoan Flower Lovers », Hägg R. et Marinatos N. (dir.), The Minoan Thalassocracy : Myth and Reality. Proceedings of the Third International Symposium at the Swedish Institute in Athens, 31 May – 5 June, 1982, Göteborg, P. Åström, coll. « Skrifter/utgivna av Svenska institutet i Athen », 4°, 32, 1983, p. 9-12.

30 Pour les époques classique et hellénistique, Prost F., « Les villes de la Grèce égéenne : mutations économiques et sociales entre le IVe et le IIe siècle av. J.-C. », Brun P. (dir.), Économies et sociétés en Grèce classique et hellénistique. Actes du colloque de la Sophau, Bordeaux, 30-31 mars 2007, Pallas, no 74, 2007, p. 256.

31 Hallager E., op. cit.

32 Ibid.

33 Childe proposait dix critères de l’urbanité, parmi lesquels la taille et la densité de population, la présence de surplus agricoles, d’une architecture publique monumentale, d’un artisanat spécialisé, d’une administration et d’une écriture, d’un commerce extérieur régulier, Childe V. G., op. cit., p. 3-17.

34 Prost F., op. cit., p. 237-238, s’appuyant sur une définition de nature géographique, voir Brunet R., Ferras R. et Théry H., Les Mots de la géographie. Dictionnaire critique, Paris, La Documentation française, 1993.

35 En particulier la variété importante des activités artisanales concentrées dans les villes, voir infra, ou la localisation des tombes en périphérie de l’agglomération, une question non traitée dans le cadre de cet article en raison de l’insuffisance des données.

36 Lafon X., Marc J.-Y. et Sartre M., op. cit., p. 30.

37 Müller-Celka S., « Terroir et territoire à Malia à l’époque protopalatiale », Pomadère M. et Zurbach J. (dir.), « Journées maliotes. Malia, ville et territoire : organisation des espaces et exploitation des ressources, colloque organisé à l’École française d’Athènes les 2-3 novembre 2007 », Bulletin de correspondance hellénique, no 131.2, 2007, p. 856 ; Whitelaw T., « Estimating the Population of Neopalatial Cnossos », Cadogan G., Hatzaki E. et Vasilakis A., op. cit., p. 147-158.

38 Les quelques puits répertoriés dans les villes minoennes datent presque tous de la fin de la période néopalatiale, et aucun n’a par exemple encore été rapporté à Malia, Flood J. M., Water Management in Neopalatial Crete and the Development of the Mediterranean Climate, thèse de doctorat, University of North Carolina at Greensboro, 2012, non publiée. Une citerne du BM est connue à Gournia, Boyd-Hawes H., Gournia, Vasiliki and Other Prehistoric Sites on the Isthmus of Hierapetra, Philadelphie, The American Exploration Society, Free Museum of Science and Art, 1908, p. 26. La question de l’approvisionnement en eau de ces villes demeure ainsi discutée.

39 VanEffenterre H. et VanEffenterre M., op. cit., p. 23-47.

40 Il existe aussi des « villas » rurales qui constituent des centres de gestion locaux de l’économie agricole, voir Hägg R., The Function of the “Minoan Villa”. Proceedings of the Eighth International Symposium at the Swedish Institute at Athens, 6-8 June 1992, Stockholm, P. Atrsöms Verlag, 1997.

41 Des vestiges de murs épais observés sur certains sites et datés du Protopalatial n’ont pour le moment pas remis en question l’image plus générale de villes « ouvertes ». À Malia, Van Effenterre H., op. cit., p. 266 ; un mur doté de tours à Pétras, Tsipopoulou M. (dir.), Petras, Siteia. 25 Years of Excavation and Studies, Aarhus, coll. « Monographs of the Danish Institute at Athens », vol. 16, 2012, p. 55.

42 Branigan K., « Minoan Settlements in East Crete », Ucko J., Tringham R. et Dimbleby G. W. (dir.), Man, Settlement and Urbanism, Londres, The Garden City Press, 1972, p. 751-759.

43 Warren P., « The Minoan Roads of Knossos », Evely D., Hughes-Brock E. et Momigliano N. (dir.), Knossos: A Labyrinth of History, Papers presented in honour of Sinclair Hood, Londres, British School at Athens, 1994, p. 205; Van Effenterre H., op. cit., p. 267-268.

44 Branigan K., « Minoan Settlements in East Crete », art. cit., p. 754-755; Cunningham T., « Variations on a Theme: Divergence in Settlement Patterns and Spatial Organization in the Far East of Crete during the Proto-and Neopalatial Periods », Branigan K. (dir.), Urbanism in the Aegean Bronze Age, op. cit., p. 72-86.

45 VanEffenterre H., op. cit., p. 265-279.

46 Les trois bâtiments semblent réunis au cours du BR I, voir Pomadère M. et Gomrée T., « Building Pi and the Neopalatial Period at Malia », Actes du 11e Congrès crétologique international, à paraître.

47 Par exemple Whitelaw T., « From Sites to Communities: Defining the Human Dimensions of Minoan Urbanism », Branigan K. (dir.), Urbanism in the Aegean Bronze Age, op. cit., p. 15-37.

48 Driessen J., « History and Hierarchy… », art. cit., p. 43.

49 Kopaka K. et Platon L., « Ληνοί Μηνωικοι. Installations minoennes de traitement des produits liquides », Bulletin de correspondance hellénique, no 117, 1993, p. 91-92.

50 Py M., Lattara, Lattes (Hérault). Comptoir gaulois méditerranéen entre Étrusques, Grecs et Romains, Paris, Errance, 2009, p. 209.

51 La spécialisation artisanale n’est pas déterminante pour distinguer la ville de la campagne, mais la diversité de ces activités artisanales constitue en revanche l’un des critères de définition des villes.

52 Watrous L. V. et Heimroth A., « Household Industries of Late Minoan IB Gournia and the Socioeconomic Status of the Town », Glowacki K. T. et Vogeikoff-Brogan N. (dir.), STEΓA, The Archaeology of Houses and Households in Ancient Crete, Princeton, The American School of Classical Studies at Athens, coll. « Hesperia Supplement », 44, 2011, p. 204-206.

53 Platon L., « Ateliers palatiaux minoens : une nouvelle image », Bulletin de correspondance hellénique, no 117, 1993, p. 109-110, 119 ; La Rosa V., « Pour une révision préliminaire du second palais de Phaistos », Driessen J., Schoep I. et Laffineur R., Monuments of Minos : Rethinking the Minoan Palaces, op. cit., p. 75, 84-85 ; Levi D., Festòs e la civiltà minoica, II, Rome, Edizioni del Ateneo, 1976, p. 215-217, 318, 327.

54 Soles J. et Davaras C. (dir.), Mochlos IA. Period III, Neopalatial Settlement on the Coast: The Artisan’s Quarter and the Farmhouse at Chalinomouri, The Sites, Philadelphie, Instap, 2003.

55 Pour un marché artisanal sur une place de Gournia, voir Watrous L. V. et Heimroth A., art. cit., p. 206. L’inventeur du site considérait aussi la place au sud du palais comme la « market-place » de la ville, Boyd-Hawes H., op. cit., p. 25.

56 Nakassis D., Galaty M. L. et Parkinson W. A., « State and Society », Cline E. H. (dir.), The Oxford Handbook of the Bronze Age Aegean (ca. 3000-1000 BC), New York, Oxford University Press, 2010, p. 239-250.

57 Bosanquet R. C. et Dawkins R. M., « Excavations at Palaikastro II », Annual of the British School at Athens, no 9, 1902-1903, p. 278, 292 ; Branigan K., « Minoan Settlements in East Crete », art. cit., p. 757 ; une « boutique de négociant en armes et outils » en Zêta Gamma à Malia, Deshayes J. et Dessenne A., Fouilles exécutées à Mallia. Exploration des maisons et quartiers d’habitation (1948-1954), vol. 2, Paris, P. Geuthner, coll. « Études crétoises », 11, 1959, p. 38.

Indice delle illustrazioni

Legenda Figure 1. Carte de situation des villes citées dans le texte.
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Legenda Figure 2. Empreinte dite de la « Master Impression », La Canée (CMS VS I, 142. Dimensions : long. 2,75 cm, larg. 2 cm).
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Legenda Figure 3. Plan d’Akrotiri (d’après Wikipedia).
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Legenda Figure 4. Plan de Palaikastro (d’après MacGillivray J. A., Driessen J. et Sackett L. H. [éd.], The Palaikastro Kouros: A Minoan Chryselephantine Statuette and its Aegean Bronze Age Context, Londres, British School at Athens, 2000, fig. I.I).
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Legenda Figure 5. Fresque miniature du « Bois sacré », palais de Cnossos (Dessin D. Riccardi-Percy, d’après Driessen J., dans Owen S. et Preston L. [dir.], Inside the City in the Greek World: Studies of Urbanism from the Bronze Age to the Hellenistic Period, Oxford, Oxbow Books, 2009, fig. 4.6).
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Legenda Figure 6. Secteur central de la ville de Malia.
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Autori

Université de Picardie-Jules Verne, Amiens (France) – EA 4284 TrAme.

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