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La forme de la ville

 | 
Stéphane Bourdin
, 
Michel Paoli
, 
Anne Reltgen-Tallon

Premiere partie. Expressions identitaires

D’Orient en Occident. Remarques sur la morphologie urbaine des villes phéniciennes et puniques

Hédi Dridi

Texto completo

  • 1 Isserlin B. S. J., « Some Common Features in Phoenician/Punic Town Planning », Rivista di Studi Fen (...)

1Lorsqu’il s’agit d’enquêter sur les caractères spécifiques des villes phéniciennes et puniques, le passage suivant de Strabon est incontournable1 :

  • 2 Strabon, Géographie, III, 4, 2, Lasserre F. (trad.), Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection (...)

« La première ville de cette section du littoral est Malaca, à la même distance du mont Calpé que Gadeira […] Mænacé [Mαινάκη] est plus éloignée du mont Calpé, elle a été détruite de fond en comble et le peu de vestiges qui en ont subsisté sont ceux d’une ville grecque [τὰ δ’ἴχνη σώζουσα Ἑλληνικῆς πόλεως], tandis que Malaca [Μάλακα], beaucoup plus proche du mont Calpé, est phénicienne d’apparence [Φοινικικὴ τῷ σχήματι]2. »

  • 3 Strabon, qui écrivait au début de notre ère, ne s’est en effet jamais rendu en Espagne, mais Posido (...)
  • 4 Sur ces deux toponymes, voir Domínguez A. J., Hansen M. H. et Nielsen T. H. (dir.), An Inventory of (...)
  • 5 Bailly A., Le Grand Bailly. Dictionnaire Grec-Français, éd. revue par Séchan L. et Chantraine P., P (...)
  • 6 Comparer par exemple avec la définition donnée de la morphologie urbaine par Rémy Allain (Allain R. (...)

2Strabon, qui ne connaissait pas la péninsule Ibérique mais qui a certainement eu l’occasion de voir des cités phéniciennes à l’occasion de ses voyages, de même que sa source, probablement Posidonios de Rhodes qui, lui, a visité la Péninsule3, semblent affirmer à travers ce passage qu’un certain nombre de caractères morphologiques particuliers distinguaient les cités phéniciennes (ici l’actuelle Malaga par rapport à Mainakè, cité phocéenne d’identification non assurée4). Le substantif σχῆμα, qui renvoie au sens de « forme », d’« apparence extérieure » ou d’« allure générale5 », fait ainsi de Strabon un précurseur en matière d’approche morphologique des phénomènes urbains6.

  • 7 Yon M., art. cit., p. 365.

3Malheureusement, comme le regrettait Marguerite Yon, Strabon ne dit rien de ces caractères7. Mais ce silence, s’il nous prive de l’avis du géographe d’Amasée sur la question, offre en contrepartie une stimulante piste de réflexion sur les caractères morphologiques distinctifs d’une ville phénicienne et punique : quels aspects remarquables pouvaient inciter un observateur à qualifier une ville de « phénicienne » ?

  • 8 Isserlin B., art. cit., p. 144.

4Benedikt S. J. Isserlin, qui mena des fouilles sur le site de Motyè, fut, à notre connaissance, le premier chercheur à s’intéresser à cette question. Dans un article publié en 1973, il dresse le portrait d’une ville phénicienne et punique qui serait « sufficently sui generis to impress the traveller familiar with the normal lay-out of Greek cities as obeying different urbanistic canons8 ». Cette ville serait ainsi caractérisée par :

  • un mur d’enceinte relativement peu élevé muni de tours et de portes et couronné de merlons à sommet arrondi ;

  • derrière ce mur, un noyau urbain occupé par un quartier de maisons-tours, alors qu’ailleurs c’est l’habitat peu élevé qui prévaut ;

  • une voie principale qui mène de la porte principale à une agora bordée par au moins un temple important de style égyptisant (chapiteaux éoliques, corniches à gorge égyptienne) et éventuellement d’autres édifices publics ;

  • cette voie (ou une voie parallèle) se prolonge vers une acropole protégée par une enceinte intérieure, au-delà de laquelle se trouverait un temple ou deux ;

  • un port artificiel (cothon), situé à un endroit éventuellement peu éloigné de l’agora ;

    • 9 Ibid.

    enfin, un tophet, localisé en périphérie9.

  • 10 Ou, pour reprendre les mots de Michael R. G. Conzen, l’un des pères de la morphologie urbaine moder (...)

5Une quarantaine d’années après cette publication, cet ouvrage me donne l’occasion de rouvrir ce dossier. Il ne s’agira pas de faire une analyse critique de l’article d’Isserlin, mais seulement d’en discuter certains points. Je m’arrêterai sur deux aspects : la topographie des installations et la forme générale de ces cités, en particulier leur extension verticale comme manifestation des formes des constructions10.

Les paysages phéniciens : topographie des implantations

  • 11 « En cela, les Phéniciens recherchaient ce qu’ils quittaient, des îles comme celles d’Arwad ou de T (...)

6Le mimétisme des implantations coloniales phéniciennes a été relevé depuis plusieurs années11. Les paysages dans lesquels s’implantent les agglomérations phéniciennes de Méditerranée centrale et occidentale reproduisent à l’envi le modèle des cités-mères du Levant (fig. 1).

Figure 1. Carte de la Méditerranée (d’après Moscati S., Carthage. Art et civilisation, Milan, Jaca Book, 1983, p. 37).

  • 12 Ce modèle de la « ville-île » est attesté également ailleurs : Rashgoun, Mogador, Erytheia (Cadix). (...)
  • 13 Strabon, Géographie, XVI, 2, 23.
  • 14 Ibid., XVI, 2, 13.

7L’exemple de Motyè, dont la fondation remonte au VIIIe siècle avant notre ère, est éloquent (fig. 2). Avec sa superficie réduite et son urbanisation dense12, l’établissement est une réplique quasi parfaite des « villes-îles » comme Tyr13 ou Arwad14.

8Il en va de même pour les implantations établies sur des péninsules – Nora, Tharros notamment (fig. 3), mais aussi Carthage et d’autres –, qui pourraient évoquer le modèle sidonien de la « ville-péninsule ».

9Ces exemples ne doivent toutefois pas occulter d’autres choix d’implantations, motivés par des raisons commerciales (point d’échange, de rupture de charge) ou militaires :

  • à l’embouchure de fleuves (Utique, Palerme, Lixus, Almuñecar, Toscanos, etc.) ;

  • au fond d’un golfe (Santa Maria de Nabui, Cagliari, etc.) ;

  • à l’intérieur des terres, même si cela reste exceptionnel (Monte Sirai, Rabat-Mdina à Malte).

  • 15 Bondì S. F., art. cit., p. 311.
  • 16 Fantar M. H., Kerkouane, cité punique du cap Bon (Tunisie), t. I, Tunis, Institut national d’archéo (...)

10Cette diversité des lieux d’implantation, qui fait que le « paysage phénicien15 » est en réalité multiple, engendre de toute évidence des configurations topographiques tout aussi variées. Ainsi, un certain nombre de sites que nous venons de mentionner ne disposent pas d’un relief accentué qui pourrait faire office d’acropole : l’île d’Arwad ou celle de Tyr, considérée comme la métropole de Carthage, ne possèdent pas de relief remarquable. Il en va de même pour Motyè, à la pointe occidentale de la Sicile. Sur le continent, le cas de Kerkouane16, bâtie sur une plaine, atteste que la situation n’est pas propre aux îlots. De fait, dans ces villes, le centre religieux, résidence de la divinité poliade (comme le temple de Milqart à Tyr par exemple), ne pouvait pas dominer topographiquement le reste de l’agglomération. De telles villes présentent donc un aspect totalement différent de celui d’Athènes, par exemple, avec l’Acropole, ou de Rome avec le Capitole.

Figure 2. Carte de Motyè (d’après Isserlin B. S. J. et Du Plat Taylor J., Motya: A Phoenician and Carthaginian City in Sicily: A Report of the Excavations Undertaken During the Years 1961-65. I. Field Work and Excavation, Leyde, Brill, 1974, pl. II).

Figure 3. Carte de la zone archéologique de Tharros (d’après Moscati S., Carthage. Art et civilisation, Milan, Jaca Book, 1983, p. 47).

  • 17 « It would seem that in any case the acropolis as a constituent element of a city defences was stil (...)
  • 18 « Ces installations présentent une morphologie constante, à de rares exceptions près : le noyau cen (...)

11L’existence d’une éminence comme élément constitutif et essentiel de la ville phénicienne et punique semble pourtant avoir été admise sans discussion par les chercheurs modernes : comme nous l’avons vu plus haut, Benedikt Isserlin en a fait un élément caractéristique des villes phéniciennes17. Il a été suivi plus d’une décennie plus tard par Sandro F. Bondì18.

  • 19 Ibid., p. 324.

12Le cas de Carthage est à ce titre assez éloquent. Bondì semblait à tel point persuadé du caractère essentiel de l’acropole qu’il affirmait, après avoir constaté que la présence de tombes sur les pentes occidentales de la colline de Byrsa interdisait d’y voir une acropole « originelle », que, « néanmoins, la situation exacte de l’ancienne acropole carthaginoise rest[ait] encore à découvrir19 ». Mais les résultats des fouilles menées autour et sur la colline de Byrsa, d’une part, et ceux des fouilles allemandes sur la plaine littorale, d’autre part, laissent peu de chances à une telle éventualité.

  • 20 Lancel S., « Les fouilles de la mission archéologique française à Carthage et le problème de Byrsa  (...)
  • 21 La découverte en 1992 d’une tombe à puits datée de la seconde moitié du VIe siècle avant notre ère (...)
  • 22 Sur les fouilles françaises, voir Lancel S. et al., Byrsa I. Mission archéologique française à Cart (...)

13Au sujet de la colline de Byrsa, nous savons, en effet, depuis les fouilles de l’équipe française, que ce relief n’a été intégré que très tardivement à la ville, pour devenir la fameuse acropole des derniers temps de Carthage20. Le flanc méridional a servi de nécropole jusqu’au Ve siècle avant notre ère (et plus tard pour le flanc sud-ouest)21, avant de céder la place entre le Ve et le IIIe siècle avant notre ère à des ateliers métallurgiques qui furent ensuite chassés par l’urbanisation de la zone à la fin du IIIe siècle avant notre ère ou quelques décennies plus tôt22.

Figure 4. Carte du site de Carthage (d’après Lancel S., « Remarques sur la topographie urbaine de la Carthage punique », Les Villes d’Afrique du Nord. L’habitat rural. L’organisation administrative, Paris, CTHS, 1984, fig. 1, p. 37).

  • 23 Rakob F., « Zur Siedlungstopographie des punischen Karthago. Stratigraphische Untersuchungen an der (...)
  • 24 Sur ces fouilles, voir Rakob F. et al., Karthago. II. Die Deutschen Ausgrabungen in Karthago, Deuts (...)
  • 25 Sur ces fouilles, voir Niemeyer H. G., Docter R. F., Schmidt K. et Bechtold B., Karthago. Die Ergeb (...)
  • 26 Cintas P., « Un sanctuaire pré-carthaginois sur la grève de Salammbô », Revue tunisienne, 3e série, (...)

14La plaine littorale a en revanche livré des traces d’occupation assez anciennes, remontant au VIIe siècle avant notre ère au moins23. Les travaux des équipes de l’Institut archéologique allemand de Rome24 et de l’université de Hambourg25, de même que des recherches plus anciennes au tophet26, fournissent désormais des témoignages assez consistants permettant de soutenir l’idée que la colonie s’est développée durant six siècles sur une plaine circonscrite par le tophet au sud, par l’arc de collines de Byrsa, de Junon et de l’Odéon à l’est et par le plateau de Bordj-Djedid au nord (fig. 4). Ce n’est que dans les dernières décennies de la phase punique de la ville que la colline de Byrsa, intégrée au tissu urbain, assuma la fonction d’acropole.

15Plusieurs éléments pourraient expliquer les réticences des chercheurs à admettre que les villes phéniciennes et puniques, et en particulier Carthage, aient pu se développer sur un terrain plat.

16En premier lieu, les sources classiques, notamment celles qui ont relaté la destruction de la ville :

    • 27 L’œuvre de Justin (IIe siècle de notre ère), abrégé de l’Histoire universelle de Trogue Pompée, con (...)
    • 28 Rappelons qu’Appien d’Alexandrie, familier d’Hadrien, a vécu durant le IIe siècle de notre ère.

    alors que Justin, qui nous a transmis le récit le plus circonstancié de la fondation de Carthage, n’évoque pas d’acropole27, Appien, dans un rappel de la fondation de Carthage, fait de l’acropole le premier noyau d’habitation de la colonie phénicienne (Appien, VIII, 1, 428) ; il faut rappeler que celle-ci tient un rôle de premier plan dans son livre VII, celui qui relate la destruction de Carthage ;

    • 29 « Des Phéniciens également habitaient la Sicile : sur tout son pourtour, ils s’étaient ménagé, avec (...)

    Thucydide, dans son célèbre passage sur l’implantation des Grecs et des Phéniciens en Sicile, en indiquant que les Phéniciens se sont notamment installés sur des hauteurs dominant la mer (il précise pourtant qu’ils ont également occupé les îles côtières29), a sans doute contribué à conforter cette idée.

  • 30 Bondì S. F., « L’“alto luogo di Tanit” a Nora : un’ipotesi di rilettura », Egitto e Vicino Oriente,(...)

17Les sources bibliques, également. Sources incontournables pour l’archéologie de la côte syro-palestinienne, elles évoquent à plusieurs reprises les hauts lieux des Cananéens, les bamoth, comme éléments marquants du paysage urbain des villes levantines (Deutéronome, XII, 2-3 ; Lévitique, XXVI, 30, par exemple), encore que ces lieux se trouvent généralement en zone périurbaine. Les Phéniciens, en tant que Cananéens, ne pouvaient donc pas ne pas en être pourvus. C’est ainsi que l’on a baptisé une colline dominant le site de Nora, en Sardaigne, « L’Alto luogo di Tanit30 ».

  • 31 Voir Yon M., La Cité d’Ougarit sur le tell de Ras Shamra, Paris, Éditions Recherche sur les civilis (...)
  • 32 Yon M., Kition de Chypre, Paris, Éditions Recherche sur les civilisations, coll. « Guides archéolog (...)
  • 33 Ibid., p. 28. Kition, refondée au IXe siècle avant notre ère, fut la capitale d’un royaume phénicie (...)

18Il est donc probable que l’appareil interprétatif sous-jacent à ces conceptions soit le modèle urbain grec avec le couple acropole/agora (ou ville haute/ville basse). Mais pas uniquement, car l’acropole joue également un rôle important dans les modèles urbains de l’âge du Bronze levantin : il suffit de penser au site d’Ougarit, avec son acropole et sa, ou plutôt ses cités basses31. Quoi qu’il en soit, il serait imprudent d’appliquer le modèle grec ou le modèle levantin de l’âge du Bronze aux villes phéniciennes et puniques. C’est ce que rappelle Marguerite Yon en consacrant un chapitre de son guide sur Kition de Chypre à ce qu’elle appelle « un mythe qui a la vie dure : la pseudo-acropole de Bamboula32 ». L’auteur y souligne que sur ce site où les niveaux d’occupation ne dépassent pas les 5,50 m d’altitude, nous sommes « loin d’une “ville haute” au temps du royaume phénicien33 ».

19L’acropole ne semble donc pas constituer un élément caractéristique de la ville phénicienne et punique. De ce fait, Strabon ou sa source devaient se fonder sur d’autres éléments pour affirmer que Malaga était phénicienne.

Les formes des constructions

  • 34 Voir Jacoby R., « The Representation and Identification of Cities on Assyrian Reliefs », Israel Exp (...)

20La présence de constructions élevées et serrées semble en revanche constituer l’un des aspects les plus marquants de la morphologie des villes phéniciennes et puniques. Comme l’a déjà remarqué Isserlin, c’est même probablement le trait principal qui a permis à Strabon et/ou à ses sources de caractériser les villes phéniciennes. Du reste, bien avant Strabon, les artistes néo-assyriens qui célébraient les victoires de Sennachérib (704-681 avant notre ère) sur les reliefs du palais de Ninive prenaient soin de représenter de hautes constructions pour distinguer les villes de la côte phénicienne34.

  • 35 Appien, VIII, 128, Goukowski P. (trad.), Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des universi (...)

21On retrouve chez les auteurs anciens plusieurs allusions à l’élévation des maisons phéniciennes et puniques et à leur densité. Ainsi, relatant la tentative de coup d’État de Bomilcar à la fin du IVe siècle avant notre ère, Diodore de Sicile mentionne de hautes maisons autour de l’« agora » de Carthage (Diodore de Sicile, XX, 44, 4). Plus tard, et dans un contexte bien plus dramatique puisqu’il s’agit de la prise de Carthage par les armées de Scipion Émilien au printemps 146 avant notre ère, Appien décrit des « immeubles de six étages tassés les uns contre les autres35 » aux abords de l’acropole.

  • 36 Voir également Pomponius Mela, Géographie, II, 7, 103.

22Plus à l’ouest, Strabon rapporte que Cadix disposait également de constructions hautes (Strabon, II, 5, 14). En Orient, la population d’Arwad habitait dans des immeubles de plusieurs étages, nous dit le même Strabon (XVI, 2, 1336). Il en allait de même pour Tyr (Strabon, XVI, 2, 23) et pour la Sidon des temps homériques (Odyssée, XV, 432).

  • 37 Voir notamment le commentaire de Paul Goukowski et Serge Lancel, dans Appien, VIII, Paris, Les Bell (...)

23Cette forme de construction a pendant longtemps suscité le scepticisme des commentateurs. Les fouilles de l’équipe française, en démontrant que le « quartier Hannibal » mis au jour sur les pentes de la colline de Byrsa était composé d’unités d’habitation à étages, ont quelque peu atténué ce scepticisme, sans pour autant confirmer l’existence d’immeubles aussi élevés que ce qu’affirme Appien (six étages37).

24Faute de témoignages archéologiques probants, les techniques de construction traditionnelles peuvent nous fournir des éléments de comparaison utiles. Le cas des constructions yéménites, à base de moellons, de terre crue et de bois, paraît particulièrement approprié. En effet, la comparaison des vestiges du « quartier Hannibal » avec les immeubles actuels de la ville de Shibâm Hadhramawt, au Yémen, rendent concevable l’existence d’habitations relativement élevées, pouvant atteindre les six étages mentionnés par Appien (fig. 5). Les immeubles de Shibâm, construits dans un matériau bien moins solide que le mortier carthaginois, comportent des fenêtres aux étages ainsi que des ouvertures à chaque demi-étage. De l’extérieur, certains d’entre eux paraissent ainsi compter huit étages (fig. 6).

Figure 5. Vue du site de Shibâm, Hadhramawt, Yémen.

  • 38 Lancel S. et al., Byrsa II…, op. cit., p. 64-66.

25Par ailleurs, on relèvera que les immeubles yéménites sont munis à leur base d’empattements qui rappellent ceux qui ont été observés dans le « quartier Hannibal » sur la colline de Byrsa à Carthage. Leur fonction est triple : conférer une solidité accrue aux murs porteurs, prévenir l’érosion due aux eaux pluviales et protéger les murs des chocs provoqués par les charrois38.

26Enfin, la vue de la ville de Shibâm permet d’illustrer les remarques faites par Appien pour Carthage ou Strabon pour Arwad sur la densité des constructions dans les villes phéniciennes et puniques. Construction en hauteur et forte densité semblent intrinsèquement liées aussi bien à Shibâm qu’à Carthage et surtout à Arwad, Tyr ou Motyè, où les possibilités d’extension de la ville sont limitées. Si l’on y ajoute la présence d’enceintes (Motyè, Carthage, Kerkouane), ces traits morphologiques donnent une forme ramassée, compacte à la ville phénicienne et punique, ce qui contribue notablement à la distinguer et à lui donner un caractère particulier, « phénicien » pour reprendre le mot de Strabon. En tous les cas suffisamment singulier pour retenir l’attention des Anciens, d’Homère jusqu’à Appien.

Figure 6. Vue d’une structure d’habitat de Shibâm, Hadhramawt, Yémen.

La couleur de la ville

27Avant de conclure, je souhaiterais évoquer rapidement un aspect, lié davantage à l’apparence qu’à l’allure générale de la ville, mais qui joue, me semble-t-il, un rôle fondamental dans la perception que l’on peut avoir d’une ville. Il s’agit de la couleur de ses murs.

28Les techniques de construction phéniciennes et puniques emploient essentiellement des roches friables, des moellons lutés au mortier ou à la terre, ou encore des briques crues. Ces matériaux fragiles n’ont pas la résistance de la brique cuite ni celle du marbre massif et doivent par conséquent être systématiquement revêtus d’un enduit qui, d’une part, les protégera et, d’autre part, permettra de donner davantage d’uniformité à la construction en gommant les irrégularités de mise en œuvre.

  • 39 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XXXVI, 166, Bloch R. (trad.), Paris, Les Belles Lettres, coll. (...)
  • 40 Diodore de Sicile, XX, 8, 3, Geer R. M. (trad.), Cambridge (Mass.), Harvard University Press, coll. (...)
  • 41 Fantar M. H., Kerkouane, cité punique du Cap Bon, op. cit., p. 365-369.
  • 42 Rakob F., « La topografía de la ciudad púnica… », art. cit., p. 18-19.

29Si l’on met de côté le passage de Pline l’Ancien concernant l’usage d’enduits bitumineux par les Carthaginois39, la littérature classique semble indiquer que l’usage de revêtements à base de chaux était fréquent dans le monde punique. Relatant l’expédition d’Agathocle en Afrique (310-307 avant notre ère) et en particulier son débarquement au cap Bon, Diodore de Sicile décrit des maisons rurales couvertes de stuc40. Le matériel mis au jour à Kerkouane41, associé à celui qui provient de Carthage, en particulier les blocs de muraille enduits de blanc mis au jour par Friedrich Rakob sur le front de mer42, permettent de confirmer la large diffusion de cet usage.

  • 43 Nous avons en effet relevé différentes qualités d’enduits : certains sont enrichis de marbre pilé ( (...)

30Une ville dont pratiquement tous les murs sont recouverts d’un enduit plus ou moins soigné43, mais quasi uniformément blanc, devait à n’en point douter impressionner le visiteur.

Conclusion

31Au terme de cette réflexion liminaire sur la morphologie urbaine des villes phéniciennes et puniques, il faut rappeler que cette question peut être abordée à différentes échelles.

32Celle de Strabon était, me semble-t-il, macroscopique. Il s’agissait de s’interroger sur les caractères morphologiques « extérieurs » qui font qu’une ville peut être perçue comme phénicienne ou grecque par un observateur amené à embrasser du regard l’ensemble de l’agglomération. Nous avons cherché à démontrer que, contrairement à ce qu’estimaient Isserlin et Bondì, l’acropole ne pouvait pas être considérée comme un élément caractéristique de la morphologie des villes phéniciennes et puniques. L’extension verticale et la densité des constructions, en revanche, représentent de véritables caractères morphologiques. Associés à l’« allure chromatique », ils constituent à mon sens les véritables identificateurs des villes phéniciennes et puniques pour un observateur extérieur.

33L’approche « interne » (« microscopique » ?), celle qui fut me semble-t-il adoptée par Isserlin, suppose que l’observateur se trouve à l’intérieur de la ville afin d’en relever les éléments caractéristiques (voie principale, temples, cothon, tophet, etc.). Il serait également intéressant de revenir sur ce dossier.

Notas

1 Isserlin B. S. J., « Some Common Features in Phoenician/Punic Town Planning », Rivista di Studi Fenici, 1, 1973, p. 135-152, ici p. 135 ; Lancel S., « Vie des cités et urbanisme. Partim occident », Krings V. (dir.), La Civilisation phénicienne et punique. Manuel de recherche, Leyde, Brill, coll. « Handbuch der Orientalistik », 1995, p. 370-388, ici p. 370 ; Yon M., « Vie des cités et urbanisme. Partim orient », Krings V., op. cit., p. 362-369, ici p. 365.

2 Strabon, Géographie, III, 4, 2, Lasserre F. (trad.), Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 1966.

3 Strabon, qui écrivait au début de notre ère, ne s’est en effet jamais rendu en Espagne, mais Posidonios de Rhodes, sa principale source (qui vivait un siècle avant lui, 135-51 avant notre ère), s’y est non seulement rendu, mais a également visité d’autres régions marquées par la présence punique, comme l’Afrique du Nord et la Sicile.

4 Sur ces deux toponymes, voir Domínguez A. J., Hansen M. H. et Nielsen T. H. (dir.), An Inventory of Archaic and Classical Poleis : An Investigation Conducted by The Copenhagen Polis Centre for the Danish National Research Foundation, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 162 ; sur Malaga, voir en dernier lieu Martín Ruiz J. A., « El urbanismo en la colonia fenicia de Malaca », Byrsa. Arte, Cultura e Archeologia del Mediterraneo punico, no 17-18, 2010, p. 73-90.

5 Bailly A., Le Grand Bailly. Dictionnaire Grec-Français, éd. revue par Séchan L. et Chantraine P., Paris, Hachette, 2000, s. v.

6 Comparer par exemple avec la définition donnée de la morphologie urbaine par Rémy Allain (Allain R., Morphologie urbaine. Géographie, aménagement et architecture de la ville, Paris, Armand Colin, coll. « U Géographie », 2004, p. 5) ; voir également Barré A., Compte rendu de « Rémy Allain : Morphologie urbaine. Géographie, aménagement et architecture de la ville », Espace populations sociétés, 2004/3, p. 695-696, en ligne : [http://eps.revues.org/], ici p. 695.

7 Yon M., art. cit., p. 365.

8 Isserlin B., art. cit., p. 144.

9 Ibid.

10 Ou, pour reprendre les mots de Michael R. G. Conzen, l’un des pères de la morphologie urbaine moderne, les « pattern[s] of building forms » (Conzen M. R. G., Alnwick, Northumberland: A Study in Town-Plan Analysis, Londres, George Philip, coll. « Institute of British Geographers Publication », 27, 1960, p. 3). Voir également Allain R., op. cit., p. 5.

11 « En cela, les Phéniciens recherchaient ce qu’ils quittaient, des îles comme celles d’Arwad ou de Tyr » (Gras M., Rouillard P. et Teixidor J., L’Univers phénicien, Paris, Arthaud, 1989, p. 59). Sur la typologie des installations phéniciennes, voir également Isserlin B., art. cit., p. 137 ; Lancel S., art. cit., p. 370-376 ; Bondì S. F., « L’urbanisme et l’architecture », Moscati S. (dir.), Les Phéniciens, rééd. en format de poche du catalogue de l’exposition (Venise, Palazzo Grassi, 6 mars-6 novembre 1988), Paris, Stock, 1997, p. 311-348, ici p. 311.

12 Ce modèle de la « ville-île » est attesté également ailleurs : Rashgoun, Mogador, Erytheia (Cadix). Il n’exclut pas les implantations sur des îles plus grandes dont seule une partie est occupée : Malte, Sulcis, San Pietro, Ibiza, Cadix.

13 Strabon, Géographie, XVI, 2, 23.

14 Ibid., XVI, 2, 13.

15 Bondì S. F., art. cit., p. 311.

16 Fantar M. H., Kerkouane, cité punique du cap Bon (Tunisie), t. I, Tunis, Institut national d’archéologie et d’art, 1984 ; id., Kerkouane, cité punique au pays berbère de Tamezrat. VIe-IIIe siècle av. J.-C., t. I, Tunis, Alif et Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle, coll. « Patrimoine de la Méditerranée », 1998.

17 « It would seem that in any case the acropolis as a constituent element of a city defences was still in vogue among the Phoenicians… » (Isserlin B., art. cit., p. 144).

18 « Ces installations présentent une morphologie constante, à de rares exceptions près : le noyau central de l’habitat est constitué d’une acropole entourée de murs avec, tout autour, des quartiers résidentiels, des édifices cultuels, des locaux destinés aux activités commerciales et industrielles » (Bondì S. F., art. cit., p. 311).

19 Ibid., p. 324.

20 Lancel S., « Les fouilles de la mission archéologique française à Carthage et le problème de Byrsa », Lipinski E. (dir.), Studia Phoenicia. VI. Carthago. Actes du colloque de Bruxelles, 2-3 mai 1986, Louvain, Peeters, coll. « Orientalia Lovaniensia Analecta », 26, 1988, p. 61-89.

21 La découverte en 1992 d’une tombe à puits datée de la seconde moitié du VIe siècle avant notre ère sur l’esplanade sud de la colline confirme cette destination, qui ne se limitait donc pas uniquement aux flancs de la colline (Morel J.-P., Vie et mort dans la Carthage punique d’après les fouilles de Byrsa [VIIe-IIe siècle av. J.-C.]. Guide des salles puniques et de la galerie de Byrsa au musée de Carthage, Tunis, Institut français de coopération/musée de Carthage, 1999, p. 105-109 ; Ladjimi Sebaï L., Annabi C. et Roudesli-Chebbi S., Le Jeune Homme de Byrsa à Carthage, cat. exp. [Carthage, musée national, octobre 2010-mars 2011], Tunis, Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle, 2010, p. 19-21).

22 Sur les fouilles françaises, voir Lancel S. et al., Byrsa I. Mission archéologique française à Carthage. Rapports préliminaires des fouilles 1974-1976, Rome, École française de Rome, coll. « Collection de l’École française de Rome », 41, 1979 ; Lancel S. et al., Byrsa II. Mission archéologique française à Carthage. Rapports préliminaires sur les fouilles 1977-1978 : niveaux et vestiges puniques, Rome, École française de Rome, coll. « Collection de l’École française de Rome », 41, 1982.

23 Rakob F., « Zur Siedlungstopographie des punischen Karthago. Stratigraphische Untersuchungen an der punischen Seetor-strasse », Mitteilungen des Deutschen Archäologischen Institut Römische Abteilung, no 94, 1987, p. 333-349, pl. 146-149 ; id., « La Carthage archaïque », Carthage et son territoire dans l’Antiquité. Carthage romaine et vandale, le territoire de Carthage. Actes du IVe colloque international, réuni dans le cadre du 113e Congrès national des sociétés savantes (Strasbourg, 5-9 avril 1988), Paris, CTHS, coll. « Histoire et archéologie de l’Afrique du Nord », IV, t. I, 1990, p. 31-43 ; id., « La topografía de la ciudad púnica. Nuevas investigaciones », Vegas M. (dir.), Cartago feniciopúnica. La excavaciones alemanas en Cartago 1975-1997, Barcelone, Universidad Pompeu Fabra, coll. « Cuadernos de arqueología mediterránea », 4, 1998, p. 15-46.

24 Sur ces fouilles, voir Rakob F. et al., Karthago. II. Die Deutschen Ausgrabungen in Karthago, Deutsches Archäologisches Institut et Institut national d’archéologie et d’art (Tunisie) (éd.), Mayence, Philipp von Zabern, 1997.

25 Sur ces fouilles, voir Niemeyer H. G., Docter R. F., Schmidt K. et Bechtold B., Karthago. Die Ergebnisse der Hamburger Grabung unter den Decumanus Maximus, vol. I-II, Mayence, Philipp von Zabern, coll. « Hamburger Forschungen zur Archäologie », 2, 2007.

26 Cintas P., « Un sanctuaire pré-carthaginois sur la grève de Salammbô », Revue tunisienne, 3e série, no 1, 1948, p. 1-31.

27 L’œuvre de Justin (IIe siècle de notre ère), abrégé de l’Histoire universelle de Trogue Pompée, contemporain d’Auguste, est, faut-il le rappeler, tardive.

28 Rappelons qu’Appien d’Alexandrie, familier d’Hadrien, a vécu durant le IIe siècle de notre ère.

29 « Des Phéniciens également habitaient la Sicile : sur tout son pourtour, ils s’étaient ménagé, avec diverses hauteurs dominant la mer, les petites îles côtières, pour leur commerce avec les Sikèles » (Thucydide, VI, 2, 6, Bodin L. et de Romilly J. (trad.), Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 1963).

30 Bondì S. F., « L’“alto luogo di Tanit” a Nora : un’ipotesi di rilettura », Egitto e Vicino Oriente, no 3, 1980, p. 259-262.

31 Voir Yon M., La Cité d’Ougarit sur le tell de Ras Shamra, Paris, Éditions Recherche sur les civilisations, coll. « Guides archéologiques de l’Institut français d’archéologie du Proche-Orient », 2, 1997, et, récemment, Laroze E et Rieth P., « Le nouveau plan topographique du Tell de Ras Shamra », Calvet Y. et Yon M. (dir.), Ougarit. Au Bronze moyen et au Bronze récent. Actes du colloque international tenu à Lyon en novembre 2001, « Ougarit au IIe millénaire av. J.-C., état des recherches », en hommage à Gabriel Saadé, Lyon, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, coll. « Travaux de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée », 47, 2008, p. 27-36.

32 Yon M., Kition de Chypre, Paris, Éditions Recherche sur les civilisations, coll. « Guides archéologiques de l’Institut français du Proche-Orient », 4, 2006, p. 27-29. On soulignera que Marguerite Yon, qui a dirigé les missions archéologiques d’Ougarit et de Kition, possède une connaissance assez précise de la configuration des deux sites.

33 Ibid., p. 28. Kition, refondée au IXe siècle avant notre ère, fut la capitale d’un royaume phénicien qui persista jusqu’en 312 avant notre ère, date de la prise de la ville par Ptolémée Ier.

34 Voir Jacoby R., « The Representation and Identification of Cities on Assyrian Reliefs », Israel Exploration Journal, no 41, 1991, p. 112-131, ici p. 118-122.

35 Appien, VIII, 128, Goukowski P. (trad.), Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 2001.

36 Voir également Pomponius Mela, Géographie, II, 7, 103.

37 Voir notamment le commentaire de Paul Goukowski et Serge Lancel, dans Appien, VIII, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 2001, note 491, p. 214.

38 Lancel S. et al., Byrsa II…, op. cit., p. 64-66.

39 Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XXXVI, 166, Bloch R. (trad.), Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des universités de France », 1981.

40 Diodore de Sicile, XX, 8, 3, Geer R. M. (trad.), Cambridge (Mass.), Harvard University Press, coll. « The Loeb Classical Library », 1983.

41 Fantar M. H., Kerkouane, cité punique du Cap Bon, op. cit., p. 365-369.

42 Rakob F., « La topografía de la ciudad púnica… », art. cit., p. 18-19.

43 Nous avons en effet relevé différentes qualités d’enduits : certains sont enrichis de marbre pilé (Carthage, « quartier Magon »), alors que d’autres sont simplement obtenus par concassage de coquillages (Kerkouane).

Índice de ilustraciones

Leyenda Figure 1. Carte de la Méditerranée (d’après Moscati S., Carthage. Art et civilisation, Milan, Jaca Book, 1983, p. 37).
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Leyenda Figure 2. Carte de Motyè (d’après Isserlin B. S. J. et Du Plat Taylor J., Motya: A Phoenician and Carthaginian City in Sicily: A Report of the Excavations Undertaken During the Years 1961-65. I. Field Work and Excavation, Leyde, Brill, 1974, pl. II).
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Leyenda Figure 3. Carte de la zone archéologique de Tharros (d’après Moscati S., Carthage. Art et civilisation, Milan, Jaca Book, 1983, p. 47).
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Leyenda Figure 4. Carte du site de Carthage (d’après Lancel S., « Remarques sur la topographie urbaine de la Carthage punique », Les Villes d’Afrique du Nord. L’habitat rural. L’organisation administrative, Paris, CTHS, 1984, fig. 1, p. 37).
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Leyenda Figure 5. Vue du site de Shibâm, Hadhramawt, Yémen.
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Leyenda Figure 6. Vue d’une structure d’habitat de Shibâm, Hadhramawt, Yémen.
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Autor

Université de Neuchâtel (Suisse) – UMR 8167 Orient et Méditerranée.

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