URL originale : https://books.openedition.org/pur/9059

Conclusion
p. 179-181
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1L’étude de la carrière de Charles Daniélou a permis de mettre à jour des engagements et des actions méconnus ou ignorés. Ainsi, Charles Daniélou fut-il mêlé aux événements de son temps, et il est trop réducteur de limiter son évolution politique à un opportunisme de circonstance qui aurait été mené de main de maître durant trente-huit années de vie politique, à droite puis à gauche.
2La sincérité de son engagement conservateur est crédible. Ses fréquentations se situent toutes à droite pendant des années : François Coppée, Jules Lemaître, Gabriel Syveton, Maurice Barrès. Ses adhésions politiques aussi : la Ligue de la patrie française, l’Union régionaliste bretonne, l’Action libérale populaire. Son métier de journaliste à L’Écho de Paris, cet influent journal conservateur, renforce cela encore davantage. Comme le font d’ailleurs ses trois campagnes pour les législatives de 1910, 1914, 1919 et ses actions à la Chambre.
3La sincérité de son engagement à gauche à partir des années vingt n’est pourtant pas moins crédible. Le traumatisme de la guerre et la rencontre, déterminante, d’Aristide Briand, le firent évoluer vers le centre gauche. Il incarna alors l’élément modéré des gouvernements de Cartel et devint président de la Gauche radicale puis ministre à plusieurs reprises. Au centre gauche, il se voulait un réaliste en politique et rejetait les idéologies. Il refusa d’ailleurs l’adjonction du qualificatif de socialiste à son engagement radical. Sa vie, fut faite de rencontres et de diverses expériences qui firent évoluer sa pensée vers la recherche d’un réalisme politique qu’il jugea avoir trouvé auprès de Briand, au centre gauche.
4La carrière politique de Charles Daniélou fut exceptionnelle. Quel parcours hors du commun que celui de cet adolescent qui quitte sa famille et sa région en espérant réussir dans la littérature et qui se retrouve dans le Paris de la Belle Époque, et devient le protégé d’écrivains prestigieux et influents qui lui ouvrent les portes du métier des lettres et qui l’amènent à rompre avec la tradition familiale pour s’engager en politique, dans le camp conservateur. Quel parcours extraordinaire aussi que celui de cet homme qui rompt avec ses amis politiques, après la guerre et sa rencontre avec Briand, pour s’engager à gauche ce qui lui ouvre les portes des ministères et rend son itinéraire politique si brillant et atypique.
5Exceptionnelles et décisives, ses rencontres et ses amitiés : ami de François Coppée, de Jules Lemaître ou de Maurice Barrès, Charles Daniélou a côtoyé les personnalités influentes de son époque. Elles déterminèrent son premier engagement politique. Une autre rencontre changea sa vie : ami de Briand, Daniélou évolua vers la gauche et se vit offrir une belle opportunité : débuter une carrière ministérielle, la plus importante qu’ait eu un homme politique finistérien sous la Troisième république.
6Exceptionnelle encore, son évolution politique : rares sont en effet ceux qui longtemps engagés à droite évoluent vers la gauche. Et ils sont encore plus rares, une fois leur évolution accomplie, à accéder à des responsabilités importantes. Rejetés par leurs anciens amis, ils ne sont pas non plus acceptés par leur nouvelle famille politique. Charles Daniélou a bien réussi son changement de camp. Certainement grâce à l’amitié que lui portait Briand. Sans doute aussi, grâce à ses qualités personnelles et à son sens politique.
7Exceptionnelle surtout, sa carrière politique nationale : premier Finistérien à entrer au gouvernement depuis près de quarante ans, il fut le seul à y figurer entre les passages de Paul Rousseau, en 1885-1886 comme sous-secrétaire d’État à la Marine et aux colonies, et celui de Victor Le Gorgeu en 1933 au sous-secrétariat d’État à l’Éducation nationale, chargé de l’Éducation physique. Charles Daniélou fut cinq fois sous-secrétaire d’État, quatre fois ministre, passant ainsi vingt-quatre mois à la tête de différents ministères ce qui fait de lui le Finistérien ayant eu la plus importante longévité au gouvernement. Par ailleurs, seuls deux Finistériens ont eu rang de ministre sous la Troisième république :
8Adolphe Le Flô, ministre de la Guerre (1870-1871) et Charles Daniélou, ministre de la Marine marchande puis de la Santé publique. Daniélou apparaît bien comme un homme politique très en vue après la Première Guerre mondiale. Il fut pour le Finistère l’homme politique majeur, des années vingt au début des années trente et fut l’un des vingt-cinq Bretons appelés aux affaires sous la Troisième république. La présidence de l’influent groupe de la Gauche radicale fit de lui un homme incontournable lors des savantes combinaisons de formation de gouvernement. Son activité à la Chambre comme président de diverses commissions et comme rapporteur fut une constante de son activité parlementaire.
9Si la vie de Charles Daniélou fut marquée par une rupture primordiale, celle qui le fit passer de la droite à la gauche, il eut toute sa vie trois grandes passions : l’écriture, la Bretagne et Locronan, et la politique. Entre 1899, année de la parution de son premier ouvrage, et 1947 année de la publication du dernier, Charles Daniélou écrivit un nombre impressionnant de livres de genres différents : poésie, romans, politique, histoire, souvenirs.
10Les vingt-six ouvrages publiés montrent à eux seuls l’importance que revêtait l’écriture dans sa vie. L’attachement à la Bretagne, que l’on découvre dans ses premiers poèmes, fut aussi une constante. Au-delà de l’exclamation de cet amour profond dans l’écriture, il s’engagea dans le combat régionaliste afin de défendre sa petite patrie mais toujours dans le cadre de la grande. Malgré son évolution politique à gauche, il resta membre de la conservatrice URB comme pour bien signifier que cet engagement était pour lui plus important que les divisions partisanes et que seul importait l’intérêt de la Bretagne. Locronan fut aussi la passion d’une vie : maire pendant trente-deux ans, artisan du classement de la place et de nombreux édifices, initiateur de l’agrandissement de la commune, il fut le grand maire de ce début de siècle.
11« Il ne s’intéressait qu’à la politique1 » disait de son père, Jean Daniélou. Ce fut là, en effet, toute sa vie. Entamé très jeune, son parcours politique s’acheva très tôt : il avait cinquante-huit ans. Il avait bénéficié cependant d’assez de temps pour mener une importante carrière. Et longtemps encore après son échec aux législatives de 1936 et la guerre, Charles Daniélou demeura un spectateur toujours passionné et attentif de la vie politique.
Notes de bas de page
1 . Jean Daniélou, Et qui est mon prochain ?, op. cit., p. 33.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Charles Daniélou (1878-1953)
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Charles Daniélou (1878-1953)
Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.
Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org
Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.
Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.
La syntaxe de l’email est incorrecte.
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3